Rapport n° 709 (2019-2020) de M. Vincent DELAHAYE , fait au nom de la CE Concessions autoroutières, déposé le 16 septembre 2020

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N° 709

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2019-2020

Rapport remis à M. le Président du Sénat le 16 septembre 2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 septembre 2020

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission d'enquête (1) sur le contrôle , la régulation et l' évolution des concessions autoroutières ,

Président
M. Éric JEANSANNETAS,

Rapporteur
M. Vincent DELAHAYE,

Sénateurs

Tome I : Rapport

(1) Cette commission est composée de : M. Éric Jeansannetas, président ; M. Vincent Delahaye, rapporteur ; MM. Éric Bocquet, Michel Dagbert, Alain Fouché, Patrice Joly, Mme Christine Lavarde, M. Louis-Jean de Nicolaÿ, Mme Noëlle Rauscent, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Arnaud de Belenet, François Bonhomme, Patrick Chaize, Roland Courteau, Alain Dufaut, Jordi Ginesta, Jean-Raymond Hugonet, Olivier Jacquin, Dominique de Legge, Mmes Anne-Catherine Loisier, Michèle Vullien.

L'ESSENTIEL

Plus de 90 % du réseau autoroutier français concédé est géré par des sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) « historiques » , créées entre le milieu des années 50 et le début des années 70.

Depuis leur privatisation en 2006 , ces sociétés, qui sont titulaires de concessions dont la durée a été prolongée à plusieurs reprises sans mise en concurrence , sont détenues par trois groupes privés - Vinci (ASF et Cofiroute), Eiffage (APRR) et Abertis (Sanef).

15 ans après la privatisation des SCA et alors que l'arrivée à échéance des concessions débutera dans 11 ans (entre 2031 et 2036), la commission d'enquête s'est attachée à examiner la situation de ces concessions dont la rentabilité est généralement perçue comme trop favorable .

Réseaux contrôlés par les groupes Vinci, Eiffage et Abertis

Source : Synthèse des comptes des concessions autoroutières, ART, 2018

I. DES SOCIÉTÉS AUTOROUTIÈRES PRIVATISÉES SANS RÉVISION PRÉALABLE DES CONTRATS DE CONCESSION

A. LA CONCESSION AUTOROUTIÈRE A PERMIS DE CONSTRUIRE LE RÉSEAU AUTOROUTIER

1. Choix de la concession et du financement par le péage dès la fin des années 50

Une loi de 1955 a autorisé la construction des autoroutes dans le cadre de concessions initialement attribuées à des sociétés d'économie mixte exclusivement publiques puis, à partir de 1970, à des sociétés concessionnaires privées.

À l'exception de Cofiroute, ces dernières, fortement déficitaires, sont toutefois reprises par l'État à compter de 1981.

2. 1994-1998 : allongement de la durée des concessions pour financer de nouvelles sections

L'État procède à une réorganisation des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes (SEMCA) et à leur restructuration financière (recapitalisation et suppression des avances budgétaires).

Il met en place le système de l'adossement qui permet de faire financer de nouvelles sections par des sections déjà amorties en allongeant la durée de la concession, avec l'aval de la Commission européenne, sans mise en concurrence.

3. 1998-2000 : normalisation des SEMCA

La situation des SEMCA est normalisée sur les plans financier (suppression de l'adossement, du foisonnement et de la reprise de passif par l'État), comptable (abandon de la méthode des charges différées) et fiscal (TVA sur les péages). L'attribution des marchés de travaux et des sous-concessions (pour les aires d'autoroutes) est soumise à appel d'offres, conformément au droit européen.

B. DES SOCIÉTÉS CONCESSIONNAIRES CÉDÉES AU SECTEUR PRIVÉ EN DEUX TEMPS

1. Des ouvertures partielles du capital (2002-2005) suivies d'une privatisation (2006)

L'État a procédé à l'ouverture partielle du capital des sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) : ASF en 2002 , pour financer le Fonds de réserve des retraites, APRR et Sanef en 2004 et 2005 pour renforcer leurs fonds propres.

En 2006 , le gouvernement Villepin a décidé de les privatiser pour réduire la dette de l'État et renforcer l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Cette opération a rapporté 14,8 milliards d'euros à l'État qui s'est trouvé également déchargé des 16,8 milliards d'euros de dette des SCA .

2. Un processus en deux temps qui a réduit la profitabilité de la cession pour l'État

Les prix de cession lors des ouvertures du capital des SCA paraissent peu élevés au regard de la demande et l'on peut s'interroger sur la façon dont l'État, assisté de banques conseils, a procédé, d'autant que la nécessité des augmentations de capital n'était pas évidente .

