Rapport d'information n° 347 (2019-2020) de M. Jacques GENEST , fait au nom de la commission des finances, déposé le 26 février 2020

Disponible au format PDF (2,5 Moctets)

Synthèse du rapport (206 Koctets)


N° 347

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 26 février 2020

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur les crédits consacrés au financement de la vie politique et le rôle de la commission nationale de contrôle des comptes de campagne et des financements politiques ,

Par M. Jacques GENEST,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Jean Bizet, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

L'ESSENTIEL

Les crédits inscrits au programme 232 « Vie politique culturelle et associative » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » au titre du financement public de la vie politique recouvrent les dotations destinées :

- au financement public des campagnes électorales ;

- à l'aide publique aux partis politiques ;

- et, au financement des moyens de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), qui exerce des missions de régulateur financier et comptable de la vie politique ainsi que, pour un montant très modéré, au financement du médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques.

Ces crédits correspondent aux moyens d'une politique publique dont l'étendue a pris au fil du temps une ampleur de plus en plus vaste et qui répond à plusieurs types de justifications.

Pour aller à l'essentiel, il s'agit d'assurer la vitalité de notre démocratie en donnant aux partis politiques les moyens de leur expression, en les garantissant contre des dépendances « troubles », à commencer par celle de l'État, mais aussi en prévoyant les moyens d'une expression libre des candidats aux élections, libre et non faussée, conforme à un objectif de confortement du pluralisme politique.

Il s'agit également d'assurer la crédibilité des acteurs de la vie politique que sont les partis politiques et les candidats aux suffrages du corps électoral auprès de l'opinion publique, en permettant à cette dernière d'accéder à des informations sur tel ou tel point auxquels elle est présumée accorder un intérêt légitime. C'est tout le sujet compliqué de la transparence.

Le financement public de la vie politique n'occasionne que des coûts collectifs modérés . Dans les années de plus forte intensité électorale, le financement public de la vie politique (prise en charge des frais de campagne des candidats, financement direct et indirect des partis politiques, moyens attribués aux régulateurs) ne dépasse guère les 200 millions d'euros. Les années sans élections, cet investissement se réduit fortement (il est minoré de l'ordre de 50 %). Par ailleurs, le durcissement continu des règles financières appliquées aux acteurs de la vie politique ne s'est pas accompagné d'une mise à niveau des moyens publics consacrés à favoriser l'expression politique .

I. LES CAMPAGNES ÉLECTORALES, UN ENCADREMENT FINANCIER STRICT, DES DÉPENSES GLOBALEMENT MODÉRÉES, UN IMPACT FINANCIER MARGINAL DES DÉCISIONS D'UN RÉGULATEUR CONFRONTÉ À DES PROBLÉMATIQUES DIFFICILES À MAÎTRISER

Le financement des campagnes électorales fait l'objet d'un encadrement financier très strict qui se prolonge dans le plafonnement des dépenses électorales des candidats.

Ces règles invitent les candidats à une forme de sobriété, les dépenses de campagne, régulièrement très inférieures aux plafonds autorisées, étant toutefois marquées par une hétérogénéité certaine, selon les candidats et selon les scrutins.

Distribution des dépenses des candidats par type d'élection

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Dans ce panorama, l'élection présidentielle, avec un niveau élevé de dépenses, quoique généralement inférieures aux plafonds autorisés, ressort comme une exception, mais du fait de quelques candidats seulement (les cinq premiers candidats représentent plus de 90 % des dépenses électorales).

Quant aux autres scrutins, on remarque que le quart des candidats les plus dépensiers aux élections législatives investissent 5 fois plus que le candidat moyen, ce ratio étant de 21 pour les élections municipales.

Les concours publics dont bénéficie chaque candidat au titre du remboursement forfaitaire de ses frais de campagne ont été réduits et gelés, les nombreuses décisions de la CNCCFP comportant une correction des comptes de campagne, ayant dans l'ensemble un impact plus que modéré sur les dépenses publiques correspondantes, mais qui peut être plus significatif individuellement, surtout quand la décision s'accompagne de saisine de l'autorité judiciaire, juge de l'élection ou parquets.

Synthèse des décisions de la CNCCFP relatives aux comptes de campagne
pour les élections entre 2011 et 2017

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Il faut, en effet, tenir compte du fait que l'impact des réformations des comptes de campagne est nécessairement limité puisqu'en tout état de cause le remboursement forfaitaire ne peut excéder l'apport personnel du candidat.

Ce dernier représentant le plus souvent une fraction des dépenses de campagne des candidats, dès lors que les décisions de réformation n'impliquent pas le passage à une situation de surfinancement des dépenses admises au remboursement par l'apport personnel du candidat, elles n'ont aucun impact sur le remboursement forfaitaire.

Seules alors peuvent jouer les décisions avec modulations ou les décisions prises par les autorités judiciaires.

Pour l'élection présidentielle de 2017, le montant total des réformations a atteint un peu moins de 2 millions d'euros mais avec un impact de moins de 700 000 euros sur le remboursement forfaitaire. Pour les élections législatives de 2017, l'impact moyen des corrections par candidat a été de l'ordre de 440 euros pour un enjeu global d'environ 2,5 millions d'euros (sur des dépenses supérieures à 74 millions d'euros). L'impact des corrections sur le niveau du remboursement forfaitaire a été minime. Pour les élections municipales de 2014, les réformations des dépenses avaient atteint 3,1 % (2,1 millions d'euros) des 68,6 millions d'euros des dépenses portées aux comptes des candidats éligibles au remboursement forfaitaire.

Les candidats aux élections parviennent, sauf exception, à maximiser leurs droits à remboursements forfaitaires, en adoptant généralement une programmation financière de leurs campagnes adéquate. Si l'on a pu constater quelques exceptions, en particulier lors du dernier scrutin présidentiel, le taux de remboursement de l'apport personnel des candidats est souvent proche de 100 %.

Pour être producteur de très nombreuses décisions conduisant à des corrections sans grand impact financier sur les candidats et sur le remboursement public des frais de campagne, le contrôle des comptes de campagne mis en oeuvre par la CNCCFP rencontre des difficultés, renforcées par les conditions contemporaines de la communication politique, qui se répercutent inévitablement sur les candidats.

La question de l'imputabilité des dépenses aux comptes de campagne se concentre sur les difficultés pouvant surgir dans le cadre de la détermination du caractère personnel des dépenses électorales, le critère des dépenses réalisées pour le compte du candidat étant quasiment impossible à appliquer sans arbitraire. L'évaluation des dépenses des candidats soulève d'autres difficultés que le recours aux experts désormais accessible à la CNCCFP ne paraît pas en mesure de résoudre efficacement. Le contrôle de la commission sur les campagnes électorales et sur la cohérence des comptes des partis politiques sont deux processus liés mais ce lien est difficile à nouer compte tenu de décalages temporels difficiles à réduire.

Si l'investissement public dans les campagnes électorales pourrait utilement être renforcé en passant par des voies alternatives à la prise en charge des dépenses des candidats, et si les modalités du contrôle de la CNCCFP devraient être plus proactives (voir infra ), l'on pourrait également réduire les plafonds des dépenses électorales, du moins pour l'élection présidentielle, ces derniers n'étant jamais saturés et les formations politiques contribuant d'ailleurs spontanément à limiter les dépenses effectives. Ces évolutions, qui n'impliqueraient pas de baisse du taux de soutien public, seraient de nature à favoriser la crédibilité du régulateur financier des campagnes électorales.

II. LE FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES, DES RESSOURCES TRÈS « COMPTÉES », UNE RÉGULATION FINANCIÈRE EN PASSE DE CHANGER DE DIMENSION, UN FINANCEMENT PUBLIC STAGNANT SUIVANT UNE RÉPARTITION TRÈS CONCENTRÉE

A. VERS UN RENFORCEMENT DU RÔLE DE LA CNCCFP SUR LES COMPTES DES PARTIS POLITIQUES ?

Sur un total de produits égal à 217,3 millions d'euros en 2018, les financements privés ont atteint 150,5 millions d'euros, l'aide publique directe aux partis politiques (66,8 millions d'euros) représentant un peu plus de 30 % de leurs ressources. Elle apparaît comme d'autant plus nécessaire que l'on doit y ajouter une aide publique indirecte qui contribue à soutenir les ressources que tirent les formations politiques (voir infra ) de sources privées.

Ces dernières ont fait l'objet d'un encadrement de plus en plus strict, auquel avaient jusqu'à présent largement échapper les dépenses des partis politiques.

Sur ce point, l'adoption d'un règlement comptable (le règlement n° 2018-03 de l'Autorité des normes comptables du 12 octobre 2018) doté d'une force réglementaire et comportant des obligations tendant à la publication d'informations plus substantielles, peut, malgré une hypothèque juridique et des choix parfois discutables (périmètre d'intégration, modalités de l'intégration, présentation des informations, exclusion de certaines recettes des comptes...) modifier profondément la donne, en particulier en ce qui concerne les conditions d'intervention de la CNCCFP sur les comptes des partis politiques.

Si, jusqu'à présent, cette dernière, dès lors qu'elle allait au-delà de la publication pure et simple des comptes, était soumises à des limites fixées par la jurisprudence d'un contrôle de la cohérence interne et externe pouvant révéler des malfaçons manifestes, les commissaires aux comptes des partis politiques étant les responsables premiers et ultimes de la certification des comptes, le renforcement de la valeur juridique des règles comptables et leur approfondissement, sans modifier le partage juridique des rôles entre la CNCCFP et les commissaires aux comptes, pourraient justifier une intervention plus systématique de la CNCCFP, qui, à son tour, supposera sans doute un renforcement juridique des droits de communication qui lui sont ouverts.

B. UNE AIDE PUBLIQUE AUX PARTIS POLITIQUES DONT LES DOTATIONS BUDGÉTAIRES SONT GELÉES DEPUIS 2014 ET DONT L'HYPERCONCENTRATION SUSCITE LA QUESTION DU PLAFONNEMENT DE LA DOUBLE-PRIME PRÉSIDENTIELLE ET MAJORITAIRE AU REGARD DE L'OBJECTIF POURSUIVI PAR L'ATTRIBUTION DE L'AIDE PUBLIQUE

Le niveau de l'aide publique aux partis politiques est gelé depuis 2014 alors que le nombre des partis politiques n'a cessé d'augmenter. Si le nombre des partis bénéficiaires a diminué, cette évolution n'est attribuable qu'à l'exclusion du financement public de partis politiques, généralement d'Outre-Mer, qui ne mobilisaient qu'une fraction très modeste de l'aide aux partis politiques.

La répartition de l'aide publique est fortement élastique aux résultats électoraux avec une double prime présidentielle et majoritaire qui peut conduire à attribuer un coefficient de prime très élevé, comme c'est actuellement le cas.

La concentration de l'aide publique aboutit à des niveaux de soutien qui peuvent poser problème au regard de l'objectif majeur de cette aide : la préservation du pluralisme politique.

La participation des formations politiques à l'animation de la vie politique territoriale n'est reconnue que très indirectement.

III. UN ACCÈS AUX SERVICES BANCAIRES DE PLUS EN PLUS PROBLÉMATIQUE

A. L'ACCÈS AUX SERVICES BANCAIRES DE BASE EST « À PEINE ACCEPTABLE » SELON LES TERMES MÊMES DU PREMIER RAPPORT DU MÉDIATEUR DU CRÉDIT AUX CANDIDATS ET AUX PARTIS POLITIQUES

Le durcissement des contrôles de conformité dans le cadre de la lutte contre le blanchiment tend à compliquer l'accès des acteurs de la vie politique aux services bancaires au point qu'en pratique ils peuvent s'en trouver privés. Le « droit au compte » ménagé par la législation fonctionne difficilement et ne couvre qu'une partie des instruments bancaires nécessaires à l'action politique.

Cette situation est d'autant moins acceptable que la réglementation financière de la vie politique passe par des obligations qui ne peuvent être respectées si les établissements bancaires exercent une inertie durable privant les acteurs politiques de l'accès à leurs livres.

Le risque de barrières bancaires au déroulement de la conversation démocratique doit être écarté par des mesures rapides et efficaces de reformulation du droit au compte.

B. L'ACCÈS AU CRÉDIT, UN PROBLÈME DIFFICILE, MAIS QU'ON NE PEUT ÉCARTER AU NOM D'UN CONSTAT TRÈS DISCUTABLE D'ABSENCE DE « DÉFAILLANCES DE MARCHÉ »

La place du financement public dans le financement des partis politiques et des campagnes électorales témoigne que, sans intervention publique, le bien collectif que représente le pluralisme ne serait pas « produit » suffisamment.

La stagnation de ce financement public et les conditions de sa répartition peuvent à bon droit susciter une certaine perplexité sur le degré d'optimalité atteint dans l'utilisation de cet instrument.

Cette interrogation est d'autant plus justifiée que les conditions d'accès au financement par l'emprunt bancaire, qui représente des enjeux plus ou moins forts selon les situations, semble se heurter à une défaveur plus ou moins systématique de la part des établissements de crédit.

La situation d'endettement de certains intervenants et la qualité de leur gestion financière peuvent justifier une certaine réticence mais adaptée à chaque situation.

Néanmoins, il est difficile de s'en tenir à cette conclusion. Il convient donc de rouvrir le projet du confortement public de l'accès au crédit prévu au demeurant par la législation en vigueur, sans pour autant aboutir à une situation telle que les contribuables se trouvent engagés sans que des garanties solides ne leur soient ménagées.

À tout le moins, un mécanisme reposant sur des cessions de créances pouvant porter sur les droits à l'aide publique répondant à des espérances raisonnables paraît plus facile à mettre en oeuvre avec la contribution de la sphère publique.

IV. UNE « CONTRIBUTION CITOYENNE » QUI POURRAIT ÊTRE AMÉLIORÉE

Le financement public de la vie politique ne vient pas des seuls crédits budgétaires. Il faut également prendre en compte les dépenses fiscales associées à la possibilité de réduction fiscale ouverte par l'article 200 du code général des impôts aux dons et cotisations autorisés sous certaines conditions de plafond.

Ces dépenses fiscales ne sont pas exposées dans le cadre de la documentation budgétaire, ce qui constitue une entorse aux règles du droit budgétaire d'autant moins admissible que, malgré des imprécisions sur les estimations disponibles - que, du reste, l'absence de publication favorise - les transferts publics correspondants conduisent à un quasi doublement de l'aide publique à la vie politique accordée aux formations politiques (à quoi il faut ajouter l'aide destinée aux candidats).

Cette aide publique implicite présente des caractéristiques propres qui lui confèrent des propriétés différentes de l'aide publique sur crédits budgétaires.

Elle tend à consacrer un critère alternatif à celui de l'audience électorale des partis politiques, qui joue un rôle majeur pour la répartition de l'aide publique : celui du ralliement des individus (qu'ils soient donateurs simples ou adhérents aux partis politiques).

Une information plus complète s'impose. Elle permettrait de mieux mesurer la contribution des concours publics apportés aux conditions d'expression politique des différents courants politiques, selon qu'ils sont attribuables aux résultats électoraux ou à l'engagement personnel des citoyens.

Les conditions de l'avantage fiscal comportent en soi un facteur d'asymétrie, puisque la dépense fiscale ne profite pas aux personnes exonérées d'impôt sur le revenu.

Plusieurs propositions ont été formulées pour réduire cette asymétrie. Parmi celles-ci, un arbitrage conciliant la protection des donateurs et cotisants et l'élargissement de l'accès à l'avantage fiscal invite à suggérer une ouverture à destination des cotisants des partis politiques.

V. LA COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES, POUR UNE REVUE DES MOYENS ET DES MÉTHODES

La commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), régulateur de premier niveau de la composante financière de la vie politique, est une autorité administrative indépendante, dont l'agencement de la gouvernance assez classique pourrait gagner à intégrer un niveau consultatif formé de personnalités disposant d'une connaissance intime de la vie politique. Elle satisfait à un critère d'indépendance mais se trouve handicapée par une insuffisance de moyens, matériels ou juridiques.

Ces dernières années, des projets de développements informatiques, pourtant essentiels, ont dû être reportés faute de moyens si bien que les crédits ouverts dans les différentes lois de finances n'ont pas été consommés. Par ailleurs, alors que le plan de charge de la CNCCFP s'est alourdi, les moyens supplémentaires n'ont pas suivi.

Il paraît douteux que les ressources à la disposition de la CNCCFP lui permettent réellement d'assurer une régulation aussi exhaustive et profonde que celle dont elle se réclame. Dans ces conditions, si une plus forte sélectivité des contrôles, qui devrait être formalisée en toute transparence, pourrait être envisagée, mais à partir de critères demeurant compatibles avec les objectifs profonds de l'intervention du régulateur, la question des moyens de la CNCCFP doit obtenir des réponses proportionnées au sens même de ses attributions.

Il reste que les modalités de l'intervention de la CNCCFP pourraient être améliorées par l'adoption d'une démarche plus proactive, en particulier en ce qui concerne l'élection présidentielle, la posture consistant à partir de comptes complets pouvant aboutir à des impasses tant pour le régulateur que pour les candidats et, finalement, l'opinion publique. De la même manière, la CNCCFP devrait se voir reconnaître un plus large droit de communication, notamment auprès des professions comptables.

En tant que régulateur, la CNCCFP n'a pas vocation à n'assumer qu'un rôle « répressif ». Elle doit adopter une démarche de facilitatrice, ce qu'elle a déjà entrepris mais sans pour autant que ses usagers (les assujettis en particulier) n'en retirent encore assez de sécurisation de leurs pratiques, pourtant essentielles à une vie démocratique nourrie. Le fonctionnement délibératif de la CNCCFP devrait être plus transparent, les assujettis à la régulation financière devraient pouvoir trouver auprès de la CNCCFP des réponses qui engagent le collège et prémunissent contre les sanctions judiciaires les plus lourdes, sauf cas particulièrement graves.

AVANT-PROPOS

Madame,

Monsieur,

Les crédits du programme 232 de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » (AGTE) consacrés au financement de la vie politique recouvrent trois chefs de dépenses :

- les crédits consacrés au financement public des dépenses électorales liées aux campagnes, qui ne sont qu'une partie, mais une partie importante, des dépenses qu'impliquent les opérations électorales ;

- les crédits attribués aux partis politiques ;

- et, enfin, les moyens réservés à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), qui exerce des missions de régulateur financier des deux premiers types de crédits, auxquels il faut ajouter les quelques moyens dévolus à l'institution nouvelle que représente le médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques.

Ces dernières années, une abondante source législative a coulé pour renforcer la régulation financière des activités politiques.

Il faut s'interroger sur la capacité des régulateurs, au premier rang desquels la CNCCFP, de suivre le rythme de ces avancées.

Il convient également de dresser le bilan des mesures adoptées pour que, les financements d'initiative privée ayant été étroitement encadrés, les candidats aux élections politiques et les partis politiques puissent disposer des moyens sans lesquels l'expression politique ne serait plus en mesure de nourrir la conversation démocratique.

Une analyse des crédits du programme 232 de la mission AGTE conduite par un rapporteur spécial de la commission des finances ne saurait se substituer aux compétences attribuées à d'autres instances parlementaires, le Bureau du Sénat, la commission des lois de notre Haute Assemblée.

En respectant pleinement la distribution des compétences des uns et des autres, le contrôle des crédits consacrés au financement public de la vie politique consiste au fond à apprécier le niveau et l'emploi des dotations d' une politique publique dont l'étendue a pris au fil du temps une ampleur de plus en plus vaste et qui répond à plusieurs types de justifications.

Pour aller à l'essentiel, il s'agit d'assurer la vitalité de notre démocratie en donnant aux partis politiques les moyens de leur expression, en les garantissant contre des dépendances « troubles », à commencer par celle de l'État, mais aussi en prévoyant les moyens d'une expression libre des candidats aux élections, d'une expression libre et j'allais dire non faussée.

Il s'agit également d'assurer la crédibilité des acteurs de la vie politique que sont les partis politiques et les candidats aux suffrages du corps électoral auprès de l'opinion publique, en permettant à cette dernière d'accéder à des informations sur tel ou tel point auxquels elle est présumée accorder un intérêt légitime. C'est ici tout le sujet compliqué de la transparence.

La régulation financière de la vie politique qui, dans un premier temps, avait principalement concerné les campagnes électorales et leur financement a, ces deux dernières années, donné lieu à un resserrement des règles imposées aux partis politiques, dont tous les prolongements ne sont pas encore concrètement appréciables. Ils pourraient déboucher sur un autre équilibre que celui traditionnellement inspiré par l'article 4 de notre Constitution qui consacre le rôle des partis politiques. Il peut en résulter certaines difficultés.

Dans ce contexte, les moyens du régulateur qu'est la CNCCFP se posent, tant du point de vue matériel que sur le plan des possibilités juridiques à sa disposition.

La question de la pleine effectivité de son rôle se joue là mais aussi sans doute dans le contexte plus général des questions que pose la capacité des lois à appréhender le monde nouveau des expressions politiques et dans celui plus particulier de l'interprétation par la CNCCFP des modalités que doit prendre son action.

Les préoccupations qui peuvent en découler ne sont pas les seules à prendre en compte. Un régulateur doit pouvoir accomplir sa mission de gardien des règles, éventuellement partagée avec d'autres comme c'est le cas pour la CNCCFP du fait notamment du rôle du juge.

Il doit également accompagner ses différents « usagers », surtout quand les contraintes qui leur sont imposées admettent une marge d'interprétation, qui peut créer une insécurité d'autant moins supportable qu'elle touche aux conditions de la vie démocratique.

Mais, d'autres problèmes se posent. Les conditions du financement de la vie politique, pour avoir été « assainies », demeurent peu satisfaisantes. Le financement public est gelé et sa répartition, ressort, à l'analyse, comme marquée par une très forte concentration.

L'accès des acteurs de la vie politique aux services nécessaires à leur expression, en particulier aux services bancaires, est très loin d'être garanti. Quant aux financements « citoyens », leur extension est faible en France et mérite une évolution réaliste.

Quelques mots pour conclure cet avant-propos.

La vie politique implique des champs en interrelation, dont seul celui qui rassemble les acteurs immédiats de la discussion politique est réellement touché par une régulation financière, qui prend de plus en plus les traits d'une hyper-régulation, du moins dans ses processus les plus appréhendables, les processus aux marges de la vie politique telle que la font ces acteurs étant moins strictement maîtrisés.

La régulation est donc marquée par des paradoxes et la situation dessine un « optimum de second rang ». C'est évidemment mieux que l'absence de tout optimum mais la situation reste caractérisée par des déséquilibres, qui, si l'on n'y prend pas garde, peuvent déboucher sur une perte de crédibilité de la régulation, même si, sous cet angle, les objectifs qu'elle poursuit ne sont pas également « à risques ».

Cette dernière remarque, qui se fonde sur le sentiment que le contrôle de la destination ultime des financements publics est mieux assuré que l'objectif de conforter le pluralisme des expressions, n'est pas en soi de nature à complètement rassurer.

Dans ce contexte, le régulateur de premier rang doit assurer sa part pour assurer la confiance dans l'effectivité et l'équité de l'administration des règles qu'il est appelé à appliquer.

Il n'appartient pas à un rapport de contrôle budgétaire de faire autre chose que de signaler les points (au moins certains d'entre eux particulièrement patents) sur lesquels l'ambition de régulation financière de la vie politique encourt le risque de céder sur son projet.

Ainsi donc, c'est surtout un diagnostic qui est ici proposé. J'espère par-là ouvrir le champ des recommandations et de l'action à ceux qui voudront s'en saisir.

I. LE FINANCEMENT DES CAMPAGNES ÉLECTORALES, UN ENCADREMENT RENFORCÉ CONFRONTÉ À UN RENOUVELLEMENT DE PROBLÉMATIQUES DIFFICILES À MAÎTRISER

Notre collègue Hervé Marseille a précisément exposé le dualisme des coûts des opérations électorales supportés par les dotations budgétaires, qui relèvent, d'une part, de l'organisation des opérations de vote, et, d'autre part, des remboursements de frais de campagne électorale des candidats 1 ( * ) .

Votre rapporteur spécial n'abordera que la seconde destination des crédits inscrits au programme 232, qui engagent tout particulièrement la responsabilité de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Dans ce domaine, la commission exerce des missions décisives qui vont jusqu'à lui conférer un rôle de quasi-ordonnateur des deniers publics. En outre, son contrôle est théoriquement très profond. Nombreux sont les candidats aux différents scrutins qui le jugent même excessivement profond, appréciation à laquelle il faut accorder attention.

Le contrôle des comptes de campagne qui est pleinement justifié en son principe ne doit pas dégénérer en un obstacle administratif à la vivacité des engagements politiques.

Cet impératif doit être d'autant plus pris en compte qu'à l'examen, le contrôle exercé sur les comptes de campagne ressort comme plus ou moins exigeant et effectif selon les scrutins et selon les points de vigilance du contrôle, tandis que les aspects les plus modernes des structures économiques et de communication tendent à désarmer le contrôle financier de certaines campagnes électorales, particulièrement de l'élection présidentielle.

A. UN ENCADREMENT LÉGISLATIF DE PLUS EN PLUS FORT DES CONDITIONS DE FINANCEMENT DES CAMPAGNES ÉLECTORALES

Les campagnes électorales sont encadrées par un régime financier qui, pour varier selon les scrutins 2 ( * ) , poursuit des objectifs communs : favoriser l'expression politique ; assurer un traitement équitable des candidats ; assurer au financement public des campagnes électorales un emploi conforme à sa destination ; prévenir l'apparition de liens de dépendance réels ou présumables entre un candidat et des influences tierces.

La réglementation du financement des campagnes électorales porte sur les dépenses électorales mais aussi sur les recettes.

1. Un encadrement comptable resserré

Les articles L 52-4 à L 52-6 du code électoral définissent les conditions dans lesquelles une association de financement ou un mandataire financier sont appelés à assurer les opérations de recettes et de dépenses des candidats aux élections mais aussi les qualités que doivent respecter les experts comptables chargés de la présentation des comptes de campagne des candidats.

L'encadrement des comptes de campagne réserve un large pouvoir de définition des exigences comptables à la CNCCFP, dans le cadre des dispositions légales et réglementaires pertinentes.

Ces dernières ont fait l'objet d'une récente modification (voir encadré ci-après) qui a apporté quelques aménagements pratiques bienvenus mais a aussi renforcé les obligations de publication de la CNCCFP sur les emprunts souscrits par les candidats, et, de ce fait, les responsabilités comptables des candidats sur ce point.

Les apports de la loi n° 2017-286 du 6 mars 2017 en matière
d'information comptable des candidats aux élections

- les fonctions du mandataire financier ou de l'association de financement électorale cesseront de plein droit six mois (et non plus trois mois) après le dépôt du compte de campagne , cette prolongation devant permettre de résoudre le problème des dévolutions, que le candidat doit effectuer avant cette cessation de fonctions, mais dont le montant définitif dépendant de la décision de la commission, qui peut intervenir jusqu'à six mois après ce dépôt, était susceptible de n'être pas connu dans les délais prescrits ;

- la dévolution du solde positif du compte de campagne ne provenant pas de l'apport du candidat pourra désormais être effectuée au mandataire financier d'un parti politique relevant de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 (et non plus seulement à l'association de financement d'un tel parti) ;

- pour les élections se déroulant après le 1 er janvier 2018, la publication des comptes de campagne par la commission (dans une forme simplifiée) devra indiquer « notamment les montants consolidés des emprunts souscrits par le candidat ou le candidat tête de liste pour financer cette campagne , répartis par catégories de prêteurs, types de prêts et pays d'établissement ou de résidence des prêteurs, ainsi que l'identité des prêteurs personnes morales »; ceci implique que ces éléments soient fournis à la commission lors du dépôt des comptes de campagne, ou le cas échéant complétés dans le cadre de la procédure contradictoire.

Une refonte des annexes du formulaire de compte de campagne s'avèrera nécessaire sur ce point. Il conviendra notamment de définir précisément les catégories de prêteurs. Dans la perspective de la publication précitée et eu égard à l'importance du recours à l'emprunt dans l'apport personnel des candidats, il est souhaitable que la commission dispose de ces informations sous forme numérique.

Depuis l'ordonnance n o 2003-1165 du 8 décembre 2003, il était exigé par les dispositions de l'article L 52-12 du code électoral que le compte de campagne soit « présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés et accompagné des justificatifs de ses recettes ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte ».

La loi du 14 avril 2011 a précisé le rôle de l'expert-comptable. Il doit mettre le compte de campagne « en état d'examen » et s'assurer « de la présence des pièces justificatives requises ».

La législation prévoit qu'un certain nombre d'incompatibilités entourent la désignation de l'expert-comptable mais ce dernier n'est pas le responsable ultime des comptes de campagne qu'il met en état.

Les candidats ne sont pas tous assujettis à recourir à un expert-comptable. Depuis 2012, sont dispensés du dépôt d'un compte de campagne, et, de ce fait, de l'obligation de recourir aux services d'un expert-comptable, les candidats qui réunissent deux conditions cumulatives :

- avoir obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés ;

- n'avoir perçu aucun don de la part de personnes physiques .

Ces candidats ne peuvent prétendre au remboursement forfaitaire de leurs frais de campagne sur crédits publics. Par ailleurs, par hypothèse, ils n'ouvrent pas droit pour les donateurs à un quelconque avantage fiscal.

Une proposition de loi présentée par M. Alain Richard récemment adoptée par le Sénat tend à élargir la dispense d'expertise-comptable aux candidats qui remplissent deux conditions cumulatives : d'une part, s'ils ont obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés ; d'autre part, si leurs recettes et leurs dépenses n'excèdent pas un montant fixé par décret.

L'obligation relative à la présentation d'un compte de campagne dès que les conditions mentionnées ci-dessus sont réunies ne ressort pas modifiée de cette initiative, qui ne porte que sur l'obligation de recourir à un expert-comptable pour assurer la présentation du compte.

Le rapporteur de la commission des lois du Sénat, M. Arnaud de Belenet a pu indiquer « qu'entendu en audition, l'ordre des experts-comptables ne s'opposait pas - bien au contraire - à cette simplification, considérant que le chiffre d'affaires de ses membres ne dépend pas de cette intervention, qu'il qualifie de « devoir citoyen » .

Le destin législatif de la proposition de loi n'est pas accompli. À supposer qu'il le soit, il conviendrait bien entendu de suivre les conditions dans lesquelles le décret prévu par le dispositif en concrétisera la portée.

Une mesure alternative aurait pu consister soit à dispenser du dépôt d'un compte de campagne un nombre plus élevé de candidats, éventualité discutée mais écartée à ce stade, soit à mettre en place un dispositif généralisé de prise en charge des frais d'expertise-comptable pour les candidats ayant obtenu plus de 1 % des suffrages. Cette dernière solution, probablement la plus satisfaisante en principe, pourrait se voir objecter un coût difficilement maîtrisable.

Quoi qu'il en soit, en l'état, l'inclusion des dépenses d'expertise-comptable dans les comptes de campagne du candidat, et, par conséquent, l'éventualité d'une prise en charge sur des deniers publics, varie selon les élections.

2. L'encadrement de plus en plus strict des ressources mobilisables par les candidats

En ce qui concerne les ressources mobilisées pour financer les campagnes électorales, leur régime est fixé par les articles L 52-7-1 à L 52-10 du code électoral.

La cohérence de ces dispositions, au demeurant perfectible, s'ordonne autour d'objectifs tendant à assurer une certaine égalité concurrentielle entre les candidats, à prévenir les liens de dépendance entre les responsables politiques et des intérêts particuliers pouvant résulter des conditions de financement des campagnes électorales et à renforcer les garanties de sincérité des opérations de financement des campagnes électorales.

a) Les dons effectués au profit des candidats sont encadrés

Les dons des personnes morales sont prohibés.

Pour les personnes physiques, les dons sont autorisés, mais sous certaines conditions. Les personnes en question doivent être de nationalité française ou résider en France.

Les dons consentis pour le financement d'une même campagne électorale ne peuvent excéder 4 600 euros (quel que soit le nombre des candidats bénéficiaires).

b) Des facultés d'emprunt de plus en plus réduites

Les personnes morales autres que les partis et groupements politiques et les institutions financières ayant leur siège dans un État de l'Union européenne ou parti à l'accord sur l'Espace économique européen (soit les 28 États de l'Union européenne + la Norvège, le Liechtenstein et l'Islande) ne peuvent consentir des prêts aux candidats.

En revanche, si le texte de l'article L 52-8 élargit cette prohibition en interdisant à ces mêmes personnes morales d'accorder leur garantie aux prêts en faveur des partis et groupements politiques, cette interdiction n'est pas prévue lorsque la garantie concerne un prêt réalisé au profit d'un candidat.

La question pourrait se poser de déterminer si une garantie de prêt est équivalente au prêt lui-même.

Ces derniers prêts, à leur tour, sont encadrés. Ils peuvent émaner des partis et groupements politiques ou des établissements financiers ayant leur siège au sein de l'Espace économique européen sans qu'aucune restriction ne soit posée autre que celle liant la faculté pour un candidat de contracter un emprunt portant intérêt auprès de partis politiques au financement par ce parti de son prêt par l'emprunt et dans la limite des intérêts portés par ce dernier. Ils peuvent également provenir des personnes physiques, mais alors sous certaines conditions, dont la portée n'est pas toujours aisément déterminable.

Ainsi, les personnes physiques, si elles peuvent consentir des prêts à candidat, ne le peuvent pas dans le cadre d'une activité habituelle, sans que la loi ne précisant cette condition, la jurisprudence seule se trouve conduite à la définir.

En revanche, il est prévu que la durée de ces prêts ne peut excéder cinq ans, un décret en Conseil d'État fixant le plafond et les conditions d'encadrement du prêt consenti pour garantir que ce prêt ne constitue pas un don déguisé.

En outre, un certain encadrement est prévu : le candidat bénéficiaire du prêt fournit au prêteur les informations concernant les caractéristiques du prêt s'agissant du taux d'intérêt applicable, du montant total du prêt, de sa durée ainsi que de ses modalités et de ses conditions de remboursement ; il informe le prêteur des conséquences liées à la défaillance de l'emprunteur ; enfin, il doit adresser chaque année à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques un état du remboursement du prêt. Ces dernières dispositions ne sont pas applicables aux prêts contractés par les candidats auprès des partis politiques et des banques.

Enfin, la loi du 6 mars 2017 3 ( * ) a prévu de rendre publiques, à compter de 2018, les informations relatives aux emprunts souscrits par les candidats à une élection pour financer leur campagne ainsi qu'aux emprunts souscrits ou consentis par les partis politiques. Les flux financiers entre partis politiques sont toutefois exclus 4 ( * ) .

3. Un plafonnement des dépenses électorales, qui, globalement, invite à l'économie de moyens

Le plafonnement des dépenses de la campagne électorale pour l'élection du Président de la République présente une particularité partagée avec l'élection européenne.

Du fait de l'unicité de la circonscription électorale, le plafond est défini pour chaque candidat selon sa présence au second tour. Par ailleurs, il existe d'autres singularités.

Certaines particularités s'appliquent aux élections présidentielles

Les élections présidentielles font l'objet d'un texte particulier, la loi référendaire n° 62-1292 du 6 novembre 1962 qui a été modifiée par la loi organique n° 2016-506 du 25 avril 2016.

La loi de 1962 prévoit, dans le II de son article 3, que de nombreuses dispositions du code électoral parmi lesquelles la plupart des articles inclus dans le chapitre V bis du titre premier du code électoral relatifs à la composante financière des campagnes électorales, s'appliquent au scrutin présidentiel.

Cependant, certaines particularités existent.

Ainsi :

- tout candidat figurant sur la liste arrêtée par le Conseil constitutionnel perçoit une avance de la part de l'État égale à 153 000 euros (V de l'article 3) ; cette avance est imputée sur le montant du remboursement public des frais de campagne de sorte que si ce dernier est inférieur à l'avance, la différence fait l'objet d'un reversement de la part du candidat ;

- le même V ménage des conditions particulières de prise en charge des frais de campagne électorale : les candidats présents au premier tour ont droit à un remboursement égal à 4,75 % du montant du plafond des dépenses de campagne, ce taux étant porté à 47,5 % pour les candidats ayant dépassé le seuil de 5 % des suffrages exprimés ; il existe ainsi un fort effet de seuil selon les résultats électoraux obtenus au premier tour . Ces prises en charge sont, par ailleurs, soumises aux dispositions de droit commun ;

- les plafonds des dépenses sont différents pour les candidats présents au seul premier tour et pour ceux présents au second tour de scrutin ; très supérieurs à ceux appliqués aux autres élections, ils ont été fixés à 16,851 millions d'euros pour les candidats présents au premier tour et 22,509 millions d'euros pour les candidats présents au deuxième tour, soit une possibilité de dépenses supplémentaires de 34 % pour les candidats du second tour ;

- les personnes physiques ne peuvent accorder ni prêts ni avances remboursables aux candidats , prohibition qui ne se rencontre pas dans les autres élections (voir supra ) ;

- un éventuel excédent du compte, hors la part qui peut être considérée comme provenant de l'apport personnel des candidats, fait l'objet d'une dévolution obligatoire à la Fondation de France , ce qui constitue une restriction par rapport au choix offert aux candidats par l'article L 52-6 du code électoral. Ce dispositif peut être de nature à inciter les candidats à financer leurs campagnes à travers des apports personnels ;

- les frais d'expertise comptable résultant de l'obligation posée par l'article L 52-12 du code électoral d'une présentation du compte de campagne, des annexes et des pièces justificatives auprès de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, sont obligatoirement inclus dans les dépenses figurant au compte du candidat , obligation qui n'est pas prévue dans les autres élections et suppose une imputation de ces frais sous le plafond des dépenses électorales 5 ( * ) .

Les suites données aux constatations de la CNCCFP sont du même ordre que pour les autres élections, à ceci près semble-t-il que la responsabilité du Conseil constitutionnel dans la proclamation des résultats électoraux paraît les placer d'emblée sous le contrôle de celui-ci.

Pour l'élection européenne , le plafond a été fixé à 9,2 millions d'euros par liste pour le dernier scrutin intervenu en 2019.

Pour les autres élections , les dépenses électorales sont plafonnées selon des barèmes qui sont déterminés en fonction de la population de la circonscription, mais moyennant des modulations, de sorte que les plafonds ne sont pas linéairement en rapport avec la population.

L'investissement de chaque candidat dans l'animation de sa campagne, pour les élections ici envisagées, est fortement contraint . Pour les élections territoriales, un candidat peut dépenser au plus 1,68 euro par habitant.

Les valeurs unitaires utilisées pour le plafonnement des campagnes électorales des candidats témoignent d'une volonté de limiter les investissements des candidats 6 ( * ) .

Dans ces conditions, on peut estimer que le mode de détermination des plafonds de dépenses aboutit à conférer aux capacités financières que peuvent mobiliser les candidats un « effet de filtre » généralement faible, mais, cependant, plus ou moins puissant selon le type d'élection , et, au sein d'une même élection, selon l'importance de la population .

a) Les élections législatives

L'article L. 52-11 du code électoral fixe les plafonds des dépenses électorales pour les élections des députés.

Le montant du plafond est fixé par circonscription en fonction du nombre d'habitants moyennant quelques éléments de modulation.

Il est fixé à 38 000 euros majoré de 0,15 euro par habitant de la circonscription.

Le plafonnement des dépenses électorales est ainsi réglé par des barèmes qui induisent un lien, mais moins que proportionnel, entre le niveau des dépenses électorales autorisées et celui de la population.

La moyenne de la population des circonscriptions est de 119 999 habitants de sorte que le plafond moyen des dépenses électorales est de 56 000 euros .

Il existe cependant des écarts importants à ces moyennes .

Pour la circonscription la plus peuplée qui réunit 172 204 habitants (la deuxième circonscription de Nouvelle-Calédonie), le plafond de dépenses est de 63 830 euros (dont une part variable de 25 830 euros). Pour la moins peuplée (Saint-Pierre-et-Miquelon), qui compte 6 286 habitants, le plafond de dépenses électorales est de 38 942 euros (dont une part variable de 942 euros).

Compte tenu d'un écart-type de l'ordre de 14 000 habitants, l'écart-type du plafond de dépense est de 2 100 euros.

b) Les autres élections

L'article L. 52-11 du code électoral fixe également les plafonds des dépenses électorales pour les élections des conseillers régionaux, départementaux, municipaux (hors élection des conseillers municipaux dans les communes de moins de 9 000 habitants) et des conseillers communautaires.

Le tableau ci-après présente les modalités de détermination des différents plafonds pour ces élections .

Fraction de la population de la circonscription :

Plafond par habitant des dépenses électorales (en euros)

Élection des conseillers municipaux :

Élection des conseillers départementaux

Élection des conseillers régionaux

Listes présentes au premier tour

Listes présentes au second tour

N'excédant pas 15 000 habitants :

1,22

1,68

0,64

0,53

De 15 001 à 30 000 habitants :

1,07

1,52

0,53

0,53

De 30 001 à 60 000 habitants :

0,91

1,22

0,43

0,53

De 60 001 à 100 000 habitants :

0,84

1,14

0,30

0,53

De 100 001 à 150 000 habitants :

0,76

1,07

-

0,38

De 150 001 à 250 000 habitants :

0,69

0,84

-

0,30

Excédant 250 000 habitants :

0,53

0,76

-

0,23

Source : Code électoral

Plus la population regroupée dans la circonscription électorale où se présente le candidat est élevée plus le niveau du plafond des dépenses électorales autorisées est élevé.

Toutefois, certains amortisseurs interviennent de sorte que les plafonds des dépenses électorales dans les différents scrutins ne suivent pas une progression strictement linéaire en fonction du nombre d'habitants.

Il vaut d'être observé que le régime financier des élections ne tient pas compte de critères qui peuvent exercer une influence naturelle sur les dépenses électorales. Ainsi en va-t-il pour l'étendue spatiale de la circonscription.

Par ailleurs, le critère de la population de la circonscription peut apparaître peu satisfaisant dans la mesure où le taux d'électeurs dans la population de chaque circonscription n'est pas homogène.

c) Une sélection par les ressources mobilisables par les candidats globalement modérée mais cependant variable selon les situations

Au total, l'éventuelle sélection a priori par les ressources mobilisables par les candidats est plus ou moins forte.

(1) Les élections législatives

Pour les élections législatives, soit une circonscription de 15 000 habitants, le plafond des dépenses pour l'élection du député de la circonscription s'élève à 38 000 + 2 250 euros soit 42 250 euros.

Pour une circonscription comptant dix fois plus d'habitants , il passe à 38 000 + 22 500 euros soit 60 500 euros , soit une amplification moins que proportionnelle à celle de la population. Les effets du critère de population se trouvent amortis par la fixation d'une composante forfaitaire pour la détermination du plafond des dépenses.

(2) Les autres élections

Pour les autres scrutins, en fonction des tranches de population des circonscriptions déterminées par le code électoral, le potentiel de dépenses électorales offert par chaque électeur supplémentaire tend à décroître.

Cette modulation diffère selon le scrutin considéré.

Pour les élections régionales , jusqu'à 100 000 habitants, chacun d'entre eux ouvre droit à 53 centimes d'euro de dépenses mais ce montant passe à 38 centimes après 100 000 habitants pour n'être plus que de 23 centimes au-delà de de 250 000 habitants. Le rapport entre les droits à dépenses ouverts par habitant dans la tranche supérieure et dans la tranche inférieure est de 2,3.

Pour les élections départementales , le nombre des habitants ne compte que jusqu'à une tranche de 100 000 habitants, les droits ouverts par les habitants compris dans la tranche inférieure (0,64 euro) étant 2,1 fois supérieurs à ceux de la dernière tranche.

