VII. LES PROPOSITIONS DU RAPPORT

Bien qu'il ressorte du présent rapport que les différentes sources d'énergie issues du monde agricole présentent des bilans contrastés en termes d'avantages et inconvénients , notamment en termes d'acceptabilité sociale, de rendement ou, surtout, d'impact environnemental, il est essentiel de concevoir la transition énergétique à la lumière de la complémentarité des énergies . Il n'y aura pas de solution unique et plusieurs énergies renouvelables devront continuer à être mobilisées simultanément. Parmi ces dernières, le biogaz est particulièrement à développer.

L'ensemble de ces propositions devraient permettre de contribuer à la définition des orientations du plan de relance du Gouvernement faisant suite à la pandémie de Covid-19 et d'en préciser certains aspects.

De plus, un futur projet de loi sur le foncier agricole pourrait aussi être le vecteur d'une réforme du monde agricole en intégrant certaines des propositions du présent rapport et allant dans le sens de ses orientations générales en faveur de l'agroécologie et de l'agroforesterie , dans une vision transversale et systémique des enjeux interdépendants de la santé, de l'énergie, de l'environnement et de l'agriculture .

A. LES PROPOSITIONS GÉNÉRALES

1. Concilier la politique énergétique française et ses implications pour le monde agricole avec nos objectifs de production alimentaire, de lutte contre l'artificialisation des sols, de stockage du carbone dans les sols, de maintien de la biodiversité et de santé publique, en assurant la primauté de la production alimentaire sur les autres objectifs, afin de prévenir les conflits d'usage

Cette première proposition est générale et éminemment politique. Elle pose comme principe essentiel la recherche d'une conciliation de la politique énergétique française et de ses implications pour le monde agricole avec nos objectifs de production alimentaire , de lutte contre l'artificialisation des sols , de stockage du carbone dans les sols , de maintien de la biodiversité et de santé publique . Cette conciliation doit permettre d'assurer la priorité de la production alimentaire sur les autres activités du monde agricole , afin de prévenir les risques de conflits d'usage.

L'intégration de la santé publique parmi ces objectifs prioritaires vise à tirer les conséquences de l'expérience de la pandémie de Covid-19 car il faut désormais articuler de manière nouvelle dans une vision transversale et systémique les enjeux interdépendants de la santé, de l'environnement, de l'alimentation, de l'agriculture et de l'énergie , en recourant par exemple au concept de « santé globale » ou de « santé unique ». Entre notre microbiote intestinal, notre système immunitaire, notre alimentation, notre agriculture, notre politique de santé, les pollutions, la déforestation, l'artificialisation des terres, les atteintes à la biodiversité, le réchauffement climatique, la mondialisation et le développement des pandémies, tout se tient. Notre agriculture et notre alimentation largement mondialisées impactent l'environnement - atteinte à la biodiversité, pollutions, réchauffement climatique, qualité des sols - et façonnent notre microbiote intestinal et notre système immunitaire - facteur de résilience ou de vulnérabilité face aux maladies infectieuses -, tandis que notre politique de santé intervient souvent en bout de course, sur le volet soins et très rarement sur le volet prévention , alors que ces sujets sont interdépendants . Ce constat nécessite de penser la contribution de l'agriculture à la fourniture d'énergie dans ce cadre élargi et transversal pour éviter les effets rebonds 188 ( * ) et identifier les synergies possibles.

Comme l'a montré la commission des affaires économiques du Sénat dans sa « Feuille de route pour une relance bas-carbone » publiée en juin 2020 189 ( * ) , composée de 45 mesures réunies en 10 axes, la crise de la pandémie , la transition énergétique et la neutralité carbone sont des enjeux interdépendants qui imposent un changement de méthode politique pour gérer l'après-crise.