La privatisation de 2006 était très contestée dans son principe à l'époque, y compris au sein du Gouvernement. Le processus, piloté par l'Agence des participations de l'État (APE), sous le contrôle de la Commission des participations et des transferts (CPT), a été très encadré et les prix de cession ont été conformes aux règles .

Toutefois la participation de 23 % déjà détenue par Vinci dans ASF a dissuadé les investisseurs de présenter des offres concurrentes , ce qui a conduit à un différentiel faible par rapport au prix plancher si on le compare à celui des deux autres opérations.

Mais c'est avant tout le processus de cession séquentiel des SCA et l'absence de concurrence pour ASF qui a fait perdre à l'État quelque 6,5 milliards d'euros de recettes potentielles (7,8 milliards d'euros en valeur 2020).

II. UNE RÉGULATION PROGRESSIVEMENT RENFORCÉE MAIS QUI PRÉSENTE ENCORE DES LACUNES

A. DES RELATIONS INITIALEMENT DÉSÉQUILIBRÉES ENTRE L'ÉTAT
ET LES SCA HISTORIQUES

1. Le « péché originel » d'un transfert mal préparé

La cession des SCA au secteur privé n'a été précédée ni d'une révision des contrats de concession, ni d'une définition de l'équilibre économique et financier des concessions ni d'une révision des relations avec l'État concédant .

2. Un rééquilibrage partiel difficilement négocié entre 2013 et 2015, assorti de la mise en place d'une régulation indépendante

Après des mois de discussions et de tensions alimentées par des décisions unilatérales de l'État (augmentation de la redevance domaniale, annonce d'un prélèvement sur les profits, gel des tarifs), les rapports très critiques de la Cour des comptes (2013) et de l'Autorité de la concurrence (2014), et des travaux parlementaires, un protocole d'accord est finalement signé le 9 avril 2015 entre l'État et les SCA « historiques ».

Il avalise :

- un programme de travaux de 3,27 milliards d'euros (Plan de relance autoroutier - PRA ) ;

- un nouvel allongement de la durée des concessions accepté par la Commission européenne pour les financer ;

- le principe d'une régulation indépendante du secteur autoroutier.

La loi dite « Macron » confie cette régulation à l'Arafer (devenue Autorité de régulation des transports - ART) et subordonne tout nouvel allongement de la durée des concessions à l'autorisation du Parlement.

B. UNE RÉGULATION PLUS EFFICACE MAIS QUI PEUT ENCORE ÊTRE AMÉLIORÉE

1. Un suivi technique de bonne qualité par les services du ministère chargé des transports

La sous-direction de la gestion et du contrôle du réseau autoroutier concédé vérifie la qualité des travaux et de l'entretien du réseau au moyen de contrôles et audits d'exploitation , de contrôles systématiques lors de la mise en service de nouvelles infrastructures et d' indicateurs de performance qui ont été progressivement enrichis et font l'objet de vérifications (avec le concours du Cerema).

De manière générale, le niveau de compétence et d'exigence de ces contrôles doit être souligné.

2. Un suivi juridique et financier insuffisant

Le ministère chargé des transports et plusieurs services du ministère de l'économie et des finances interviennent dans :

- le suivi des contrats de concessions pour identifier les indus financiers résultant de hausses tarifaires alors que les travaux correspondant n'ont pas été réalisés ;

- la préparation des avenants aux contrats de concession et des contrats des nouvelles concessions ;

- le contrôle des hausses tarifaires annuelles qui s'est renforcé au cours de la dernière décennie et qui comporte :

o une vérification systématique de la correcte application des hausses prévues par les contrats (0,80 % de l'inflation hors tabac, hausses destinées à compenser de nouveaux travaux et compensation du gel tarifaire de 2015) et de la mise en oeuvre des coefficients interclasses ;

o une réduction des distorsions tarifaires excédant 50 % du tarif kilométrique moyen (TKM).

3. Des SCA dotées de moyens sans commune mesure

Les SCA s'appuient sur des compétences techniques juridiques et financières internes et externes (conseils, experts techniques notamment) qui leur permettent de gérer les concessions, de passer des marchés et d'en contrôler l'exécution ainsi que gérer leur situation financière (dette, emprunts nouveaux et dividendes).

Dès lors, elles sont particulièrement bien armées pour discuter avec les services de l'État dont les moyens sont beaucoup plus limités et dont les collaborateurs sont soumis à des obligations de mobilité. Sans compter qu'elles disposent de toutes les informations utiles auxquelles tant les services de l'État que l'ART n'ont accès que par leurs intermédiaires.

