EXAMEN EN COMMISSION

___________

Réunie le mercredi 9 octobre 2019 sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission examine le rapport d'information, fait au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, de Mme Catherine Deroche et M. René-Paul Savary, sur l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam).

M. Alain Milon , président . - Nous examinons désormais le rapport d'information sur l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) fait au nom de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss), présenté par nos collègues Mme Catherine Deroche et M. René-Paul Savary. Je remercie le président de la Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, de bien avoir voulu accepter d'ajouter ce sujet à un programme de travail déjà bien chargé, mais il me tenait particulièrement à coeur.

Nous constatons régulièrement qu'en dépit de dépenses de santé qui soutiennent tout à fait les comparaisons européennes, notre système de santé semble craquer de toute part. Nous l'avons encore observé lors de l'audition du collectif inter urgences la semaine dernière. Nous constatons aussi que le fait de « tenir » l'Ondam n'a pas empêché la constitution d'une dette sociale très largement composée de la dette de la branche maladie, mais aussi d'une dette hospitalière conséquente. Il était donc nécessaire de s'interroger sur cet outil.

Mme Catherine Deroche , rapporteure . - La Mecss nous a confié en début d'année une mission sur l'Ondam, dont nous votons chaque année le montant au moment de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Cette mission est l'occasion de prendre du recul par rapport aux commentaires à chaud auxquels nous nous livrons chaque automne - à partir notamment des analyses de la Cour des comptes - sur le respect ou non de l'objectif voté l'an passé, son taux d'évolution pour l'année à venir ou encore la ventilation des crédits et des efforts d'économies entre les différents acteurs de l'offre de soins.

Nous formulons, année après année, certaines réserves, qui justifient de se pencher plus en détail sur un outil qui soulève par ailleurs de plus en plus de critiques de la part d'acteurs du système de santé quant à son manque de transparence et d'équité.

Rappelons-le, l'Ondam repose sur une logique a priori vertueuse. C'est un objectif ad hoc de dépenses, distinct de celui de la branche maladie et de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) dont il recouvre une partie des prestations et dépenses. L'Ondam a permis de renforcer le suivi par le Parlement d'une dépense dynamique : d'un peu plus de 90 milliards d'euros dans la première LFSS pour 1997, elle représente aujourd'hui environ 200 milliards.

Mais cet objectif ne reflète pas toute la dépense de santé : d'autres agrégats, la consommation de soins et de biens médicaux et la dépense courante de santé réunissent, sur d'autres périmètres, la part prise en charge non seulement par la sécurité sociale (que retrace l'Ondam), mais aussi par les autres financeurs (organismes complémentaires et reste à charge des ménages). La dépense courante de santé représente ainsi 276 milliards d'euros.

L'Ondam n'est pas un simple outil statique de suivi de la dépense : il sert d'abord à en assurer le pilotage et la régulation, de manière à ce que la dépense publique consacrée à la couverture des besoins de santé soit compatible avec les recettes votées, pour un niveau de solde donné. Autrement dit, ce niveau de dépense doit être soutenable pour notre modèle de prise en charge solidaire des soins, et susceptible de garantir sa pérennité s'agissant de dépenses courantes dont le financement par la dette ne peut se justifier.

De ce point de vue, l'Ondam est devenu au fil du temps un instrument plus crédible de pilotage budgétaire de la dépense de santé. Depuis 2010, l'Ondam voté a été systématiquement respecté, alors qu'il avait connu jusqu'à cette date des évolutions erratiques. Suivant des recommandations formulées à cette date par le groupe de travail présidé par Raoul Briet, ses outils de pilotage ont été renforcés : le comité d'alerte de l'Ondam, créé en 2004, a vu ses missions étendues, et des mesures de régulation infra-annuelle (les gels de crédits) ont été généralisées - nous y reviendrons.

Le taux moyen d'évolution de l'Ondam sur la période 2010-2018, en exécution, s'est stabilisé à environ 2,28 % par an, quand il était de 4,78 % en moyenne annuelle entre 2000 et 2009. Cette modération a contribué, sans en être toutefois la seule explication, à la réduction du déficit de l'assurance maladie sur la période.