Enfin, pour les élections municipales , élection qui présente a priori la plus forte sensibilité du plafond de dépenses électorales à la population compte tenu de la forte hétérogénéité des populations regroupées dans les différentes circonscriptions, le barème appliqué induit des modulations de deux sortes.

La première concerne la situation des listes au regard de leur présence aux différents tours de scrutin . Le plafonnement des dépenses électorales est plus strict pour les listes non présentes au second tour de scrutin, les listes présentes au second tour bénéficiant d'un bonus par habitant, qui varie selon la tranche de population considérée selon une distribution irrégulière (pour un habitant appartenant à la première tranche de la population, le bonus est de 37,7 % ; pour un habitant relevant de l'avant-dernière tranche, il est de 21,7 % mais pour un habitant appartenant à les dernière tranche il remonte à 43,4 %).

La seconde modulation porte sur le potentiel de dépenses électorales résultant du nombre des habitants de la commune. Pour les élections municipales, chaque habitant appartenant à la première tranche de population ouvre 2,3 fois plus de droits à dépense que l'habitant de la dernière tranche.

Ainsi, à supposer que les plafonds de dépenses électorales autorisées influencent le niveau des dépenses électorales effectives 7 ( * ) , les barèmes employés pour déterminer les plafonds de dépenses électorales, autorisant des investissements électoraux d'autant plus élevés que la population de la circonscription l'est elle-même, paraissent induire la réunion de capacités financières d'autant plus élevées que la population de la circonscription concernée l'est elle-même.

Concrètement, cette logique se décline comme suit.

Pour les élections municipales, 35 760 communes (97,5 % du total) réunissent moins de 10 000 habitants formant ensemble 50 % de la population française.

Pour ces communes, le plafond moyen des dépenses électorales de chaque liste présente au premier tour est de l'ordre de 1 085 euros pour un total de 31,8 millions d'habitants ouvrant un droit à dépenses électorales de 38,8 millions d'euros (pour une liste fictive qui se présenterait dans chaque circonscription au premier tour).

Seules 11 communes réunissent plus de 200 000 habitants représentant 5,7 millions d'habitants au total (9,1 % de la population française) .

Les populations de ces communes créent un droit à des dépenses électorales pour les listes présentes au premier tour de 360 207 euros pour un total de près de 6 millions d'habitants.

La population des communes considérées est très hétérogène ce qui rejaillit sur le plafond des dépenses électorales par commune pour une liste présente au premier tour des élections municipales, qui va de 183 000 euros à Rennes à 1,2 million d'euros à Paris.

Plafond des dépenses électorales pour les onze villes
de plus de 200 000 habitants 8 ( * )

Population (a)

Plafond (b)

(b)/(a)

Paris

2 210 875

1 241 514

0,56

Lyon

523 164

346 940

0,66

Lille

236 782

193 130

0,82

Marseille

870 018

530 859

0,61

Rennes

222 104

183 001

0,82

Toulouse

482 738

325 601

0,67

Bordeaux

256 045

205 453

0,80

Strasbourg

283 515

220 012

0,78

Nantes

314 611

236 493

0,75

Nice

354 998

257 898

0,73

Montpellier

286 098

221 381

0,77

Total

6 040 948

3 962 282

0,66

Source : commission des finances du Sénat sur la base des recensements de population disponibles

Au total, pour les élections municipales , on peut déduire des données exposées ci-dessus que la compétition électorale, si elle apparaît peu sensible aux capacités financières des candidats dans une grande majorité de communes, est , en revanche, plus fortement déterminée par ces dernières à mesure que les communes s'élèvent sur l'échelle des communes déterminée par l'importance de leur population.

Pour les élections régionales , les plafonds par liste sont différenciés selon les régions .

Sur la base de la population régionale au 1 er janvier 2019, ils seraient les suivants :

Plafonds de dépenses électorales des listes aux élections régionales
sur la base de la législation en vigueur et de la population métropolitaine
au 1 er janvier 2019

Nombre

Part du total

Plafond

Écart à la moyenne

Auvergne-Rhône-Alpes

8 026 685

12,4%

1 890 637

699 639

Bourgogne-Franche - Comté

2 795 301

4,3%

687 419

-503 579

Bretagne

3 329 395

5,1%

810 261

-380 737

Centre-Val de Loire

2 566 759

4,0%

634 855

-556 143

Corse

339 178

0,5%

122 511

-1 068 487

Grand-Est

5 518 188

8,5%

1 313 683

228 503

Hauts-de-France

5 978 266

9,2%

1 419 501

228 503

Île-de-France

12 213 364

18,8%

2 853 574

1 662 576

Normandie

3 319 067

5,1%

807 885

-383 112

Nouvelle-Aquitaine

5 987 014

9,2%

1 421 513

230 515

Occitanie

5 892 817

9,1%

1 399 848

208 850

Pays-de-la Loire

3 786 545

5,8%

915 405

-275 592

Provence-Alpes-Côte-D'azur

5 049 473

7,8%

1 205 879

14 881

Total France métropolitaine

64 802 052

100,0%

NS

NS

Source : commission des finances du Sénat

Avec un plafond moyen de 1,1 million d'euros, l'écart entre le plafond applicable en Corse (circonscription la moins peuplée) et en Île-de-France (circonscription la plus peuplée) est dans un facteur de 23,3 pour un écart de population d'un facteur de 36.

4. À l'expérience, les dépenses de campagne électorale effectives, pour être variables, sont presque systématiquement en-deçà des plafonds autorisés

Par rapport aux différents plafonds envisagés, les candidats aux élections sont, globalement, très loin de mobiliser la totalité des dépenses autorisées.

Distribution des dépenses des candidats par type d'élection

Les dépenses maximales identifiées par les comptes de campagne arrêtés par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques se sont inscrites systématiquement sous les plafonds, souvent très largement.

C'est évidemment encore plus vrai pour les dépenses moyennes ou médianes des candidats.

Le plafonnement des dépenses de campagne apparaît ainsi sur-calibré.

Dans ce contexte, les dépenses de campagne des candidats n'en sont pas moins assez nettement différenciées.

Les données récapitulées dans le tableau ci-dessus ne sont pas entièrement significatives des écarts compétitifs existant entre les candidats du fait de la différenciation de leurs dépenses. Elles ne sont pas corrigées pour tenir compte de la diversité des situations par circonscription 9 ( * ) .

Néanmoins, certains éléments suggèrent des écarts importants. Ainsi, la dépense moyenne est toujours supérieure à la dépense médiane.

Les écarts d'engagement financier ne sont d'ailleurs pas en soi critiquables. Ils peuvent traduire la crédibilité des courants politiques qui s'expriment à travers l'élection.

a) Coup d'oeil sur les élections législatives

Pour les élections législatives , les résultats globaux concernant les dépenses électorales des deux dernières élections législatives suggèrent que, globalement, les candidats ne saturent pas les plafonds des dépenses électorales.

À titre d'exemple, alors que le plafond des dépenses électorales ouvert à un candidat aux élections législatives est systématiquement supérieur à 38 000 euros, le montant moyen dépensé par les candidats ne dépasse pas 17 000 euros (45 % du plafond strictement minimal et bien en-deçà du plafond moyen).

Montant moyen des recettes et des dépenses, élections législatives de 2017

(en euros)

Source : dix-neuvième rapport d'activité de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques

Un nombre élevé de candidats sont réputés n'avoir pas réalisé de dépenses électorales hors celles résultant de l'article R. 39 du code électoral directement remboursées par l'État 10 ( * ) .

En effet, le nombre de candidats aux sièges des 577 circonscriptions législatives a été de 7 877 11 ( * ) et seuls 4 589 candidats ont été pris en compte au titre des dépenses .

Une partie des candidats (2 490) n'ayant pas recueilli 1 % des suffrages exprimés a pu engager des dépenses électorales, mais celles-ci ne sont pas considérées dans les statistiques de la commission dans la mesure où ces candidats ont été dispensés de dépôt de comptes de campagne.

Le reliquat (5 387 candidats contre 4 234 candidats en 2012) comporte un nombre important de comptes de campagne sans dépenses électorales si bien que seuls 4 589 candidats sont considérés comme ayant réalisé des dépenses électorales.

Comme on vient de le mentionner, la dépense moyenne par candidat se révèle inférieure à la composante forfaitaire du plafond.

L'écart se creuse entre l'élection de 2012 et l'élection de 2017 avec une marge passant de 5 735 euros à 14 975 euros pour les candidats ayant recueilli au moins 5 % des suffrages exprimés. Il est vrai que cette tendance est inversée pour les candidats n'ayant pas atteint ce seuil de suffrages. Mais, ces candidats ne dépensent en moyenne qu'un peu plus d'un cinquième des dépenses des candidats atteignant le seuil de 5 %.

Appréciée à partir de l'ensemble des candidats, la dépense moyenne qui était de 21 146 euros en 2012 passe à 16 296 euros (soit une baisse de 23 %).

La forte réduction des dépenses électorales par candidat ne se retrouve pas entièrement sur les dépenses électorales totales du fait d'une hausse du nombre des candidats ayant engagé des frais de campagne.

Ils passent de 3 771 en 2012 à 4 589 en 2017. Cette augmentation compense partiellement la réduction de la dépense unitaire de sorte que les dépenses totales ne reculent que de 6,1 % (74,8 millions d'euros contre 79,7 millions d'euros).

La tendance à l'augmentation du nombre des candidats demande confirmation mais, ces dernières années, elle a apporté le principal soutien aux investissements réalisés dans les campagnes électorales. Sans cette augmentation, les dépenses électorales des candidats aux élections législatives auraient diminué entre 2012 et 2017 de près d'un quart. 12 ( * )

b) Coup d'oeil sur les élections présidentielles

Les élections présidentielles de 2017 ont-elles aussi donné lieu à des dépenses électorales inférieures aux plafonds des dépenses de campagne dans un contexte marqué par des situations très disparates selon les candidats

Pour les deux dernières élections présidentielles, la situation est identique à celle généralement constatée : les plafonds des dépenses électorales ont été loin d'être consommés.

Pour l'élection présidentielle de 2012 , le plafond des dépenses avait été fixé à 16,851 millions d'euros au premier tour et 22,509 millions d'euros pour le second tour.

Les candidats n'ont pas saturé le plafond des dépenses. Pour les candidats du premier tour, loin s'en est fallu, le quantum de dépenses autorisées non mobilisé atteignant près de 50 % pour les candidats ayant obtenu plus de 5 % des suffrages et même près de 95 % pour les candidats du premier tour sous ce seuil.

Les dépenses déclarées par les candidats aux élections présidentielles
de 2007 et 2012

(en niveau et en % du plafond des dépenses électorales)

Source : rapport de la CNCCFP 2012-2013

Le quantum inutilisé avait du reste augmenté par rapport à la précédente élection présidentielle.

Seuls les deux candidats présents au second tour avaient fini par mobiliser une fraction de leurs dépenses autorisées proche de 100 % 13 ( * ) .

Ces deux candidats avaient réalisé 58,1 % des dépenses totales des candidats à l'élection, leurs dépenses se concentrant sur la seconde phase du scrutin.

Les dépenses déclarées par les candidats à l'élection présidentielle de 2017 ont atteint 74,1 millions d'euros par rapport soit nettement moins que le maximum des dépenses autorisées.

Selon les comptes de campagne arrêtés par la CNCCFP, aucun des candidats n'a mobilisé les possibilités de dépenses.

Dépense moyenne des candidats

(en niveau et en % du plafond autorisé)

Source : CNCCFP, rapport de l'année 2017

Certaines évolutions sont notables par rapport à 2012. Les candidats ayant recueilli moins de 5 % des suffrages ont encore moins mobilisé leur plafond qu'en 2012 tandis que les candidats éliminés au premier tour ayant recueilli 5 % des suffrages ou plus ont été plus dépensiers, tout en dépensant moins que leurs possibilités.

Pour les deux candidats présents au second tour leurs dépenses ont été beaucoup plus nettement en-deçà du plafond qu'en 2012, année marquée par un niveau relatif des dépenses électorales singulièrement élevé.

Les cinq candidats arrivés en tête ont concentré 92,7 % des suffrages, avec une dépense moyenne de 13,7 millions d'euros. Deux des candidats ont dépensé davantage, un d'entre ces cinq candidats ayant dépensé presque exactement cette moyenne.

Le candidat vainqueur du second tour a été le plus dépensier avec un écart à la moyenne de 3 millions d'euros (près de 22 %). Ses dépenses ont excédé celles de son concurrent du second tour de 4,3 millions d'euros (+ 34,7 %).

B. UN FINANCEMENT PUBLIC DES CAMPAGNES ÉLECTORALES GLOBALEMENT PEU COÛTEUX, MARQUÉ PAR LA FAIBLE INCIDENCE DES DÉCISIONS DE LA CNCCFP ET QUI TEND À REPRODUIRE LA DISPERSION DES DÉPENSES DES CANDIDATS

Le financement public des campagnes électorales passe par différents canaux.

Alors que les possibilités de financement privé ont été restreintes, les concours publics, appréciés à partir des taux de prise en charge forfaitaire unitaire ont été également réduits.

Si les dépenses correspondantes n'ont pas été ajustées à due proportion c'est que le nombre des candidats éligibles au remboursement forfaitaire a augmenté, dans un contexte marqué par des conditions d'éligibilité inspirées par l'objectif d'assurer une très grande diversité des expressions politiques lors des campagnes électorales.

La CNCCFP assure un rôle de « quasi-ordonnateur » des deniers publics dans le domaine de la prise en charge forfaitaire des frais de campagne électorale par l'État. Elle arrête son quantum.

Cependant, à l'expérience, l'incidence financière des décisions de la commission apparaît globalement limitée d'autant que les candidats aux élections sont généralement à même d'optimiser leurs droits à remboursement forfaitaire.

Par-là, la répartition du financement public des campagnes électorales tend à reproduire la dispersion des dépenses de campagne électorales.

1. Des concours publics qui ont décru et ont été gelés mais sont largement ouverts
a) Une série de mesures aux effets plus ou moins concrets

Diverses dispositions ont été adoptées ces dernières années allant dans le sens d'une limitation des dépenses électorales mais aussi d'une réduction du taux de soutien public accessible aux candidats.

Si certaines limitations sont assez virtuelles (le gel des plafonds des dépenses électorales), d'autres (le durcissement des conditions du remboursement forfaitaire par l'État) sont plus directement effectives.

Les articles 8 et 14 de la loi n o 2011-412 du 14 avril 2011 disposaient que les montants prévus aux articles L 52-8 et L 52-11 du code électoral « sont actualisés tous les ans par décret. Ils évoluent comme l'indice des prix à la consommation des ménages, hors tabac ».

Ces dispositions concernaient notamment :

- le plafond des dons consentis par une personne physique dûment identifiée lors des mêmes élections (4 600 euros : article L 52-8) ;

- le plafond maximal des dons consentis en espèces (150 euros : article L 52-8) ;

- le plafond des dépenses électorales, autres que les dépenses de propagande prises en charge directement par l'État (article L 52-11).

La loi n° 2011- 1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 (article 112) a resserré les conditions du financement public accordé par l'État aux candidats aux élections.

À compter de 2012 et jusqu'à l'année au titre de laquelle le déficit des administrations publiques est nul, l'actualisation des plafonds des dépenses électorales n'est plus mise en oeuvre. Il en résulte mécaniquement un gel du plafond des prises en charge publiques des dépenses électorales, mais, compte tenu de l'excédent structurel des plafonds de dépenses par rapport aux dépenses effectives des candidats, le gel appliqué aux plafonds ne se traduit pas ipso facto par un gel des remboursements forfaitaires unitaires des frais de campagne financés sur crédits publics.

Le gel, implicite, des plafonds des remboursements ne concernait 14 ( * ) d'ailleurs pas les dons, qui peuvent donner lieu à des réductions d'impôt.

Ainsi, la stabilisation éventuelle du soutien public aux candidats effectué sur crédits budgétaires ne s'est pas accompagnée à due proportion d'une réduction du soutien indirect lié aux avantages fiscaux prévus.

Toutefois, l'article 19 de la loi de finances rectificative pour 2011 n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 a modifié l'article 200 du code général des impôts : les dons et cotisations versés aux partis politiques et susceptibles d'ouvrir droit à réduction d'impôts sont désormais retenus dans la limite de 15 000 euros par foyer fiscal, ce qui permet un avantage fiscal maximum de 9 900 euros.

b) Un resserrement des conditions de remboursement forfaitaire des candidats éligibles

La loi de finances pour 2012 a diminué de 5 % le montant maximal du remboursement forfaitaire des dépenses électorales par l'État , prévu à l'article L. 52-11-1 du code électoral, le taux de 50 % du plafond des dépenses étant ramené à 47,5 %.

Ces mesures ont été étendues à l'élection présidentielle par la loi organique n° 2012-272 du 28 février 2012 qui a, en outre, ramené à 4,75 % (et non plus au vingtième) du montant du plafond des dépenses de campagne le montant maximal du remboursement forfaitaire de l'État à chaque candidat à l'élection présidentielle, et à 47,5 %, contre la moitié dudit plafond auparavant, le montant maximal du remboursement pour chaque candidat ayant obtenu plus de 5 % du total des suffrages exprimés au premier tour de l'élection présidentielle.

c) Des conditions d'éligibilité plutôt « facilitantes » mais...

Si les taux unitaire de soutien public ont ainsi été globalement réduits, ce qui, il faut en convenir, ne va pas dans le sens d'un renforcement des capacités d'expression des candidats, les conditions d'éligibilité au remboursement public peuvent être considérées comme plutôt souples. Il reste qu'elles suscitent certains débats.

Pour être éligible au remboursement forfaitaire de ses frais de campagne, il suffit d'obtenir au moins 5 % des suffrages exprimés pour les élections législatives comme pour les élections sénatoriales ou municipales.

Cette condition est relâchée pour l'élection européenne et pour l'élection présidentielle. Pour la première citée il ne faut obtenir que 3 % des suffrages exprimés. Pour l'élection présidentielle il n'y a pas de condition de suffrages. Toutefois, les candidats qui ont obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés ne bénéficient que d'un taux réduit de prise en charge (4,75 % du plafond des dépenses électorales contre 47,5 % pour les autres candidats).

Quelques observations peuvent être formulées.

Il existe d'abord un problème non négligeable du fait du statut réservé aux candidats aux élections municipales dans les communes de moins de 9 001 habitants puisque le remboursement forfaitaire des dépenses de campagne ne leur est pas ouvert 15 ( * ) .

En second lieu, la non éligibilité au remboursement forfaitaire ne dispense pas les candidats ayant obtenu plus de 1 % des suffrages ou des dons d'établir et de communiquer des comptes de campagne. Il existe différents motifs pour qu'il en soit ainsi.

Si l'assouplissement de la condition de suffrages pour l'élection européenne peut se comprendre dans le cadre d'un scrutin de liste nationale, elle favorise sans aucun doute la diversité des candidatures, diversité qui n'est pas nécessairement synonyme de pluralisme.

Enfin, l'écart entre le taux de remboursement des candidats à l'élection présidentielle selon qu'ils ont atteint ou non le plancher des 5 % des suffrages peut être considéré comme constitutif d'effets de seuil très forts, qu'un système plus progressif pourrait modérer.

2. Globalement, une faible incidence financière des décisions de la commission sur les charges publiques liées au financement des campagnes électorales, mais un potentiel élevé de sanctions individuelles

En pratique, si les décisions de la CNCCFP relatives à l'arrêt des comptes de campagne font apparaître quelques spécificités en fonction des élections, le constat d'ensemble d'une faible incidence des décisions de la commission s'impose.

Si la proportion des approbations « sèches » est de l'ordre de la moitié des décisions de la commission, les autres décisions se bornent généralement à réformer les comptes, le rejet étant rarement prononcé 16 ( * ) . Quant aux mesures de modulation du remboursement forfaitaire, correction intermédiaire entre l'approbation des comptes avec réformations et le rejet des comptes de campagne, elles sont assez rares.

Il faut encore tenir compte que l'impact des réformations des comptes de campagne est nécessairement limité puisqu'en tout état de cause le remboursement forfaitaire ne peut excéder l'apport personnel du candidat.

Ce dernier représentant le plus souvent une fraction des dépenses de campagne des candidats, dès lors que les décisions de réformation n'impliquent pas le passage à une situation de surfinancement des dépenses admises au remboursement par l'apport personnel du candidat, elles n'ont aucun impact sur le remboursement forfaitaire.

Seules alors peuvent jouer les décisions avec modulations ou les décisions prises par les autorités judiciaires.

Dans ces conditions, les décisions entraînant la modification du remboursement forfaitaire de l'État sont très peu nombreuses et elles n'ont globalement pas d'impact réellement appréciable sur les finances publiques. .

Ce n'est pas à dire que les décisions de réformation des comptes sont sans valeur ni effet.

Elles présentent le mérite de déboucher sur des comptes de campagne plus exacts et peuvent être accompagnées d'autres initiatives de la commission (voir infra ).

Par ailleurs, elles peuvent modifier un certain nombre de situations, qu'il s'agisse des opérations de dévolution des excédents ou de mise en jeu des réductions fiscales associées au financement des campagnes électorales 17 ( * ) .

Mais, du point de vue de la charge budgétaire associée au financement forfaitaire des frais de campagne électorale, l'exercice de ses missions sur les comptes de campagne par la CNCCFP n'a, globalement, que peu d'impact.

Synthèse des décisions de la CNCCFP relatives aux comptes de campagne
pour les élections entre 2011 et 2017

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

a) L'élection présidentielle

En ce qui concerne les scrutins nationaux, l'élection présidentielle se distingue par des réformations systématiques des comptes de campagne des candidats, mais qui n'entrainent généralement pas de modulation du remboursement des frais de campagne .

Bilan des décisions de la CNCCFP pour les élections présidentielles
de 2012 et de 2017

2012

2017

Nombre

% des comptes

Nombre

% des comptes

Évolution 2017/ 2012

Candidats astreints au dépôt

10

NS

11

NS

10 %

Non-respect des obligations de dépôt

0

0

0

0

0

Approbations

0

0

0

0

0

dont:

approbations avec modulation du remboursement

0

0

0

0

0

Réformations

9

90 %

11

100 %

22 %

dont:

réformations avec modulation du remboursement

0

0 %

2

18,20 %

18,2

Rejets

1

10 %

0

0 %

- 10

Rejets +non-respect des obligations de dépôt

1

10 %

0

0 %

- 10

Total des décisions

10

100 %

11

100 %

0

Source : commission des finances du Sénat

La prise en charge par l'État des frais de campagne des candidats à l'élection présidentielle de 2017 a atteint 41,1 millions d'euros , soit 55,5 % des dépenses déclarées par les candidats.

C'est davantage que le plafond maximal de prise en charge des dépenses des candidats (47,5 % au mieux pour les candidats ayant dépassé le seuil de 5 % des suffrages exprimés au premier tour) du fait de la non saturation des plafonds de dépenses par ces derniers.

Tous les comptes de campagne ont subi des décisions de réformations en 2017 mais à l'inverse de la campagne de 2012 aucun compte n'a été rejeté.

Deux comptes de campagne ont été réformés et modulés, situation intermédiaire entre la simple réformation et le rejet du compte, dont celui du candidat élu.

Le montant total des réformations a atteint 1,98 million d'euros , mais l'incidence financière des arrêts de compte prononcés par la CNCCFP a été limitée à moins de 700 000 euros.

La diminution du remboursement résultant des mesures de modulation adoptées par la commission, en lien avec l'omission d'inscription au compte de campagne de l'un des candidats pour un montant de 88 349 euros (sur 13,7 millions d'euros de dépenses) et avec le dépassement du plafond des dons au bénéfice de l'autre candidat concerné pour un montant de 18 300 euros (pour un montant de recettes de 16,8 millions d'euros) a, ainsi, présenté une ampleur fort limitée.

b) Les élections législatives

De leur côté, les élections législatives donnent à la commission l'occasion de prononcer à peu près autant d'approbations que de réformations des comptes de campagne, les réformations accompagnées d'une modulation étant proportionnellement peu nombreuses.

Ces deux types de décision n'ont que peu d'effets sur le remboursement forfaitaire.

En revanche, ces élections donnent assez fréquemment lieu à des constats de non-respect de l'obligation de dépôt des comptes (4,35 % en 2017).

Bilan des décisions de la CNCCFP pour les élections législatives
de 2012 et de 2017 18 ( * )

2012

2017

Nombre

% des comptes

Nombre

% des comptes

Évolution 2017/ 2012

Candidats astreints au dépôt

4 382

NS

5 612

NS

28,1 %

Non-respect des obligations de dépôt

140

3,19 %

244

4,35 %

1,16

Approbations

2 072

48,74 %

2 618

48,77 %

0,03

dont :

approbations avec modulation du remboursement

5

0,12 %

2

0,04 %

- 0,08

Réformations

2 084

49,02 %

2 643

49,24 %

0,22

dont :

réformations avec modulation du remboursement

17

0,40 %

35

0,65 %

0,25

Rejets

95

2,23 %

107

1,99 %

- 0,24

Rejets +non-respect des obligations de dépôt

235

5,36 %

351

6,25 %

0,89

Total des décisions

4 251

97,01 %

5 368

95,65 %

- 1,36

Source : commission des finances du Sénat

Pour les élections législatives, les dépenses électorales des candidats font l'objet d'un remboursement forfaitaire de la part de l'État égal à 47,5 % de leur plafond de dépenses. Ce remboursement ne peut, toutefois, excéder le montant des dépenses réglées sur l'apport personnel des candidats et retracées dans leur compte de campagne. Il est réservé aux candidats qui ont obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés.

Le nombre des candidats aux élections législatives de 2017 s'est élevé à 7 877, en forte progression (près de 20 %) par rapport à l'élection précédente (6 603).

Le nombre des candidats astreints à déposer un compte de campagne est passé, de son côté, de 4 234 en 2012 à 5 387 en 2017 (+ 27 %), marquant une progression plus forte que celle des candidats. La proportion des candidats ayant dépassé le seuil critique de 1 % des suffrages exprimés a augmenté.

En 2017, la proportion des candidats ayant atteint le seuil de 5 % des suffrages exprimés (2 878) a été 36,5 % de l'ensemble des candidats tandis que celle des candidats ayant été crédités d'un pourcentage de voix compris entre 1 % et 4,99 % a été à peu près équivalente (2 509 candidats, soit 31,8 % des candidats).

D'emblée, les dépenses électorales susceptibles de faire l'objet d'un remboursement forfaitaire ont été réduites de 8,7 millions d'euros sur un total de dépenses électorales de 74,8 millions d'euros (soit 11,6 % du total).

Incidemment, il faut relever que le montant des dépenses électorales des candidats aux élections législatives de 2017 s'est inscrit en baisse par rapport à celui observé en 2012 (78,8 millions d'euros).

Cette évolution semble tenir largement à une modification du périmètre des dépenses électorales, la loi n° 2016-508 du 25 avril 2016 ayant raccourci de six mois la période de comptabilisation des dépenses des candidats au titre de leurs dépenses électorales 19 ( * ) .

Il serait intéressant de disposer d'une évaluation de l'impact de cette abréviation sur les dépenses électorales mais également sur les possibilités de prise en charge publique des dépenses des candidats.

Il faut encore tenir compte du fait que, parmi les 2 878 candidats ayant atteint le seuil de représentativité électorale, un certain nombre (118) n'ayant pas effectué d'apport personnel, se sont trouvés ipso facto exclus du remboursement forfaitaire.

Ainsi, sur les 66,1 millions d'euros de dépenses électorales rattachables à des candidats ayant satisfait au critère de voix, seules 63,5 millions d'euros ont pu être rattachés aux dépenses de candidats réunissant la condition de suffrages et d'apport personnel, conduisant à l'exclusion de 2,6 millions d'euros de la base de calcul du remboursement forfaitaire.

Compte tenu du dépôt de leurs comptes de campagne par 225 candidats non astreints à ce dépôt du fait de leurs scores électoraux, la CNCCFP a examiné 5 612 comptes de campagne (71,2 % du nombre de candidats).

Elle a rendu 5 612 décisions dont 2 616 d'approbation simple (47 % des décisions comme en 2012).

2 608 comptes ont été approuvés moyennant des réformations.

Seuls 37 comptes de campagne ont été réformés et modulés, la modulation consistant pour la commission à faire usage des pouvoirs qui lui ont été conférés par la loi n° 2011-412 lui permettant de réduire le montant du remboursement forfaitaire selon le nombre et la gravité des irrégularités qui, sans lui paraître devoir entraîner le rejet du compte de campagne, lui paraissent la fonder à prononcer une sanction financière.

Le nombre des comptes rejetés à, quant à lui, atteint 107 unités.

Au total le taux des interventions correctrices de la CNCCFP a atteint près de 50 % des comptes dont elle a été saisie (244 comptes n'ont pas été déposés ou l'ont été hors délai).

Le taux des interventions de la CNCCFP est ainsi à peu près stable par rapport à 2012, les approbations simples étant toutefois en très net recul par rapport aux élections de 2007 (le taux des approbations simples avait alors été de 73,6 %).

Cette évolution appelle une analyse précise permettant d'en identifier les facteurs.

À ce stade, on ne dispose guère de plus d'informations que celles fournies sur les grands éléments des comptes, en recettes et en dépenses. Ainsi, les recettes déclarées par les candidats dont les comptes ont été réformés ont été réduites de 1,4 million d'euros, ce qui représente une proportion modeste des recettes des candidats (3,3 %) tandis que les dépenses ont été minorées de 2,5 % (1,7 million d'euros).

Ces informations, complétées par une analyse des postes de dépenses les plus « réformés », ne permettent pas d'identifier finement les points de vulnérabilité des comptes présentés non plus que l'impact respectif des resserrements de la réglementation ou du contrôle exercé par la CNCCFP sur les corrections mises en oeuvre par cette dernière.

On remarque que le taux des approbations simples est nettement plus élevé pour les candidats non éligibles au remboursement de leurs frais de campagne (73 % contre 21 % pour les candidats ayant atteint le seuil de voix nécessaire).

Toutefois, l'ampleur des réformations prononcées est nettement supérieure à celle des comptes réformés pour les candidats ayant atteint le seuil de remboursement forfaitaire : 1 790 euros en moyenne contre 444 euros.

Ces données présentent un certain intérêt dans la mesure où le nombre des comptes présentés à la commission par les uns et par les autres est à peu près semblable.

On incline à en dégager une corrélation entre la qualité des comptes des candidats et l'engagement dans les campagnes électorales 20 ( * ) .

La question des enjeux de ces réformations mérite d'être posée dans la mesure où elles sont sans effet sur le remboursement public des frais de campagne. Il est vrai que le débat ne saurait être limité à cette seule considération, ne serait-ce que parce que les candidats concernés peuvent recevoir des contributions défiscalisées 21 ( * ) .

En toute hypothèse, les enjeux financiers globaux des réformations sont modestes pour les finances publiques.

Pour les candidats éligibles au remboursement public, mais dont les comptes ont été réformés, les dépenses exclues s'élèvent à moins de 1 million d'euros 22 ( * ) . Quant aux ajustements des apports personnels décidés par la commission, ils sont inférieurs à 1 million d'euros 23 ( * ) .

Dans ces conditions, compte tenu de la structure globale de financement des dépenses électorales des candidats qui voit leurs apports personnels représenter 75,6 % de leurs dépenses, l'impact total des décisions de la commission concernant les seuls candidats dont les comptes ont été réformés peut être estimé à 2,5 millions d'euros, à comparer avec un remboursement forfaitaire public attribué à ces candidats de 45,6 millions d'euros. Ce n'est pas négligeable mais cela représente autour de 5 % des enjeux concrets.

En pratique, c'est plutôt l'écart entre les dépenses des candidats et les plafonds autorisés, combiné aux niveaux des apports personnels des candidats, qui détermine les économies de dépenses publiques constatées par rapport à un référentiel dans lequel les candidats maximiseraient leurs investissements électoraux.

Dans ce contexte, les modulations prononcées par la commission n'ont que peu d'influence globale.

Les modulations prononcées (au nombre de 37) ont réduit les dépenses publiques de 66 364 euros. En revanche, leur impact individuel est nettement plus significatif que celui des simples réformations (1 793 euros en moyenne contre 444 euros).

c) Les élections sénatoriales

S'agissant des élections sénatoriales , cette dernière observation vaut également, avec une certaine amplification d'ailleurs du fait des élections de 2017 (7,16 % des comptes astreints au dépôt sont été soustraits à cette obligation).

La proportion des comptes de campagne approuvés est la plus forte de toutes les élections. Si les réformations ne sont pas rares, elles sont comparativement aux autres élections moins fréquentes.

En revanche, une part non négligeable des comptes des candidats fait l'objet d'un rejet (4,4 %) de leurs comptes 24 ( * ) .

Bilan des décisions de la CNCCFP pour les élections sénatoriales
de 2014 et de 2017 25 ( * )

Nombre

% des comptes

Nombre

% des comptes

Évolution 2017/ 2014

Candidats astreints au dépôt

499

NS

391

NS

- 21,60 %

Non-respect des obligations de dépôt

11

2,20 %

28

7,16 %

4,96

Approbations

283

57,99 %

210

57,85 %

- 0,14

dont:

approbations avec modulation du remboursement

11

2,25 %

1

0,28 %

- 1,98

Réformations

188

38,52 %

137

37,74 %

- 0,78

dont:

réformations avec modulation du remboursement

6

1,23 %

6

1,65 %

0,42

Rejets

17

3,48 %

16

4,41 %

0,92

Rejets +non-respect des obligations de dépôt

28

5,74 %

44

12,12 %

6,38

Total des décisions

488

97,80 %

363

92,84 %

- 4,96

Source : commission des finances du Sénat

d) Les élections locales et l'élection européenne

En ce qui concerne les élections locales , les taux d'approbation des comptes opposent les élections municipales et départementales aux élections régionales.

Ces dernières occasionnent des réformations nettement plus systématiques (72,4 % contre 50,7 % pour les élections départementales de 2015 et 53,4 % pour les élections municipales de 2014).

Si les modulations du remboursement public des frais de campagne touchent un assez petit nombre de comptes des candidats aux élections départementales, la proportion des réformations entraînant une réduction des remboursements est plus élevée pour les élections municipales et régionales.

Bilan des décisions de la CNCCFP pour les élections cantonales de 2011
et les élections départementales de 2015

2011

2015

Nombre

% des comptes

Nombre

% des comptes

Évolution 2015/ 2011

Candidats astreints au dépôt

7 047

NS

9 074

NS

28,8 %

Non-respect des obligations de dépôt

144

2,04 %

168

1,85 %

- 0,19

Approbations

3 848

55,74 %

4 508

50,61 %

- 5,13

dont:

approbations avec modulation du remboursement

23

0,33 %

19

0,21 %

- 0,12

Réformations

2 899

42,00 %

4 263

47,86 %

5,86

dont:

réformations avec modulation du remboursement

45

0,65 %

53

0,60 %

- 0,05

Rejets

156

2,26 %

136

1,53 %

- 0,73

Rejets +non-respect des obligations de dépôt

300

4,26 %

304

3,35 %

- 0,91

Total des décisions

6 903

97,96 %

8 907

98,16 %

0,2

Source : commission des finances du Sénat

Bilan des décisions de la commission pour les dernières élections municipales européennes et régionales

Municipales 2014

Européennes 2014

Régionales 2015

Nombre

% des comptes

Nombre

% des comptes

Nombre

% des comptes

Candidats astreints au dépôt

4 748

NS

105

NS

158

NS

Non-respect des obligations de dépôt

104

2,19 %

0

0,00 %

2

1,27 %

Approbations

1 982

42,68 %

31

29,52 %

38

24,36 %

dont:

approbations avec modulation du remboursement

12

0,26 %

0

0,00 %

0

0,00 %

Réformations

2 482

53,45 %

69

65,71 %

113

72,44 %

dont:

réformations avec modulation du remboursement

46

0,99 %

18

17,14%

8

5,13%

Rejets

180

3,88 %

5

4,76 %

5

3,21 %

Rejets +non-respect des obligations de dépôt

284

5,98 %

5

4,76 %

7

4,43 %

Total des décisions

4 644

97,81 %

105

100,00 %

156

98,73 %

Source : commission des finances du Sénat

Néanmoins, les élections municipales de 2014 ont vu les candidats fréquemment remboursés de 100 % de leurs apports personnels.

Ces élections sont caractérisées par la part largement prépondérante, à défaut d'être exclusive, prise par les apports personnels des candidats dans le financement des campagnes électorales.

Taux de remboursement de l'apport personnel des candidats
aux élections municipales de 2014

Source : rapport de la CNCCFP pour 2014

Enfin, les élections européennes se caractérisent par un nombre relativement important des décisions de réformation des comptes de campagne .

En outre, ces réformations entraînent plus souvent que pour les autres élections, excepté l'élection présidentielle, des réductions du remboursement des dépenses de campagne

3. Une structure de financement des campagnes électorales globalement adéquate à un objectif de maximisation du remboursement public forfaitaire

On rappelle que la prise en charge des frais de campagne ne peut dépasser le niveau des apports personnels des candidats.

On constate que la structure de financement des campagnes électorales fait généralement ressortir la place prépondérante des financements qualifiés « d'apports personnels des candidats », au sein desquels prédominent leurs emprunts, éventuellement ceux contractés auprès des partis politiques qui les soutiennent.

Globalement, la proportion prise par les apports personnels tend à maximiser les remboursements forfaitaires, et le permet.

a) La structure de financement de le campagne pour l'élection présidentielle comporte des particularités par rapport à celle des élections législatives

Les investissements des candidats aux élections présidentielle et législatives de 2017 ont atteint 148,9 millions d'euros, avec une répartition moitié-moitié : 74,1 millions d'euros pour l'élection présidentielle ; 74,8 millions d'euros pour les élections législatives.

Les profils de financement des dépenses électorales correspondantes sont différents

Globalement, les apports personnels des candidats 26 ( * ) ont couvert respectivement 59,1 % et 73,4 % des dépenses électorales, écart qui peut se comprendre au vu d'un niveau de dépense unitaire incommensurable (6,7 millions d'euros pour l'élection présidentielle ; 16 296 euros par candidat aux élections législatives).

Le versement personnel moyen d'un candidat aux élections législatives (5 195 euros) est évidemment nettement plus accessible que celui d'un candidat à l'élection présidentielle (153 000 euros).

Quelques agrégats relatifs au financement des campagnes électorales de 2017

Élection présidentielle

Élections législatives

Total

Apports personnels (a)

43 811 159

54 913 813

98 724 972

Dépenses (b)

74 116 183

74 782 104

148 898 287

a - b (x)

-30 305 024

-19 868 291

-50 173 315

Apports des partis (y)

24 196 651

8 000 493

32 197 144

y / x

79,8%

40,3%

64,2%

Dons des personnes physiques (g)

4 700 983

13 445 969

18 146 952

g / x (z)

15,51%

67,68%

36,17%

y+g (w)

28 897 634

21 446 462

50 344 096

w/ x

95,36%

107,94%

100,34%

Source : commission des finances du Sénat

L'impasse de financement globale rencontrée par les candidats a été couverte très différemment.

L'engagement financier des partis politiques dans la campagne électorale est nettement plus déterminé pour l'élection présidentielle (24,2 millions d'euros) que pour les élections législatives (8 millions d'euros).

Pour ces dernières, les partis ont apporté trois fois moins d'aide aux 4 589 candidats ayant déclaré avoir engagé des dépenses de campagne que pour les 11 candidats à l'élection présidentielle. Les partis ont ainsi couvert près de 80 % du besoin de financement des candidats à l'élection présidentielle né du déficit entre l'apport personnel des candidats et leurs dépenses. Pour les élections législatives, ils n'ont couvert que 40 % de ce déficit.

Les dons des personnes physiques, du moins les dons directs aux candidats (excepté donc les dons indirects transitant par les partis politiques) ont été beaucoup moins importants pour l'élection présidentielle (4,7 millions d'euros) que pour les élections législatives (13,4 millions d'euros) 27 ( * ) . Ils ont couvert 15,5 % du besoin de financement des candidats à l'élection présidentielle, laissant, cumulés avec les apports des partis un besoin de financement résiduel de près de 5 % des dépenses.

Cependant, compte tenu de l'ampleur des dons aux partis politiques, dont le tableau ci-dessous donne une image pour quelques grandes formations politiques, les dons des personnes physiques ont davantage financé les campagnes électorales que ce que révèle la seule comptabilisation des dons directs aux candidats.

Montants des dons à quelques partis politiques en 2017

en euros

FRONT NATIONAL

960 007

PARTI RADICAL DE GAUCHE

80 678

PARTI COMMUNISTE FRANCAIS

6 053 159

LES RÉPUBLICAINS

8 239 292

LA FRANCE EN MARCHE

10 014 588

PARTI SOCIALISTE

582 011

EUROPE ÉCOLOGIE LES VERTS

250 434

DEBOUT LA FRANCE

610 510

LA FRANCE INSOUMISE

1 540 005

Total

28 330 684

Source : commission des finances du Sénat

Enfin, par les concours en nature et des recettes diverses, les dépenses électorales des candidats à l'élection présidentielle ont été intégralement financées, le solde positif entre les recettes et les dépenses atteignant près de 800 000 euros.

Pour les élections législatives, il s'est élevé à près de 4 millions d'euros (environ 5 % des dépenses des candidats).

b) L'élection présidentielle de 2017

Les recettes portées aux comptes de campagne des candidats à l'élection présidentielle de 2017 ont atteint 74,9 millions d'euros.

L'analyse de ces ressources révèle plusieurs types de singularités, qu'ils concernent les candidats ou les structures de financement de leurs engagements dans la campagne électorale.

La structure de financement des campagnes des candidats à l'élection présidentielle de 2017 dévoile la prépondérance des ressources qualifiées d'apports personnels des candidats.

Source : rapport 2017 de la CNCCFP

Avec 42,8 millions d'euros, les apports personnels des candidats totalisent 58,5 % des recettes des comptes de campagne .

En deuxième position, viennent les apports des partis avec un peu moins d'un tiers des ressources portées aux comptes de campagne (24,2 millions d'euros).

Le rôle des dons (4,7 millions d'euros) est comparativement faible (6,3 % des ressources).

Le poids des apports personnels est comparativement élevé pour les candidats qui n'ont pas réuni 5 % des suffrages.

Pour ceux-ci, il est de l'ordre de 70,8 % contre 57,5 % pour ceux ayant atteint ce seuil.

Les apports personnels des candidats sont eux-mêmes issus de trois principales sources de financement qui présentent des profils très contrastés selon les candidats.

- les versements personnels des candidats au sens strict représentent une part très modeste de ces apports (3,8 % pour 2,25 % des recettes totales portées aux comptes). Cependant, il existe un fort contraste entre les candidats selon leurs résultats électoraux.

Pour les candidats n'ayant pas atteint le seuil de 5 % des suffrages exprimés, ces versements apportent une part des recettes des comptes de campagne relativement élevée et nettement plus significative que pour leurs adversaires. Elle s'élève à 16,7 % des recettes totales (23,6 % de la catégorie « apports personnels »). Ceci résulte à la fois d'un montant moyen supérieur (183 600 euros contre 127 500 euros) et de recettes alternatives nettement inférieures.