4. L'efficacité croissante de la régulation confiée à l'ART

L'intervention de l'ART a permis d'écarter un certain nombre d'opérations et les augmentations tarifaires afférentes, d'assurer une plus grande transparence des résultats économiques des concessions autoroutières , de vérifier que les règles d'appel d'offres étaient respectées , y compris les attributions de marchés de travaux à des entreprises liées et mettre en place un suivi de la rentabilité financière .

5. Des effets positifs sur la négociation du plan d'investissement autoroutier (PIA) en 2016-2017

L'intervention du régulateur montre immédiatement son efficacité : elle conduit à écarter des opérations ne répondant pas aux exigences de nécessité et d'utilité ou qui relèvent déjà d'obligations contractuelles. Elle permet à l'État de négocier à la baisse le taux de rentabilité interne (TRI) .

III. UN ÉQUILIBRE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER TOUJOURS ÉVOQUÉ, JAMAIS DÉFINI

La rentabilité des SCA « historiques » fait toujours l'objet de débats passionnés . Or la question est complexe en raison du modèle économique spécifique des concessions et des marges d'incertitude pesant sur l'évolution, à moyen et long termes, des paramètres économiques et financiers susceptibles d'impacter leur rentabilité.

A. UN MODÈLE ÉCONOMIQUE PARTICULIER SUR UNE DURÉE LONGUE

1. L'appréciation du risque à la base de la rentabilité prévisionnelle

L'appréciation de l'intensité du risque (essentiellement le risque trafic), des coûts d'investissement (qui dépendent de l'évolution des coûts des travaux publics) et des coûts de financement (qui dépendent de l'évolution des taux d'intérêts) est primordiale pour définir l'équilibre économique et financier de la concession dont la rentabilité effective est appréciée à l'échéance sur la durée de la concession . L'évolution des paramètres est d'autant plus incertaine que la durée des concessions est particulièrement longue.

2. Des taux de rentabilité interne (TRI) négociés particulièrement élevés

Lors de la privatisation, l'appréciation du risque (y compris de l'endettement transféré) et du niveau de rentabilité ont été pris en compte dans la fixation du prix de cession. Ensuite, le TRI prévisionnel a, en principe, été réexaminé lors de chaque contrat de plan quinquennal ou plan de relance. En pratique, il n'a pas toujours été révisé, restant alors calé sur un niveau qui n'était plus justifié au regard des évolutions de la situation économique, ou bien il a fait l'objet de négociations pour le moins opaques entre le concédant et les concessionnaires, ainsi que la Cour des comptes l'a relevé à plusieurs reprises.

3. La stratification peu lisible des opérations

L'opacité et la multiplicité des négociations entre l'État et les SCA (contrats de plan quinquennaux, paquet vert autoroutier, PRA, PIA) complexifient la définition de l'équilibre économique des concessions et nuisent à la lisibilité de la politique d'investissement en matière d'infrastructures autoroutières.

4. Une évolution positive des principaux agrégats sur 2006-2019

- un trafic toujours en progression, même s'il a évolué moins rapidement que prévu (crise de 2008) et tend à se tasser ;

- des recettes de péage supérieures à l'évolution du TKM en raison de la base de calcul des augmentations annuelles, héritières de la pratique dite de « foisonnement » et des augmentations destinées à compenser de nouveaux travaux ;

- un endettement financier maintenu à un niveau élevé au profit de versements de dividendes importants, mais restructuré grâce à la baisse des taux d'intérêts.

Confortées par une stabilité des prélèvements obligatoires spécifiques maintenue au nom du respect de l'équilibre du contrat, ces évolutions ont conduit à des variations positives du TRI .

B. DES PERSPECTIVES DE RENTABILITÉ PROMETTEUSES

1. Le premier rapport de l'ART sur la rentabilité des concessions

Dans son analyse, qui repose sur une approche sous l'angle « projet », l'ART constate une augmentation du TRI sur 2017-2019. Sans augmentation tarifaire , le TRI aurait été quasiment identique (0,138 % au lieu de 0,15 %).

2. Une analyse indépendante conclut à des perspectives de rentabilité très supérieures aux estimations initiales

Le rapporteur a fait procéder à une analyse indépendante de la rentabilité des concessions autoroutières « historiques » appréciée sous l'angle « actionnaires » , qui prend appui sur les résultats publiés pour 2006-2019 et propose des projections établies à partir d'hypothèses prudentes pour la période allant de 2020 à l'échéance des concessions.

