2. Les réserves du Sénat au titre du respect du principe subsidiarité entendues

Lors de la présentation de la proposition de directive, en janvier 2017, le Sénat, sur proposition de la commission des affaires européennes, a adopté un avis motivé 20 ( * ) , dans lequel il indiquait que le projet de directive ne respectait pas le principe de subsidiarité. Il estimait notamment que tel était le cas dans le domaine de la santé où l'article 168 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dispose que l'action de l'Union est menée dans le respect de la responsabilité des États membres, rendant de ce fait inapplicable le principe de proportionnalité.

En réponse, la Commission a indiqué que les prérogatives reconnues aux États membres par le Traité ne pouvaient se comprendre comme une possibilité de remettre en cause les principes de non-discrimination et de proportionnalité et s'appuie sur l'article 46, l'article 53, paragraphe 1, et l'article 62 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui visent à favoriser la libre circulation

La directive adoptée diffère toutefois de la proposition initiale et rappelle les prérogatives des États membres. Elle précise ainsi, dans son article 1 er , qu'elle « ne porte pas atteinte à la compétence des États membres, en l'absence d'harmonisation, ni à la marge d'appréciation dont ils disposent pour décider des professions à réglementer et de la manière de les réglementer, dans les limites des principes de non-discrimination et de proportionnalité ».

3. La crainte d'une remise en cause des organisations professionnelles

Aux yeux de l'ordre des sages-femmes, la directive ne prend pas suffisamment en compte le cas particulier des professions de santé. En outre, elle remet en cause la réglementation professionnelle et les prérogatives des ordres, dans la mesure où son considérant 14 recommande le recours à un organisme tiers pour évaluer la proportionnalité de nouvelles mesures. Enfin, cette directive risque de décourager l'introduction de nouvelles mesures par les ordres alors même que leur mission est de faire évoluer les compétences et les conditions d'exercice des professionnels de santé.

L'ordre national des pharmaciens, pour sa part, craint que cette directive ne décourage les États d'introduire de nouvelles règles car cela crée en quelque sorte une inversion de la charge de la preuve au détriment des États.

La Fédération nationale des associations d'aides-soignants a également rappelé que, quoique favorable à la mobilité, elle ne souhaite pas que soient remises en cause les modalités de prise en charge des patients, ainsi que le rôle de l'État et des organisations professionnelles dans la définition de ces modalités.

L'ordre des masseurs kinésithérapeutes a déploré l'interprétation extensive du principe de proportionnalité pour atteindre des objectifs économiques. Ce principe est accusé d `affaiblir la réglementation des professions, malgré le haut niveau de mobilité professionnelle d'ores et déjà atteint grâce au droit actuellement en vigueur.

Pour transposer cette directive, les autorités françaises ont choisi d'inclure cet examen de proportionnalité au sein des études ou des fiches d'impact déjà prévues en droit national. En effet, le droit français prévoit que les projets de loi sont accompagnés d'études d'impact et les décrets de fiches d'impact. C'est donc dans ce cadre que la proportionnalité sera examinée par les services du Gouvernement. Une circulaire précisera les modalités de ce contrôle.

Cette solution semble a priori satisfaisante dans la mesure où elle ne limite pas les initiatives en la matière. La commission des affaires européennes devra toutefois rester vigilante sur cette question. Les réglementations ont pour objectif de garantir la sécurité des patients et les initiatives en la matière ne sauraient être limitées uniquement dans le but de favoriser la mobilité.


* 20 http://www.senat.fr/leg/tas16-105.html

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