Cette dernière situation se vérifie, en premier lieu, pour les autres recettes composant la catégorie des apports personnels, c'est-à-dire pour les emprunts bancaires et auprès des partis. Pour les candidats ayant atteint le seuil de 5 % des suffrages, les premiers s'élèvent à 25,1 millions d'euros (4,18 millions d'euros par candidat en moyenne) et les seconds à 14,1 millions d'euros (2,35 millions d'euros par candidat en moyenne), contre, respectivement 1,3 million d'euros et 1,7 million d'euros pour les autres candidats (260 000 euros et 340 000 euros par candidat en moyenne).

Elle se vérifie également lorsqu'on compare les versements personnels stricto sensu des candidats avec d'autres catégories de recettes que les apports personnels. Ainsi les versements personnels des « petits candidats » sont à peu près équivalents aux contributions des partis (hors prêts consentis par ces derniers) tandis que pour les candidats au seuil de 5 % au moins des suffrages, celles-ci représentent près de 30 fois les versements personnels des candidats.

- Les emprunts contractés auprès des banques par les candidats représentent la première source de financement des campagnes : 26,4 millions d'euros pour un total de recettes de 74,9 millions d'euros (35,2 % des recettes des comptes de campagne). Les candidats en-deçà du seuil ne mobilisent que peu cette ressource. Avec 1,3 million d'euros, ils ne réunissent que moins de 5 % des emprunts bancaires.

- Les emprunts effectués auprès des partis sont, avec 15,7 millions d'euros, la deuxième source de financement des campagnes électorales des candidats à l'élection présidentielle (21 % du total). Là aussi, ils sont concentrés par les candidats au-delà du seuil, qui totalisent 89,9 % de ces ressources. Cependant, rapportés aux ressources mobilisées par les candidats, selon leur résultat électoral, ces emprunts apportent une contribution au financement des petits candidats (30,2 %) supérieure à celle des candidats au seuil (20,3 %).

L'équation du financement des dépenses électorales et des dépenses de campagne a été globalement bien gérée par les candidats, leur permettant d'obtenir une prise en charge jouxtant les 100 % de leurs droits.

Le remboursement public a atteint un pourcentage généralement proche ou supérieur à 95 %

On relève toutefois deux exceptions, dont l'une susceptible d'impliquer un niveau de reste à charge significatif compte tenu de l'ampleur des dépenses du candidat.

c) Les élections législatives de 2017

Si les ratios entre les prises en charge des frais de campagne par les crédits publics et les apports personnels ont été un peu moins favorables pour les élections législatives de 2017 qu'ils ne l'ont été pour l'élection présidentielle, leur niveau est globalement élevé.

Proportion de l'apport personnel déclaré effectivement remboursée
aux candidats aux élections législatives éligibles au remboursement public

Source : CNCCFP, rapport de l'année 2017

Plus des trois-quarts des candidats éligibles au remboursement public de leurs frais de campagne ont vu leur apport personnel remboursé à au moins 90 %.

Près de 87 % des candidats ont bénéficié d'un remboursement d'au moins 80 % de leur apport personnel.

Les apports personnels des candidats représentent une part très importante des ressources investies dans les campagnes électorales.

Structure des financements des candidats aux élections législatives de 2017

Une évolution de la structure des apports personnels des candidats invite à remarquer que les contributions des partis politiques ont connu un fort repli. Ce dernier a été moins fort pour l'emprunt bancaire mais le déclin de ces deux postes a dû être compensé par une augmentation de la part relative des versements strictement personnels des candidats.

Structure de l'apport personnel des candidats
aux deux dernières élections législatives

Source : CNCCFP, rapport de l'année 2017

Ces évolutions doivent toutefois être considérées avec précaution. L'abréviation de la période de décompte des ressources investies dans les campagnes électorales et l'augmentation du nombre des candidats, dont un nombre relatif en progression ne réalisent que peu d'investissements de campagne, biaisent les comparaisons, et, dans un certaine mesure, les constats portant sur les taux de prise en charge publique eux-mêmes.

C. BILAN DES MISSIONS DE LA CNCCFP DANS LE CHAMP DE LA RÉGULATION FINANCIÈRE DES ÉLECTIONS

Les missions de la CNCCFP en matière de comptes de campagne trouvent leur point d'arrivée (ou presque dans la mesure où des actes accessoires peuvent les accompagner) dans les arrêtés des comptes de campagne et des droits à remboursement des candidats.

Néanmoins ces aboutissements supposent un processus d'instruction des comptes de campagne, qui, même si la CNCCFP a suivi une démarche qui se veut exhaustive, se heurte à de très grandes difficultés.

Si ces dernières trouvent leur origine dans les phénomènes complexes du monde contemporain d'une communication politique en phase « disruptive » par rapport au cadre plus traditionnel à partir duquel la législation financière des campagnes électorales a été conçue, certaines composantes de la législation induisent en soi des problèmes.

Plusieurs voies d'évolution pourraient être explorées, parmi lesquelles on évoque dans les développements ci-dessous la question particulière de l'ajustement du niveau des dépenses de la campagne présidentielle, réservant à la partie conclusive du présent rapport consacrée à la CNCCFP elle-même d'autres pistes tenant à l'extension de son contrôle et aux pratiques suivies.

1. La CNCCFP, un acteur majeur de l'application de règles financières des campagnes électorales

La CNCCFP exerce des missions étendues en ce qui concerne les campagnes électorales.

Même si pour nombre d'entre ces missions, elle ne dispose d'aucun monopole - devant collaborer avec d'autres organismes (voir infra ) - les attributions qui lui sont conférées dans ce domaine la placent dans la position d'être un acteur majeur au service de la régularité des élections au regard des règles financières qui les entourent et, par là-même, elle se trouve en situation d'administrer une politique publique destinée, en particulier, à favoriser le pluralisme politique et un certain équilibre de la compétition électorale, mais qui poursuit également d'autres objectifs essentiels : l'indépendance des candidats et la bonne utilisation des crédits publics.

Cette dernière dimension des missions de la CNCCFP, trouve, on vient d'en exposer en détail les aboutissants, un prolongement ultime dans la compétence conférée à la commission de prononcer l'arrêt des comptes de campagne et, de ce fait, le montant des frais de campagne remboursable par l'État aux candidats. À travers ces attributions, la commission agit comme un « quasi-ordonnateur » des deniers publics.

En bref, en ce qui concerne les campagnes électorales , les missions de la commission sont celles d'un régulateur financier appelé , de surcroît, à participer de façon décisive à la détermination des conditions dans lesquelles intervient le financement public des campagnes électorales.

Principales missions de la CNCCFP
dans le domaine des comptes de campagne

- contrôler les comptes de campagne des candidats aux élections présidentielles, européennes, législatives, sénatoriales, régionales, départementales, municipales (dans les circonscriptions de plus de 9 000 habitants), territoriales et provinciales (Outre-Mer) ;

- demander, le cas échéant, à des officiers de police judiciaire de procéder à toute investigation jugée nécessaire pour l'exercice de sa mission ( article L. 52-14 ) ;

- approuver, réformer, rejeter les comptes examinés après une procédure contradictoire et également constater le non dépôt ou le dépôt hors-délai des comptes par les candidats ;

- arrêter le montant du remboursement forfaitaire dû par l'État ;

- fixer, dans tous les cas où un dépassement du plafond des dépenses électorales a été constaté par une décision de la commission, la somme égale au montant du dépassement que le candidat est tenu de verser au Trésor public (article L. 52-15 ).

Dans ce cadre, la commission doit assurer un prolongement minimal à ses missions de contrôle lorsque ces dernières lui semblent révéler des irrégularités.

Elle doit alors :

- saisir le juge de l'élection lorsque le compte de campagne a été rejeté, n'a pas été déposé ou déposé hors-délai ou s'il fait apparaître après réformation un dépassement du plafond des dépenses électorales ( article L. 118-3 ) ;

- transmettre au procureur de la République compétent tout dossier pour lequel des irrégularités de nature à contrevenir aux dispositions des articles L. 52-4 à L. 52-13 et L. 52-16 du code électoral auraient été relevées (notamment pour les infractions en matière de don et pour des dépenses pouvant être qualifiées d'« achat de suffrage » faisant encourir des peines pouvant aller jusqu'à deux ans de prison (article L. 106 et article L. 108 ).

Enfin, il lui appartient de contribuer à la transparence de l'information sur le financement des campagnes électorales.

À cette fin, elle est tenue de :

- déposer sur le bureau des assemblées, dans l'année qui suit des élections générales auxquelles sont applicables les dispositions de l'article L. 52-4 , un rapport retraçant le bilan de son action et comportant toutes les observations que la commission juge utile de formuler ( article L. 52-18 ) ;

- assurer la publication au Journal officiel des comptes de campagne dans une forme simplifiée ( article L. 52-12 alinéa 4 ).

2. Un problème ardu pour la commission mais aussi pour les candidats : l'identification du périmètre des dépenses électorales

Une des composantes principales de la mission de détermination des comptes de campagne consiste à estimer les dépenses électorales des candidats. Cette mission débute par l'identification du périmètre des dépenses électorales du candidat.

Dans cette activité, la CNCCFP fait face à des difficultés nées de l'imprécision de la définition juridique des dépenses de campagne , qui l'oblige à prendre des décisions sur ce point, c'est-à-dire à établir une jurisprudence, sous le contrôle du juge.

Dans ce travail « d'invention », elle se trouve prise dans une sorte de double injonction contradictoire , la réglementation poursuivant deux objectifs suggérant deux tendances opposées :

- l'une, inspirée par la préoccupation d'exclure du remboursement public des dépenses de campagne les dépenses réalisées en dehors de l'objectif électoral des candidats (des dépenses réalisées pour couvrir des intérêts personnels ou sans lien suffisamment direct avec les objectifs poursuivis par une participation à la compétition électorale), conduit à une définition stricte des dépenses électorales susceptible d'en réduire l'extension ;

- l'autre, inspirée par la préoccupation d'assurer une égalité de traitement des candidats, qui suppose de ne pas soustraire certaines dépenses engagées afin de remporter les suffrages des électeurs aux règles de plafonnement et de ne pas restreindre abusivement le financement public des charges liées aux élections vu alors comme une condition du pluralisme démocratique, tend, inversement, à consacrer une définition large des dépenses électorales.

Dans son guide du candidat et du mandataire publié en 2016, la CNCCFP a pu ainsi faire valoir que « la commission a relevé depuis de nombreuses années l'ambiguïté de la définition législative de la dépense électorale. En effet, le code électoral ne se réfère pas à une définition précise mais utilise indistinctement, dans des articles différents, les termes de dépenses « engagées », « effectuées », « exposées » ou « payées » , tout en rappelant qu' « en l'absence d'une définition légale précise, le Conseil d'État a(vait) été amené à préciser la notion de dépense électorale comme étant celle « dont la finalité est l'obtention des suffrages des électeurs ».

Dans ce cadre très général, la CNCCFP indique s'inspirer de la critériologie émanant de la jurisprudence administrative.

Les critères d'inclusion des dépenses d'un candidat
dans le périmètre des dépenses électorales

Source : « Guide du candidat et du mandataire », CNCCFP, 2016

Cette approche suscite deux observations.

En premier lieu, elle revient à reconnaître la nécessité de décliner des principes qui, par leur généralité, appellent une mise en oeuvre pratique pouvant entraîner une casuistique complexe et pas nécessairement aisée à anticiper. Au demeurant, la CNCCFP concède que son application peut réserver des nuances. Elle en présente certains exemples dans le tableau ci-après.

L'application concrète des critères de détermination
de la qualité « électorale » d'une dépense

Source : « Guide du candidat et du mandataire », CNCCFP, 2016

Les exemples exposés dans le tableau ci-dessus conduisent à faire ressortir, comme c'est souvent le cas lorsque l'on procède par casuistique, une forme de « byzantinisme » que les candidats aux élections politiques peuvent ressentir comme difficilement compréhensible. Une forme d'insécurité juridique en découle qui n'est pas exclusive d'une charge « administrative » pouvant apparaître disproportionnée par rapport aux enjeux.

En second lieu, la doctrine suivie paraît davantage marquée par la préoccupation d'éviter d'intégrer aux comptes de campagne des dépenses personnelles des candidats, susceptibles de donner lieu à des enrichissements indus du fait de la prise en charge sur fonds publics des frais électoraux, que par la préoccupation d'assurer une égalité compétitive des candidats.

L'application du critère de l'origine personnelle de la dépense est, sous cet angle, particulièrement en cause, d'autant que ce critère est susceptible de recouvrir des dépenses qui ne sont pas directement prises en charge par les candidats mais se trouvent être réalisées pour leur compte, critère susceptible d'englober un nombre indéterminable, strictement, de dépenses.

Dans ces conditions (la complexité de la détermination des dépenses de campagne et des dons pouvant atteindre un sommet pour des dépenses réalisées à partir d'entités opaques éventuellement « inappréhendables » par la commission), l'imputation des dépenses de campagne aux comptes des candidats suppose non seulement de pouvoir identifier tous les « investissements » dont il bénéficie, mais encore de sélectionner parmi ses investissements ceux qui doivent être considérés comme réalisés « pour son compte ».

Disons-le la mission, déjà difficile dans un monde de campagnes électorales traditionnel, devient héroïque dans le monde nouveau des campagnes, le monde complexe contemporain.

3. Une mission difficile dans un monde complexe
a) Les problèmes de contrôle des moyens traditionnels de campagne
(1) Une exception « institutionnelle » d'origine et de champ européens

Les dernières élections européennes ont vu émerger un problème particulier, celui de la capacité des listes électorales présentées en France de se voir aidées financièrement par un parti politique établi hors de France. La CNCCFP en avait interdit la perspective dans son guide du candidat et du mandataire établi pour ce scrutin. Elle appliquait à la lettre l'interdiction du financement d'une campagne électorale par une personne morale étrangère.

Le Conseil d'État, dans un avis rendu public le 6 mai 2019, en a décidé autrement, invoquant les textes européens mais aussi, plus pratiquement, l'existence d'une régulation européenne des partis européens, notamment fondée sur les missions de l'Autorité pour les partis politiques européens et les fondations politiques européennes.

La grande diversité des législations encadrant les financements politiques dans les différents pays européens suggère que la réglementation française sur l'encadrement du financement des campagnes électorale pourrait se trouver déjouée par cet avis.

(2) La facturation des prestations de services : un double problème, d'évaluation des dépenses électorales mais aussi de régularité des financements des campagnes électorales sans solution pratique satisfaisante

Différents rapports de la CNCCFP ont mis en évidence une fréquence certaine des problèmes rencontrés au regard de la réglementation financière des campagnes électorales du fait des facturations des prestations de services extérieures.

Avec cette problématique, on passe des difficultés d'imputation aux difficultés d'évaluation.

Ces dernières peuvent être sous-facturées, et alors la question se pose de la licéité de l'aide indirecte ainsi fournie à un candidat par une personne physique ou morale, que cette dernière soit privée ou publique 28 ( * ) mais également de la fidélité de son compte de campagne sous l'angle de l'exhaustivité des recettes et des dépenses effectivement engagées.

À l'inverse, certaines prestations peuvent être sur-facturées, laissant présager des enrichissements indus de structures tierces d'autant plus critiquables qu'ils peuvent être alors financés par des deniers publics.

Le législateur est intervenu dans le domaine particulier des emprunts en encadrant la durée de prêts mais aussi leurs conditions de tarifs (décret du 28 décembre 2017 29 ( * ) pris pour l'application de la loi n° 2017-1795 du 15 septembre 2017).

Les personnes physiques peuvent consentir des prêts à un candidat dès lors que ces prêts ne sont pas consentis à titre habituel, que leur durée est inférieure ou égale à 18 mois 30 ( * ) , que le montant total dû aux prêteurs n'excède pas 47,5 % du plafond de remboursement forfaitaire des dépenses de campagne et que le taux d'intérêt est compris entre zéro et le taux d'intérêt légal applicable aux créances des personnes physiques n'agissant pas à titre professionnel.

Cette réglementation, à laquelle s'ajoute celle des prêts de partis politiques avec intérêt 31 ( * ) , qui ne s'applique qu'aux personnes physiques laisse entier le problème de l'encadrement des prêts bancaires, qui ne sont pas autrement encadrés que par des dispositions générales, ce qui laisse une certaine marge d'appréciation. Que celle-ci ne soit pas condamnable par principe va de soi.

Mais, ses conditions de mobilisation mériteraient certainement une attention renforcée.

En outre, s'agissant des établissements de crédits autorisés à distribuer des prêts aux candidats, il conviendrait d'en sécuriser l'identification. À cet égard, la CNCCFP a pu observer qu'il n'existe pas de référent disponible auprès de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

Dans ce contexte réglementaire, la prévention de contributions interdites accordées à travers d'autres catégories de prestations de services (location de salles, animations de meetings...) apparaît nettement moins « sécurisée ».

En particulier, les locations de salles ou les prestations d'animation de réunions peuvent donner lieu à des contestations récurrentes, la CNCCFP concédant avoir quelque difficulté à établir le juste prix de ces prestations.

La commission peut recourir à des experts pour évaluer les coûts des services et des prestations retracés dans les comptes de campagne et de l'assister dans l'exercice de sa mission de contrôle mentionnée à l'article 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique 32 ( * ) .

Cette faculté est toutefois laissée à l'appréciation de la commission à l'initiative du collège, mais avec transmission présumée aux rapporteurs, ces derniers étant appelés à préciser les questions qu'ils souhaitent voir envisager.

Une procédure a minima a été mise en oeuvre avec notamment un engagement de non conflit d'intérêts de la part des experts mais aussi de confidentialité.

Par ailleurs, elle peut présenter des difficultés de disponibilité des experts et de délais d'accomplissement des missions tandis que les crédits disponibles à la CNCFP peuvent manquer pour financer les prestations.

Surtout, il convient de relever que les experts ne sont mobilisables qu'une fois les comptes de campagne déposés auprès de la CNCCFP.

La faculté ouverte semble ainsi trop tardive dès lors qu'on se situe dans des contextes électoraux dans lesquels la commission doit rapidement statuer sur les comptes de campagne (cas des élections faisant l'objet d'une contestation devant le juge motivée par des irrégularités financières) ou dans lesquels une invalidation du candidat élu semble assez théorique (cas de l'élection présidentielle).

Sans doute faut-il voir dans ce bouquet de considérations les raisons pour lesquelles le recours aux experts semble, depuis l'instauration de sa faculté, n'être utilisé que rarement et sur certains points seulement.

Dans un cadre, où il apparaît souhaitable que des voies d'instruction plus formelles puissent être mobilisées, la question du recours aux experts devraient être particulièrement envisagée.

(3) Le suivi de la cohérence entre les comptes des partis et des candidats, des décalages temporels à combler

Parmi les contrôles mis à la charge de la commission figure pour la publication des comptes des partis politiques un contrôle de cohérence (voir infra ).

Ce contrôle peut mettre en cause les flux croisés entre le parti politique et des candidats aux élections. L'action de la commission au regard des campagnes électorales implique quant à elle certaines vérifications dépendant de la disponibilité de comptes des formations politiques fiables.

Or, les temporalités des travaux de la CNCCFP relatifs aux deux types de comptes concernés sont disjointes. Les données relatives aux uns ne sont pas toujours disponibles en temps utile.

Cette arythmie paraît difficilement surmontable sauf à envisager une extension des droits de communication ouverts à la CNCCFP, afin que ses moyens d'instruction soient mis à niveau.

Votre rapporteur spécial l'observe laissant aux autorités compétentes le soin d'approfondir les questions que soulève une telle perspective.

b) Un nouveau monde des « influences électorales » difficilement maîtrisable.

L'article L 52-1 du code électoral encadre la faculté de réaliser des publicités commerciales à objet politique.

L'article L 52-1 du code électoral sur la publicité politique

« Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite.

À compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus. Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au chapitre V bis du présent titre ».

Si la publicité commerciale est encadrée pendant une période de retenue de six mois avant le premier tour de scrutin, une exception est ménagée pour ce qui concerne les comptes rendus de mandat. Elle est susceptible d'offrir un avantage aux « sortants ». Mais, outre que ce dernier n'est pas automatique, les dépenses consacrées à ces comptes rendus doivent être intégrées au compte de campagne du candidat et sont ainsi soumises au plafonnement des dépenses électorales.

Il reste que les dépenses correspondant à ce type d'informations, qui peuvent faire l'objet d'un remboursement public, sont susceptibles d'une assez forte variabilité en fonction des conditions de leur production, dans la mesure où une même prestation est susceptible d'être facturée très différemment.

La question de l'influence de la communication via les réseaux sociaux ou les sites internet, a fortiori quand ils sont hébergés à l'étranger, présente une autre difficulté promise à prendre une ampleur croissante.

Si l'article L. 49 du code électoral dispose qu'il est « interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale », cette interdiction, difficile à contrôler, ne vaut qu'à partir de la veille du scrutin à zéro heure. En dehors de cette période, tout comme pour la presse écrite 33 ( * ) , il n'existe pas de statut particulier aux élections pour ce qui est de la communication numérique.

Or, la propagande réalisée par ces canaux est tributaire d'une même problématique que celle qui conduit à classer les autres formes de propagande dans la catégorie des dépenses électorales des candidats et à vérifier que par le moyen de la fourniture d'infrastructures de propagande certaines contributions prohibées ne sont pas mises en oeuvre.

En toute hypothèse, les difficultés rencontrées par la CNCCFP pour appréhender les contributions de ces nouveaux médias aux campagnes électorales, médias dont la régulation échappe même au Conseil supérieur de l'audiovisuel (voir infra ), constitue un défi très sérieux pour l'appareil institutionnel de la régulation financière de la vie politique, en particulier des campagnes électorales.

À cet égard, on peut s'étonner que les dépenses de la campagne présidentielle pour 2017 consacrées aux sites internet des candidats aient pu marquer une baisse par rapport à 2012 34 ( * ) .

Répartition des dépenses de campagne aux élections présidentielles
de 2012 et 2017

Source : CNCCFP, rapport de l'année 2017

Il est vrai qu'en contrepartie les dépenses de conseil en communication ont connu une certaines croissance 35 ( * ) .

D'un point de vue plus général, l'opacification des circuits financiers dans un monde d'échanges globalisés où cohabitent des structures juridiques de droit romain et de droit coutumier et des administrations inégalement enclines à appliquer des régulations inégalement développées conduit à la possibilité de modes de financement dissimulés car interdits par la législation.

c) Une solution : limiter les plafonds des dépenses de campagne électorales ?

Si la conception du contrôle développée par la CNCCFP ainsi que ses moyens d'instruction peuvent appeler quelques évolutions significatives, de même que les moyens employés pour sécuriser les candidats aux élections (voir infra ), on doit, en premier lieu, s'interroger sur les relations entre la capacité d'assurer une régulation effective et le niveau des dépenses électorales engagées par les candidats.

Il existe certainement un lien entre le volume des dépenses électorales et la capacité de vérifier la régularité des comptes de campagne.

Votre rapporteur spécial ne part pas du raisonnement, qui serait vicié à la base, selon lequel l'expression politique et les capacités financières nécessaires pour qu'elle soit effective devraient être ajustées pour assurer toute sa portée à une régulation financière qui ne doit pas devenir le point de mire de l'action publique nécessaire pour des motifs bien supérieurs, ceux d'une conversation démocratique vivante.

Au demeurant, le soutien public à l'expression des candidats aux élections appelle certainement un renforcement, en quantité mais aussi en qualité. Il pourrait se diversifier 36 ( * ) et gagnerait sans doute à suivre de meilleurs équilibres (voir infra ).

Néanmoins, plusieurs constats s'imposent.

En premier lieu, force est de constater que les plafonds de dépenses électorales sont très rarement (voire jamais) saturés par les candidats. On doit à cet égard relever que certaines formations politiques ont-elles-mêmes accompagné la relative parcimonie des candidats en réduisant plus ou moins sensiblement leurs concours aux campagnes électorales.

En second lieu, la productivité marginale des investissements dans les campagnes électorales suit vraisemblablement une courbe descendante, une fois atteint un certain seuil 37 ( * ) de sorte que une modération a priori des dépenses de campagne électorale pourrait ne pas nuire au débat démocratique.

Dans ces conditions, il paraît légitime de poser la question de l'équilibre entre les dépenses autorisées et la capacité d'appliquer effectivement la régulation financière de la vie politique, du moins pour la situation propre à l'élection présidentielle, qui est celle où les dépenses unitaires des candidats sont les plus élevées, de loin.

Si une réduction des dépenses autorisées dans ce cadre devait intervenir, votre rapporteur spécial, qui tendrait à soutenir une telle initiative, n'accompagnerait pas ce soutien par celui accordé à une mesure ayant pour effet de minorer la prise en charge publique des frais de campagne électorale.

Il lui apparaît, au contraire, tout à fait indispensable de permettre aux différents candidats d'accéder, dans un monde où elle peut faire l'objet de délégations plus ou moins maîtrisables à des tiers généralement non régulés, à un bon niveau de soutien d'une expression politique autonome.

Rien n'empêche de réduire le plafond des dépenses et d'augmenter, de façon uniforme ou plus différenciée, le taux de prise en charge publique des frais de campagne des candidats.

II. LE FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES, UNE RÉGULATION EN VOIE DE CHANGER DE DIMENSION, UN FINANCEMENT PUBLIC STAGNANT ET HYPERCONCENTRÉ

L'encadrement de la vie financière des partis politiques a été nettement renforcé depuis la loi fondatrice n° 88-227 du 11 mars 1988.

Cette dernière a ouvert la faculté d'accorder un financement public aux partis politiques, innovation devant répondre à un double objectif : celui d'assurer le financement des expressions démocratiques dans leur diversité, sur le modèle du recours au financement public pour financer des « biens » collectifs envers lesquels l'on constate des défaillances de marché ; celui de réduire la dépendance des partis envers des financeurs privés.

Du fait de l'instauration d'un financement public, sans complètement aligner les partis politiques sur d'autres personnes morales, les obligations comptables des partis destinataires de l'aide publique ont alors fait l'objet d'une série de précisions, appelées à se renforcer au fur et à mesure de l'identification de brèches dans le dispositif initial.

De fait, l'encadrement financier des partis politiques s'est progressivement enrichi de nouvelles règles substantielles destinées à renforcer la prévention des composantes financières d'éventuelles atteintes au pluralisme politique, mais aussi de liens de dépendance à l'égard des financeurs des partis politiques.

À son tour, ce processus a engendré de nouvelles règles procédurales destinées à conforter la portée des règles de fond sur lesquelles il a débouché.

Si le processus de renforcement de l'encadrement financier des partis politiques a été progressif, ce n'est pas seulement à la progressivité de l'apprentissage des difficultés techniques à résoudre pour aboutir à un système efficace qu'il faut l'attribuer.

Il faut encore tenir compte d'une dialectique, plus irrégulière, entre la préoccupation de conserver aux partis politiques leur liberté, consacrée par la Constitution, et celle de préserver la confiance de l'opinion publique, indispensable au maintien de leur capacité à assurer leur contribution à la vie démocratique du pays.

La conciliation entre ces objectifs a suivi une tendance consistant à davantage pondérer le second, les préventions attachées à la première préoccupation perdant peu à peu de leur force sans pour autant que cette préoccupation essentielle soit altérée.

Les partis politiques, des personnes morales bénéficiant d'une reconnaissance éminente de rang constitutionnel, une identité juridique plus floue
qui n'est pas sans inconvénients

Quand l'inspirateur de la V ème République n'avait pas coutume de les louanger à l'excès, il a tenu à ce que la Constitution, entérinant une réalité politique majeure depuis la Révolution Française, consacre les partis politiques.

C'est ainsi que, dans sa version d'origine, l'article 4 de la Constitution énonce que :

« Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie ».

En dépit de cette consécration, on ne peut que constater que ni la Constitution, ni la loi n'ont défini de façon précise la notion de parti politique.

Que les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage est une chose, qu'ils soient seuls à assumer cette fonction en est une autre. Dès lors, il est difficile de s'attacher à la Constitution pour aboutir à une identification spécifique des partis politiques.

Et, pourtant, les partis politiques sont spécifiquement concernés par des dispositions qui entourent leur existence de personne morale, de sorte qu'une identification des partis politiques s'impose.

Dans ces conditions, il est revenu aux jurisprudences du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État le soin de découvrir les critères d'identification des partis politiques.

Conformément à un habitus identifié de longue date pour ce qui concerne la Conseil d'État 38 ( * ) mais extensible au Conseil constitutionnel, les clarifications jurisprudentielles sont intervenus pour résoudre le problème pratique de la portée des dispositions substantielles applicables aux partis politiques, en particulier du point de vue du financement de ces entités.

C'est ainsi par référence aux dispositions législatives encadrant les conditions d'organisation et de fonctionnement des partis politiques, soit à partir d'un droit positif et non d'une conception abstraite de l'identité des partis politiques, que la jurisprudence a considéré, en particulier par référence à la loi 88-227 du 11 mars 1988, qu'est un parti politique, une personne morale qui s'est assigné un but politique et qui :

- a bénéficié de l'aide publique prévue aux articles 8 et 9 de cette même loi ou a régulièrement désigné un mandataire financier;

- a, ainsi, déposé des comptes certifiés auprès de la CNCCFP.

Les conditions consacrées par la jurisprudence paraissent ne pas avoir le même sens. La poursuite d'un but politique et le bénéfice du financement public ou la désignation d'un mandataire financier semblent avoir un sens positif, par lequel une personne morale acquière la qualité de parti politique au sens de la loi de 1988. Le manquement au dépôt de comptes certifiés paraît, de son côté, avoir un sens négatif, de relégation du parti politique à une autre identité, insusceptible de permettre d'accéder au régime financier réservé aux partis politiques.

Les modalités d'identification des partis politiques présentent quelques faiblesses au regard de l'extension qui leur sont données mais aussi au regard des justifications du financement public.

On ne s'attardera guère ici sur le premier point sinon pour mettre en évidence une question rarement envisagée, celle de savoir si l'absence de respect de ses obligations légales par un parti lui fait perdre la qualité de parti politique. La réponse à cette interrogation n'est pas évidente. Que l'on considère certains aspects des sanctions applicables en cas de manquements (le retour à un régime de contrôle ordinaire aux associations faisant appel à la générosité publique, celui de la cour des comptes) ou certains autres (la non automaticité de la privation du financement public, soumise à l'appréciation de la CNCCFP), l'on inclinera à considérer que les critères découverts par les juridictions sont suivis par des effets juridiques substantiels et pratiques relatifs à la qualité de l'organisme ou, au contraire, que ces critères ne débouchent que sur la formulation de normes plus ou moins régulatrices, aux suites pratiques peu palpables.

Quant au second problème envisagé, il est peu douteux que l'absence d'un objet propre aux partis politiques susceptibles d'en structurer l'identité dans l'état actuel de leur définition juridique représente une faiblesse pour la justification d'un financement public qui serait mieux assurée s'il était juridiquement possible de lier le financement en question à la production spécifique aux organismes en bénéficiant d'un bien public.

En bref, comme toujours lorsque des définitions dessinant des cercles sont en cause, il manque un ancrage finaliste à la détermination du champ des partis politiques.

Des conséquences pratiques en découlent : le cercle définitoire est aussi un cercle fortement plastique, dont les propriétés élastiques se manifestent par l'expansion du nombre des partis politiques et par la création de partis politiques n'ayant qu'une ambition très indirecte de « concourir à l'expression du suffrage » . Cette situation n'est pas satisfaisante et elle peut même être considérée comme juridiquement fort contestable, dans la mesure où le Conseil Constitutionnel dans sa décision 89-271 du 11 janvier 1990 a semblé subordonner l'octroi d'une aide de l'État aux partis politiques à leur contribution à l'expression du suffrage.

Qu'il soit difficile et même délicat, compte tenu de la reconnaissance éminente dont ils bénéficient à juste titre dans une démocratie qui se veut vivante, de surmonter ces faiblesses et les problèmes qui s'ensuivent est trop prouvé par l'histoire légistique pour qu'on songe à formuler des recommandations positives dans un rapport de contrôle budgétaire.

Cependant, certaines clarifications pourraient être judicieuses.

Les attributions confiées à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques concernant les partis politiques s'inscrivent dans le cadre de cette évolution.

Dans ce domaine, il n'est pas excessif de juger, comme, d'ailleurs, elle y invite elle-même dans la présentation de ses compétences envers les partis politiques, avec cependant des nuances, que la CNCCFP exerce des missions affectées de limitations destinées à prévenir de sa part toute forme d'intrusion dans la vie interne des partis.

Extrait du 11 ème rapport de la CNCCFP (année 2008)

N'ayant pas d'accès direct aux comptes des partis ni aux pièces justificatives qui les accompagnent, la commission ne peut être considérée comme le « juge des comptes » des partis politiques. C'est aux commissaires aux comptes que la loi a confié la charge d'examiner et de viser ces comptes selon les règles et les méthodes professionnelles en vigueur.

Toutefois, de par son rôle de contrôle sur les mandataires et celui de dépositaire unique de l'ensemble des comptes des formations politiques, elle dispose de fait sur une part importante des recettes des partis d'une capacité de contrôle que n'ont pas matériellement les commissaires aux comptes. C'est donc nécessairement d'une action coordonnée entre la commission et les commissaires aux comptes que peut résulter une amélioration de la transparence financière des comptes des partis politiques.

La commission doit s'assurer que les vérifications les plus importantes ont bien été effectuées, notamment celles concernant le périmètre des comptes d'ensemble et l'absence de financement par des personnes morales. Elle doit aussi soumettre à sa propre appréciation critique les conséquences qui sont tirées par les commissaires aux comptes de leur examen. Elle peut considérer qu'une observation ou une réserve, bien que n'ayant pas entraîné un refus de visa, n'en altère pas moins la régularité du compte : il lui appartient alors d'en tirer les conséquences prévues par la loi....

Si la règlementation mise en place à partir de 1988 a fait progresser de façon très appréciable la transparence du financement des partis politiques, le législateur a entendu concilier l'objectif de transparence avec les principes constitutionnels qui garantissent aux partis le droit de se former et d'agir librement. En conséquence aucun encadrement n'a été prévu pour leurs dépenses ».

En particulier, lui est a priori déniée toute compétence pouvant aboutir à un jugement d'opportunité, qui viendrait interférer avec l'autonomie revendiquée avec force, et avec raison, par les formations politiques.

Pour autant, l'entrée en scène de la thématique de la confiance n'est pas sans portée. Elle invite les formations politiques à accorder leur vie interne avec les exigences de leur milieu. L'image projetée sur ce dernier n'est plus une question « arbitrable ».

Il est utile d'observer que le processus d'encadrement financier de la vie des partis politiques, processus reposant sur des normes techniques, s'est accompagné d'un « choc de transparence », qui est allé au-delà de la « transparence technique » nécessaire à l'application des normes mentionnées et peut ainsi être considéré comme un choc de « transparence civique ».

Cette dernière composante de la progression de la transparence appelle une certaine vigilance. Les aspirations en ce domaine ne doivent évidemment pas être négligées. Pour autant, elles ne sauraient se voir reconnaître une portée absolutiste sans grand danger pour la vie démocratique.

Il faut donc en prendre l'acceptable, tout l'acceptable, et en rejeter l'inacceptable, tout l'inacceptable, parmi quoi figure trop souvent la culture du soupçon infondé 39 ( * ) , sinon par son objectif de jeter l'opprobre sur l'adversaire.

Au demeurant, c'est bien parce que les choix collectifs ont de plus en plus tendu à donner ses prolongements au premier de ces impératifs que le second peut être affirmé en pleine légitimité et doit être défendu avec une totale résolution.

Dans ce contexte, les dernières modifications substantielles apportées dans le domaine de la régulation financière des partis politiques paraissent appelées à se traduire par une modification de la nature des missions exercées par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques , modification que cette dernière doit être en mesure de pleinement assumer.

Mais il faut ajouter d'autres observations relatives au financement public lui-même.

Le pluralisme et la préoccupation d'obvier aux expédients contestés par lesquels a pu être assuré le financement des partis politiques a justifié la création d'un financement public des partis politiques .

Dans ce domaine, il apparaît que des progrès doivent être accomplis afin de mieux respecter les objectifs du financement public .

Une question préalable développée ici pour contribuer à la réflexion doit être évoquée : celle de l'adaptation des partis politiques aux réalités nouvelles de la vie politique et, partant, de l'adéquation entre le financement public des partis politiques et les défis auxquels les partis politiques sont de plus en plus confrontés.

Le financement des partis politiques repose largement, voire principalement, sur des concours publics 40 ( * ) , dès lors qu'aux financements directs apportés par les crédits budgétaires inscrits au programme 232 de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » l'on ajoute les concours publics indirects accordés aux personnes effectuant des dons ou acquittant des cotisations d'adhérents aux partis politiques sur la base d'une réduction d'impôt.

Le financement public sur crédits budgétaires , malgré les modifications apportées dans le temps à sa clef de répartition, bénéficie à un petit nombre de partis politiques du fait des conditions de son attribution. Il est également très concentré, notamment en raison des propriétés du mode de suffrage. Sensible aux variations de l'opinion publique, il survalorise les performances aux élections générales et néglige l'ancrage des partis politiques dans le temps et dans l'espace. Il peut connaître une volatilité certaine, qui, à l'image des résultats en sièges résultant des opérations électorales, amplifie plus ou moins l'influence des partis sur l'électorat telle qu'elle peut être mesurée par le décompte des votes.

Le financement public indirect tenant à l'avantage fiscal est plus extensif, les formations politiques en bénéficiant se trouvant nettement plus nombreuses. Mais, il est également concentré à sa manière, du fait du mécanisme appliqué à l'allègement d'impôt. Ce dernier mériterait d'être révisé afin d'assurer un traitement plus équitable aux contributeurs citoyens.

Les financements publics des partis politiques peuvent être taris par la CNCCFP dans l'exercice de sa mission de contrôle des comptes des partis politiques qui mobilise une partie des moyens budgétés au programme 232 de la mission AGTE au bénéfice de la commission.

Au-delà des prolongements donnés en pratique à cette faculté de sanction, c'est bien la nature de la mission accomplie par la CNCCFP qui appelle des interrogations au regard de sa définition et des moyens dégagés pour la conduire à bien.

A. UN ENCADREMENT LÉGISLATIF DU FINANCEMENT DES CAMPAGNES ÉLECTORALES ALLANT SE RENFORÇANT

La loi n° 88-227 du 11 mars 1988 avait encadré certaines opérations financières des partis et groupements politiques. A l'expérience, elle est apparue incomplète, la CNCCFP ayant au fil de son existence concouru de plus en plus à identifier les voies de progrès dans un contexte de resserrement des exigences portées par la régulation financière de la vie des partis politiques.

Depuis l'adoption de la loi en 1988, différentes lois sont ainsi venues renforcer l'encadrement de la vie financière des partis politiques.

1. La structuration de la fonction financière dans les partis politiques

Certaines règles portent sur l'organisation de la fonction financière dans les partis.

Ainsi en va-t-il :

- de la désignation d'un mandataire financier pour le recueil des fonds , mandataire qui est soit une association de financement, soit une personne physique (article 11 de la loi) ;

- de la déclaration écrite par le parti politique à la préfecture de son siège du nom de la personne physique, dénommée mandataire financier, qu'il choisit, accompagnée de l'accord exprès de la personne désignée et qui doit préciser la circonscription territoriale à l'intérieur de laquelle le mandataire financier exerce ses activités ;

- de l'obligation faite au mandataire financier d'ouvrir un compte bancaire ou postal unique pour y déposer tous les dons reçus en vue du financement du parti politique ;

- de l'obligation de tenir une comptabilité retraçant tant les comptes du parti ou groupement politique que ceux de tous les organismes, sociétés ou entreprises dans lesquels le parti ou groupement détient la moitié du capital social ou des sièges de l'organe d'administration ou exerce un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion .

Ces différentes obligations sont assorties de dispositifs de contrôle.

Les associations de financement doivent être agréées . L'agrément est publié au Journal officiel.

L'agrément en qualité d'association de financement d'un parti politique est donné par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques sous réserve de la limitation de l'objet social de l'association au seul financement d'un parti politique et de la conformité de ses statuts aux dispositions législatives.

Les statuts d'une association agréée en qualité d'association de financement d'un parti politique doivent comporter :

1°) la définition de la circonscription territoriale à l'intérieur de laquelle l'association exerce ses activités ;

2°) l'engagement d'ouvrir un compte bancaire ou postal unique pour y déposer tous les dons reçus en vue du financement d'un parti politique.

D'autres règles portent sur les comptes des partis politiques .

Les comptes des partis ou groupements politiques doivent être arrêtés chaque année, être certifiés par un ou deux commissaires aux comptes et déposés dans le premier semestre de l'année suivant celle de l'exercice à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques qui assure leur publication sommaire au Journal officiel de la République française.

Si la commission constate un manquement aux obligations ainsi prévues, le parti ou groupement politique perd le droit, pour l'année suivante, au bénéfice du financement public des partis politiques.

2. L'encadrement du financement des partis politiques

Sur le fond, la réglementation financière des partis politiques porte exclusivement sur leurs ressources .

Les seules limites concernant leurs dépenses proviennent de règles qui ne sont pas propres aux partis politiques, notamment de celles qui encadrent les frais engagés par les candidats aux élections politiques. Au demeurant, sous cet angle, les interventions des partis politiques sont nettement moins contraintes que pour d'autres parties prenantes. Ainsi, les partis politiques échappent à la prohibition des concours aux candidats formulée à l'encontre des personnes morales.

En ce qui concerne les modalités de financement des partis politiques , il convient de mentionner les dispositifs suivants.

L'article 11-4 de la loi du 11 mars 1988 dispose que les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent contribuer au financement des partis ou groupements politiques , ni en consentant des dons, sous quelque forme que ce soit , à leurs associations de financement ou à leurs mandataires financiers, ni en leur fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués.

Il est encore prévu qu'aucune association de financement ou aucun mandataire financier d'un parti politique ne peut recevoir, directement ou indirectement, des contributions ou aides matérielles d'un État étranger ou d'une personne morale de droit étranger .

Quant aux dons consentis par des personnes physiques - qui doivent être dûment identifiées - à une ou plusieurs associations agréées en qualité d'association de financement ou à un ou plusieurs mandataires financiers d'un même parti politique, ils ne peuvent annuellement excéder 7 500 euros 41 ( * ) .

La loi prévoit certains dispositifs pratiques destinés à ménager la confidentialité de certains dons .

Ainsi, l'association de financement ou le mandataire financier délivre au donateur un reçu dont un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'établissement et d'utilisation étant précisé que ce décret détermine également les modalités selon lesquelles les reçus délivrés pour les dons d'un montant égal ou inférieur à 3 000 euros consentis par les personnes physiques ne mentionnent pas la dénomination du parti ou groupement bénéficiaire .

Tout don de plus de 150 euros consenti à une association de financement ou à un mandataire financier d'un parti politique doit être versé, à titre définitif et sans contrepartie, soit par chèque, soit par virement, prélèvement automatique ou carte bancaire.

S'agissant des opérations d'emprunt et de prêt, elles doivent désormais figurer dans des annexes des comptes arrêtés par ces organismes avec la mention des montants, des conditions de ces opérations, et de l'identité des prêteurs.

Quant aux prêts accordés aux partis politiques par des personnes physiques , ils font l'objet d'un encadrement destiné à prévenir le maquillage d'un don en prêt.

Le décret du 28 décembre 2017 pris pour l'application de la loi n° 2017- 1339 dispose ainsi que :

« les partis ou groupements politiques peuvent emprunter auprès de personnes physiques à un taux compris entre zéro et le taux d'intérêt légal en vigueur au moment du consentement des prêts. Le taux d'intérêt légal est celui applicable aux créances des personnes physiques n'agissant pas pour des besoins professionnels. Ces prêts sont consentis aux conditions suivantes : 1° La durée de chaque prêt est inférieure ou égale à 24 mois ; 2° Le montant total dû par chaque parti ou groupement politique dans le cadre des prêts consentis par les personnes physiques est inférieur ou égal à 15 000 euros ».