Il en résulte que la rentabilité actionnaires attendue serait atteinte autour de 2022 (soit 16 ans après la privatisation) pour Vinci autoroutes (ASF et Escota) et pour Eiffage (APRR et AREA). Autrement dit la durée de ces concessions serait trop longue d'environ 10 ans .

En revanche pour le groupe Sanef (Sanef et SAPN), les résultats seraient en ligne avec les prévisions .

Quant à Cofiroute , sa rentabilité apparaît particulièrement élevée et devrait être encore confortée sur la période 2020-2034.

Au-delà de 2022, les dividendes versés atteindraient environ 40 milliards d'euros , dont 32 milliards pour Vinci et Eiffage, à comparer avec les coûts d'acquisition des sociétés .

IV. UNE FIN DES CONCESSIONS À PRÉPARER, UNE GESTION FUTURE À ANTICIPER

A. PRÉPARER LA FIN DES CONCESSIONS

1. Le coût prohibitif d'un rachat anticipé des concessions autoroutières

Prévu par les contrats de concession pour motif d'intérêt général, le rachat aurait un coût évalué par le ministère de l'économie et des finances entre 45 et 50 milliards d'euros .

Il est donc raisonnable d'aller au terme des concessions et de mettre à profit les prochaines années pour s'assurer de la remise en bon état des infrastructures et encourager les SCA à accompagner les mobilités vertueuses.

2. Ne plus prolonger la durée des concessions

3. Établir un inventaire des biens de retour

Il n'a pas été dressé faute d'une définition du « bon état d'entretien ».

4. Veiller au maintien d'un niveau d'investissement suffisant

Les prochains contrats de plan dont la négociation va commencer doivent prévoir un niveau d'investissement assurant le bon entretien des infrastructures, inhérent aux obligations contractuelles des concessionnaires

5. Ajuster le cadre contractuel

En l'état de leur rédaction, les clauses d'encadrement de la rentabilité des concessions ne sont pas opérantes.

6. Organiser un sommet des autoroutes (« La Défense des autoroutes »)

L'État doit prendre l'initiative de discussions avec les sociétés concessionnaires pour définir enfin l'équilibre économique et financier des concessions , ce qui permettra d' identifier les marges d'investissement dont pourraient bénéficier les usagers sans nouvelles augmentations tarifaires .

7. Inciter les SCA à accompagner le développement des modes de transport vertueux sans contrepartie financière

La rentabilité des concessions doit également permettre des modulations tarifaires et des investissements en faveur des véhicules propres , du covoiturage et des transports collectifs .

Le déploiement de bornes de recharge électriques sur les aires d'autoroutes doit être accéléré.

Les SCA pourraient en outre être incitées à relever leur participation au financement de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) qui finance le développement des modes de transports alternatifs.

B. RÉFLÉCHIR À LA GESTION DES AUTOROUTES À L'ÉCHÉANCE
DES CONCESSIONS HISTORIQUES

1. Plusieurs modèles de gestion des autoroutes sont envisageables

La régie publique, la concession et les contrats de partenariat reposent sur un partage différent du risque entre le concédant et le concessionnaire .

Une analyse approfondie des avantages et des inconvénients de ces modèles, au vu des exemples étrangers (notamment espagnol), doit être menée.

2. Toute concession doit être équilibrée et d'une durée limitée

Si le modèle concessif était conservé, il faudrait tenir compte du fait que le réseau est déjà construit et rédiger des contrats de concession qui protègent effectivement les droits du concédant . Des clauses de revoyure tous les 5 ans, permettant de réviser les tarifs ou la durée de la concession en cas de surrentabilité, ainsi que des clauses de partage des gains d'exploitation et de refinancement pourraient être introduites ou améliorées.

PRINCIPALES PROPOSITIONS

AXE 1 : RENFORCER LE CONTRÔLE ET LA RÉGULATION DU SECTEUR AUTOROUTIER CONCÉDÉ

1. Renforcer les moyens de contrôle de l'ART et conforter son indépendance

• Lui donner accès à des informations utiles pour le suivi de la rentabilité et le contrôle de l'attribution des nouvelles concessions

Prévoir que les services de l'État fournissent à l'ART tout élément utile relatif au concessionnaire désigné pour l'attribution d'une nouvelle concession autoroutière, en particulier les dossiers présentés par les candidats non retenus, afin de pouvoir mettre en oeuvre un contrôle plus efficace sur les coûts prévisionnels.

Prévoir que les sociétés d'autoroutes transmettent à l'ART les informations nécessaires à l'analyse des variations de leur rentabilité depuis 2002 afin qu'elle soit en mesure de documenter l'analyse de leur rentabilité.

