DEUXIÈME PARTIE :
MALGRÉ UN BILAN À MI-PARCOURS ENCOURAGEANT, LES CONTRATS DE RURALITÉ ONT FAIT L'OBJET D'UNE RÉFORME INADÉQUATE DE LEUR FINANCEMENT

I. LES CONTRATS DE RURALITÉ PRÉSENTENT UN PREMIER BILAN À MI-PARCOURS ENCOURAGEANT

Le « bilan flash » des contrats de ruralité , réalisé par le ministère de la cohésion des territoires à partir d'une évaluation qualitative menée par des consultants indépendants auprès de six territoires test, a dressé un bilan très satisfaisant de ce dispositif . Les déplacements de terrain que j'ai réalisés confirment ces conclusions.

A. UN CADRE MULTI PARTENARIAL DE SOUTIEN À DES PROJETS DE TERRITOIRE

1. Les contrats de ruralité ont permis de mobiliser des partenariats très divers

Les instructions données aux préfets de région et de département 15 ( * ) précisaient qu'ils devaient être élaborés en priorité avec les PETR . En cas d'absence de PETR sur le territoire, les préfets pouvaient contractualiser avec des EPCI.

Dans les faits, comme l'illustrent les graphiques ci-dessous, sur les 463 contrats de ruralité signés au 1 er janvier 2018, 20 % l'ont été avec des PETR et 65 % avec des communautés de communes, seules ou groupées 16 ( * ) .

En effet, certains contrats ont été portés par des regroupements d'EPCI ayant l'habitude de travailler ensemble ou souhaitant mutualiser les outils financiers disponibles. D'autres ne concernent qu'une seule intercommunalité, par exemple en cas d'absence de PETR, ou lorsque le portage du contrat sur un périmètre élargi ne semblait pas opportun.

Le CGET explique également que « le territoire national et les territoires ruraux sont essentiellement structurés en communautés de communes ce qui explique cette part importante de signataires » 17 ( * ) .

En outre, 15 % des contrats sont signés avec des communautés d'agglomérations ou communautés urbaines, car « dans le cadre de la récente refonte de la carte intercommunale et de l'apparition des EPCI dits « XXL », les communautés d'agglomération et urbaines ont pu signer des contrats de ruralité afin de pouvoir en faire bénéficier les parties rurales de leurs territoires ». C'est notamment le cas, par exemple, pour Grand Poitiers Communauté urbaine, où j'ai rencontré les porteurs du contrat de ruralité .

Portage des contrats de ruralité signés au 1 er janvier 2018

Source : « les contrats de ruralité au 1 er janvier 2018 », CGET, août 2018

Ainsi, comme l'a confirmé l'Association nationale des pôles territoriaux et des pays (ANPP), les PETR, principale cible du dispositif, sont intégralement concernés par un contrat de ruralité.

Les préfets de région devaient porter attention aux politiques contractuelles menées par les conseils régionaux en faveur des territoires ruraux et veiller à ce que les contrats de ruralité s'articulent avec ces politiques. La dynamique partenariale attendue au niveau local de la mise en place des contrats de ruralité s'est toutefois révélée inégale.

En premier lieu, la mobilisation des collectivités territoriales s'est traduite par de nombreux partenariats. La très grande majorité des départements se sont ainsi associés aux contrats, pour lesquels « ils apportent, outre leur contribution à la réflexion sur les enjeux de cohésion sociale qui sont au coeur de leurs compétences, un soutien financier à certains projets » 18 ( * ) .

La cohérence des politiques contractuelles des conseils régionaux en faveur des territoires ruraux avec les ambitions des contrats de ruralité n'a été que partiellement assurée .

Les régions et départements ont en effet pu percevoir le dispositif comme une contractualisation supplémentaire dissociée de leur propre politique contractuelle.

« Plusieurs régions se sont également associées à cette nouvelle contractualisation, dans des formes et des niveaux d'intensité toutefois très variables d'une région à l'autre . En effet, la création des contrats de ruralité a correspondu à la période où la plupart des Régions ont été amenées à redéfinir une politique en faveur de leurs territoires ruraux. Ces politiques prennent toutefois des formes diverses qu'elles consistent en des fonds de soutien à l'investissement sur des thématiques spécifiques (comme la revitalisation des centres-bourgs et des pôles de centralité ou le soutien à l'innovation et au développement économique), en un soutien financier direct à des projets communaux ou en des formes de contractualisation à des mailles diverses ».

