C. LE SECTEUR AGRICOLE EN PERSPECTIVE

1. Historique des politiques agricoles

Marquées historiquement par le protectionnisme et des mesures de soutien , et ce dès le 19 e siècle au moins, les politiques agricoles ont connu depuis un siècle deux grandes évolutions : d'une part, la mise en place depuis 1962 de la politique agricole commune (PAC) à l'échelle de l'Union européenne, d'autre part, après 1992 et 1999, la réduction des interventions publiques et l' ouverture croissante aux marchés mondiaux sous l'effet du libre-échange promu lors des négociations commerciales internationales, notamment celles du GATT puis de l'OMC.

L'Union européenne assigne cinq objectifs à la PAC :

- accroître la productivité de l'agriculture en développant le progrès technique et en assurant une utilisation optimale des facteurs de production, notamment de la main d'oeuvre ;

- assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l'agriculture ;

- stabiliser les marchés ;

- garantir la sécurité des approvisionnements ;

- assurer des prix raisonnables aux consommateurs.

2. L'impact des transitions agroécologique et énergétique sur le secteur agricole

L'agriculture contribue aux émissions de gaz à effet de serre (GES). Cependant, elle est victime du réchauffement climatique, comme on le voit avec l'impact de l'instabilité du climat et les phénomènes de sécheresse, et elle peut aussi offrir des solutions contre le réchauffement climatique , en termes d'EnR, d'émission de GES et de stockage du carbone. Elle est un secteur clé dans la transition énergétique et climatique . Les politiques publiques n'intègrent que très progressivement cette évidence et le présent rapport entend contribuer à cette prise de conscience.

Depuis 20 ans, la PAC s'est enrichie d'un volet environnemental , qui se décline tant au niveau du premier pilier (portant sur les mesures de soutien) que du 2 e pilier consacré au développement rural. Le versement des aides est ainsi soumis au respect de critères environnementaux, selon un mécanisme appelé « écoconditionnalité » basé sur les BCAE (Bonnes conditions agricoles et environnementales, qui incluent par exemple des normes définies par les États membres concernant la préservation des sols) et les ERMG (Exigences réglementaires en matière de gestion). Le « verdissement », ou « paiement vert », veille à l'observation de trois mesures environnementales (le maintien des prairies permanentes, la diversité des assolements et le maintien ou la création de surfaces d'intérêt écologique-SIE). S'agissant du 2 e pilier, la promotion de la protection de l'environnement et du développement durable des territoires ruraux font l'objet de mesures de soutien.

Le rapport précité du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, « Prospective Agriculture-Énergie 2030 », publié en 2011, affirme ainsi que « l'énergie en agriculture est trop souvent considérée comme un enjeu secondaire ou conjoncturel. Elle est en réalité une question d'avenir majeure de par ses conséquences économiques pour les exploitations, ses liens aux questions environnementales et climatiques et son influence sur l'organisation des filières et l'aménagement des territoires ». Il est certain que l'agriculture doit rentrer dans la transition énergétique et dans la transition agroécologique pour y jouer un rôle pivot . Les produits et les sols agricoles sont des éléments de première importance dans ces transitions conjuguées. Acteurs de plus en plus engagés en faveur du développement de la bioéconomie et de l'économie circulaire, les agriculteurs sont des acteurs essentiels de la transition agroécologique et de l'économie circulaire, notamment à travers la préservation des sols, le tri des biodéchets et la méthanisation agricole. Comme l'a indiqué Olivier Dauger, co-président de France gaz renouvelables, président de la chambre régionale d'agriculture des Hauts-de-France et de la chambre d'agriculture de l'Aisne, administrateur de la FNSEA en charge des questions climatiques et énergétiques et agriculteur, « l'idée principale est donc de remettre le sol et sa vie au centre du système, en s'intéressant à ce qu'il peut produire, emmagasiner et capter : ce sont les principes mêmes de l'agroécologie ».

3. La consommation énergétique des exploitations agricoles

L'agriculture doit relever le défi de l'efficacité énergétique et réduire autant que possible sa consommation d'énergie.

L'agriculture fait l'objet d'un suivi assez régulier en France en termes de consommation d'énergie. Comme il sera vu plus loin, ce n'est pas le cas de la production d'énergie. Bien que la consommation d'énergie ne soit pas l'objet du présent rapport, il est intéressant de fournir quelques ordres de grandeur, en matière de consommation directe. L' énergie consommée de manière indirecte - pour la fabrication des machines ou la production des engrais par exemple - n'est pas prise en compte . Elle représente des niveaux de même grandeur que l'énergie directe d'après les données disponibles 42 ( * ) .

Le secteur agricole consomme environ 4,5 Mtep d'énergie par an , soit moins de 3 % de la consommation finale d'énergie nationale. Un tel chiffre, qui correspond à la seule consommation d'énergie directe, est raisonnable si on le compare à d'autres secteurs, comme en témoigne le tableau suivant.

