X. PRESSE

Le groupe de travail « Presse » de la commission de la culture animé par Michel Laugier (Yvelines, UC-A) est composé de David Assouline (Paris, socialiste et républicain), Max Brisson (Pyrénées-Atlantiques, LR) et Céline Brulin (Seine-Maritime, CRCE).

Le groupe de travail sur la presse a procédé à plusieurs auditions, qui ont toutes souligné les difficultés extrêmes du secteur. La presse est en effet aujourd'hui confrontée à trois défis, dont deux qui préexistaient à l'épisode actuel de confinement . Chacun justifierait une attention particulière des pouvoirs publics. Cumulés, ils constituent un risque mortel pour l'ensemble du secteur.

Tout d'abord, la transition numérique en cours depuis plusieurs années, peine à déboucher sur un équilibre économique viable . En dépit des efforts des titres pour concevoir et alimenter des sites internet et promouvoir les consultations en ligne payantes ou rémunérées par la publicité, l'habitude de la gratuité comme la captation massive de valeur opérée par les plateformes en ligne ont détérioré les comptes au point de mettre en danger l'existence de nombreuses publications. La loi du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse, adoptée sur la base d'une proposition de loi sénatoriale de David Assouline, n'a pas encore pu produire ses fruits en raison de l'opposition ferme de Google et Facebook. La décision de l'Autorité de la Concurrence du 9 avril 2020, qui enjoint aux plateformes de négocier avec les éditeurs la rémunération qui leur est due, ainsi que les transpositions en cours dans le autres pays européens, pourrait dans les prochaines semaines permettre de déboucher sur une solution.

Ensuite, « l'éternelle question » de Presstalis s'est de nouveau imposée dans les débats . L'annonce du dépôt de bilan de l'entreprise, redoutée depuis plusieurs années, n'est qu'un épisode supplémentaire dans la lente chute d'un opérateur qui assure la distribution de toute la presse quotidienne nationale et d'une bonne partie de la presse magazine depuis 1947. Le vote de la loi du 18 octobre 2019 de modernisation de la distribution de la presse, dont le Sénat avait été saisi en premier lieu, offre un cadre adapté pour le futur, mais n'avait pas pour objet de solder le passif d'une entreprises qui a accumulé plus de 400 millions d'euros de dettes et survit depuis des années grâce à des transferts publics massifs et au soutien « à bout de bras » des grands éditeurs qui sont aussi ses actionnaires et qui paient aujourd'hui des errements de gestion dont ils sont, en partie au moins, comptables. La situation de Presstalis, qui aurait déjà des conséquences lourdes en période normale, atteint en temps de confinement des proportions encore plus problématiques pour la filière. Les éditeurs craignent de ne pouvoir récupérer les sommes en circulation et réduisent leur exposition en limitant les quantités livrées et en décalant les sorties de nouveautés, fragilisant d'autant toute la chaîne. Aucune des deux solutions de sauvetage aujourd'hui étudiées ne semble réaliser le large consensus entre toutes les parties prenantes souhaité par les pouvoirs publics pour s'engager financièrement.

Ainsi et enfin, les conséquences du confinement impactent durement un secteur déjà largement fragilisé . La diffusion a diminué de 20 % en moyenne, les recettes publicitaires de 80 %, ce qui devrait correspondre à une baisse sur l'année de 20 % à 30 %. Les activités de diversification dans l'évènementiel sont pour leur part au point mort. Les titres sont donc confrontés à une chute simultanée de l'ensemble de leurs sources de revenus. Cette situation est d'autant plus paradoxale que la fréquentation des sites a plus que doublé la première semaine de confinement et demeure à un niveau très élevé. Cependant, ce regain d'intérêt, signe au demeurant positif de la confiance que les Français accordent à leur presse, ne se traduit pas par des revenus suffisants, loin s'en faut.

Le groupe de travail, conscient de la situation sinistrée de la presse, appelle donc à une action de soutien concertée , qui ne se limite pas à des réponses purement conjoncturelles à la crise actuelle, mais offre également un cadre clair et stabilisé pour le monde « post-Covid ».

La principale difficulté sera de concilier des mesures nécessairement transitoires destinées à « passer le cap », et une politique plus structurelle qui vise à résoudre des faiblesses anciennes.

A. UN SOUTIEN FINANCIER URGENT

Comme l'ensemble des secteurs de l'économie, mais dans des proportions beaucoup plus modestes que, par exemple, l'aviation ou l'automobile, le secteur de la presse va nécessiter un soutien public important pour l'aider à dépasser une crise dont il n'est pas responsable.

1. Aider rapidement une presse exsangue

- Monter un fonds de soutien spécifique ou s'appuyer sur les outils déjà existants comme le Fonds stratégique pour apporter dès le prochain collectif budgétaire un soutien financier aux titres de presse.

- Concentrer sur la presse les campagnes de communication institutionnelle du gouvernement, de préférence aux plateformes numériques.

- Décaler le remboursement à La Poste des frais d'affranchissement de 30 jours pour soulager immédiatement la trésorerie des entreprises de presse.

- Organiser une sortie progressive du chômage partiel pour les entreprises de presse, afin de tenir compte d'un probable décalage dans la reprise de l'activité.

2. Utiliser l'outil fiscal

Plusieurs mesures fiscales destinées à soutenir la presse sont à l'étude, certaines évoquées dans le plan filière présenté par la presse IPG en avril 2019. Il n'appartient pas au groupe de travail de se prononcer en faveur de telle ou telle, faute notamment d'évaluations financières ou d'études d'impact, mais d'attirer l'attention sur leur intérêt renforcé dans la période actuelle, où l'outil fiscal présente l'avantage de pouvoir être mis en oeuvre rapidement et d'être immédiatement lisible pour les acteurs .

À ce titre, on peut mentionner :

Ø un crédit d'impôt sur les abonnements à la presse ;

Ø une TVA à 0 % sur les publications de presse, une mesure déjà appliquée en Belgique.

La question d'un crédit d'impôt spécifiquement destiné à relancer le marché de la publicité est plus complexe. Elle s'est imposée dans les débats et reçoit aujourd'hui un large soutien , qui dépasse le cadre de la presse puisque les médias audiovisuels sont également intéressés.

Sa mise en place doit cependant être précédée d'une réflexion sur plusieurs éléments constitutifs, qui en conditionneront la faisabilité et le coût, en particulier :

• sa durée, qui doit être limitée. La mesure est actuellement présentée comme transitoire, il pourrait être difficile d'y mettre un terme une fois adoptée, tant les dommages pour le secteur seront durables ;

• son champ : faut-il une mesure large qui rassemble tous les médias, au risque de la diluer et d'en faire profiter certains acteurs moins légitimes que d'autres, ou bien la resserrer sur les médias d'information - qu'il faudrait alors circonscrire, une telle définition n'existant pas dans notre droit- ? En tout état de cause, il faudra veiller à ce que cette mesure ne bénéficie pas en premier lieu aux grands vainqueurs de la période que sont les plateformes en ligne ;

• son mécanisme : faut-il une mesure ciblée sur les annonceurs , qui déduiraient alors une fraction des dépenses de publicité de leurs impôts, ou bien centrée directement sur les diffuseurs , suivant des modalités qui restent à définir ?

En tout état de cause, la définition de ces paramètres occasionnera sans nul doute des incompréhensions entre, d'un côté, les tenants de l'orthodoxie budgétaire et de l'autre, ceux d'un soutien massif, mais également au sein même de la profession , entre différents types de médias (presse écrite, télévision..) et au sein même des familles, où chacun estimera qu'il doit en bénéficier.

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