III. NE PAS LAISSER LES ASSOCIATIONS SEULES : PRÉVOIR UNE PROCÉDURE D'ALERTE PILOTÉE PAR LES ADMINISTRATIONS EN CAS DE CRISE

Sans le professionnalisme et les réflexes remarquables des associations caritatives, les conséquences de cette affaire aurait pu être plus graves.

Pour autant, les quatre représentants des associations habilitées à distribuer les denrées FEAD ont regretté, lors de leur audition du 3 juillet, le désengagement de l'État dans la gestion de la crise.

Comme l'a rappelé Jacques Bailet, président de la Fédération française des banques alimentaires, « les associations ont été à la manoeuvre et un peu seules. Nous avons, collectivement, été à l'origine de l'alerte. Avec la Croix-Rouge, nous avons pris l'initiative, sur nos fonds propres, de faire réaliser des analyses. Nous avons ensuite alerté l'administration centrale qui nous a répondu : " Ni la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) ni FranceAgriMer ne possèdent de compétences en matière sanitaire, aussi nous ne pouvons donner aucune consigne concernant la distribution. " En résumé : " Débrouillez-vous ! " Nous avons arrêté la distribution proprio motu , sans directive claire de nos tutelles. 17 ( * ) »

Ce hiatus provient d'une appréciation somme toute originale de l'autorité de gestion du FEAD, la DGCS, qui estime qu'« une fois réceptionnée, les associations sont propriétaires de la marchandise. La décision d'interruption relève donc de leur responsabilité. 18 ( * ) »

Ces propos ont été confirmés par le directeur général de la cohésion sociale, M. Jean-Philippe Vinquant, : « Je m'inscris en faux contre l'affirmation selon laquelle les associations n'auraient pas une capacité de réaction et d'action plus rapide que celle des pouvoirs publics afin d'améliorer la prévention des risques pesant sur le consommateur. 19 ( * ) »

Le rapporteur trouve ces propos effarants.

Sans nier l'importance du rôle des associations dans la réalisation des contrôles de qualité des produits par leurs tests visuels ou leurs tests gustatifs, il convient de rappeler que, contrairement à des distributeurs alimentaires, les associations ne sont nullement engagées contractuellement avec les attributaires du marché public. Ce sont avant tout des distributeurs chargés d'une mission de service public par l'État. Dès lors, l'État ne peut se désintéresser de leur sort une fois que les colis leur ont été livrés. Les denrées alimentaires ont été acquises, in fine , par des deniers publics et l'État est garant de la bonne utilisation de ces derniers.

Les associations n'ont en outre pas les moyens de diligenter des analyses sanitaires sur chacun des produits et ne peuvent être tenues pour responsables d'une faille des politiques de contrôle qui, elles, relèvent sans nul doute de la responsabilité des administrations compétentes.

En outre, comment peut-on imaginer qu'en cas de soupçon de crise sanitaire une association prenne la décision d'interrompre la distribution d'un produit et pas une autre ?

Loin d'être un simple débat procédural, cette question a des conséquences concrètes dans la gestion de la crise. L'absence de prise de position des administrations compétentes a induit, sans doute, une période de flou pendant laquelle les associations étaient en attente d'une instruction, ce qui explique le délai entre les premiers résultats des analyses constatant des anomalies de composition de produits et les décisions d'arrêt de la distribution des steaks hachés.

Pour Anne Bideau, directrice des activités bénévoles et de l'engagement de la Croix-Rouge française, les premières victimes de cette attente sont les bénévoles et les bénéficiaires : « Nous avons été assez seuls, ce qui a créé beaucoup de confusion parmi les bénévoles. Ce laps de temps regrettable a mis à mal notre relation de confiance avec les personnes que nous accompagnons au quotidien. Il faudra les rassurer. »

Il est, aux yeux du rapporteur, absolument nécessaire de remédier à ce désengagement, qu'il soit volontaire ou non, et de rappeler aux administrations compétentes leur responsabilité dans la distribution des denrées FEAD.

Plus spécifiquement, un mécanisme d'alerte pourrait être mis en place, sous la responsabilité de l'administration compétente, la DGCS, pour coordonner la gestion des alertes transmises par les associations.

En cas de soupçon de crise sanitaire ou de fraude manifeste sur la composition des produits, les associations caritatives pourraient alerter les administrations assurant la gestion du FEAD et la passation des marchés publics qui relèvent du même fonds, lesquelles, immédiatement, seraient en mesure de lancer des analyses complémentaires.

Elles pourraient, en outre, accélérer les saisines des administrations compétentes en cas d'anomalie grave, en matière sanitaire via la MUS de la DGAL ou, si l'anomalie relève de la composition des produits via le SNE de la DGCCRF.

La DGCS et FranceAgriMer pourraient ainsi piloter une interruption coordonnée de la livraison des produits sur l'ensemble du territoire, en fonction d'une analyse de risques.

Les associations doivent, bien entendu, garder la faculté d'interrompre de leur propre chef la distribution d'un produit qu'elles estimeraient présenter un risque sanitaire pour les bénéficiaires. Toutefois, l'administration doit prendre sa part de responsabilité en acceptant d'ordonner l'arrêt de la distribution si elle a des doutes sur la qualité sanitaire des produits.

Proposition : Mettre en place une procédure pilotée par la DGCS en cas de problème sanitaire ou de fraude pour le retrait d'un lot afin de ne pas laisser seules les associations en cas de crise


* 17 Audition du 3 juillet 2019 devant la commission des affaires économiques.

* 18 Contribution écrite transmise par la DGCS.

* 19 Audition du 3 juillet 2019 devant la commission des affaires économiques.

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