B. RENFORCER L'AUTORITÉ DU MAIRE ET L'EFFECTIVITÉ DE SES POUVOIRS DE POLICE

« Les pouvoirs de police du maire sont théoriques ».

« Donner de vrais pouvoirs de police aux maires ! ».

« Si le maire dispose de pouvoirs de police définis par la loi, il ne dispose que de peu de moyens pour les appliquer ».

« Rendre un réel pouvoir de police aux maires ».

Ces propos d'élus, recueillis dans le cadre de la consultation, témoignent de la difficulté que rencontrent les maires à mettre en oeuvre les prérogatives qui leur sont conférées par la loi et à garantir, dans la pratique, l'effectivité de leurs pouvoirs de police.

Le Gouvernement apporte, dans le cadre du projet de loi « Engagement et proximité », une première réponse à ces revendications, en proposant d'élargir la palette des mesures à disposition des maires pour l'exercice de certains pouvoirs de police. Ainsi en est-il par exemple du renforcement de ses pouvoirs à l'égard des établissements recevant du public ou encore de la possibilité de se voir déléguer la compétence pour prononcer la fermeture des débits de boisson présentant un trouble à l'ordre public.

Au-delà de ces mesures sectorielles, votre commission estime qu'il existe des voies d'amélioration plus transversales pour renforcer les moyens d'action des élus. Loin de s'opposer aux mesures du Gouvernement, les propositions qu'elle formule viennent, au contraire, les compléter, dans l'optique de consolider l'autorité des maires sur leur territoire.

1. Sanctionner plus rapidement et plus durement les infractions à la réglementation municipale

L' inefficience de la réponse pénale aux incivilités et infractions du quotidien est l'une des principales critiques soulevées par les participants à la consultation.

Pour de nombreux élus, la lenteur des procédures judiciaires de même que l'application de sanctions trop faibles rendraient, dans les faits, la répression peu efficace et peu dissuasive.

Les solutions suggérées pour répondre à ce constat varient dans les contributions.

Certains maires revendiquent l'attribution d'un pouvoir de sanction propre , qui leur permettrait, directement ou par le biais de leurs agents de police municipale, d'infliger rapidement des amendes en cas de constat d'infractions.

Pour d'autres, l'accélération de la répression nécessite la généralisation de la procédure de l'amende forfaitaire , qui permet l'application, dès le constat de l'infraction, d'une sanction immédiate sans nécessité d'un jugement devant le tribunal.

Enfin, certaines contributions font état de la nécessité de renforcer les sanctions pénales encourues en cas d'infractions.

Témoignages de maires : un besoin de sanctions plus rapides et plus sévères

« Dans les petites communes qui ne disposent pas de police municipale, permettre aux maires de pouvoir utiliser les moyens rapides pour appliquer des amendes (stationnements dangereux, gênants, sens interdit....) ».

« Mettre en place des dispositifs pour sanctionner plus facilement les actes d'incivilités pour ne pas encombrer les tribunaux (plaintes pour les dépôts d'ordures ménagères... : dépôts de plaintes long, puis aucune suite, tribunal ? pour finalement rien, pour finalement que je ne dépose plus de plaintes, j'en ai marre de perdre mon temps.....) ».

« Il serait nécessaire d'avoir la possibilité de passer par des contraventions forfaitisées, sans passer par le procureur, pour qu'il y ait un lien direct, infraction - sanction ».

« Prévoir des amendes forfaitaires fixes et élevées (comme pour les infractions au code de la route) avec un carnet de timbres-amendes pour verbaliser. »

« Donner la possibilité au maire d'engager une procédure de pénalisation rapide et proportionnée dans tous les domaines d'incivilités . »

« Il faut plus facilement pouvoir mettre des amendes administratives et les faire payer que de faire des constats et des PV au procureur qui sont classés sans suite ne sert à rien sinon donner le mauvais exemple. »

" Le montant des amendes en cas d'infraction à un arrêté n'est pas suffisant ."