En ce qui concerne les cotisations des adhérents, si elles ne sont pas plafonnées 42 ( * ) , elles peuvent être requalifiées en dons si elles dépassent les montants prévus par les statuts de la formation politique.

Ces règles ont été sécurisées ces dernières années par de nouvelles dispositions tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques.

La loi n° 2017-286 du 6 mars 2017 issue d'une proposition de loi déposée au Sénat par Alain Anziani et plusieurs de ses collègues, tout en apportant un certain assouplissement à la contrainte de certification des comptes des partis, a souhaité renforcer l'information sur certaines opérations . Il en va ainsi pour les opérations d'emprunt et de prêt des partis politiques , mais également pour les relations financières avec des candidats aux élections lorsque ceux-ci sont tenus d'établir un compte de campagne .

En ce qui concerne les relations financières entre les partis politiques et les candidats aux élections tenus d'établir un compte de campagne, les flux financiers correspondants doivent également être décrits dans des annexes aux comptes des partis .

Il s'agit ici des comptes déposés à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Cette dernière est chargée d'assurer une publication des opérations ainsi mentionnées . Mais, l'article 8 de la loi qui porte ces nouvelles obligations en nuance la portée.

Il dispose en effet que lors de la publication des comptes, la commission « indique les montants consolidés des emprunts souscrits » répartis par catégorie de prêteurs, par types de prêts et par pays d'établissement ou de résidence des prêteurs ainsi que l'identité des prêteurs, mais seulement lorsque ceux-ci sont des personnes morales 43 ( * ) . Quant aux flux financiers entre les partis et les candidats seuls sont visés les flux financiers nets.

B. LES MISSIONS TRADITIONNELLEMENT « LIMITÉES » DE LA COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES MAIS...

Principales missions de la commission nationale des comptes de campagne
et des financements politiques à l'égard des partis politiques

En ce qui concerne les partis politiques , la commission est chargée des missions administratives suivantes tendant à :

- constater le respect des obligations légales des partis politiques prévues à l'article 11-7 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique ;

- demander aux partis politiques, le cas échéant, communication de toutes les pièces comptables et de tous les justificatifs nécessaires au bon accomplissement de sa mission de contrôle ;

- assurer la publication des comptes des partis au Journal officiel de la République française ;

- indiquer lors de la publication des comptes, les montants consolidés des emprunts souscrits, répartis par catégories de prêteurs et types de prêts, ainsi que l'identité des prêteurs personnes morales et les flux financiers nets avec les candidats (cette disposition étant appelée à s'appliquer à compter du premier exercice des partis ou groupements politiques ouvert postérieurement au 31 décembre 2017) ;

- donner ou retirer l'agrément aux associations de financement des partis ;

- assurer la gestion des reçus destinés aux mandataires des partis politiques ;

- vérifier lors de l'examen des justificatifs de recettes des mandataires l'absence d'irrégularité au regard de la loi du 11 mars 1988 ;

- vérifier lors de l'examen de la liste des donateurs et cotisants le respect des montants autorisés pour le versement des dons et cotisations aux partis politiques ;

- authentifier sur demande des agents des impôts les justificatifs permettant d'obtenir un avantage fiscal et communiquer à l'administration fiscale les infractions relevées au titre du financement de la vie politique.

La commission est tenue par d'autres obligations , qu'elles s'inscrivent dans un cadre général, comme celui de l'article 40 du code de procédure pénale, ou qu'elles soient plus spécifiques.

Ainsi, la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques authentifie, sur demande des agents des impôts, les justificatifs des dons prévus à l'article L. 52-8 du code électoral dont le contribuable demande la déduction de son imposition et à l'article 11-4 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988. La commission communique à l'administration des impôts les infractions qu'elle relève en ce qui concerne la déductibilité des dons prévus.

Les pouvoirs de sanction de la commission sont a priori très significatifs.

En cas de méconnaissance des obligations comptables des partis, constatée par la CNCCFP (absence de dépôt des comptes dans le délai légal, comptes non certifiés, comptes ayant fait l'objet d'un refus de certification par les commissaires aux comptes, etc.), plusieurs sanctions, éventuellement cumulatives, sont prévues :

- le parti perd le droit, pour l'année suivante, au bénéfice de l'aide publique (en particulier, un parlementaire ne peut plus s'y rattacher) ;

- le parti perd le droit de financer une campagne électorale ou un autre parti politique ;

- le parti redevient en quelque sorte une association de droit commun et se retrouve soumis au contrôle de la Cour des comptes et à la réglementation des associations subventionnées, en application de l'article 10 de la loi du 11 mars 1988 ;

- les dons et cotisations à son profit ne peuvent, à compter de l'année suivante, ouvrir droit à réduction d'impôt, ce qui revient à pénaliser le donateur et donc indirectement le parti ;

- la CNCCFP peut également retirer l'agrément de l'association de financement, aboutissant à priver le parti de la possibilité de recevoir tout don. Cependant, cette incidence ne vaut que jusqu'à la désignation d'un nouveau mandataire financier.

Le rôle de la commission consiste à vérifier le respect des règles énoncées ci-dessus et à en assurer la sanction.

Globalement, les rapports de la commission sont l'occasion pour elle de souligner la dimension « formelle » des compétences qui lui sont attribuées.

La jurisprudence administrative tend à conforter cette appréciation.

Cependant, les évolutions récentes des règles appliquées au financement des partis politiques sont susceptibles de modifier les équilibres selon lesquels s'agencent les travaux de la commission.

Les rapports de la commission restituent sa compréhension des contrôles dont elle est chargée au regard des règles financières des partis politiques.

S'en détache l'inspiration principalement comptable des contrôles , qu'il s'agisse des règles comptables, ce qui n'a rien que de logique, mais aussi des règles de fond exposées plus haut.

Ainsi, la commission indique exercer d'abord un contrôle formel de l'obligation de dépôt .

Il inclut le contrôle des délais de dépôt (six mois après la fin de l'exercice), mais aussi des conditions de certification des comptes déposés par les commissaires aux comptes.

Dans sa vérification de la mise en oeuvre de la double certification des comptes , la commission indique s'assurer de l'indépendance effective des commissaires aux comptes missionnés par les partis. Le cas échéant, elle saisit le Haut conseil du commissariat aux comptes.

La commission exerce par ailleurs un contrôle de la cohérence des comptes déposés. C'est dans ce cadre qu'elle s'assure du respect des règles de fond du financement des formations politiques. Selon la présentation qu'elle en fait, la commission se livre alors à une double vérification, de cohérence interne des comptes et de cohérence externe.

Ces contrôles peuvent présenter quelques difficultés dans la mesure où la temporalité des présentations comptables sur la base desquelles ils s'opèrent peut être marquée par une certaine arythmie.

Il est par ailleurs sans doute parfois difficile pour la commission de se faire tenir les pièces comptables nécessaires.

La jurisprudence administrative conduit à poser des limites à la portée du contrôle de cohérence exercé par la commission.

Dans un arrêt du 9 juin 2010 Cap sur l'avenir 13 , le Conseil d'État a ainsi estimé, à partir du rappel que le contrôle exercé par la commission sur les partis politiques est strictement encadré par les dispositions de l'article 11-7 de la loi du 11 mars 1988, que la commission ne peut donner à ce contrôle une extension dépassant l'objet de tout contrôle de comptabilité, à savoir la vérification que les comptes donnent une image fidèle de la situation des organismes soumis à obligation comptable .

Qui plus est le Conseil d'État a jugé que le contrôle exercé par la commission devait se borner à celui des incohérences telles que les comptes soumis à elle puissent être jugés irréguliers .

C'est introduire un critère de malfaçon manifeste des comptes dans le champ des contrôles de cohérence exercés par la commission.

Néanmoins, l'évolution de l'encadrement des opérations financières des partis politiques est susceptible de conduire à un renforcement des contrôles dont la commission est chargée.

Les sanctions mises en oeuvre par la commission prennent deux extensions principales, résultant de l'exclusion du champ d'application de la loi du 11 mars 1988 : d'une part, la privation de financement public et du statut particulier d'exemption du contrôle ordinaire des associations bénéficiaires d'aides publiques, qui est prononcée par la commission ; d'autre part, l'interdiction faite aux partis et groupements sanctionnés de participer au financement de campagnes électorales ou d'un autre groupement politique.

Cette dernière sanction découle de la jurisprudence administrative. Dans son arrêt du 30 octobre 1996 Élection municipale de Fos-sur-Mer , le Conseil d'État a décidé que la qualité de parti politique ne pouvait être conservée qu'aux groupements relevant des articles 8 à 10 de la loi de mars 1988 et s'étant soumis aux prescriptions des articles 11 à 11-7 de la même loi (les prescriptions comptables) .

Cette appréciation est toutefois limitée à la considération des partis au sens de l'article L 52-8 du code électoral, qui fait exception au principe de prohibition des dons des personnes morales aux candidats aux élections en réservant le cas des partis politiques.

En outre, le bénéfice de l'article 200 du code général des impôts est retiré aux cotisants et donateurs des partis sanctionnés.

Les sanctions prévues ont par ailleurs été renforcées dans leur acception pénale.

L'article 11-9 de la loi du 11 mars 1988 telle que modifiée par la loi n° 2017-1539 du 15 septembre 2017 dispose ainsi que le fait de ne pas communiquer, de sa propre initiative ou sur la demande de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, les informations qu'un parti ou groupement politique est tenu de communiquer à cette dernière en application de l'article 11-3-1, du quatrième alinéa de l'article 11-4 et du II de l'article 11-7 est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende tandis que le fait pour un dirigeant de droit ou de fait d'un parti ou groupement politique de ne pas déposer les comptes du parti ou groupement qu'il dirige dans les conditions fixées à l'article 11-7 est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

C. ... LA PERSPECTIVE D'UN RENFORCEMENT DU FAIT D'UNE MODERNISATION DU RÉFÉRENTIEL COMPTABLE DES PARTIS POLITIQUES AUX AVANCÉES SIGNIFICATIVES ENCORE INACHEVÉES

Longtemps, à un déficit de référentiel juridique permettant d'identifier les partis politiques s'est ajouté celui d'un référentiel comptable de portée juridique et substantiel significative.

Ce dernier déficit est en passe d'être comblé dans des conditions qui, parfois discutables, pourraient conduire à un renforcement considérable des attributions de la CNCCFP relatives aux formations politiques.

1. Le cheminement vers une formalisation du cadre comptable des partis politiques...

Dans son 9 ème rapport d'activité (années 2005-2006), la CNCCFP avait rappelé que la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 modifiée , relative à la transparence financière de la vie politique, précisait dans son article 11-7 que les partis ou groupements bénéficiaires de tout ou partie des dispositions des articles 8 à 11-4 avaient l'obligation de tenir une comptabilité , cette dernière devant « retracer tant les comptes du parti ou groupement politique que ceux de tous les organismes, sociétés ou entreprises dans lesquels le parti ou le groupement détient la moitié du capital social ou des sièges de l'organe d'administration ou exerce un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion ».

En même temps, elle avait observé que le référentiel comptable n'étant pas autrement déterminé , elle avait été conduite ainsi que la Compagnie nationale des commissaires aux comptes à définir un cadre permettant aux partis politiques de présenter leurs comptes de manière homogène en utilisant un plan comptable précisé par une recommandation puis par un avis du Conseil national de la comptabilité.

Les textes suivants ont ainsi longtemps constitué le tout de ce référentiel comptable :

- l'avis n° 95-02 relatif à la comptabilité des partis et groupements politiques du Conseil national de la comptabilité ;

- la norme 7-103 sur la certification des comptes des formations politiques ;

- la circulaire annuelle de la CNCCFP sur le dépôt des comptes.

Étant rappelé que l'avis n° 95-02 était totalement dépourvu de portée obligatoire, on mentionnera encore que, pour l'essentiel, il s'agissait de préconiser des formalités minimales, les comptes déposés devant contenir un bilan, un compte de résultat et une annexe donnant notamment le détail des structures incluses dans le périmètre de certification des comptes ainsi que les précisions sur les mouvements financiers concernant d'autres formations politiques. Néanmoins, il était ajouté que le rapport de certification des commissaires aux comptes (deux commissaires aux comptes devaient alors systématiquement intervenir) devait être joint aux comptes.

La CNCCFP relevait cependant qu'à la différence des comptes de campagne, les comptes de partis politiques n'étaient pas appuyés des pièces justificatives mais étaient limités aux données comptables de synthèse.

Bref, la situation n'était pas satisfaisante.

Dans son 11 ème rapport d'activité (année 2008), soit vingt ans après l'adoption de la loi de 1988 et dix-huit ans après l'institution de la CNCCFP, cette dernière avait consacré une annexe à exposer les difficultés rencontrées du fait du caractère minimaliste du référentiel comptable imposé aux partis politiques.

Elle avait renouvelé ses observations tendant à faire valoir la nécessité d'apporter des modifications des textes législatifs et réglementaires qui organisent la transparence des financements politiques (sans mettre en cause leur architecture générale) énonçant une série de souhaits reproduits dans l'encadré ci-dessous, dont certains se rattachaient directement à la « tenue comptable » des formations politiques.

Les recommandations figurant au 11 ème rapport d'activité
de la CNCCFP

a) Prévoir des formalités d'agrément et de retrait d'agrément du mandataire financier personne physique, analogues à celles en vigueur pour une association de financement.

b) Limiter l'exigence du visa de deux commissaires aux comptes aux partis dont les comptes sont de montants élevés ou la structure complexe. Le visa d'un seul commissaire aux comptes pourrait être considéré comme apportant des garanties suffisantes et allègerait la charge financière qui pèse de ce fait sur les partis de faible surface financière ou de structure simple (par exemple une entité politique unique dotée d'un mandataire).

c) Préciser que les comptes des structures locales doivent être intégrés dans les comptes d'ensemble de la formation politique ou faire l'objet de dépôts distincts.

d) Clarifier le statut des cotisations par rapport aux dons et aux cotisations d'élus. En tout état de cause, sans porter atteinte à la liberté des partis dans la fixation des cotisations, dès lors que les cotisations ouvrent droit à avantage fiscal lorsqu'elles sont versées entre les mains du mandataire, il conviendrait d'instaurer un plafond unique de versement par personne physique, quelle que soit la nature du versement. Ce plafonnement réel des avantages consentis, qui est normalement de règle en matière d'exonérations fiscales, faciliterait au demeurant la fonction du mandataire.

Dans son 17 ème rapport d'activité (année 2016) , la CNCCFP annonçait son intention d'étudier avec la Compagnie nationale des commissaires aux comptes et l'Autorité des normes comptables les améliorations à apporter au cadre comptable en vigueur : en particulier, la création d'une annexe aux comptes indiquant toutes les caractéristiques des emprunts contractés et l'état de leurs échéanciers en capital et en intérêts à la date d'arrêt des comptes estimant qu'elle contribuerait à une meilleure transparence du financement des partis politiques.

Cette intention faisait suite à une analyse de la commission portant sur un point précis : le fait que les dispositions en vigueur ne permettaient pas d'assurer le contrôle de la conformité des emprunts des candidats et des partis politiques aux dispositions les régissant.

La commission avait exposé une casuistique sommaire des situations où les emprunts souscrits par les formations politiques pouvaient contrevenir à la loi :

- l'emprunt n'est pas remboursé ou ne l'est qu'en partie seulement avec l'accord du prêteur et se transforme de facto en don de personne morale ;

- le taux d'intérêt, trop faible, peut être assimilé à un « prix inférieur à ceux qui sont habituellement pratiqués »;

- à situation économique égale, des modalités plus favorables que celles habituellement stipulées par le prêteur sont accordées à une formation politique et représentent ainsi un « avantage direct ou indirect ».

Rappelant que le contrôle de la licéité des prêts des formations politiques restait de la responsabilité des commissaires aux comptes, dans le cadre de la certification des comptes des formations politiques, la CNCCFP regrettait, toutefois, qu'à l'exception des cinq postes de dettes prévus au passif du bilan des comptes d'ensemble par le format comptable, la commission n'avait pas accès jusqu'à l'adoption de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique à l'identité des prêteurs ou aux modalités prévues pour la mise à disposition des fonds et leur remboursement.

Analysant les apports de la loi de 2013 ouvrant à la commission la faculté de demander « communication de toutes les pièces comptables et de tous les justificatifs nécessaires au bon accomplissement de sa mission de contrôle » , la CNCCFP indiquait avoir fait un certain usage de cette prérogative, les demandes de communications complémentaires ayant notamment pour but de pallier certains manques dans les annexes aux comptes d'ensemble.

De fait, les statistiques publiées sur ce point ont pu révéler une augmentation du nombre des procédures contradictoires entre 2014 et 2015. Si ces dernières ne sont pas exclusivement le résultat de demandes de communications d'informations comptables (la commission fait également état d'un problème de communication des listes uniques de donateurs), les enquêtes comptables de la commission en ont été malgré tout l'un des déterminants, les procédures avec demandes de pièces justificatives passant dès la faculté d'en présenter ouverte à 27 en 2014, puis 45 en 2015.

Évolution du nombre de procédures contradictoires suite à la présentation des comptes des partis politiques entre 2011 et 2015

Source : 17 ème rapport d'activité de la CNCCFP

Dans son activité de vérification comptable appuyée par des demandes complémentaires de pièces justificatives, la CNCCFP indique avoir privilégié la vérification de la conformité des conventions de prêts aux dispositions de l'article 11-4 destinées à prévenir l'attribution de dons déguisés en prêts par les personnes morales auxquelles les dons aux groupements politiques sont interdits. La commission précise avoir systématiquement ciblé son contrôle sur les partis pour lesquels le montant de dettes par rapport à l'ensemble des capitaux propres était le plus important et sur ceux dont le niveau d'endettement absolu était particulièrement élevé ou avait notablement augmenté depuis l'exercice précédent.

Dans ce cadre, les demandes de la commission ont porté sur la transmission de récapitulatif des principales caractéristiques de chaque prêt, de l'échéancier de remboursement au 31 décembre, ainsi que les copies de l'ensemble des conventions, actes, ou pièces comptables justifiant les informations qu'ils détaillent ou prouvant l'effectivité du remboursement des sommes exigibles.

Votre rapporteur spécial, qui relève l'existence d'une certaine confusion dans les données publiées par la commission - les éléments exposés dans le vingtième rapport d'activité et le dix-septième ne concordent pas exactement 44 ( * ) -, observe que, depuis, le volume des procédures comportant des demandes complémentaires de justificatifs s'est replié.

Évolution du nombre de procédures contradictoires suite à la présentation
des comptes des partis politiques entre 2011 et 2015

Source : 20 ème rapport d'activité de la CNCCFP

La commission explique la variabilité du volume des procédures contradictoires par l'ampleur exceptionnelle des demandes de transmission des listes uniques des donateurs et cotisants adressées par la commission en 2016.

Cette explication est un peu « courte » dans la mesure où ce phénomène avait déjà été évoqué les années précédentes pour rendre compte de la croissance du volume des comptes faisant l'objet de procédures contradictoires. Il faut croire que l'année 2015 (telle qu'elle est désormais « restituée ») avait en fait connu une amélioration de ce point de vue, mais qu'elle a été suivie d'une nouvelle tension.

La publication du rapport de la commission gagnerait à présenter plus clairement les motifs des procédures contradictoires engagées en les distinguant.

Dans ce contexte, la commission n'en jugeait pas moins que la combinaison des articles 11-4 et 11-7 « demeurait une solution relativement imparfaite » pour mettre en oeuvre le contrôle du fait, en premier lieu, de l'absence de sanction en cas de non-transmission par les formations politiques des pièces demandées par la commission 45 ( * ) , et, en second lieu, des limites intrinsèques des dispositions de l'article 11-4.

Ce dernier ne fournissait pas de référence pour les taux d'intérêts appelés à être assimilés à un avantage prohibé ; il n'interdisait pas non plus la fourniture, par des personnes physiques, de « biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués » , quand bien même le montant des avantages octroyés à la formation politique dépasserait le plafond imposé aux dons de telle sorte qu'il était possible pour une personne physique de prêter sans intérêt (ou avec un taux très faible) un montant particulièrement important, même si les intérêts annuels auxquels elle renonçait dépassaient le plafond applicable aux dons.

Sur certains de ces points, mais pas sur tous, la loi n° 2017-286 du 6 mars 2017 tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats a permis de réaliser quelques avancées significatives, qui ont fait l'objet d'un exposé par la CNCCFP, cette dernière jugeant que certaines d'entre elles auraient, à partir de l'année 2018, une incidence importante sur les travaux de la commission.

Dans son rapport suivant elle a exposé les importantes modifications apportées par la loi n° 2017- 286 du 6 mars 2017 .

Les apports de la loi n ° 2017-286 du 6 mars 2017 en matière d'information comptable
des partis politiques

- Les comptes des partis politiques ne seront certifiés par deux commissaires aux comptes que si les ressources annuelles du parti dépassent 230 000 euros; à défaut, ils devront être certifiés par un seul commissaire aux comptes ; à titre d'information, sur les 338 partis politiques ayant déposé leurs comptes pour l'année 2015, 292 disposaient d'un total des produits inférieur à 230 000 euros ; il y avait donc seulement 46 formations politiques ayant un total de produits supérieur ou égal à ce montant (soit moins de10 % de l'ensemble des partis tenus de déposer) ; ceci étant, il convient de souligner que, parmi les partis ayant moins de 230 000 euros de produits, certains peuvent avoir des montants de passifs importants (par exemple, en 2015, quatre avaient un passif supérieur à 500 000 euros) ;

- Les partis politiques devront transmettre également, dans les annexes de leurs comptes (à compter de ceux arrêtés pour l'année 2018), « les montants et les conditions d'octroi des emprunts souscrits ou consentis par eux, l'identité des prêteurs ainsi que les flux financiers avec les candidats tenus d'établir un compte de campagne en application de l'article L. 52-12 du même code.

Lors de la publication des comptes, la commission recensera les montants consolidés des emprunts souscrits répartis par catégories de prêteurs, types de prêts et par pays d'établissement ou de résidence des prêteurs, ainsi que l'identité des prêteurs personnes morales et les flux financiers nets avec les candidats. Figurant dans une annexe des comptes du parti, et non dans un simple état joint à ces comptes, ces éléments relèveront donc des diligences du (ou des) commissaire(s) aux comptes du parti ;

- Enfin, si la commission constate un manquement aux obligations prévues à l'article 11-7 de la loi n° 88-227, elle pourra priver, pour une durée maximale de trois ans, un parti ou groupement politique du bénéfice des dispositions des articles 8 à 10 de ladite loi et de la réduction d'impôt prévue au 3 de l'article 200 du code général des impôts pour les dons et cotisations consentis à son profit, mais seulement à compter de l'année suivante.

Par rapport à la rédaction précédente de l'article 11-7, issue de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, cette modification législative précise les pouvoirs de la commission et la durée maximale des sanctions (perte de l'aide publique et perte de la réduction d'impôt).

Cependant, la sanction principale en cas de manquement d'un parti politique à ses obligations comptables, à savoir la perte de la possibilité de financer une campagne électorale (ou un autre parti politique), n'est toujours pas inscrite dans la loi.

2. ... a abouti à l'adoption d'un règlement comptable dont les effets devront être appréciés dans le temps
a) L'adoption récente d'un règlement comptable

Depuis, de nouveaux progrès sont intervenus avec la loi n° 2017-1339 pour la confiance dans la vie politique du 15 septembre 2017 (article 25) qui rappelle que les partis ou groupements politiques ont l'obligation de tenir une comptabilité qui se réfère, pour les exercices ouverts postérieurement au 31 décembre 2017, à un règlement établi par l'Autorité des normes comptables.

Aucun règlement n'étant adapté aux spécificités de la comptabilité des partis ou groupements politiques, la loi renvoie expressément à un règlement de l'Autorité des normes comptables pour la fixation des règles d'établissement des comptes d'ensemble et des comptes annuels.

Le collège de l'Autorité des normes comptables (ANC) a adopté le règlement n° 2018-03 du 12 octobre 2018 relatif aux comptes d'ensemble des partis ou groupements politiques, qui a été homologué par arrêté publié au Journal officiel du 30 décembre 2018. Ce règlement a été construit après une concertation avec les trésoriers des partis politiques, les commissaires aux comptes et la CNCCFP 46 ( * ) .

Cette dernière en a assuré une présentation à l'ensemble des formations politiques identifiées par elle par voie de circulaire.

Votre rapporteur spécial relève que le règlement constitue une étape vers une professionnalisation de la comptabilité des formations politiques, mais aussi dans le sens des attentes professionnelles (il s'agit ici en particulier d'évoquer les établissements de crédit ou les prêteurs quels qu'ils soient) et sociétales ( il s'agit ici des citoyens mais aussi des personnes physiques susceptibles de s'engager politiquement ou financièrement en faveur d'un parti politique) d'une meilleure information sur la situation financière des partis politiques.

Néanmoins, certains choix peuvent apparaître restrictifs.

Du côté des avancées, il est d'abord notable que, contrairement au règlement de 1995, le document adopté par l'Autorité des normes comptables soit désormais doté d'une valeur réglementaire.

En outre, en lien avec cette caractéristique, les précisions apportées sur les nomenclatures comptables, permettront d'harmoniser les données comptables transmises au public et à la CNCCFP, cette dernière pouvant se trouver dispensée de recherches ponctuelles (auxquelles elle pouvait procéder depuis la loi de 2013, à travers le droit de communication qui lui était ouvert) nécessairement fastidieuses et pouvant toujours être considérées comme affectées d'un défaut de systématisme. Avec des comptes normés et répondant à des règles comptables éprouvées, l'information disponible est appelée à revêtir une qualité comptable exigée de tout un chacun (ou presque, voir infra ).

Enfin, la création d'une annexe (soumise, en tant que telle, à la vigilance des commissaires aux comptes) ouvre la voie à un développement de l'information comptable sur des points considérés, à tort ou à raison, comme sensibles .

La CNCCFP , reprenant le texte même du règlement de l'ANC, présente cette nouvelle annexe aux comptes d'ensemble comme devant comporter toute information de caractère significatif permettant aux utilisateurs de ces comptes de porter une appréciation sur le patrimoine, la situation financière et le résultat de l'ensemble constitué par les entités comprises dans le périmètre des comptes d'ensemble.

En réalité, à travers l'affirmation de ces principes, la nouvelle annexe fait un peu plus puisqu'elle doit également comporter des mentions susceptibles de contribuer à l'information sur certains aspects de la vie des partis politiques de nature à en révéler les choix d'organisation mais aussi la vulnérabilité à des influences financières extérieures.

À ce titre, il faut particulièrement mentionner , étant rappelé que le contenu de l'annexe n'est pas limitatif:

- la fourniture d'informations sur les liens entre le parti politique et des entités non intégrées à ses comptes (mention des participations, des prêts aux personnes morales ou physiques, des créances à moins ou plus d'un an, des dettes et emprunts avec une distinction selon les échéanciers, et des provisions) ;

- la mention des états de prestations de services facturées aux candidats (il aurait été souhaitable de préciser les candidatures dont s'agit mais le tableau explicatif fournit une certaine précision sur ce point), les contributions octroyées à d'autres organismes en dehors du périmètre des comptes) ;

- le montant global des rémunérations ou honoraires alloués aux mandataires du parti et de ses organisations territoriales ou spécialisées.

Ces informations améliorent la transparence comptable des formations politiques et, à ce titre, sont, évidemment, de nature à répondre à certaines interrogations pouvant porter sur l'utilisation des fonds publics alloués aux partis politiques.

Il est à souligner que le champ des informations comptables auxquelles sont astreints les partis politiques dépasse désormais très nettement le champ des partis politiques stricto sensu tel qu'il est défini par la jurisprudence du Conseil constitutionnel .

Ce constat vaut moins pour les informations à mentionner dans l'annexe que du fait des méthodes d'intégration des comptes, mais compte tenu de la responsabilité combinée des commissaires aux comptes et de la CNCCFP il est également vrai, sous réserve d'investigations complémentaires de la part de ces derniers, pour les informations de l'annexe.

En ce qui concerne cette dernière, les informations requises vont loin puisqu'elles couvrent l'ensemble des entités avec lesquelles les formations politiques entretiennent des relations financières ou opérationnelles. Il est vrai que les tableaux dans le format desquels les informations doivent être présentées sont « globalisants ». Toutefois, la vérification des informations à partir desquelles ils seront construits justifiera sans aucun doute des vérifications individuelles « profondes ».

En ce qui concerne les comptes eux-mêmes, l'existence de certains types de liens (voir infra ) entre un parti politique au sens de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et une entité non qualifiée de parti politique entraîne l'intégration des comptes de cette entité dans ceux du parti politique.

Ainsi le périmètre comptable des partis politiques est appelé à dépasser leur périmètre juridique, situation qui risque de créer une insécurité juridique, sauf à ce que le législateur intervienne pour la consacrer, sans que le Conseil constitutionnel ne contrecarre son initiative.

De ce point de vue, on peut considérer, d'une part, que les conditions de l'intégration comptable (seuils de déclenchement et modalités) ne sont pas excessivement inquisitoriales (voir infra ) et, d'autre part, que le Conseil constitutionnel a pu dans le passé reconnaître que les liens entre une formation politique et des tiers pouvaient justifier une extension de l'information requise des partis politiques allant au-delà de données strictement propres à ces derniers.

Ainsi, le Conseil constitutionnel a-t-il jugé dans sa décision 92-316 DC du 20 janvier 1993 « qu'en prescrivant la publication de la liste des personnes morales qui ont consenti des dons à des candidats ou à des partis, le législateur a entendu assurer une meilleure information des citoyens et une plus grande transparence de la vie publique ; qu'il n'a ainsi porté atteinte ni à la liberté de communication des pensées et des opinions ni à l'activité des partis et groupements politiques garantie par les dispositions constitutionnelles précitées ».

Cette jurisprudence aurait sans doute pu permettre d'aller au-delà de certaines dispositions du règlement de l'ANC qui paraissent, peut-être inutilement, restrictives.

À cet égard, certaines informations comptables demeurent marquées par une très grande globalité 47 ( * ) .

Cette dernière concerne également les méthodes d'intégration des entités liées elle-même (l'intégration est globale), d'autant que l'entité intégrante dispose d'un choix lui permettant d'opter pour une intégration directe ou par palier. Dans ce dernier cas, les entités intégrées peuvent résulter d'un cheminement allant de sous-ensembles vers des sous-ensembles plus grands, ce qui est de nature à permettre des consolidations intermédiaires peu propices à la transparence comptable.

Ce constat est encore renforcé par la mention qu'aucune information sectorielle n'est requise dans l'annexe. Ainsi, ni l'objet des entités intégrées ni les motifs de l'intégration ne sont accessibles.

De la même manière, la loi ne l'ayant pas prévu, les flux financiers nets, entre partis notamment, ne sont pas appelés à être développés ce qui est de nature à réduire la transparence du financement de parti à parti.

La définition du périmètre de consolidation peut apparaître perfectible.

Si la situation devrait évoluer par rapport à celle qui prévaut actuellement (voir le tableau ci-dessous), certaines difficultés ne manqueront pas de se poser, tandis que les critères d'intégration au périmètre consolidables sont susceptibles d'aboutir à des résultats variables, selon leur interprétation.

Répartition des entités consolidées sous l'empire de la réglementation antérieure
à la nouvelle norme comptable de l'ANC en 2016 (dix premiers partis)

Nombre d'entités (hors associations locales)

Associations locales

Objet

Nombre de SCI

Total

PS

11

103

Politique, publication, immobilier, formation

6

120

LR

5

106

Politique, publication, immobilier, formation

2

113

FN

3

104

Politique, immobilier, formation

4

111

EELV

4

67

Politique, immobilier

9

80

PCF

6

96

Politique, immobilier

13

115

Union des radicaux, centristes, indépendants et démocrates

1

Politique

1

Parti radical de gauche

2

96

Politique, immobilier

98

Association PSLE- Nouveau Centre

3

74

Politique

77

Le Centre pour la France

2

Politique

2

Forces de Gauche

1

Politique

1

Total

38

646

34

718

Source : commission des finances du Sénat

En ce qui concerne les difficultés, l'on doit évoquer l'hypothèse dans laquelle deux partis politiques détenant des fractions égales du capital d'un organisme tiers, il sera loisible soit de renoncer à leur intégration dans les comptes du parti (situation qui semble assez virtuelle), soit de devoir constater une double-intégration de l'organisme dépendant (situation sans doute appelée à se vérifier davantage) avec tous les problèmes de proratisation envisageables, mais également de lisibilité des comptes consolidés.

L'application des critères d'intégration au périmètre de consolidation promet encore davantage de difficultés, voire de déceptions. C'est ici la question, traditionnelle, qui est posée lorsqu'on recourt au critère d'exercice d'un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion.

Dans la vie politique, ce critère issu des préoccupations de fonctionnement du crédit et de l'appel public à l'épargne n'est évidemment pas sans pertinence dès lors que les partis politiques sont des entités recourant à l'épargne. Cependant, on peine à lui trouver les mêmes qualités s'il s'agit de vérifier que l'esprit des règles encadrant les relations financières nouées entre les partis politiques et certains financeurs extérieurs se trouve suffisamment respecté.

À mesure que les formations politiques ont subi des restrictions des conditions de leur financement, des entités alternatives ont émergé, de plus en plus nombreuses et diversifiées.

Qu'il s'agisse de boîtes à idées ou d'entreprises de communication qui échappent totalement aux règles financières appliquées aux partis politiques, on ne compte pas (c'est dommage, on le devrait !) les structures susceptibles d'exercer des fonctions à visée d'expression politique autrefois assurées par les formations politiques. Une forme d'externalisation s'est donc produite, dont les partis politiques peuvent ne pas assumer la charge financière 48 ( * ) , cette dernière étant supportée par des entités qui, précisément, sont celles non admises au financement des partis politiques.

Votre rapporteur spécial appelle à des progrès de transparence sur un phénomène qui, pouvant être vu comme apportant une contribution salutaire à la vivacité des choix démocratiques, n'en représente pas moins, au moins de façon objective, un vecteur de possible contournement des règles financières strictes appliquées aux partis politiques.

Il faut également admettre que les phénomènes décrits ne sont pas indépendants des équilibres perfectibles qui s'appliquent aux conditions du financement public des partis politiques (voir ci-après).

b) Vers un contrôle renforcé de la CNCCFP ?

Quoi qu'il en soit, il n'est pas douteux que le renforcement des obligations comptables des partis politiques ouvre la perspective d'un renforcement de la portée des missions de la CNCCFP à l'égard des partis politiques. L'expérience permettra de cerner les contours d'une accentuation des missions de contrôle de la CNCCFP.

À cet égard, la circonstance qui attribue à la CNCCFP une sorte de monopole de l'éclairage transversal des comptes des partis politiques - les commissaires aux comptes ne prennent en considération que le parti dont ils supervisent les comptes- peut être de nature à asseoir l'autorité de la commission.

À supposer que les contours de ces contrôles s'élargissent franchement, l'on pourrait aboutir à une situation quelque peu paradoxale, celle d'un alignement des contrôles exercés sur ceux que pratiquent les juridictions financières (desquelles les partis politiques ne relèvent pas en temps normal) mais sans l'application des procédures appliquées par ces juridictions (même si, en pratique, la CNCCFP tend à s'en inspirer étroitement).

D. LE FINANCEMENT PUBLIC DES PARTIS POLITIQUES, DES ENJEUX FINANCIERS INCOMPLÈTEMENT EXPOSÉS, UNE RÉPARTITION POUR LE MOINS PERFECTIBLE

L'accès au financement public des formations politiques n'est pas de règle au niveau international même s'il est beaucoup plus largement répandu que le financement public des campagnes électorales.

En France, le financement public a été instauré par la loi de 1988 relative à la transparence financière de la vie politique. L'objet de la loi, qui a été accompagnée de l'édiction d'un certain nombre d'obligations, comptables notamment, montre qu'il s'est agi alors d'instaurer un cadre de régulation financière des partis politiques qui, pour être principalement destiné à obvier à des pratiques contestables, a pu également poursuivre un objectif de meilleure égalité compétitive entre des partis politiques, et, par ricochet, leurs candidats, mis à même de mieux pouvoir défendre leurs propositions auprès du corps électoral et, plus largement, de l'opinion publique.

On retrouve là les différents objectifs de ce qui constitue une politique publique destinée à conforter l'expression politique et le choix démocratique 49 ( * ) .

Dans les faits, face aux différents objectifs qu'il s'agit de poursuive, les conditions dans lesquelles le niveau du financement des partis politiques se trouve déterminé pose des problèmes au regard des objectifs du financement public, qu'il s'agisse du niveau absolu ou de la répartition du financement public.

1. Le financement public des partis politiques : des dépenses budgétaires très contraintes

Les soutiens sur crédits budgétaires, stabilisés en valeur nominale depuis 2014 ont subi, ces vingt dernières années, un effondrement alors même que le nombre des partis politiques n'a cessé de croître...

Les crédits inscrits en loi de finances initiale pour financer les partis politiques ont été de 68,7 millions d'euros en 2019 .

Ils sont stables depuis 2014 mais se situent à un palier inférieur de l'ordre de 15 % par rapport au niveau qui était le leur en 2008 .

Évolution de la dotation prévue au titre du subventionnement
des partis politiques (2008-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Sur une période plus longue la réduction des concours publics aux partis politiques accordés à partir des subventions budgétaires ressort comme ayant été encore beaucoup plus forte comme l'illustre le graphique ci-après 50 ( * ) .

Évolution de l'aide publique aux partis politiques de 2002 à 2017

Source : CNCCFP ; rapport annuel de 2016

De 80 millions d'euros en 2002 , les subventions versées aux partis politiques sont passées en 2017 à 62,5 millions d'euros , la baisse en valeur nominale (- 17,5 millions d'euros) voyant ses effets amplifiés en termes réels par l'inflation de la période, de sorte que la valeur réelle des subventions aux partis politiques a été amputée de près de moitié (48,5 %) entre 2002 et 2017.

Ce tarissement des financements sur crédits budgétaires, qu'il convient de resituer dans un contexte de durcissement de la législation portant sur les financements privés et des pratiques de crédit des établissements financiers, doit également être apprécié en fonction d'une augmentation forte du nombre des formations politiques.

De fait, la France connaît un très grand nombre de partis politiques, nombre installé sur une courbe nettement ascendante comme l'illustre le graphique ci-dessous portant sur la période de 2002 à 2015.

Évolution du nombre des partis politiques

Source : CNCCFP

Depuis, le nombre des partis politiques a encore augmenté.

Évolution du nombre des partis politiques entrant dans le champ
de la loi du 11 mars 1988 avec les flux annuels nets

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

En 2017, 531 partis politiques entraient dans le champ de la loi du 11 mars 1988 51 ( * ) , le nombre des créations de partis politiques ayant atteint 70 unités après les 71 unités de l'année 2016, quand les partis sortant du champ de la loi de 1988 ont été de 32 (31 en 2016).

On relève une grande dispersion des partis politiques selon leurs ressources.

Répartition des partis politiques par niveau de recettes

Source : CNCCFP, rapport 2010

Mais il convient ici surtout de relever que, parmi les partis politiques, seuls un petit nombre sont éligibles au financement public.

Seules 35 formations politiques étaient ainsi éligibles au financement public sur crédits budgétaires en 2017.

Elles étaient au nombre de 40 en 2010 et même de 55 en 2012 52 ( * ) .

Le nombre des partis politiques éligibles au financement public sur crédits budgétaires a ainsi diminué davantage que les dotations correspondantes.

Pour autant, le rapprochement de ces données ne suffit pas à nuancer le constat d'une forte réduction relative du financement public dans la mesure où la réduction du nombre des partis éligibles a principalement touché des partis politiques attributaires d'une aide publique très limitée (voir infra ).

Pourquoi y-a-t-il tant de partis politiques en France ?
Une question posée par la CNCCFP et la réponse suggérée par ses analyses

Dans son premier rapport d'activité de 1993, la CNCCFP relevant le grand nombre de partis politiques avait souligné « l'engouement pour la création de nouvelles formations ».

Une corrélation forte existe entre les périodes de forte intensité électorale et les créations nettes de partis politiques, les périodes de plus basses eaux électorales (au demeurant de plus en plus brèves) étant marquées par des sorties d'un nombre relativement élevé de partis politiques.

Les facteurs agissant sont divers mais, parmi ceux-ci, joue la structuration légale des financements politiques.

On en trouve une première manifestation criante avec la situation des partis politiques d'outre-mer, dont on a indiqué la surreprésentation parmi les partis politiques éligibles à l'aide publique. Cette situation avait été favorisée par la possibilité existant jusqu'à la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 (article 14) pour tout parlementaire de se rattacher à un parti ne concourant aux élections législatives que dans les Outre-mer, compétitions électorales où les critères d'attribution de l'aide publique se trouvent moins rigoureuses qu'en métropole. Il suffit de recueillir 1 % des suffrages dans l'une des circonscriptions concernées pour être éligible à l'aide publique contre une condition de 1 % des suffrages dans 50 circonscriptions au moins en métropole. Dans ces conditions, du fait des critères d'attribution de la seconde fraction de l'aide publique, il pouvait être intéressant pour certains parlementaires ne pouvant pas prétendre à l'aide publique du fait des résultats acquis en métropole de se rattacher à des partis ultra-marins.

Si ce biais d'incitation a été réduit avec l'adoption d'une interdiction de rattachement des parlementaires élus en métropole à des formations politiques à l'activité politique exclusivement déployée en outre-mer, il demeure que des micro-partis peuvent constituer un moyen d'optimiser le financement public de la vie politique . Au demeurant, le nombre des formations politiques a poursuivi sa croissance depuis l'adoption de la loi de 2013.

En premier lieu, il convient de rappeler que les conditions d'éligibilité au financement public des partis politiques, exposées ci-dessus, sont assez faiblement exigeantes.

Outre cette circonstance générale, il faut tenir compte de considérations plus techniques.

Les micro-partis présentent en effet des solutions utiles pour les candidats aux élections dans les circonscriptions de moins de 9 000 habitants dans lesquelles les candidats n'ont pas à déposer de comptes de campagne ce qui prive les donateurs de l'avantage fiscal attaché à leurs dons -voir infra -, cette restriction disparaissant dès lors que ces dons sont réalisés au profit de formations politiques.

En outre, il convient de rappeler que le plafond des dons et cotisations versés à un parti politique est supérieur à celui des dons aux candidats eux-mêmes (4 600 euros contre 7 500 euros) écart longtemps d'autant plus significatif et propre à entraîner l'inflation des partis politiques que les dons des personnes physiques pouvaient être multipliés en faveur d'autant de formations politiques qu'elles pouvaient le désirer 53 ( * ) .

Il faut encore mentionner la possibilité offerte aux partis politiques de bénéficier de la dévolution des excédents des comptes des mandataires des candidats aux élections.

Dans ces conditions, votre rapporteur spécial ne peut que constater l'accentuation d'un hiatus entre un renforcement des dispositions appelées à limiter l'accessibilité des partis politiques à des financements citoyens et la réduction des financements publics accordés aux partis politiques, organes éminents de la vie démocratique nationale.

Il convient de le réduire.

