B. MALGRÉ UNE IMPRESSION ALARMISTE, L'UTILISATION DES FONDS EUROPÉENS PAR LA FRANCE SE SITUE DANS LA MOYENNE EUROPÉENNE

À l'issue de ses travaux, et sur le fondement des chiffres qui lui ont été fournis, votre mission d'information en est venue à la conclusion d'une absence de chronicité de la sous-utilisation des fonds européens en France.

1. Un taux moyen de consommation supérieur à 60 % à ce stade

Des travaux de votre mission d'information, il ressort que le ressenti des territoires traduit imparfaitement la réalité de l'utilisation des fonds européens en France. M. Jean-Luc Bennahmias, co-rapporteur de l'avis sur la réforme des fonds structurels européens du Conseil économique, social et environnemental a dressé le même constat devant votre mission d'information : « Lorsque nous avons rédigé cet avis, nous étions, si je puis dire, au mitan de la programmation. Nous étions plutôt positivement surpris. Par rapport à la doxa, selon laquelle les régions seraient mal organisées et les Français ne sauraient pas utiliser ces fonds, nous nous sommes rendus compte que la consommation était proche de 50 % ».

Selon les données transmises par le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) à votre rapporteure, au 31 décembre 2018, 43 % des montants du FEADER ont été programmés, 70 % des montants du FEDER, 73 % pour le FSE, 97 % pour l'IEJ. Seul le FEAMP connaît une faible utilisation avec seulement 28 % des montants programmés, mais, comme le rappelle M. Hugo Bevort directeur des stratégies territoriales au CGET, « son enveloppe est moindre ». Le taux moyen de programmation pour l'ensemble des fonds alloués à la France s'élevait ainsi, au 31 décembre 2018, à 61 %.

En matière de dépenses certifiées , le taux moyen pour la France atteignait, toujours selon le CGET, 35 %, soit un niveau supérieur à la moyenne européenne qui s'élevait à 28 %, les taux variant, selon les fonds, entre 17 % et 56 %.

Montants programmés et dépenses certifiées par la France au 31 décembre 2018

Fonds

Montants programmés

Dépenses certifiées

FEDER

70 %

25 %

FSE

73 %

38 %

IEJ

97 %

56 %

FEADER

43 %

44 %

FEAMP

28 %

17 %

Source : Commissariat général à l'égalité des territoires.

Programmation, paiement et certification : trois notions utilisées pour calculer l'avancement de l'utilisation des fonds européens

Le taux de programmation reflète l'engagement des financements européens, c'est-à-dire, après instruction du dossier par l'autorité de gestion, approbation par le comité de programmation et décision d'attribution de la subvention par l'autorité de gestion. Des sous-taux sont calculés : le taux de programmation en coût total intégrant l'ensemble des financements mobilisés sur les projets bénéficiant des fonds européens ; et le taux de programmation en « coût UE », reflétant l'avancement des seuls financements européens. C'est ce taux qui est pris en compte dans le cadre des dégagements d'office.

Le taux de certification prend en compte les dépenses validées par l'autorité de certification.

Le taux de consommation correspond à celui versé par la Commission européenne aux États membres sur la base du préfinancement initial, des préfinancements annuels et des paiements intermédiaires. Il correspond ainsi aux demandes de paiement des autorités de gestion à la Commission. C'est ce taux que l'on retrouve dans les données de la Commission sous le terme de « EU payment ».

Source : Secrétariat général aux affaires européennes.

Les difficultés rencontrées par certains fonds ne doivent pas masquer la réalité d'une utilisation globalement correcte des fonds européens par la France.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, a dressé le même constat au cours de son audition : « Si le niveau de consommation est normal pour le FEDER et le FSE, les difficultés se concentrent sur l'un des programmes du FEADER, le programme LEADER, pour lequel les régions sont les autorités de gestion, et le ministère de l'agriculture l'autorité de coordination. Si ces difficultés sont réelles, elles concernent un programme qui s'élève à 700 millions d'euros, soit 5 % du FEADER . N'oublions jamais de relativiser et de replacer cette somme dans le cadre général des 28 milliards d'euros de fonds européens dont dispose la France ».

Selon la direction du budget du ministère de l'action et des comptes publics, la consommation des fonds européens de la programmation 2014-2020 est en retard par rapport à la précédente programmation . Ce constat est d'ailleurs partagé par la DG REGIO de la Commission européenne et concerne l'ensemble des pays de l'Union européenne. Ainsi, pour M. Marc Lemaître, directeur général de la politique régionale et urbaine à la Commission européenne, qu'une délégation de votre mission d'information a rencontré lors d'un déplacement à Bruxelles, « le niveau de consommation est de 5 points inférieur au pourcentage atteint à la même période lors de la précédente programmation. En termes relatifs, l'écart est important car le taux de consommation moyen est de 25 à 30 % ».

Pour autant, les autorités de gestion auditionnées ont semblé confiantes sur la capacité de la France à utiliser l'ensemble des fonds européens de cette programmation. Comme l'a déclaré M. Jules Nyssen, délégué général de Régions de France, « vous m'avez interrogé sur la capacité de la France à consommer l'ensemble des crédits alloués. Nous y arriverons, y compris pour [le FEADER] ».

En effet, deux éléments sont trop souvent négligés , qui permettent de prendre du recul par rapport aux craintes actuelles d'une sous-consommation des fonds européens en France : d'une part, la consommation ne suit pas une trajectoire linéaire et connaît actuellement une forte accélération, et, d'autre part, la programmation ne s'achèvera pas, en réalité, le 31 décembre 2020.

a) Une montée en puissance de la consommation des fonds européens au cours des derniers mois

L'utilisation des fonds européens sur la période 2014-2020 est marquée par un démarrage lent, puis, depuis peu, par une forte montée en puissance. Cette progression n'est pas inédite. On la retrouve de manière similaire pour d'autres politiques, comme les contrats de plan État-régions. En outre, en ce qui concerne les fonds européens, une telle progression non-linéaire avait pu être observée lors de la précédente programmation.

