N° 556

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 juin 2019

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (1) sur le football féminin et la Coupe du monde de 2019 ,

Par Mmes Annick BILLON, Céline BOULAY-ESPÉRONNIER, Victoire JASMIN et Christine PRUNAUD,

Sénatrices

(1) Cette délégation est composée de : Mme Annick Billon, présidente ; M. Max Brisson, Mmes Laurence Cohen, Laure Darcos, Joëlle Garriaud-Maylam, Françoise Laborde, M. Marc Laménie, Mme Claudine Lepage, M. Claude Malhuret, Mmes Noëlle Rauscent, Laurence Rossignol, vice-présidents ; Mmes Maryvonne Blondin, Marta de Cidrac, Nassimah Dindar, secrétaires ; M. Guillaume Arnell, Mmes Anne-Marie Bertrand, Christine Bonfanti-Dossat, Céline Boulay-Espéronnier, Marie-Thérèse Bruguière, Françoise Cartron, MM. Guillaume Chevrollier, Roland Courteau, Mmes Chantal Deseyne, Nicole Duranton, Jacqueline Eustache-Brinio, Martine Filleul, M. Loïc Hervé, Mmes Victoire Jasmin, Claudine Kauffmann, Valérie Létard, Viviane Malet, Michelle Meunier, Marie-Pierre Monier, Christine Prunaud, Frédérique Puissat, Dominique Vérien.

AVANT-PROPOS

Dès la fin de la session 2017-2018, la délégation a décidé, à l'unanimité, d'inscrire à son programme de travail, pour 2018-2019, une réflexion sur la place des femmes dans le football.

Elle a souhaité saisir l'occasion de la Coupe du monde féminine, que notre pays accueille pour la première fois en 2019 , pour mettre en valeur les footballeuses et montrer que les femmes peuvent aujourd'hui s'engager dans tous les domaines , même dans ceux que l'on pourrait spontanément, encore maintenant, considérer comme masculins, dont le football fait partie.

Comme le faisait observer Annick Billon, co-rapporteure et présidente de la délégation, lors de l'audition de Roxana Maracineanu, ministre des Sports, le 13 décembre 2018 : « Nous avons pensé que cette thématique s'inscrivait dans le cadre général de l'égalité entre femmes et hommes et illustrait notre souci constant de promouvoir une meilleure visibilité des femmes, quel que soit le domaine où elles exercent leur talent ».

Dans cet esprit, ce rapport évoque à certains égards d'autres travaux de la délégation, comme par exemple ceux qu'elle a consacrés aux femmes militaires en 2015 1 ( * ) puis aux agricultrices en 2017 2 ( * ) .

La délégation a eu à coeur, en définissant le périmètre de ce rapport, de ne pas limiter sa réflexion à la pratique de haut niveau . Elle a tenu à envisager tous les aspects d'un sport qui, dans un registre amateur , doit concerner tous nos territoires et intéresser de très nombreuses femmes.

En effet, la délégation est convaincue que les valeurs très positives véhiculées par le sport (et par le football en particulier) - effort, dépassement de soi, engagement collectif, solidarité, respect des règles et de l'adversaire... - sans oublier son importance sur le plan de la santé et du bien-être , ne doivent pas exclure les femmes , quel que soit leur âge et quel que soit le territoire où elles vivent.

Ces valeurs, dont la portée éducative et citoyenne est évidente, sont bien évidemment présentes dans le football et il serait dommage que les petites filles soient privées de l'opportunité de les découvrir du fait de préjugés défavorables au football féminin ou en raison de l'éloignement des équipements sportifs qui leur sont ouverts . Comme l'a rappelé la présidente de la Ligue de football professionnel, Nathalie Boy de la Tour, entendue le 4 avril 2019, « le football est le troisième lieu éducatif en France après la famille et l'école ». Pourquoi les filles en seraient-elles exclues ?