Faut-il, dès lors, se satisfaire de ce constat et se dire que tout va bien dès lors que l'on « tient » l'Ondam ? La doctrine économique confirme que les dépenses de santé tendent à croître sur le long terme plus rapidement que la richesse nationale : la part de la consommation de soins dans le PIB a ainsi plus que triplé de 1950 à 2018, passant de 2,5 % à 8,6 %. La vocation de l'Ondam est d'éviter toutefois la fuite en avant en mobilisant des gains d'efficience au sein du système de santé.

La nécessité de cette régulation est incontestable. Il nous semble pour autant que nous touchons aujourd'hui aux limites d'un pilotage budgétaire à courte vue, certes efficace, mais qui ne parait plus en mesure d'accompagner la transformation tout aussi nécessaire de notre système de santé.

M. René-Paul Savary , rapporteur . - Nous avons identifié un double besoin : d'une part, celui de redonner du sens et de la visibilité aux acteurs du système de santé, d'autre part, celui de renforcer notre rôle, celui du Parlement, dans le pilotage d'une dépense portée par de lourds enjeux comme le vieillissement de la population ou l'innovation thérapeutique.

Nos observations, guidées par ce double objectif, portent à la fois sur le champ des dépenses incluses dans l'Ondam, la construction de cet objectif, sa structuration en sous-objectifs et les modes de régulation sur lesquels il repose.

S'agissant du périmètre de l'Ondam, la tentation du jardin à la française est parfois d'y inclure des prestations qui en sont exclues, comme les indemnités journalières de maternité ou les pensions d'invalidité, qui représentent un total de 17 milliards d'euros. Cela ne nous semble pas être un réel enjeu, car la logique sous-jacente se justifie : si ces dépenses ne sont pas régulables, les inclure dans l'Ondam ne fait pas de sens.

En revanche, la vision éclatée qu'offre l'Ondam sur certaines dépenses stratégiques pose davantage question. C'est notamment le cas dans le secteur médico-social qu'analyse chaque année notre collègue Bernard Bonne : l'Ondam retrace la majorité, mais non pas l'ensemble des dépenses de soins des établissements et services médico-sociaux, également abondées par des prélèvements sur les ressources propres de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Il nous semblerait utile de disposer, au moment de l'examen du PLFSS, d'une vision plus globale de l'effort public dédié à la prise en charge de la perte d'autonomie. Ces mêmes observations peuvent s'appliquer aux dépenses de prévention, dont il est regrettable de ne pas pouvoir apprécier le retour sur investissement.

La construction de l'Ondam est également un sujet constant d'attention. Nous vous avons distribué un schéma qui en retrace les grandes étapes. Deux d'entre elles sont essentielles : l'évaluation du tendanciel, c'est-à-dire la croissance spontanée des dépenses, et la présentation des économies qui permettent de contenir cette tendance dans le taux-cible d'évolution voté.

Pour 2018 comme 2019, le tendanciel de dépenses était évalué à 4,5 %, imposant un quantum d'économies sur la tendance de plus ou moins 4 milliards d'euros, presque équivalent à la dépense supplémentaire engagée, sachant que le taux d'évolution de l'Ondam était fixé à 2,3 % pour 2018 et 2,5 % pour 2019.

Si l'exercice est complexe, l'évaluation du tendanciel reste opaque, ce qui ne manque pas de soulever chaque année des interrogations. La méthode est plus étoffée pour les soins de ville que pour l'hôpital ; elle est comme le note la Cour des comptes largement empirique pour le médico-social.

L'enjeu est loin d'être neutre, car en découle pour les secteurs de l'hôpital ou encore du médicament une régulation par les prix plus ou moins « agressive », au regard des volumes d'activité anticipés. Il nous semble utile de renforcer la transparence de l'exercice, sur la base d'une méthodologie partagée avec les acteurs. L'annexe au PLFSS consacrée à l'Ondam gagnerait à être étoffée de la décomposition du tendanciel et des hypothèses qui le sous-tendent. C'est un document que nous devons examiner avec vigilance.