2. Une répartition des financements publics qui n'est pas adéquate à l'une des justifications fondamentales de l'intervention publique en faveur des partis politiques

Le financement public des partis politiques vise notamment à conforter le pluralisme des expressions politiques. Dans ce cadre, une forme d'égalité des moyens financiers doit être recherchée, la question des prolongements de cet objectif étant centrale, entre parfaite identité des allocations de moyens ou modulation en fonction de critères mais devant être cohérents avec l'objectif poursuivi de pluralisme 54 ( * ) .

En l'état du droit, les articles 8 à 9-1 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique avec les modifications intervenues en 1990, 2014 et 2017 régissent la répartition de l'aide publique.

Articles de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relatifs à la répartition
de l'aide publique aux partis politiques

Article 8 : Le montant des crédits inscrits dans le projet de loi de finances de l'année pour être affecté au financement des partis et groupements politiques, peut, de la part des Bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat, faire l'objet de propositions conjointes au Gouvernement.

Ce montant est divisé en deux fractions égales :

1° Une première fraction destinée au financement des partis et groupements en fonction de leurs résultats aux élections à l'Assemblée nationale ;

2° Une seconde fraction spécifiquement destinée au financement des partis et groupements représentés au Parlement.

Article 9 : La première fraction des aides prévues à l'article 8 est attribuée :

-soit aux partis et groupements politiques qui ont présenté lors du plus récent renouvellement de l'Assemblée nationale des candidats ayant obtenu chacun au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions ;

-soit aux partis et groupements politiques qui n'ont présenté des candidats lors du plus récent renouvellement de l'Assemblée nationale que dans une ou plusieurs collectivités territoriales relevant des articles 73 ou 74 de la Constitution ou en Nouvelle-Calédonie et dont les candidats ont obtenu chacun au moins 1 % des suffrages exprimés dans l'ensemble des circonscriptions dans lesquelles ils se sont présentés.

La répartition est effectuée proportionnellement au nombre de suffrages obtenus au premier tour de ces élections par chacun des partis et groupements en cause. Il n'est pas tenu compte des suffrages obtenus par les candidats déclarés inéligibles au titre de l'article L. O. 128 du code électoral.

En vue de la répartition prévue aux alinéas précédents, les candidats à l'élection des députés indiquent, s'il y a lieu, dans leur déclaration de candidature, le parti ou groupement politique auquel ils se rattachent. Ce parti ou groupement peut être choisi sur une liste établie par arrêté du ministre de l'intérieur publié au Journal officiel de la République française au plus tard le cinquième vendredi précédant le jour du scrutin, ou en dehors de cette liste. La liste comprend l'ensemble des partis ou groupements politiques qui ont déposé au ministère de l'intérieur au plus tard à dix-huit heures le sixième vendredi précédant le jour du scrutin une demande en vue de bénéficier de la première fraction des aides prévues à l'article 8.

Lorsqu'un candidat s'est rattaché à un parti ou à un groupement politique qui ne l'a pas présenté, il est déclaré n'être rattaché à aucun parti en vue de la répartition prévue aux quatrième et cinquième alinéas du présent article. Les modalités d'application du présent alinéa sont précisées par un décret qui prévoit notamment les conditions dans lesquelles les partis et groupements établissent une liste des candidats qu'ils présentent. ;

La seconde fraction de ces aides est attribuée aux partis et groupements politiques éligibles à la première fraction visée ci-dessus proportionnellement au nombre de membres du Parlement qui ont déclaré au bureau de leur assemblée, au cours du mois de novembre, y être inscrits ou s'y rattacher.

Chaque membre du Parlement ne peut indiquer qu'un seul parti ou groupement politique pour l'application de l'alinéa précédent. Il peut également n'indiquer aucun parti ou groupement politique, l'aide correspondante venant alors en déduction du total de la seconde fraction.

Un membre du Parlement, élu dans une circonscription qui n'est pas comprise dans le territoire d'une ou plusieurs collectivités territoriales relevant des articles 73 ou 74 de la Constitution ou en Nouvelle-Calédonie, ne peut pas s'inscrire ou se rattacher à un parti ou à un groupement politique qui n'a présenté des candidats, lors du plus récent renouvellement de l'Assemblée nationale, que dans une ou plusieurs collectivités territoriales relevant des mêmes articles 73 ou 74 ou en Nouvelle-Calédonie.

Au plus tard le 31 décembre de l'année, le bureau de l'Assemblée nationale et le bureau du Sénat communiquent au Premier ministre la répartition des membres du Parlement entre les partis et groupements politiques, telle qu'elle résulte des déclarations des membres du Parlement. Ces déclarations sont publiées au Journal officiel.

Le montant des aides attribuées à chaque parti ou groupement est retracé dans un rapport annexé au projet de loi de finances de l'année.

Article 9-1 : Lorsque, pour un parti ou un groupement politique, l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ayant déclaré se rattacher à ce parti ou groupement, lors du dernier renouvellement général de l'Assemblée nationale, conformément au cinquième alinéa de l'article 9, dépasse 2 % du nombre total de ces candidats, le montant de la première fraction qui lui est attribué en application des articles 8 et 9 est diminué d'un pourcentage égal à 150 % de cet écart rapporté au nombre total de ces candidats, sans que cette diminution puisse excéder le montant total de la première fraction de l'aide.

Cette diminution n'est pas applicable aux partis et groupements politiques ayant présenté des candidats exclusivement outre-mer lorsque l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe qui s'y sont rattachés n'est pas supérieur à un.

Votre rapporteur spécial n'entend évidemment pas sortir de sa condition et se substituer aux éminentes autorités auxquelles la loi a confié la faculté de prendre l'initiative de propositions relatives à l'aide publique aux formations politiques.

Toutefois, étant relevé que les propositions des Bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat doivent pour prétendre à l'utilité être conjointes, ce qui peut représenter un obstacle, il n'est pas sans intérêt de mettre en évidence certaines données afin de pouvoir mieux apprécier si les modalités de répartition de l'aide publique sont adéquates aux objectifs poursuivis.

Un principe d'une bipartition égale de l'aide publique est posé par l'article 8 de la loi de 1988.

Les conditions de répartition des deux fractions diffèrent, la première fraction étant répartie sur la base des résultats des élections législatives, la seconde sur la base des rattachements des parlementaires (députés et sénateurs) aux différentes formations politiques.

En ce qui concerne la première fraction de l'aide publique , seuls y sont éligibles les partis politiques ayant présenté lors du plus récent renouvellement de l'Assemblée nationale des candidats dans au moins cinquante circonscriptions ayant obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés dans chacune d'elles.

Un dispositif particulier est ménagé pour les partis politiques ne présentant des candidats que dans les circonscriptions ultra-marines. Alors, la condition relative au nombre des circonscriptions (50) n'est plus exigée 55 ( * ) .

Les montants alloués sont proportionnels au nombre des suffrages obtenus au premier tour des élections législatives.

En ce qui concerne la seconde fraction de l'aide publique , son bénéfice est réservé aux partis éligibles à la première fraction de l'aide publique. Cette condition a été introduite par la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques afin d'éviter la multiplication des micro-partis créés ad hoc sans base géographique significative.

L'article 14 de la loi n° 2013-907 a complété cette condition pour obvier à un contournement de cette règle via les partis actifs dans les seules outre-mer (voir supra ). Il n'est désormais plus possible à un parlementaire métropolitain se rattachant à un parti d'outre-mer de lui permettre d'accéder à la seconde fraction de l'aide publique 56 ( * ) .

La seconde fraction de l'aide publique est alors distribuée proportionnellement au nombre des parlementaires qui ont déclaré aux bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat au cours du mois de novembre leur inscription ou leur rattachement à l'un des partis politiques de leur choix 57 ( * ) .

Le montant des aides attribuées à chaque parti ou groupement est retracé dans un rapport annexé au projet de loi de finances de l'année (dernier alinéa de l'article 9 de la loi de 1988 ; voir infra ).

Enfin, l'article 9-1 porte les effets de la préoccupation contemporaine pour la parité des sexes en introduisant une réfaction de la quote-part attribuée à chaque parti politique au titre de la première fraction de l'aide quand il n'a pas pu réunir la déclaration de rattachement d'un nombre quasiment identique de candidats de chaque sexe 58 ( * ) .

Votre rapporteur spécial observe que la présentation d'une annexe au projet de loi de finances de l'année détaillant le montant de l'aide publique accordée aux partis politiques est régulièrement inobservée. Même si cette annexe ne pourrait concerner que l'année en cours, les déclarations de rattachement des parlementaires étant réalisées trop tardivement pour être utiles pour l'année concernée par le projet de loi de finances, et même si la répartition de l'aide est publiée au Journal Officiel en même temps que le décret supposé matérialiser le rapport prévu par la loi, il faut le regretter.

Un décret n'est pas une annexe du projet de loi de finances et un décret n'est pas un rapport, document duquel on peut attendre un peu plus qu'une simple énumération de chiffres.

Votre rapporteur spécial souhaite ainsi que la loi soit mieux respectée.

Mais, la répartition de l'aide publique pose encore de bien plus redoutables problèmes que celui mentionné ci-dessus.

Elle n'apparaît pas suffisamment adéquate aux justifications du financement public en faveur des partis politiques.

On rappelle sur ce point que le Conseil constitutionnel dans sa décision DC 2014-407 QPC du 18 juillet 2014 a estimé que, sur le fondement de critères objectifs et rationnels, une aide financière aux partis politiques peut être accordée à ces organisations sur la base d'un mécanisme ne devant pas aboutir ni établir un lien de dépendance vis-à-vis de l'État ni à compromettre l'expression démocratique des divers courants d'idées et d'opinions, le Conseil constitutionnel ajoutant que les critères retenus par le législateur ne doivent pas conduire à méconnaître l'exigence du pluralisme des courants d'idées et d'opinions protégés par l'article 4 de la Constitution.

Aux yeux de votre rapporteur spécial, cette décision fonde avec pertinence l'encadrement de l'aide publique aux partis politiques, dans la mesure où elle consacre les interprétations suivantes qui justifient et encadrent l'aide publique aux partis politiques et sa répartition.

Il convient, en particulier, d'attribuer à l'exigence de définir l'attribution de l'aide sur des bases objectives le rejet de toute forme de « fait du prince », susceptible de traduire une subjectivité éventuellement teintée de partialité.

Quant à la condition de « rationalité des critères employés pour déterminer l'aide publique, et sa répartition entre les formations politiques, il n'est pas particulièrement audacieux d'en proposer une interprétation par laquelle cette condition se réfèrerait à l'idée de la pertinence des mécanismes de répartition de l'aide au vu de l'objectif même de l'aide publique : permettre le pluralisme des expressions politiques.

Dans ce cadre, l'objectif d'éviter tout lien de dépendance vis-à-vis de l'État paraît renvoyer davantage à une protection contre des décisions « à la tête du client » que comme un objectif purement économique. De fait, les partis politiques dépendant étroitement de l'aide de l'État et tout particulièrement d'ailleurs, de façon presque paradoxale, les partis disposant de ressources propres comparativement élevées.

Il faut ajouter enfin une caractéristique de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui se garde de dicter au législateur une contrainte de positivité lui enjoignant de créer les conditions d'une réelle expression pluraliste. S'il ne doit pas méconnaître les exigences du pluralisme, le législateur peut les interpréter, jusqu'à ce point, à sa guise.

Cette composante de la jurisprudence constitutionnelle est respectueuse du législateur, ce dont on ne saurait trop se féliciter, mais, compte tenu du dispositif même de la décision du Conseil constitutionnel (voir infra ), elle peut susciter quelques réflexions quant aux prolongements effectifs de la jurisprudence du Conseil constitutionnel au regard des éléments de faits qui caractérisent la détermination du niveau et de la répartition de l'aide publique aux partis politiques.

Ces derniers dévoilent une répartition de l'aide publique marquée par des élasticités très fortes et, qui plus est erratiques, par rapport à la situation du débat politique et de l'empreinte effective des partis politiques sur ce débat 59 ( * ) .

La répartition de l'aide publique aux différentes formations politiques aboutit à des déséquilibres des forces financières dont la justification au regard de la distribution des rôles exercés par les partis politiques mérite d'être envisagée.

Si la question de la proportion entre la distribution de l'aide publique et l'audience électorale nationale se pose, il faut également faire état d'une autre interrogation née du constat de la faible prégnance de la contribution des partis politiques à la vie politique des territoires dans les conditions de répartition de l'aide publique.

a) Une répartition qui attribue une prime très forte au parti majoritaire lors des élections législatives assurant un prolongement financier disproportionné aux résultats de l'élection présidentielle

Les conditions de la distribution de l'aide publique aboutissent à conférer au parti du candidat victorieux à l'élection présidentielle une prime très forte, la répartition de la seconde fraction de l'aide publique très étroitement marquée par les effets du mode de scrutin majoritaire amplifiant les effets de l'élection présidentielle sur la distribution de l'aide au titre de la première fraction.

La première fraction de l'aide publique aux partis politiques, dont la répartition est assise sur les résultats électoraux du premier tour des élections législatives , distribuée à 41 partis politiques en 2017 60 ( * ) ne l'est plus qu'à 34 partis politiques en 2019.

La réduction du nombre des partis bénéficiaires provient de la baisse du nombre des partis d'Outre-mer admis à l'aide publique, le nombre des autres partis en bénéficiant augmentant de 3 unités.

Il est notable qu'un parti politique 61 ( * ) qui n'avait reçu aucune aide en 2017 ait été le premier bénéficiaire de la première fraction de l'aide publique en 2018 (10,1 millions d'euros).

Données globales relatives à la distribution de la première fraction
de l'aide publique aux partis politiques

2017

2018

2019

Écart 2018/2017

Écart 2019/2018

Nombre de partis

41

34

34

-7

-7

Dont : « partis d'outre-mer »

28

18

18

-10

-10

Nombre de voix prises en compte

24 190 786

20 914 389

20 921 118

- 3 276 397

6 729

Dont: « partis d'outre-mer »

293 750

164 160

152 168

-129 590

-11 992

Montants de l'aide en euros

28 762 939

32 078 393

32 083 943

3 315 454

5 550

Dont : « partis d'outre-mer »

283 738

192 472

175 362

- 91 266

- 17 110

Aide moyenne hors partis d'outre-mer en euros

2 190 708

1 992 870

1 994 286

- 197 838

1 416

Aide moyenne « partis d'outre-mer » en euros

309,4

10 693

8 454

10 384

- 2 239

Aide moyenne par voix hors « partis d'outre-mer » en euros

1,19

1,54

1,54

0,35

0

Aide moyenne par voix « partis d'outre-mer » en euros

0,97

1,17

1,15

0,20

- 0,02

Source : commission des finances du Sénat

Des 34 partis allocataires de la première fraction de l'aide publique, seuls 9 dépassent le seuil du million d'euros d'aide.

Ils absorbent 95 % de l'aide attribuée au titre de la première fraction pour une moyenne d'aide par parti de 3 385 571 euros. Les 25 autres partis ne se partagent que 5 % de l'aide pour une moyenne d'aide par parti de 64 330 euros. Les 18 partis d'Outre-mer ne touchent que 0,7 % de l'aide publique.

Résultats du premier tour des élections présidentielles et aux élections législatives pour les partis des candidats de la première élection citée en 2017

Candidat

Suffrages exprimés au 1 er tour de l'élection présidentielle (nombre)

Suffrages exprimés au 1 er tour de l'élection présidentielle (%)

Suffrages exprimés au 1 er tour des élections législatives (parti de rattachement présumé) (nombre)

Suffrages exprimés au 1 er tour des élections législatives (parti de rattachement présumé) (%)

N. Dupont-Aignan

1 695 186

4,7

265 420

1,17

M. Le Pen

7 679 493

21,3

2 990 454

13,2

E. Macron

8 657 326

24,01

6 391 269

28,21

B. Hamon

2 291 565

6,36

1 685 677

7,44

N. Arthaud

232 428

0,64

NS

NS

Ph. Poutou

394 582

1,09

NS

NS

J. Cheminade

65 598

0,18

NS

NS

J. Lassalle

435 365

1,21

NS

NS

J-L. Mélenchon

7 060 885

19,58

2 497 622

11,03

F. Asselineau

332 588

0,92

NS

NS

F. Fillon

7 213 797

20,01

3 573 427

15,77

Source : commission des finances du Sénat

Les résultats du premier tour de l'élection présidentielle de 2017 ont été marqués par la concentration des suffrages exprimés sur quatre principaux candidats qui ont réuni 84,9 % des suffrages.

Au premier tour des élections législatives qui ont suivi, les candidats pouvant être rattachés aux formations politiques ayant soutenu ces quatre candidats ont concentré 68,21 % des suffrages exprimés.

Une déperdition de 16,7 points doit être relevée qui a suivi une distribution à l'issue de laquelle les candidats du parti du nouveau président de la République ont accentué leur influence relative sur le corps électoral (+ 4,2 points), les candidats de la personnalité présente au second tour de l'élection présidentielle ayant, à l'inverse, rallié une proportion des suffrages très inférieure (- 8,1 points). Les candidats se réclamant des partis des personnalités arrivées troisième et quatrième du premier tour ont également obtenu moins de voix aux élections législatives (- 4,24 points pour Les Républicains ; - 8,55 points pour La France insoumise).

Certains partis n'ayant pas présenté de candidats à l'élection présidentielle ont gagné des suffrages aux législatives tandis que des candidats de partis ayant soutenu des candidats à l'élection présidentielle ont obtenu plus de voix que ces derniers.

Il est notable que les résultats du premier tour de l'élection présidentielle n'ont été améliorés que pour les candidats du vainqueur de la présidentielle.

Il faut voir dans cette circonstance, souvent présentée comme traduisant la dynamique politique impulsée par les résultats de l'élection présidentielle, un premier facteur d'amplification des effets de la victoire à la présidentielle sur l'attribution de l'aide publique. Il se joue au niveau de la première fraction.

Inversement, mais la nature de l'expression politique du corps électoral peut jouer plus ou moins en fonction de l'état de l'opinion publique, le déficit de performance aux élections législatives des partis ayant soutenu les autres candidats du quatuor de tête doit être relevé.

Il est certainement partiellement conjoncturel tout en ayant sans doute une composante structurelle.

Mais, avec cet effet de « prime présidentielle » un second facteur intervient, attribuable à ce qu'on peut appeler une « prime majoritaire » qui tend à amplifier le premier au stade de l'élection des députés.

Résultats du premier tour des élections présidentielles et au second tour
des élections législatives pour les partis des candidats
de la première élection citée en 2017

Candidat

Suffrages exprimés au 1 er tour de l'élection présidentielle (nombre)

Suffrages exprimés au 1 er tour de l'élection présidentielle (%)

Suffrages exprimés au 2 e tour des élections législatives (parti de rattachement présumé) (nombre)

Suffrages exprimés au 2 e tour des élections législatives (parti de rattachement présumé) (%)

N. Dupont-Aignan

1 695 186

4,7

247 480

1,2

M. Le Pen

7 679 493

21,3

2 973 612

14,2

E. Macron

8 657 326

24,01

6 152 527

29,4

B. Hamon

2 291 565

6,36

1 594 942

7,6

N. Arthaud

232 428

0,64

158 866

0,8

Ph. Poutou

394 582

1,09

NS

NS

J. Cheminade

65 598

0,18

NS

NS

J. Lassalle

435 365

1,21

NS

NS

J-L. Mélenchon

7 060 885

19,58

2 438 734

11,7

F. Asselineau

332 588

0,92

NS

NS

F. Fillon

7 213 797

20,01

3 478 875

16,6

Source : commission des finances du Sénat

Si la prime majoritaire est sans doute moins forte que la prime présidentielle, elle est allée dans le même sens qu'elle pour les candidats du mouvement politique du nouveau président de la République.

En ce qui concerne les autres partis politiques principalement concernés, des variations ont pu se produire en plus ou en moins, mais elles ont été globalement modérées.

Le mode de scrutin conduit à amplifier en nombre de députés les résultats électoraux obtenus par les candidats du parti majoritaire.

Des suffrages exprimés au premier tour de l'élection présidentielle
au nombre des députés par rattachement au parti politique du candidat

Candidat

Répartition des députés en fonction des partis de rattachement (A) en %

Part des suffrages exprimés au premier tour de l'élection présidentielle de 2017 (B)

Rapport A/B

N. Dupont-Aignan

0,1

4,7

0,021276596

M. Le Pen

1,2

21,3

0,056338028

E. Macron

54

24,01

2,24906289

B. Hamon

4,9

6,36

0,770440252

N. Arthaud

0

0,64

0

Ph. Poutou

0

1,09

0

J. Cheminade

0

0,18

0

J. Lassalle

0,1

1,21

0,082644628

J-L. Mélenchon

3

19,58

0,153217569

F. Asselineau

0

0,92

0

F. Fillon

18

20,01

0,899550225

Source : commission des finances du Sénat

Entre les suffrages obtenus au premier tour de l'élection présidentielle et le nombre des députés se rattachant aux partis politiques des différents candidats présents au premier tour de cette élection, il existe une relation qui convertit les résultats électoraux à la présidentielle en une structure des rattachements politiques, et donc des droits au financement public, selon des modalités fortement différenciées en fonction des résultats de la présidentielle.

Pour les élections de 2017, seul le candidat arrivé en tête au premier tour bénéficie d'un « coefficient de conversion » positif - au demeurant très fortement positif puisque la proportion des députés rattachés à « En Marche » excède de plus de 2,2 fois la part des suffrages obtenus par le candidat au premier tour de l'élection présidentielle-, tous les autres candidats se trouvant avoir réalisé des scores électoraux nettement supérieurs à la proportion des députés finalement élus se rattachant de manière présumée à leurs partis.

Seuls les partis ancrés dans la vie politique de longue date limitent leurs déficits de rattachement de députés.

Pour deux des candidats arrivés en tête des scores électoraux à l'élection présidentielle, ces déficits sont considérables.

Il résulte de tout ceci que la répartition du financement public se trouve extrêmement concentrée, les échéances électorales de 2017 ayant accentué cette tendance.

Répartition de chacune des deux fractions de l'aide publique
par ordre décroissant de droits ouverts aux cinq premières formations politiques représentées par un candidat à l'élection présidentielle en 2017 et en 2018

2017

2018

Première fraction (A)

Seconde fraction AN seule (B)

(B)/(A)

Première fraction (A)

Seconde fraction AN seule (B)

(B)/(A)

Premier

40,01 %

56,7 %

1,42 %

39,96 %

66,67 %

1,66 %

Deuxième

24,31 %

39,1 %

1,60 %

19,31 %

22,15 %

1,14 %

Troisième

19,65 %

0,4 %

0,02 %

15,52 %

1,51 %

0,10 %

Quatrième

8,33 %

2,2 %

0,26 %

14,84 %

3,66 %

0,25 %

Cinquième

7,70 %

1,6 %

0,21 %

10,36 %

6,02 %

0,60 %

Source : commission des finances du Sénat

Au total, en considérant la répartition de la première fraction de l'aide publique et la part de la seconde fraction attachée aux rattachements des députés, qui produit un fort effet d'amplification, le premier attributaire de l'aide publique versée sur crédits budgétaires concentre 40,4 % de l'aide publique aux partis politiques 62 ( * ) pour un nombre de voix pris en compte au titre de la distribution de la première fraction de l'aide de 29,2 %.

L'élasticité des droits à financement public atteint ainsi 1,4 pour le parti vainqueur et même 1,7 si l'on se réfère aux seules voix du premier tour de l'élection présidentielle.

Chacun peut juger du degré selon lequel doit pouvoir s'agencer une prime majoritaire qui n'est pas en soi récusable au vu des caractéristiques du vote des premier et second tours de scrutin.

b) La répartition de l'aide publique entre les partis politiques ne tient que trop peu compte de la contribution des partis politiques à la vivacité de la vie politique dans les territoires

La distribution de l'aide aux partis politiques s'ancre dans le temps. L'absence de prise en compte de la plupart des scrutins intermédiaires assure, sauf défection significative des députés rattachés au parti vainqueur, une grande stabilité de la part qui lui en revient. Il en va de même s'agissant des autres partis éligibles à l'aide publique.

Dans ce contexte, l'élection sénatoriale peut constituer une exception puisqu'elle est désormais organisée tous les trois ans. Elle permet une forme d'actualisation, que le médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques dans son premier rapport a pu proposer de renforcer en tenant compte de certains scrutins intermédiaires (élections européennes, élections régionales).

On peut ajouter que le Sénat, et les rattachements de parlementaires qui en émanent, assurent une certaine reconnaissance de la vie politique territoriale dans les mécanismes de distribution de l'aide publique.

Toutefois, pour être le représentant constitutionnel des collectivités territoriales, le Sénat n'en est pas moins une assemblée nationale dont la vocation est d'exercer pleinement les compétences parlementaires qui lui sont conférées.

L'engagement des partis politiques dans la vie politique territoriale stricto sensu n'est à ce jour prise en compte que de manière indirecte.

III. UN ACCÈS AUX SERVICES BANCAIRES DONT LE RATIONNEMENT APPELLE UNE RÉACTION

Le financement de la vie politique, qu'il s'agisse des candidats aux élections ou des formations politiques, repose largement sur le recours à l'emprunt mais passe également par l'accès aux services bancaires.

L'accessibilité des services bancaires (mais d'autres types de services pourraient être envisagés) n'est pas assurée de manière satisfaisante. Les dysfonctionnements constatés sont d'une grande gravité puisqu'aussi bien l'absence de disposition d'un compte bancaire et des services de compte peut tout simplement empêcher le débat démocratique, le rôle de la CNCCFP incluant la vérification du respect des obligations bancaires prescrites aux candidats et aux formations politiques.

Il convient donc de réagir au plus vite.

Quant au recours à l'emprunt, si la question des « défaillances de marché » peut à bon droit être débattue, votre rapporteur spécial incline à considérer qu'à supposer qu'un diagnostic définitif établissant l'absence de défaillance de marché puisse être posé, il resterait difficile de s'en tenir à ce dernier sans plus d'avancées.

A. LA BANCARISATION DES ACTEURS DE LA VIE POLITIQUE N'EST PAS CONVENABLEMENT ASSURÉE

La loi n° 2011-412 du 14 avril 2011 a consacré le droit à l'ouverture d'un compte bancaire au profit d'un mandataire financier agissant dans le cadre des activités politiques. Un décret n o 2011-1854 du 9 décembre 2011 est venu préciser les modalités de mise en oeuvre du « droit au compte ».

Un établissement bancaire qui refuse à un mandataire financier l'ouverture d'un compte de dépôt doit remettre à ce dernier une attestation de refus. L'établissement est également tenu de l'informer de la possibilité d'exercer un droit au compte auprès de la Banque de France et des modalités d'exercice de ce droit.

Les dispositions adoptées étaient destinées à apporter une réponse aux observations émises par la CNCCFP, à partir de 2007, sur les difficultés rencontrées par les mandataires financiers pour ouvrir un compte bancaire.

La commission avait souligné que ces difficultés étaient de nature à causer de graves préjudices aux candidats aux élections et in fine au fonctionnement même de la vie démocratique.

L'ouverture d'un compte bancaire particulier est notamment une condition de l'approbation du compte de campagne du candidat, et, par conséquent, de son accès au financement public.

Le dispositif adopté répond ainsi à une difficulté plus que sérieuse du point de vue des principes et qui représente un obstacle pratique vivement ressenti par de nombreux acteurs de la vie politique.

Il n'a pas abouti à une parfaite résolution du problème. Le médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques dans son premier rapport remis le 30 septembre 2019 et qui portait sur le scrutin européen a pu qualifier son bilan « d'à peine acceptable » .

Sans doute en lien avec le renforcement des règles appliquées aux personnes politiquement exposées afin de prévenir le blanchiment, les banques semblent de plus en plus réticentes à accéder aux demandes de services qui leur sont adressées par les personnes physiques ou morales participant à la vie politique.

Des demandes de renseignement à rallonge paraissent leur être imposées, qui peuvent être incompatibles avec la nécessité de disposer d'un compte bancaire de campagne en bon temps pour participer utilement à la campagne et accéder au financement public.

Le médiateur mentionne des délais d'ouverture de compte considérables et évoque en outre un problème de mise en fonctionnement réel du compte.

Il cite le cas, « concernant un parti pourtant bien installé » , pour lequel « l'ouverture du compte est intervenue au lendemain de l'élection, obligeant le parti à assurer le règlement de tous les fournisseurs » et ajoute que « la régularisation des opérations dans le cadre du compte de campagne pourrait être difficile, avec des risques sur son approbation par la CNCCFP » .

Ces risques ne semblent pas illusoires compte tenu de l'expérience qui a vu la commission rejeter des comptes de campagne pour d'autres scrutins sur la base de ce motif.

La situation est d'autant plus alarmante que le droit au compte (trois droits au compte ont été actionnés pendant les élections européennes, ce qui est pour le moins illustratif des problèmes évoqués plus haut) ne fonctionne pas convenablement. Le recours au médiateur est entouré de conditions de recevabilité et de délais qui ne sont pas adaptés (le demandeur doit avoir fait face à deux refus dans les six derniers mois précédant la saisine ; cette dernière doit être introduite 5 jours ouvrés avant le premier tour du scrutin). Le contenu du droit au compte demeure limité. Il n'ouvre pas nécessairement accès à un carnet de chèques ni à un découvert non plus qu'à une utilisation libre de la carte de crédit.

Des mesures s'imposent donc, de toute urgence.

Le médiateur du crédit en suggère quelques-unes (inviter les banques à mieux gérer les dates d'ouverture des comptes et à délivrer rapidement les moyens de paiement ; mettre à jour les listes et veiller à une utilisation appropriée de la notion de personnes politiquement exposées, permettre dans le cadre du droit au compte l'accès des candidats à une gamme variée de moyens de paiement) mais en écarte d'autres comme l'ouverture automatique d'un compte au profit des candidats adossés à un parti politique disposant d'un compte dans un établissement bancaire donné.

Ces mesures sont bien entendu à considérer et les efforts entrepris par le médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques pour informer les responsables politiques sont louables.

Toutefois, elles ne semblent pas de nature à permettre de surmonter les difficultés rencontrées.

Dans ce cadre, la piste la plus utile serait sans doute de définir un droit au compte spécifique aux acteurs de la vie politique avec un contenu élargi au prix d'une définition claire des conditions, qui, une fois satisfaites, permettrait aux établissements bancaires de pouvoir considérer les règles prudentielles qui s'imposent à eux, suffisamment vérifiées pour que leur responsabilité soit dégagée.

Votre rapporteur spécial demande que cette orientation qu'il recommande fasse l'objet de propositions dans les meilleurs délais.

B. L'ACCÈS À L'EMPRUNT DOIT ÊTRE MIEUX ASSURÉ

Les voies de financement des campagnes électorales et des partis politiques ayant été de plus en plus encadrées, l'accès à l'emprunt est devenu un enjeu encore plus fort qu'auparavant.

Au demeurant, les partis politiques français connaissent un endettement important.

Évolution de l'endettement des principaux partis politiques français
(1990-2015)

Source : Julia Cagé, site internet

Or, plusieurs formations politiques et, sans doute de plus en plus de candidats aux élections, font état de difficultés d'accès au crédit. Certaines grandes banques ont d'ailleurs publiquement affiché leur décision de cesser de financer la vie politique. Il n'appartient pas à votre rapporteur spécial de qualifier ces décisions, qui, en l'état de la législation, ne semblent pas pouvoir être reprochables comme manifestant une discrimination quelconque.

Néanmoins, comme la contrainte financière qui résulte de l'état de fait invoqué, et observé, n'est probablement pas la même pour tous, il est peu douteux qu'un problème de pluralisme politique en résulte.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement avait pris l'initiative de proposer qu'une « banque de la démocratie » puisse intervenir dans certaines situations de « rareté de crédit ».

L'article 30 de la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique a ainsi autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour que les candidats, partis et groupements politiques puissent, en cas de défaillance avérée du marché , le cas échéant après intervention du médiateur de crédit aux candidats et partis politiques, créé par l'article 28 de la même loi, assurer le financement de campagnes électorales pour les élections présidentielle, législatives, sénatoriales et européennes par l'obtention de prêts, avances ou garanties.

Ces mesures, devant être effectives à partir du 1 er novembre 2018, pouvaient prendre la forme d'une structure dédiée, adossée le cas échéant à un opérateur existant, ou d'un mécanisme spécifique de financement.

L'ordonnance du Gouvernement devait préciser les règles applicables sur la base d'un respect des conditions d'impartialité des décisions prises en vue d'assurer le pluralisme de la vie politique, mais aussi la viabilité financières du dispositif mis en oeuvre.

Interrogé sur l'absence de prolongement appréciable donné à cette disposition par notre collègue Hervé Marseille, qui lui demandait également quelles avaient été les actions tangibles mises en oeuvre depuis sa nomination par le médiateur du crédit et quels étaient les projets du Gouvernement sur le sujet, le ministre de l'intérieur a, par une réponse publiée au Journal officiel du 24 octobre 2019, fait valoir que « d'un point de vue technique, l'organisation bancaire apparaît...fonctionnelle », fondant cette appréciation sur des données qui méritent d'être exposées.

Recourant à l'analyse généalogique d'une problématique marquée par le renoncement du Gouvernement, plus précisément de la ministre de la Justice lors de la séance de l'Assemblée nationale du 16 juillet 2018, au projet d'instaurer une « banque de la démocratie », le ministre de l'intérieur a confirmé que les arguments alors mis en avant étaient appelés à se trouver au fondement d'une même issue, celle du statu quo.

Lors de la séance de l'Assemblée nationale évoquée par le ministre de l'intérieur, la ministre de la Justice avait déclaré :

« La question de la Banque de la démocratie est importante. Elle avait été introduite dans la loi pour la confiance dans la vie politique, que j'avais défendue l'été dernier devant vous. Le Gouvernement s'était engagé à étudier ce sujet de près, afin de mesurer si l'institution d'une structure bancaire, par définition assez lourde à mettre en place, était de nature à répondre aux difficultés de financement de certains candidats ou de certaines formations politiques.

C'est pourquoi le Gouvernement a demandé qu'une analyse précise soit effectuée par l'inspection générale de l'administration et l'inspection générale des finances . Ces deux corps ont entendu ou sollicité de très nombreux candidats, pour bien mesurer la situation.

Les conclusions de ce rapport sont que l'accès au crédit, pour se concentrer sur ce sujet, relève moins d'une absence d'offre bancaire , que viendrait combler la Banque de la démocratie, que de questions d'informations ou de délais , qui pourraient être réglées par le médiateur du crédit qui, lui, a été institué par la loi pour la confiance dans la vie politique du 15 septembre 2017.

C'est la raison pour laquelle l'ordonnance qu'il était envisagé de prendre en vertu de l'habilitation qui avait été accordée par la loi ne l'a pas été. Je constate d'ailleurs que la création d'une telle banque ne faisait pas consensus. Certains estimaient que l'immixtion de l'État, par le biais d'une banque, pouvait porter atteinte au principe de neutralité. D'autres soulignaient la lourdeur d'un dispositif qui aurait dû respecter toutes les normes en matière d'activité bancaire, ce qui n'est pas rien.

Enfin, je rappelle que, chaque année, l'État verse plus de 60 millions d'euros aux partis politiques, au titre de leur financement public. »

Cette déclaration, et du même coup la réponse ministérielle adressée à notre collègue, Hervé Marseille, ont de quoi surprendre alors même que M. Frédéric Oudéa, président directeur général de la Société Générale avait pu déclarer en décembre 2014 :

«Nous ne prêtons pas aux partis politiques, le financement des partis doit passer par d'autres moyens... notre politique de crédit est de ne plus prêter aux partis politiques. Il faut peut-être repenser le mode de financement des partis politiques » , justifiant ses propos par des préoccupations générales de neutralité et des raisons économiques.

Il pourrait être instructif de vérifier que l'établissement bancaire en question s'est entièrement conformé depuis la déclaration de son président directeur général aux intentions alors manifestées 63 ( * ) .

Le premier rapport du médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques tend à suggérer que le crédit (il peut être bancaire ou fournisseur) aux animateurs de la vie politique ne subit pas une restriction systémique.

Il observe que les mécanismes par lesquels il est possible de sécuriser un emprunt (cessions de créances, garanties...) sont difficilement accessibles, ne serait-ce que pour des raisons tenant aux réglementations exposées dans le présent rapport ou aux modalités d'attribution de l'aide publique qui ont été rappelées.

Il fait également état des difficultés rencontrées dans sa mission.

Votre rapporteur spécial, qui relève l'importance significative des financements publics dans le fonctionnement des organes de l'expression politique, tend à considérer que le constat technique défendu par le Gouvernement peut difficilement être considéré comme conclusif.

Ainsi, il ne lui paraîtrait pas sage de renoncer à tout projet de développer un mécanisme de financement des besoins intercalaires rencontrés par les acteurs de la vie politique.

Il lui paraît envisageable à tout le moins si les établissements bancaires privés ne s'y prêtent pas volontiers de mettre en oeuvre un mécanisme public d'avances conditionnelles et garanties par une récupération sur les financements sur crédits budgétaires votés chaque année en loi de finances.

IV. UNE CONTRIBUTION « CITOYENNE » QUI POURRAIT FAIRE L'OBJET D'AMÉLIORATIONS

Si les conditions de financement des campagnes électorales et des partis politiques ont été fortement durcies au cours des années récentes, une place a été faite aux financements « citoyens » de la vie politique.

Ce dernier a été encouragé à travers un mécanisme de réduction fiscale (qui n'est pas soumis au plafond global des réductions fiscales applicables à l'impôt sur le revenu).

Les concours publics indirects qui en résultent ne sont pas convenablement documentés. Par ailleurs, une asymétrie se constate, entre les donateurs qui peuvent bénéficier de l'encouragement fiscal et ceux qui ne le peuvent pas.

Des propositions ont été avancées pour réduire cette asymétrie. Si elles s'inspirent d'une ambition justifiée de mieux sécuriser le pluralisme politique, il faut également tenir compte, c'est du moins le sentiment de votre rapporteur spécial, d'éventuels abus de sollicitation.

La réforme de l'encouragement fiscal associé aux dons et cotisations pourrait utilement passer par une différenciation selon la nature de la contribution apportée par les citoyens au financement de la vie politique.

A. LES DÉPENSES FISCALES S'AJOUTENT AU FINANCEMENT PUBLIC SELON UNE AMPLEUR DIFFICILE À DÉTERMINER

Les projets annuels de performances présentés dans le cadre des projets de loi de finances sont incomplets et ne rendent pas compte de l'ensemble des transferts publics qui bénéficient aux partis politiques .

De fait, le 3 de l'article 200 du code général des impôts prévoit que les dons aux formations politiques (voir l'article 11-4 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique) ainsi que les cotisations versées aux partis et groupements politiques donnent lieu à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % de leur montant, les dons étant pris en compte dans la limite de 15 000 euros 64 ( * ) et de 20 % du revenu imposable.

Ouvrent également droit à la réduction d'impôt les dons, prévus à l' article L. 52-8 du code électoral versés à une association de financement électorale ou à un mandataire financier visé à l'article L. 52-4 du même code qui sont consentis à titre définitif et sans contrepartie, soit par chèque, soit par virement, prélèvement automatique ou carte bancaire, et dont il est justifié à l'appui du compte de campagne présenté par un candidat, un binôme de candidats ou une liste.

Dans ce cadre, le programme 232 de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », qui récapitule les crédits consacrés au financement de la vie politique, ne mentionne aucune dépense fiscale alors même que les dons et cotisations aux partis politiques et aux candidats aux élections bénéficient d'un régime fiscal de faveur.

Cette omission est contraire aux prescriptions du droit budgétaire. Elle doit être corrigée.

Mais c'est sans doute plus largement qu'il conviendrait d'améliorer l'information sur les financements bénéficiant d'avantages fiscaux.

Il faut compléter l'exposé des conditions de la réduction fiscale en rappelant que cette dernière n'est plus accessible dès lors que les fonds dont s'agit peuvent être requalifiés comme des paiements pour des prestations effectuées au profit des parties versantes.

Interrogés sur la contrepartie financière de l'avantage fiscal, le ministère de l'intérieur et la CNCCFP indiquent ne pas disposer d'éléments de réponse, renvoyant à l'administration fiscale.

Il est regrettable que le ministère et l'autorité administrative indépendante particulièrement chargés de compétences de suivi des conditions de financement de la vie politique manquent à ce point d'information sur un élément pourtant majeur de leur mission.

Il faut, en revanche, se féliciter que les institutions d'enseignement et de recherche aient pu contribuer à préciser la situation 65 ( * ) , tout en relevant que les chiffres mentionnés dans leurs travaux ne coïncident pas avec ceux fournis à votre rapporteur spécial, qui eux-mêmes présentent quelques discordances avec d'autres chiffres de sources alternatives.

Quant aux informations transmises à votre rapporteur spécial dans le cadre de l'élaboration du présent rapport, les tableaux ci-dessous indiquent pour les partis ayant déposé leurs comptes au cours des années 2012 à 2016 le niveau des dons et des cotisations perçus par ces partis politiques en distinguant, pour ces dernières, les cotisations des adhérents de celles des élus 66 ( * ) .

Éléments relatifs aux dons perçus par les partis politiques ayant déposé
leurs comptes auprès de la commission nationale des comptes de campagne
et de financement de la vie politique

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Éléments relatifs aux cotisations perçues par les partis politiques ayant déposé
leurs comptes auprès de la commission nationale des comptes de campagne
et de financement de la vie politique

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Au total, les dons et cotisations perçus par les partis ayant déposé leurs comptes auprès de la commission nationale des comptes de campagne et de financement de la vie politique auront totalisé 89,753 millions d'euros en 2016 (contre 89,207 millions d'euros en 2012), avec la décomposition suivante pour 2016 : 48,9 millions d'euros de cotisations et 40,8 millions d'euros de dons.

Ces données suggèrent que, globalement, les réductions d'impôt accessibles s'élèvent à un maximum de l'ordre de 27 millions d'euros en 2016 pour les dons aux partis politiques et de 32,2 millions d'euros pour les cotisations aux partis politiques, soit un total maximal de 59,2 millions d'euros pour l'année considérée 67 ( * ) .

Il reste que les données transmises à votre rapporteur spécial ne coïncident pas avec les chiffres mentionnés par le rapport de 2017 de la CNCCFP, non plus qu'avec les informations transmises en réponse au questionnaire adressé sur ce point par votre rapporteur spécial dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances .

Ce dernier indique que selon « la dernière déclaration nationale d'impôt sur le revenu 2016 disponible sur le site internet du ministère de l'action et des comptes publics, 329 117 foyers fiscaux ont déclaré avoir versé un montant total de 93 259 593 euros en 2015 de dons et cotisations à des partis politiques » tandis que, selon « les comptes des partis politiques déposés à la commission au titre de l'exercice 2015, les partis politiques ont encaissé 85 381 492 euros de dons, cotisations et cotisations d'élus ».

Quant au rapport de la CNCCFP, il fait état de 95,5 millions d'euros de dons et cotisations encaissés en 2016.

Ces écarts sont structurels comme l'indique le graphique ci-dessous.

Dons et cotisations versés aux partis politiques (2013-2016)

Source : Julia Cagé, site internet

Le champ des données ici exposées doit être rappelé : il ne couvre pas les dons versés aux partis politiques n'ayant pas déposé leurs comptes auprès de la CNCCFP.

Il existe sur ce point une différence importante entre les données disponibles pour apprécier le niveau des dons et cotisations versées aux partis politiques.

L'écart, de l'ordre de 8 millions d'euros (soit 10 % des dons déclarés par les partis politiques) mériterait d'être élucidé, soit pour vérifier qu'il ne résulte pas d'une surdéclaration fiscale des dons, soit pour s'assurer que les partis politiques tiennent une comptabilité exacte des dons qui leur sont consentis.