2. Clarifier notre stratégie énergétique nationale vis-à-vis du monde agricole et, plus généralement, améliorer la cohérence interne de la politique énergétique de la France en matière de développement des énergies renouvelables, en renforçant le rôle du Parlement

Cette proposition concerne le pilotage stratégique et la gouvernance de la politique énergétique de la France, vis-à-vis du monde agricole mais aussi, plus généralement, en matière de développement des énergies renouvelables dans un contexte de soutien aux systèmes de production bas-carbone . Des marges d'amélioration demeurent en termes de cohérence interne de la stratégie énergétique de la France. Le présent rapport propose donc qu'un travail transversal soit mené au niveau interministériel, ce qui implique :

- de clarifier le portage politique de cette stratégie par le ministère de la transition écologique (MTE) et de sa direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) et par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, ce dernier devant être davantage associé à ce pilotage ;

- de dépasser les approches parfois restrictives en termes de périmètre ministériel au profit d'un travail interministériel transversal ;

- et de travailler autant que faire se peut dans une logique de projets car seule une telle démarche permettra de faire évoluer - dans un sens pragmatique - la gouvernance de la politique énergétique en associant tous les acteurs concernés 190 ( * ) , à l'heure où coexistent de nombreuses instances de consultation sans pouvoirs réels, une représentation insuffisante de certaines parties prenantes et une coordination interministérielle défaillante 191 ( * ) .

Les appels d'offres de la CRE représentant un outil essentiel de pilotage de la politique de développement des énergies renouvelables, il faut veiller à bien définir leurs objectifs et à optimiser de manière stratégique leur utilisation .

Cette préoccupation d'améliorer la cohérence interne de la politique énergétique de la France en matière de développement des énergies renouvelables, grâce à un pilotage interministériel stratégique dans une logique de projets , est valable pour le secteur agricole mais vos rapporteurs ont relevé, à l'occasion d'autres travaux, sa pertinence pour le stockage du carbone, la gestion des catastrophes naturelles, la pollution de l'air, l'utilisation du glyphosate ou, encore, l'encadrement des produits phytosanitaires.

En outre, il convient de renforcer le rôle du Parlement dans la définition et le contrôle de notre stratégie énergétique nationale . Plusieurs mesures peuvent être envisagées, qui dépassent le cadre du présent rapport, mais parmi elles, il serait particulièrement pertinent de remplacer la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), publiée aujourd'hui par voie réglementaire , par une véritable loi de programmation pluriannuelle de l'énergie , qui serait débattue dans chacune des deux assemblées. La loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat a introduit, dans le code de l'énergie, l'article L. 100-1 A 192 ( * ) qui prévoit qu'à partir de 2023 une loi de programmation quinquennale vienne déterminer « les objectifs et fixe les priorités d'action de la politique énergétique nationale ». Une telle disposition va dans le bon sens mais il faudra veiller à ce qu'elle ne limite pas le rôle du Parlement à celui d'un législateur fixant de grands objectifs généraux : le Parlement doit pouvoir définir les objectifs de développement des énergies renouvelables pour chacune des filières et pas seulement par type d'énergie, à savoir l'électricité, la chaleur, le carburant et le gaz. La PPE doit incomber au Parlement et la voie réglementaire ne doit être utilisée que pour fixer des niveaux de détail fins, et en tout état de cause pas les grandes orientations par filière.

Cette nouvelle PPE après 2023 ainsi que la future SNBC devront mieux tenir compte des enjeux de la production d'énergie dans le secteur agricole et de ses systèmes de production bas-carbone , les objectifs actuels étant clairement insuffisants.

3. Soutenir la recherche sur la production d'énergie dans le secteur agricole et encourager le financement de démarches innovantes, en d otant la stratégie de recherche en énergie d'un volet agricole

Fidèle à son rôle d'interface entre le monde politique et le monde de la recherche, l'Office appelle, par cette troisième proposition, à soutenir la recherche sur la production d'énergie dans le secteur agricole et à encourager le financement de démarches innovantes .

Un tel soutien impose de mobiliser les dispositifs existants pour les enrichir d'un volet agricole. La stratégie de recherche en énergie renouvelable devra ainsi se doter utilement d'un volet agricole .