« Augmentation significative des amendes. »

« Amendes peu élevées concernant le non-respect d'un arrêté municipal : les revoir à la hausse pour ainsi être plus dissuasif. »

Sensible à ces préoccupations, votre commission formule trois recommandations concrètes susceptibles de répondre aux attentes des élus.

a) Renforcer et sécuriser la possibilité ouverte aux maires de prononcer des amendes administratives

Celles-ci trouvent une première concrétisation dans le projet de loi « Engagement et proximité », dont l'article 15 prévoit l'attribution au maire du pouvoir de prononcer des amendes administratives en cas de manquements à la réglementation municipale applicable en matière d'occupation et d'encombrement du domaine public.

Sont plus particulièrement visés les dépôts sauvages d'encombrants sur la voie publique, le non-respect des obligations d'élagage ainsi que l'occupation illégale du domaine public.

Votre commission partage, dans son principe, cette mesure qui répond à une demande forte des élus et apparaît de nature à exercer un effet dissuasif plus important que la voie pénale et à réprimer plus rapidement les incivilités quotidiennes .

Elle estime néanmoins nécessaire de simplifier et de sécuriser le dispositif proposé, afin de lui assurer sa pleine effectivité .

La rédaction proposée soulève, en effet, deux principales difficultés.

Dès lors qu'elle autorise l'engagement de poursuites administratives pour des faits qui peuvent également être sanctionnés par la voie pénale, elle présente, en premier lieu, un risque sérieux d'inconstitutionnalité .

Si le Conseil constitutionnel n'exclut pas, par principe, le cumul de sanctions pénales et de sanctions administratives, il exige, pour qu'il y ait cumul de poursuites, soit que les faits réprimés ne soient pas les mêmes, soit que les sanctions ne soient pas de même nature, soit que les finalités de la répression soient différentes, c'est-à-dire que la répression poursuivent des intérêts sociaux distincts 19 ( * ) .

De l'avis de votre commission, le dispositif proposé par le Gouvernement n'est pas conforme à cette jurisprudence. En effet, il autoriserait l'engagement de poursuites administratives pour des faits identiques à ceux couverts par des contraventions pénales, avec une finalité similaire, en vue de prononcer des peines de même nature.

Aussi, afin de ne pas fragiliser cette nouvelle prérogative confiée aux maires, votre commission juge-t-elle souhaitable de rendre les poursuites administratives et pénales alternatives. Il s'agirait de prévoir un mécanisme d'extinction de l'action pénale en cas de prononcé d'une amende administrative, tout en préservant la capacité du procureur de la République de se saisir préalablement, dans un délai fixé par le législateur.

En second lieu, votre commission observe qu'en limitant le prononcé des amendes administratives aux manquements « ayant un caractère répétitif ou continu » , le texte du Gouvernement tend à complexifier, pour le maire, la caractérisation des situations justifiant l'application d'une telle amende, ce qui priverait le dispositif de son efficacité.

Au demeurant, il apparaît souhaitable que le maire puisse réagir dès la première incivilité, étant entendu que l'auteur du manquement aurait, en tout état de cause, toujours la possibilité de se mettre en conformité avec la réglementation dans le cadre d'une procédure de mise en demeure.

Forte de ces constats, votre commission propose donc de supprimer cette condition de répétition ou de continuité, de nature à nuire à l'applicabilité du dispositif proposé.

b) Élargir la possibilité pour les agents de police municipale de dresser des amendes forfaitaires

Si le dispositif de l'amende administrative facilitera l'application de sanctions plus rapides, force est de constater qu'il ne concernera qu'un nombre réduit d'infractions et ne couvrira, en tout état de cause, pas tout le champ des pouvoirs de police du maire.

Afin de répondre aux attentes fortes des élus, votre commission recommande donc qu'il soit procédé, en complément, à l'élargissement du champ des infractions pour lesquelles les agents de police municipale sont autorisés à dresser des amendes forfaitaires .

La procédure de l'amende forfaitaire permet en effet de sanctionner simplement et rapidement un contrevenant, en lui appliquant une amende fixe et non modulable, sans besoin d'un jugement prononcé par un tribunal. Elle garantit donc l'efficacité de la répression, en particulier pour des infractions simples, objectives et faciles à caractériser.

Les agents de police municipale peuvent actuellement prononcer des amendes forfaitaires pour un certain nombre d'infractions 20 ( * ) : contraventions au code de la route, contraventions réprimant les bruits et tapages nocturnes, contraventions en cas de vente de boissons alcoolisées en violation d'un arrêté, etc. La procédure de l'amende forfaitaire n'est en revanche pas ouverte à tous les manquements aux arrêtés de police du maire.