• Maintenir l'indépendance de l'ART en relevant son plafond d'emplois

2. Consolider les moyens des services de l'État

• Veiller au maintien des capacités d'expertise et d'ingénierie technique élevées du ministère chargé des transports :

Pour rédiger les spécifications techniques des appels d'offres, les contrats de concession et les avenants.

Pour contrôler la livraison des travaux, l'entretien et l'état des réseaux.

• Renforcer les capacités d'expertise financière de l'État pour négocier avec les SCA

Prévoir le recours, en tant que de besoin, à des conseils privés dans le cadre de la négociation des avenants aux contrats de concession et de leur suivi financier.

3. Associer plus largement les usagers et les parlementaires en renforçant le rôle et la composition du comité des usagers

AXE 2 : ASSURER UN CONTRÔLE PLUS ÉTROIT DES MARCHÉS DES SCA

1. Renforcer l'effectivité des décisions de l'ART en matière de contrôle des marchés des SCA

Prévoir des sanctions en cas de méconnaissance des obligations de transmission des marchés des SCA à l'ART.

2. Renforcer les moyens de contrôle des marchés des concessions

Établir une définition claire de la notion de « besoins de la concession » afin d'empêcher les SCA de se soustraire à leurs obligations de publicité et de mise en concurrence pour la passation de certains de leurs marchés.

Mettre en place un suivi financier systématique des avenants afin de s'assurer de l'absence de surcompensation au profit des sociétés d'autoroutes.

Élaborer une doctrine sur le périmètre des opérations compensables dans le cadre des contrats de plan ou des plans de relance pour préciser en particulier les critères de nécessité et d'utilité.

3. Développer le contrôle des sous-concessions

Autoriser l'ART à collecter toute information utile auprès des sous-concessionnaires d'autoroutes pour pouvoir contrôler le respect des engagements des titulaires en matière de modération tarifaire et apprécier la pertinence de la durée des sous-concessions.

Prévoir un suivi régulier des prix réels des carburants par les SCA.

AXE 3 : NÉGOCIER UNE AMÉLIORATION DU SERVICE RENDU AUX USAGERS COMPTE TENU DE LA RENTABILITÉ ÉLEVÉE DES SCA

1. Définir l'équilibre des concessions

Réunir les services de l'État, les SCA et l'ART pour définir enfin l'équilibre économique et financier des contrats de concession.

2. Faire évoluer les tarifs de péage sans nouvel allongement des concessions

• Verdir les tarifs des péages

Accroître les réductions tarifaires pour les véhicules poids-lourds les plus performants écologiquement.

• Demander aux SCA de mettre en oeuvre, sans compensation, des modulations tarifaires à destination des véhicules légers les moins polluants et fonctionnant aux carburants alternatifs ou recourant au covoiturage

• Tenir compte des trajets du quotidien

Accélérer le déploiement d'une offre d'abonnement sans frais pour les trajets domicile-travail garantissant des réductions tarifaires comprises entre 30 et 50 %.

3. Négocier une augmentation de la participation des sociétés concessionnaires historiques au financement de l'AFITF

4. Inciter les SCA à mettre en oeuvre sans contrepartie des aménagements permettant le développement du covoiturage et des transports collectifs, ainsi que des véhicules électriques

AXE 4 : ASSURER UN SUIVI DES CONSÉQUENCES DE LA CRISE SANITAIRE

Veiller à ce que les retards de travaux résultant de la crise sanitaire n'entraînent pas une surcompensation tarifaire.

Rappeler que la situation financière des concessions historiques ne saurait justifier une compensation, même partielle, des conséquences de la crise sanitaire car la poursuite de leur activité n'est pas menacée.

Veiller à ce que l'effectivité de la concurrence en matière de travaux ne soit pas réduite par les souplesses temporaires introduites par l'ordonnance du 25 mars 2020 pour simplifier les procédures en raison de la crise sanitaire.

AXE 5 : PRÉPARER LA FIN DES CONCESSIONS

Ne plus prolonger la durée des concessions afin de pouvoir remettre à plat le cadre de gestion des autoroutes.

Établir sans tarder des inventaires précis et consensuels des biens de retour des concessions et identifier les biens de reprise qui pourraient être utiles au concédant.

Établir rapidement une doctrine précisant les critères du bon état dans lequel doivent être restitués les biens de retour en précisant les caractéristiques du « bon état cible ».

Veiller à ce que les SCA maintiennent un haut niveau d'investissement dans les contrats de plan 2022-2026 pour assurer un bon niveau d'entretien des infrastructures et préparer la remise en bon état des biens en fin de concession.