En outre, le recours innovant aux TIC et à leurs usages , notamment avec l'intelligence articificielle (IA) permettant la mise en place de réseaux d'énergie intelligents ( smart grids ), doit être le plus large possible. La recherche fondamentale, la recherche appliquée et la R&D peuvent être mobilisées à cette fin, en amont de la diffusion et de la commercialisation.

Comme il sera vu plus loin s'agissant spécifiquement du photovoltaïque, la construction de « panneaux intelligents » innovants constitue par exemple une piste d'avenir.

4. Assurer un suivi régulier et rigoureux de la production d'énergie dans le secteur agricole, en intégrant autant que possible les approches en termes d'analyses de cycle de vie (ACV)

Alors que la production d'énergie ne fait pas l'objet d'un suivi régulier par les pouvoirs publics, il est proposé d'en assurer un suivi régulier et rigoureux, en intégrant autant que possible les approches en termes d'analyses de cycle de vie (ACV) , ce qui implique de mettre en place des questionnaires sur la production d'énergie dans le secteur agricole en s'inspirant par exemple de la méthodologie de l'Agreste 193 ( * ) , du recensement général agricole et de la statistique agricole annuelle mais en en élargissant les thèmes d'études. Ces données devront être publiques.

Les règles de calcul des ACV devront, à un moment ou à un autre, être fixées par le législateur ou par l'Union européenne, afin qu'elles soient les mêmes pour tous.

5. Favoriser la production d'énergie et sa consommation dans le secteur agricole, à travers des incitations, permettant d'encourager l'attractivité des modèles d'affaires pour les agriculteurs, en adaptant les tarifs réglementés, les appels d'offres et les guichets ouverts, en utilisant le levier de la fiscalité agricole (rattachement au régime des bénéfices agricoles - BA) et en levant certains freins réglementaires à la production d'énergie et à sa consommation dans le secteur agricole

Cette proposition se veut opérationnelle et nécessitera une mobilisation du Gouvernement et du Parlement afin de favoriser la production d'énergie et sa consommation dans le secteur agricole.

Il s'agit tout d'abord de poursuivre et d'amplifier de manière ciblée le régime d'incitations , permettant d'encourager l'attractivité des modèles d'affaires pour les agriculteurs, en adaptant les tarifs réglementés, les appels d'offres et les guichets ouverts. Par exemple, certains seuils de guichets ouverts doivent être relevés , notamment autour de la méthanisation et du solaire sur toiture 194 ( * ) afin de faciliter les projets agricoles.

Il conviendra aussi de réfléchir à l'utilisation du levier de la fiscalité agricole en élargissant la possibilité pour les agriculteurs de rattacher les revenus tirés de la production d'énergie au régime des bénéfices agricoles (BA).

Il faudrait enfin lever certains freins réglementaires à la production d'énergie et à sa consommation dans le secteur agricole ou dans les territoires à proximité, par exemple en simplifiant les démarches administratives et les procédures d'autorisation des projets de production d'énergies renouvelables, de manière à favoriser l'acquisition par le monde agricole de ses propres installations de production d'énergie et à faciliter l'autoconsommation. Une telle évolution doit se faire sans revoir à la baisse les exigences liées à la sécurité et à l'environnement.

L'ensemble des politiques publiques doit encourager l'appropriation des infrastructures de production d'énergie par les agriculteurs et leurs groupements plutôt que par les énergéticiens seuls ou par des opérateurs tiers. Le fait de favoriser l'acquisition par le monde agricole de ses propres installations de production d'énergie est particulièrement saillant dans les filières éoliennes et photovoltaïques dans lesquelles les agriculteurs se contentent souvent de mettre à disposition des ressources foncières. Un tel principe permettrait aussi de faire évoluer les regards sur ces filières.

