Troisième séquence :

Vingt années d'activité législative pour l'égalité femmes-hommes

1999-2019 : vingt ans de vigilance et de propositions au service de la cause des femmes, par Laurence Rossignol, vice-présidente de la délégation

Laurence Rossignol. - Merci, Madame la présidente, chère Annick.

Bonjour à toutes et à tous.

J'aimerais commencer par partager une observation. Vous avez tous découvert, effarés, l'attentat terroriste qui a eu lieu hier à Halle, en Allemagne. Je ne sais pas si vous avez entendu les propos du terroriste pour expliquer son geste ? Il a dit qu'il voulait dénoncer les féministes qui sont, selon lui, responsables de la baisse de la natalité, en Europe particulièrement.

Je voudrais attirer votre attention sur une chose. Lorsque je me déplace dans les territoires, j'entends des femmes qui hésitent à affirmer leur féminisme. Elles disent : « Je ne suis pas féministe, mais ... ». En revanche, les adversaires de la démocratie, les racistes, les antisémites, sont résolument antiféministes et ils n'ont pas de doute sur ce point. Il s'est passé la même chose au Canada, il y a quelques années, lors de l'attentat contre le Lycée polytechnique de Montréal. Les féministes deviennent une cible des anti-démocrates, une cible du terrorisme : le suprémacisme blanc est aujourd'hui un facteur de violence dans nos sociétés. Je tenais à faire cette remarque car, à mon sens, ce contexte n'est pas éloigné de celui dans lequel travaille la délégation aux droits des femmes. Son histoire au cours des vingt dernières années se confond totalement avec les avancées qui ont eu lieu pendant la même période en matière de droits des femmes et d'égalité entre les femmes et les hommes.

Comme j'ai peu de temps et que cela serait fastidieux, je vous épargnerai la liste de toutes ces lois, mais elles remplissent quatre ou cinq pages 65 ( * ) . Les délégations aux droits des femmes du Sénat et de l'Assemblée nationale ont été à la fois des symboles de cette évolution, mais aussi des actrices de celle-ci. J'aimerais souligner aujourd'hui de quelle manière la délégation aux droits des femmes peut continuer d'enraciner son utilité dans la vie parlementaire.

Cette délégation est un lieu où l'on pense, on réfléchit, on étudie. La production de rapports et l'organisation de colloques sont très utiles parce que les études féministes ne sont pas si nombreuses. La délégation aux droits des femmes est à la fois l'endroit où les études féministes viennent s'exprimer, car nous auditionnons leurs auteurs et autrices, et où sont élaborés des documents qui alimentent une pensée féministe. Voilà pour ma première remarque.

Ma deuxième remarque est que j'aimerais que nous soyons plus audibles au Sénat : je souhaiterais par exemple que nous puissions déposer des amendements au titre de la délégation, ce qui n'est actuellement pas possible. Nous déposons donc les amendements reflétant les prises de position de la délégation soit à titre individuel, soit par le biais de nos groupes politiques. La délégation devrait, en tant que telle, être partie prenante du processus législatif. Dans le travail que nous menons, qui est un travail de transversalité et d'analyse sur les conséquences des textes de loi pour l'égalité femmes-hommes, nous devrions avoir la possibilité de traduire nos analyses par des propositions spécifiques. Je crois que cela devrait constituer la prochaine étape pour les délégations parlementaires aux droits des femmes.

Enfin, il faut consolider ce qui nous unit et ce qui nous rassemble. Nous sommes toutes membres de groupes politiques et nous sommes là parce qu'ils nous ont désignées pour être leurs représentants et leurs candidats. Nous sommes donc solidaires de nos groupes, mais nous avons appris, dans notre vie politique, et dans notre vie politique féministe, qu'il faut aussi bousculer nos groupes politiques si nous voulons obtenir des avancées. Si les femmes avaient attendu que les partis politiques portent la parité et l'égalité, rien ne se serait passé ! Je rappelle que la loi sur la parité n'est pas issue des partis politiques, mais d'un appel rassemblant des femmes de tous bords, à l'initiative notamment de Simone Veil, Yvette Roudy ou Michèle Barzach 66 ( * ) . C'est cet engagement collectif transpartisan des femmes qui fait bouger les partis politiques, qui sont par nature plus réticents, plus dubitatifs pour faire de la place aux femmes et à ce qu'elles portent en termes de transformation sociale.

