AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Les négociations relatives au prochain cadre financier pluriannuel de l'Union européenne sont appelées à définir la physionomie globale de l'Union européenne jusqu'en 2027. Dans le contexte du retrait imminent du Royaume-Uni, la définition du prochain cadre financier pluriannuel place l'Union européenne à un tournant : comment dimensionner un budget pertinent et consensuel pour 27 États membres ? Faut-il procéder à des réorientations budgétaires alors que la politique agricole commune et la politique de cohésion constituent historiquement les premières dépenses de l'Union européenne ? Les recettes du budget de l'Union européenne sont-elles à la hauteur des objectifs qu'elle défend ?

Dans cette perspective, j'ai décidé de réaliser une mission de contrôle budgétaire consacrée aux ambitions de l'Union européenne et de la France pour le prochain cadre financier pluriannuel, en application de l'article 57 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances. Si les orientations présentées par la Commission européenne le 2 mai 2018 ont constitué le fil directeur de mes travaux, les différentes auditions menées ont également permis de dresser un état des lieux plus large des administrations mobilisées sur ces enjeux.

Mes travaux se sont nourris de plusieurs auditions à Paris, mais aussi à Bruxelles, et ils ont permis de rencontrer des acteurs aussi bien institutionnels qu'associatifs. De plus, ils ont été enrichis par ma participation au groupe de suivi du Sénat sur la politique de cohésion régionale, établi en commun avec la commission des affaires européennes et la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, et qui s'est conclu par l'adoption d'une résolution européenne le 2 juillet 2018 1 ( * ) .

PREMIÈRE PARTIE - LES LEÇONS DU CADRE FINANCIER PLURIANNUEL 2014-2020

I. UN CADRE FINANCIER PLURIANNUEL INITIALEMENT ADOPTÉ AVEC DIFFICULTÉS, PUIS RÉVISÉ À MI-PARCOURS

En application de l'article 312 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), « le cadre financier pluriannuel vise à assurer l'évolution ordonnée des dépenses de l'Union dans la limite de ses ressources propres . [...] Le budget annuel de l'Union respecte le cadre financier pluriannuel ». Par conséquent, il définit une programmation financière en vue de donner une vision à long terme aux États membres et aux bénéficiaires potentiels des fonds européens et fixe des plafonds annuels maximaux de dépenses juridiquement contraignants.

Les plafonds de dépenses du cadre financier pluriannuel

Le cadre financier pluriannuel définit deux types de plafonds de dépenses :

- un plafond annuel pour chacune des six rubriques thématiques du budget, exprimé en crédits d'engagement ;

- un plafond annuel global pour les crédits d'engagement , correspondant à la somme des plafonds de toutes les rubriques, et un plafond annuel global pour les crédits de paiement , qui correspond au montant pouvant effectivement être décaissé au cours d'un exercice.

Source : Commission européenne

Le cadre financier pluriannuel (CFP) est adopté au terme d'une procédure législative spéciale, dérogatoire par rapport à la procédure législative ordinaire, définie à l'article 312 du TFUE. L'adoption du règlement fixant le CFP requiert l'unanimité au Conseil, après approbation du Parlement européen qui se prononce à la majorité de ses membres. Alors que, dans le cadre de la procédure budgétaire annuelle de l'Union européenne, le monopole de l'initiative appartient à la Commission européenne, celle-ci ne dispose pas d'un droit d'initiative formel sur le CFP. Toutefois, la Commission européenne assure le travail technique en amont, et formule des propositions.

L'actuel CFP est régi par le règlement du 2 décembre 2013 2 ( * ) qui couvre une période de sept ans, jusqu'au 31 décembre 2020. Il prévoyait initialement un plafond de dépenses de 960 milliards d'euros (constants 2011) en crédits d'engagement et de 908 milliards d'euros en crédits de paiement , soit 1 % du revenu national brut de l'Union européenne.

L'article 2 du règlement fixant le CFP 3 ( * ) innove en introduisant une révision à mi-parcours afin de permettre aux institutions, « y compris au Parlement européen élu en 2014, de réévaluer les priorités ». En effet, lors des négociations, le Parlement européen a accepté les montants validés par le Conseil européen, alors même qu'il revendiquait une hausse des crédits , en contrepartie de l'introduction de mécanismes de flexibilité entre les rubriques et de l'assurance d'une révision à mi-parcours. Par conséquent, la Commission européenne a présenté le 14 septembre 2014 une communication dédiée à la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel. Cette dernière visait à tenir compte du contexte économique dégradé par rapport à 2013 ainsi que des nouveaux besoins en termes de sécurité et de gestion des frontières extérieures, à la suite de la crise migratoire persistant depuis 2015, et des attaques terroristes dans plusieurs États membres. Après avoir obtenu l'approbation du Parlement européen, la révision à mi-parcours a fait l'objet d'un accord unanime du Conseil le 20 juin 2017 4 ( * ) .

Comme votre rapporteur spécial l'a souligné à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2018 5 ( * ) , cette révision a permis d'augmenter les crédits d'engagement disponibles de certains programmes à hauteur de 3,5 milliards d'euros . Toutefois, 900 millions d'euros sont issus de redéploiements de crédits. Les programmes bénéficiaires de cette augmentation de crédits sont les suivants :

- l' Initiative pour l'emploi des jeunes (+ 1,2 milliard d'euros entre 2017 et 2020) ;

- le « volet externe » de la réponse à la crise migratoire à travers la conclusion de partenariats avec les pays tiers , destinés à soutenir le développement local et à prévenir le départ de migrants économiques vers l'Europe et l'abondement du fonds européen de développement durable (+ 1,4 milliard d'euros ) ;

- divers programmes en faveur de la croissance tels que la prolongation du plan d'investissement « Juncker » (+ 150 millions d'euros), le mécanisme pour l'interconnexion en Europe ( MIE ) en faveur des transports (+ 300 millions d'euros), le programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 (+ 200 millions d'euros), le programme de soutien aux petites et moyennes entreprises COSME (+ 100 millions d'euros) ainsi que l' initiative WiFi4EU qui soutient la mise en place d'équipements wifi de pointe dans les espaces publics (+ 25 millions d'euros) ;

- le programme Erasmus+ permettant aux jeunes âgés de moins de 30 ans de séjourner à l'étranger pour suivre un enseignement ou une formation (+ 100 millions d'euros).

À l'automne dernier, votre rapporteur spécial avait déjà estimé que ces dépenses supplémentaires étaient relativement modestes puisqu'elles ne représentaient que 2,2 % de l'ensemble des crédits d'engagement prévus pour 2018 .

Programmation financière actualisée de l'Union européenne 2014-2020

(en prix courants, en milliards d'euros)

Source : Commission européenne


* 1 Résolution européenne pour une politique régionale européenne ambitieuse au service de la cohésion territoriale, devenue résolution du Sénat le 2 juillet 2018.

* 2 Règlement n° 1311/2013 du Conseil du 2 décembre 2013 fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020

* 3 Article 2 du règlement n° 1311/2013 : « avant la fin de 2016 au plus tard, la Commission présente un réexamen du fonctionnement du cadre financier, en tenant pleinement compte de la situation économique qui existera à ce moment-là ainsi que des projections macroéconomiques les plus récentes »

* 4 Règlement (UE, Euratom) 2017/1123 du Conseil du 20 juin 2017 modifiant le règlement (UE, Euratom) n° 1211/2013 fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020.

* 5 Rapport général n° 108 (2017-2018) de M. Patrice JOLY, fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 novembre 2017

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