L'utilisation limitée des fonds européens durant les premières années de programmation s'explique par de nombreux facteurs 22 ( * ) tels que les délais requis par la désignation des autorités de gestion, le temps nécessaire à l'élaboration des maquettes et l'identification des projets ou encore les problèmes rencontrés dans le développement des systèmes d'information.

Le graphique ci-dessous témoigne de cette progression non-linéaire de la consommation des fonds européens et de la forte accélération de leur utilisation au cours des derniers mois, après un début de programmation difficile :

Source : Commissariat général à l'égalité des territoires.

À titre d'exemple, fin 2018, la programmation du dispositif LEADER était inférieure à 5 % ; fin mars 2019, elle atteignait 18 %.

Cette augmentation se traduit également pour la certification des dépenses . Selon la direction générale de l'emploi et de la formation professionnelle (DGEFP), le taux de certification des dépenses du FSE a augmenté de quatre points entre le 31 décembre 2018 et le 31 mars 2019.

b) Une consommation des crédits possible après le 31 décembre 2020

Bien que l'on évoque souvent la programmation 2014-2020, la possibilité d'utiliser les crédits alloués à cette période s'étend au-delà de ces bornes temporelles.

Cela n'est pas nouveau. Selon les informations transmises par la direction du budget, lors de la précédente programmation portant sur les années 2007 à 2013, au 1 er janvier 2014, le reste à liquider (RAL) au titre de la politique de cohésion pour l'ensemble de l'Union européenne était de 133 milliards d'euros, soit 38 % du montant alloué pour l'ensemble de la période 2007-2013. Une partie importante de ces crédits restants a été consommée « hors période de programmation », puisqu'au 31 décembre 2017, 4,4 milliards d'euros, n'ont finalement pas été dépensés pour l'ensemble des États membres 23 ( * ) , dont 31 millions d'euros de crédits prévus pour la France. Au total, plus de 128 milliards d'euros ont été dépensés après le 1 er janvier 2014, au titre de la programmation 2007-2014, à l'échelle de l'ensemble de l'Union européenne.

Pour la programmation actuelle, selon M. Francesco Gaeta, secrétaire général adjoint des affaires européennes, « la Commission a indiqué dans un courrier, de manière indirecte, être prête à proroger la programmation actuelle ». Certes ce décalage n'est pas sans poser problème. Par exemple, la nouvelle politique agricole commune s'annonce très différente de celle de la période 2014-2020.

Une vigilance particulière nécessaire entre 2020 et 2025

Entre 2020 et 2025 vont cohabiter deux programmations, chacune appelant des règles et obligations particulières.

La continuité des objectifs de consommation - derniers dégagements 2014-2020 en 2022, voire en 2023-2024 selon les modalités de clôture non encore connues, et premier dégagement 2021-2027 en 2023 - impliquera la programmation, la certification et la réalisation d'appels de fonds simultanés auprès de la Commission européenne pour les deux périodes sur les années 2021, 2022 et 2023.

Les autorités de gestion et d'audit devront se coordonner durant les années 2023, 2024 et 2025 pour répondre aux obligations relatives aux exercices comptables de deux périodes de programmation. Le dernier exercice comptable pour la période de programmation 2014-2020 sera l'exercice comptable 2023-2024 avec un dépôt du dernier paquet d'assurance le 15 février 2025. Pour la période 2021-2027, le premier exercice comptable débutera en janvier 2021 pour un dépôt du premier paquet d'assurance post 2020 au 15 février 2023. Par conséquent, il y aura simultanément durant trois exercices comptables deux campagnes d'audit, deux préparations des comptes (corrections, retraits, etc.) et deux dépôts de paquet assurance (rapports annuels de contrôle, déclarations de gestion, avis d'audit) concernant deux périodes de programmation distinctes.

Par ailleurs, les premiers reporting de données 2021-2027 coïncideront avec les derniers rapports annuels de mise en oeuvre/rapport final de 2014-2020.

Source : Commissariat général à l'égalité des territoires.

Le graphique ci-dessous, utilisé par la Cour des comptes européenne lors du déplacement à Bruxelles d'une délégation de votre mission d'information montre, pour les deux dernières programmations, - 2000-2006 et 2007-2013 - la possibilité de continuer à utiliser les fonds européens au-delà de la date théorique du 31 décembre de la dernière année de la période considérée . Comme on peut le constater, à la fin de la période théorique de programmation, le taux d'absorption 24 ( * ) avoisine 65 %, tant pour la programmation 2000-2006 que pour la programmation 2007-2013. Ainsi, pour la période 2007-2013, c'est seulement au 31 décembre 2017 qu'ont été clôturées les sommes dépensées au titre de la politique de cohésion.

Taux d'absorption des fonds européens dans le temps
pour les programmations 2000-2006, 2007-2013 et 2014-2020

Source : Cour des comptes européenne.

Au final, comme l'a indiqué Mme Jacqueline Gourault lors de son audition, « contrairement à ce que laisse craindre l'intitulé de la programmation 2014-2020, cette programmation court en réalité jusqu'en 2023. Nous ne sommes donc pas dans une situation dans laquelle il faudrait, en moins d'une année, programmer 40 % des fonds et en certifier 65 %. Il nous reste cinq ans, soit la moitié de la durée prévue, pour achever la programmation, comme ce fut le cas pour la période précédente ». Dès lors, « à l'heure actuelle, tout l'enjeu est donc d'achever la programmation en 2020 et 2021, pour finaliser la certification jusqu'à 2023 ».

