II. AMÉLIORER LE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT

La normativité moins forte des LFSS par rapport aux lois de finances rend la question du contrôle de l'application de ces lois d'autant plus importante. Or, comme cela sera développé ci-après, le contrôle parlementaire reste un maillon faible des lois de financement de la sécurité sociale , ce qui n'est plus acceptable. Les modalités d'exercice de ce contrôle doivent évoluer, essentiellement au travers de la création de l'équivalent des « lois de règlement » des lois de financement.

A. CRÉER DES « LOIS DE RÈGLEMENT » DES LFSS

Dans le domaine des finances de l'État, l'article 37 de la LOLF prévoit un rendez-vous spécifique lors duquel le Parlement approuve le compte de résultat de l'exercice, établi à partir des ressources et des charges constatées : la loi de règlement, débattue à la fin du printemps ou au début de l'été.

L'examen de ce texte donne lieu à des travaux de contrôle des rapporteurs spéciaux et, le cas échéant, à l'audition de ministres ou de responsables de programme par les commissions des finances des deux assemblées.

Rien de tel n'existe pour les LFSS puisque le A du I de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale prévoit que les dispositions relatives au dernier exercice clos constituent la première partie de la LFSS de l'année .

Si les LFSS constituent ainsi un ensemble intellectuellement séduisant, avec une pluriannualité affirmée qui part du dernier exercice clos jusqu'à l'exercice à venir en passant par une partie rectificative de l'année en cours, il faut dire clairement que de telles modalités d'examen sont incompatibles avec l'exercice d'un réel contrôle du Parlement sur l'exercice écoulé .

C'est vrai au Sénat, où le vote de la première partie intervient en général en quelques secondes sans aucun débat, à un moment où tous les esprits sont tournés vers les mesures relatives à l'année à venir. C'est sans doute encore plus vrai à l'Assemblée nationale où une semaine sépare en général le dépôt du PLFSS de son examen en commission, ce qui ne laisse pas du tout le temps de se pencher sur l'exercice passé.

Il est particulièrement dommage que les annexes informatives du PLFSS, en particulier les programmes de qualité et d'efficience (PQE) soient ainsi trop peu exploitées, faute de temps. Il n'est surtout pas sain, du point de vue de la gestion des finances publiques, qu'un rendez-vous spécifique ne permette pas au Parlement d'exercer la plénitude de son contrôle sur la gestion de la sécurité sociale lors de l'exercice écoulé et de manifester son jugement au travers d'un vote pleinement éclairé.

Ces raisons pratiques doivent donc conduire à créer des « lois de règlement » des LFSS , qui pourraient être dénommées lois d'approbation des comptes de la sécurité sociale, dont l'examen pourrait se faire au printemps, à une date proche de l'examen des lois de règlement du budget de l'État.

Le Parlement disposerait alors de suffisamment de temps pour procéder à un réel examen de la gestion des caisses, organismes et administrations responsables sur la base de PQE qui deviendraient l'équivalent des « rapports annuels de performance » annexés au projet de loi de règlement et, le cas échéant, à des auditions que les commissions des affaires sociales jugeraient utiles. Le contrôle démocratique en serait significativement renforcé .

Les lois de règlement, moment privilégié pour un regard d'ensemble
sur l'orientation des finances publiques ?

Le projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace incluait un article 7 disposant, de manière un peu sybilline, que « les projets de loi de financement de la sécurité sociale et de finances peuvent être examinés conjointement, en tout ou partie, dans les conditions fixées par la loi organique. »

Même si l'examen de ce texte a été supendu, l'idée d'instaurer un « moment » au cours duquel le Parlement peut débattre de l'ensemble des finances publiques est restée dans le débat public. Or si cette idée présente un aspect séduisant d'un point de vue conceptuel, son caractère novateur et véritablement opérationnel mérite, hélas, d'être nuancé .

En effet, un tel moment existe déjà puisqu'en application de l'article 48 de la LOLF, le Sénat tient chaque année un débat d'orientation des finances publiques (DOFP), organisé en général au moment de l'examen du projet de loi de règlement du budget de l'État.

Et, sans doute sous l'effet d'une culture administrative très solidement ancrée, ce débat prend en fait généralement la forme d'un débat sur l'orientation des seules finances de l'État (et, dans une bien moindre mesure, des collectivités territoriales) lors duquel le rapporteur général de la commission des affaires sociales est souvent bien seul à évoquer les finances sociales, qui représentent pourtant environ la moitié des finances publiques.

À titre d'illustration, lors du dernier débat de ce type 15 ( * ) , le ministre de l'action et des comptes publics n'a évoqué, dans son propos introductif, la sécurité sociale, qu'en trois phrases. Deux pour exprimer que « le redressement des comptes de la sécurité sociale s'est consolidé malgré le ralentissement conjoncturel du second semestre 2018 qui a pesé sur les recettes du régime général. Cela démontre qu'il est possible de tenir les comptes sociaux, désormais proches de l'équilibre - situation que la sécurité sociale n'a pas connue depuis 2001 -, tout en finançant les mesures de pouvoir d'achat en faveur des actifs » et une pour indiquer que « pour la sécurité sociale, [le Gouvernement tiendra] la maîtrise des dépenses sous Ondam », ce qui est assez léger.

De plus, aucune réponse ministérielle n'a été apportée, dans la suite du même débat, aux différentes questions et observations formulées par la commission des affaires sociales.

Sur le fondement de cette expérience concrète, il est donc à craindre que l'organisation d'un débat soi-disant conjoint des finances publiques se traduise, dans les faits, par un examen parlementaire bien moins approfondi sur les finances sociales qu'il ne l'est à l'heure actuelle grâce à l'examen séparé du PLFSS , au détriment de l'ensemble des finances publiques.

Néanmoins, l'instauration d'une « loi de règlement » de la sécurité sociale serait sans doute de nature à améliorer le regard commun sur le contrôle et l'orientation des finances publiques. Le DOFP, qui pourrait être couplé à la discussion générale des deux projets de « loi de règlement », pourrait alors donner lieu à des débats étayés menés par les deux commissions financières des assemblées et serait conclu par deux votes portant sur l'ensemble des finances publiques.


* 15 Compte rendu intégral des débats du Sénat du 11 juillet 2019.

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