De même, vendre l'énergie qu'ils produisent est aujourd'hui le modèle économique dominant pour les agriculteurs, mais l'autoconsommation doit être facilitée . Il doit être possible pour eux d'utiliser l'énergie qu'ils produisent dans les exploitations, par exemple en utilisant plus de solaire thermique, de pompes à chaleur et de biogaz local, ainsi qu'en permettant aux machines agricoles d'utiliser les alcools et les huiles produits à destination de la filière biocarburants, l'usage carburant du biométhane produit en local devant être autorisé.

Vivre de leur production alimentaire est une fierté pour de nombreux agriculteurs, il en sera de même pour leur production d'énergie. À cet égard, le petit éolien, la petite hydroélectricité et la géothermie sont autant de solutions pertinentes pour l'autoconsommation à l'échelle de l'exploitation agricole.

Ne faisant pas l'objet d'une politique d'incitation, l'autoconsommation à la ferme reste très limitée . La production énergétique du secteur agricole pourrait répondre aux besoins des exploitations elles-mêmes et/ou à des usages locaux dans une logique d'économie circulaire territoriale.

La consommation locale doit donc être facilitée , au niveau des exploitations ou dans les territoires à proximité, le cas échéant dans des « communautés énergétiques ». Ces dernières, prévues par les législations européenne 195 ( * ) et nationale 196 ( * ) récentes, regroupent des acteurs locaux, y compris à l'échelle individuelle dans des modes de production d'énergie renouvelable, en réduisant les frais liés à la consommation d'énergie qu'ils auront produite. Dans de nombreux cas, en particulier pour la méthanisation, l'éolien ou le photovoltaïque, le raccordement aux réseaux de gaz et d'électricité doit rester l'objectif principal mais l'incitation à l'autoconsommation et le développement de solutions technologiques adaptées à la taille des exploitations favoriseront la production d'énergie par les agriculteurs. Un dispositif d'incitation à l'autoconsommation pourrait être mis en oeuvre, même si les politiques publiques doivent continuer à soutenir prioritairement l'injection de biogaz ou d'électricité dans les réseaux.

L'essor des énergies renouvelables, qui sont des énergies locales, va entraîner le basculement d'un système d'énergie centralisé à un monde plus distribué . C'est une transition riche d'opportunités mais aussi de risques, qui devra donc faire l'objet d'accompagnements.

6. Déployer des projets de territoire pour la production d'énergie dans le secteur agricole, dans le cadre de la politique d'aménagement des territoires

Vos rapporteurs recommandent une approche territoriale de la production d'énergie dans le secteur agricole, intégrée à la politique d'aménagement du territoire . Cette dernière doit donc être enrichie d'une politique énergétique d'origine agricole territorialisée, déclinée dans des projets de territoire tenant compte des caractéristiques locales et pouvant aller jusqu'à des mécanismes participatifs, avec ou sans « communautés énergétiques ». L'exemple du méthaniseur « méthamoly » est emblématique : les projets doivent être intégrés aux territoires , avec un rôle important des régions.

Geneviève Pierre, dans son ouvrage précité Agro-énergies dans les territoires, Coopérer pour l'autonomie locale , promeut des changements de paradigmes sur l'énergie en privilégiant « trois caractéristiques qui justifient l'intérêt pour des agro-énergies localisées : un mix de productions décarbonées, la relocalisation de la production et de la consommation et la sobriété énergétique ». La transition énergétique ne peut ignorer les atouts, les opportunités, les ressources de l'agriculture et des campagnes et contribue à redessiner les contours de la multifonctionnalité agricole et des espaces ruraux.

Un travail de rationalisation et d'amélioration des modèles d'affaires les plus performants et adaptés aux territoires et aux divers systèmes agricoles reste à mener. La diffusion de ces modèles d'affaires doit être portée à travers une animation territoriale renforcée, avec les acteurs locaux, les chambres d'agriculture et les organisations professionnelles représentatives du secteur agricole.