M. Jules Nyssen avait dressé le même constat : « La période à prendre en considération débute à partir du moment où les programmes ont été arrêtés et prend fin au moment où l'on ne pourra plus utiliser ces crédits ». Dans ces conditions, « cette période court pour le FEDER et le FSE de 2015 à 2023, et pour le FEADER de 2016 à 2023. Il nous reste ainsi les 5/9 e du calendrier pour le FEDER et le FSE, et les 5/8 e du calendrier pour le FEADER, alors que les taux d'engagement sont déjà respectivement à 73 %, 78 % et 63 % ».La situation comparée de la consommation des fonds structurels par la France

c) Un démarrage de l'actuelle programmation plus lent dans la plupart des États membres

La programmation actuelle se caractérise par un retard de l'utilisation des fonds structurels dans l'ensemble des États membres. Ainsi, alors que le RAL au 31 décembre 2013 s'élevait, pour la programmation précédente, à 133 milliards d'euros, soit 38 % des montants alloués à la politique de cohésion, la direction du budget estime que ce montant atteindra, au 31 décembre 2020, 174 milliards d'euros pour la période actuelle, soit 47 % de l'enveloppe allouée, ce qui représente une consommation en fin de période inférieure de près de 10 points.

Le graphique, transmis par la Cour des comptes européenne, relatif au taux d'absorption des fonds européens pour les trois dernières programmations présenté ci-dessus, témoigne de ce retard. Alors que, lors de la deuxième année de programmation, le taux d'absorption était de 9 % pour la période 2000-2006 et de 6 % pour la période 2007-2013, il est inférieur à 2 % pour la programmation actuelle . Le retard est encore plus flagrant et témoigne même d'un décrochage pour la période actuelle lors de la quatrième année de la programmation. Le taux d'absorption était de 27 % pour la période 2000-2006, 20 % pour la période 2007-2013 et de 14 à 15 % pour la période actuelle.

La Cour des comptes européenne a très clairement établi ce constant devant la délégation de votre mission d'information lors de son déplacement à Bruxelles. La négociation de la programmation 2007-2013 a été caractérisée par une durée de 24 mois entre la présentation des propositions de règlements par la Commission et leur adoption, soit six mois avant le début de la période de programmation. Pour la programmation 2014-2020, la durée de négociation des textes a été de 26 mois, soit une durée comparable. Toutefois, son adoption n'est intervenue que deux semaines avant le début de la période de programmation. Un retard conséquent a été pris dans la validation des programmes opérationnels : au 31 décembre 2007, 95 % des programmes opérationnels soumis par les États membres avaient été adoptés par la Commission ; à titre de comparaison, seulement 55,8 % d'entre eux l'avaient été au 31 décembre 2014.

Cette lenteur dans l'utilisation des fonds européens n'est pas sans conséquences non plus sur le budget français . En effet, les retards observés dans les décaissements des crédits constituent une source d'incertitude pour le pilotage de la contribution française au budget de l'Union. Comme l'a indiqué la direction du budget, en moyenne, entre 2014 et 2020, une sur (ou une sous) -estimation des besoins en crédits de paiement de l'ordre de plus d'un (ou de moins d'un) milliard d'euros se traduit par une baisse (ou une hausse) de plus (ou de moins) 150 millions d'euros sur le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne. Pour mémoire, l'écart entre les crédits de paiement initialement inscrits au budget s'agissant de la cohésion et l'exécution réelle était, en 2013 et en 2017, de, respectivement, + 9,1 milliards d'euros et - 7,4 milliards d'euros. En 2017, ce prélèvement a atteint son plus faible niveau depuis dix ans, à 16,3 milliards d'euros, principalement en raison de la sous-exécution des crédits de la politique de cohésion.

Crédits inscrits en loi de finances et réellement exécutés entre 2012 et 2018

Source : direction du budget.

d) L'utilisation française des fonds européens proche de la moyenne européenne

Les taux d'utilisation des fonds européens par la France sont proches de la moyenne européenne , tout comme ce fut le cas lors de la programmation précédente.

La carte ci-après représente les taux d'absorption, sur la période 2007-2013, des États membres par rapport à la moyenne européenne, pour le FEDER, le FSE et le Fonds de cohésion. Lors de la précédente programmation, le taux d'absorption de la France, en fonction des fonds et des années, se situe ainsi tantôt au-dessus, tantôt en-dessous de la moyenne européenne, mais dans tous les cas très proche de celle-ci .

Source : Cour des comptes européenne.

Pour la programmation 2014-2020, au 31 décembre 2018, l'avancement de la mise en oeuvre des fonds européens se situe légèrement en dessous de la moyenne européenne.

Le tableau ci-après montre en effet qu'en matière de programmation, la France se situe en dessous de la moyenne de l'Union européenne - 61 % contre 68 % au niveau européen, sauf pour le FSE. On constate surtout un écart très important pour le FEAMP, de l'ordre de 15 points.

En matière de paiement, en revanche, la France se situe au-dessus de la moyenne européenne - 35 % contre 28 % -, et pour certains fonds l'écart est de plus de 10 points, pour le FSE notamment. Seuls les paiements au titre du FEAMP sont en dessous de la moyenne européenne. Mais l'écart pour ce fonds est beaucoup plus faible que pour le taux de programmation : il est en effet « seulement » de 3 %.

Selon les informations transmises par le CGET, pour l'IEJ également, la France se situe largement au-dessus de la moyenne européenne. Le taux de programmation était, au 31 décembre 2018, de 97 %, contre 84 % pour la moyenne européenne, et le taux de dépenses certifiées s'établissait à 56%, contre 52 %.

