II. LES PROPOSITIONS SPÉCIFIQUES À L'ANCT POUR SOUTENIR LES PROJETS LOCAUX

A. POUR UNE GOUVERNANCE ET UNE DOCTRINE D'ACTION ADAPTÉES AUX SPÉCIFICITÉS DES TERRITOIRES

1. Conforter la gouvernance nationale et locale de l'ANCT dans le pilotage des politiques transversales

a) Renforcer la dimension interministérielle

La tutelle de l'ANCT est exercée par la sous-direction de la Cohésion et de l'aménagement du territoire (CAT) relevant de la Direction générale des collectivités locales rattachée au ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales.

On peut considérer que l'ANCT est en quelque sorte l'héritière de la DATAR, qui avait elle-même été remplacée par le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), dont on se souvient de la vocation d'impulsion interministérielle qui justifiait son rattachement aux services du Premier ministre. La nouvelle organisation de l'ANCT distend plus encore ce lien. La question d'une tutelle plus directe du Premier ministre se pose d'autant plus que les cinq opérateurs désignés à l'ANCT par la loi (Ademe, Anru, Anah, Cerema, Banque des territoires) relèvent de ministères distincts . À cet égard, on peut relever que parmi les modalités prévues par le rapport de préfiguration figurait le choix d'un « rattachement et d'un mode de tutelle opérationnelle [...] qui garantisse son interministérialité ».

Proposition n° 13 : Renforcer la dimension interministérielle de l'ANCT pour conforter sa mission de pilotage de politiques transversales multi opérateurs (envisager une tutelle du Premier ministre, introduire un volet « soutien à l'ingénierie dans les territoires » comportant des indicateurs spécifiques dans le document budgétaire de politique transversale « Aménagement du territoire »).

b) Affirmer l'échelon départemental

La logique du guichet unique annoncée par le Président de la République s'est concrétisée sous une voilure au final plus réduite et limitée à la fusion de trois opérateurs, et qui s'appuie sur le réseau des préfets de département, en tant que délégués territoriaux de l'Agence, avec le soutien des directions départementales des territoires (et de la mer) pour assurer le travail d'instruction des dossiers.

Cette organisation entre en cohérence avec l'échelon départemental jugé le plus pertinent pour le développement de l'ingénierie publique locale et devraient donc être de nature à rapprocher services de l'État et des collectivités. Il conviendra que chaque préfet incarne l'esprit du guichet unique comme un accélérateur et facilitateur de procédure , sans rajouter une « couche » administrative supplémentaire dans l'analyse des dossiers, et qu'il soit clairement identifié comme l'interlocuteur unique.

Un point de vigilance a toutefois été soulevé dans le débat sur l'adoption du présent rapport quant au respect par le représentant de l'État de la libre administration des collectivités territoriales quant à l'utilisation de leurs propres moyens d'ingénierie , les comités locaux de cohésion des territoires organisés par le préfet ne devant donc pas interférer dans les doctrines d'emploi décidées par les conseils départementaux.

Proposition n° 14 : Conforter le rôle et les moyens du préfet de département en qualité de délégué territorial de l'ANCT comme interlocuteur unique pour la mobilisation de l'ingénierie de l'État et de ses opérateurs, et comme facilitateur en ce qui concerne le recours à l'ingénierie publique locale, dans le respect de la libre administration des collectivités territoriales.

2. Faire de l'ANCT le pivot de la mutualisation des ressources d'ingénierie : dresser une cartographie de tous les moyens d'ingénierie publique

À la question de savoir s'il existe une cartographie de l'offre globale d'ingénierie, telle que l'avait initiée la DNO en 2016, l'ANCT confirme que « plusieurs exercices de recensements de l'ingénierie ont été produits sans prétendre à l'exhaustivité » et qu'» il revient à l'Agence de consolider et compléter l'information disponible et qualifier l'ingénierie pour pouvoir mobiliser utilement les ressources disponibles ».

Il manque toujours une cartographie de tous les moyens d'ingénierie publique au sens large réunissant les moyens de l'État, de ses services déconcentrés et de ses agences, ainsi que ceux des collectivités, de leurs établissements publics et de l'ensemble du réseau des agences de conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) dans une base commune. La mission d'identifier les acteurs, de recenser finement leurs compétences et de rendre accessible ces données en réseau sur une plateforme publique pourraient relever de l'ANCT au titre de sa mission de développement numérique des territoires.

Cette mission s'avère d'autant plus primordiale que « l'ANCT organise la mobilisation de l'ingénierie disponible dans une logique de subsidiarité, la réponse de première intention devant être apportée au plus près du terrain », ce qui suppose d'en connaître le plus finement possible les caractéristiques.

Le groupement des DDT(M) suggère que cette plateforme soit collaborative, afin de capitaliser des connaissances entre différents territoires, en open data. Des plateformes numériques existantes peuvent servir de support à cette démarche (le site aides territoires 29 ( * ) ou la cartographie interactive mise en ligne sur le site de l'observatoire des territoires 30 ( * ) ) à condition d' axer la recherche d'ingénierie par compétences , d'y intégrer les données relatives à l'ingénierie publique locale (notamment l'annuaire du réseau des ATD), au même titre que celles relevant de l'ingénierie d'État, et de comporter un volet relatif à la diffusion numérique des bonnes pratiques selon un mode collaboratif et ouvert.

