LE CADRE JURIDIQUE EN VIGUEUR

I. LES INFRACTIONS

Le choix ayant été fait de centrer le présent rapport sur les problèmes les plus fréquemment et les plus vivement ressentis par les élus locaux exposés au risque pénal, sont abordés ci-dessous les infractions non intentionnelles et, parmi les infractions intentionnelles, les manquements au devoir de probité tels que la prise illégale d'intérêts et le délit de favoritisme.

A. LES INFRACTIONS NON INTENTIONNELLES

Les conditions d'engagement de la responsabilité pénale en matière d'infraction non intentionnelle résultent de la loi du 10 juillet 2000, qui a modifié l'article 121-3 du code pénal afin de limiter la mise en cause des décideurs publics en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, sans construire pour autant un régime spécifique de responsabilité à leur intention. La réponse de la DACG au questionnaire transmis dans le cadre de la préparation du présent rapport rappelle que des dispositions spécifiques sont prévues s'agissant des élus locaux. Le code général des collectivités territoriales (CGCT) (article L.2123-34) dispose en effet que « sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 121-3 du code pénal, le maire ou un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ne peut être condamné sur le fondement du troisième alinéa de ce même article pour des faits non intentionnels commis dans l'exercice de ses fonctions que s'il est établi qu'il n'a pas accompli les diligences normales compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi lui confie ». Les mêmes dispositions sont applicables, selon l'article L.3123-28 du même code, au président du conseil départemental ou à un conseiller départemental le suppléant ou ayant reçu une délégation, ainsi qu'au président du conseil régional ou à un conseiller régional le suppléant ou ayant reçu une délégation en vertu de l'article L. 4135-28.

Il ne s'agit pour autant que de la transcription dans le CGCT des dispositions du troisième alinéa de l'article 121-3 du code pénal, à l'exception de la condition relative à la nature des fonctions. S'il y a spécificité, elle se réduit à cette absence, difficilement explicable, s'agissant d'élus bénévoles confrontés, comme on l'a vu ci-dessus, au défi d'une règlementation de plus en plus technique et foisonnante.

Sans doute le rappel explicite, dans les trois articles considérés du CGCT, de la nécessité de tenir compte de la nature des fonctions des élus mis en cause serait-il largement superfétatoire. Il pourrait cependant avoir le mérite d'affirmer encore plus nettement dans ce texte une spécificité qui doit jouer un rôle central dans la mise en oeuvre de la responsabilité pénale pour les infractions non intentionnelles.

Déjà la loi du 13 mai 1996 avait, dans le domaine des infractions non intentionnelles, subordonné la culpabilité à la nécessité d'établir que l'auteur des faits n'avait pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. Il s'agissait d'inciter les juridictions répressives à tenir plus largement compte des contingences propres à l'exercice des missions de service public en imposant aux juges une appréciation concrète de la faute non intentionnelle. La loi du 13 mai 1996 devait ainsi conduire à prendre en compte « les fonctions ou missions de la personne en cause et le pouvoir limité de celle-ci quant à la définition de ses moyens humains et matériels », note la DACG en réponse au questionnaire transmis dans le cadre de la préparation du présent rapport.

La vérification des diligences normales du mis en cause devait par conséquent favoriser l'abandon des mises en jeu quasi-automatiques de la responsabilité pénale des maires et autres responsables locaux pratiquées sous l'empire du droit précédemment en vigueur. Pour autant, toute faute involontaire pouvait être sanctionnée pénalement indépendamment de son degré de gravité. En outre, la responsabilité de l'auteur était indifférente au caractère direct ou indirect du lien reliant la faute au dommage.

La loi du 13 mai 1996 n'a cependant pas produit les effets attendus. Il n'est guère contesté que la jurisprudence n'a pas été profondément infléchie, mais la motivation des condamnations a été renouvelée...

En réaction, la loi du 10 juillet 2000, dite loi Fauchon, a introduit dans l'article 121-3 du code pénal une distinction entre la faute simple et la faute qualifiée, et a institué pour la faute qualifiée une corrélation entre le degré de gravité exigé pour donner lieu à sanction pénale et le caractère direct ou indirect de la causalité qui relie la faute au dommage.

L'article 121-3 précise depuis lors que sont auteurs indirects du dommage donnant lieu à poursuites les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter.

Le schéma dès lors en vigueur peut être résumé comme suit :

? Définie à l'alinéa 3 de l'article 121-3 du code pénal, la faute non intentionnelle simple englobe les fautes suivantes :

- la faute d'imprudence, qui s'analyse comme une imprévoyance de la part de son auteur sans intention de violer la loi pénale ;

- la faute de négligence, proche de l'imprudence, qui résulte d'une omission (à la différence de l'imprudence qui résultera d'une action), l'auteur n'ayant pas pris les précautions nécessaires par laisser-aller ;

- le manquement à une obligation de sécurité ou de prudence, qui est une faute d'imprudence ou de négligence commise en violation d'un règlement (l'imprudence ou la négligence simple pouvant exister en dehors de toute prescription légale ou règlementaire).

? Si le comportement de la personne physique auteur n'est pas la cause directe du dommage subi par la victime, l'article 121-3 exige la commission d'une faute qualifiée. Deux catégories de fautes qualifiées sont à distinguer :

- la faute délibérée de mise en danger délibérée d'autrui. Elle suppose de la part de l'auteur un comportement délibéré impliquant qu'il a eu conscience du danger résultant de son comportement.

- la faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité que l'auteur de la faute ne pouvait ignorer. Cette faute, analyse la DACG, comporte un aspect objectif en ce qu'elle s'inscrit dans une activité créatrice d'un danger grave pour autrui, et un aspect subjectif consistant dans le fait que l'agent ne pouvait ignorer ce danger.

En résumé, en cas de causalité directe une faute simple d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence et de sécurité prévue par la loi ou le règlement engage la responsabilité pénale de son auteur. En cas de causalité indirecte la faute doit présenter un certain degré de gravité : soit il s'agit d'une faute volontaire (violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité) en principe plus difficile à démontrer que la faute involontaire, soit il s'agit d'une faute involontaire mais grave, dans la mesure où elle exposait autrui à un risque d'une particulière gravité que son auteur ne pouvait ignorer.

L'assouplissement des conditions d'engagement de la responsabilité résultant, en cas de causalité indirecte, de la distinction entre la faute délibérée et la faute caractérisée ne bénéficie qu'aux personnes physiques : les personnes morales restent punissables pour faute simple en cas de causalité directe comme indirecte.

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