Les relations de partenariat peuvent prendre différentes formes , dont voici quelques exemples :

- contrat de vente d'énergie thermique (air chaud ou eau chaude) ;

- contrat de vente de biomasse vers une chaufferie collective ;

- contrat d'apport de déjections animales pour une installation de méthanisation et, inversement, récupération de déchets pour le méthaniseur (cas des boues d'épuration) ;

- location de terrains pour des installations éoliennes ou photovoltaïques, avec en retour valorisation agricole des terres ;

- participation à une structure juridique et/ou un projet participatif ;

- contrat de vente d'huiles végétales pour des flottes captives municipales, contrat de vente d'électricité à ERDF ou à un autre réseau.

Le déploiement de certaines solutions implique plusieurs acteurs du territoire avec des financements voire des équipements partagés (comme une chaudière centralisée). Ces solutions améliorent l'acceptabilité des EnR par la société, surtout quand des financements participatifs permettent des retombés économiques pour les territoires.

Ces projets de territoire pourront aussi contribuer à réunir dans des visions partagées le monde rural et le monde urbain , le premier étant peu dense mais détenteur des ressources permettant la production d'énergie - dont le foncier - alors que le second est plus souvent consommateur.

7. Adopter une démarche de certification des projets conduits, par exemple sous la forme d'un label « Agroénergie »

Il serait pertinent d'entamer une démarche de certification des projets de production d'énergie conduits, par exemple en ayant recours à des labels . Ces derniers pourraient exister à l'échelle des filières ou bien faire l'objet d'une démarche intégrée sous un nom unique. Dans ce cas, vos rapporteurs proposent le label « Agroénergie » , qui répondrait aux défis et aux risques identifiés dans le présent rapport. Le label viserait des projets qui permettent de prévenir les conflits d'usage (l'agrivoltaïsme, la méthanisation raisonnée...), de respecter la priorité de la production alimentaire , d' utiliser des analyses de cycle de vie (ACV) ou encore de s'inscrire dans une approche territorialisée .

Il peut être relevé que l'entreprise Akuo Energy développe des projets sous sa marque « Agrinergie », qui visent à combiner l'activité agricole sur un territoire, en tenant compte des problématiques de ce dernier, et l'activité de production d'énergie, comme le montre le premier projet de cette entreprise sur l'Île de la Réunion avec l'installation de serres photovoltaïques anticycloniques.

8. Améliorer l'offre de formation en matière de production d'énergie dans le secteur agricole, au niveau de la formation initiale (secondaire et supérieur) comme de la formation continue, certaines formations devant permettre l'apprentissage de compétences de haut niveau, y compris celles liées au montage et à la gestion des installations énergétiques

La sensibilisation des agriculteurs , mais aussi des techniciens et des conseillers agricoles, aux enjeux de la production d'énergie dans le secteur agricole doit commencer dès le stade de la formation initiale , dans le secondaire comme le supérieur, puis se poursuivre dans la formation continue . L'APCA pourrait, sous le contrôle du Gouvernement, assurer cette mission de formation continue.

Outre la sensibilisation et l'initiation, certaines formations doivent permettre l'apprentissage de compétences de haut niveau, y compris celles liées au montage et à la gestion des installations énergétiques. Si l'éolien et le photovoltaïque sont connus et ont été largement diffusés, c'est souvent la conséquence d'une méconnaissance des autres solutions technologiques
- comme la méthanisation - et de la mobilisation d'acteurs extérieurs au monde agricole (énergéticiens et développeurs), qui ont parfois poussé à l'adoption de solutions clés en main faciles mais pas toujours avantageuses en termes de retours pour le monde agricole. La production d'énergie est chronophage or la charge de travail pour les agriculteurs n'est pas la même selon les filières et elle laisse plus ou moins de possibilités de diversifier son activité.

Il est probable que des formations dédiées à la production d'énergie dans le secteur agricole permettront des stratégies plus indépendantes et plus éclairées de la part des exploitants agricoles .