En l'état, il y a lieu de tenir compte de l'observation suivante du ministère de l'intérieur, qui relève que le formulaire de déclaration des revenus ne dispose pas d'une ligne spécifique pour y déclarer les dons effectués aux candidats à une élection contrairement aux dons et cotisations versés aux partis politiques et estime donc possible que certains donateurs indiquent des versements aux candidats aux élections sur cette ligne et non sur la ligne « dons à d'autres organismes » où ils doivent normalement être déclarés.

En toute hypothèse, un suivi plus fiable des réductions fiscales accordées en contrepartie des dons et des cotisations aux partis politiques s'impose, comme c'est d'ailleurs plus généralement le cas s'agissant des « niches fiscales ».

Il en va de même en ce qui concerne les dons attribués aux candidats aux élections.

Il serait utile de disposer dans ce cadre général d'une information régulière sur les montants correspondants et sur les redressements fiscaux, le cas échéant prononcés.

Un jaune budgétaire pourrait accueillir cette information.

Une telle information présenterait en outre un intérêt en permettant d'accéder à une vue plus précise de la répartition des bénéficiaires des concours publics aux différents acteurs de la vie politique.

Il paraît certain que les modalités de répartition des concours indirects associés à la réduction fiscale pour dons et cotisations ne sont pas totalement homogènes à celles des aides financées sur crédits publics. Les concours indirects passent en quelque sorte par l'engagement militant tandis que les concours sur crédits consacrent, et au-delà, l'audience électorale.

Une mesure consolidée des concours versés sur fonds publics apporterait une information qui, à ce jour, fait défaut alors même qu'elle est nécessaire pour apprécier si les aides publiques permettent de satisfaire les objectifs qu'elles sont censées poursuivre.

À ce stade, on se contentera d'une estimation faisant valoir que les concours publics indirects au financement des partis politiques ajoutent à ceux issus des crédits budgétaires 91,7 % de ces derniers, portant l'ensemble des concours publics aux formations politiques à environ 132 millions d'euros .

B. LES DONS ET COTISATIONS : DES FINANCEMENTS QUI BÉNÉFICIENT D'UN SOUTIEN FISCAL PERFECTIBLE

Si le poids des dons dans le financement de la vie politique française n'est pas négligeable, il est, comparativement à d'autres pays, relativement modeste.

Montant moyen annuel par adulte de dons reçus par différents partis
de l'éventail politique (2012-2016)

Source : Julia Cagé, site internet

Les dons représentent des enjeux très importants en Allemagne et au Royaume-Uni.

Part des dons supérieurs à 10 000 euros
dans le total des dons- Allemagne

Source : Julia Cagé, site internet

Dons moyens et total des dons des personnes physiques par décile de revenu
au Royaume-Uni (2017)

Source : Julia Cagé, site internet

En France, la proportion des ménages faisant des sons aux partis politiques, comparativement faible, suit une tendance au déclin.

Proportion des foyers fiscaux déclarant un don ou une cotisation
aux partis politiques

Source : Julia Cagé, site internet

1. Le poids des dons et des cotisations dans le financement des partis politiques

Les partis politiques n'ont pas le monopole des dons attribuables
aux acteurs de la vie politique

Les candidats aux élections sont susceptibles d'en bénéficier de la part des personnes physiques dans les conditions exposées supra. Les dons des personnes physiques lors de la dernière élection présidentielle ont atteint 4,7 millions d'euros (6,3 % des ressources des candidats). Les données correspondantes pour les élections législatives de 2017 ont été de 13,4 millions d'euros, soit 17 % des ressources portées à leurs comptes de campagne par les candidats.

Des annexes aux comptes de campagne, dont seule la première fait l'objet d'une publication récapitulent, la première, les montants totaux des dons et collectes, les autres les listes des donateurs et des collectes.

Les données publiées pour la campagne présidentielle de 2017, présentées ci-dessous font apparaître une grande variabilité des situations.

Les données relatives aux dons des personnes physiques
pour la campagne présidentielle de 2017

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Elles doivent toutefois être prises avec précaution dans la mesure où, à défaut de bénéficier directement aux candidats, des dons versés au bénéfice des formations politiques les soutenant peuvent in fine leur profiter, certes non à travers des dons financiers directs des partis politiques mais via des concours apportés aux campagnes des candidats.

Pour prendre les deux candidats situés aux extrémités de l'échelle des dons de personnes physiques, on observe ainsi que M. F. Fillon qui n'a été soutenu que par deux donateurs a bénéficié d'un versement définitif des partis politiques le soutenant de 10 millions d'euros auxquels se sont ajoutés une contribution des partis politiques d'un peu plus de 4 millions d'euros. Inversement M. J-L Mélenchon qui a eu l'appui de 66 836 donateurs n'a bénéficié d'aucun versement d'un parti politique.

Les dons et les cotisations versés aux partis politiques ayant déposé leurs comptes auprès de la CNCCFP représentent une proportion structurellement minoritaire des recettes des partis politiques.

Cependant, ils leur fournissent une part importante de leurs moyens (entre 40 % et 49 % selon l'année considérée).

Des dons et cotisations soumis à un plafonnement
gelé à l'initiative du Sénat

À l'initiative du Sénat, après un avis défavorable du Gouvernement lors de la discussion du projet de loi tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats, l'article 6 de la loi n° 2017-286 du 6 mars 2017 a supprimé l'actualisation annuelle par décret des montants des dons et cotisations aux partis et groupements politiques faisant l'objet d'un plafonnement ou d'un encadrement :

- le plafond annuel de 7 500 euros de dons et cotisations ;

- le seuil de 3 000 euros en deçà duquel les reçus fiscaux délivrés ne mentionnent pas l'identité du parti ou du groupement politique bénéficiaire ;

- et le seuil de 150 euros à partir duquel ces sommes doivent être versées « soit par chèque, soit par virement, prélèvement automatique ou carte bancaire » .

Cette suppression a amplifié la logique suivie depuis l'adoption de l'article 112 de la loi de finances pour 2012 qui a décidé le gel de l'actualisation annuelle par décret de certains plafonds des dépenses électorales des candidats , jusqu'au retour à l'équilibre des comptes publics.

Ces dispositions ne concernaient pas les dons aux partis et groupement politiques, pour lesquels l'article 11-4 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique renvoyait à un décret le soin de procéder à une actualisation annuelle, qui englobe à la fois le plafond applicable par donateur et les deux seuils intermédiaires donnant lieu à des modalités particulières de versement.

En ce qui concerne les dons, les données transmises indiquent que la proportion des partis ayant déposé leurs comptes auprès de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques qui en reçoivent est compris entre 70 % et 77 %, le nombre des partis recevant des dons s'étageant au cours de la période 2012 à 2016 entre 214 et 264.

Même si, régulièrement, entre 20 % et 30 % des partis déposant leur compte ne perçoivent pas de dons, le nombre des donataires apparaît ainsi élevé.

Au demeurant, ce nombre pourrait être sous-estimé.

On doit rappeler ici que, dans un contexte marqué par l'importance du nombre des partis avec, en 2016, 493 partis politiques, seuls 365 d'entre eux (un peu moins de 75 %) ont satisfait à l'obligation de dépôt de leurs comptes auprès de la commission.

On ne sait rien des dons que les partis qui se soustraient à leur obligation peuvent recueillir.

Quoi qu'il en soit, le nombre des partis attributaires de dons a cru de 23,3 % entre 2012 et 2016, année où le nombre des partis bénéficiant de dons excédaient de 50 celui observé en 2012.

Au demeurant, l'année 2016 ressort comme fortement atypique, tant du fait du nombre de partis bénéficiaires de dons que sous l'angle du montant de ces derniers.

Le montant moyen des dons par parti, de 118 000 euros en 2012 est passé à 124 024 euros en 2015 (soit une légère croissance, de 5 % en trois ans) mais il a progressé de 24,7 % en un an, de 2015 à 2016, pour s'établir à 154 689 euros en 2016.

Elle tranche avec une situation généralement marquée par la stabilité des dons reçus dont rend compte le graphique ci-dessous, extrait du rapport de la CNCCFP pour 2016. 68 ( * )69 ( * )

Évolution des dons aux cinq partis politiques ayant les ressources
les plus importantes en 2016

Source : CNCCFP, rapport 2016

Le graphique suivant, qui concerne des partis réunissant un volume de dons structurellement plus bas confirme cette stabilité, à l'exception notable d'un parti politique mais sur des bases qui demeurent modestes (le pic de dons de 2015 se situe à 450 000 euros soit 1,5 % des dons déclarés par les partis politiques en 2015).

Évolution des dons à quelques autres partis politiques éligibles
au financement public

Source : CNCCFP, rapport 2016

L'explication de ce ressaut doit être trouvée dans la préparation des opérations électorales prévues en 2017, mais moins à partir d'une constante qui verrait les dons généralement propulsés par ces échéances qu'à travers les particularités présentées par l'année électorale en cause.

On peut certes remarquer, mais à partir de données très réduites, que le cycle électoral semble ne pas apporter systématiquement de fortes augmentations des dons aux partis politiques ; toutefois, de petits pics apparaissent pour certains partis dans les années précédant les élections générales.

La maigre hauteur de ces pics dévoile une situation assez paradoxale au vu des besoins associés aux campagnes électorales.

L'année 2016 pourrait avoir été marquée par des évolutions plus nettes du fait des événements ayant pu traverser la vie des partis politiques , que semblent illustrer, en négatif, les évolutions ayant touché les cotisations perçues par eux, inscrites en forte baisse (- 6,3 millions d'euros) de 2015 à 2016.

À cet égard, l'apparition d'une nouvelle formation politique ayant levé un montant très significatif de dons, « En Marche », qui, n'ayant perçu aucune cotisation de ses adhérents, a rassemblé près de 5 millions d'euros de dons, a été un élément moteur de l'augmentation des dons recueillis.

Le recueil de dons effectué par la formation politique en cause a contribué à elle seule à la moitié de l'augmentation des dons observée de 2015 à 2016.

En outre, le niveau élevé des dons perçus par l'Association de soutien à l'action de Nicolas Sarkozy (1 890 000 euros en 2016 contre 519 595 euros en 2015) ainsi que l'augmentation des dons recueillis par Force Républicaine (4,1 millions d'euros en 2016 contre 1,3 million d'euros en 2015) doivent être pris en compte.

Avec les dons recueillis par En Marche, l'augmentation des dons adressés à ces deux entités explique 90 % de la variation positive des dons aux formations politiques.

Enfin, une corrélation positive entre le nombre des partis ayant déposé leurs comptes et déclarant des dons et le volume des dons reçus se dégage de l'année 2016.

Si la création d'En Marche a pu susciter à elle seule une inflation des dons, d'autres nouveaux partis politiques dépositaires de leurs comptes ont sans doute contribué, plus modestement, à ce processus.

De leur côté, les cotisations versées aux partis politiques forment une part de leurs ressources structurellement supérieure à celle des dons , mais demeurent relativement modestes.

Les ressources issues des cotisations représentent, selon les années, entre 1,2 fois et près de trois fois les recettes venant des dons.

L'importance relative des cotisations des élus aux partis conduit ces derniers à contribuer majoritairement au recueil de cotisations par les formations politiques.

Selon les années, ces cotisations totalisent entre 1,1 fois et 1,3 fois les cotisations des adhérents non élus.

Les cotisations représentent toutefois une partie toujours minoritaire des ressources des groupements politiques , le sommet atteint entre 2012 et 2016 se situant à 32 % (en 2013, année marquée par les suites du rejet du compte de campagne du candidat LR à l'élection présidentielle) pour un plancher en 2016 (23 % des ressources des partis ayant déposé leurs comptes auprès de la CNCCFP).

En outre, le montant des cotisations est en baisse au cours de la période 2012-2016.

Leurs produits sont passés de 64 millions d'euros à 48,8 millions d'euros (- 15,2 millions d'euros), le repli le plus significatif concernant les cotisations versées par les élus, en retrait de près de 10 millions d'euros.

2. Substituer un crédit d'impôt à l'actuelle réduction fiscale ?

Des estimations portant sur les dons et cotisations il est difficile de tirer des enseignements entièrement précis sur les dépenses fiscales associées aux décisions individuelles des donateurs et des cotisants.

Certains dons et cotisations peuvent intervenir sans donner lieu à une réduction d'impôt, soit que le contribuable ne fasse pas valoir ses droits, soit que, non imposable, la réduction d'impôt n'ait pour lui pas de valeur concrète (ou une valeur seulement partielle), et se trouve ainsi sans contrepartie en dépense fiscale pour l'État.

Cette dernière situation appelle une observation importante.

Les conditions de l'avantage fiscal accordé aux ménages supportant des dépenses privées au titre de leur engagement politique, avantage qui est assimilable à un soutien public à l'engagement politique, induisent une inégalité entre les « citoyens- contribuables ».

Les soutiens publics qu'ils sont susceptibles de recevoir à l'occasion des financements qu'ils décident d'apporter aux formations politiques sont variables en fonction de leur situation fiscale, elle-même dépendante de leur situation de revenu.

Cette problématique, qui n'est pas propre au domaine politique, pourrait se trouver améliorée par la substitution d'un crédit d'impôt à la réduction d'impôt accordée à ce jour.

Décomposition du total des dons par niveau de revenu en France

Si le lien entre dons et niveaux de revenu est général, en ce qui concerne les dons aux partis politiques, il est particulièrement fort.

La substitution d'un crédit d'impôt à une réduction fiscale pourrait se justifier au regard des effets différenciés des deux mécanismes sur l'accompagnement public des dons et cotisations qui, avec la réduction d'impôt, est réservé aux personnes imposables. Le pluralisme politique pourrait sans doute y gagner.

C'est au demeurant un crédit d'impôt qui est prévu dans le cadre des cotisations versées au profit des syndicats. Si ce crédit d'impôt peut être critiqué au regard de la progressivité de l'avantage fiscal accordé aux cotisants, il est possible de remédier à cette imperfection.

Cependant, votre rapporteur spécial appelle à considérer en la matière la protection des personnes physiques qui pourraient se trouver influencées par des propositions de défiscalisation pouvant les conduire à surestimer leurs capacités oblatives.

Il est d'ailleurs heureux que l'information sur les appels de dons des candidats et des partis politiques ait été renforcée ces dernières années.

Dans ces conditions votre rapporteur spécial incline à réserver la voie d'une substitution du crédit d'impôt à la réduction fiscale, qu'il juge juste d'explorer, aux cotisations apportées aux partis politiques.

Ces dernières présument un engagement politique actif répondant à des motivations éclairées ce que les dons qui peuvent n'être que de simples actes financiers ne permettent pas de présumer.

V. LA COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES, POUR UNE REVUE DES MOYENS ET DES MÉTHODES

La commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), en tant qu'autorité administrative indépendante, jouit d'une large autonomie.

Son action s'inscrit toutefois dans le cadre général des principes légaux qui encadrent l'action administrative, cadre qui admet quelques spécificités dans le domaine d'intervention de la commission.

Cette dernière observation invite à faire ressortir un constat de déficit des moyens, parmi lesquels certaines prérogatives juridiques, dont elle est dotée pour assurer ses missions.

On aboutit à la vision, paradoxale, d'une autorité disposant d'une large capacité propre à organiser son fonctionnement, mais ne disposant que de moyens comptés pour assurer ses missions.

La commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, pour en être un acteur majeur, n'est pas le seul organe concourant à la mise en oeuvre de la régulation financière de la vie politique. Les juridictions, catégorie à laquelle la CNCCFP n'appartient pas, tendent à occuper un rôle souverain, au moins sur le plan de l'interprétation et de l'application des lois, qui selon les problèmes à résoudre, confortent ou limitent les interventions de la commission. D'autres entités jouent également un rôle sans qu'on éprouve toujours le sentiment d'une congruence entre des acteurs, qui, sans se contredire, ne s'épaulent guère.

La faute n'en revient pas toujours à une négligence des possibilités de coordination qu'offre la législation, mais plutôt, à des limites des facultés offertes aux différents organes de régulation que ce soit du fait du droit ou des contraintes pratiques.

Tout ceci dessine un contexte où, en dépit d'un apport très remarquable à la mission qui est la sienne, la CNCCFP pourrait gagner en performances, et ainsi, mieux concourir encore à une régulation financière de la vie politique qui doit finalement bénéficier aux acteurs de la vie politique, ceux qui s'y engagent et ceux qu'elle concerne au premier chef, les citoyens de la démocratie française.

On ne doit pas ici dissimuler que la réglementation financière de la vie politique à laquelle la CNCCFP prête un concours majeur s'est traduite au cours de son durcissement par une extension très considérable des contrôles effectués par la commission.

Il n'appartient pas à votre rapporteur spécial de juger si cette dernière est allée au-delà de l'intention du législateur et encore moins si le législateur n'a pas excédé ses propres intentions. Sur le premier point, le juge en décide lorsqu'il est saisi.

Cependant, force est de relever que la participation à la vie politique se déroule désormais dans un climat général de suspicion qui peut aboutir à dissuader l'engagement politique, pourtant nécessaire à la vitalité démocratique.

Il faut ajouter un sentiment diffus d'évoluer dans un contexte sans suffisante sécurité juridique, sentiment très naturel à ceux qui sont confrontés à des demandes qu'ils ne peuvent déduire d'un droit positif à la portée moyennement évidente, et qui leur apparaissent parfois incongrues au regard de leur habitus.

Ces problématiques doivent être pleinement prises en compte, à côté de celle des moyens confiés à la CNCCFP pour accomplir ses missions de contrôle du respect des lois.

Comme régulateur, il est souhaitable que la commission puisse pleinement contribuer à un engagement politique, si nécessaire en adoptant le plus possible une approche facilitante.

Par ce terme, votre rapporteur spécial n'entend évidemment pas souhaiter autre chose qu'un meilleur accompagnement des acteurs de la vie politique par leurs régulateurs et l'application à eux-mêmes des principes à la réalisation desquels ils concourent.

A. UNE AUTORITÉ ADMINISTRATIVE INDÉPENDANTE...À CÔTÉ D'AUTRES

1. Une autorité administrative indépendante à l'identité perfectible : personnalité et process
a) Une composition « classique » qui pourrait être complétée

La commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a été créée par la loi n° 90-55 du 15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques.

La loi du 15 janvier 1990 définissait, sans plus, la commission comme un organisme collégial.

Le Conseil constitutionnel a donc été conduit à ajouter la précision selon laquelle la commission est une « autorité administrative et non une juridiction » (décision 91-1141 du 31 juillet 1991).

De son côté, le Conseil d'État dans son rapport public de 2001 avait classé la commission dans les autorités administratives indépendantes, statut consacré par l'ordonnance n° 2003-1165 du 8 décembre 2003 (article 7) portant simplifications administratives en matière électorale. Le code électoral a repris cette qualification dans son article 52-14.

L'article L 52-14 du code électoral indique que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est une autorité administrative indépendante composée de neuf membres nommés, pour cinq ans, par décret :

- trois membres ou membres honoraires du Conseil d'État, désignés sur proposition du vice-président du Conseil d'État, après avis du bureau

- trois membres ou membres honoraires de la Cour de cassation, désignés sur proposition du premier président de la Cour de cassation, après avis du bureau ;

- trois membres ou membres honoraires de la Cour des comptes, désignés sur proposition du premier président de la Cour des comptes, après avis des présidents de chambres.

Le mandat de membre est renouvelable une fois.

Le président de la commission est nommé par décret du président de la République parmi les membres pour la durée de son mandat.

Le président de la commission exerce ses fonctions à temps plein.

En l'état, la commission ne dispose pas d'un habitus « politique » 70 ( * ) se trouvant exclusivement composée de hauts fonctionnaires et magistrats, d'une qualité incontestable mais dont les réflexes acquis peuvent, même si les membres du collège sont certainement à même de les enrichir, comporter quelques biais professionnels qui ne sont pas toujours gages de pondération des enjeux pratiques.

Or ce qui est peut-être vrai des membres du collège tend sans doute à l'être davantage encore pour les salariés de la CNCCFP, particulièrement pour ceux qu'elle emploie à titre temporaire.

Plusieurs de nos collègues ont pu confier leur sentiment d'avoir affaire à des personnes peu informées des données de la vie politique.

Si l'on peut imaginer que le collège, en sa sagesse, corrige les défauts d'appréciation qui peuvent affecter parfois les conclusions des rapporteurs, on ne peut cependant que le présumer, les délibérations n'étant pas rendues publiques.

Par ailleurs, l'on pourrait mentionner des cas où la vigilance du collège n'a pas trouvé à s'exercer suffisamment, le juge de l'élection décidant de dispenser de sanctions les candidats dont l'élection lui aura été déférée.

Dans ces conditions, il pourrait être utile sinon de compléter la composition du collège de la commission par des personnalités ayant une connaissance intime de la vie et de l'expression politique, à tout le moins, de mettre en place à côté du collège un groupe de sages offrant des possibilités de consultation permettant à la commission de compléter son information.

Cette dernière solution semble a priori préférable à votre rapporteur spécial.

b) Une armature procédurale essentiellement « prétorienne » qui mériterait d'être davantage formalisée

La commission bénéficie d'une très grande autonomie dans le respect toutefois des lois et règlements qui s'appliquent à son activité.

La question des marges qui lui sont ainsi laissées se pose.

L'action de la CNCCFP, régulateur financier d'une vie politique dont l'encadrement financier est, notamment, destiné à préserver les acteurs de la vie politique de tout lien de dépendance envers l'État, ne doit pas aboutir à instaurer une nouvelle forme de dépendance, cette fois envers la CNCCFP.

Des difficultés ont pu apparaître sous cet angle, qui ont été, en grande partie résolues.

Tel a été le cas de la définition du pouvoir de sanction de la commission. La commission longtemps ne disposait guère de marges, une fois un manquement constaté.

Cette situation posait un réel problème puisqu'à défaut de pouvoir exercer son appréciation, l'on pouvait toujours s'inquiéter de voir la commission adopter une attention plus ou moins soutenue aux manquements constatés 71 ( * ) .

Cette difficulté a été résolue, mais en partie seulement, depuis l'adoption de la loi n° 2011-412 du 14 avril 2011 en ce qui concerne les comptes de campagne des candidats 72 ( * ) et celle de la loi n° 2017-287 du 6 mars 2017 tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats. Ces deux textes ont élargi la capacité de la commission à moduler ses décisions.

L'article 9 de la dernière loi citée confère ainsi à la CNCCFP un pouvoir de modulation des sanctions qu'elle prononce et de leur durée, en cas de manquement aux obligations comptables.

Cette évolution, heureuse, doit permettre que la sanction soit davantage proportionnée à la gravité des faits : elle pourra être plus élevée pour les manquements les plus graves ou, au contraire, ne pas être prononcée en cas d'erreurs matérielles ou de retard.

La reconnaissance d'un principe de proportionnalité paraissait d'autant plus s'imposer que les prescriptions comptables appliquées aux partis politiques ont été progressivement accentuées.

Si les effets pervers d'un système trop rigide paraissent désormais écartés, il reste, qu'en l'état du droit, le pouvoir d'appréciation de la CNCCFP demeure très peu encadré par le législateur, ce qui peut être vu comme le motif de progrès à venir.

Ce constat peut être étendu à nombre des interventions de la CNCCFP. La doctrine d'action qu'elle forge, même si elle est soumise en principe à un contrôle juridictionnel, qui ne donne pas toujours raison à la commission, mériterait d'être mieux partagée avec les interlocuteurs naturels de la commission et se trouver davantage explicitée.

Il existe au demeurant quelques importants garde-fous.

En premier lieu, la procédure suivie par la commission, sans être juridictionnelle, admet la contradiction.

Cependant, le principe du contradictoire, peut-être moins formalisé auprès de la commission qu'auprès des instances juridictionnelles, mériterait également d'être rendu plus effectif pour les candidats peu fortunés qui ne peuvent envisager de recourir à un conseil pour lui donner toute sa portée et n'ont apparemment pas accès à l'aide judiciaire.

Par ailleurs, les décisions de la commission faisant grief peuvent être l'objet de recours, gracieux ou contentieux.

Pour les élections législatives et sénatoriales, le champ du recours gracieux est néanmoins étroit : seuls peuvent en faire l'objet des décisions d'approbation des comptes avec réformation, les autres décisions étant directement transmises au juge de l'élection.

Cette situation mériterait d'être révisée , même si l'on n'aperçoit guère d'autorité tierce susceptible d'intervenir alors. Néanmoins, l'erreur est toujours possible et une sorte de « second degré de délibération » ne serait peut-être pas inutile.

Dans son rapport de 2017, la CNCCFP faisait état de la réception de 50 recours gracieux suite à ses décisions relatives aux élections législatives de 2017 présentés à la date du 30 avril 2018. Elle avait alors statué sur 36 de ces recours et elle faisait état de 17 recours rejetés, 18 acceptés totalement et 1 accepté mais partiellement. Compte tenu du nombre des décisions faisant grief aux candidats (environ 2 750), le taux de recours gracieux paraît relativement faible (autour de 1,8 %). En ce qui concerne les élections sénatoriales pour lesquelles le champ du recours gracieux est plus étroit, le nombre des recours gracieux a été très faible : 2 en tout.

Outre la relative étroitesse de leurs champs (voir supra ), le faible nombre des recours gracieux peut s'expliquer par le déséquilibre entre les enjeux des contestations pouvant être portées par de telles initiatives et les espérances attachées à la réformation des décisions de la commission .

Quant aux recours contentieux, seules les décisions de la commission faisant grief peuvent être déférées, ce qui pose un problème exposé ci-dessous.

2. La coexistence entre la CNCCFP et les autres acteurs de la régulation financière de la vie politique, des relations perfectibles

La CNCCFP prend place dans ce qui a été qualifié « d'assemblage hétéroclite de dispositifs disposant de leur rationalité propre de fonctionnement » par un éminent professeur de droit public 73 ( * ) .

Cette appréciation suggère, au-delà de la pluralité des intervenants, un niveau relativement faible de coordination entre ceux-ci.

Parmi les autres acteurs il convient de mentionner, d'un côté, certaines formations ou autres autorités administratives indépendantes, de l'autre, les juridictions, mais encore certains services administratifs.

a) Le magnétisme exercé par le juge de l'élection pose une série de problèmes

En ce qui concerne les juridictions, quelques observations méritent d'être mentionnées.

En premier lieu, au-delà de la validité de ses décisions, c'est l'identité même de la CNCCFP et de ses compétences qui est sous l'autorité du juge.

À ce dernier titre, le Conseil d'État a été appelé à déterminer la nature même de son intervention 74 ( * ) .

Il a rendu une décision de grande portée par un arrêt « Association Cap sur l'avenir 13 75 ( * ) » en juin 2010 par laquelle il a précisé les limites dans lesquelles la CNCCFP, qui ne dispose pas d'un pouvoir d'approbation des comptes des partis politiques dévolu aux seuls commissaires aux comptes, peut, ce nonobstant, passer outre la certification des commissaires aux comptes, constater le non-respect des obligations comptables des partis politiques et prononcer des sanctions contre les formations politiques défaillantes.

Le Conseil d'État se basant sur le principe de sincérité qui s'impose aux comptes des partis politiques a estimé qu'une incohérence suffisamment grave et manifeste des comptes adressés à la CNCCFP constituait un manquement aux obligations légales d'un parti politique prévues à l'article 11-7 de la loi du 11 mars 1988.

Cette assimilation de l'incohérence suffisamment grave et manifeste à un manquement aux obligations des partis politiques envers les règles comptables par lesquelles ils sont tenus peut être considérée comme ouvrant au contrôle de la CNCCFP sur les comptes des partis politiques une voie d'entrée, mais dont la portée n'est pas totalement appréciable a priori .

Autrement dit, cette dernière appellera sans doute de nouvelles précisions jurisprudentielles.

La situation qui prévaut n'est guère confortable.

Il serait un peu absurde que des contrôles déclenchés par la CNCCFP après présentation des comptes des partis politiques et débouchant sur des constats d'infraction aux règles comptables appliquées en la matière et sur les sanctions subséquentes soient remis en question au motif que l'incohérence des comptes présentés par le parti après certification des commissaires aux comptes ne pouvait apparaître manifeste à la CNCCFP au moment de la présentation des comptes.

Il faut, en effet, rappeler qu'en assurant la publication des comptes des partis politiques au Journal officiel, la commission assume une responsabilité très forte et qui l'est devenue d'autant plus que les exigences comptables imposées aux partis politiques ont été considérablement, même si imparfaitement (voir infra ), renforcées.

En bref, il y a tout lieu de considérer que, sans qu'une totale consécration juridique de cet état de fait ne soit encore intervenue, la CNCCFP soit appelée à jouer un rôle de « quasi censeur » des comptes des partis politiques.

Cette perspective peut apparaître plutôt paradoxale au vu du choix effectué de ne pas placer les partis politiques sous l'autorité de la Cour des comptes, sauf dans l'hypothèse où des fraudes sont avérées.

Sans méconnaître la tendance de la CNCCFP à décalquer ses procédures de celles suivies par les magistrats financiers, il reste qu'une juridiction financière et une autorité administrative, quelqu'indépendante qu'elle soit, sont deux organismes différents par nature.

En ce qui concerne le contenu des décisions de la commission, l'existence d'un juge de l'élection tend à « magnétiser » les incidents électoraux, ceux que la CNCCFP a la charge de tamiser n'échappant pas à ce pouvoir d'attraction.

Cet effet s'exerce une première fois à travers l'effet d'éviction qu'exerce le juge de l'élection sur le juge des référés. Dans la mesure où il apparaît souhaitable d'accentuer les capacités de régulation de la CNCCFP tout au long des processus électoraux, en particulier celui de l'élection présidentielle, il conviendrait de réduire cet effet d'éviction.

Mais la polarisation engendrée par le juge de l'élection s'exerce également par une accélération des contrôles réalisés par la CNCCFP dans le cadre de certains types d'élections.

Il s'agit des cas où, l'élection étant contestée devant le juge compétent, la CNCCFP ne dispose plus du délai de six mois pour statuer sur le compte de campagne mais de seulement deux mois.

Dans ces situations contentieuses, donc a priori complexes, la CNCCFP est tenue par un délai qui peut apparaître assez contraignant (et, en tout cas, plus contraignant que le délai ordinaire qui lui est ménagé pour arrêter les comptes de campagne) dès lors, en particulier, qu'on peut présumer l'existence de difficultés plus ou moins sérieuses réclamant une élucidation des comptes de campagne.

L'abréviation du temps dont dispose alors la CNCCFP pour exercer sa mission peut s'accompagner d'une dégradation a priori des conditions d'exercice de cette dernière. En particulier, le recours aux experts rendu possible par la loi du 25 avril 2016 risque d'être sans intérêt pratique dans ce type de cas, qui accentuent, en outre, le décalage temporel entre la disposition des données comptables des partis politiques et des comptes de campagne, dont la coïncidence est une condition de l'efficacité de certains contrôles.

Il appartient alors au juge de l'élection de compléter son information, ce qui, à son tour, peut se heurter à de réelles difficultés.

En toute hypothèse, il apparaît très nécessaire de tenir pleinement compte des contraintes pouvant résulter de l'accélération du calendrier de l'examen des comptes de campagne auquel est tenue la CNCCFP, en ajustant les conditions de son contrôle.

Ce dernier doit devenir plus proactif, en particulier pour l'élection présidentielle, et la CNCCFP doit pouvoir disposer des moyens nécessaires à ses missions tout au long des opérations électorales.

Les autorités judiciaires pénales et la CNCCFP sont également en interrelations.

La CNCCFP par l'intermédiaire de son président est tenue de saisir le Parquet lorsqu'elle constate des irrégularités susceptibles d'entrer dans des qualifications pénales.

Par ailleurs, elle dispose de facultés de saisine dans un certain nombre d'hypothèses.

En ce qui concerne les suites pénales données à son contrôle des partis politiques , le Journal officiel du 15 février 2020 restitue les données suivantes contenues dans l'avis de la CNCCFP relatif à la publication générale des comptes des partis et groupements politiques au titre de l'exercice 2018 :

« À l'issue de l'instruction des comptes d'ensemble de l'exercice 2018, la commission a décidé de saisir les parquets compétents de faits concernant 85 formations politiques. S'agissant de l'instruction des comptes de l'exercice 2017, la commission avait constaté que 153 formations politiques avaient manqué à leurs obligations définies à l'article 11-7 de la loi du 11 mars 1988, au motif qu'elles n'avaient pas déposé à la commission de comptes au titre de l'exercice 2017, ou avaient déposé des comptes en dehors du délai légal, soit postérieurement au 2 juillet 2018 (le 30 juin 2018 étant un samedi), ou avaient déposé des comptes non certifiés par un ou deux commissaires aux comptes. En outre, 8 autres faits susceptibles d'être considérés comme des infractions avaient fait l'objet d'un signalement. En application de l'article 40 du code de procédure pénale, la commission a ainsi signalé ces faits concernant 161 partis ou groupements politiques au total aux procureurs de la République territorialement compétents ».

Pour les campagnes électorales , les données transmises à votre rapporteur spécial font état d'un nombre assez modeste de saisines, le pic ayant été atteint lors de l'élection présidentielle de 2017.

On rappelle que pour ces élections, les comptes des candidats ont été arrêtés sans qu'aucune contestation ne soit formulée à l'encontre des décisions prises par la CNCCFP, qui, de son côté, n'a prononcé que des réformations relativement modérées (1,98 million d'euros pour les dépenses) pour un impact de l'ensemble des décisions (les réformations mais également les deux modulations concernant les comptes de campagne de M. François Fillon et M. Emmanuel Macron) de moins de 700 000 euros.

On ne peut que constater l'existence d'une sorte de hiatus entre les décisions administratives de la CNCCFP et les suites qu'elle a apparemment réservées sur le plan pénal à ses contrôles.

Évolution du nombre des saisines du Parquet par élection depuis 2012

Type élection

Année de l'élection

Nombre de transmission

Présidentielle

2017

3

Législatives générales

2017

2

Législatives partielles

2016

1

Départementales générales

2015

3

Européennes

2014

1

Municipales partielles

2014

1

Municipales générales

2014

2

Législatives générales

2012

3

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

À cet égard, on doit également se demander si la publication du nombre des saisines pénales effectuées par la CNCCFP sans plus de précisions sur les personnes mises en cause n'instaure pas un climat que, par exemple, un « nihil obstat » délivré envers les candidats eux-mêmes pourrait apaiser 76 ( * ) .

Il existe une autre difficulté tenant aux conditions d'exercice des saisines pénales de la commission, qui paraissent entourer d'une très large capacité d'appréciation de l'opportunité des actions.

Cette situation attribue un rôle de filtre à la CNCCFP, qui peut être justiciable d'appréciations nuancées, d'autant qu'existe encore le filtre exercé par le Parquet.

Dans la réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial, il est indiqué qu'il convient de noter qu'une stricte application des dispositions de l'article L 52-14 du code électoral conduirait la commission à saisir de manière beaucoup plus importante le parquet pour une mise en oeuvre des sanctions prévues à l'article L 113-1 du même code.

L'article L 52-14 du code électoral en son dernier alinéa dispose que la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques peut demander à des officiers de police judiciaire de procéder à toute investigation qu'elle juge nécessaire pour l'exercice de sa mission.

Il ouvre donc une faculté à la commission dont l'objet diffère de celui poursuivi dans le cadre de l'article 40 du code de procédure pénale (qui, en outre, de son côté, comporte une injonction).

Les infractions visées par l'article L 113-1 du code électoral sont récapitulées ci-dessous. Il s'agit, globalement, des actions transgressant l'encadrement financier des campagnes électorales.

Article L 113-1 du code électoral
Modifié par
LOI n°2017-1339 du 15 septembre 2017 - art. 26 (V)

I. - Sera puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende tout candidat, en cas de scrutin uninominal ou binominal, ou tout candidat tête de liste, en cas de scrutin de liste, qui :

1° Aura, en vue de financer une campagne électorale, recueilli des fonds en violation de l'article L. 52-4 ;

2° Aura accepté des fonds en violation des articles L. 52-7-1 , L. 52-8 ou L. 308-1 ;

3° Aura dépassé le plafond des dépenses électorales fixé en application de l'article L. 52-11 ;

4° N'aura pas respecté les formalités d'établissement du compte de campagne prévues aux articles L. 52-12 et L. 52-13 ;

5° Aura fait état, dans le compte de campagne ou dans ses annexes, d'éléments comptables sciemment minorés.

II. - Sera puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende tout candidat, en cas de scrutin uninominal ou binominal, ou tout candidat tête de liste, en cas de scrutin de liste, qui :

1° Aura bénéficié, sur sa demande ou avec son accord exprès, d'affichages ou de publicité commerciale ne respectant pas les articles L. 51 et L. 52-1 ;

2° Aura bénéficié, sur sa demande ou avec son accord exprès, de la diffusion auprès du public d'un numéro d'appel téléphonique ou télématique gratuit.

III. - Sera puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende quiconque aura, en vue d'une campagne électorale, accordé un don ou un prêt en violation des articles L. 52-7-1 et L. 52-8.

Lorsque le donateur ou le prêteur sera une personne morale, le premier alinéa du présent III sera applicable à ses dirigeants de droit ou de fait.

IV. - Sera puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende quiconque aura, pour le compte d'un candidat, d'un binôme de candidats ou d'un candidat tête de liste, sans agir sur sa demande ou sans avoir recueilli son accord exprès, effectué une dépense de la nature de celles prévues à l'article L. 52-12.

V. - Sera puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait, pour un candidat bénéficiaire d'un prêt conclu dans les conditions prévues à l'article L. 52-7-1, de ne pas transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques le document mentionné au dernier alinéa du même article L. 52-7-1.

La commission justifie l'exercice de son pouvoir d'appréciation en considérant que « la diminution du remboursement ou la saisine du juge de l'élection (avec le risque d'inéligibilité) sont déjà des sanctions importantes ».

Enfin, il faut signaler que les suites données aux saisines de l'autorité judiciaire par la CNCCFP, qui sont conditionnelles, ne sont pas toujours connues par elle.

À titre d'exemple, l'on mentionnera l'extrait suivant de l'avis relatif aux comptes des partis politiques pour 2018 déjà cité, qui apparaît significatif :

« La commission a parfois eu connaissance par les parquets concernés des suites données. Il en ressort à la date de publication du présent avis que : - 30 de ces signalements font l'objet d'une enquête préliminaire ; - 10 ont fait l'objet d'un classement ; 2 dirigeants de formations politiques ont fait l'objet d'un rappel à la loi ».

Compte tenu du nombre des saisines indiqué supra, les retours des « parquets » apparaissent peu fréquents, ce qui peut nuire à la compréhension de son rôle par la CNCCFP.

b) La coordination avec les autres autorités chargées de la régulation de la vie politique pourrait être améliorée

La coexistence avec les autres acteurs de la régulation de la vie politique, qu'il s'agisse d'autres autorités administratives indépendantes ou de formations ad hoc (pour l'essentiel, la commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l'élection présidentielle) paraît suivre une force de relativement faible intensité.

Il en va de même en ce qui concerne des services administratifs, notamment ceux chargés de l'administration de l'impôt et des enquêtes financières.

(1) Les autres autorités administratives indépendantes

La commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l'élection présidentielle , malgré son origine modeste (un décret, du 14 mars 1964 actualisé par le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 lui-même modifié à plusieurs reprises) mérite d'être mentionnée en premier lieu.

Elle est « réactivée » à l'occasion de chaque scrutin présidentiel et doit veiller au respect de la règle d'égal accès des candidats aux facilités offertes par l'État en vue de l'élection présidentielle ; s'assurer que le matériel électoral officiel des candidats respecte les conditions prévues et, plus généralement, exercer une surveillance de différents aspects de la campagne électorale dans le but de prévenir et corriger tout agissement pouvant compromettre l'expression libre et éclairée du suffrage. Ses prérogatives sont moins décisionnaires que d'influence.

L'articulation entre les missions de la commission et celles de la CNCCFP est présentée comme passant par une association du président de la CNCCFP aux travaux de la commission, un décret du 8 mars 2015 prévoyant, au demeurant, que la commission transmet d'office à la CNCCFP toute irrégularité portée à sa connaissance et susceptible d'affecter les comptes de campagne des candidats.

Le dernier rapport de la commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l'élection présidentielle développe des analyses portant notamment sur la sécurité numérique de la campagne 77 ( * ) . En revanche, le rapport ne comporte pas d'analyses particulières aux conditions de financement de la campagne électorale non plus que d'informations, allant plus loin que le rappel du décret précité, sur d'éventuels signalements adressés à la CNCCFP.

De son côté, cette dernière n'a pas communiqué à votre rapporteur spécial d'indications spécifiques sur ce point.

Sans doute faut-il imaginer que les « divers signalements effectués par des tiers visant le financement des campagnes électorales » mentionnés en réponse à l'une des questions de votre rapporteur spécial englobent les signalements de la commission nationale.

Votre rapporteur spécial en conçoit l'impression que, malgré toute l'étroitesse des relations existant entre la commission nationale et la CNCCFP, la première n'est pas tout à fait en mesure de couvrir les besoins d'une information systématique des conditions et implications financières du déroulement de la campagne des candidats à l'élection présidentielle. Au demeurant, elle dispose d'un nombre relativement limité de rapporteurs (dix rapporteurs y compris le rapporteur général en métropole et sept rapporteurs délégués outre-mer).

Sur la Haute autorité pour la transparence de la vie politique (HATVP), il est difficile à votre rapporteur spécial de se prononcer, la demande d'audition qu'il a formulée ayant été déclinée. C'est évidemment regrettable même si la relative jeunesse de l'institution (créée par la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013) peut expliquer un apprentissage encore en cours. Au demeurant, aucune mesure ne semble prévue pour articuler les deux instances.

Il conviendrait de peser cette situation afin de combler les « manques » éventuels qu'elle semble de nature à engendrer.

On mentionnera, enfin, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) 78 ( * ) . Ce dernier a développé une doctrine des exigences du pluralisme politique nuancée, entre équité et égalité, selon la temporalité propre aux campagnes électorales, avec une réserve en faveur de la communication gouvernementale.

Le CSA n'intervient que s'agissant des chaînes de télévision publiques ou concédées, les cahiers des charges prévoyant alors des obligations au titre du pluralisme 79 ( * ) .

Il n'intervient donc que sur une fraction des moyens d'expression publique de masse, la plus visible.

C'est sans doute la raison pour laquelle les relations entre la CNCCFP et le CSA semblent réduites à peu de choses , une seule saisine de la CNCCFP ayant été mentionnée lors de l'audition des responsables du CSA 80 ( * ) .

Il est peu douteux que la multiplication des canaux de transmission de la propagande électorale décentralisés au point de pouvoir être localisés dans des zones non régulées constitue une modification structurelle des conditions de l'expression et de l'influence politique.

Elle ouvre un espace qui, à ce jour, est à peu près totalement sans régulation spécifique et dont la régulation dans les termes du droit actuel peut être rendue très ineffective.

(2) Les services administratifs d'administration de l'impôt et de la conformité financière

Dans le dispositif de lutte contre le blanchiment le service d'enquête Tracfin joue un rôle a priori très important, qu'il n'est pas nécessaire de développer dans le cadre du présent rapport.

Le devoir de signalement à Tracfin des soupçons nés de certaines observations effectuées par une liste de professionnels s'applique avec une certaine rigueur pour les personnes dites politiquement exposées (PPE).