Quant aux plans d'économies détaillés à titre indicatif en annexe au PLFSS, ils peinent à refléter un pilotage véritablement stratégique, et surtout lisible, de la dépense de santé. Certes, de grandes orientations se précisent au fil des années, autour de la structuration de parcours de soins efficients, de la pertinence des prescriptions et des prises en charge, de la performance interne des établissements ou de la maîtrise du prix du médicament.

Toutefois, s'y mêlent des mesures de nature diverse, qui ne sont parfois que des économies opportunistes comme des transferts vers d'autres financeurs... En outre, toutes ces mesures, en dehors de celles de maîtrise médicalisée, ne donnent pas lieu à un suivi dans le temps, ce qui confère à l'exercice un caractère artificiel. Là aussi, un effort d'évaluation devrait être déployé pour donner du sens et renforcer notre suivi du pilotage budgétaire et stratégique de l'Ondam.

Au total, cet exercice de construction de l'Ondam ne permet pas véritablement d'objectiver les besoins de financement du système de santé, d'analyser ou d'anticiper les grandes tendances comme les effets du virage ambulatoire, par son caractère très cloisonné.

Mme Catherine Deroche , rapporteure . - L'Ondam est d'abord, en effet, un levier de régulation : l'un des principaux enjeux vient d'ailleurs aujourd'hui du mode même de régulation de la dépense de santé sur lequel repose l'Ondam. Le respect de l'Ondam voté, s'il faut bien sûr s'en réjouir, s'appuie sur une asymétrie des mécanismes de régulation qui fragilise, peu à peu, l'adhésion des acteurs.

La régulation infra-annuelle, c'est-à-dire les mesures permettant de « tenir » l'objectif en cours d'exécution, s'appliquent d'abord aux enveloppes fermées à destination des établissements de santé, à travers les coefficients prudentiels ou les mises en réserve de crédits.

Les gels sur l'Ondam hospitalier ont représenté en moyenne 400 millions d'euros par an en début d'exercice sur la période 2010-2018, et, en cumulé sur la période, ce sont plus de deux milliards de crédits votés qui ont été in fine annulés pour garantir le respect de l'Ondam total.

Ce mécanisme est efficace pour tenir l'Ondam, mais il se révèle perdant-perdant pour l'hôpital : même quand des arbitrages plus favorables pour reverser des crédits mis en réserve aux établissements hospitaliers sont pris, comme ce fut le cas sur les exercices 2017 et 2018, ils n'interviennent que tardivement (en février ou mars de l'année suivante), ce qui prive les établissements de la visibilité nécessaire pour piloter leur activité ou leurs choix d'investissements.

De surcroît, et s'il faut là aussi leur reconnaître le mérite de l'efficacité, les leviers de régulation de l'Ondam sont de manière prépondérante des actions sur les prix.

Pour les établissements de santé, cela se décide lors de la « campagne tarifaire » qui conduit à la publication, généralement en mars, de l'arrêté ministériel fixant les tarifs pour l'année en cours au vu des prévisions d'activité. En 2019 et pour la première fois depuis 10 ans, les tarifs hospitaliers marquent une progression à la hausse, certes modeste de 0,2 %, qui met fin à une spirale à la baisse. Il faut y reconnaître un signal positif, dans un contexte de ralentissement de l'activité hospitalière.

Le poste des médicaments a aussi fortement contribué à la modération de l'Ondam, avec deux leviers directs d'action dans ce secteur que sont les conventions de fixation des prix et les clauses de sauvegarde qui se déclenchent en cas de dépassement d'un certain chiffre d'affaires des entreprises pharmaceutiques. Les dépenses de médicaments relevant de l'enveloppe soins de ville ont évolué entre 2010 et 2017 de 1,6 % quand les dépenses totales de ce sous-objectif augmentaient de 16,6 %, et les honoraires de paramédicaux de 40 %.