À l'instar des recommandations de la commission d'enquête sénatoriale sur l'état des forces de sécurité intérieure 21 ( * ) ainsi que d'un rapport de l'inspection générale de l'administration sur « le maire et la sécurité intérieure » de juillet 2017, votre commission estime souhaitable d'étendre le champ de la procédure de l'amende forfaitaire à certaines infractions aux arrêtés du maire.

Il ne s'agirait pas d'appliquer, par principe, cette procédure simplifiée à l'ensemble des manquements aux arrêtés du maire, visés à l'article R. 610-5 du code de procédure pénale. En effet, comme le relève à juste titre le ministère de la justice, l'amende forfaitaire n'a vocation à s'appliquer qu'à des faits simples, susceptibles d'être aisément constatés.

Il apparaît en revanche possible, pour certaines infractions aux arrêtés du maire facilement caractérisables et ne nécessitant pas d'acte d'enquête, de créer des contraventions spéciales et de prévoir, pour celles-ci, l'application de la procédure de l'amende forfaitaire . Tel pourrait par exemple être le cas pour les infractions aux arrêtés du maire en matière de consommation d'alcool sur la voie publique, de voirie et d'occupation du domaine public, de lutte contre la sécheresse, de baignades.

La mise en oeuvre d'une telle proposition nécessiterait la création, par le ministère de la justice, d'un groupe de travail dédié qui, en collaboration avec le ministère de l'intérieur et les associations d'élus, pourrait identifier les infractions spécifiques et récurrentes susceptibles de faire l'objet d'une telle procédure . Il reviendrait, par la suite, au pouvoir réglementaire, compétent pour le champ contraventionnel, de procéder aux modifications nécessaires par décret.

c) Augmenter le montant maximal de l'amende encourue en cas d'infraction à un arrêté de police

En l'état du droit, les infractions aux arrêtés de police édictés par le maire ou par le préfet sont punies, en application de l'article R. 610-5 du code pénal, d'une amende de la première classe , c'est-à-dire d'un maximum de 38 euros , à l'exception de celles faisant l'objet de dispositions légales ou réglementaires spécifiques.

De manière à renforcer l'effectivité des pouvoirs de police du maire et à rendre les sanctions à ses arrêtés plus dissuasives, votre commission recommande d'élever la contravention de la première à la deuxième classe, pour porter le montant maximal de l'amende encourue à 150 euros .

Proposée par le rapport précité de l'inspection générale de l'administration, cette augmentation n'apparait pas disproportionnée au regard des amendes prévues, par des dispositions spéciales, pour réprimer d'autres atteintes à des arrêtés de police municipale. À titre d'exemple, le non-respect de la réglementation municipale en matière de collecte des ordures ménagères est d'ores et déjà puni d'une amende prévue pour les contraventions de la deuxième classe 22 ( * ) .

2. Renforcer l'information des maires sur les suites judiciaires données aux infractions constatées sur le territoire de la commune

Certains maires regrettent vivement de ne disposer que d' informations parcellaires sur les suites judiciaires données aux infractions constatées sur le territoire de leurs communes, y compris lorsqu'ils sont à l'origine du signalement.

Les griefs formulés recouvrent, dans les faits, deux situations distinctes.

Il ressort en premier lieu des témoignages que les services de police et de gendarmerie ainsi que les parquets rempliraient de manière très inégale leur obligation d'information à l'égard du maire.

La loi prévoit en effet que celui-ci soit informé, dans le respect des règles relatives au secret de l'enquête et de l'instruction, des suites et décisions judiciaires concernant :

- d'une part, les infractions qu'il signale en application de l'article 40 du code de procédure pénale . Le parquet est, pour ces infractions, tenu de l'informer systématiquement des classements sans suite, des mesures alternatives aux poursuites ou des poursuites engagées 23 ( * ) , et, à sa demande uniquement, des décisions de jugement et des appels interjetés ;

- d'autre part, les « infractions causant un trouble à l'ordre public commise sur le territoire de sa commune ». Les services de police et de gendarmerie sont tenus de l'informer dans les plus brefs délais de la survenance de ces infractions. À sa demande, le maire est informé, par le parquet, des suites judiciaires, décisions de jugement et appels interjetés relatif à ces infractions 24 ( * ) .