La délégation aux droits des femmes est donc un lieu transpartisan dans lequel les sénatrices élaborent une analyse et des propositions pour faire évoluer la société, quitte à bousculer un peu leurs groupes. Je souhaiterais que nous soyons toutes plus libres à l'égard de nos groupes politiques. J'ai la certitude que, même si par moments nous les bousculons un petit peu, nous ne les fragilisons pas tant que cela. Ils résistent assez bien et nous survivent !

[Applaudissements.]

C'est cela qui est pour moi le coeur de la délégation aux droits des femmes. Il nous faut accepter d'être insolentes. Les droits des femmes se sont conquis avec de l'insolence, avec une volonté de déstabilisation de l'ordre et du pouvoir tel qu'il était lorsque nous y sommes entrées. Soyons aussi insolentes au Sénat !

Les hommes féministes sont du reste les bienvenus à la délégation. Par ailleurs, et au risque peut-être de surprendre mes collègues, je ne crois pas que l'absence d'hommes déqualifie ou disqualifie un travail. S'ils sont là, tant mieux, mais s'ils ne sont pas là, tant pis, on avance quand même ! [Applaudissements.]

Je vous remercie.

[Applaudissements.]

Annick Billon . - Merci, chère collègue. Comme vous le voyez, les membres de la délégation ne manquent ni de piquant, ni d'insolence !

J'ajoute une précision pour compléter ce que vient de dire Laurence Rossignol. En effet, la délégation n'a pas, contrairement aux commissions permanentes, la possibilité de déposer collectivement des amendements ou des propositions de loi.

En revanche, nous pouvons prendre de telles initiatives à titre personnel et les faire cosigner par nos collègues. Ce fut le cas pour la proposition de résolution contre le mariage des enfants, les grossesses précoces et les mutilations sexuelles, qui a été largement cosignée, au-delà des membres de la délégation et des seules sénatrices. Comme cela a été rappelé par le président du Sénat, cette résolution a été votée à l'unanimité, par des hommes et des femmes.

Nous en arrivons à la partie de cette matinée centrée sur trois thèmes fondateurs de l'égalité entre femmes et hommes : la parité et l'accès aux responsabilités, l'égalité professionnelle et la lutte contre les violences.

Nous avons souhaité introduire dans ces débats un élément plus ludique. Chacune de ces séquences s'ouvrira donc par une saynète, écrite et interprétée par la comédienne Blandine Métayer, dont le spectacle Je suis top a suscité un grand intérêt au sein de notre délégation.

Blandine Métayer est accompagnée du comédien Pascal Gilbert. Ils font tous les deux partie de la société Changement de décor . Puis auront lieu, à trois reprises, sur chacun de ces thèmes, des échanges entre une ancienne présidente et une sénatrice actuellement membre de la délégation.

Je vous invite, en guise d'introduction, à regarder une vidéo montrant les présidentes successives de la délégation à la tribune du Sénat.

[Une vidéo est projetée 67 ( * ) ].


* 65 Une liste de quelques grandes lois emblématiques pour les droits des femmes est annexée au présent recueil.

* 66 Voir le Manifeste des dix pour la parité , publié par L'Express du 6 juin 1996 et signé par Simone Veil, Yvette Roudy, Hélène Gisserot, Édith Cresson, Michèle Barzach, Véronique Neiertz, Monique Pelletier, Catherine Tasca, Frédérique Bredin et Catherine Lalumière.

* 67 Voir en annexe la transcription des discours prononcés lors de ces séances du Sénat.

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