Les autres secteurs des soins de ville ne sont pas exempts de régulation. Mais contrairement à l'hôpital, les conventions tarifaires ne sont pas utilisées en cours d'année pour ajuster les tarifs aux volumes d'activité. Les accords de modération dans le secteur de la biologie médicale, qui font l'objet d'une renégociation délicate, sont jusqu'alors la seule exception.

Les solutions ne sont pas simples, mais un constat se détache : celui d'inscrire l'Ondam dans une trajectoire réellement pluriannuelle et une réflexion prospective sur la dépense de santé. En théorie, la pluriannualité existe déjà : tel est notamment l'objet des lois de programmation des finances publiques. Connaître le taux d'évolution à trois ou quatre ans de l'Ondam est un progrès, mais cet exercice de projection reste très formel et trop peu documenté.

Les fédérations hospitalières appellent de leurs voeux une plus grande visibilité dans la tarification, sur une base au moins triennale : cette préconisation, reprise par la task force sur le financement du système de santé pilotée par Jean-Marc Aubert, nous semble être une évolution indispensable, a fortiori avec la réforme du financement de l'hôpital que va engager le PLFSS pour 2020.

Les modes de régulation fondés sur la modération des volumes par la qualité et la pertinence, plutôt que ceux résultant de la logique du rabot, nécessitent également de s'inscrire dans la durée. Le secteur de la radiologie a ouvert la voie en ce sens. Nous pourrions également, dans ce cadre pluriannuel, envisager des formes de lissage dans le temps de la dépense, pour absorber les chocs éventuels sur une année, par exemple dans le secteur du médicament en cas d'arrivée sur le marché d'innovations thérapeutiques.

Un autre sujet qui s'accommode mal de l'annualité de l'Ondam est celui des investissements hospitaliers, qui marquent un net recul depuis 2009. Nous réitérons la préconisation portée par le rapport de la Mecss sur la tarification à l'activité (T2A) dès 2012 de mieux prendre en compte le cycle de vie des investissements hospitaliers, en déconnectant ces dépenses des tarifs.

De manière générale, il manque une vision stratégique et prospective pour objectiver les besoins de santé et identifier les grandes tendances à moyen terme, liées aux effets du vieillissement, à l'arrivée d'innovations, et mettre en regard les financements mobilisables. La régulation à courte vue via l'Ondam nous éloigne de cette réflexion collective aujourd'hui indispensable.

M. René-Paul Savary , rapporteur . - Un dernier sujet de réflexion vient de la structure même de l'Ondam qui est voté, depuis 2005, en six sous-objectifs : l'Ondam soins de ville, l'Ondam hospitalier, les deux sous-objectifs relatifs au secteur médico-social, le fonds d'intervention régional (FIR) et les autres prises en charge ; leur contenu est présenté dans le document qui vous a été distribué. Ce découpage avait constitué un progrès, en renforçant la portée du vote par le Parlement. Il a aussi le mérite de la clarté puisqu'il correspond à des canaux de financement et à des modes de régulation distincts.

Ce découpage n'est toutefois pas parfait. Les deux secteurs de la ville et de l'hôpital sont ainsi plus poreux qu'on ne le pense parfois : les prestations hospitalières exécutées en ville, qui représentent près de 12 milliards d'euros et connaissent une progression dynamique, s'imputent sur l'objectif soins de ville alors que leur fait générateur est à l'hôpital. Quant aux honoraires conventionnels, ils ont un impact sur le budget des établissements de santé par le biais des consultations externes. Cela invite à penser la régulation de manière plus transversale : notamment, la demande récurrente des fédérations hospitalières d'être associées aux négociations conventionnelles nous paraît devoir être entendue.

La structuration actuelle de l'Ondam entretient les clivages entre les offreurs de soins du système de santé, à rebours des enjeux de parcours de soins et de décloisonnement ; elle reproduit en l'amplifiant son pilotage dual entre le ministère et l'assurance maladie. Comme l'a souligné Jean-Marc Aubert, cette structuration a tendance à figer le regard et les parts de marché. Son récent rapport a préconisé de supprimer les sous-objectifs ou d'en redéfinir le périmètre, pour tenir compte des évolutions proposées pour le financement du système de santé.