Dans la pratique, il apparaît pourtant que certains élus ne parviennent que difficilement à faire valoir ce droit à l'information. Le maire d'une petite commune de moins de 500 habitants témoigne ainsi : « Sauf en cas d'urgence, les gendarmes ne réagissent pas et n'informent pas du tout les maires de leur présence et actions dans la commune. Le procureur de la République n'informe pas non plus sur les actions en justice. On apprend par la presse ou des rumeurs que tel ou tel a été condamné alors que les faits incriminés étaient connus dans le village. Aucune information sur les actions en cours. Nous sommes lâchés dans la nature . »

En second lieu, les maires déplorent ne pas être informés des suites judiciaires données aux procès-verbaux de constat d'infractions dressés par le maire ou par ses agents de police municipale, pour lesquels ils ne disposent d'aucun droit à l'information. Plusieurs témoignages l'illustrent :

« Après constat PV du maire ou de gendarmerie, nous ne sommes que très rarement informés des suites. »

« Mon expérience de mes 2 mandats me fait constater que les infractions furent partiellement pénalisées, il est regrettable que monsieur le procureur n'informe pas les maires de la suite donnée aux affaires. »

« Personnellement, j'aimerais être informé des suites données aux procès-verbaux dressés ou enquêtes menées....sur la commune ce n'est pas le cas. »

« Après un dépôt de plainte pour dépôts sauvages je n'ai jamais su si les personnes incriminées avaient eu une amende. »

« La plupart du temps, les procès-verbaux pour infractions sont sans suite ou la commune n'a aucune information du procureur. »

Votre commission partage le souci des maires de disposer d'une information élargie de la part des autorités judiciaires . Sans qu'il soit question de leur reconnaître un accès complet aux données judiciaires, elle estime que deux évolutions mériteraient d'être conduites.

Elle recommande tout d'abord de faire évoluer le cadre légal afin de prévoir que le maire soit systématiquement informé par le procureur de la République, et non simplement à sa demande , des suites judiciaires données aux infractions causant un trouble à l'ordre public commises sur le territoire de sa commune ainsi qu'aux infractions qu'il signale lui-même au parquet.

Il lui apparaît en effet nécessaire qu'ils puissent, compte tenu de leur rôle en matière d'animation et de coordination de la politique de prévention de la délinquance, disposer d'une image précise de l'état de la criminalité et de la délinquance sur le territoire de leur commune et de la réponse pénale apportée par la justice à ces faits.

Votre commission est au demeurant convaincue que nombre de maires, principalement par méconnaissance de leurs droits, ne s'adressent que rarement aux parquets pour obtenir les informations dont ils auraient besoin. Aussi une information systématique du procureur garantirait-elle un accès plus égalitaire des élus à l'information.

Par ailleurs, votre commission propose d'étendre l'obligation d'information du maire aux suites judiciaires données aux infractions constatées par les agents de police municipale et signalées au parquet 25 ( * ) . Il apparaît en effet légitime que le maire, titulaire du pouvoir de police générale et de nombreux pouvoirs de police spéciale, puisse être informé des suites judiciaires données aux infractions à la réglementation qu'il édicte, ne serait-ce que pour lui permettre, le cas échéant, d'adapter la mise en oeuvre de ses prérogatives de police et de sanctions administratives avec la réponse apportée par les autorités judiciaires.

3. Affirmer le rôle des polices municipales dans les territoires
a) Assouplir les conditions de mutualisation des polices municipales

La création d'une police municipale constitue, pour le maire, l'un des vecteurs les plus efficaces pour assurer l'effectivité de ses pouvoirs de police et garantir le respect de la réglementation qu'il édicte. Conformément à l'article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure, les agents de police municipale sont en effet chargés d'exécuter « les tâches relevant de la compétence du maire (...) en matière de prévention et de surveillance du bon ordre, de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques ».

Les contributions recueillies par votre commission témoignent toutefois des difficultés rencontrées par les plus petites communes, au regard de l'engagement financier que cela implique, pour recruter ne serait-ce qu'un agent de police. C'est ainsi que le maire d'une commune de moins de 500 habitants indique : « il conviendrait de créer des polices intercommunales qui assureraient des rondes et permanences dans les villages ce que ne peut plus faire la gendarmerie. Autrefois, nous avions le garde champêtre au village et la brigade de gendarmerie dans le canton. Aujourd'hui ces services ont disparus et les petites communes n'ont pas les moyens de payer un agent municipal chargé de la police ».