AXE 6 : ANTICIPER LA GESTION FUTURE DES AUTOROUTES

Lancer sans tarder la réflexion au sein des ministères chargés des transports et de l'économie sur la gestion future des autoroutes actuellement sous concession.

En cas de recours à la concession, établir des contrats équilibrés.

Limiter à quinze ans la durée des futures concessions autoroutières portant sur le réseau existant et ne nécessitant pas de travaux importants.

Introduire des clauses de revoyure tous les cinq ans pour les futures concessions autoroutières afin de prévenir la réapparition d'une rente autoroutière.

Encadrer l'équilibre des contrats de concession par des clauses de partage des gains d'exploitation et des gains de refinancement ainsi que des clauses de modération tarifaire, assorties d'une définition pertinente des seuils de déclenchement des clauses de plafonnement de la rentabilité.

AVANT-PROPOS

À l'exception des concessions récentes attribuées depuis 2001 dans le cadre d'appels d'offres, plus de 90 % du réseau autoroutier français concédé est aujourd'hui géré par des sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) « historiques » , créées entre le milieu des années 50 et le début des années  70.

Alors que ces SCA étaient détenues par l'État (à l'exception notable de Cofiroute), elles ont été introduites en bourse à partir de 2002 1 ( * ) avant d'être privatisées en 2006, à l'issue d'opérations controversées.

Appartenant désormais à trois groupes privés - Vinci (ASF, Escota et Cofiroute), Eiffage (APRR et AREA) et Abertis (Sanef et SAPN) -, ces SCA sont titulaires de concessions dont la durée a été prolongée à plusieurs reprises, sans mise en concurrence. Leur rentabilité perçue comme trop favorable pour leurs actionnaires suscite régulièrement la polémique.

Alors que l'arrivée à échéance des concessions historiques, qui concentrent 97,2 % du trafic et représentent 95,3 % du chiffre d'affaires du secteur autoroutier concédé en France, débutera dans onze ans (entre 2031 et 2036 ), le Sénat a souhaité créer une commission d'enquête pour faire un point sur le contrôle, la régulation et l'évolution des concessions autoroutières.

Cette commission, issue d'une résolution présentée par Vincent Delahaye et les membres du groupe de l'Union centriste 2 ( * ) , a été constituée le 29 janvier 2020, dans le cadre du droit de tirage annuel.

Elle a procédé à une vingtaine d'auditions , avant comme après le confinement 3 ( * ) , pour recueillir les explications, les observations et les points de vue tant des acteurs historiques que des acteurs actuels du dossier autoroutier.

Le rapporteur a par ailleurs réalisé une trentaine d'auditions techniques 4 ( * ) , le plus souvent en audioconférence en raison de la situation sanitaire, mais ouvertes aux membres de la commission 5 ( * ) .

La commission d'enquête s'est principalement efforcée:

- d'analyser les relations de l'État avec les SCA , celles-ci devant être équilibrées pour que les intérêts du concédant et des usagers soient pleinement préservés ;

- de déterminer dans quelle mesure l'État assure un contrôle effectif du respect des contrats de concession et des règles de concurrence en matière d'attribution de marchés de travaux, fourniture et services autoroutiers ;

- d'évaluer la rentabilité des concessions autoroutières , afin de s'assurer que les SCA ne jouissent pas d'une rente économique au détriment de la collectivité.

Ses travaux l'ayant conduite à constater un certain nombre d'insuffisances , la commission s'est attachée à proposer des mesures pour y remédier .

Elle a également formulé des recommandations sur les marges de négociation immédiates qu'offre à l'État la rentabilité de certaines concessions.

La commission a par ailleurs examiné les conditions dans lesquelles la fin des concessions en cours doit être préparée afin que les autoroutes concédées soient restituées à l'État en bon état par les SCA.

Enfin, elle a entamé la réflexion sur les différents modes de gestion des réseaux autoroutiers envisageables après cette échéance .

PREMIÈRE PARTIE
DES CONCESSIONS « HISTORIQUES » PRIVATISÉES
EN 2006 : UN CHANGEMENT DE MODÈLE INSUFFISAMMENT PRÉPARÉ

La construction du réseau autoroutier français, du milieu des années 50 jusqu'au milieu des années 2000, a été principalement réalisée par des sociétés concessionnaires publiques, au moins pour ce qui est des autoroutes de liaison, et financée par la perception de péages, selon le principe usager payeur.

