III. LA PRISE EN CHARGE DES VICTIMES : POUR UN CHEMIN DE RÉSILIENCE

A. LA RECONNAISSANCE DES VICTIMES

Comme le rapporteur Marie Mercier le notait à juste titre dans son rapport de 2018, « les victimes d'infractions sexuelles apparaissent légitimement en quête de reconnaissance » 246 ( * ) . Elle ajoutait que « trop longtemps, la reconstruction de la victime a été associée à la seule réponse pénale jusqu'à en devenir une injonction. Or une victime peut se reconstruire même quand il ne peut pas y avoir de procès », que l'absence de procès résulte du décès de l'auteur, de l'application des règles de prescription ou du manque de preuve qui conduit à un classement sans suite sou à un non-lieu.

1. L'intérêt des mesures de justice restaurative

La mission rappelle l'intérêt des mesures de justice restaurative, qui ont reçu une consécration législative à l'occasion de la loi n°2014-896 du 15 août 2014, relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales, qui a introduit un nouvel article 10-1 dans le code de procédure pénale. Contrairement au procès pénal centré sur l'auteur, la justice restaurative vise à aider les victimes à devenir acteurs de leur propre reconstruction.

Constitue une mesure de justice restaurative toute mesure permettant à une victime ainsi qu'à l'auteur d'une infraction de participer activement à la résolution des difficultés résultant de l'infraction, et notamment à la réparation des préjudices de toute nature résultant de sa commission. La justice restaurative apporte ainsi un apaisement à la victime, grâce à la réparation des dommages et de la souffrance qu'elle a subie, mais aussi pour la société qui a été perturbée par la commission de l'infraction, enfin pour l'auteur qui joue un rôle actif dans la réparation due à la victime et dans sa propre réinsertion sociale.

La médiation restaurative constitue sans doute la mesure la plus emblématique des mesures de justice restaurative : dans une structure sécurisée et avec un tiers formé, elle consiste en la rencontre de la victime et de « l'infracteur » 247 ( * ) . Cette mesure vise principalement à amener « l'infracteur » à mesurer l'impact humai de son geste et à en assumer la responsabilité, tout en donnant l'occasion à la victime d'exprimer ses émotions, ses attentes et ses besoins.

Des mesures restauratives peuvent également être organisées hors la présence de « l'infracteur » : des cercles de discussion peuvent associer les proches des intéressés, des représentants associatifs, voire les enquêteurs, afin de permettre une reconnaissance des actes par la société. Des rencontres peuvent également être organisées entre des auteurs et des victimes qui ne sont pas concernés par la même affaire, afin qu'elles évoquent les répercussions que l'infraction a eues dans leurs vies respectives.

Ces cercles de discussion rappellent les groupes de paroles organisés depuis plusieurs décennies par l'association L'Ange Bleu de Latifa Bennari qui mettent en présence des victimes et des auteurs ou des pédophiles abstinents.

Les mesures restauratives peuvent intervenir après un procès, en complément d'une procédure judiciaire qui est allée à son terme. Elles peuvent aussi être proposées comme des alternatives aux poursuites (article 41-1 du code de procédure pénale), ce qui peut se révéler particulièrement indiqué lorsque l'enquête se dirige, faute de preuve, vers un non-lieu.

Proposition n° 32 : favoriser le recours aux mesures de justice restaurative, notamment pour les affaires dans lesquelles l'action publique est éteinte.

2. Les possibilités de réparation indemnitaire

La réparation des préjudices graves subis par les mineurs victimes d'infractions sexuelles peut également être envisagée par une action civile en réparation.

L'ensemble des préjudices, évalués au regard des conséquences des infractions sur la sphère psychologique, affective, sexuelle, alimentaire, familiale, sociale et professionnelle, sur la personnalité de la victime et au regard des conséquences médicales sont susceptibles de réparation.

L'action en réparation se prescrit par vingt ans à compter de la date de consolidation du dommage. La date de consolidation, c'est-à-dire la date à laquelle les dommages sont stabilisés, peut être largement postérieure à la date de commission des faits. Cette date est déterminée par le recours à une expertise.

Sans pouvoir déboucher sur une condamnation, l`action civile peut conduire à faire reconnaître la responsabilité de l'auteur et à le faire participer à la réparation des dommages causés. Symboliquement, elle peut donc représenter une forme de reconnaissance appréciable pour la victime, comme l'a bien compris l'Église catholique qui envisage de mettre en place un mécanisme d'indemnisation.

Les victimes d'une agression sexuelle ou d'une atteinte sexuelle peuvent en outre bénéficier de la procédure d'indemnisation spécifique prévue à l'article 706-3 du code de procédure pénale. Cet article garantit la réparation intégrale du dommage, via la saisine d'une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI). L'indemnisation est versée par le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme (FGTI).

Dans son rapport de 2018, le rapporteur Marie Mercier regrettait que le délai pour saisir la CIVI soit limité à trois ans à compter de la date de l'infraction, ce qui paraît fort court, et elle suggérait donc de porter ce délai à dix ans, soit le délai de droit commun en matière de responsabilité civile.


* 246 Op.cit. p.102.

* 247 Les acteurs de la justice restaurative privilégient le terme « infracteur » à celui d'auteur.

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