Dans ce contexte, plusieurs élus voient dans la mutualisation des polices municipales , en particulier au niveau intercommunal, une voie d'amélioration certaine pour mieux lutter contre les incivilités.

Témoignages de maire :
la nécessaire mutualisation des polices municipales

« Mise en place d'une police municipale si possible ou mutualisation de celles existantes. »

« Création d'une police intercommunale ».

« Pour éviter que le maire soit toujours en première ligne il faudrait développer la mutualisation des polices municipales ».

« Mutualisation pour disposer de service de police municipale intercommunal ».

« Création d'une police intercommunale au niveau de la communauté de communes ».

« Pour les petites communes rurales une mutualisation de police avec des communes qui ont les ressources humaines ».

Ce même constat avait été formulé par vos anciens collègues François Pillet et René Vandierendonck, qui, dans le cadre d'un rapport d'information publié en 2012, estimaient que « la mutualisation intercommunale des polices municipales semble constituer une voie évidente pour lutter contre la progression des inégalités territoriales devant la sécurité » 26 ( * ) .

Les communes disposent, en l'état du droit, de deux régimes distincts pour procéder à la mutualisation d'agents de police municipale .

Ainsi, en application de l'article L. 512-2 du code de la sécurité intérieure, un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI) peut recruter, à la demande des maires de plusieurs de ses communes et après délibération de deux tiers au moins des conseils municipaux des communes représentant plus de la moitié de la population totale de celles-ci, ou inversement, des agents de police municipale afin de les mettre à disposition desdites communes

Par ailleurs, les communes formant un ensemble de moins de 80 000 habitants d'un seul tenant peuvent, sauf lorsqu'elles sont membres d'un EPCI ayant recruté des agents de police intercommunaux, mutualiser leurs agents de police municipale. Ces agents sont mis à disposition de chacune des communes concernées, selon des modalités et une organisation définies par convention.

Le recours à ces régimes de mutualisation paraît, dans la pratique, encore réduit . Une étude conduite par l'assemblée des communautés de France (AdCF) en 2018 auprès de l'ensemble des communautés et métropoles révèle que seuls 20 % des EPCI à fiscalité propre ayant répondu à l'enquête se sont engagés dans la création d'une « police intercommunale » et que moins de 15 % des communes auraient procédé à la mutualisation de leurs agents de police sans soutien de la communauté.

Cet état de fait s'explique, en partie, par la crainte des maires de perdre la maîtrise d'une partie de leur police. Votre commission observe également que le manque de lisibilité du régime juridique existant ne facilite pas l'engagement d'un processus de mutualisation.

C'est pourquoi elle propose de réviser la procédure actuelle de recrutement d'agents de police intercommunaux, afin de conférer au président de l'EPCI un pouvoir d'initiative partagée, avec les maires des communes membres.

L'objectif d'une telle modification est double. Elle vise, d'une part, à impulser la mutualisation des polices au niveau intercommunal, en ne la conditionnant pas uniquement à une initiative du maire. D'autre part, il s'agit, de permettre au président de l'EPCI, lorsqu'il se voit transférer des pouvoirs de police spéciale, d'initier la procédure de recrutement d'agents de police intercommunaux pour lui permettre d'assurer l'exécution de ses arrêtés.

De manière à réduire les appréhensions des maires à l'égard de cette mesure, votre commission suggère également que soit précisé, dans la loi, que le recrutement d'agents de police par l'intercommunalité ne s'oppose pas au recrutement, par le maire, de ses propres agents de police municipale.

b) Encourager la négociation de conventions de coordination plus précises au bénéfice d'une meilleure complémentarité entre les forces de sécurité étatique et les services de police municipale

Le sentiment d'abandon par les services de l'État est prégnant dans les contributions des maires. Parmi les écueils auxquels ils paraissent se heurter figure, souvent, la présence ou la disponibilité insuffisante des forces de sécurité étatiques.

De nombreux témoignages l'illustrent.