Taux de programmation et taux de paiement - données comparatives au 31 décembre 2018

Tous fonds

FEDER

FSE

FEADER

FEAMP

Taux de programmation moyen UE

68 %

74 %

69 %

49 %

43 %

Taux de programmation France

61 %

70 %

73 %

43 %

28 %

Taux de programmation le plus élevé

Hongrie : 104 %

Hongrie : 104 %

Chypre : 108 %

Finlande : 97 %

Malte : 88 %

Taux de programmation le moins élevé

Espagne : 49 %

Espagne : 44 %

Italie : 54 %

Malte : 15 %

Slovaquie : 9 %

Taux de paiement moyen UE

31 %

25 %

28 %

45 %

20 %

Taux de paiement France

35 %

25 %

38 %

44 %

17 %

Taux de paiement le plus élevé

Finlande : 55 %

Chypre : 45 %

Luxembourg : 53 %

Finlande : 64 %

Irlande : 42 %

Taux de paiement le moins élevé

Croatie : 17 %

Slovaquie : 13 %

Irlande : 16 %

Malte : 24 %

Bulgarie : 6 %

Source : Secrétariat général aux affaires européennes, à partir du site internet https://cohesiondata.ec.europa.eu/

Les taux supérieurs à 100 % pour la programmation s'expliquent par la prise en compte par ces États membres de la non-consommation in fine de la totalité des crédits programmés (abandon du projet, montant dépensé moins élevé que prévu, etc.

e) Une comparaison entre pays européens à prendre avec précaution

Cette comparaison entre États membres doit être prise avec un certain recul pour plusieurs raisons :

• La réglementation relative à l'utilisation des fonds européens dépend de la classification des régions retenue par la réglementation européenne. Les pays de l'Europe de l'Est, dont les régions sont dites « en transition » ou « les moins développées », peuvent utiliser les fonds européens pour financer des projets de grande ampleur comme des infrastructures. Or, ces types de projets se traduisent par des taux de programmation rapidement élevés. En outre, les taux de cofinancement par l'Union européenne sont plus élevés pour le FEDER - 85 % pour les régions les moins développées et 60 % pour les régions en transition. Cela impacte doublement les taux de consommation dans ces pays. D'abord, la part de fonds européens est de 10 à 35 points supérieure à celle d'un même type de projet dans une région française (à l'exception des régions d'outre-mer), où le cofinancement par l'Union européenne est au maximum de 50 %. Ensuite, le reste à charge pour le porteur de projets, ou les autres co-financeurs, est plus faible. Or, la période de restriction budgétaire qu'ont connue les collectivités territoriales en France a pu conduire à plus de difficultés pour finaliser le montage financier d'un projet. Enfin, la concentration thématique imposée par la Commission sur la recherche, l'innovation, la compétitivité et l'environnement est moins forte. Elle doit s'élever à 50 %, dont 12,5 % sur l'environnement pour les régions les moins développés, contre 80 ou 60 % (dont respectivement 20 ou 15 % sur l'environnement) pour les régions les plus développées ou en transition.

• Certains États membres ont des taux de programmation très élevés, mais des taux de certification très faibles. Tel est le cas de la Hongrie qui présente un taux de programmation de 104 % tous fonds confondus. Ce pays occupe la première place du classement européen pour la programmation des fonds européens. Toutefois, son taux de dépenses est faible : 27 % seulement, soit inférieur à la moyenne française. De même, Malte a un taux de programmation de 84 %, mais un taux de paiement de 30 %, soit de 5 points inférieur à celui de la France. D'autres pays, au contraire, ont des taux de programmation faibles, mais des taux de certification élevés. C'est le cas de l'Autriche, avec 57 % de taux de programmation - 4 points de moins que la France et 11 points de moins que la moyenne européenne -, mais un taux de dépenses certifiées de 44 %. Le Luxembourg se trouve dans une situation similaire, avec un taux de programmation de 56 % et un taux de dépenses certifiées de 45 % 25 ( * ) .

• Enfin, les taux de consommation nationaux reflètent également des choix politiques différents. Comme l'a indiqué M. Philippe Cichowlaz, chef de la mission des affaires européennes, aux Pays-Bas, « le choix a été fait de massifier l'intervention des fonds européens. Ainsi, pour le FEDER, les fonds européens ne cofinancent principalement que les politiques d'innovation et d'excellence », ce pays ne bénéficiant que d'environ 10 euros par habitant et par an. Par comparaison, la France bénéficie de près de 35 euros par an et par habitant. Dans ces conditions, notre pays « ne va pas pouvoir réserver ces crédits que pour une seule priorité politique ». Et de conclure : « Il faut toujours comparer les États membres en tenant compte du prisme territorial du pays, de son niveau de développement et des niveaux de financement qui lui sont alloués ».

Ainsi, selon M. Hugo Bevort, directeur des stratégies territoriales au CGET, en France, « la consommation des fonds est restée stable, dans des proportions sensiblement équivalentes et comparables à celle des autres pays européens » .

Par rapport à des pays d'organisation et de taille semblables - l'Italie, l'Espagne ou l'Allemagne, la France se trouve dans une situation similaire.

