D. LES MESURES ÉLECTORALES

> Ordonnance n° 2020-307 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des mandats des conseillers consulaires et des délégués consulaires et aux modalités d'organisation du scrutin

I. L'habilitation

L'article 21 de la loi du 25 mars 2020 reporte les élections consulaires, initialement prévues les 16 et 17 mai 2020, au plus tard au mois de juin 2020 . Il prolonge, en conséquence, le mandat des conseillers consulaires et des délégués consulaires en exercice.

Le Gouvernement est habilité à légiférer par ordonnances dans un délai d'un mois à compter de la publication de la loi pour « prendre toute mesure relevant du domaine de la loi liée à la prorogation des mandats des conseillers consulaires et des délégués consulaires et aux modalités d'organisation du scrutin ». Un projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement dans un délai d'un mois à compter de la publication de chaque ordonnance.

II. Le calendrier électoral prévu par l'ordonnance

L'ordonnance n° 2020-307 du 25 mars 2020 prévoit un calendrier sous forme d'un « rétroplanning » pour les opérations préparatoires aux élections consulaires, sans préciser la date du nouveau scrutin . Cette date sera fixée par décret, en fonction des recommandations du comité de scientifiques placé auprès du Gouvernement 118 ( * ) .

Les candidatures déjà déposées pour le scrutin des 16 et 17 mai 2020 resteraient valables, « sauf manifestation de volonté expresse des candidats ». De nouveaux candidats pourraient quant à eux déposer leur dossier jusqu'à 30 jours avant le scrutin.

Le calendrier électoral serait concentré sur 40 jours, contre 90 jours dans le droit commun .

Élections consulaires : le calendrier électoral

Droit commun

Scrutin de juin 2020

Convocation des électeurs

J-90 avant le scrutin

J-40 avant le scrutin

Délai limite pour le dépôt
des candidatures

J-70

J-30

Remise, par l'administration,
du récépissé d'enregistrement des candidatures

J-66

(quatre jours)

J-28

(deux jours)

Délai de contestation si l'administration refuse d'enregistrer la candidature

J-63

(trois jours)

J-25

(trois jours)

Décision du juge administratif

sur ce contentieux

J-60

(trois jours)

J-22

(trois jours)

Envoi des courriers informant

les électeurs du scrutin et

des candidats en présence

J-50

J-18

Dépôt, par les candidats,
de leurs bulletins de vote
au poste consulaire

J-47

Date à fixer par décret

Transmission, par les candidats, de leur profession de foi
pour publication sur le site
du ministère
des affaires étrangères

J-28

Date à fixer par décret

Début de la campagne électorale

J-21

Date à fixer par décret

Vote par internet 119 ( * )

Entre J-9 et J-4

Date à fixer par décret

Vote à l'urne

16-17 mai 2020

Date à fixer par décret, au plus tard
au mois de juin

Proclamation des résultats

J + 2

J + 2

Délai limite pour

contester les résultats de l'élection

J + 12

J + 12

Election, parmi les conseillers consulaires, des membres
de l'Assemblée des Français
de l'étranger (AFE)

J + 30

J + 30

Délai limite pour

la première réunion de l'AFE

J + 150

J + 150

Ce calendrier est particulièrement resserré , en raison des contraintes imposées par la situation sanitaire.

Il suppose que le comité de scientifiques rende son rapport au moins 45 jours avant le scrutin afin de pouvoir mener des consultations politiques en amont du décret de convocation des électeurs. Si le scrutin a lieu les 20 et 21 juin prochains, le comité de scientifiques devra se prononcer le 7 mai 2020 au plus tard (alors que la loi lui laisse théoriquement jusqu'au 23 mai 2020 pour le faire), pour un décret de convocation publié le 12 mai 2020.

L'administration ne disposera que de 2 jours pour contrôler la validité des candidatures, contre 4 jours dans le droit commun.

La campagne électorale, qui dure habituellement trois semaines, serait donc réduite à quelques jours . En fonction des décrets à paraître, elle pourrait commencer environ 6 jours avant le début de vote par internet - qui se déroule de manière anticipée - et 15 jours avant le vote à l'urne.