Témoignages de maires :
une présence insuffisante des forces de sécurité de l'État

« Accentuer la présence de la police nationale ou de la gendarmerie sur le terrain, en proximité, et ne pas les cantonner aux seules tâches de maintien de l'ordre. »

« Être sûr de l'appui de la gendarmerie ou police nationale, rapide, en cas de besoins. Avoir un numéro d'appel dédié (...) pour contacter les forces de l'ordre et permettre leur intervention si besoin. »

« Avec la suppression de la mission de police de proximité par l'État et la réduction constante des effectifs sur le terrain (notre bureau de police nationale est réduit à peau de chagrin), nous avons été contraints de créer une police municipale. Toutefois, les missions ne sont pas les mêmes et les agents municipaux ne sont pas toujours respectés quand on est face à une personne véhémente. Les services de l'État ont plus l'habitude de se reposer sur notre police municipale que d'être des partenaires d'intervention. »

« Nous manquons de moyens en lien police/gendarmerie pour constater et sanctionner rapidement.

Si le retour d'une police de proximité constitue une priorité, votre commission observe néanmoins qu'il apparaît illusoire de confier aux forces de sécurité de l'État un rôle majeur dans la gestion des incivilités du quotidien.

C'est, à l'inverse, plutôt par la valorisation de l'action des polices municipales dans chaque territoire et le renforcement de leur complémentarité avec les forces de sécurité nationales qu'il pourra, selon elle, être procédé au développement d'une véritable police de proximité, au service du maire et des citoyens.

L'articulation entre les services de police municipale et les services de la police nationale ou de la gendarmerie nationale est actuellement organisée par le biais des conventions de coordination 27 ( * ) . Ces conventions, obligatoires pour tout service de police municipale comportant plus de 5 agents, sont conclues par le maire de la commune (ou, le cas échéant, le président de l'EPCI) et le préfet du département. Elles précisent les missions des services de police municipale concernés et régissent leur cadre d'intervention.

Leur bilan demeure, dans la pratique, assez mitigé . Comme le relevait le rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur les forces de sécurité intérieure en 2018, « si certaines communes se sont engagées, au travers des conventions de coordination, dans le développement de coopérations très étroites avec les forces de police et de gendarmerie, d'autres se sont en revanche satisfaites d'une convention plus formelle, sans chercher à valoriser une quelconque complémentarité avec les forces de l'État ». De nombreuses communes se contentent de la reprise de la « convention-type » définie par décret, sans exploiter cet outil pour définir un cadre d'intervention adapté à chaque territoire.

Si elle ne saurait suffire pour garantir la montée en puissance des polices municipales, votre commission estime que la consolidation des conventions de coordination constitue une étape nécessaire pour clarifier les compétences respectives des forces néanmoins de sécurité sur les territoires et garantir une meilleure coopération opérationnelle.

Aussi recommande-t-elle, à l'instar de vos anciens collègues François Pillet et René Vandierendonck dans leur rapport précité, de réviser le cadre juridique de ces conventions, à plusieurs égards.

De manière à promouvoir, y compris auprès des communes de taille moyenne, le recours aux conventions de coordination, elle estime souhaitable d'abaisser de cinq à trois agents de police le seuil à compter duquel la négociation d'une convention serait obligatoire.

Elle propose, par ailleurs, que la liste des signataires des conventions soit étendue au procureur de la République , afin de l'impliquer pleinement dans la définition des missions des agents de police municipale, notamment en matière de police judiciaire.

Enfin, il lui apparaît souhaitable que le contenu des conventions soit renforcé, afin d'inciter les communes et les forces de sécurité de l'État, sous l'égide des préfets, à engager une réflexion plus approfondie sur la place des services de police municipale. Pourraient par exemple utilement figurer parmi les mentions obligatoires des conventions la définition des missions judiciaires confiées aux agents de police municipale de même que leur doctrine d'emploi.

4. Favoriser le déploiement de systèmes de vidéo-protection et de caméras mobiles dans les communes

Face à l'insuffisance des moyens humains dont elles disposent et à la difficulté à identifier, dans certains cas, les auteurs d'incivilités, certains participants à la consultation estiment nécessaire de développer le recours à la vidéo-protection ou aux caméras mobiles.

Comme le relève un maire, « des solutions simples existent pour mieux lutter contre les infractions les plus courantes et les plus préjudiciables pour la sécurité et la tranquillité des gens : faciliter le recours aux caméras furtives et mobiles type chasse (motos en forêt, dépôts d'ordures, vols, lieux d'incivilités répétitives). [...] ».