Taux de programmation et taux de paiement au 31 décembre 2018

France

Allemagne

Italie

Espagne

Tous fonds

Programmation: 61 %

Paiement: 35 %

Programmation : 67 %

Paiement : 34 %

Programmation : 62 %

Paiement : 23 %

Programmation : 49 %

Paiement : 22 %

FEDER

Programmation: 70 %

Paiement: 25 %

Programmation : 67 %

Paiement : 26 %

Programmation : 82 %

Paiement : 20 %

Programmation : 44 %

Paiement : 17 %

FSE

Programmation: 73 %

Paiement: 38 %

Programmation : 80 %

Paiement : 39 %

Programmation : 54 %

Paiement : 20 %

Programmation : 71 %

Paiement : 20 %

FEADER

Programmation: 43 %

Paiement: 44 %

Programmation : 56 %

Paiement : 39 %

Programmation : 36 %

Paiement : 29 %

Programmation : 38 %

Paiement : 31 %

FEAMP

Programmation: 28 %

Paiement: 17 %

Programmation : 38 %

Paiement : 15 %

Programmation : 39 %

Paiement : 16 %

Programmation : 28 %

Paiement : 16 %

Source : Secrétariat général aux affaires européennes.

La France fait jeu égal avec l'Italie en matière de programmation. Avec l'Allemagne, selon M. Francesco Gaeta, la différence « est due à notre faiblesse dans deux programmes : le FEADER et le FEAMP. Ainsi, sur le FEAMP, nous avons un taux de programmation inférieur de 10 points à celui de l'Allemagne ».

Quant à l'Espagne, ses taux très bas de programmation et de paiement s'expliquent par la grave crise économique que ce pays a traversée.

Focus sur le FEADER :
avancement de la programmation du FEADER au 31 mai 2019

Le taux moyen de paiement dans l'Union européenne était à cette date de 41,80 %, soit une augmentation de 2,7 points depuis le 31 janvier 2019. La France, avec un taux de 48,6 % occupe actuellement la 10 e position dans le classement européen de l'utilisation de ce fonds. Son taux de paiement a progressé de 3,8 points sur la même période.

Toutefois, ce résultat global dissimule de fortes disparités en fonction des mesures :

La France se situe au-dessus de la moyenne européenne sur les mesures « Gestion des risques », « Investissements », « Forêts » ou encore « Coopération ». En revanche, elle se situe en dessous de la moyenne européenne pour les « les services de base en milieu rural », l'assistance technique ou le programme LEADER.

De même, si elle est au-dessus de la moyenne nationale pour les indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN), elle est en retard sur les MAEC (mesures agroenvironnementales et climatiques) - avec un taux de paiement de 46,7 %, contre une moyenne européenne de 54,9 %, la France se situe en 19e position - ; ainsi que le soutien à l'agriculture biologique, avec un taux de paiement de 33,6 % pour la France, contre une moyenne européenne de 51,9 % - la France se situant en 25 e position. Toutefois, sur ces deux derniers points, des progrès importants ont été faits récemment, lui permettant de gagner une place dans le classement européen dans le soutien à l'agriculture biologique et deux places pour les MAEC.

Comparaison entre la France et la moyenne européenne du taux de paiement
par mesure pour le FEADER au 31 mai 2019

Mesure

Taux UE

Taux France

Nombre de pays présentant des dépenses

Rang France

Evolution du rang depuis le 31 janvier 2019

M01

Connaissance

18,70 %

25,00 %

23

7

-1

M02

Conseil

9 ?40 %

0,50 %

19

17

M03

Qualité

18,30 %

29,30 %

14

2

1

M04

Invetissements

28,90 %

32,50 %

28

13

2

M05

Reconstitution potentiel agricola

22,00 %

9,40 %

11

10

M06

Développement EA/installation

34,30 %

34,60 %

25

11

-1

M07

Services de base en milieu rural

28,50 %

14,80 %

23

18

M08

Forêts

28,20 %

35,70 %

23

7

M09

Mise en place d'OP

19,50 %

0,00 %

11

M10

MAEC

54,90 %

46,70 %

28

19

3

M11

Agriculture biologique

51,90 %

33,60 %

27

25

1

M12

Natura 2000

53,40 %

0,00 %

15

M13

ICHN

69,70 %

72,70 %

25

9

M15

Environnement forêt

18,20 %

0,00 %

11

M16

Coopération

11,10 %

14,50 %

19

9

M17

Gestion des risques

49,90 %

61,20 %

8

2

2

M19

LEADER

20,20 %

5,70 %

28

27

M20

Assistance technique

30,70 %

6,70 %

28

27

Total

41,80 %

48,60 %

28

10

Source : Agence de services et de paiement.

2. Des disparités régionales importantes en France dans l'utilisation des fonds européens

Derrière le taux d'utilisation moyen français se cachent des disparités régionales importantes. C'est ce qu'a indiqué M. Hugo Bevort lors de son audition : « Les taux de programmation sont extrêmement variables d'une région à l'autre, ce qui s'explique par des choix de gestion interne différents, et des difficultés qui ne sont pas corrélées à la richesse de ces régions ». Ainsi, selon les informations transmises par Régions de France, les taux de programmation pour le FEDER varient selon les régions entre 50 % et 100 %.

Comme le montre le tableau ci-après, présentant par programme opérationnel l'état d'avancement du FEDER au 30 juin 2019, si la plupart des régions ont un taux de programmation compris entre 60 % et 80 % trois présentent un taux supérieur à 100 %, tandis que deux programmes opérationnels ont un taux inférieur à 60 % 26 ( * ) .

