C. UNE INDEMNITÉ QUI CONSTITUE POUR LES AGENTS UN COMPLÉMENT DE RÉMUNÉRATION SUBSTANTIEL

1. Un niveau élevé de rémunération à l'étranger

À l'étranger, un agent du MEAE est payé en moyenne 8 845 euros net par mois et son coût budgétaire mensuel s'élève à 12 711 euros 19 ( * ) . Le salaire médian s'élève à 8 088 euros net par mois. 25 % des agents du MEAE à l'étranger touchent moins de 6 214 euros net par mois et 25 % des agents gagnent plus de 10 459 euros net par mois. Compte tenu de la méthode de calcul des IRE ( cf. supra ), ces rémunérations varient en fonction des zones géographiques. D'après l'étude menée, l'Asie est la zone la mieux rémunérée, pour toutes les catégories d'agents, devant l'Amérique du sud et l'Afrique. L'Europe est en queue de classement.

Rémunération des chefs de poste diplomatique et consuls généraux

La rémunération des chefs de poste et des consuls généraux est composée, comme pour les autres agents à l'étranger, de leur traitement et de l'IRE. Celle-ci correspond au montant alloué pour le pays concerné, majoré d'un coefficient correspondant à leur groupe d'appartenance : les consuls généraux appartiennent au groupe 2 et se voient affecter un montant d'IRE correspondant au montant fixé pour le groupe dit « pivot » majoré de 125,8 %. La majoration qui s'applique aux chefs de postes diplomatiques varie quant à elle entre 180 % du groupe pivot (petits postes avec enjeux limités) et 280 % (postes importants à forts enjeux).

Ainsi, un consul général perçoit entre 10 000 et 10 500 euros brut par mois dans les grandes capitales européennes. Un chef de poste diplomatique perçoit quant à lui entre 16 000 et 17 000 euros brut par mois dans ces mêmes capitales. Les IRE des pays d'Europe étant parmi les IRE les plus faibles, la rémunération brute moyenne d'un ministre plénipotentiaire s'élève à 17 900 euros par mois.

À titre de comparaison, la rémunération du Président de la République et du Premier ministre s'élève à 15 140 euros brut par mois.

Vos rapporteurs spéciaux estiment ces niveaux de rémunération particulièrement élevés, alors même que les chefs de postes diplomatiques et les consuls généraux sont logés et, le plus souvent, nourris, compte tenu de leurs obligations professionnelles. Une réflexion pourrait être engagée sur la prise en compte des avantages matériels (logement notamment) dans la formule de calcul de l'IRE.

Source : réponses du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et de la direction du budget

2. Des indemnités parfois décorrélées de la situation actuelle du pays concerné

Les évolutions successives des IRE, notamment au regard des variations de change-prix, conduisent à des incohérences parfois importantes de classement des IRE entre pays dans la mesure où les évolutions favorables ne sont que très rarement revues à la baisse. Ainsi, les variations de change ont contribué à fortement accentuer des écarts de rémunération entre pays aux conditions d'expatriation comparables. En outre, la progression sensible du coût de la vie dans certaines régions, et notamment du coût du logement, avait parfois été prise en compte de manière trop progressive. Dans la continuité de la recommandation de la Cour des comptes dans ses observations définitives de 2015 sur les rémunérations et le pilotage de la masse salariale au MEAE, un exercice de mise en cohérence des classements régionaux a par conséquent été mené en 2018 et 2019, notamment au sein de l'Union européenne . Ces ajustements se sont traduits par des hausses ciblées sur les pays caractérisés par un coût de la vie élevé pour les agents (Scandinavie, Irlande, Pays-Bas, Édimbourg, et dans une moindre mesure Allemagne) et des baisses ciblées sur des grilles auparavant mieux classées (pays baltes, Europe centrale, Grèce, Malte, Croatie), qui se trouvent désormais à des niveaux plus cohérents, entre eux mais également vis-à-vis de pays aux contraintes équivalentes. De manière plus progressive, un rapprochement a été engagé entre la Chine et l'Inde, le Mexique et l'Argentine, la Californie et New-York, l'Irak et l'Afghanistan, ainsi qu'entre les pays d'Afrique sahélienne et subsaharienne.

Malgré ces ajustements réalisés lors des exercices de reclassement annuel, des incohérences demeurent et représentent un coût de masse salariale important . En effet, les simulations réalisées par la direction du budget pour calculer les montants théoriques d'IRE applicables à chaque pays, découlant mécaniquement de l'application de la formule de calcul retenue par le MEAE, montrent que les montants d'IRE par pays réellement versés aux agents en poste sont en moyenne supérieurs de 25 % aux montants qui devraient théoriquement être versés. En outre, les écarts entre les montants théoriques et les montants réels d'IRE sont pour certains pays très importants. Ainsi, sur 222 pays utilisés dans cette simulation, 105 pays se voient attribuer des montants d'IRE supérieurs aux montants découlant de la stricte application de la formule de calcul de l'IRE. Dans un tiers de ces pays, l'IRE versée est supérieure de plus de 30 % au montant théorique. C'est le cas en Afrique du Sud (+75 %), en Inde 20 ( * ) (+67 %), en Moldavie (+57 %) ou encore à New York (+31 %) par exemple . À titre d'illustration, l'application d'une baisse de 5 % une année sur les IRE des pays au sein desquels elles sont supérieures de plus de 30 % aux montants théoriques permettrait de faire une économie de près de 3 millions d'euros. L'application d'une baisse de 5 % une année à l'ensemble des IRE supérieures aux montants théoriques d'IRE découlant de la formule de calcul permettrait de faire une économie de près de 9 millions d'euros.

Recommandation n°4 : afin de corriger les évolutions successives qui conduisent, dans certains pays, à décorréler les IRE des conditions de vie et du coût de la vie, remettre à plat le dispositif :

- en appliquant les montants théoriques d'IRE à chaque renouvellement de poste ;

- ou en appliquant un plan pluriannuel de baisse des IRE dans les pays bénéficiant d'une IRE avantageuse.

3. Un coût fiscal important

L'IRE n'est pas soumise à l'impôt sur le revenu et induit ainsi un gain substantiel. À titre d'exemple, un secrétaire des affaires étrangères vivant seul à l'étranger gagne en moyenne 30 000 euros de plus grâce à la non fiscalisation de l'IRE.

Au total, le coût fiscal de l'IRE a été estimé dans une fourchette de 100 à 150 millions d'euros par an par le contrôleur budgétaire et comptable ministériel.

Or l'absence de fiscalisation de l'IRE peut s'expliquer si cette indemnité couvre des dépenses réelles, justifiées par des pièces comptables, comme cela existe pour d'autres indemnités. Dans la mesure où l'IRE est forfaitisée et ne fait pas l'objet d'une justification de dépenses, vos rapporteurs spéciaux s'étonnent de son absence de fiscalisation, dont le coût pour l'État est non négligeable.

Recommandation n°5 : engager une réflexion sur la fiscalisation de tout ou partie de l'IRE, applicable de façon progressive (Vincent Delahaye, rapporteur spécial).


* 19 Données CBCM - étude réalisée à partir d'un échantillon, hors volontaires internationaux.

* 20 New Delhi et Calcutta

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