Pour autant, le regroupement des deux principaux sous-objectifs (ville et hôpital) paraît prématuré. Il serait intéressant en revanche de croiser les approches pour sortir du seul clivage ville-hôpital et suivre des agrégats de dépenses plus transversaux, par exemple pour des enjeux importants comme la santé mentale ou la perte d'autonomie, ou pour mesurer les effets de reversement de l'hôpital vers la ville du fait du virage ambulatoire.

Pour finir, et en écho à ce besoin de plus grande transversalité, nous nous sommes interrogés sur la transformation de l'Ondam en Ordam, à savoir un objectif régionalisé de dépenses d'assurance maladie. Ce débat revient régulièrement dans l'actualité. Il avait conduit à la création en 2012 du FIR, géré par les agences régionales de santé (ARS), et qui constitue depuis 2014 un sous-objectif de l'Ondam, dont il ne représente que moins de 2 % du total, soit 3,5 milliards d'euros pour 2019.

L'objectif serait double : favoriser une plus grande fluidité entre secteurs et contribuer à résorber les inégalités territoriales. Mais cette évolution se heurterait aussi à des difficultés qui ne sont pas que techniques : notamment, pourrait-on accepter des mécanismes régionaux de régulation de la dépense, par exemple des tarifs différents d'un territoire à l'autre ? L'idée est séduisante mais elle poserait en l'état plus de questions qu'elle n'apporterait de réponses.

Elle ne prendrait sens que dans une refonte de la gouvernance de notre système de santé pour aller vers un pilotage régionalisé. Ce n'est pas à l'ordre du jour et la brèche que nous avions ouverte lors de l'examen de la dernière loi santé, en confiant la présidence du conseil de surveillance des ARS au président de région, s'est vite refermée...

Il n'en demeure pas moins que le principe d'Ordam indicatifs, comme outil de suivi dans le temps et d'aide à la décision pour le rééquilibrage d'inégalités entre territoires, serait un premier pas utile.

Les dotations du FIR pourraient également être relevées pour donner plus de marges de manoeuvre à l'échelon territorial dans la conduite de politiques transversales entre la ville, l'hôpital et le médico-social, avec une gouvernance des ARS refondée dans le sens que nous avions préconisé.

Telles sont nos principales observations et recommandations. En l'absence d'un autre mode de régulation de la dépense de santé, l'Ondam est un outil dont on ne saurait se passer. Mais il faut aujourd'hui remettre les termes de transparence, d'équité et de visibilité au coeur de sa gestion et l'inscrire dans une réflexion stratégique et prospective qui fait défaut alors que l'on touche dans de nombreux domaines aux limites d'un pilotage budgétaire à courte vue de notre système de santé.

M. Michel Amiel . - La création d'objectifs régionalisés est une piste intéressante. Ne craignez-vous pas toutefois que cela n'entraîne une aggravation des inégalités territoriales ?

M. Jean-Noël Cardoux . - Je félicite nos rapporteurs pour la qualité de leur travail. Le rapport met l'accent sur des pistes que l'on évoque depuis longtemps. Si l'Ondam est un excellent outil, il s'est révélé au fil du temps très rigide. La pluriannualité serait donc judicieuse. Le décloisonnement, notamment entre la médecine de ville et l'hôpital, apparaît aussi fondamental, au même titre qu'une réforme des ARS.

M. Alain Milon , président . - Nous vous présenterons la semaine prochaine un rapport sur notre déplacement à Madrid. Je n'ai pas été convaincu par tous les aspects du système de santé espagnol, mais je l'ai été par la régionalisation qui s'est accompagnée d'une réduction considérable des inégalités territoriales.