Taux de programmation du FEDER au 30 juin 2019
pour les principaux programmes opérationnels régionaux
(cofinancements nationaux inclus)

Taux de programmation (cofinancements inclus)

Entre 40 et 50 %

Entre 51 et 60 %

Entre 61 et 70 %

Entre 71 et 80 %

Entre 81 et 90 %

Entre 91 et 100 %

Plus de 100 %

Nombre de régions

1

1

7

9

4

3

3

Taux de programmation du FEDER au 30 juin 2019
pour les principaux programmes opérationnels régionaux - crédits européens

Taux de programmation (crédits européens uniquement)

Entre 40 et 50 %

Entre 51 et 60 %

Entre 61et 70 %

Entre 71 et 80 %

Entre 81 et 90 %

Entre 91 et 100 %

Plus de 100 %

Nombre de régions

8

9

7

3

1

État d'avancement du FEDER au 30 juin 2019

Crédits européens et cofinancements nationaux (publics et privés)

Crédits européens

Région

Programme opérationnel

Maquette financière*

Taux de prog.

Maquette financière*

Taux de prog.

Taux de certification

Auvergne-Rhône-Alpes

PO Auvergne

359

107 %

215

7 3 %

40 %

PO Rhône-Alpes

728

63 %

364

4 9 %

18 %

Bourgogne-Franche-Comté

PO Bourgogne

507

76 %

184

51 %

19 %

PO Franche-Comté et Massif du Jura

356

75 %

151

54 %

27 %

Bretagne

PO Bretagne

819

74 %

62

84 %

26 %

Centre-Val de Loire

PO Centre-Val de Loire

353

72 %

180

48 %

22 %

Corse

PO Corse

194

82 %

104

6 7 %

22 %

Grand Est

PO Alsace

261

81 %

87

6 0 %

27 %

PO Champagne-Ardenne

532

69 %

182

4 5 %

17 %

PO Lorraine et Vosges

569

141 %

337

4 8 %

37 %

Hauts de France

PO Nord Pas de Calais

1244

80 %

674

67 %

18 %

PO Picardie

712

79 %

220

67 %

17 %

Ile-de-France

Po Ile-de-France et Bassin de Seine

411

87 %

185

66 %

13 %

Normandie

PO Basse-Normandie

462

93 %

187

7 0 %

23 %

PO Haute-Normandie

471

67 %

226

4 9 %

22 %

Nouvelle-Aquitaine

PO Aquitaine

1102

60 %

369

55 %

19 %

PO Limousin

352

101 %

126

56 %

15 %

PO Poitou- Charentes

372

79 %

223

5 0 %

21 %

Occitanie

PO Languedoc Roussillon

563

90 %

306

6 0 %

22 %

PO Midi-Pyrénées et Garonne

879

91 %

384

7 4 %

27 %

Pays de la Loire

PO Pays de la Loire

802

62 %

303

4 9 %

26 %

Région Sud

PO Provence-Alpes-Côte d'Azur

569

99 %

284

7 4 %

21 %

Guadeloupe

PO Guadeloupe Conseil régional

978

71 %

522

6 2 %

18 %

PO Guadeloupe Saint-Martin État

77

48 %

39

4 6 %

17 %

Guyane

PO Guyane Conseil régional

593

71 %

338

51 %

20 %

Martinique

PO Martinique conseil régional

1006

70 %

445

51 %

20 %

Mayotte

PO Mayotte

321

65 %

149

6 3 %

14 %

Réunion

Réunion FEDER

1942

67 %

1130

6 0 %

28 %

Source : État d'avancement des programmes opérationnels fonds européens structurels et d'investissement, juin 2019, L'Europe s'engage en France.

* millions d'euros.

L'étude de l'Assemblée des départements de France (ADF) sur l'état des lieux de l'utilisation des fonds structurels par les départements, réalisée en 2019, illustre cette forte disparité locale dans l'utilisation des fonds européens, en l'espèce le FSE : alors que le niveau moyen de programmation est de 81 %, cinq programmes opérationnels ont un niveau supérieur à 100 %, tandis que pour huit d'entre eux, il est inférieur à 60 %.

Taux de programmation du FSE au 31 décembre 2018
de certains départements

Source : Assemblée des départements de France.

Quant au FEADER, le tableau suivant indique les taux d'engagement et de paiement par région au 31 mai 2019 :

Taux d'engagement et de paiement du FEADER au 31 mai 2019

Région

Programme de développement rural (ancienne région)

Maquette FEADER*

% de maquette engagé

% de maquette payé

Auvergne-Rhône-Alpes

Auvergne

1286

70 %

60 %

Rhône-Alpes

1135

70 %

57 %

Bourgogne-Franche-Comté

Bourgogne

562

66 %

55 %

Franche-Comté

460

64 %

54 %

Bretagne

Bretagne

371

72 %

40 %

Centre-Val de Loire

Centre

353

62 %

43 %

Corse

Corse

149

54 %

45 %

Grand-Est

Alsace

122

54 %

34 %

Champagne-Ardenne

203

53 %

37 %

Lorraine

331

59 %

44 %

Guadeloupe

Guadeloupe

174

40 %

25 %

Guyane

Guyane

112

43 %

18 %

Hauts-de-France

Nord-Pas de Calais

121

47 %

23 %

Picardie

139

45 %

22 %

Ile-de-France

Ile-de-France

58

58 %

30 %

Martinique

Martinique

130

45 %

18 %

Mayotte

Mayotte

60

64 %

20 %

Normandie

Haute-Normandie

317

69 %

44 %

Basse-Normandie

104

56 %

28 %

Nouvelle-Aquitaine

Aquitaine

618

67 %

54 %

Limousin

644

64 %

52 %

Poitou-Charentes

619

66 %

60 %

Occitanie

Languedoc-Roussillon

411

66 %

48 %

Midi-Pyrénées

1446

70 %

60 %

Pays de la Loire

Pays de la Loire

461

68 %

38 %

Provence-Alpes-Côte d'Azur

Provence-Alpes-Côte d'Azur

540

70 %

57 %

Réunion

Réunion

386

47 %

26 %

Source : État d'avancement des programmes opérationnels fonds européens structurels et d'investissement, juin 2019, L'Europe s'engage en France.