Force est de constater que dans le sport, beaucoup reste à faire pour progresser en matière d'égalité . La ministre des Sports l'a elle-même relevé lors de son audition : « L'égalité hommes-femmes passe par le sport et par l'accès de toutes et tous à la pratique sportive, sans discriminations, sans préjugés et sans stéréotypes d'aucune sorte. La tâche est immense dans le domaine du sport, comme dans les autres domaines de la société, ce n'est pas la délégation qui me contredira sur ce point ! ».

À ce titre, ce travail prend la suite d'un précédent rapport de la délégation publié en 2011, dont de nombreux constats sont encore d'actualité et dont l'intitulé est particulièrement éloquent : Égalité des hommes et des femmes dans le sport. Comme dans le marathon, ce sont les derniers mètres les plus difficiles 3 ( * ) .

Notoriété des athlètes, visibilité médiatique, revenus et financement sont les principaux aspects des inégalités entre le sport féminin et masculin, plus particulièrement dans le sport de haut niveau qui, comme le relevaient nos collègues en 2011, « reste le plus souvent considéré comme un ? parent pauvre ? par rapport aux compétitions masculines qui retiennent l'essentiel de l'attention médiatique et des flux financiers qui l'accompagnent » 4 ( * ) . À cet égard, le football ne fait pas exception . Or il s'agit d'inégalités que l'on retrouve dans la plupart des domaines de la société - dans le registre professionnel , dans l' accès aux responsabilités , notamment politiques , dans les médias ... - où la légitimité des femmes est encore questionnée .

Ce rapprochement entre les inégalités à l'oeuvre dans la société et celles que l'on observe dans le sport était souligné par le rapport précité de 2011 : « le sport constitue le révélateur, le miroir grossissant des inégalités auxquelles sont confrontées les femmes en France et dans le monde » 5 ( * ) .

L'analyse historique, à cet égard, est révélatrice. En effet, l'histoire nous rappelle que le sport a été l'objet d'une conquête progressive par les femmes . Comme la médecine, la politique, l'Université et les grandes écoles, le Barreau, la conduite automobile ou l'aviation, il a ses pionnières - cyclistes, alpinistes, aéronautes, escrimeuses, skieuses... - et ses héroïnes .

Il a eu aussi ses adversaires , car l'histoire du sport féminin, comme beaucoup d'autres conquêtes féminines, s'est écrite contre un discours officiel opposé à toute émancipation des femmes par le sport , considéré comme un obstacle à leur vocation maternelle 6 ( * ) .

Ces considérations valent pour le football, si l'on se réfère à l' interdiction dont il a fait l'objet à l'époque de Vichy , comme l'a rappelé Brigitte Henriques, vice-présidente déléguée de la FFF et vice-présidente du Comité d'organisation de la Coupe du monde féminine de la FIFA, lors de son audition, le 7 mai 2019.

Aujourd'hui, l'engagement, le parcours et les exploits de pionnières telles qu'Alice Milliat, Violette Morris ou des joueuses du British Ladies football club 7 ( * ) font écho à ceux, entre autres exemples, de Corinne Diacre, Marie-Christine Terroni, Laura Georges, Amandine Henry, Laure Boulleau, Mélissa Plaza, Alex Morgan ou Ada Hegerberg 8 ( * ) . La délégation constate cependant que la notoriété de ces personnalités ne saurait à ce jour être comparée à celle des légendes masculines du football .

Toutefois, les inégalités entre femmes et hommes qui s'expriment dans le sport ne sont pas irréversibles . Le sport est en effet un outil remarquable « pour faire évoluer l'image que la société se fait des femmes » et « repousser les limites que le préjugé commun leur assigne » 9 ( * ) .

La délégation mise donc sur la Coupe du monde de 2019 pour progresser en matière d'égalité entre femmes et hommes dans le football.