III. Des mesures qui soulèvent encore certaines interrogations

Divers ajustements calendaires (non prévus par l'ordonnance du Gouvernement) auraient permis d'allonger la durée de la campagne électorale, par exemple en réduisant le délai entre la convocation des électeurs et le dépôt des candidatures ou le délai dont dispose les candidats pour contester le refus de leur candidature. Ce choix n'a toutefois pas été fait par le Gouvernement.

Plusieurs questions semblent nécessiter des précisions complémentaires de la part du Gouvernement , notamment en ce qui concerne :

- la gestion des listes électorales consulaires . Habituellement, un électeur peut s'y inscrire jusqu'au sixième vendredi précédant le scrutin, soit le 15 mai 2020 si les élections consulaires sont organisées les 20 et 21 juin prochain ;

- le point de départ de certaines dispositions du code électoral , comme l'interdiction d'acheter des publicités commerciales dans les six mois précédant le scrutin 120 ( * ) ;

- la durée du mandat des conseillers consulaires qui seraient élus en juin prochain . Leur mandat va-t-il courir jusqu'en mai 2026 (soit la date habituelle des élections consulaires) ou jusqu'en juin 2026 (soit six ans après le scrutin de 2020) ?

Le Gouvernement n'a pas retenu les dispositions de la proposition de loi tendant à améliorer le régime électoral des instances représentatives des Français établis hors de France et les conditions d'exercice des mandats électoraux de leurs membres, adoptée par le Sénat le 22 janvier 2019 .

Plusieurs d'entre elles auraient permis de sécuriser le scrutin, tout en respectant le périmètre de l'habilitation à légiférer par ordonnances. Peuvent être mentionnées :

- l'obligation pour l'administration de refuser la candidature d'une personne non inscrite sur les listes électorales consulaires et donc inéligibles 121 ( * ) ;

- l'organisation d'élections partielles dans les circonscriptions où aucune candidature n'a été régulièrement enregistrée 122 ( * ) .

IV. L'Assemblée des Français de l'étranger (AFE)

L'ordonnance précise, enfin, que le mandat des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) en exercice expire dans le mois qui suit l'élection des nouveaux conseillers consulaires, ce qui est cohérent avec la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France. L'élection des nouveaux membres de l'AFE - élus par et parmi les conseillers consulaires - aurait donc lieu en juillet 2020 .

Interprétant de manière extensive l'habilitation du législateur, l'ordonnance dispose également que l'AFE peut ne se réunir qu'une seule fois au cours de l'année 2020 , contre deux fois habituellement. Cette disposition tire les conséquences de l'annulation de la session de mars 2020, en raison de la dégradation des conditions sanitaires. Une fois renouvelée, l'AFE pourrait se réunir à l'automne 2020.

> Ordonnance n° 2020-390 du 1er avril 2020 relative au report du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers de la métropole de Lyon

I. L'habilitation

L'article 20 de la loi du 23 mars 2020 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnances, dans un délai d'un mois, pour adapter le droit électoral. Un projet de loi de ratification doit être déposé dans le mois suivant la publication de chaque ordonnance.

L'ordonnance du 1 er avril 2020 couvre une grande partie de l'habilitation en modifiant les règles relatives :

- à l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires (qui doit se tenir au plus tard en juin 2020), au financement de la campagne électorale et à la consultation des listes d'émargement ;

- au calendrier pour l'établissement de la seconde fraction de l'aide publique aux partis et groupements politiques.

Deux champs de l'habilitation ne sont toutefois pas couverts par l'ordonnance :

- les modalités d'organisation de l'élection des maires et des adjoints dans les communes où le conseil municipal a été élu au complet dès le premier tour ;

- l'adaptation du calendrier électoral dans les territoires ultramarins , notamment dans l'hypothèse où le second tour des élections municipales et communautaires pourrait s'y tenir avant juin 2020.

Conformément aux engagements pris devant la représentation nationale, le Gouvernement doit permettre l'élection des maires et des adjoints le plus rapidement possible , même si le confinement devait être prolongé.

La prolongation du mandat des maires sortants ne peut être que limitée dans le temps, afin de laisser place aux nouvelles équipes. Le Gouvernement doit prendre, dans l'urgence, des dispositions prévoyant un vote à l'urne, par correspondance ou par voie électronique.

