C. LES INSUFFISANCES DU DISPOSITIF ADMINISTRATIF

Ainsi, s'agissant des avis de « non incompatibilité » assortis de réserves, beaucoup plus nombreux que les avis d'opposition, la commission de déontologie ne peut ni juridiquement ni pratiquement en vérifier le respect. Son président est formel, c'est à l'administration d'origine qu'il incombe de vérifier le respect des réserves émises par l'agent, voire en cas de manquements de prendre des sanctions disciplinaires : « la commission n'est pas armée pour faire ces contrôles et ce n'est pas sa mission ».

Une administration d'origine qui d'ailleurs se sent peu concernée par le problème.

Marylise Lebranchu estime à ce sujet qu'il y a des chefs de corps qui sont au fond peu concernés par la déontologie et que c'est la commission déontologique qui prend la décision. Elle précise qu'il faudrait rendre les chefs de corps responsables des décisions, y compris d'ailleurs pénalement responsables ; qu'ils aient un avis écrit, qu'il soit transmis à la Commission de déontologie.

Une autorité hiérarchique peu portée à informer le procureur au titre de l'article 40 du code de procédure pénale, des manquements aux règles applicables au passage au secteur privé. La « disponibilité pour convenance personnelle » est devenue un véritable « trou noir » dans le suivi des obligations déontologiques du fonctionnaire. Faute de connaître la réalité des fonctions exercées par l'agent lors de son passage dans le secteur privé, et faute d'avis rendu par la commission déontologique lors du retour de celui-ci, impossible de repérer les conflits d'intérêt potentiels et de prendre les sanctions permettant d'éviter les dérives.

La commission de déontologie, en effet, n'a pas non plus à rendre d'avis de compatibilité lorsque le fonctionnaire regagne son corps d'origine. C'est pourtant là, d'avantage que lors du départ vers le privé, que peuvent apparaître des situations de conflits d'intérêts, particulièrement si le fonctionnaire peut s'y retrouver en relation directe ou indirecte avec son ancien employeur.

Certes, comme l'a confirmé Jean-Louis Nadal, des procédures spécifiques ont été mises en oeuvre par la HATVP pour suivre les réserves émises dans le cadre de ses compétences propres, mais il est permis de douter que celle-ci ait les moyens de ce travail de suite.

Restent les sanctions disciplinaires qu'appellent les manquements des fonctionnaires à leurs l'obligation déontologiques mais encore faut-il qu'elles soient prises, ce qui, comme on l'a vu (Voir A IV.1) est loin d'être toujours le cas. Sanctions disciplinaires inapplicables si le fautif se trouve en disponibilité !

Faut-il après cela s'étonner de voir fleurir autant « d'affaires » et de l'effondrement de la côte de popularité des décideurs publics ?

Préconisation n° 15 : Attribution à la commission de déontologie de la fonction publique un rôle d'investigation des déclarations et du respect des réserves qu'elle émet.

Préconisation n° 16 : Revoir la composition de la commission afin de garantir que les membres communs à toutes ses formations ne soient pas tous issus des grands corps et que se présidence ne soit pas systématiquement confiée à un conseiller d'État.

Préconisation n° 17 : Assurer la publicité des décisions favorables de la commission de déontologie.

Préconisation n° 18 : Organiser un meilleur contrôle des réserves émises par l'administration d'origine et l'employeur privé du fonctionnaire en disponibilité.

Préconisation n° 19 : Responsabilité du chef de corps ou du directeur de l'administration d'origine sur le respect des réserves formulées par la commission de déontologie.

Préconisation n° 20 : Suivi annuel des réserves émises.

Préconisation n° 21 : Émission d'un avis lors du retour du fonctionnaire après examen des fonctions exercées dans le secteur privé.

Préconisation n° 22 : Envisager des sanctions disciplinaires spécifiques pour le fonctionnaire en disponibilité qui ne respecte pas les obligations déontologiques.

Préconisation n° 23 : Remédier au conflit de compétence entre la HATVP et la commission de déontologie en confiant à la Haute Autorité la compétence du contrôle des passages dans le privé de l'ensemble des personnes soumises à déclaration et relevant d'un des statuts de la fonction publique.

Préconisation n° 24 : Interdiction pour certains postes à responsabilité d'avoir travaillé pour le privé dans le secteur de compétence.

Préconisation n° 25 : Affectation des retours pendant une période de latence sur un emploi opérationnel prioritaire pour l'administration ou un poste d'inspection ou de contrôle.

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