AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Images caricaturales ou présence fantomatique, la représentation des outre-mer dans les médias audiovisuels, et tout spécialement les antennes publiques, ne connaît pas de justes termes. Les médias ne s'y intéressent que rarement, sauf sous l'angle du sensationnel ou des clichés de cartes postales. Ce traitement traduit, et à la fois nourrit, une connaissance médiocre de ces territoires par le grand public mais aussi par les élites ; de cette ignorance découlent l'indifférence et l'oubli... dès lors, comment enraciner la cohésion nationale ? En outre, cette méconnaissance aveugle notre pays qui, pourtant prompt à revendiquer sa vocation universaliste, ignore la richesse de sa propre diversité prodiguée par des territoires répartis dans les différents océans et, face aux enjeux de la mondialisation, laisse en jachère des potentiels inestimables.

En dehors d'une chaîne dédiée largement marginalisée et longtemps vouée à l'errance éditoriale, le service public de l'audiovisuel endosse une responsabilité majeure face à cette situation d'invisibilité de près de 5 % de la population française. Les annonces de l'été 2018 du Président de la République puis du Gouvernement, à l'issue des Assises des outre-mer, auront au moins eu le mérite de porter ce sujet sous les feux des projecteurs et de créer l'occasion d'une prise de conscience, espérons salvatrice plutôt que destructrice.

Mais encore faudrait-il que la réponse apportée n'aggrave pas en définitive la situation par une amélioration furtive qui ne serait en réalité qu'une rémission avant la coupure du signal : si l'anticipation des avancées technologiques et des modes de diffusion et de consommation de l'audiovisuel est une condition de survie dans un univers particulièrement évolutif, les mutations doivent s'opérer à un rythme maîtrisé et intégrer la dimension historique et les enjeux de cohésion nationale. À cet égard, concernant la représentation des outre-mer sur les ondes publiques, la logique de rentabilité semble malheureusement s'être imposée dans le débat en cours, remettant en question des promesses de campagne du candidat à la présidentielle faites en avril 2017 devant les associations ultramarines de l'hexagone en vertu desquelles il n'y aurait « pas de suppression de France Ô ». Comble du paradoxe, cette suppression, pudiquement renommée « transformation » par ses protagonistes, interviendrait au moment précis où la chaîne se met à consacrer aux outre-mer la majorité de son budget de production et tisse enfin des liens de bonne intelligence avec les neuf stations régionales La 1 ère pour une redynamisation du réseau.

Eu égard au choc créé par les annonces de l'exécutif à l'issue des Assises des outre-mer laissant présager la disparition de France Ô de la TNT et face au simulacre de concertation qui a suivi, suscitant une confusion génératrice d'angoisse mêlée d'espoir pour les personnels exposés et les publics ultramarins, la Délégation sénatoriale aux outre-mer s'est saisie du sujet en organisant des auditions dès le 5 juillet 2018. Ayant désigné comme rapporteurs Maurice Antiste, sénateur de la Martinique, et Jocelyne Guidez, sénatrice de l'Essonne, elle a décidé d'engager une étude afin de dresser un état des lieux permettant d'éclairer le débat, d'évaluer l'impact des annonces gouvernementales face aux enjeux de cohésion nationale et de formuler des orientations pour remédier enfin, de façon constructive, à l'invisibilité des outre-mer sur les ondes publiques.

Dans le cadre de ce travail, la délégation s'est mise à l'écoute de l'ensemble des acteurs au cours de près de 30 heures de réunion. Ont ainsi été entendues quelque 58 personnes à l'occasion d'auditions au Sénat, dont l'ensemble des directeurs des stations La 1 ère ainsi que les dirigeants et personnels du pôle outre-mer de France Télévisions lors de 2 déplacements effectués au siège historique à Malakoff. Au-delà des traditionnels questionnaires, les rapporteurs ont été attentifs aux nombreuses contributions qui leur ont été adressées. La délégation a en outre mené ses propres investigations statistiques dans les archives audiovisuelles de l'INA et est allée au-devant des téléspectateurs en leur soumettant une consultation en ligne qui a rencontré un réel succès en recueillant 5 819 réponses assorties de commentaires exprimant tout à la fois inquiétude, incompréhension et un fort attachement à la chaîne.

Ce travail méticuleux a permis une analyse fine de la situation relative à la représentation et la visibilité des outre-mer dans l'audiovisuel public. Il a fondé la préconisation d'une démarche raisonnée articulée autour d'une vingtaine de propositions indissociables entre elles car formant un schéma d'ensemble concluant :

- au caractère prématuré et dangereux de la disparition de France Ô de la TNT, chaîne dédiée dont la transformation en média global doit être engagée avec détermination et dont l'offre redynamisée doit compléter et non supplanter celle des autres canaux généralistes du service public,

- à la nécessité d'une visibilité effective, régulière et contrôlée sur les grandes chaînes nationales,

- à la pertinence du développement d'une offre numérique dédiée pour anticiper les évolutions technologiques et la mutation des modes de consommation,

- à l'impératif de poursuivre la consolidation du réseau des stations La 1 ère , figures de proue du service public audiovisuel dans les territoires.

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