II. L'organisation du second tour des élections municipales et communautaires

A) Le gel des listes électorales

Comme l'indique le Gouvernement, il convient, pour assurer la sincérité du scrutin, d'« organiser le second tour dans un cadre similaire à ce qui aurait été prévu en l'absence de report » 123 ( * ) .

En conséquence, les listes électorales dressées pour le premier tour sont « gelées » en vue du second tour . Les inscriptions ou radiations effectuées dans l'intervalle ne prendront effet qu'au lendemain du second tour. La candidature des citoyens qui ont démontré leur attache communale avant le premier tour ne pourra pas être remise en cause, même en cas de changement de domicile.

Seules quelques exceptions sont prévues pour permettre :

- l'inscription sur les listes électorales des personnes devenues majeures ou ayant acquis la nationalité française avant le second tour ;

- les radiations prononcées sur décision de justice ou pour décès.

Une réflexion identique doit être menée pour l'établissement des listes électorales des Français de l'étranger, en vue des prochaines élections consulaires.

Une interrogation demeure concernant l'application des règles d'inéligibilité. À titre d'exemple, l'article L. 231 du code électoral dispose qu'un fonctionnaire de police ne peut pas se présenter dans le ressort où il exerce ou a exercé ses fonctions depuis moins de six mois. Ce délai doit-il courir à compter du premier ou du second tour du scrutin ? Cette question se pose essentiellement dans les communes de moins de 1 000 habitants, dans lesquelles les citoyens peuvent se présenter directement au second tour (voir infra ).

B) Le dépôt des candidatures

Conformément à la loi d'urgence du 23 mars 2020, les déclarations de candidature pour le second tour devront être déposées « au plus tard le mardi qui suit la publication du décret de convocation des électeurs » 124 ( * ) .

L'ordonnance précise toutefois que les candidatures régulièrement enregistrées avant le 17 mars 2020 125 ( * ) restent valables . Il s'agit d'un changement de doctrine de la part du Gouvernement 126 ( * ) , qui correspond à une demande constante du Sénat.

Dans les communes de 1 000 habitants et plus, les candidats pourront également retirer leur déclaration de candidature, avec l'accord de la majorité des membres de la liste. Il ne sera toutefois pas possible de modifier la liste, sauf à la retirer avant de la redéposer.

Les déclarations de candidatures devront être déposées en préfecture ou en sous-préfecture, sans possibilité d'envoi dématérialisé .

Enfin, dans les communes de moins de 1 000 habitants, l'ordonnance rappelle que le second tour porte uniquement sur les sièges non pourvus au premier tour. Conformément à l'article L. 255-3 du code électoral, « seuls peuvent se présenter au second tour de scrutin les candidats présents au premier tour, sauf si le nombre de candidats au premier tour est inférieur au nombre de sièges à pourvoir ».

C) Les règles de financement de la campagne électorale

De manière opportune, l'ordonnance précise le calendrier de dépôt des comptes de campagne , en fixant un délai limite :

- au 10 juillet 2020 pour l'ensemble des listes uniquement présentes au premier tour (y compris en cas d'élection au complet du conseil municipal) ;

- au 11 septembre 2020 pour les listes présentes au second tour .

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) disposerait d'un délai supplémentaire pour examiner les comptes de campagne, « en raison notamment des difficultés de recrutement liées à la période estivale » 127 ( * ) .

En cas de recours devant le juge de l'élection, la CNCCFP pourrait instruire le dossier en trois mois à compter du délai limite pour le dépôt des comptes de campagne (contre deux mois habituellement), ce qui aura pour conséquence d'allonger la durée des procédures contentieuses.

En l'absence de contentieux, la CNCCFP se prononcera dans un délai de six mois à compter du dépôt de chaque compte de campagne, conformément aux règles de droit commun fixées par l'article L. 52-15 du code électoral.

D) La consultation des listes d'émargement

En application de l'article 68 du code électoral, les listes d'émargement peuvent être communiquées à tout électeur « pendant un délai de dix jours à compter de l'élection et, éventuellement, durant le dépôt des listes entre les deux tours de scrutin ». Elles constituent, des pièces importantes en cas de contentieux.