9. Protéger le foncier agricole à travers un nouveau cadre législatif

Comme il a été vu, le foncier agricole est peu disponible en France , l' artificialisation des terres réduisant encore chaque année les ressources foncières disponibles. Il s'agit d'un des freins au développement des EnR, dont certaines, comme les biocarburants ou l'électricité photovoltaïque au sol sont, largement consommatrices de terres et peuvent induire des conflits d'usage, préjudiciables aux cultures alimentaires (végétales et animales).

Il est préconisé d' engager une réflexion sur le foncier agricole , dans la continuité du rapport publié en décembre 2018 de la mission d'information commune sur le foncier agricole de nos collègues députés Anne-Laurence Petel et Dominique Potier 197 ( * ) .

Il doit s'agir avant tout de faire déboucher cette réflexion sur la proposition d'un nouveau cadre législatif visant à mieux protéger le foncier agricole, ce que les deux anciens ministres de l'agriculture s'étaient engagés à défendre par le dépôt d'un projet de loi. Lors du salon de l'agriculture 2020, le mardi 25 février, 18 organisations du monde agricole avaient ainsi solennellement demandé au Gouvernement d'honorer sa parole en déposant un projet de loi sur le foncier agricole dès cette année.

Le nouveau ministre de l'agriculture et de l'alimentation a d'ores et déjà été saisi en juillet 2020 par les syndicats du monde agricole de la demande de préparation d'un projet de loi sur le foncier agricole donnant des moyens de lutter contre les contournements actuels et l'artificialisation des terres.

Ce futur projet de loi pourrait aussi être le vecteur d'une réforme du monde agricole dans le sens des orientations générales du présent rapport en faveur de l'agroécologie et de l'agroforesterie , dans une vision transversale et systémique des enjeux interdépendants de la santé, de l'énergie, de l'environnement et de l'agriculture .


* 188 Un effet rebond, ou paradoxe de Jevons, correspond à l'augmentation de consommation liée à la réduction des limites à l'utilisation d'une technologie, ces limites pouvant être monétaires, temporelles, sociales, physiques, liées à l'effort, au danger, à l'organisation, etc. Cf. l'article de François Schneider http://decroissance.free.fr/Schneider_l_Ecologiste.pdf

* 189 Cf. http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/commission/affaires_eco/Covid-19/Feuille_de_route_relance_energie_04-06-2020.pdf

* 190 Le MTE et la DGEC, chefs de file de cette stratégie aujourd'hui, devront copiloter avec le ministère de l'agriculture et de l'alimentation et ses directions concernées. Ces ministères auront ensuite à coeur de mieux associer le ministère de l'économie, des finances et de la relance, la Commission de régulation de l'énergie (CRE), l'Ademe, l'INRAE, les acteurs du monde agricole, les associations de défense de l'environnement, etc.

* 191 Vos rapporteurs ne sont pas allés jusqu'à la position de la Cour des comptes qui préconise la création d'une instance de pilotage interministériel de la politique énergétique placée auprès du Premier ministre ainsi que la mise en place d'un comité chargé d'éclairer les choix gouvernementaux relatifs à l'avenir de la politique de l'énergie. Créer deux nouvelles instances sans en supprimer d'autres n'a pas recueilli leur assentiment.

* 192 Cf. https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000023983208&idArticle=LEGIARTI000039359744&dateTexte=&categorieLien=id

* 193 Développé par le service de la statistique et de la prospective du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, l'outil « Agreste Données en ligne » propose gratuitement, depuis le site Agreste, des résultats d'enquêtes et des séries longues sous forme de tableaux interactifs.

* 194 Le seuil à partir duquel les installations sont soumises aux procédures d'appels d'offres pourrait être rehaussé de 100 kWc par projet actuellement à 500 kWc ou 1 MWc.

* 195 Cf. les dispositions du 4 e paquet européen énergie/climat, baptisé « Une énergie propre pour tous les Européens », en particulier la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables.

* 196 Cf. la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat.

* 197 Cf. le rapport d'information de la mission d'information commune sur le foncier agricole, n° 1460, http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/foncier_agricole_mic

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