B. LES POLITIQUES ÉNERGÉTIQUES ET LA PROGRAMMATION DE L'ÉNERGIE

1. Un cadre international et européen

Les sommets de la Terre, et en particulier le premier sommet à Stockholm , en 1972 , ont placé les questions écologiques au coeur des préoccupations internationales. C'est le sommet de 1992 , à Rio de Janeiro , qui demeure la plus grande réussite avec la signature de la Déclaration de Rio, visant à assurer une meilleure gestion de la planète. Le sommet de Johannesbourg de 2002 s'est particulièrement intéressé à l'énergie et à l'agriculture, notamment à l'utilisation des énergies renouvelables et à la dégradation des sols.

Le sommet de Rio a engagé un processus d'adoption de protocoles contraignants auprès des États. Le protocole de Kyoto , traité international signé en décembre 1997, a pour objectif la réduction des émissions de gaz à effet de serre des parties signataires : 195 États et l'Union européenne sont concernés. Ce protocole contient un volet agricole, avec un objectif d'augmentation des puits de carbone.

L'Accord de Paris du 12 décembre 2015 qui vise à limiter le réchauffement climatique et les émissions de gaz à effet de serre est entré en vigueur en novembre 2016. Bien que peu contraignant juridiquement (aucune sanction), cet accord a pour ambition de contenir d'ici 2100 le réchauffement climatique en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels, à poursuivre l'action menée pour limiter l'élévation des températures à 1,5°C et à atteindre la neutralité carbone, de manière ambitieuse, dans la deuxième moitié du siècle.

Au niveau européen , les programmations se font autour des différents paquets consécutifs sur le climat et l'énergie . Dès 1996, la Commission européenne publie un livre vert afin de lancer un débat sur les différentes mesures urgentes relatives aux énergies renouvelables tout en fixant les objectifs (12 % de la consommation intérieure brute de sources d'énergie à partir des sources d'énergies renouvelables), cernant les obstacles et les moyens à mettre en oeuvre. Par la directive 2001/77/CE (abrogée au 1 er janvier 2012 par la directive 2009/28/CE du 23 avril 2009), l'objectif d'une contribution de 21 % des sources d'énergies renouvelables a été fixé.

Le paquet climat-énergie de 2009 prévoit à l'horizon 2020 un objectif dit « 3 X 20 » : une réduction de 20 % des émissions de GES de l'Union européenne par rapport à 1990, une réduction de 20 % de la consommation énergétique européenne par rapport à l'augmentation tendancielle et, enfin, une part de 20 % d'énergies renouvelables dans la consommation d'énergie totale. La directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 pour la promotion des énergies renouvelables définit ainsi un cadre commun pour la promotion de la production d'énergie à partir de sources renouvelables. Elle fixe des objectifs nationaux contraignants concernant la part d'énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute d'énergie et dans la consommation d'énergie pour les transports. Ces objectifs contribuent à réaliser l'objectif global de 20 % d'énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute d'énergie de l'UE d'ici à 2020. Les objectifs évoluent entre 10 % d'énergie renouvelable pour Malte et 49 % pour la Suède, notre pays étant à un niveau intermédiaire avec un objectif de 23 % .

En 2014, un nouveau paquet climat-énergie pour 2030 a porté l'objectif de réduction des émissions de GES à 40 % par rapport aux niveaux de 1990, la réduction de la consommation énergétique européenne à 27 % (l'amélioration de l'efficacité énergétique ayant ensuite été portée à au moins 32,5 %) et, enfin, la part des énergies renouvelables à 27 % de la consommation d'énergie totale. La directive 2009/28/CE sera ainsi abrogée avec effet au 1 er juillet 2021 par la directive (UE) 2018/2001 du 11 décembre 2018 qui définit un nouvel objectif contraignant encore plus ambitieux de 32 % d'énergies renouvelables à l'horizon 2030 , assorti d'une clause de réexamen d'ici à 2023 pour une révision à la hausse de l'objectif. Les réexamens prévus pourront donc conduire, le cas échéant, à augmenter encore ces objectifs. Cette directive n'attribue aucun objectif aux États, ce sont eux qui fixent leurs contributions nationales afin d'atteindre collectivement l'objectif européen mais ils devront, à compter du 1 er janvier 2021, se situer chacun à une part d'énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute d'énergie de chaque État membre supérieure à la part de référence figurant en annexe de la directive 2009/28/CE, soit 23 % pour la France .