Les conditions de la privatisation de ces sociétés dites « historiques », intervenue en 2006, après des restructurations et des réformes destinées à normaliser leur fonctionnement ainsi que des ouvertures partielles de leur capital entre 2002 et 2005, ont fait, et font toujours, l'objet de critiques. Celles-ci portent, pour l'essentiel, sur le moment choisi pour réaliser ces opérations, au regard du degré de maturité des concessions, et sur les valorisations retenues. Surtout, elles questionnent les termes de l'équilibre des relations entre l'État concédant et les sociétés concessionnaires devenues privées, équilibre que le protocole d'accord de 2015, signé dans le cadre de la négociation du plan de relance autoroutier (PRA), a toutefois permis de revoir pour partie.

I. DES AUTOROUTES PRINCIPALEMENT CONSTRUITES DANS LE CADRE DE CONCESSIONS PUBLIQUES

Au début des années 50, la France a pris du retard dans la construction de son réseau autoroutier par rapport aux pays voisins. Celui-ci ne dépasse pas 100 km et ne permet pas de répondre aux besoins résultant de l'explosion de l'automobile.

La première étude portant sur la construction d'une autoroute à l'ouest de Paris remonte à 1921, mais les vingt premiers kilomètres d'autoroute ne furent finalement ouverts qu'en 1946, entre Saint-Cloud et Orgeval. Entretemps, le plan Prost de 1934, qui entendait organiser la desserte du futur aéroport du Bourget, a été abandonné au profit de projets plus ambitieux, qui visaient initialement à relier Paris au nord de la France avant d'être étendus à la desserte de la capitale par l'est et l'ouest. En raison de la guerre, ces projets ont également été abandonnés.

Un nouvel avant-projet d'autoroute du nord de la France est élaboré dès 1945-1946. En septembre 1951, la construction du premier tronçon est déclarée d'utilité publique et une première section de 19 km ouvre en 1954 .

A. UNE CONSTRUCTION EN PLUSIEURS ÉTAPES

La construction du réseau autoroutier a connu plusieurs phases, en fonction des évolutions du contexte économique et des priorités politiques.

1. 1955 : le choix de la concession et du financement par les péages

C'est au cours de la deuxième moitié des années 50 que la construction du réseau autoroutier français est véritablement lancée, avec la mise en place d'un régime de financement appuyé sur la concession et le péage.

En 1955 , une loi 6 ( * ) initiée par Antoine Pinay, alors ministre des travaux publics et des transports, définit un cadre juridique de construction des autoroutes qui prévoit le recours à la concession et autorise l'introduction de péages .

Une concession ne peut alors être attribuée qu'à des personnes publiques (groupements de collectivités locales ou chambres de commerce) ou à des sociétés d'économie mixte (SEM) dans lesquelles les intérêts publics sont majoritaires.

Quant au péage, présenté comme dérogatoire au principe de la gratuité de l'usage des autoroutes énoncé dans la loi, il permet de financer la couverture totale ou partielle « des dépenses de toute nature liées à la construction, à l'exploitation, à l'entretien, à l'aménagement ou à l'extension de l'infrastructure » 7 ( * ) . Dès 1960, un décret 8 ( * ) prévoit que le péage peut également couvrir le remboursement des avances de l'État ainsi que la rémunération et l'amortissement des capitaux investis par le concessionnaire.

En 1961, le réseau à péage compte 50 km. Un demi-siècle plus tard, il dépasse les 9 000 km tandis que seuls 3 000 km d'autoroutes gratuites ont été construites en zone périurbaines ou dans des régions défavorisées.

2. 1960-1995 : une construction plus lente que prévue

En 1960 , le premier plan directeur routier - le plan directeur d'aménagement du réseau routier - prévoit la construction de 3 558 km d'autoroutes dont 1 933 km à réaliser avant 1975. En 1963 , le Premier ministre Georges Pompidou fixe comme priorité la construction d'une autoroute reliant Lille , Paris et Marseille . Mais en 1967, la France n'est encore dotée que de 1 000 km d'autoroutes .

Deux ans plus tard , le réseau autoroutier concédé atteint 1 500 kilomètres . Ce développement rapide a été rendu possible par le recours au péage et à l' adossement 9 ( * ) .

Réseau autoroutier concédé en service (trait plein) et mis en service (pointillé) en 1970

Source : Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema)

La construction d'autoroutes s'inscrit par la suite dans le cadre du schéma directeur des grandes liaisons autoroutières de 1971 . À compter de 1972, le rythme de construction passe à 500 km par an alors que le parc automobile français atteint 15 millions de véhicules et que le transport routier dépasse le transport ferroviaire. Un nouveau schéma directeur prévoit alors la construction de 5 000 km d'autoroutes.