***

En vue de l'élaboration de ce rapport, une équipe de co-rapporteures représentant diverses sensibilités politiques présentes au Sénat a été désignée, conformément aux usages de la délégation :

- Annick Billon (groupe Union centriste), présidente de la délégation ;

- Céline Boulay-Espéronnier (groupe Les Républicains) ;

- Victoire Jasmin (groupe Socialiste et républicain) ;

- et Christine Prunaud (groupe Communiste républicain citoyen et écologiste).

Cette équipe émane par ailleurs de territoires très différents : Côtes-d'Armor, Guadeloupe, Paris et Vendée .

La délégation a procédé à sept auditions qui se sont échelonnées entre le 13 décembre 2018 et le 7 mai 2019. Ce cycle de réunions a commencé par l'audition de Roxana Maracineanu, ministre des Sports, que la délégation remercie pour sa disponibilité.

Puis, le 16 mai 2019, une table ronde sur le rayonnement de la Coupe du monde féminine 10 ( * ) , organisée en partenariat avec la FFF , dont la délégation salue l'implication , a réuni, aux côtés de représentants de la fédération, des acteurs des médias - représentants des principaux diffuseurs du Mondial, commentatrices et journalistes sportifs -, ainsi que la présidente du Club athlétique Paris 14 .

La délégation a également organisé deux déplacements :

- le 21 février 2019, à Orly, dans les nouveaux locaux du Paris Football Club ;

- le 18 mars 2019, en Vendée , où elle est allée à la rencontre de deux clubs engagés dans la pratique féminine : l'ESOF ( Étoile sportive ornaysienne football ) et le club de Nieul-le-Dolent.

Au total, la délégation a entendu quelque 38 personnalités - cadres dirigeants de la FFF, responsables de clubs, représentants des médias, joueuses et entraîneurs, commentatrices et journalistes sportifs, auxquels s'ajoutent la ministre des Sports et la présidente de la Ligue de football professionnel.

Elle adresse tous ses remerciements à toutes celles et ceux qui, par leur expertise et leurs témoignages, l'ont accompagnée dans cette réflexion, plus particulièrement à la Fédération française de football.

Pendant ces travaux, l'actualité, Coupe du monde oblige, a fait une place importante au football féminin , avec par exemple la remise du premier Ballon d'or décerné à une joueuse, en décembre 2018 11 ( * ) , aux côtés du trophée masculin.

Le football féminin a également été présent dans l'actualité sénatoriale : un colloque au titre inspirant (« Les semeuses de la République »), organisé en partenariat avec la Ligue Paris Ile-de-France de la FFF, a eu lieu au Palais du Luxembourg, le 26 janvier 2019, à l'initiative de Rachid Temal, sénateur du Val-d'Oise qui, en ouvrant cet événement, a rappelé que « le football, sport universel par essence, ne pouvait continuer à laisser de côté la moitié de l'humanité », plaidant ainsi pour une féminisation accrue du football.

D'autres institutions ont consacré des réunions et des colloques au thème du football féminin à l'occasion de la Coupe du monde. La délégation souhaite plus particulièrement signaler une étude menée conjointement par l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) et l'Unesco , avec le soutien de l'Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP), sur la promotion du football féminin au niveau international 12 ( * ) , dont les trois principaux objectifs sont de dresser un état des lieux précis de la place des femmes dans le football, de répertorier les freins empêchant le développement de cette discipline et de formuler des recommandations concrètes 13 ( * ) .

Néanmoins, force est de constater que ces avancées sont dans une certaine mesure ternies , à quelques jours de l'ouverture de la Coupe du monde, par la manifestation d'un certain manque de considération à l'égard des joueuses qui, le 30 mai 2019, ont été priées de céder aux Bleus leurs chambres de Clairefontaine, lieu d'entraînement mythique, sous prétexte que ces derniers devaient préparer un match amical. Ce rapport reviendra sur cet incident regrettable, dont plusieurs médias se sont fait l'écho et qui montre la priorité dont continuent à bénéficier les hommes, en dépit de l'enjeu important de la Coupe du monde.