Mme Michelle Gréaume . - L'Ondam est établi à partir de la tendance naturelle d'évolution des dépenses de santé. Mais depuis dix ans, il est calculé à partir d'une situation déjà contrainte par les restrictions budgétaires successives. On observe un décalage entre les besoins et les moyens qui ne cessent de diminuer. La crise des urgences n'est-elle pas ainsi le résultat des Ondam passés ? Ne vaudrait-il pas mieux investir pour remettre à niveau le système hospitalier, plutôt que de régionaliser au risque d'accroître les inégalités entre régions ? Depuis sa création, l'Ondam est un outil de maitrise des dépenses. Il a systématiquement été inférieur au tendanciel d'évolution des dépenses de santé, imposant un effort d'austérité à tous les acteurs. C'est pourquoi le groupe CRCE ne cesse de réclamer sa suppression. Que pensez-vous de la déclaration du président du conseil d'orientation des retraites qui estime qu'une progression de l'Ondam de 2,3 % sera dommageable pour l'hôpital public et la qualité des soins ?

M. René-Paul Savary , rapporteur . - Les représentants de l'assurance maladie sont réservés sur la territorialisation car les tarifs sont les mêmes sur tout le territoire. D'autres acteurs y sont plus favorables. Le mécanisme peut être intéressant si l'on se dote de moyens supplémentaires pour lutter contre les inégalités. C'est pourquoi nous proposons d'abord d'augmenter les dotations au FIR.

M. Michel Amiel . - Cela s'accompagne-t-il d'une forme de péréquation ?

M. René-Paul Savary , rapporteur . - Une forme de péréquation existe s'agissant du FIR. La péréquation consiste toujours à prendre aux uns pour donner plus aux autres, c'est toujours un peu critiquable, mais il faut bien reconnaître qu'il existe des inégalités criantes entre territoires en matière de psychiatrie par exemple. On pourrait réduire certaines inégalités en faisant en sorte que l'ARS porte des projets territoriaux. C'est pourquoi nous proposons que le président du conseil régional préside son conseil de surveillance. Le travail en silo des ARS ne peut plus continuer.

L'Ondam est un instrument budgétaire à courte vue. Fixer des objectifs pluriannuels permettrait d'aller au-delà. Je précise toutefois que l'Ondam ne représente pas l'ensemble des dépenses de santé. La dépense courante de santé s'élève à plus de 275 milliards d'euros. La consommation de soins et de biens médicaux, c'est-à-dire les soins remboursés, sans les dépenses de prévention, représente environ 200 milliards d'euros. La sécurité sociale assure 78 % de ces remboursements, les organismes complémentaires 13 %, tandis que le reste à charge des ménages s'élève à environ 7 %. L'Ondam ne représente que la partie régulée des soins, mais les soins de ville relèvent d'un système conventionnel, tandis que l'hôpital peut être plus facilement régulé par la modulation des tarifs en fonction de l'activité.

Madame Gréaume, effectivement à force de faire des économies de plusieurs milliards chaque année, il arrive un moment où l'hôpital craque. Certes, la question des moyens n'épuise pas le sujet, car il faut aussi poser la question de l'organisation, toutefois je plaide pour l'organisation d'états généraux sur l'hôpital ou au moins pour la réalisation d'un grand audit.

Mme Catherine Deroche , rapporteure . - Si l'assurance maladie n'est pas favorable à la création d'objectifs régionalisés de dépenses, d'autres acteurs soutiennent l'idée. Il est vrai que la création des grandes régions, marquées par des disparités internes importantes, rend la réforme plus compliquée. Toutefois cette évolution parait judicieuse mais devra s'accompagner d'une modification de la gouvernance.

M. René-Paul Savary , rapporteur . - Cela parait inéluctable.

M. Alain Milon , président . - On peut prendre l'exemple des lois de décentralisation de 1982 et 1983 : chacun a pu constater leur effet bénéfique pour les écoles, les collèges et les lycées.

M. Michel Amiel . - Grâce à des moyens nouveaux !

M. Alain Milon , président . - On a simplement donné aux collectivités territoriales le pouvoir de faire. Le modèle de l'État centralisateur n'est pas toujours très bon.

M. Daniel Chasseing . - La régionalisation pourrait aller dans le bon sens. Il conviendrait toutefois de réfléchir à une modulation des dotations du FIR en fonction de plusieurs critères, comme l'âge de la population, afin d'améliorer la prise en charge des premiers recours ou de financer la couverture médico-sociale adaptée.

La commission autorise la publication du rapport d'information.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page