Source : réponses du CGET au questionnaire du rapporteur spécial

J'estime que l'association de la région, collectivité cheffe de file en matière d'aménagement du territoire, devrait être plus systématique , car elle permet d'une part, de développer une politique cohérente d'aménagement du territoire régional et, d'autre part, de préserver les spécificités de chaque territoire rural.

Il en va de même des conseils départementaux, qui développent de nombreux outils de contractualisation aves les communes et les EPCI, dont il s'agit d'assurer la cohérence avec les actions portées par les contrats de ruralité.

Des coopérations locales ont été mises en oeuvre par exemple avec des opérateurs tels l'ADEME, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ou encore avec les parcs naturels régionaux.

Ces partenariats, dès lors qu'ils contribuent à insuffler une dynamique locale, vont dans le bon sens .

Cependant, l'association d'acteurs privés, de mouvements associatifs et de représentants de la société civile est restée très limitée, tout comme la participation des citoyens à l'élaboration des contrats.

L'Union nationale des acteurs du développement local (UNADEL) 19 ( * ) a constaté une association insuffisante de la société civile à la co-construction des contrats de ruralité, qui n'est pas propre à ce dispositif mais témoigne de la nécessité plus large de redynamiser la démocratie locale .

Pour remédier à cette situation, il pourrait être utile, comme le recommande le bilan-flash du CGET, de s'inspirer des démarches de budget participatif mis en place par plusieurs villes, afin d'effectuer des choix d'investissements.

« Le Ministère de la cohésion des territoires mène actuellement une réflexion afin de faire évoluer ce dispositif contractuel, tout en le confortant. Parmi les pistes d'évolution, il s'agit notamment de renforcer le caractère partenarial des contrats . Alors que ceux-ci avaient été conçus à l'origine comme de véritables outils d'animation au service du développement local , force est de constater qu'ils sont pour l'essentiel demeurés des outils de contractualisation entre l'État et les collectivités pour le financement d'équipements publics . L'enjeu des mois à venir sera de davantage impliquer dans la démarche les acteurs de la société civile (acteurs économiques, associations, monde éducatif, porteurs de projets privés...) et d'élargir le champ d'intervention des contrats au-delà du seul soutien à l'investissement en prenant en compte l'ensemble des politiques publiques territorialisées que ce soit dans le domaine de la santé, de l'éducation, des pratiques culturelles, du numérique, de la préservation des ressources naturelles ou de l'alimentation ».

Source : réponses du CGET au questionnaire du rapporteur spécial

Proposition n° 9 : Encourager la participation des acteurs sociaux, économiques et des citoyens à l'élaboration des contrats de ruralité, afin de partager les diagnostics et les solutions aux problématiques du développement rural.

2. Un appui concret au déploiement de projets de territoire

Le projet de territoire constitue la « clé de voute » du contrat de ruralité : il permet aux porteurs du contrat de poser une vision partagée des besoins du territoire , de définir une stratégie territoriale afin de prévoir les investissements nécessaires pour y répondre.

En outre, le contrat de ruralité offre l'opportunité d'adopter une approche intercommunale du projet de territoire , tout en favorisant la mise en cohérence des projets à cette échelle .

Le PETR ou l'EPCI élabore le projet de territoire en partenariat avec les communes (ou les intercommunalités) qui le composent . Cette co-construction a favorisé les échanges entre les PETR et les communautés de communes et a permis d'identifier le PETR comme coordonnateur des financements au niveau du territoire de projet .

La conclusion des contrats de ruralité a également favorisé l'émergence de projets de territoires au sein des nouvelles intercommunalité, constituées simultanément au déploiement du dispositif .


* 15 Circulaire du 16 septembre 2016 relative au financement des contrats de ruralité.

* 16 Dans certains cas, résultant d'un accord et d'un appui en ingénierie au niveau d'un Pays, le Pays ne pouvant être officiellement porteur mais pouvant être cosignataire.

* 17 Réponses du CGET au questionnaire du rapporteur spécial

* 18 Réponses fournies par le CGET au questionnaire du rapporteur spécial.

* 19 « Mise en oeuvre des contrats de ruralité, Accompagnement par l'UNADEL de 5 territoires ruraux, éléments de synthèse », Union nationale des acteurs du développement local (UNADEL), décembre 2016 - juillet 2017.

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