En application de l'article 18 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, « le président de la CNCCFP a l'obligation de déclarer au service mentionné à l'article L 561-23 du code monétaire et financier, dès qu'il en a connaissance, les faits dont il soupçonne qu'ils sont en relation avec une infraction à la législation fiscale ». Dans ce cadre, le président de la CNCCFP doit donc (article L 561-27 du code monétaire et financier) adresser à Tracfin des déclarations de soupçon 81 ( * ) .

C'est également le cas des professions financières et des professions du droit, parmi lesquelles celle des experts comptables et des commissaires aux comptes, qui interviennent à divers titres dans le champ financier de la vie politique.

Les déclarations de soupçon concernant des personnes politiquement exposées, qu'elles soient de nationalité française ou non, sont en nombre non négligeable (783 en 2018).

La plupart sont issues des professionnels de la finance (85,4 %). Les professions du droit (ou autres) sont nettement moins « déclarantes » (14,6 %).

Parmi ceux-ci, si les experts comptables ont pu présenter 4 déclarations de soupçon à Tracfin, les commissaires aux comptes n'en ont adressé aucune qui puisse concerner les PPE.

Il est difficile d'attribuer des explications totalement satisfaisantes au déséquilibre entre les déclarations des professions financières et celles des autres déclarants.

Le nombre des opérations est certainement en cause mais il est possible que d'autres facteurs doivent être pris en considération.

En ce qui concerne les signalements effectués par la CNCCFP à Tracfin on relève leur faible nombre également : 2 informations en 2015, 1 par an pour les années de 2016 à 2019 (soit un total de 6 au cours de la période).

Cette situation peut s'expliquer par la faible occurrence des problèmes identifiés par la CNCCFP et susceptibles de faire l'objet d'un signalement auprès de Tracfin.

Bilan des déclarations de soupçon adressées à Tracfin
concernant ou non les personnes politiquement exposées en 2018

Professions

Déclarations de soupçon

Nombre de PPE signalées

Banques, établissements de crédits (total)

50 756

437

Etablissements de paiement

12 073

25

Etablissement de monnaie électronique

507

1

Changeurs manuels

1 379

137

Compagnies d'assurance

5 409

54

Mutuelle et institutions de prévoyance

346

Intermédiaires en assurances

108

3

Instituts d'émission

331

6

Entreprises d'investissements

90

2

Conseillers en investissement financier

56

2

Intermédiaire en financement participatif

72

Sociétés de gestion de portefeuille

91

Participants système de réglements

Professionnel des monnaies virtuelles

20

2

Intermédiaire en opérations de Banque

120

Conseiller en investissements participatifs

1

CRF - Crossboarder

246

Professions financières

71 605

669

Notaires

1 474

72

Avocats

1

Huissiers

121

Administrateurs de justice et mandataires judiciaires

862

9

Experts-comptables

466

4

Commissaires aux comptes

124

Marchand de biens précieux, d'arts, grande valeur

16

Commissaires priseurs, sociétés de vente

40

1

Sociétés de domiciliation

22

Professionnels de l'immobilier

274

19

Casinos

949

7

Cercles, jeux de hasard, pronostics sportifs ou hippiques

263

2

Opérateurs de jeux en ligne*

99

Agents sportifs

-

Professions non financières

4 711

114

Total

76 316

783

Source : Tracfin

Par comparaison, l'intérêt de Tracfin pour les informations que peut détenir la CNCCFP est un peu plus fort, sans toutefois, atteindre un haut niveau.

Demandes de renseignement adressées par Tracfin
à la CNCCFP

Source : Tracfin

Quant aux relations entre l'administration fiscale et la CNCCFP, hormis les cas où sont en jeu les réductions fiscales accordées aux personnes assujetties à l'impôt sur le revenu (voir supra ), elles doivent être a priori modestes puisqu'aucun texte n'en prévoit l'organisation 82 ( * ) .

3. La question des rapports entre la CNCCFP et les professions comptables

Les missions exercées par les experts comptables (pour les élections) et par les commissaires aux comptes (pour les partis politiques) 83 ( * ) sont essentielles pour assurer l'effectivité des réglementations financières de la vie politique.

Les rapports entre la CNCCFP et ces professions semblent assez nourris. La compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) relaie auprès de la profession les exigences auxquelles sont soumis ses membres dans l'exercice de leurs missions auprès des formations politiques. La CNCC a contribué à l'élaboration du règlement comptable adopté en 2018.

En outre, elle diffuse des avis sur la réglementation financière propre au domaine. Par exemple, elle a publié un avis technique de près de quarante pages sur les conditions de l'exercice des missions des commissaires aux comptes auprès des partis politiques.

Néanmoins, le cadre des relations entre les commissaires aux comptes et la CNCCFP n'est pas entièrement satisfaisant. S'il faut se féliciter que l'article 35 de la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 ait pu tout récemment délier les commissaires aux comptes de leur secret professionnel envers la CNCCFP, l'on pourrait prévoir de compléter cette mesure par l'instauration d'une obligation de signalement à la CNCCFP des éventuelles non conformités à la législation propres aux formations politiques relevées par ces derniers dans le cadre de leurs mandats.

Des dispositions analogues pourraient être envisagées en ce qui concerne les experts comptables.

Enfin, les relations entre le Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C) et la CNCCFP pourraient être mieux formalisées. Actuellement, la CNCCFP n'est pas mentionnée parmi les autorités administratives admises à saisir le H3C. Cela n'a pas empêché que des relations s'instaurent sur une base officieuse. Elles ont pu aboutir à la formulation de recommandations par le H3C, dont celle qui a engendré l'avis technique de la CNCC plus haut mentionné.

Il faut ajouter qu'en pratique la CNCCFP peut mentionner auprès du H3C des faits relatifs à l'exercice des missions des commissaires aux comptes le H3C ayant seul la responsabilité d'instruire les éventuels manquements aux conditions d'exercice des missions professionnels des commissaires aux comptes.

Ces communications mériteraient d'être formalisées comme la possibilité d'échanges à destination de la CNCCFP.

B. DES MOYENS DE SUIVI INSUFFISANTS

Il est très généralement exigé dans le droit international que les organes de régulation disposent de suffisamment d'indépendance et de moyens d'accomplir leurs missions. Le premier point, examiné supra, n'est pas en cause ; en revanche, la question des moyens est très clairement posée.

Elle commence par celle des moyens matériels dont dispose la commission pour ses missions.

On fait parfois valoir dans certains domaines que le contrôle, pour susciter des coûts, fait naître des retours tels que le rendement du contrôle se trouve positif. En ce qui concerne la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, cet argument semble privé de force 84 ( * ) . Les économies de dépenses publiques engendrées par le contrôle sont inférieures aux coûts qu'il implique. Cela se vérifie pour les interventions de la commission au regard des partis politiques et, même, dans la plupart des cas, s'agissant des dépenses électorales.

Votre rapporteur spécial n'en tire nullement la conclusion que le contrôle de la CNCCFP serait affecté en soi d'un vice constitutif. La confiance dans la vie politique, le respect des règles du jeu politique sont des « biens publics », sans valeur monétaire évidente, mais dont la production est certainement plus précieuse que celle de bien d'autres.

Il constate bien plutôt que les moyens de la CNCCFP demeurent trop comptés au regard des objectifs qu'elle doit poursuivre.

Mais il faut également tenir compte d'une autre dimension, celle de l'adéquation entre les méthodes de la CNCCFP et le sens profond de ses missions. À cet égard, on incline à recommander que d'une approche déterminée par un examen comptable dans l'après-coup, la CNCCFP passe à une démarche plus proactive. Quant aux initiatives tendant à accentuer la sélectivité des contrôles de la CNCCFP, elles devraient être envisagées, mais plutôt à travers un ensemble de critères tenant aux conditions de financement des campagnes électorales qu'à travers des critères de résultats électoraux.

1. Une activité soumise à des fluctuations conjoncturelles mais suivant un alourdissement tendanciel

Le cycle électoral dicte largement le volume d'activité de la commission.

Toutefois, une tendance très nette à l'accroissement des charges associées aux missions de la CNCCFP est notable.

D'un point de vue qualitatif, la multiplication des lois et règlements relatifs à la régulation financière de la vie politique (élections et structuration des partis et groupements politiques) si elle n'a pas systématiquement impliqué la commission, l'a doté de davantage de responsabilités. Il faut également tenir compte d'un contexte, celui d'un monde contemporain qui pose de nouveaux problèmes aux régulateurs de la vie politique, comme c'est le cas pour d'autres entités vouées à assurer l'autorité des lois.

Les indices quantifiables s'ils n'épuisent pas en totalité la mesure de l'accroissement des charges sont sans trop d'ambiguïtés.

Le nombre des comptes associés à chaque scrutin et les volumes financiers correspondants (en recettes comme en dépenses) supposent des charges massives.

Il en va de même en ce qui concerne les comptes des partis politiques, dont le nombre, on l'a relevé plus haut, ne cesse de croître.

Aperçu sur le plan de charge de la CNCCFP au titre des élections par année
entre 2011 et 2017

Nombre des candidats astreints au dépôt

Recettes déclarées

Dépenses déclarées

Décisions

Recettes+ dépenses/ décisions

2011

Cantonales

7 047

39 869,40

38 493,90

6 903

11,352

sous-total

7 047

39 869,40

38 493,90

6 903

11,352

2012

Présidentielle

10

75 091,80

74 158,30

10

14 925,01

Législatives

4 382

82 084,10

79 743,40

4 251

38,068

sous-total

4 392

157 175,90

153 901,70

4 261

73,006

2013

sous-total

0

0

0

0

0

2014

Municipales

4 748

105 590,10

102 416,20

4 644

44,790

Européennes

105

27 469,30

26 716,80

105

516,058

Sénatoriales

499

3 406,80

3 245,60

488

13,632

sous-total

5 352

136 466,20

132 378,60

5 237

51,336

2015

Départementales

9 074

66 433,60

64 665,80

8 907

14,719

Régionales

158

47 719

47 040,60

156

607,433

sous-total

9 232

114 152,60

111 706,40

9 063

24,921

2016

sous-total

0

0

0

0

0

2017

Présidentielle

11

74 895,30

74 116,20

11

13 546,50

Législatives

5 612

78 758,70

74 782,10

5 368

28,603

Sénatoriales

391

3 357,80

3 154,40

363

17,940

sous-total

6 014

157 011,80

152 052,70

5 742

53,825

Total

32 037

604 675,90

588 533,30

31 206

38,237

Source : commission des finances du Sénat

2. Un budget en hausse mais un déficit de dotations, structurellement sous - consommées

La voie des pis-aller révoquée, force est de se fixer un objectif de cohérence entre les moyens de la CNCCFP et ses missions.

Le budget ouvert à la CNCCFP a progressé de 51 % entre 2012 et 2019, l'année 2020 accentuant cette augmentation du fait d'une augmentation de 30 % des crédits de paiement largement impulsée par la multiplication par 2,6 des autorisations d'engagement.

Évolution du budget de la CNCCFP entre 2012 et 2020

(crédits ouverts en loi de finances initiale en milliers d'euros )

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Total

2012

3 968

5 215

9 183

2013

3 965

4 850

8 815

2014

4 896

6 051

10 947

2015

5 890

6 745

12 635

2016

4 745

5 900

10 645

2017

9 650

7 050

16 700

2018

6 588

7 688

14 276

2019

6 384

7 484

13 868

2020

16 864

9 755

26 619

2019/2012

1,608870968

1,435091083

1,51018186

2020/2012

4,25

1,870565676

2,89872591

Source : commission des finances du Sénat

L'essentiel de la dynamique du budget a tenu aux dépenses non liées aux dépenses de personnel.

Cependant, les dotations ouvertes en lois de finances initiales sont systématiquement sous-consommées.

Écart entre la programmation budgétaire et la consommation des crédits

(en milliers d'euros)

Autorisations d'engagement

Consommation effective

Écart

Crédits de paiement

Consommation effective

Écart

2012

3 968

3 351

- 617

5 215

4 645

- 570

2013

3 965

3 369

- 596

4 850

4 517

- 333

2014

4 896

4 162

- 734

6 051

5 310

- 741

2015

5 890

5 489

- 401

6 745

6 658

- 87

2016

4 745

4 335

- 410

5 900

5 381

- 519

2017

9 650

7 868

- 1 782

7 050

5 958

- 1 092

2018

6 588

4 916

- 1 672

7 688

5 730

-1 958

2019

6 384

ND

ND

7 484

ND

ND

2020

16 864

ND

ND

9 755

ND

ND

Source : commission des finances du Sénat

La nette dégradation du taux de consommation des autorisations d'engagement relevée ces dernières années est attribuée au report des projets liés à la dématérialisation des procédures mises en oeuvre par la commission.

Ce constat n'épuise pas le problème. Le report en question semble lui-même avoir été l'effet d'une incapacité de la commission à faire face à son plan de charge ordinaire en même temps qu'à la conduite de ce projet. En bref, la programmation des moyens de la commission n'a pas su anticiper les besoins.

En outre, l'exécution des autorisations de dépenses a vu se superposer des mesures de régulation (gels, surgels et finalement annulations de crédits) d'un niveau très significatif dès lors que ces mouvements de crédits ont principalement porté sur les crédits hors titre 2 (pour lesquels la réserve de précaution est appliquée moyennant un taux réduit).

L'analyse des dotations budgétaires ouvertes chaque année à la commission appelle des précautions dans la mesure où les crédits ouverts sont élastiques, même si c'est faiblement, au calendrier électoral.

En outre, des investissements, dans les systèmes d'information notamment, peuvent occasionner des évolutions très conjoncturelles.

La structure des dépenses en 2020 en témoigne avec des dotations élevées au titre des projets tendant à assurer la dématérialisation d'un certain nombre d'informations transmises et émises par la CNCCFP.

Structure des crédits demandés au titre de la CNCCFP

(projet de loi de finances pour 2020)

Source : projet annuel de performances pour 2020

Les dépenses de personnel mobilisent une part toujours importante des crédits. Elles subissent des variations mais relativement modestes au regard des évolutions des plans de charge de la CNCCFP (voir ci-dessous).

Les autres dépenses hormis celles liées à l'implantation immobilière de la commission sont essentiellement consacrées aux systèmes de données. La politique de sécurité des systèmes d'information occupe une place importante dans ce cadre.

En revanche, le renforcement des systèmes de traitement des données n'a pas fait l'objet de l'attention qu'il aurait fallu lui consacrer ces dernières années.

Quant aux moyens disponibles pour assurer les conditions matérielles effectives des missions élargies de la commission (déplacements, recours à des experts...), ils restent globalement « impalpables ».

3. Des ressources humaines globalement « précaires »

Depuis 2013 les emplois ouverts à la CNCCFP ont nettement progressé.

De 41 emplois autorisés en 2013, année de forte sous-consommation des emplois (34 seulement avaient alors été mobilisés) et 43 emplois ouverts en 2014 (pour une consommation intégrale), les ETPT rendus disponibles sont passés à 51 en 2019 et même 58 en prévision pour 2020.

Évolution des emplois de la CNCCFP entre 2015 et 2019

En ETPT

2015

2016

2017

2018

2019 ( prév )

Emplois autorisés

47

44

51

51

51

Emplois mobilisés

47

43

50

48

50,95

Source : réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial ; projet de loi de finances pour 2020

Par rapport à 2013, le nombre des emplois aura ainsi gagné 17 unités en 2020 (+ 41,6 % et même + 75,5 % si l'on se réfère aux emplois réellement mobilisés en 2013).

L'activité de la commission étant fortement marquée par le cycle électoral, l'année 2013, année sans élection majeure, n'est pas une base de comparaison pleinement satisfaisante si l'on souhaite apprécier les conditions dans lesquelles les missions supplémentaires de la CNCCFP ont été accompagnées par des moyens nouveaux.

Si l'on compare les deux années de forte intensité électorale 2012 et 2017 (élection présidentielle et élections législatives), on observe que les emplois mobilisés ont augmenté de 10,4 ETPT, soit + 26,6 %.

Cette augmentation des emplois s'est inscrite dans un contexte marqué par un volume de charge de la mission (hors nouvelles dispositions de régulation) marqué par une réelle augmentation:

- un nombre de candidats à l'élection présidentielle supérieur de une unité par rapport à 2012 (11 candidats contre 10), les candidats ayant dépassant 5 % des suffrages et pouvant ainsi prétendre au remboursement de leurs frais de campagne étant stable (5 dans les deux scrutins) mais avec une augmentation significative de leurs dépenses (13,18 millions d'euros contre 8,55 millions d'euros en 2012, soit + 61 %) ;

- un nombre de candidats aux élections législatives en forte croissance (7 877 candidats contre 6 603 en 2012) avec un nombre de comptes de campagne devant être déposés à la commission également en forte hausse (5 387 contre 4 832 en 201285 ( * )), soit un net alourdissement du volume des comptes à examiner (+ 11,5 %).

Dans ces conditions, force est de reconnaître qu'une partie significative des créations d'emplois ne peut être attribuée à un renforcement « qualitatif » des moyens d'action de la commission alors même que les besoins ont été accrus par les différents dispositifs passés sous revue.

La question de l'adéquation entre les effectifs de la CNCCFP et ses missions se pose donc d'un point de vue strictement quantitatif.

Plus qualitativement, votre rapporteur spécial a pris connaissance des efforts entrepris par la CNCCFP pour construire des ressources humaines présentant une aptitude professionnelle éprouvée.

Elle semble recourir aux services de personnes aux deux extrémités des âges (étudiants et retraités). Elle indique leur assurer une formation et avoir pris des dispositions pour les entourer d'une espèce de tutorat. Elle mobilise la faculté d'embaucher des contractuels mais aussi des collaborateurs occasionnels du service public dont les conditions de rémunération sont assises sur le paiement de vacations. Ces dernières ont été revalorisées récemment, mais elles paraissent ne pas se distinguer par leur attractivité (en comparaison d'autres situations).

Votre rapporteur spécial ne peut manquer de mentionner quelques éléments qui, sans conduire à un quelconque diagnostic d'insuffisante qualité des interventions des rapporteurs de la commission, devraient être, peut-être, plus systématiquement pris en compte. Sans revenir sur les questions de déontologie, pourtant très significatives, qu'ont pu poser certains comportements (ils mériteraient une analyse en soi), un sentiment diffus de décalage entre les actes d'instruction de certains dossiers et leur significativité a pu se répandre chez de nombreux « usagers » de la commission 86 ( * ) .

Pour obvier à ce qui pourrait constituer un germe d'affaiblissement de la confiance des assujettis, il est sans doute nécessaire que la commission accentue ses efforts de professionnalisation de ses agents mais également de ses procédures.

Les constats de votre rapporteur spécial rejoignent le consensus selon lequel les moyens de la CNCCFP sont globalement insuffisants pour que cette dernière puisse assurer toutes ses missions, même dans le cadre, certes élargi par les missions nouvelles que recèlent les renforcements de la régulation, mais qui est jusqu'à présent resté traditionnel au regard des conditions d'exercice d'une mission polarisée sur l'analyse comptable.

4. Des voies de mutualisation à explorer mais des perspectives limitées

Traditionnellement, et plus encore depuis l'adoption de la loi n° 2017-55 sur les autorités administratives indépendantes, la CNCCFP évoque dans ses rapports l'exploration à laquelle elle se livre de voies de réductions des coûts de son fonctionnement.

Si les perspectives de la démarche ne sont pas nulles, force est de constater qu'elles demeurent limitées. La CNCCFP peut recevoir un appui du ministère de l'intérieur mais sous certaines réserves évidentes. Elle n'est pas partie à l'oekoumène des autorités administratives indépendantes placées auprès des services du Premier ministre, qui peuvent mobiliser certaines économies d'échelle.

La question de la fusion de la CNCCFP et de la HATVP ayant pu être évoquée, votre rapporteur spécial, sans y être totalement hostile, s'interroge sur le bilan coûts-avantages d'une telle perspective. Les missions de l'une et de l'autre autorité, pour justifier que des relations plus étroites entre elles, sont marquées par des singularités qui laissent peu d'espace a priori à des synergies fonctionnelles.

En outre, les inconvénients opérationnels d'une agrégation de missions disparates doivent être pesés en les comparant aux bénéfices d'une meilleure coopération entre des organes égaux mais séparés.

5. Pour une CNCCFP plus proactive et plus sélective ?

En se bornant à la problématique de l'activité de régulation des campagnes électorales, force est de constater que la polarisation de l'activité du régulateur par le dépôt des comptes de campagne (même si elle est mitigée par un dialogue avec les candidats au long de la campagne, qu'il conviendrait de sécuriser ; voir infra ) tend à éloigner le régulateur des faits de campagne et peut lui donner un « temps de retard » dans son oeuvre de régulation.

En ce qui concerne la campagne pour l'élection présidentielle, qui fait déjà l'objet d'un suivi rapproché de la part de la commission nationale évoquée ci-dessus, il conviendrait que la CNCCFP puisse désigner un ou deux délégués auprès de chaque candidature habilités à se faire présenter des comptes provisoires sur la base d'une fréquence régulière. Un tel agencement pourrait être étendu à certains scrutins particulièrement emblématiques

C'est déjà aborder la question de la sélectivité de la régulation. En l'état, le contrôle de la commission est présenté comme s'inspirant d'une démarche exhaustive conforme à une inspiration strictement égalitaire. Cette démarche est présentée comme dépassant la seule question du contrôle de l'emploi des deniers publics, qui n'est, en effet, qu'une composante de la politique publique mise en oeuvre, à côté de celle de l'égalité des candidats.

Votre rapporteur spécial s'interroge sur la portée pratique qu'il est possible de donner à ce principe, par ailleurs légitime, au vu des moyens de la CNCCFP.

Les ressources dont dispose la CNCCFP pour combiner exhaustivité des contrôles et profondeur de ceux-ci ne paraissent pas garantir l'effectivité de cette combinaison.

Dans ce contexte, on peut songer à effectuer un tri en amont des zones de contrôle de la commission. Ce type de démarches, pour ne pas devoir être systématiquement écarté, peut exercer des effets ambivalents compte tenu de l'imbrication des relations financières entre les acteurs de la vie politique. Il est également susceptible de se révéler non-neutre quant aux équilibres des compétitions électorales. Dans un contexte général de fortes contraintes, la dérégulation peut aboutir à la multiplication d'intervenants qui finissent par exercer des effets systémiques.

Il faut ainsi rester très circonspect devant les initiatives visant à alléger les exigences communes au profit de certaines structures, qui peuvent être réputées, à tort, présenter peu d'enjeux.

Ce peut être tout particulièrement le cas si l'on s'attache à un critère de performance électorale sans référence aux moyens financiers mis en oeuvre.

Néanmoins, pour un certain nombre d'élections, essentiellement territoriales, il pourrait être envisagé de permettre à des candidats engageant un niveau de dépenses inférieur à un seuil fixé par référence à une approche d'investissement différentiel de faire jouer une option de renoncement au financement public et ainsi de mettre en oeuvre une exemption plus ou moins complète 87 ( * ) des contrôles.

C. LA CNCCFP ET SON ENVIRONNEMENT : POUR UN RENFORCEMENT DE « L'ESPRIT DE FACILITATION » AU SERVICE DES ASSUJETTIS ET DES CITOYENS

Les missions de la CNCCFP la conduisent à exercer un rôle de défense de l'intérêt général qui trouve des prolongements très concrets pour son environnement, qu'il s'agisse des assujettis ou de l'opinion publique.

Cette dimension des missions de la CNCCFP n'a pas été ignorée par celle-ci.

Toutefois, les dispositions prises pour ajouter au caractère « répressif » de l'action de la commission un aspect plus marqué par une préoccupation de service rendu à son environnement pourraient être renforcées.

1. Les décisions de la CNCCFP sur les comptes de campagne ne sont contestables que moyennant des voies conjecturales

Les décisions de la CNCCFP sur les comptes de campagne d'un candidat peuvent être contestées par le candidat lui-même, à l'exclusion de toute autre personne. En particulier, un candidat concurrent ne peut contester les décisions rendues par la CNCCFP.

Cette situation peut engendrer des frustrations que les candidats concurrents peuvent tenter de surmonter en saisissant le juge de l'élection.

Dans ces conditions, les recours formés devant le juge de l'élection peuvent être l'occasion d'un quasi-contrôle juridictionnel sur les décisions de la CNCCFP à la disposition des personnes admises à agir.

Le juge de l'élection les définit assez largement puisqu'il s'agit des personnes susceptibles de participer au suffrage.

Il existe ainsi une voie de recours citoyen sur les décisions de la CNCCFP dont il faut garder à l'esprit qu'elles conditionnent notamment l'accès au remboursement forfaitaire sur crédits publics.

Toutefois, le recours au juge de l'élection n'est pas équivalent à la voie de droit qui consisterait à contester directement les décisions de la CNCCFP quel que soit leur sens.

Le recours au juge de l'élection ne peut pas aboutir à une contestation par un tiers des décisions de la CNCCFP concernant un candidat battu.

En outre, malgré la prise en compte de plus en plus forte des réglementations financières applicables à la vie politique, le juge de l'élection peut avoir tendance à se focaliser davantage sur les enjeux principaux auxquels il doit répondre (le sort de l'élection, le statut du candidat au regard de l'éligibilité) qu'à des enjeux strictement financiers.

Ces derniers du reste sont susceptibles de lui opposer les mêmes difficultés substantielles que celles que rencontre la CNCCFP 88 ( * ) .

2. La CNCCFP est de plus en plus soumise à une transparence à laquelle elle se prête généralement mais des évolutions supplémentaires doivent être envisagées
a) L'accompagnement des candidats aux élections

La CNCCFP a pris l'heureuse habitude de diffuser auprès des candidats aux élections des guides rappelant, avec un certain détail, les règles qui leur sont prescrites.

Il s'agit en somme de quasi-circulaires qui présentent une réelle utilité. Par ailleurs, la CNCCFP indique mettre à la disposition des candidats un service d'expertise auprès duquel ils peuvent obtenir des éclaircissements sur tel ou tel point de la réglementation.

Il conviendrait de renforcer ces procédures.

Si les guides présentent une utilité réelle ils ne peuvent épuiser la casuistique, au demeurant mouvante, des situations que peuvent rencontrer des candidats, desquels, au demeurant, on ne peut pas demander une connaissance parfaite des déclinaisons ponctuelles d'une réglementation foisonnante et qui voit, du reste, s'instaurer parfois des conflits d'interprétation entre la CNCCFP et les juges de l'élection.

Une professionnalisation des conseils émanant des services de la CNCCFP s'impose.

En outre, alors qu'à ce jour les informations sollicitées par les candidats ne lient pas le collège de la CNCCFP, il pourrait être utile de progresser vers l'instauration d'un système de rescrits.

Même s'il peut présenter quelques lourdeurs, il pourrait être envisagé de l'instaurer sur une base au besoin modulée selon les enjeux des problèmes rencontrés par les candidats pour la compétition électorale et la conformité des comptes.

On ne doit pas cacher que la question de son opposabilité devant le juge de l'élection devrait alors être tranchée.

b) L'accompagnement des formations politiques

Les conseils comptables des formations politiques sont naturellement les commissaires aux comptes. La CNCCFP n'intervient qu'une fois les formalités de dépôt des comptes censées avoir été satisfaites.

Si jusqu'à présent, ce cadre d'action qui s'est accompagné d'un « dialogue » entre la CNCC et la CNCCFP, a pu être considéré comme satisfaisant, l'approfondissement des obligations comptables des partis politiques, au demeurant consolidées par la nature réglementaire des normes comptables applicables, pourrait conduire à susciter des demandes plus nourries de clarifications.

Elles pourraient se trouver comblées par une intensification des échanges entre la CNCC et la CNCCFP ou encore, par un accès plus direct des commissaires aux comptes des formations politiques à la CNCCFP.

c) La publicité des délibérations de la CNCCFP

La commission dispose d'un pouvoir d'appréciation plus ou moins étendu selon les problématiques rencontrées. Il n'est pas question ici de le déplorer puisqu'aussi bien l'entière détermination de ses décisions pourrait aboutir à des situations très peu souhaitables.

On l'a évoqué en mentionnant la modulation ouverte à la commission dans le cadre des suites données à ces contrôles.

Il s'agit certainement d'une avancée mais qui n'est pas sans limites et qui mériterait d'être complétée par d'autres initiatives qui pourraient concerner d'autres aspects de la doctrine mise en oeuvre par la commission dès les stades amont au cours desquels elle arrête les comptes de campagne et s'inscrit dans le processus qui finit par la publication des comptes des formations politiques.

Des progrès de transparence semblent cependant devoir être accomplis. Si aucun élément objectif ne permet de prétendre que le processus décisionnaire de la commission soit biaisé, et encore moins vicié par des intentions quelconques, il reste que le nombre considérable des comptes à examiner, et les conditions difficiles de cet examen, peuvent aboutir à des variabilités.

Une publication des délibérations de la commission pourrait constituer un élément de progrès, parmi d'autres déjà évoqués. Elle pourrait contribuer à fournir un étai durable à l'exigence d'harmonie des décisions, en particulier pour les décisions les plus lourdes d'enjeux (par exemple, les décisions de rejet des comptes de campagne ou de fortes modulations).

Cette publication ne devrait pas poser de problèmes juridiques excessifs dès lors qu'une anonymisation systématique assure la protection des personnes en cause. Le Conseil d'Etat dans une décision n° 382083 du 27 mars 2015 a confirmé une décision d'un tribunal administratif contestée par la CNCCFP lui enjoignant de faciliter la consultation d'une procédure contradictoire portant sur un compte de campagne.

d) Les saisines du juge de l'élection par la CNCCFP

La CNCCFP doit saisir le juge de l'élection dans un certain nombre de cas, cette obligation tendant à conférer à certaines de ses décisions, sans suites judiciaires appréciables, des conséquences pratiques lourdes pour des candidats tenus de se défendre devant les juridictions.

Il convient de vérifier que dans ces situations les personnes déférées puissent bénéficier de toutes les protections de la loi.

En particulier, les frais exposés pour leur défense doivent pouvoir être assumés, en tout ou partie, par l'État.

En plus de cette recommandation, il serait justifié d'explorer les voies de la définition d'un « de minimis » autour de la reconnaissance de l'absence d'enjeux présentés par certaines irrégularités. Ce « de minimis », qui pourrait être sécurisé par le recours à un système de présomptions, les unes irréfragables, les autres simples, et qui, sans doute, est déjà mis en oeuvre par la commission (voir supra ), pourrait gagner à être mieux formalisé. Il appelle l'intervention du législateur.

e) Le raccourcissement des délais mobilisés par la commission pour accomplir ses missions

L'activité de la commission relativement aux comptes de campagne est enfermée dans des délais (variables ainsi qu'on l'a relevé plus haut). Ce n'est pas le cas pour la mission de publication des comptes des partis politiques.

Il est évident qu'un objectif de rapidité doit être poursuivi. Il recèle différents enjeux, dont certains sont liés au contrôle, d'autres à l'information citoyenne 89 ( * ) , d'autres encore à la répartition de l'aide publique aux partis politiques 90 ( * ) .

On doit également observer que, du fait des dispositions législatives adoptées en 2017, la CNCCFP n'assure plus la publication sommaire des comptes mais la publication des comptes tels que déposés.

On peut considérer que la publication des comptes des partis politiques relatifs à l'année 2018, qui n'est intervenue qu'en février 2020, est trop tardive.

On doit relever pour s'en féliciter que, s'agissant des comptes de campagne, des obligations formelles de publication soient intervenues pour en faciliter la « lecture » ouverte.

Cependant, l'objectif de célérité doit être concilié avec le maintien de la qualité des missions exercées par la CNCCFP. L'on a indiqué que tel n'était pas nécessairement le cas actuellement.

L'ensemble de ces éléments invitent à souhaiter qu'un renforcement des moyens de la CNCCFP intervienne, notamment pour assurer la publication des comptes des formations politiques.

Sans que cette proportion doive être gravée dans le marbre, la CNCCFP indique que 30 % de ses effectifs sont usuellement employés aux missions relatives aux comptes des partis politiques. Les tâches consistant à rendre anonymes les informations seraient lourdes et fortement consommatrices de moyens.

Il faut donc également se féliciter que des innovations plus qualitatives soient sur le point d'intervenir dans le contexte de dématérialisation des données échangées.

Votre rapporteur spécial souhaite que ces derniers progrès, trop longtemps retardés, franchissent les étapes nécessaires tout en appelant à ce qu'elles soient entourées des meilleures sécurités accessibles.

Quant aux comptes de campagne, ils sont justiciables des mêmes recommandations, auxquelles il faut ajouter celle d'assurer une plus forte proactivité des missions de la CNCCFP.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 26 février 2020, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a entendu une communication de M. Jacques Genest, rapporteur spécial, sur les crédits consacrés au financement de la vie politique et le rôle de la commission nationale de contrôle des comptes de campagne et des financements politiques.

M. Vincent Éblé , président . - Nous entendons notre collègue Jacques Genest sur son contrôle budgétaire relatif à la Commission nationale de contrôle des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).

M. Jacques Genest , rapporteur spécial . - Je vais vous présenter les conclusions auxquelles je suis parvenu au terme de mon étude sur les crédits du programme 232 de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », du moins des crédits de ce programme consacrés au financement de la vie politique.

Trois chefs de dépenses sont concernés : les crédits consacrés au financement public des campagnes électorales ; les crédits finançant l'aide publique aux partis politiques ; et, enfin, les moyens réservés à la CNCCFP, qui exerce des missions de régulateur financier des deux premiers types de crédits que je viens d'évoquer, avec un coup d'oeil sur l'institution nouvelle du médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques.

Si le rapport n'aborde pas les questions majeures liées à ce qui m'apparaît comme une crise de la condition matérielle réservée aux élus, en revanche, ce fut une démarche naturelle de ne pas éluder la crise des campagnes électorales, spectaculairement marquée par le rejet du compte de campagne d'un des principaux candidats à l'élection présidentielle de 2012, mais aussi par les incidents et les soupçons qui ont entouré la campagne de 2017. De la même manière, la crise des partis politiques ne pouvait guère être négligée.

Ces deux crises me semblent avoir eu leur prolongement dans une crise moins patente, mais menaçante, qui est celle des régulateurs de la vie politique, à commencer par la CNCCFP, qui est l'un des objets du rapport.

Énormément a été fait ces dernières années pour surmonter ces crises. La régulation des partis politiques a été tout particulièrement concernée par ce processus, mais ce fut le cas aussi pour les campagnes électorales. Dans ce contexte, l'amélioration des moyens de la CNCCFP a été moins notable, surtout si l'on considère l'alourdissement des charges qu'impliquent ses missions.

Tous les ferments des crises ont-ils pour autant été éliminés ? Je ne le crois pas et, sans esprit d'exhaustivité, je vais m'en expliquer. Je voudrais compléter cet avant-propos en resituant mes travaux dans leur cadre institutionnel. J'ai entendu agir dans le cadre de ma mission de rapporteur spécial de la commission des finances après que celle-ci a inscrit cette mission à son programme de contrôle.

J'ai eu pour constante préoccupation de ne pas empiéter sur les prérogatives de notre commission des lois et, bien entendu, en plein respect des attributions du Bureau du Sénat, auquel a été reconnu un pouvoir d'initiative dans ce domaine.

J'ai donc situé ma démarche autour des questions qu'il nous appartient ici de traiter, à savoir la justification des dépenses publiques qui matérialisent les autorisations budgétaires et fiscales sur lesquelles nous sommes appelés à statuer.

Les crédits du programme 232 sur l'utilisation desquels je me suis penché correspondent aux moyens d'une politique publique dont l'étendue a pris au fil du temps une ampleur de plus en plus vaste et qui répond à plusieurs types de justifications.

Pour aller à l'essentiel, il s'agit d'assurer la vitalité de notre démocratie en donnant aux partis politiques les moyens de leur expression, en les garantissant contre des dépendances troubles, à commencer par celle de l'État, mais aussi en prévoyant les moyens d'une expression libre, et j'allais dire non faussée, des candidats aux élections. Il s'agit également d'assurer la crédibilité des acteurs de la vie politique que sont les partis politiques et les candidats aux suffrages du corps électoral auprès de l'opinion publique, en permettant à cette dernière d'accéder à des informations sur tel ou tel point auxquels elle est présumée accorder un intérêt légitime. C'est ici tout le sujet compliqué de la transparence.

Ce long, mais nécessaire préambule ayant été exposé, j'en viens à mes conclusions. J'aborderai successivement la thématique des campagnes électorales, qui mobilisent une partie variable selon les années, mais souvent importante, des crédits du programme 232, celle du financement des partis politiques, puis trois thématiques transversales, l'accès au financement de la vie politique, la participation financière citoyenne et les conditions de fonctionnement et d'organisation de la CNCCFP que je n'aurais pas déjà abordées lors de la revue des différents thèmes que je viens de mentionner.

Les campagnes électorales sont abordées sous l'angle de la prise en charge par l'aide publique des frais de campagne des candidats et du rôle de la CNCCFP. Celle-ci arrête les comptes de campagne, ce qui implique une vérification approfondie de ces comptes, et joue un rôle de quasi-ordonnateur des deniers publics, en déterminant le montant du remboursement forfaire public accessible aux candidats. Les crédits mobilisés varient selon le calendrier électoral, avec des années de forte intensité et d'autres de moindre actualité électorale. Les prises en charge des frais de campagne ont atteint, pour les élections présidentielles de 2017, 41,1 millions d'euros, et pour les législatives de la même année 45,56 millions d'euros. Par comparaison, les frais de campagne des candidats aux élections sénatoriales ont coûté 2,3 millions d'euros. La campagne sénatoriale est économe. Les élections municipales de 2014 avaient donné lieu à un remboursement forfaitaire de l'État de 62,9 millions d'euros.

Ces chiffres étant rappelés, il faut en dégager les principales caractéristiques. Je me contenterai ici d'en évoquer quelques-unes.

Les candidats ne « saturent » généralement pas le plafond des dépenses électorales, le plafonnement de ces dépenses étant l'une des principales régulations à l'oeuvre. Ils tendent à optimiser la gestion de leurs engagements financiers afin de pouvoir bénéficier du montant maximal de la prise en charge publique, mais il arrive qu'ils n'y parviennent pas.

Les partis politiques apportent un soutien important aux candidats, mais qui peut prendre des formes différentes, soit qu'ils accroissent l'apport personnel du candidat, soit qu'ils interviennent directement. Cette dualité n'est pas sans lien avec la question de l'optimisation des retours publics vers chaque candidat.

Il existe enfin une forte différenciation des ressources engagées par les candidats et des dépenses qu'ils supportent, en particulier pour l'élection présidentielle. Je rappelle que le plafond de dépenses est de 16,8 millions d'euros pour les candidats du premier tour et qu'il passe à 22,5 millions d'euros pour les deux candidats présents au second tour. Dans les faits, les cinq premiers comptes de campagne de l'élection présidentielle de 2017 ont mobilisé 93 % des dépenses de campagne des onze candidats et 46,1 % du total des dépenses des candidats aux élections présidentielles et législatives de 2017.

Un mot sur les recettes pour faire ressortir la part importante des emprunts bancaires - 35,3 % des ressources des candidats à la présidentielle de 2017 - ou auprès des partis - 21 % des ressources. Quant aux dépenses, pour l'élection présidentielle, les réunions publiques ont absorbé 40 % du total, ce qui est moins qu'en 2012 - le taux était de 48 % -, mais reste le premier poste de dépense.

Enfin, les conditions de la prise en charge publique des frais de campagne varient fortement selon les résultats électoraux, avec une pénalisation très forte des candidats qui ne réunissent pas 5 % des suffrages, donc des candidats qui ayant passé le filtre des parrainages représentent des courants d'idées modestement appréciés du corps électoral.

Les frais de campagne pris en charge sur crédits publics auxquels il faudrait ajouter les engagements liés à la réduction fiscale de l'article 200 du code général des impôts sont déterminés individuellement par la CNCCFP après un contrôle dont j'analyse les résultats et les qualités dans le rapport.

Pour le dire d'un mot, les décisions de la commission portant sur les comptes apparaissent à la fois nombreuses et de peu d'effets globaux sur les conditions du remboursement forfaitaire. Il n'empêche qu'elles exercent sur les candidats une assez forte charge sinon financière, sauf dans certaines situations ponctuelles, du moins psychologiques. J'y reviendrai.

Quant à la question de la qualité des interventions de la CNCCFP, force est de la juger fort variable.

J'insiste tout particulièrement sur les difficultés que la commission paraît éprouver dans son contrôle des comptes de candidats à l'élection présidentielle. Ces difficultés, déjà non négligeables quand il s'agit de processus relevant de l'Ancien monde des campagnes électorales, paraissent insurmontables lorsqu'il est question d'affronter le Nouveau monde, c'est-à-dire celui de la globalisation et du numérique.

Pour ce qui est de l'Ancien monde, je dois m'interroger sur les capacités de la commission à contrôler les éléments des comptes de campagne liés aux réunions publiques et à certains aspects de la propagande. On peut rencontrer dans ces domaines tout et son contraire : des sous-facturations qui laissent présumer des avantages conférés par des personnes morales et des surfacturations qui laissent entrevoir la concrétisation d'opportunité de divertir l'aide publique à des fins plus ou moins personnelles.

Or, la CNCCFP, si elle a pu intervenir dans certaines situations, paraît quelque peu dépourvue des moyens d'un contrôle à la fois efficace et systématique.

Mais, évidemment, lorsque le Nouveau monde est en cause, ces problèmes s'accentuent. Je voudrais citer deux ou trois exemples. En premier lieu, le Nouveau monde, ce peut être l'Union européenne elle-même. À cet égard, l'avis rendu par le Conseil d'État le 19 mars 2019, qui a reconnu aux partis politiques européens la faculté de financer par des dons la campagne européenne des partis nationaux, pose un réel problème au vu de la diversité des règles encadrant le financement des partis politiques dans l'Union européenne. Mais d'autres difficultés plus « obliques » peuvent être mentionnées. Par exemple, la contribution de sites internet basés à l'étranger à la propagande ciblée d'un candidat. Je n'ai pas le sentiment que la CNCCFP serait en mesure de la détecter davantage que le CSA. Quant à l'intégration de ces contributions dans les comptes de campagne, je vous laisse juges.

Je déduis de ces analyses plusieurs recommandations. Les unes portent sur les conditions dans lesquelles la CNCCFP devrait suivre l'élection présidentielle ; les autres sur le plafond des dépenses électorales pour cette élection ; certaines, enfin, sont relatives à l'encadrement des sanctions prononcées par la CNCCFP.

Sur le premier point, le contrôle doit se rapprocher de la campagne pour l'élection présidentielle. Jusqu'à présent, il s'agit d'un contrôle tardif qui porte sur les comptes déposés à la fin de la campagne, ce qui pose de sérieuses difficultés. Pour l'élection présidentielle, il est impératif de prévenir puisqu'on ne peut pas totalement guérir. La campagne devrait être mieux suivie au jour le jour par des délégués de la commission et les comptes de campagne devraient être présentés sur des bases actualisées en continu. Il est, en outre, nécessaire que la commission s'assure que les canaux de contributions extérieures aux campagnes des candidats ne permettent pas de contourner les règles financières. On pourrait suggérer l'instauration d'un devoir de signalement des experts-comptables ou d'autres intervenants auprès de la commission.

En ce qui concerne le plafond des dépenses électorales, j'observe qu'il est régulièrement supérieur aux dépenses des candidats. Celles-ci sont cependant fréquemment élevées et il y a certainement un lien entre le volume des dépenses et la possibilité pour la commission d'en assurer la vérification de la conformité. Par ailleurs, les moyens nouveaux de communication assurent des possibilités de propagande électorale à moindre coût.