*millions d'euros

Tous les fonds européens sont concernés par ces différences régionales. Pour le FEAMP, le niveau d'engagement varie entre 15,52 % pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à 57,14 % pour la région Normandie. Les différences sont encore plus frappantes pour les plans de compensation des surcoûts destinés aux régions d'outre-mer. En Guadeloupe le taux d'engagement atteint à peine 8,13 %, alors qu'il est de plus de 65 % à La Réunion.

Plusieurs raisons expliquent ces différences de taux.

Au-delà des questions d'organisation, de personnels ou du nombre de dossiers déposés demandant des fonds européens, ces différences de taux traduisent également des modes de gestion et des stratégies d'utilisation des fonds différentes . Ainsi, ADF explique la sur-programmation réalisée par certains départements par la volonté d'anticiper les sous-réalisations . Tel serait le cas du Cantal qui prend en compte une diminution moyenne des subventions égale à 30 % des sommes initialement programmées après solde des opérations. Selon l'étude d'ADF, cette stratégie a pour but de lui permettre de « maximiser l'utilisation des fonds en reprogrammant les sommes désengagées d'une période du programme opérationnel (soit par exemple la période 2014-2017) sur une autre période (conséquemment 2018-2020) ». C'est également la stratégie adoptée par la direction générale des outre-mer, qui recommande de programmer à 110 % environ pour, à la fois, anticiper sur le taux inévitable de sous-réalisation de certains projets et ne pas susciter de demandes de financement coûteuses en frais de gestion et sans doute déçues in fine .

La consommation varie également en fonction des thématiques . Comme l'a indiqué Régions de France, l'enveloppe consacrée au soutien aux PME et à la formation professionnelle est quasiment intégralement consommée. En revanche, la consommation est plus faible pour celle consacrée à la protection environnementale ou aux infrastructures numériques.

Le taux de consommation du FEADER dépend fortement des ICHN, qui sont payées très rapidement. Or, elles sont inexistantes dans certaines régions comme l'ancienne région Midi-Pyrénées, mais représentent une part importante des fonds alloués en Ile-de-France ou dans les Hauts-de-France.

Interrogé par votre rapporteure pour savoir si l'on constatait une différence dans la consommation des fonds européens entre les régions qui avaient fusionné et celles dont le périmètre n'avait pas été modifié , M. Édouard Guillot, conseiller pour les affaires européennes à ADF a indiqué que les différences constatées ne sont pas liées à la fusion des régions, « mais à la qualité des relations des exécutifs départementaux avec les exécutifs régionaux. La région Hauts-de-France est un cas d'école ». Selon lui, dans cette région, « l'entente entre l'exécutif régional et les exécutifs départementaux est excellente, et la région associe facilement les départements dans l'utilisation de tous les fonds européens ». Or, force est de constater que les taux de programmation sont élevés dans cette région, notamment pour le FSE :

Taux de programmation et de certification des fonds européens
au 30 juin 2019 pour les programmes opérationnels de la région Hauts-de-France

Crédits européens et cofinancement

Crédits européens

Taux de certification

Maquette financière*

Taux de prog.

Maquette financière

Taux de prog.

PO Nord pas de Calais

FEDER

1 244

80 %

674

67 %

18 %

FSE

198

97 %

119

97 %

20 %

IEJ

89

140 %

67

139 %

30 %

PO Picardie

FEDER

712

79 %

220

67 %

17 %

FSE

102

118 %

61

119 %

42

IEJ

30

212 %

22

212 %

29 %

Source : État d'avancement des programmes opérationnels fonds européens structurels et d'investissement, juin 2019, L'Europe s'engage en France.

*millions d'euros

3. La faiblesse de la consommation actuelle des fonds en outre-mer : un retard à relativiser

On l'on vu, les régions d'outre-mer bénéficient de montants élevés de fonds européens .

Au cours de son audition, M. Étienne Desplanques, sous-directeur des politiques publiques à la direction générale des outre-mer du ministère des outre-mer, a indiqué que, « sur la programmation précédente 2007-2013, les chiffres sont quasiment stabilisés. Comme le souligne la Cour des comptes, le FEDER a été utilisé à 100 %, le Fonds social européen (FSE) massivement - entre 99 % et 100 %, hormis en Guyane, en raison d'une période difficile en 2015-2016 pour les trois niveaux concernés : l'autorité de gestion - à l'époque, l'État - l'autorité intermédiaire, soit le conseil régional, et l'autorité de certification. En revanche, le taux de consommation du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) oscille entre 91 % et 94 % ».

Mais les taux de consommation moyens des fonds européens pour la période actuelle sont inférieurs à la moyenne nationale . Ainsi pour le FEADER, hors Mayotte, le taux de crédits européens engagés est inférieur d'un tiers à la moyenne nationale . Selon les informations transmises par la direction du budget, le taux de décaissement - c'est-à-dire la part de l'enveloppe en crédits d'engagement ayant été couverte par des paiements - des fonds de la politique de cohésion en outre-mer était estimé, au 18 juin 2019, à 23 %, contre 28 % à l'échelle nationale.