Le secteur agricole dans la consommation d'énergie en France

En termes de valeur, ces 4,5 Mtep représentent environ 3,3 milliards d'euros , soit une part faible des 45 milliards d'euros de consommations intermédiaires du secteur. Ces dernières sont elles-mêmes inférieures aux 73 milliards d'euros de la production agricole stricto sensu (données 2018).

Selon le service de la donnée et des études statistiques du MTE, la consommation finale d'énergie de l'agriculture varie peu depuis une dizaine d'années et apparaît en particulier peu sensible aux fluctuations de la production agricole. Le mix énergétique est toujours dominé par les produits pétroliers, les combustibles fossiles représentant 74 % de la consommation agricole , suivis par l'électricité (17 %), le gaz (5 %) et les énergies renouvelables et déchets (4 %). Les produits pétroliers concentrent un peu moins de deux tiers de cette dépense, et l'électricité près d'un tiers.

Forme de l'énergie consommée dans le secteur agricole (en Mtep)

Source : service de la donnée et des études statistiques du MTE.

Un graphique plus ancien du ministère de l'agriculture et de l'alimentation montre à cet égard qu'au sein des exploitations le type d'énergie consommée en reflète l'usage principal, qui correspond en effet aux tracteurs et autres machines agricoles .

Si au sein du monde agricole, on évalue la consommation d'énergie par sous-secteur, force est de constater que les charges occasionnées par type d'exploitation sont très inégales : le maraîchage est ainsi un gros consommateur, à l'opposé de la viticulture, les autres cultures étant dans des niveaux de charges intermédiaires.

La consommation d'énergie par type d'exploitation et par énergie

Selon une étude de l'Ademe sur la dépendance globale de l'agriculture à l'énergie 43 ( * ) , l'énergie représente entre 12 et 20 % des charges variables des exploitations. Cette étude montre que la consommation énergétique de l'activité agricole émet des gaz à effet de serre (GES), dont une part majoritaire provient de processus biologiques et physico-chimiques sur lesquels il existe des leviers d'action , au niveau des sols agricoles, du stockage de carbone dans les sols, de la gestion des déjections animales, de la fermentation entérique, etc. Il existe aussi des consommations d'énergie indirecte dont la maîtrise peut aussi contribuer à la réduction des émissions de GES, par exemple à travers la réduction des quantités d'engrais azotés utilisés.

Parmi les pistes pour réduire la consommation d'énergie en agriculture, on peut relever la réduction du travail du sol , la réduction du chauffage (nécessaire pour la culture de la plupart des légumes hors saison) et la maîtrise de l'élevage voire son redimensionnement (il faut 5 fois plus d'énergie pour produire une unité de protéine animale qu'une unité de protéine végétale). À cet égard, l'agriculture de conservation des sols avec pâturage ou méthanisation des cultures intermédiaires est une voie très prometteuse, notamment car elle permet de stocker davantage de carbone, comme il sera vu plus loin.

L'agriculture de par son type d'activité de production émet un niveau important de GES par rapport à l'énergie qu'elle consomme en comparaison des autres activités économiques. La réduction relative des émissions de gaz à effet de serre (carbone mais plus particulièrement méthane et protoxyde d'azote) est une question sensible dans ce secteur.

Pour mémoire, l'Ademe a consacré un rapport à l'efficacité énergétique en agriculture, publié en février 2019 44 ( * ) .

Pour accompagner le secteur agricole dans l'atteinte d'objectifs d'efficacité énergétique, donc de réduction de ses consommations énergétiques et de ses émissions de gaz à effet de serre, l'Ademe propose l'outil ClimAgri , qui permet des diagnostics d'évaluation de l'impact énergétique et des émissions de GES liées aux activités agricoles et forestières à l'échelle des territoires.

Deux autres démarches peuvent être données à titre d'illustration d'accompagnement des agriculteurs vers une plus grande efficacité énergétique : un programme piloté par la chambre d'agriculture des Hauts-de-France 45 ( * ) , ou encore le cercle Énergies nouvelles 46 ( * ) sur la production de tomates, lancé par Savéol avec notamment l'Ademe, EDF, Région Bretagne et plusieurs entreprises partenaires.


* 42 Cf. la figure 8 dans le « bilan énergétique et carbone de l'alimentation en France de la production à la consommation »

https://www.iddri.org/sites/default/files/PDF/Publications/Catalogue Iddri/Rapport/Empreinte-Carbone_Alimentation_France_VF.pdf

* 43 Cf. l'étude sur la dépendance de l'agriculture à l'énergie, disponible au lien suivant :

https://www.ademe.fr/entreprises-monde-agricole/performance-energetique-energies-renouvelables/lenergie-exploitations-agricoles

* 44 Cf. https://www.ademe.fr/agriculture-efficacite-energetique

* 45 Cf. l'accompagnement des agriculteurs dans leur transition énergétique par la chambre d'agriculture des Hauts-de-France

https://www.lesechos.fr/thema/0600723934379-chambre-dagriculture-des-hauts-de-france-priorite-a-la-reduction-du-cout-energetique-2247072.php

* 46 Cf. https://agriculture.gouv.fr/produire-des-tomates-avec-des-energies-nouvelles

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