Je propose de baisser le plafond des dépenses de campagne en laissant ouverte la question du taux de remboursement des frais de campagne, qui pourrait être moins sélectif.

Enfin, en ce qui concerne les sanctions, je relève que, s'il est heureux que la commission soit désormais dotée d'un plus fort pouvoir de modulation, il est souhaitable que, dans ce cadre, elle puisse développer une démarche de minimis relative à ses décisions de rejet, et de structuration plus systématique de sa doctrine. Cela m'apparaît d'autant plus nécessaire que si le juge peut intervenir, il le fait inégalement et parfois avec beaucoup de retard, tandis que la capacité des candidats à défendre leur point de vue devant la commission n'est à ce jour pas également distribuée.

J'en viens aux partis politiques avec deux problématiques différentes : l'encadrement financier des partis et le rôle de la CNCCFP comme régulateur ; le niveau et la distribution de l'aide publique. Sur le premier point, je n'ai pas besoin de vous rappeler que beaucoup a été fait pour encadrer la vie financière des partis. Si la CNCCFP avait traditionnellement une mission limitée de publication des comptes, le renforcement des exigences comptables imposées aux partis a modifié les conditions d'une intervention qui peut se faire de plus en plus profonde.

À cet égard, un événement majeur est intervenu avec l'adoption d'un premier règlement comptable complet des partis politiques doté d'une valeur obligatoire, le règlement de l'autorité des normes comptables du 12 octobre 2018. Une analyse de ce règlement en révèle deux caractéristiques : d'abord, sa fragilité juridique dans la mesure où il n'est pas certain qu'il soit tout à fait à l'abri d'une inconstitutionnalité ; ensuite, les progrès, cependant perfectibles, dont il témoigne. Deux exemples de perfectibilité : les modalités d'intégration comptable des entités liées, la définition du périmètre d'intégration. Néanmoins, avec cet outil, la publication des comptes sera certainement l'occasion d'un travail plus profond de la CNCCFP et d'une plus forte transparence des partis. Sur le second sujet, le niveau de l'aide publique, je ne vous ferai part que de constats objectifs. Chacun en fera ce que bon lui semble. Est-il vraiment satisfaisant que le niveau de l'aide publique soit gelé depuis 2014 ? Est-il réellement satisfaisant que la « prime présidentielle » doublée de la « prime majoritaire » aux élections législatives aboutisse à une répartition plus ou moins fortement déséquilibrée de l'aide ? Qu'une prime majoritaire puisse exister et que la distribution de l'aide ne soit pas strictement proportionnelle à l'influence électorale ne me semble pas choquant, mais il me paraît utile de réduire certains déséquilibres trop manifestes pour être compatibles avec l'objectif de pluralisme poursuivi.

Enfin, est-il vraiment satisfaisant que ni les élections européennes ni surtout les élections territoriales, qui, pour ces dernières tout particulièrement, représentent une partie importante de l'expression démocratique, ne soient prises en compte ? Vous l'avez compris, il s'agit ici de l'adéquation des instruments d'une politique publique avec ses objectifs. Moins de déséquilibres et davantage de considération pour la démocratie locale dans la distribution de l'aide publique.

Comme le problème se situe surtout dans le coefficient multiplicateur des résultats électoraux de la présidentielle en distribution de l'aide au titre des élections législatives, il me semblerait justifié qu'on modère quelque peu le rendement des primes présidentielle et majoritaire en droits sur l'aide publique aux partis.

Deux mots sur le financement « citoyen » et l'accès aux services bancaires pour vous indiquer que l'exercice du droit au compte considéré comme « à peine acceptable » par le médiateur du crédit mérite d'être renforcé et que l'accès au crédit bancaire est promis, en l'état, à ne pas trouver de solution. Le Gouvernement considère qu'il n'y a pas de problème et le médiateur du crédit, s'il admet des difficultés qu'il a d'ailleurs pu constater lors du scrutin européen, n'a pas avancé de solutions décisives dans son premier rapport. Contrairement au Gouvernement, je pense que le financement de la vie politique se heurte à certaines imperfections de marché qui ne sont pas d'ailleurs sans lien avec les déséquilibres sur la distribution de l'aide publique que je viens d'exposer. La résolution partielle de ces déséquilibres et la limitation des dépenses de campagne électorale pour l'élection présidentielle pourraient contribuer à atténuer la difficulté liée à l'accès au crédit. Mais d'autres dispositifs seront sans doute nécessaires. Il ne faut pas fermer le dossier de la banque de la démocratie.

Sur le financement citoyen de la vie politique, qui passe par la réduction fiscale de l'article 200 du code général des impôts, je veux d'abord indiquer qu'il est anormal que la dépense fiscale correspondante ne soit pas systématiquement évaluée. Les concours publics correspondants sont à peu près analogues à ceux octroyés sur crédits publics. Cela vient surtout des cotisations des adhérents et, parmi ces dernières, des cotisations d'élus. Certaines propositions visent à substituer un crédit d'impôt à la réduction fiscale pour les dons et cotisations. Cela permettrait, peut-être, d'élargir la contribution citoyenne au financement de la vie politique. Pour ma part, si je suis plutôt enclin à préconiser cette modification pour les cotisations aux partis politiques, je suis beaucoup plus réservé s'il s'agit de l'étendre aux dons. Nous devons pondérer l'élargissement de la capacité de financement des citoyens avec leur protection contre des démarchages qui présentent des risques évidents.

Vous avez senti que la CNCFFP avait vu ses missions considérablement renforcées. J'estime qu'elle n'en a, globalement, ni suffisamment les moyens humains, ni suffisamment les moyens informatiques, ni suffisamment les moyens juridiques. Le dialogue entre la commission et certaines autorités administratives indépendantes semble trop réduit, alors que des coordinations paraissent s'imposer. Une seule demande, semble-t-il, a été présentée au CSA dans le cadre des récents rendez-vous électoraux.

Au-delà de ce constat, j'observe que les procédures mises en oeuvre par la commission, de définition largement prétorienne, sont perfectibles malgré certaines améliorations notables. En particulier, le contradictoire devrait être mieux formalisé et un second degré de délibération devrait pouvoir être plus systématiquement mobilisé. La commission gagnerait sans doute à disposer de la possibilité de demander des avis à un conseil de sages ayant eu l'expérience de la vie politique. Elle pourrait également mieux accompagner les candidats. Une procédure de rescrit pourrait être envisagée en ce sens.

La commission rend un très grand nombre de décisions qui n'ont souvent aucun impact financier sur la prise en charge publique des frais de campagne. Cependant, elle rend un grand nombre de décisions de réformations souvent mineures. Un de minimis serait utile et justifié.

Enfin, la commission doit être plus performante dans sa relation avec son environnement. La publication des comptes des partis politiques intervient au bout de plus d'un an. Quant aux comptes de campagne, les délais selon lesquels ils sont arrêtés varient, mais, s'ils peuvent sembler trop brefs dans le cas de l'élection présidentielle ou lorsque l'élection est contestée devant le juge, ils peuvent être excessifs dans d'autres situations. Enfin, la commission doit pouvoir mieux répondre aux demandes de communication formulées par des tiers.

Le bilan de ce travail, c'est que la régulation financière de la vie politique a fait des progrès considérables. Certaines avancées devront être confirmées par l'expérience. D'autres pourraient encore intervenir pour renforcer les points faibles du dispositif.

La CNCCFP joue incontestablement un rôle positif, mais qui pourrait l'être davantage encore si certaines capacités d'instruction lui étaient données et si elle disposait de davantage de moyens pour suivre les campagnes électorales, en particulier celle de l'élection présidentielle. En outre, la commission gagnerait à être encore plus « accompagnante ».

Quant au financement de la vie politique, je crois qu'il faut vraiment prendre au sérieux l'impératif de résolution des déséquilibres les plus manifestes.

M. Vincent Éblé , président . - Merci pour cet exposé complet.

M. Roger Karoutchi . - Je ne suis pas d'accord avec certains points évoqués par le rapporteur.

Baisser le plafond de dépenses de la campagne présidentielle, alors qu'il n'a pas bougé depuis des années, n'a pas grand sens. On parle d'une dépense de 22 millions d'euros pour un pays de 67 millions d'habitants, avec des territoires ultramarins... Le « politique bashing » empêche toute évocation des dépenses liées à la vie publique. Baisser encore ces dernières reviendrait à demander aux politiques de faire du mieux qu'ils peuvent, de ne rien faire ou de contourner les règles.

Nous avions proposé avant l'élection de 2017 que la CNCCFP délègue des envoyés auprès de chaque candidat. Une campagne présidentielle génère un nombre considérable de factures et de dépenses : un délégué pourrait donner des conseils aux candidats et les contrôles a posteriori avec les experts-comptables seraient facilités.

La vie publique en France est peu coûteuse, comparée à celle de certains de nos voisins européens. Mais la démagogie ambiante ne permet pas d'expliquer qu'il faudrait mieux ou davantage rembourser.

Un problème vient du fait que la CNCCFP ne s'engage pas par écrit lorsqu'un candidat l'interroge sur un point précis avant l'élection. Elle devrait apporter des réponses plus claires et elle devrait répondre par écrit.

M. Didier Rambaud . - Je prends acte de ce rapport, dont je ne partage pas les trois quarts des conclusions ! La démocratie a un coût, qui doit être assumé.

J'ai reçu une publication de la Fondation Jean-Jaurès sur le financement de la vie politique, dont certaines propositions sont très intéressantes. S'agissant du financement des élections sénatoriales, le rapport évoque la possibilité de prendre en compte, pour le plafonnement des dépenses, le nombre des grands électeurs à la place du nombre d'habitants, ce qui me paraît très intéressant.

Il est également proposé de créer une banque de la démocratie. Il est difficile d'obtenir des prêts pour financer une campagne. Quand on est un élu sortant, les choses sont plus aisées ; mais lorsque j'ai voulu emprunter pour me présenter aux législatives en 2012, il m'a fallu négocier deux mois avec une banque.

La CNCCFP s'est beaucoup améliorée depuis dix ans. Une jurisprudence s'élabore ; un rapport annuel est publié, ce qui permet de prendre connaissance de ce qu'il est possible de faire et de ce qu'il ne faut pas faire. Néanmoins, comme l'a dit Roger. Karoutchi, nous n'obtenons que des réponses orales à nos interrogations.

M. Marc Laménie . - Je félicite le rapporteur pour sa présentation. Malheureusement, j'ai eu affaire à la CNCCFP. Je m'interroge sur l'utilité du questionnaire que nous recevons, sur la gouvernance et le fonctionnement, technocratique, de cette commission, ainsi que sur les moyens humains dont elle dispose.

M. Philippe Dallier . - Je partage un certain nombre de points de vue qui ont été exprimés. Je m'interroge moi aussi sur le fonctionnement de la commission : certains candidats ont failli être inéligibles pour quelques achats de timbres. La méthodologie devrait être revue.

Sur le financement, je ne partage pas l'avis du rapporteur. Comment envisager une baisse du plafond des dépenses électorales ? Pour l'élection présidentielle, il faudrait plutôt se demander jusqu'où le remonter. Pour les élections locales, le plafond n'est pas très élevé, notamment pour des communes moyennes de 20 000 à 40 000 habitants. De nombreux maires font, six mois avant la fin de leur mandat, un bilan de mandat payé par la collectivité locale. Je considère, pour ma part, qu'il devrait être intégré dans le compte de campagne, ce qui réduirait d'autant le montant restant disponible.

Il faudrait avoir le courage de dire que la démocratie a un coût et que les plafonds devraient être rehaussés.

M. Claude Raynal . - La méthodologie employée pour le contrôle des élections sénatoriales m'a beaucoup choqué. Un jeune stagiaire m'a posé des questions hallucinantes. L'analyse des comptes des candidats élus devrait être faite par des personnes expérimentées, avec davantage de sérieux.

Le rescrit est quasi indispensable. Les réponses que nous obtenons n'engagent que celui qui les donne... La règle doit être fixée par écrit et engager l'institution. Cela permettrait de s'assurer que l'instruction est la même pour tous.

Par ailleurs, je veux évoquer une question particulière : un élu doit démissionner de ses mandats précédents dans le mois qui suit son élection. En cas d'annulation de l'élection consécutive à un recours administratif de la CNCCFP, on perd tout ! En revanche, si un citoyen a fait un recours contre l'élection, l'élu garde ses mandats jusqu'à la fin du recours. Les deux situations ne sont pas équilibrées ; il faudrait examiner ce point.

Mme Christine Lavarde . - Dans les communes de moins de 9 000 habitants, l'État ne participe pas aux frais de campagne municipale. Dans les communes dont la population est inférieure à 2 500 habitants, cela va encore plus loin : la mise sous pli n'est pas financée par l'État. Alors même que nous sommes confrontés à un manque de candidats dans les petites communes, j'estime que c'est scandaleux.

M. Vincent Capo-Canellas . - Il faudrait que nous sachions à partir de quel moment on peut considérer que la jurisprudence de la CNCCPF est gravée dans le marbre. Les avis préalables nous sont communiqués par téléphone, voire par mail. Mais il arrive que la commission retienne in fine une position qui n'est pas celle qui est exprimée par ses services. Ces avis devraient, par ailleurs, être rendus de façon claire et publiés après avoir été délibérés par la commission, peut-être en les anonymisant.

Quand un candidat est-il considéré comme étant en campagne ? Pour les sénatoriales, il est possible de n'ouvrir son compte de campagne qu'en juin ou juillet. Ne risque-t-on pas de nous opposer que des rencontres avec des grands électeurs en mai ou en juin, qui relèvent de notre travail normal de sénateur, font en réalité partie de la campagne électorale ? C'est un véritable problème. Il faudrait disposer de règles claires sur la question.

La CNCCFP, la HATVP, les obligations qui sont les nôtres : le corpus est écrasant, tout en n'étant pas cohérent ! Il faut rendre les règles plus lisibles pour les élus.

S'agissant des réfactions, la commission consacre quelquefois beaucoup de temps et d'énergie à contester des sommes minimes. On est passé d'un excès à un autre...

Enfin, sur la banque de la démocratie, les banques rechignent parfois à financer des formations politiques en décroissance ou certains candidats. Les candidats doivent pouvoir avoir accès au crédit.

M. Éric Bocquet . - Didier Rambaud a dit qu'il était plus facile d'obtenir un prêt quand on est sortant : j'ai vécu le contraire en 2017. Client depuis trente-sept années d'une banque qui avait autrefois du bon sens près de chez nous, je me suis vu refuser un prêt de 18 000 euros. J'ai contacté une autre banque distributrice de courrier dans le pays, qui m'a apporté la même réponse. J'ai évoqué cette mésaventure auprès du directeur régional d'une banque mutualiste que j'ai rencontré par hasard lors d'un concert et qui a réglé l'affaire en quelques minutes...

M. Bernard Delcros . - Je partage l'avis de Roger Karoutchi : il ne faut pas tomber dans la démagogie en baissant les dépenses de campagne. Cela ne servirait pas la démocratie, qui a un coût, lequel n'est pas très élevé dans notre pays.

Pour les élections sénatoriales, on pourrait aussi tenir compte du nombre de communes, au lieu du nombre d'habitants ou de grands électeurs.

Je suis d'accord avec Christine Lavarde : pourquoi rembourser les dépenses de campagne uniquement dans les communes de plus de 9 000 habitants ?

Je veux insister sur la frontière floue et peu lisible, évoquée par Vincent Capo-Canellas, entre ce qui relève, à partir du 1 er mars, de l'action du mandat de sénateur et ce qui relève de la campagne électorale pour les sortants qui sont candidats. Nous n'avons pas de réponse précise sur le sujet.

M. Patrice Joly . - Je remercie le rapporteur pour son travail intéressant dans un contexte de forte défiance à l'égard de nos institutions et des élus.

Il faut faire de la pédagogie sur le coût de la démocratie : le Sénat, même s'il peut toujours faire des efforts pour être le plus économe possible, coûte moins de 5 euros par habitant et par an.

Les financements favorisent le statu quo , même si l'élection de 2017 a donné l'impression de modifier la donne. Les dons renvoient à la notion de catégorie sociale, à celle de capacité contributive. Les aides publiques figent une photo de la vie politique à un moment donné et permettent de disposer de moyens importants sur l'ensemble d'un mandat. L'accès au crédit est difficile : dans mon département, certaines listes rencontrent des difficultés pour contracter les financements nécessaires à leur campagne.

L'enjeu du financement doit être d'éviter le statu quo que je viens d'évoquer, d'empêcher que le jeu démocratique soit capté par les intérêts privés, et de renouer avec l'égalité démocratique - un citoyen vaut une voix, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Julia Cagé a proposé l'année dernière d'instaurer des bons pour l'égalité démocratique dans son livre intitulé Le prix de la démocratie . Chaque citoyen se verrait remettre un bon pour permettre le financement des partis, des campagnes électorales et du débat démocratique. Il faut pouvoir trouver des moments d'échange partagés.

M. Sébastien Meurant . - Je remercie le rapporteur pour son travail.

La liberté est la règle, et l'interdiction l'exception. Plus le temps passe, et plus les contraintes s'accumulent. Il est tout de même incroyable que ceux qui font la loi ignorent ce qui est permis et ce qui ne l'est pas ! Il faut raviver l'égalité démocratique, la liberté, et le bon sens. Il faut sortir de la démagogie : la démocratie a un coût, qui est minime par rapport à bien d'autres dépenses inutiles.

Dans mon département, une candidate a recueilli une quarantaine de voix en 2017, après avoir dépensé quelques centaines d'euros. Elle s'est cassé les deux bras avant de rendre son compte de campagne, et a été déclarée inéligible pour trois ans par le Conseil constitutionnel. Quelle énergie dépensée par la collectivité nationale pour une dépense minime...

M. Jean-François Rapin . - Le droit à l'erreur devrait s'appliquer.

M. Alain Houpert . - Un rapport du Sénat permet de poser les bonnes questions. Sébastien Meurant a évoqué le principe de liberté ; pour ma part, je parlerai du principe d'égalité. Il y a en effet rupture d'égalité entre le candidat sortant et l' outsider . Un sénateur qui veut se représenter se pose de nombreuses questions, notamment sur la date à laquelle il doit ouvrir son compte de campagne. Car on est déjà présumé coupable ! En 2014, plusieurs de nos collègues ont été invalidés pour quelques euros.

Il faut remettre le bon sens au milieu de la France, comme l'église au milieu du village !

M. Pascal Savoldelli . - Notre débat soulève la question des mécanismes électoraux : le mandat présidentiel à cinq ans et les législatives organisées dans la foulée de la présidentielle posent problème. Je suis attaché à ce que le financement des campagnes électorales relève de l'aide publique.

On assiste à un basculement : des moyens publics et privés sont consacrés à la transparence de la vie publique. Les médias, les réseaux sociaux, s'intéressent à la question. Et on est au centime près ! Les groupes politiques, les élus, ne parviennent plus à ouvrir un compte bancaire.

Ce sujet relève-t-il d'un rapport spécial de l'un ou l'autre d'entre nous ? Il faudrait plutôt un rapport collégial, dont le rapporteur pourrait être M. Genest... Cela nous permettrait d'être force de proposition.

M. Charles Guené . - Nous serions bien inspirés, plutôt que de faire entrer de plus en plus d'élus dans des contraintes, de mettre un plafond en dessous duquel le candidat n'est pas obligé de déclarer son compte de campagne. Ce serait utile dans les petites communes. Ainsi, un conseiller général de mon département, élu depuis trente ans, avait choisi de ne pas faire campagne ; il n'avait rien dépensé, et donc n'avait pas déposé de compte de campagne, malgré la demande de la préfecture. Son élection a été invalidée... Arrêtons de dépenser une énergie folle pour de tels contrôles !

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Vous êtes nombreux à intervenir, ce sujet intéresse beaucoup ! Je m'interroge sur l'utilisation de moyens publics pour contrôler des dépenses de quelques euros... La CNCCFP invaliderait-elle un candidat à l'élection présidentielle, élu par plus de 50 % des voix, quand bien même il aurait explosé son compte de campagne ? Dans la pratique, non, alors qu'elle n'hésiterait pas à annuler pour quelques dizaines d'euros un sénateur ou un conseiller départemental... Le système est hypocrite.

Permettez-moi de vous livrer une anecdote : j'ai reçu le 19 décembre 2014, après les élections sénatoriales, un courrier recommandé ; je devais indiquer avant le 26 décembre - date particulièrement opportune - quels étaient les convives qui avaient bu chacune des quelques bouteilles de cidre qui avaient été servies lors d'une réception...

Autant une violation délibérée des règles doit être sanctionnée, autant dans ce cas, c'est exagéré.

Nous sommes régulièrement sollicités par les banques et la Fédération bancaire française sur les sujets qui les concernent. Ils doivent aussi nous écouter sur le droit au compte pour les élus. Nous sommes parfois dans une situation plus défavorable que les autres citoyens. Il serait utile d'engager des démarches auprès des banques et de la Banque de France sur le droit au compte, afin d'arrêter de perdre du temps à rechercher une agence qui accepte de nous ouvrir un compte...

M. Jacques Genest , rapporteur spécial . - Merci pour ces nombreuses remarques. Le compte rendu de cette réunion sera, je l'espère, très utile à l'opinion publique ainsi qu'à la commission des lois. Je me félicite que ces échanges à propos de mon rapport enclenchent déjà ce qui pourrait être à l'avenir un travail collectif.

J'ai interrogé M. François Logerot, président de la CNCCFP, pour savoir si la commission, qui peut contribuer à invalider un sénateur ou un maire de grande ville pour un dépassement de 20 euros, se sent également capable de contribuer à la destitution d'un président de la République élu au suffrage universel... Vous vous doutez de la réponse.

Roger Karoutchi, vous croyez que je veux assassiner la démocratie en réduisant le plafond des dépenses pour les élections présidentielles ? Certes, la démocratie a un coût. Lors de la dernière présidentielle, Marine Le Pen a dépensé 12,4 millions d'euros, Emmanuel Macron 16,7 millions d'euros, pour un plafond de 22,5 millions d'euros. Ils étaient donc très éloignés du plafond. C'est ce qui m'a autorisé à suggérer, à titre personnel, la réduction du plafond des dépenses électorales mais pour la seule élection présidentielle. Par ailleurs, je n'ai pas suggéré qu'il faudrait réduire la prise en charge publique des dépenses des candidats. L'élection présidentielle a changé. Les meetings ne représentent que 40 % des coûts, contre 48 % auparavant. L'élection se joue désormais davantage dans les médias. Certes, nous devons toujours faire des meetings, qui coûtent cher, mais ce ne sont pas eux qui font avancer la démocratie.

Merci, Christine Lavarde, d'avoir évoqué les petites communes. Ancien maire d'une commune de 800 habitants, je préférais payer moi-même certains documents plutôt que de remplir des tonnes de papier pour me les faire rembourser. Il n'empêche que la situation que vous avez décrite doit évoluer.

Oui, Roger Karoutchi, il faut revaloriser les moyens des partis politiques.

Le rescrit est un sujet important : les citoyens qui s'engagent doivent savoir où ils vont.

Nous avons reçu le médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques, qui en était encore au début de la définition concrète de son rôle. Didier Rambaud, M. Castaner a déjà répondu au président Hervé Marseille sur la banque de la démocratie et, ainsi, semble-t-il, à vous même : il n'en est pas question.

J'ai voulu ouvrir un compte d'avances, et me suis rendu à la Banque postale au Sénat. J'aurais eu besoin d'un avocat pour remplir tous les documents ! Nous sommes présumés coupables. Pour ouvrir un compte de campagne, c'est encore plus compliqué. Lorsque « le bon sens près de chez vous » n'en a plus... Mais ce problème se retrouve aussi pour tout prêt ou assurance dans le cadre privé. Nous frisons l'ostracisme.

Vincent Capo-Canellas, les problèmes que vous évoquez sont en effet très sérieux : quand commence la campagne électorale pour un élu déjà en fonction ? Le compte de campagne doit être ouvert longtemps à l'avance. Un sénateur doit-il occuper ses fonctions jusqu'au bout ? Si oui, on va l'accuser de faire campagne pendant son mandat ? Il en est de même pour un conseiller départemental qui veut se présenter au Sénat. Certes, le cas est rare du fait du non-cumul des mandats.

J'ai reçu une fin de non-recevoir à ma demande de rencontre de la HATVP. Je le regrette.

La démocratie n'a pas de coût, mais pas de temps non plus... Claude Raynal, il faudrait former les employés de la CNCCFP, afin qu'ils connaissent mieux la vie politique. Merci de votre soutien sur les rescrits.

Éric Bocquet, c'est effectivement un scandale qu'une personne ne puisse se présenter à une élection en l'absence d'ouverture d'un compte de campagne. S'il se lance, il risque d'être sanctionné par la CNCCFP. C'est grave !

Sébastien Meurant, il y a effectivement trop de contraintes qui pèsent sur les élus, sans justification.

Alain Houpert, il faut assurer une égalité entre les candidats sortants et les entrants. Les premiers ont peut-être un avantage politique, mais ils sont en situation très inconfortable du point de vue de la régulation financière.

Pascal Savoldelli, oui la transparence finit par poser problème et par produire son contraire : l'opacité. Je suis pour la liberté dans les règles. Nous sommes arrivés à cette situation parce que certains élus ont commis des fautes graves. Nous hésitons parfois à dire que nous sommes parlementaires, mais la démocratie a un prix. Elle doit être faite par des gens honnêtes et respectés - ce n'est plus toujours le cas -, même si nous sommes respectables.

M. Vincent Éblé , président . - Merci à vous.

La commission autorise la publication de la communication de M. Jacques Genest sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction de la modernisation et de l'administration territoriale (DMAT)

- M. Alain ESPINASSE, directeur de la modernisation et de l'administration territoriale ;

- Mme Pascale PIN, cheffe du bureau des élections.

Commission nationale de contrôle des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

- M. François LOGEROT, président ;

- Mme Sylvie CALVÈS, secrétaire générale.

Sécurité des systèmes d'information

- M. François PESNEAU, adjoint au directeur de la modernisation de l'administration territoriale ;

- M. Zoheir BOUAOUICHE, chef de projet.

Autorité des normes comptables

- Mme Géraldine VIAU-LARDENNOIS, directrice.

Médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques

- M. Jean-Raphaël ALVENTOSA, médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques.

Observatoire de l'éthique publique

- M. René DOSIÈRE, ancien député, président de l'Observatoire.

Anticor

- M. Éric ALT, président.

Conseil supérieur de l'audiovisuel

- M. Nicolas CIZEL, chef du département « Pluralisme, droits et libertés » à la Direction des programmes ;

- M. Dominique LOUVEAU, chargé de mission au département « Pluralisme, droits et libertés » de la Direction des programmes.

Cour des comptes

- M. Gilles ANDRÉANI, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes ;

- Mme Louise THIN, auditrice.


* 1 « Le coût de l'organisation des élections », Hervé Marseille, commission des finances du Sénat, rapport d'information n ° 123 du 28 octobre 2015.

* 2 Pour les élections municipales, les candidats se présentant dans des circonscriptions comptant moins de 9001 habitants sont dispensés de présenter leurs comptes de campagne mais ils restent tenus par certaines règles, notamment l'interdiction de financement de leurs campagnes électorales par des personnes morales autres que celles expressément habilitées pour les opérations permises.

* 3 Loi n° 2017-286 du 6 mars 2017 tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats.

* 4 Dans la mesure où les dispositions relatives à l'élection présidentielle relèvent de la loi organique, les dispositions de cette loi ne lui sont pas applicables.

* 5 On doit considérer cette disposition comme dérogatoire par rapport à l'esprit général des décisions relatives aux dépenses électorales (voir infra ).

* 6 Votre rapporteur spécial réserve cette appréciation aux élections autres que l'élection présidentielle et l'élection européenne.

* 7 Hypothèse souvent vérifiée mais avec des exceptions.

* 8 Élections municipales listes présentes au premier tour.

* 9 Seules les données relatives à l'élection présidentielle pour laquelle la circonscription est nique sont probantes sous cet angle.

* 10 Il s'agit des dépenses concernant les frais d'impression et de reproduction de la propagande électorale stricto sensu.

* 11 Soit une moyenne de 13,6 candidats par circonscription contre 11 en 2012.

* 12 Il est assez probable que l'augmentation du nombre des candidats s'accompagne d'une différenciation des dépenses électorales engagées individuellement. Cette différenciation est certainement corrélée à une dispersion des suffrages du moins au premier tour de scrutin. Ces phénomènes doivent être gardés à l'esprit alors que certaines préconisations vont dans le sens d'un renforcement de la pluralité des candidatures, qui est loin d'équivaloir à un renforcement du pluralisme.

* 13 Une fois pris en compte les redressements effectués par les autorités chargées du contrôle des élections.

* 14 C'est d'ailleurs toujours le cas, du moins théoriquement.

* 15 Dans les communes de moins de 1 000 habitants les dépenses de propagande électorale des candidats ne sont même pas pris en charge par l'État.

* 16 Dans le tableau ci-après les lettres A, AM, AR, ARM et R signifient respectivement : approbation, approbation avec modulations, approbation avec réformations, approbation avec réformation et modulation et rejet.

* 17 Mais dans ce cas essentiellement pour l'avenir.

* 18 Le tableau rapporte les décisions de la commission soit au total des comptes astreints au dépôt (pour la dernière ligne du tableau), soit au nombre effectif des décisions effectivement adoptées par la commission (pour les autres lignes).

* 19 Modification qui a également porté sur les recettes mobilisées par les candidats devant être retracées dans les comptes de campagne.

* 20 Il semble qu'une erreur commune consiste pour les « petits » candidats à inclure les frais de propagande officielle dans leurs dépenses alors que ces frais sont directement pris en charge par l'État.

* 21 De ce point de vue, le contrôle des comptes de campagne n'a qu'une portée pour l'avenir dans l'hypothèse où des suites judiciaires sont données à des comptes simplement réformés.

* 22 Sur un total de réformations de 1,7 million d'euros.

* 23 Sur un total de réformations de 1,4 million d'euros.

* 24 Ces rejets ont pu parfois être contestés avec un plein succès auprès du juge de l'élection.

* 25 Le tableau rapporte les décisions de la commission soit au total des comptes astreints au dépôt (pour la dernière ligne du tableau), soit au nombre effectif des décisions effectivement adoptées par la commission (pour les autres lignes).

* 26 Parmi lesquels figurent pour une part importante, mais inégale, des concours apportés directement par les partis politiques aux candidats.

* 27 Cette situation s'explique principalement par le nombre des candidats susceptibles de bénéficier de dons dans un contexte où les dons unitaires sont plafonnés.

* 28 Un certain nombre de municipalités semblent pratiquer des tarifs préférentiels pour la location de surfaces appartenant à leurs domaines, la question du paiement effectif de ces locations se posant parfois. Il n'est pas exclu que la disponibilité des locaux en cause puisse se trouver plus ou moins forte selon l'étiquette des candidats.

* 29 Ce décret a été déféré pour excès de pouvoir au Conseil d'État qui, dans une décision du 26 juillet 2018, a rejeté le recours de l'association Front national.

* 30 Soit nettement moins que le plafond envisagé par la loi (cinq ans).

* 31 L'article l 52-8 du code électoral pose le principe des « prêts miroirs » selon lequel les prêts à intérêt des partis politiques doivent être financés à partir de prêts à intérêt souscrits par ces derniers avec un taux correspondant.

* 32 L'article 3 de la loi n° 2016-508 du 25 avril 2016 a introduit à l'article L. 52-14 du code électoral une faculté nouvelle permettant à la commission de recourir à des experts à même d'évaluer les coûts des services et des prestations retracés dans les comptes de campagne et de l'assister dans l'exercice de sa mission de contrôle mentionnée à l'article 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique ».

* 33 À l'inverse de la situation des opérateurs de télévision titulaires de concessions de la part de l'État, qui sur cette base, sont astreints du fait des cahiers des charges des concessions, à des obligations de pluralisme, renforcées en période électorale.

* 34 La question d'un effet-prix reste à mieux cerner.

* 35 On peut imaginer s'agissant de ces dépenses que les problèmes de valorisation mentionnés exercent une certaine influence sur leur identification précise.

* 36 À titre d'exemple, le présent rapport n'a pas envisagé les soutiens déjà existants accordés aux entreprises de presse, qui contribuent à la diffusion du débat politique.

* 37 L'allure de cette courbe est sans doute plus complexe qu'on ne peut le supposer. Cependant, à supposer que la fonction des dépenses électorales soit irrégulière en fonction des seuils de dépenses, il faut plutôt se féliciter que ces dernières soient limitées au regard des risques de dégradation de la qualité du débat démocratique que peut susciter une hyper-expression politique.

* 38 « ... la discussion y était parfaitement libre, sans apparat, sans prétentions oratoires, mais sérieuse, profonde, variée, détaillée, obstinée, savante à la fois et pratique », F Guizot « Mémoires pour servir à l'histoire de mon temps ».

* 39 On peut à ce propos utilement se référer à « l'horloge de Russel », parabole par laquelle le scientifique gallois illustra les ravages pour la science des « opinions » purement hypothétiques dès lors qu'elles restent invérifiées expérimentalement.

* 40 Il existe évidemment des nuances individuelles.

* 41 15 000 euros pour un foyer fiscal.

* 42 Les cotisations sont, en revanche, soumises aux plafonnements de l'avantage fiscal ménagé par l'article 200 du code général des impôts (vois infra).

* 43 Cette réglementation peut poser des difficultés dès lors que se rencontrent des structures juridiques pour lesquelles la qualification de « personne morale » est incertaine. Ainsi des trusts.

* 44 Il semble que des changements de rattachement temporel des demandes adressées par la commission soient en cause. Mais une explication de la commission portant sur les chiffres de 2013 et de 2014 serait utile.

* 45 Situation considérée comme paradoxale comme pour la liste unique des dons et des cotisations alors même que le contrôle peut révéler des manquements qui, de leur côté, sont punis.

* 46 Le règlement est donc né sous les meilleurs auspices. Pour autant, les partis politiques étant très fortement protégés par la Constitution, il n'est pas certain que certaines dispositions du règlement ou certaines des conséquences pratiques qu'en pourrait tirer la CNCCFP soient à l'abri de précisions de la part du Conseil constitutionnel.

* 47 Mais aussi par certaines exclusions comme celle qui consiste à ne pas prendre en compte certaines recettes considérées comme non strictement politiques.

* 48 Il arrive toutefois que ce soit le cas à travers des contrats, de communication notamment.

* 49 Il va de soi que le financement public des partis politiques et des candidats, pour important qu'il soit au regard d'une politique de confortation démocratique, même s'il devait atteindre un total degré de perfection ne pourrait être qu'un des instruments d'une telle politique.

* 50 Le graphique permet de considérer l'impact restrictif de la pénalisation des partis politiques au titre de la transgression des règles visant à promouvoir la parité entre les hommes et les femmes, introduites par la loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 et qui ont été régulièrement durcies depuis (voir infra ).

* 51 Il s'agit, on le rappelle, des organisations poursuivant un but politique et bénéficiant de l'aide publique ou s'étant mis à même de recueillir des ressources extérieures.

* 52 Parmi ces 55 partis politiques, 42 n'avaient présenté des candidats que dans les Outre-mer.

* 53 La loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 a modifié cette situation : le plafond de 7 500 euros s'applique désormais à l'ensemble des dons et cotisations, sauf pour les cotisations versées par les élus.

* 54 Ces problématiques sont générales à tous les domaines où il existe une compétition. Le sport, notamment le football, a offert un terrain très fructueux d'analyses économiques mais aussi de décisions très pratiques, portant sur les normes devant gouverner la répartition des produits générés par les droits acquittés par les télévisions pour assurer la diffusion des compétitions. Il est intéressant de relever que la considération de l'égalité compétitive a été au coeur des arbitrages rendus en même temps que le critère d'équité. Ce dernier a été abordé sous l'angle de la proportionnalisation des allocations de droits avec la notoriété des différents clubs engagés.

* 55 En revanche, il convient de vérifier la condition d'obtention de 1 % des suffrages exprimés dans toutes les circonscriptions où des candidats sont présentés, condition qui invite les partis concernés à une certaine prudence au regard de l'extension de leurs ambitions électorales, et, par, conséquent, détermine une pondération modeste des financements publics susceptibles de leur revenir.

* 56 Il reste possible de se rattacher à un parti d'outre-mer mais cela est sans effet sur son éligibilité au financement apporté par la seconde tranche de l'aide publique.

* 57 Qu'il figure sur la liste établie par le ministère de l'Intérieur ou non.

* 58 Ce dispositif n'est pas satisfaisant dans la mesure où la sanction n'est pas attachée à une quelconque démonstration de discrimination des sexes de la part d'un parti politique mais à la présomption qu'un parti politique n'ayant pas pu se rallier un nombre quasiment identique de candidats de chaque sexe ne mérite pas un traitement équivalent à un parti l'ayant pu. La présomption ainsi instituée est problématique.

* 59 On a indiqué plus haut que le niveau même de l'aide publique consacrée aux formations politiques, gelée depuis plusieurs années alors même que les conditions alternatives de financement des partis politiques avaient profondément changé représentait une réelle difficulté à laquelle il faut apporter des solutions.

* 60 Avant les élections législatives de 2017.

* 61 « En marche ».

* 62 La répartition de l'aide publique associée aux rattachements de sénateur modère la double prime présidentielle et majoritaire.

* 63 Il est vrai que la président directeur général de la Société générale avait limité ses propos au financement des partis politiques, ce qui pouvait exclure toute référence aux campagnes électorales. Mais, on sait que les financements de ces dernières et celui des partis politiques sont marquées par de très fortes interdépendances.

* 64 Le plafond applicable est de 7 500 euros, mais la familialisation de l'impôt sur le revenu conduit à prendre en compte un plafond de réduction d'impôt plus élevé (correspondant, de fait, à deux fois 7 500 euros). On rappelle que les cotisations versées par les élus titulaires de mandats nationaux ou locaux ne sont pas plafonnées mais sont soumises aux mêmes règles au regard du droit fiscal que les dons et cotisations des personnes physiques non élus. Il existe un problème d'articulation entre les règles prévues en cas de don et celles appliquées aux cotisations. Dès qu'un parti politique a prévu les modalités de versement des cotisations, tout versement supérieur doit être considéré comme un don et se trouve alors soumis au plafonnement des dons.

* 65 Voir Julia Cagé « Le prix de la démocratie ».

* 66 Cette distinction s'impose dans la mesure où le plafond de 7 500 euros fixé à l'article 11-4 de la loi susmentionnée ne s'applique pas aux cotisations versées par les élus nationaux ou locaux (alinéa 2 de l'article).

* 67 Par comparaison, la dépense fiscale au titre du crédit d'impôt accordé aux personnes versant des cotisations aux organisations syndicales représentatives de salariés et aux associations professionnelles nationales de militaires est estimée pour 2019 à 151 millions d'euros.

* 68 Le pic des dons figurant dans le graphique au titre de LR est attribuable à la campagne de sollicitation consécutive au rejet du compte de campagne du candidat de ce parti et il a fait place à un retour à la tendance l'année suivante.

* 69 Le choix de présenter les dons aux partis politiques à partir du recensement des partis ayant disposé des ressources les plus élevées en 2016 a conduit la CNCCFP à ne pas faire apparaître le parti nouvellement apparu en 2016 « En Marche » qui, pour autant, a réuni une proportion significative des dons aux partis politiques au cours de cette année (voir infra).

* 70 S'il s'agit d'être protégée contre les influences « politiciennes » c'est heureux mais certaines institutions regroupant des personnalités issues du monde politique ne se voient pas pour autant systématiquement disqualifiées. Le principe de la collégialité des décisions y apparaît comme une assez forte garantie que d'autres avancées pourraient conforter.

* 71 Suspicion sans doute infondée, mais néanmoins « logique ».

* 72 Précédée par la loi n ° 2006-404 du 5 avril 2006 relative à l'élection présidentielle.

* 73 « L'État post-moderne » Jacques Chevallier, 2014.

* 74 Dans le cadre de la redéfinition du pouvoir de sanction de la CNCCFP par la loi n° 2017-286 du 6 mars 2017 sur les obligations comptables des partis politiques l'on a pu faire valoir que la modulation des sanctions ouverte à la commission était de nature à faire basculer les décisions de la CNCCFP prises sur le fondement de l'article 11-7 de la loi du 11 mars 1988 du recours pour excès de pouvoir au plein contentieux, ce qui permettrait au juge de réformer et de moduler lui-même les sanctions.

* 75 Ce Sect, 9 juin 2010, Assoc. Cap sur l'avenir 13

* 76 Le secret de l'instruction et la possibilité offerte au président de la CNCCFP de donner des suites pénales aux constatations de la commission pouvant concerner d'autres personnes que celles des candidats doivent ici être pris en compte.

* 77 Elle distingue les piratages individuels globalement maîtrisables des attaques massives qu'il semble plus difficile de prévenir mais dont on peut s'efforcer de maîtriser les effets, avec le concours des services compétents de l'État et la coopération des médias conventionnels.

* 78 La commission des sondages pourrait être également citée.

* 79 Les obligations correspondantes ne s'appliquent pas aux sites internet des chaînes.

* 80 Elle semblait porter sur les coûts de réalisation d'un clip diffusé sur les réseaux sociaux et s'inscrire ainsi dans le cadre d'une expertise de l'évaluation des dépenses réelles d'un candidat.

* 81 Cette obligation ne pèse pas sur la CNCCFP mais sur son seul président.

* 82 L'état du droit a pu inspirer des propositions visant à renforcer les rapports entre l'administration fiscale et la CNCCFP que ce soit pour permettre à cette dernière d'accéder à des informations fiscales utiles à son contrôle ou pour compléter l'information des services fiscaux.

* 83 Depuis la loi n° 2017-286 du 6 mars 2017, un seul commissaire aux comptes est désormais appelé à certifier les comptes des formations politiques dont les ressources annuelles ne dépassent pas 230 000 euros. Dans le cas contraire, deux commissaires aux comptes doivent intervenir.

* 84 Sauf exception.

* 85 En 2012 le nombre de candidats aux élections législatives astreints au dépôt de leur compte avait nettement reculé sous l'effet de la loi n° 2011-412 du 14 avril 2011 qui avait dispensé du dépôt de leur compte les candidats ayant obtenu moins de 1 % des suffrages et n'ayant pas bénéficié de dons de personnes physiques.

* 86 Le compte rendu de la séance de la commission des finances au cours de laquelle le présent rapport a été présenté en témoigne.

* 87 Votre rapporteur spécial ne pense pas que l'adoption d'une démarche de contrôle aléatoire, comme il en existe dans d'autres domaines, puisse être tout à fait compatible avec les missions de la CNCCFP. Par ailleurs, les contrôles aléatoires mis en oeuvre dans certains domaines ont des prolongements par extrapolation qui paraissent difficiles à transposer dans le domaine ici concerné.

* 88 À cet égard, il pourrait être d'un certain intérêt que les délibérations du juge de l'élection « sur le siège » soient rendues publiques, la motivation des décisions apportant sans doute des garanties mais qu'une publicité des séances renforcerait tout en permettant un accès plus détaillé aux données des affaires, accès didactiquement utile.

* 89 Les comptes des partis ne sont communicables qu'après la publication au Journal Officiel.

* 90 Des problèmes concrets se sont ainsi posés à la suite des élections de 2017, résolus par la distribution d'avances (voir le rapport budgétaire de votre rapporteur spécial sur le projet de loi de finances pour 2019 portant sur la mission AGTE).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page