Les raisons du retard des territoires ultramarins dans l'utilisation du FEADER : l'exemple de la Guyane

Au cours de son audition, M. Rodolphe Alexandre, président de la collectivité territoriale de Guyane, a apporté des éléments d'explication au retard constaté dans l'utilisation du FEADER : « Les régions métropolitaines ont un fort taux de consommation parce qu'elles ont beaucoup de mesures surfaciques qui sont reconduites chaque année et qui constituent des aides directes plus ou moins automatiques : les indemnités compensatrices des handicaps naturels (ICHN) ou encore les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC).En Guyane, nous avons plutôt des aides à l'installation ou à la modernisation de l'exploitation. En effet, si en métropole, les fermes se revendent clef en main, chez nous, en cas de nouvelle installation, il faut souvent défricher, couper des arbres, installer l'eau courante et l'assainissement, l'éclairage, etc. Nos agriculteurs sont pénalisés car ils doivent attendre deux ans en moyenne entre la signature du bail d'installation avec France Domaine - car en Guyane 95 % du foncier appartient à l'État, et c'est France Domaine qui cède le bail emphytéotique -, et le moment où le jeune peut commencer à planter. L'instruction des dossiers prend du temps. Le taux de 18 % de paiement se comprend aisément ; il est lié à de nombreux problèmes. Aucune banque en Guyane ne suit un jeune agriculteur car elles sont frileuses. L'agriculteur a du mal à présenter des préfinancements. Une fois l'agriculteur installé, il faut encore prévoir le plan de bornage des parcelles, définir les cultures, le matériel. Tout cela explique le décalage entre l'engagement et le paiement ».

Mayotte, pour sa part, se caractérise par un taux d'utilisation très faible du FSE . Toutefois, cette situation s'explique par le fait qu'il s'agit pour ce territoire de sa première période de programmation des fonds européens, entraînant des difficultés spécifiques relatives notamment à la professionnalisation des acteurs dans la gestion des subventions européennes.

Taux de consommation des fonds européens en outre-mer
au 30 juin 2019 - crédits européens uniquement

Région

FSE

FEDER

FEADER

IEJ

Guadeloupe

50 %

62 %

40 %

69 %

PO Guadeloupe Saint-Martin État

65 %

46 %

51 %

Guyane

72 %

51 %

43 %

PO Guyane FSE État

69 %

Martinique

50 %

51 %

45 %

66 %

PO Martinique FSE État

54 %

Mayotte

29 %

63 %

64 %

La Réunion

60 %

47 %

PO Réunion FSE État

55 %

Moyenne nationale

72 %

59 %

65 %

103 %

Source : Direction générale des outre-mer

Outre les problèmes communs à l'ensemble des territoires français dans la mise en place de la programmation 2014-2020, les territoires ultramarins ont été confrontés à des difficultés conjoncturelles et structurelles spécifiques :

• la fusion de collectivités en Guyane et en Martinique, qui a pu constituer une problématique supplémentaire dans ces territoires ;

• une faible attractivité des postes dans certains territoires ainsi que plus généralement, au sein du réseau des directions des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;

• l'ampleur des projets structurants (aéroports, routes, transports collectifs en site propre, traitement des déchets, eau, assainissement, éolien, hôpitaux, universités, etc.), qui sont plus longs à mettre en place.

• une faiblesse de l'ingénierie et un nombre élevé de petits porteurs de projets.

Toutefois, au cours des derniers mois, il est possible de constater une accélération dans l'utilisation des fonds européens en outre-mer : entre le 1 er janvier et le 30 juin derniers, les taux de programmation du FSE et du FEDER ont augmenté de 12 %.

4. Un optimisme partagé sur la capacité de la France à utiliser la totalité des fonds européens d'ici la fin de la programmation

Dans l'ensemble, les personnes auditionnées semblent confiantes sur une utilisation de la totalité des fonds européens alloués à la France . Comme l'a indiqué M. Jules Nyssen, délégué général de Régions de France, lors de son audition, il existe pour le FEDER et le FSE un certain nombre de projets en stock que les chiffres ne reflètent pas : « De nombreuses initiatives sont en train d'être prises afin de voir comment re-flécher des crédits et réallouer les moyens entre les projets. En Centre-Val de Loire, un important projet d'infrastructures ferroviaires a été abandonné. Cela a réaffecté les crédits sur d'autres sujets ; et donc pousse la région à repenser et remobiliser tel ou tel projet ».

Selon M. Stéphane Le Moing, président-directeur général de l'Agence de services et de paiement, à l'exception du programme LEADER, l'ensemble des enveloppes prévues par les maquettes régionales et nationales du FEADER devrait être consommé à la fin de la programmation . Quant au programme LEADER, la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises du ministère de l'agriculture et de l'alimentation a rappelé la possibilité d'un remaquettage partiel de l'enveloppe . En effet, le règlement européen n'impose de consacrer à ce programme que 5 % de la maquette, soit pour la France 600 millions d'euros. Or, le choix a été fait de réserver une somme plus importante, 713 millions d'euros, que le minimum requis. Pour le FSE, le fait de disposer d'un programme national unique permet le déploiement d'une « programmation dynamique », pour reprendre l'expression de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, et donne la possibilité de réorienter les fonds vers des thématiques et projets davantage consommateurs de crédits.

Pour autant, en dépit de ce constat globalement positif, votre mission d'information a relevé des difficultés, certes circonscrites, mais bien réelles, qui alimentent le ressenti évoqué de la sous-utilisation des fonds européens en France.


* 22 Cf . infra .

* 23 Soit 1,3 % de l'enveloppe totale consacrée à la politique de cohésion pour la période 2007-2013.

* 24 Les fonds de l'Union européenne sont considérés comme absorbés une fois que la Commission les a versés au programme opérationnel d'un État membre au titre du cofinancement de projets éligibles. Le taux d'absorption comprend les avances ainsi que les paiements intermédiaires et final. Le taux d'absorption rejoint ainsi la notion de taux de consommation.

* 25 Source : Commissariat général à l'égalité des territoires, d'après les chiffres de la base de données Open cohesion data .

* 26 État d'avancement des programmes opérationnels fonds européens structurels et d'investissement, juin 2019, L'Europe s'engage en France.

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