Le coût de l'équipement se révélant toutefois, dans la pratique, prohibitif pour nombre de communes, plusieurs élus revendiquent une aide financière plus importante par les services de l'État.

Témoignages de maires : une aide financière de l'État insuffisante

« Le soutien de l'État dans l'exercice de nos pouvoirs de police peut être davantage renforcé : meilleur financement de la vidéo protection et allègement ou accélération des procédures pour l'implantation de nouvelles caméras. »

« Il faudrait donner aux communes les moyens financiers d'installer des caméras (ou que des caméras soient données aux communes pour éviter que l'argent versé ne soit utilisé pour autre chose) aux endroits où l'on retrouve toujours les déchets. »

« Aide financière aux communes pour organiser une télé surveillance et/ou système de caméra. »

« Il faut aussi des moyens pour la vidéo-surveillance, qui peut avoir un rôle dissuasif et qui a nécessairement un rôle informatif pour poursuivre les délinquants. Mais si à une certaine époque l'État avait proposé de prendre en charge à 50% les dépenses de mise en place de tels dispositifs, il n'y a eu aucune suite, malgré des demandes pourtant réitérées. Actuellement les communes sont contraintes de financer elles-mêmes ces dispositifs très coûteux, en limitant nécessairement leur aire de fonctionnement, faute de budget. »

L'État offre, par le biais du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), des opportunités de subvention pour les projets d'acquisition de caméras de vidéo-protection et, depuis 2019, de caméras individuelles.

Votre commission observe toutefois que les conditions de subventions sont strictes et n'offrent qu'un appui financier relatif aux communes souhaitant s'équiper de dispositifs d'enregistrement vidéo.

La circulaire de la secrétaire générale du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation du 20 février 2019 relative aux orientations pour l'emploi des crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance, limite en effet le taux de subvention à 50 % du coût estimé, dans la limite d'un plafond de 15 000 euros pour une caméra fixe et de 200 euros pour une caméra mobile.

Les critères d'éligibilité tendent, par ailleurs, à privilégier les zones où le taux de délinquance est le plus élevé, réduisant, de facto , les opportunités de subvention pour les communes souhaitant s'équiper de caméras pour lutter contre les incivilités du quotidien.

Ces restrictions sont regrettables au regard de l'efficacité prouvée des dispositifs d'enregistrement vidéo sur la lutte contre la délinquance et les incivilités. Il est en effet admis que la vidéo-protection et les caméras-mobiles facilitent le constat d'infractions et exercent un effet dissuasif important. Au demeurant, les expérimentations conduites sur les caméras mobiles ont révélé qu'elles constituaient un outil efficace pour apaiser les tensions entre police et population.

Au vu de ces éléments, votre commission recommande que le FIPD soit abondé afin d'apporter un appui financier plus important aux communes souhaitant investir dans des équipements d'enregistrement vidéo sur la voie publique.

*

Certaines des propositions formulées dans le présent rapport nécessitent une modification législative .

Soucieuse d'assurer leur traduction rapide, votre commission les a intégrées, par voie d'amendement, au projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique , lors de son examen en commission.


* 19 Conseil constitutionnel, décision n° 2019-783 QPC du 17 mai 2019, M. Nicolas S.

* 20 Ces infractions sont limitativement énumérées à l'article R. 48-1 du code de procédure pénale.

* 21 Rapport n° 612 (2017-2018) de M. François Grosdidier, fait au nom de la commission d'enquête sénatoriale sur l'état des forces de sécurité intérieure, déposé le 27 juin 2018. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/r17-612-1/r17-612-11.pdf

* 22 Art. R. 632-1 du code pénal.

* 23 Art. 40-2 du code de procédure pénale.

* 24 Art. L. 132-3 du code de la sécurité intérieure.

* 25 En application des dispositions de l'article 21-2 du code de procédure pénale,

* 26 Rapport d'information n° 782 (2011-2012) de MM. François Pillet et René Vandierendonck, fait au nom de la commission des lois. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/r11-782/r11-7821.pdf .

* 27 Le régime des conventions de coordination est fixé par les articles L. 512-4 et suivants du code de la sécurité intérieure.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page