C. SURMONTER LES RÉTICENCES DE PRINCIPE SUR LA GESTION DES CRISES ?

Une autre difficulté majeure consistera à faire bouger les lignes en matière de modalités de gestion des crises au-delà de la seule avancée proposée visant à donner un caractère opérationnel à la réserve de 400 millions d'euros.

Formellement, la gestion de la Politique agricole commune continue, en effet, à pouvoir s'appuyer sur une gamme d'instruments d'intervention 23 ( * ) . Le cadre juridique a certes été préservé, mais la volonté d'agir pose question.

En effet, la Commission européenne se refuse désormais, par principe, sauf circonstance très exceptionnelle, à agir en prenant le risque de « perturber les signaux de marché ».

A priori , cet obstacle ne semble pas près d'être levé.

Lors de son audition du 5 décembre 2018 par les sénateurs du groupe de suivi sur la réforme de la PAC, M. Jean-Marie Seronie, consultant, a ainsi souligné que la crise du lait de 2014/2016 pourrait avoir marqué un moment clé dans l'approche de la Commission européenne.

En effet, il a fallu attendre plus de deux années après l'entrée en vigueur des mesures d'intervention pour que l'Union européenne parvienne à écouler la quasi-totalité des stocks de lait en poudre (170 000 tonnes) constitués au plus fort de la crise pour faire remonter les prix. Cette expérience peut expliquer les réticences de la DG AGRI à intervenir sur les marchés. D'une façon générale, l'idée même d'une régulation des marchés agricoles n'est sans doute plus d'actualité aux yeux de la Commission européenne , à rebours des options défendues traditionnellement par la France.

Ces réticences ne sont d'ailleurs pas limitées à la seule Commission européenne. Elles sont largement partagées par de nombreux États membres, à commencer par ceux du Nord de l'Europe.

D. AU-DELÀ DE LA SEULE DIMENSION BUDGÉTAIRE, COMMENT PESER PLUS FORTEMENT SUR LE CONTENU DE LA FUTURE PAC ?

La France gagnerait à ne pas se focaliser uniquement sur le niveau du budget 2021/2027 : en dernière analyse, la ressource financière n'est plus l'alpha et l'oméga de la Politique agricole commune.

Plus précisément, les pouvoirs publics français semblent, depuis 2008, avoir constamment eu pour priorité centrale, voire exclusive, de défendre le niveau du budget de la PAC. Nous ne pouvons aujourd'hui en rester à cette approche.

Pour le reste, la France a systématiquement demandé les périodes d'adaptation les plus longues possibles avant l'entrée en vigueur des mesures les plus sensibles comme, par exemple, la fin programmée des quotas laitiers ou sucriers. S'y sont ajoutées des revendications tendant à obtenir des dispositions dérogatoires les plus larges possibles, notamment en matière de couplage des aides. Sur ces différents points, notre pays a obtenu satisfaction.

Le revers de ces succès défensifs a pris la forme d'une moindre influence sur les autres aspects des réformes successives de la PAC.

Or nos principaux voisins et partenaires, à commencer par l'Allemagne et l'Espagne, ont manifestement su, mieux que la France, tirer profit des réformes successives de la PAC intervenues depuis 1992 24 ( * ) . Notre pays devrait pourtant parvenir, lui aussi, à mieux s'adapter et plus rapidement au nouveau contexte international et européen. La Politique agricole commune lui laisse, pour cela, certaines marges de manoeuvre qu'il devrait mieux exploiter.

Les deux résolutions précédentes du Sénat ainsi que la présente (et troisième) proposition de résolution européenne visent, précisément, à alimenter cet effort de réflexion.


* 23 Voir les pages 26, 27 et 30 à 33 du rapport d'information n°672 (2016-2017) PAC : traverser le cap dangereux de 2020 » Daniel Gremillet, Pascale Gruny, Claude Haut et Franck Montaugé.

* 24

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