Il convient de relever que selon le dernier rapport d'Eurostat sur le mix énergétique européen 18 % des énergies consommées dans l'Union européenne en 2018 étaient renouvelables (pour mémoire cette part représentait 16,3 % en France).

Enfin, le règlement européen sur l'utilisation des terres et la foresterie pour la période 2021-2030 dit « LULUCF » place le stockage du carbone dans les sols parmi les objectifs de l'Union européenne en matière climatique.

Parmi les mesures sectorielles, la directive 2003/30/EC sur la promotion de l'usage des biocarburants peut être citée : elle a fixé en 2003 des objectifs d'incorporation de 2 % en 2005, 5,75 % en 2010 et 10 % en 2020. En 2009, la directive « RED I » a fixé un objectif d'incorporation de 10 % d'EnR dans les transports à l'horizon 2020. Elle a été remplacée en 2018 par la directive « RED II », avec un objectif d'incorporation de 14 % d'EnR dans les transports à l'horizon 2030. Cette directive plafonne l'incorporation des biocarburants de première génération à 7 % et fixe un plancher pour les biocarburants de deuxième génération de 3,5 %.

Selon les dernières données disponibles (2017), les carburants alternatifs à l'essence et au gazole pétroliers représentent 7,7 % des carburants consommés.

2. Les instruments de programmation en France

Dans les années 1990 et 2000, les autorités françaises se sont engagées en faveur du développement des énergies renouvelables , notamment électriques, telles que l'éolien et le photovoltaïque. Le 15 février 2005, le Président de la République Jacques Chirac a annoncé l'intensification de la recherche « dans six domaines stratégiques : la séquestration du carbone, le véhicule propre, la pile à combustible hydrogène, les biocarburants, le solaire et le photovoltaïque et le bâtiment économe en énergie » 30 ( * ) . Le Gouvernement a pris l'année suivante un arrêté tarifaire doublant le prix d'achat du KWh pour les installations solaires et photovoltaïques 31 ( * ) .

En cohérence avec les programmations européennes, la loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte (LTECV) puis la loi relative à l'énergie et au climat (loi « Énergie-Climat ») ont été promulguées, respectivement le 17 août 2015 et le 8 novembre 2019. La LTECV, selon une logique proche de celle des programmations citées précédemment, vise la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la réduction de la consommation énergétique finale, notamment fossile, la rénovation énergétique, la réduction de la part du nucléaire dans la production d'électricité et, pour ce qui nous intéresse ici, l'augmentation de la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d'énergie : cette part doit représenter selon la loi « Énergie-Climat » 33 % de la consommation en 2030 , dont 40 % pour l'électricité, 38 % pour la chaleur, 15 % pour le carburant et 10 % pour le gaz.

La LTECV prévoit l'élaboration d'une Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), élaborée de manière concertée mais sans vote du Parlement, fixant notamment des objectifs de production pour chaque filière énergétique et qui se veut le fondement de l'avenir énergétique de la France 32 ( * ) . La PPE en vigueur, publiée le 21 avril 2020 33 ( * ) , fixe les objectifs suivants pour les filières d'énergies renouvelables afin de porter la capacité installée de 48,6 GW fin 2017 à 73,5 GW en 2023 et entre 101 et 113 GW en 2028 34 ( * ) .

Les objectifs fixés par la programmation pluriannuelle de l'énergie

(capacité installée en GW)

2018
(PPE de 2016)

2023
(PPE de 2016)

2023
(PPE de 2020)

2028
(PPE de 2020)

Hydroélectricité

25,3

25,8 - 26,05

25,7

26,4 - 26,7

Éolien terrestre

15

21,8 - 26

24,1

33,2 - 34,7

Éolien en mer

0,5

3

2,4

5,2 - 6,2

Photovoltaïque

10,2

18,2 - 20,2

20,1

35,1 - 44

Biomasse solide

0,54

0,79 - 1,04

0,9

0,8

Biogaz-Méthanisation

0,137

0,237 - 0,3

0,27

0,34 - 0,41

Géothermie

0,008

0,053

0,024

0,024

Total

52

69,88 - 77,093

73,5

101 à 113

Source : OPECST d'après les décrets relatifs à la programmation pluriannuelle de l'énergie publiés le 27 octobre 2016 et le 21 avril 2020 35 ( * ) .