***

À l'ensemble des réunions et déplacements qui ont rythmé la préparation de ce rapport, la délégation a associé le groupe d'études du Sénat « Pratiques sportives et grands événements sportifs », présidé par Michel Savin. Elle a beaucoup apprécié la disponibilité et l'expertise de ces collègues, particulièrement investis dans les thématiques liées à la féminisation du sport.

Au terme de ses travaux, qui prennent fin le 6 juin 2019, quelques heures avant le coup d'envoi de la Coupe du monde féminine 2019, la délégation espère que celle-ci confirmera la dynamique récente observée dans le football féminin et encouragera un véritable engouement en faveur de ce sport, dans tous les territoires .

Elle souhaite que l' énergie du Mondial ne s'interrompe pas en juillet 2019, mais qu'elle se poursuive dans la durée pour continuer à accompagner la féminisation du football .

Elle forme le voeu que la Coupe du Monde féminine de 2019 soit l'occasion de nouveaux progrès en matière d'égalité et de mixité , à la fois dans le traitement médiatique de cette compétition et dans le quotidien des clubs et des joueuses .

Elle espère que cet événement majeur laissera un héritage pérenne dans les territoires .


* 1 Des femmes engagées au service de la défense de notre pays , rapport d'information fait au nom de la délégation aux droits des femmes par Corinne Bouchoux, Hélène Conway-Mouret, Brigitte Gonthier-Maurin, Chantal Jouanno, Françoise Laborde et Vivette Lopez, n° 373, 2014-2015.

* 2 Être agricultrice en 2017 , actes du colloque organisé le 22 février 2017 par la délégation aux droits des femmes, n° 579, 2016-2017 ; et Femmes et agriculture : pour l'égalité dans les territoires , rapport d'information fait au nom de la délégation aux droits des femmes par Annick Billon, Corinne Bouchoux, Brigitte Gonthier-Maurin, Françoise Laborde, Didier Mandelli et Marie-Pierre Monier, n° 615, 2016-2017.

* 3 Rapport fait au nom de la délégation aux droits des femmes par Michèle André, n° 650, 2010-2011.

* 4 Égalité des hommes et des femmes dans le sport. Comme dans le marathon, ce sont les derniers mètres les plus difficiles, op. cit., page 87.

* 5 Égalité des hommes et des femmes dans le sport. Comme dans le marathon, ce sont les derniers mètres les plus difficiles, op. cit., page 87.

* 6 Le rapport de 2011 précité renvoie, page 93, à cette citation éclairante du Règlement général d'éducation physique de 1925 : « Les femmes ne sont point faites pour lutter, mais pour procréer ».

* 7 Voir l'encadré ci-après sur l'histoire du football féminin et l'intervention d'Élisabeth Bougeard-Tournon au sujet du musée « Il était une fois les Bleues », lors de la table ronde du 16 mai 2019.

* 8 Première footballeuse à avoir reçu le Ballon d'or , trophée décerné pour la première fois à une femme en 2018.

* 9 Égalité des hommes et des femmes dans le sport. Comme dans le marathon, ce sont les derniers mètres les plus difficiles, op. cit., page 87.

* 10 Cette table ronde était organisée en trois séquences successives : l'héritage de la Coupe du monde pour les territoires, sa médiatisation, la place des femmes dans le football à travers le commentaire sportif.

* 11 La délégation note aussi que l'actualité a mis à l'honneur, entre autres exemples, le rugby féminin , dont le Tournoi des Six Nations a été largement relayé par les médias.

* 12 Cette étude a été lancée au mois de mars 2018. Elle a mobilisé des experts internationaux, des chercheurs et des associations du monde entier.

* 13 La publication du rapport, à quelques jours de l'ouverture du Mondial, a donné lieu, le 23 mai 2019, à une conférence-débat à l'IRIS sur le thème : « Quand le football s'accorde au féminin : les enjeux de la féminisation du football ».

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