II. LE DÉVELOPPEMENT DES PLATEFORMES : DES OPPORTUNITÉS ET DES RISQUES

A. UNE OPPORTUNITÉ POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'EMPLOI ET DE L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE

1. Une évolution du rapport au travail dont les moteurs sont les évolutions tant technologiques que sociétales

L'essor actuel du travail indépendant, et en particulier du travail via des plateformes de mise en relation s'inscrit dans un contexte d'évolution du rapport au travail dans notre société.

Cette évolution est par exemple décrite par l'observatoire Sociovision, qui notait en 2015 que le succès de la société Uber « ne reflète pas seulement l'efficacité d'un modèle économique. Il traduit également - et peut-être avant tout - les évolutions qui sont à l'oeuvre depuis plusieurs décennies dans l'Hexagone » 54 ( * ) .

Cette tendance a d'ailleurs poussé le Conseil d'État à consacrer en 2017 une étude au développement de l'économie des plateformes, dans laquelle il notait que « l'économie issue de l'“ubérisation” répond aussi à une demande d'autonomie dans l'activité professionnelle qui, sans être un phénomène massif, n'en est pas moins réelle, conduisant une part croissante d'actifs à privilégier des conditions de travail dans lesquelles ils conservent une indépendance réelle, ne serait-ce qu'en termes de gestion de leur temps » 55 ( * ) .

Le succès des plateformes de mise en relation de travailleurs indépendants et de clients s'expliquerait ainsi en grande partie par un souhait d'autonomie exprimé par les actifs, de moins en moins enclins à accepter la subordination que suppose le statut de salarié. Cette indépendance est d'ailleurs mise en avant par les plateformes dans leur communication à destination des travailleurs.

2. Une utilité sociale et économique
a) Un effet positif sur l'emploi

Il ne semble pas possible d'affirmer que, d'une manière globale, le développement du travail indépendant via des plateformes s'est fait au détriment d'emplois classiques.

Dans les secteurs faisant appel à une main d'oeuvre peu qualifiée, le travail indépendant a pu permettre à un grand nombre de travailleurs de contourner les obstacles qui les éloignent de l'emploi salarié, à commencer par les discriminations à l'embauche.

Une étude économique portant sur les chauffeurs utilisant l'application Uber et publiée en 2016 tend à démontrer que « les chauffeurs travaillant avec Uber appartiennent aux segments de la population active qui ont été particulièrement touchés par le chômage » 56 ( * ) .

Le Conseil d'État relevait d'ailleurs dans son étude de 2017 que « l'ouverture d'un marché du travail “à la demande” a constitué pour certains une réponse à la crise économique ».

b) Un impact sur l'activité économique

En offrant un service nouveau, les plateformes peuvent être un facteur de soutien à l'activité. Si cet effet est difficile à mesurer, la société Deliveroo estimait en 2019 avoir généré un supplément de chiffre d'affaires de l'ordre de 438 millions d'euros en un an dans le secteur de la restauration.

c) Une réponse à des besoins exprimés par la société

En outre, bien qu'un certain nombre de plateformes de mise en relation peinent à trouver leur rentabilité, leur succès semble indiquer qu'elles répondent à une demande des utilisateurs, qu'il s'agisse de besoins de mobilité non satisfaits par l'offre traditionnelle (taxis, transports en commun...), de livraison de biens ou de repas ou encore de recrutement ponctuels.

3. Les plateformes comme relais de l'action publique

Si l'on peut parfois s'interroger sur la capacité qu'ont les États à imposer et réguler des entreprises multinationales aux capacités financières en apparence illimitée, le mode de fonctionnement de ces plateformes peut également constituer un élément sur lequel les pouvoirs publics pourraient s'appuyer.

Le fait que les flux financiers entre le travailleur indépendant et son client passent par l'intermédiaire d'une plateforme rend moins probable leur dissimulation ou l'omission de leur déclaration. Dans certains secteurs, le développement des plateformes a ainsi pu contribuer à une réduction du travail dissimulé.

Plus généralement, les outils numériques utilisés par les plateformes dans leur rôle d'intermédiaire entre les travailleurs indépendants et les plateformes peuvent être des vecteurs efficaces de mise en oeuvre de règles fixées par le législateur ou le pouvoir réglementaire.

Ainsi, le législateur a pu par le passé imposer aux plateformes des obligations de transmission d'informations à l'administration fiscale ou encore ouvrir le bénéfice du CPF à l'ensemble des travailleurs de plateformes 57 ( * ) .


* 54 Sociovision, La Société française au miroir d'Uber, 2015.

* 55 Puissance publique et plateformes numériques : accompagner l'« ubérisation », rapport du Conseil d'État, 29 septembre 2017.

* 56 Travailler sur une plateforme internet ; une analyse des chauffeurs utilisant Uber en France, Augustin Landier, Daniel Szomoru, et David Thesmar, 4 mars 2016.

* 57 Art. L. 7342-3 du code du travail.

Page mise à jour le

Partager cette page