En plus de la PPE, la LTECV prévoit l'élaboration de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) qui décrit la feuille de route de la France pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050, à l'aide d'orientations stratégiques pour respecter les objectifs de lutte contre le changement climatique en formulant des recommandations d'actions, et de fixation de « budgets carbone », qui sont des plafonds d'émissions à ne pas dépasser.

L'État définit et met en oeuvre une stratégie nationale de mobilisation de la biomasse 36 ( * ) (SNMB) qui a notamment pour objectif de permettre l'approvisionnement des installations de production d'énergie, comme les appareils de chauffage domestique au bois, les chaufferies collectives industrielles et tertiaires et les unités de cogénération.

La stratégie nationale de mobilisation de la biomasse (SNMB)
et les schémas régionaux biomasse (SRB)

La stratégie nationale de mobilisation de la biomasse (SNMB) définit des orientations, recommandations et actions concernant les filières de production et de valorisation de la biomasse susceptible d'avoir un usage énergétique, en vue de développer la production de biomasse et d'augmenter sa mobilisation, notamment pour l'approvisionnement des installations de production d'énergie, tout en veillant à une bonne articulation de ses usages et à l'atténuation du changement climatique. Elle identifie les efforts d'amélioration des connaissances à réaliser concernant la biomasse mobilisable et le développement de ses usages non alimentaires. Ce document-cadre n'a pas de portée juridique particulière du type « compatibilité » ou « conformité » mais elle prend en compte les orientations, objectifs et indicateurs des schémas régionaux biomasse.

La stratégie précise les objectifs nationaux de mobilisation de biomasse au plan qualitatif et quantitatif. Ces objectifs chiffrés sont déclinés par région afin d'indiquer dans quelle proportion chaque région peut contribuer à l'atteinte d'une production satisfaisant le besoin national. Le dernier mot revient aux schémas régionaux de biomasse (SRB) qui fixent les objectifs régionaux opérationnels en cohérence avec les spécificités de leur territoire. Sont ainsi fixés les besoins en biomasse pour satisfaire la demande, notamment énergétique, aux horizons 2018 et 2023 puis 2030 et 2050. Parallèlement, la SNMB liste les ressources mobilisables et les objectifs de mobilisation, en bonne synergie avec les autres politiques existantes.

Chaque schéma régional biomasse (SRB), élaboré par le préfet de région et le président du conseil régional appuyés par un comité associant des représentants des élus régionaux, des acteurs économiques et des associations de protection de l'environnement, doit définir, en cohérence avec le plan régional de la forêt et du bois et les objectifs relatifs à l'énergie et au climat fixés par l'Union européenne, des objectifs de développement de l'énergie biomasse. Il détermine les orientations et actions à mettre en oeuvre à l'échelle régionale ou infrarégionale pour favoriser le développement des filières de production et de valorisation de la biomasse susceptible d'avoir un usage énergétique, en veillant au respect de la multifonctionnalité des espaces naturels, notamment les espaces agricoles et forestiers. Il prend en compte les objectifs, orientations et indicateurs fixés par la stratégie nationale de mobilisation de la biomasse.

Les SRB opèrent une distinction entre la biomasse qui entre en compétition avec l'usage alimentaire et la biomasse non alimentaire. Ces usages étant potentiellement en concurrence, il est nécessaire, par type de biomasse, de pouvoir les articuler au regard des enjeux environnementaux et socio-économiques, en conservant l'usage alimentaire comme priorité. Les catégories de déchets sont hiérarchisées afin de prioriser certains usages par rapport à d'autres et de prévenir les conflits d'usage.

Source : OPECST.

Selon Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat, « la SNBC, la LTECV et la SNMB sont cohérentes entre elles. Nous avons traduit en particulier le fait qu'il fallait que la vision de l'énergie de demain coïncide avec la vision carbone à moyen terme (2030) et long terme (2050) que propose la SNBC. L'objectif est de décliner la SNBC dans la PPE » 37 ( * ) .

La cohérence entre nos politiques agricoles, la LTECV, la PPE, la SNBC et la SNMB n'allant pas de soi, il est important de conserver une forme de vigilance à ce niveau.