Proposition n° 15 : Créer une plateforme numérique, en données collaboratives et ouvertes, dressant la cartographie exhaustive de tous les moyens d'ingénierie publique au sens large réunissant les moyens de l'État, de ses services déconcentrés, de ses agences, ainsi que ceux des collectivités, de leurs établissements publics, de l'ensemble des réseaux d'opérateurs, associatifs, consulaires et de l'offre privée.

Proposition n° 16 : Diffuser les bonnes pratiques en développant une culture de réseau collaborative et de retour d'expérience sur les projets (entre comités locaux de cohésion des territoires, comité régional des financeurs, conférence des territoires et/ou conférence des maires organisée dans chaque département, le réseau des SGAR, réseaux consulaires, etc.).

3. Faire de l'ANCT un acteur de la différenciation et de la subsidiarité

a) Adapter la doctrine d'action de l'agence aux spécificités du maillage territorial

L'analyse de l'offre d'ingénierie publique locale montre que le retrait de l'État n'a été compensé par le développement de l'offre d'ingénierie départementale que très inégalement. Par ailleurs la maille territoriale adéquate au développement de projets diffère selon les situations locales (communes, intercommunalités ou PETR). En conséquence, la doctrine d'action de l'ANCT doit en premier lieu tenir compte des spécificités locales dans la composition des comités locaux de cohésion des territoires en y faisant participer tous les échelons territoriaux, sans déterminer par avance les interlocuteurs éligibles à un soutien de l'Agence.

En application du principe de subsidiarité, l'aide doit aller prioritairement là où les besoins ne peuvent être satisfaits par d'autres moyens.

Proposition n° 17 : Adapter la doctrine d'action de l'agence aux spécificités du maillage territorial, qu'il s'agisse des échelons communaux, départementaux et de la nécessaire coordination avec les stratégies régionales, mais aussi des intercommunalités et des PETR qui, dans les territoires de faible densité, constituent la maille adéquate de gestation et de réalisation des projets.

b) Construire le guichet unique sur la base d'une culture de l'évaluation et de la qualité de service auprès des collectivités

En lieu et place du vaste guichet unique initialement pensé pour regrouper tous les moyens de l'État, l'ANCT ne regroupe au final que trois entités - le CGET, l'Epareca et l'agence du numérique -, laissant ainsi hors de son champ de décision des moyens importants qu'il était initialement envisagé de fusionner : l'Agence nationale de l'habitat (Anah), de l'Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru), de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), et du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema).

Les conditions de conventionnement entre l'ANCT et ces agences doivent être transparentes et s'inscrire dans la durée, sans devenir un risque supplémentaire de friction ou de déperdition d'énergie dans les circuits de décision.

Le principe d'action de l'agence repose sur la subsidiarité. L'ANCT n'interviendrait que si le besoin ne peut être couvert par un autre acteur local. Il importe donc tout particulièrement de veiller à la simplification des procédures de saisine par les collectivités afin que les territoires ruraux ne soient pas, dans les faits, les oubliés du système.

Faire simple, agir en mode projet, en phase avec les propositions du groupement des DDT(M) : « l'échelon local de l'ANCT doit se considérer comme un « prestataire » d'ingénierie territoriale, qui offre des services à des « bénéficiaires », déploie des ressources comptées, et s'astreint à certaines méthodes de travail comme à un engagement de résultat ».

Les facteurs-clés de succès de l'ANCT au niveau local selon le groupement des DDT(M)

- fédérer l'action de l'État local en équipe projet, avec un autre mode de relation entre acteurs ;

- organiser la relation avec les territoires, pour présenter notre offre d'ingénierie et ce que nous pourrions faire sur un territoire, pour capter les idées des collectivités et des élus, pour accompagner les élus locaux de l'idée au projet, puis du projet au concret ;

- proposer une offre de service combinée ingénierie administrative, juridique, méthodologique / ingénierie financière, avec l'appui du réseau scientifique et technique et l'expertise de l'État ;

- prouver notre crédibilité et « embarquer » les partenaires extérieurs à l'Agence, potentiels prestataires d'ingénierie et financeurs : conseils départementaux et régionaux, agences et opérateurs de l'État et locaux, mais aussi collectivités, pour construire une offre conjointe ;

- engager les collectivités territoriales à mobiliser et conforter leurs propres ressources au service du projet : cette mobilisation est indispensable à la réussite de tout projet ;

- l'appui aux territoires ne doit pas être un enjeu de pouvoir, mais un engagement partagé.

La réussite de la nouvelle Agence suppose que les services chargés du travail local d'instruction des demandes et du secrétariat des comités locaux - les DDT(M) -- soient dotés des moyens humains adéquats.

Proposition n° 18 : Construire le guichet unique auprès des collectivités sur la base d'une culture de l'évaluation et de la qualité de service auprès des collectivités en confortant les moyens des services déconcentrés de l'État - notamment les DDT(M) - et en associant ses partenaires locaux (simplification des procédures, mobilisation des partenaires conventionnés, maîtrise des délais de réponse, conseil et mise en relation, etc.).


* 29 https://aides-territoires.beta.gouv.fr/

* 30 https://www.observatoire-des-territoires.gouv.fr/

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