V. QUATRE ERREURS À NE PAS COMMETTRE EN ANALYSANT LES EFFETS DE LA CRISE

A. ENSEIGNEMENT N°1 - LA RÉALITÉ DES CHIFFRES DE LA CONSOMMATION DES MÉNAGES CONFIRME LES STRATÉGIES VISANT À SATISFAIRE LES DEMANDES DANS TOUTES LES GAMMES GRÂCE À UNE COMPLÉMENTARITÉ DES MODES DE PRODUCTION

Les ménages ont privilégié, tout au long de la crise, les produits de tous les jours et ont prêté une attention forte au prix des denrées comme le démontrent quatre phénomènes :

- les produits sous marque distributeur ont été plébiscités : déjà en croissance avant le confinement, leur poids dans les ventes des grandes surfaces ont augmenté de 2,4 points par rapport à 2019. C'est 5 fois plus rapide que la tendance d'avant crise 96 ( * ) ;

- les Français ont dû, faute de volumes suffisants sur les références les moins chères, se reporter vers des gammes plus onéreuses, ce qui a expliqué la hausse des prix moyens des courses ressentie par les consommateurs 97 ( * ) ;

- Les enseignes « hard-discount » seraient sorties gagnantes de la crise avec un chiffre d'affaires plus dynamique que la concurrence à fin avril. Après un début de crise difficile, elles semblent avoir finalement connu un chiffre d'affaires particulièrement plus dynamique que la concurrence à fin avril (+1,9 point de part de marché entre le 13 et le 26 avril 98 ( * ) ) ;

- les ventes de produits bio ont crû durant la crise, mais ne portent plus l'essentiel de la croissance des ventes. En effet, 89 % de la croissance des ventes en GMS a été portée par des denrées non bio, alors que 87 % de cette croissance était portée par le bio en 2019 99 ( * ) . Une étude de l'IRI explique les déterminants de la croissance des ventes de produits bio pendant la crise par des ruptures de certains rayons (progression forte sur les catégories où des ruptures ont été constatées comme les pâtes alimentaires, les oeufs, le riz ou le pain de mie), par son bon référencement en e-commerce et dans les rayons épicerie où la croissance des ventes a été particulièrement forte. En parallèle, elle recense une moindre fréquentation des magasins bio (15 % des consommateurs ayant arrêté de fréquenter ces magasins). Sans conteste, ces produits demeurent plébiscités par les consommateurs. Mais la crise semble avoir démontré la nécessité de trouver un équilibre entre les différents modes de production sans laisser croire qu'il soit possible d'aller à court-terme vers un marché intégralement bio, comme d'aucuns pourraient le laisser entendre.

Ainsi, à l'heure de la crise du pouvoir d'achat des ménages, prétendre spécialiser l'agriculture dans le haut de gamme est une erreur majeure , qui n'aboutirait qu'à réserver la consommation de produits français à quelques-uns, tout en contraignant les plus démunis à s'approvisionner en produits importés, moins onéreux mais de moins bonne qualité.

D'autant que la crise a accentué les inégalités alimentaires, comme en témoignent la hausse du nombre de bénéficiaires de l'aide alimentaire. Le secrétaire national du Secours populaire estime, par exemple, que, pour son association, « le nombre de bénéficiaires de nos colis alimentaires a progressé de 45 % en deux mois 100 ( * ) ». De même, sont à mentionner les difficultés liées à la fermeture de la restauration collective, qui a privé, en pratique, les bénéficiaires des seuls repas équilibrés qu'ils consomment en temps normal.

Au contraire, l'agriculture française doit rester riche de sa diversité . Les gammes ne sont pas incompatibles, elles sont complémentaires. La France est capable aujourd'hui de produire des aliments de bonne qualité à des prix raisonnables. Elle doit le rester, tout en permettant, aux producteurs qui le souhaitent de tirer une valorisation supplémentaire de certaines cultures.


* 96 IRI Vision actualité, La paupérisation de la consommation, données au 13 mai 2020.

* 97 Selon UFC Que choisir, Produits de première nécessité - Les pénuries se tassent, pas les prix, 11 mai 2020.

* 98 Ibid.

* 99 IRI Vision actualité, Bio, données au 12 avril 2020.

* 100 Source : 20 minutes, « Coronavirus : Hausse des bénéficiaires, baisse du nombre de bénévoles... L'inquiétude des associations caritatives monte d'un cran » - 15 mai 2020.

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