La programmation de l'énergie en Europe et en France

Source : OPECST.

Il convient de relever qu'en France comme dans la plupart des pays européens, les réalisations sont en règle générale en deçà des ambitions affichées 38 ( * ) .

3. Les scénarios de prospective

Les scénarios « NégaWatt 2011 » et « NégaWatt 2017 » sont des scénarios de transition énergétique centrés sur une révision des besoins d'énergie. Ils encouragent le recours aux leviers d'une « politique en rupture avec le dogme de la croissance continue des consommations : sobriété, efficacité énergétique, énergies renouvelables ». Il s'agirait pour la France de diviser par 2 nos consommations finales d'énergie, par 16 nos émissions de CO 2 d'origine énergétique, et de réduire radicalement notre dépendance aux énergies fossiles d'ici 2050 en mobilisant fortement les énergies renouvelables, tout en abandonnant progressivement le nucléaire sur deux décennies.

Le scénario NégaWatt (2017)

Source : NégaWatt.

D'après le cabinet de conseil Solagro, qui se base sur le scénario NégaWatt de 2017, la biomasse constituera la principale ressource énergétique en France à l'horizon 2050 avec près de 380 TWh en énergie primaire. Le rapport Afterres 2050, décrit ainsi un scénario prospectif pour le développement des EnR 39 ( * ) , comme en témoigne le graphique ci-après.

Le scénario Afterres 2050 en matière de bioénergies

Source : Solagro.

Dans un dernier scénario, la « Vision 2030-2050 » de l'Ademe 40 ( * ) , qui reprend certains points du scénario NégaWatt avec une diminution de près de la moitié de la demande énergétique entre 2010 et 2050, et 46 % à 69 % d'énergies renouvelables dans la demande finale en 2050, la répartition serait la suivante :

Comparaison de scénarios prospectifs

Source : Solagro (les variantes SAB et REP signifient « santé alimentation et biodiversité » et « résilience et production », SAB maximise la production bio et REP utilise un modèle plus productif).

L'entreprise GRDF avec « GRDF 2050 », l'Ademe, et GRTgaz ont, en outre, réalisé un scénario prospectif centré sur le gaz , « Un mix de gaz 100 % renouvelable en 2050 ? » 41 ( * ) , dans la continuité des prospectives de NégaWatt et de Solagro, en mettant en évidence un potentiel de 460 TW de gaz renouvelable d'ici à 2050. Ce gaz vert prendrait principalement sa source dans la méthanisation, la pyrogazéification, et l'hydrogène.

Le scénario GRDF, Ademe et GRTgaz en matière de gaz

Source : Ademe.


* 30 Cf. https://www.elysee.fr/front/pdf/elysee-module-10646-fr.pdf

* 31 Cf. https://www.photovoltaique.info/fr/tarifs-dachat-et-autoconsommation/tarifs-dachat/anciens-arretes-tarifaires/arrete-du-26-juillet-2006/

* 32 Cf. https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/programmations-pluriannuelles-lenergie-ppe

* 33 Cf. https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/TRER2006667D%20signe%CC%81%20PM.pdf

* 34 Cf. https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/20200422%20Synthe%CC%80se%20de%20la%20PPE.pdf

* 35 Cf. https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000033312688&dateTexte=20200709&fbclid=IwAR3RikHM97xmnxty_UQx6ALMwcRebNF_bSzTI-a0F744QNrMgidROP7EtUk et https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041814432&categorieLien=id&fbclid=IwAR1FmFWDTTeMy5ZhlULTIz2kJgCZPxGLv7PHOMuw5UnKhqRQjzgzFPOSi0k

* 36 Cf. https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Strat%C3%A9gie%20Nationale%20de%20Mobilisation%20de%20la%20Biomasse.pdf

* 37 Audition du 28 janvier 2020.

* 38 Cf. le premier rapport du Haut Conseil pour le Climat « Agir en cohérence avec les ambitions » du 25 juin 2019 : https://www.hautconseilclimat.fr/publications/rapport-2019/

* 39 Cf. https://afterres2050.solagro.org/wp-content/uploads/2015/11/Solagro_afterres2050-v2-web.pdf

* 40 Cf. https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/ademe_visions2035-50_010305.pdf

* 41 Cf. https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/france-independante-mix-gaz-renouvelable-010503-synthese.pdf

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