En raison de la crise sanitaire, l'ordonnance allonge le délai de communication des listes d'émargement , qui seront disponibles :

- dans les communes où le conseil municipal a été élu au complet dès le premier tour de scrutin : pendant cinq jours à compter de l'entrée en fonction de la nouvelle équipe municipale. Cette date d'entrée en fonction sera fixée par décret, aussitôt que les conditions sanitaires permettront l'élection du maire et de ses adjoints et au plus tard en juin 2020 ;

- dans les communes où un second tour est nécessaire : entre la publication du décret de convocation des électeurs (qui doit être pris le 27 mai 2020 au plus tard) et les cinq jours qui suivent le scrutin (prévu en juin 2020 au plus tard).

III. Le mandat des conseillers dans les communes où le conseil municipal a été élu au complet dès le premier tour

Dans les communes où le conseil municipal a été élu au complet, l'entrée en fonction des conseillers municipaux est différée en raison de la situation sanitaire (voir supra ).

La loi d'urgence du 23 mars 2020 a précisé le « statut des candidats élus au premier tour dont l'entrée en fonction est différée ne leur confère ni les droits ni les obligations normalement attachées à leur mandat. Le régime des incompatibilités (...) ne s'applique à eux qu'à compter de leur entrée en fonction ».

À titre complémentaire, l'ordonnance précise que la démission des candidats élus dès le premier tour ne prend effet qu'après leur entrée en fonction .

Cette disposition interprète de manière extensive le périmètre de l'habilitation à légiférer par ordonnances, qui porte essentiellement sur l'organisation du second tour de scrutin. Sur le fond, elle ne soulève toutefois aucune difficulté.

IV. Le calendrier pour l'établissement de la seconde fraction de l'aide publique aux partis et groupements politiques

En raison de la crise sanitaire, la loi d'urgence du 23 mars 2020 reporte le délai limite pour le dépôt des comptes des partis et groupements politiques, désormais fixé au 11 septembre 2020 128 ( * ) .

Cette modification a des conséquences sur l'aide publique : seuls peuvent y prétendre les partis et groupements politiques qui ont respecté leurs obligations en matière de financement électoral.

L'ordonnance adapte ainsi le calendrier de la seconde fraction de l'aide publique 129 ( * ) :

- les parlementaires auront jusqu'en janvier 2021 (et non jusqu'en novembre 2020) pour se rattacher à un parti ou à un groupement politique ;

- les bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat auront jusqu'au 31 janvier 2021 (et non jusqu'au 31 décembre 2020) pour communiquer la liste de ces rattachements au Premier ministre .


* 118 Prévu par l'article L. 3131-19 du code de la santé publique, ce comité est réuni pendant la période d'état d'urgence sanitaire. Il est chargé de rendre des avis sur l'état de la catastrophe sanitaire, les connaissances scientifiques qui s'y rapportent et les mesures propres à y mettre un terme.

* 119 Le vote par internet est réalisé de manière anticipée pour éviter qu'un électeur puisse voter deux fois pour un même scrutin (par internet et à l'urne).

* 120 Article L. 52-1 du code électoral.

* 121 Répondant ainsi à la difficulté rencontrée dans la circonscription du Paraguay en 2014. Conseil d'État, 17 février 2015, Élections consulaires dans la circonscription du Paraguay, affaire n° 381414.

* 122 Répondant ainsi à la difficulté rencontrée en Ukraine, circonscription qui n'a pas compté d'élu pendant plus de six ans, aucun candidat ne s'y étant présenté lors des élections consulaires de 2014.

* 123 Source : rapport au Président de la République sur la présente ordonnance.

* 124 Ce décret de convocation devant être pris au plus tard le mercredi 27 mai 2020.

* 125 Soit le délai limite initialement prévu par le code électoral, avant le report du second tour.

* 126 Le 19 mars 2020, le ministre de l'intérieur avait déclaré devant le Sénat : « dès lors que ce texte est voté et que la date du scrutin change, (les listes de candidats déjà déposées) seront écrasées par le fait que le second tour n'aura pas lieu dimanche et disparaîtront (...) Les listes devront donc être redéposées », ce qui ne correspond pas au texte de l'ordonnance.

* 127 Source : rapport au Président de la République sur la présente ordonnance.

* 128 Alors que ce délai limite est habituellement fixé au premier semestre de l'année suivant l'exercice sur lequel porte le compte du parti ou du groupement politique.

* 129 Cette seconde fraction est attribuée aux partis et groupements politiques en fonction du nombre de députés et de sénateurs s'y étant rattachés.

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