B. POUR UN EXERCICE TERRITORIALISÉ DES COMPÉTENCES INTERCOMMUNALES

Si le territoire des EPCI à fiscalité propre correspondait à un périmètre idéal - recouvrant à la fois un bassin de vie et une zone d'emploi, notamment - et si ces établissements n'exerçaient que des compétences exigeant une appréhension d'ensemble de ce territoire - aménagement du territoire, développement économique, transports... - il n'y aurait pas lieu de s'interroger sur les moyens de « territorialiser » l'exercice des compétences intercommunales en le ramenant à des échelons plus bas.

Ce n'est pourtant pas le cas.

Premier constat : depuis la dernière révision de la carte intercommunale, de nombreux EPCI à fiscalité propre s'étendent sur un territoire multipolaire, comportant plusieurs bassins de vie, plusieurs aires urbaines, voire plusieurs zones d'emplo i. Ce n'est guère surprenant, puisqu'on compte désormais 1 263 EPCI à fiscalité propre (outre la métropole de Lyon) en France, contre 1 664 bassins de vie - les aires urbaines étant, pour leur part, au nombre de 763 et les zones d'emploi de 322. Les bassins de vie, au sens de l'INSEE, étant définis par l'accès aux services et équipements les plus courants, il y a quelque paradoxe à confier à des structures au périmètre bien plus étendu des compétences telles que l'aide sociale, la culture ou le sport.

Géographie intercommunale : l'exemple de la communauté d'agglomération Mont-Saint-Michel Normandie (Manche)

Le territoire de la communauté d'agglomération Mont-Saint-Michel Normandie, dans la Manche, s'étend sur pas moins de quatorze bassins de vie, dont sept sont inclus en totalité ou en majeure partie dans son périmètre . (Les pointillés, sur la carte ci-dessous, indiquent qu'un bassin de vie dont le centre se trouve au sein du territoire intercommunal s'étend en dehors de celui-ci, tandis que sont laissées en blanc les communes incluses dans un bassin de vie centré en-dehors de la communauté d'agglomération.)

Carte des bassins de vie

Le territoire de la communauté comprend, par ailleurs, six unités urbaines (en couleur ci-dessous) et cinq aires urbaines (cernées par un trait épais). Trois de ces aires urbaines ont un périmètre identique à celui de l'unité urbaine. Une unité urbaine ne constitue pas une aire urbaine au sens de l'INSEE, faute de réunir un nombre suffisant d'emplois.

Carte des unités urbaines et aires urbaines

Le périmètre de la communauté d'agglomération est plus adapté à la délimitation des zones d'emploi. La plus grande partie de son territoire est située au sein de la zone d'emploi d'Avranches , même si certaines communes sont dans le champ d'attraction d'autres villes, plus au Nord ou plus à l'Est.

Carte des zones d'emploi

N.B. Le tracé des limites territoriales des communes, sur les cartes ci-dessus, ne tient pas compte des fusions les plus récentes.

Source : commission des lois du Sénat

Or, et c'est le second constat, de nombreuses communautés sont aujourd'hui encombrées de compétences de proximité qu'elles n'ont pas les moyens d'exercer convenablement, au lieu de se concentrer sur leurs attributions stratégiques . Outre les compétences qui viennent d'être citées, on peut mentionner par exemple l'entretien de la voirie : s'il est normal que les EPCI à fiscalité propre soient chargés de la conception de l'offre de transports sur leur territoire, faut-il qu'ils s'occupent eux-mêmes de combler les nids de poule ? Faut-il qu'un agent de l'établissement, envoyé depuis la ville centre, aille fermer le robinet d'un réseau d'eau en cas de fuite, alors que les agents municipaux pourraient aussi bien le faire ? C'est donc au sein même des compétences intercommunales telles qu'elles sont définies par la loi qu'une délimitation plus fine mériterait d'être opérée entre ce qui relève du seul EPCI et ce qui pourrait sans dommage être délégué à un échelon plus proche du terrain.

En tant qu'établissements publics, les EPCI à fiscalité propre ont en principe l'obligation d'exercer les compétences qui leur sont confiées par leurs statuts, et aucune disposition légale de portée générale ne les habilite à déléguer celles-ci. En revanche, ils sont expressément autorisés par la loi à passer des conventions de prestation de service, parfois dites « conventions de gestion » , afin de confier à leurs communes membres (ou à toute autre collectivité territoriale ou tout autre établissement public) la création ou la gestion de certains équipements ou services relevant de leurs attributions. De telles conventions échappent à certaines conditions au droit des marchés publics. Elles sont fréquentes en pratique et introduisent une certaine souplesse dans l'exercice des compétences intercommunales. Encore faut-il que les communes prestataires aient une taille et des moyens suffisants. Certaines compétences ne peuvent d'ailleurs faire l'objet de conventions de ce type, comme le subventionnement des associations locales.

C'est pourquoi certaines intercommunalités ont entrepris de « déconcentrer » l'exercice de leurs compétences , en créant en leur sein des organes dont l'activité s'étend sur une fraction du territoire intercommunal. On a déjà évoqué les « pôles territoriaux » de la communauté d'agglomération Mont-Saint-Michel Normandie, qui sont des échelons de service et de débat. Les huit « conseils de territoire » de Carcassonne Agglo se sont, eux, vu attribuer chacun une « enveloppe de territoire » de 4 000 à 7 000 euros destinée aux subventions aux associations - mais ces conseils ont seulement, à proprement parler, le pouvoir de rendre des avis, le pouvoir de décision appartenant au conseil communautaire.

Une véritable déconcentration supposerait que de tels pôles territoriaux se voient attribuer un pouvoir décisionnel, par délégation du conseil communautaire . Ils resteraient cependant des organes de la communauté, dépourvus de la personnalité juridique 108 ( * ) , car il n'est pas question d'ajouter une couche au millefeuille territorial...

Proposition n° 27 : Autoriser les conseils communautaires à déléguer une partie de leurs compétences à des pôles territoriaux.


* 108 De même que les conseils de territoire de la métropole Aix-Marseille-Provence, dont la loi a fait les délégataires de certaines compétences métropolitaines (obligatoirement jusqu'en 2020, facultativement au-delà).

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