Le choc pétrolier de 1973 réduit le trafic routier et raréfie les financements publics . Le manque de volonté politique, surtout pour la construction du réseau périurbain non concédé, se traduit alors par un fort ralentissement de la construction de nouveaux tronçons jusqu'aux années 90. Entre 1971 et 1980, ce sont toutefois 2 723,8 km d'autoroutes qui sont mis en service par les sociétés d'économie mixe concessionnaires d'autoroutes (SEMCA).

Le Schéma d'aménagement à long terme du réseau national , adopté en 1978 , prévoit la relance de la construction d'autoroutes . Comme ses prédécesseurs, il s'agit d'un document « d'affichage des choix publics » s'appliquant aux liaisons interurbaines. Ses ambitions seront toutefois réduites par rapport au schéma directeur précédent.

Réseau autoroutier concédé en service (trait plein) ou mis en service (pointillé) en1980

Source : Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema)

Trois schémas nationaux se sont ensuite succédés entre 1982 et 1992. Le nouveau schéma directeur routier national adopté en 1986 prévoit la construction de 1 500 km d'autoroutes en 10 ans. En 1990 , le réseau autoroutier concédé n'atteint toutefois que 5 513,8 km, soit seulement 1 782 km de plus que 10 ans plus tôt . Les mises en chantier sont en effet modestes : 76 km en 1983, 115 en 1985 ou 106 en 1986, alors que le neuvième plan (1984-1988) prévoit une progression annuelle de 100 à 160 km.

Le Schéma directeur national de 1992 amplifie l'orientation autoroutière du schéma directeur de 1988. Il distingue trois catégories de liaisons à vocation structurante :

- les autoroutes de liaison, généralement réalisées sous le régime de la concession et donnant lieu à péage ;

- les liaisons assurant la continuité du réseau autoroutier (LACRA), qui peuvent être soit des routes nouvelles soit des voies existantes aménagées, destinées à être intégrées dans la catégorie des autoroutes tout en restant hors péage pour pallier les discontinuités entre tronçons autoroutiers ;

- enfin, les grandes liaisons d'aménagement du territoire (GLAT), qui appartiennent au réseau routier existant, dont la fonction est d'assurer une armature structurante du territoire et qui doivent être considérées à ce titre comme prioritaires dans l'allocation des crédits budgétaires.

Réseau autoroutier concédé en service (trait plein) ou mis en service (pointillé) en 1993

Source : Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema)

1. Après 1995 : une forte reprise de la construction

Après le changement de majorité en 1993, l'État décide d'accélérer la réalisation du schéma directeur autoroutier. Le comité interministériel d'aménagement du territoire (CIAT) prévoit que celui-ci sera achevé en 10 ans, au lieu des 15 initialement prévus.

La réorganisation des sociétés concessionnaires à partir de 1994 10 ( * ) permet de relancer la construction d'autoroutes dans le cadre des concessions existantes et des contrats de plan , dont un décret de janvier 1995 prévoit la passation 11 ( * ) , alors que la loi Sapin I de 1993 12 ( * ) a fortement limité les possibilités de recours à l'adossement 13 ( * ) .

Au moment du changement de majorité de 1997, 2 450 kilomètres d'autoroutes concédées restent à construire . Or, le modèle autoroutier français est alors contesté sur plusieurs points, en particulier sur le caractère que certains estiment « surdimensionné » du programme d'investissement. L'annulation par le Conseil d'État de la déclaration d'utilité publique de la section de l'autoroute A400 entre Annemasse et Thonon, au motif qu'elle présente « un intérêt limité » et que son coût financier au regard du trafic attendu suffit « à lui seul » à disqualifier le projet, est interprétée comme allant dans ce sens.

Le nouveau gouvernement s'appuie également sur le rapport public de la Cour des comptes de 1992, consacré à la politique routière et autoroutière de la France, qui s'est inquiété de l'équilibre financier d'un système autoroutier « développé en dehors de toute logique économique, financière, juridique et comptable » et qui n'est « pas à même de garantir le développement optimal de l'infrastructure de notre pays ». Ce rapport insiste également sur les conséquences du droit communautaire sur le modèle concessif français.

La réalisation du schéma directeur routier national ne fait toutefois pas l'objet d'une remise en cause globale et le Gouvernement octroie de gré à gré la construction des nouveaux tronçons aux concessionnaires pressentis avant le 31 décembre 1997, date limite prévue dans les engagements pris vis-à-vis de la Commission européenne. Outre les sections bloquées pour des raisons juridiques (A86 et A400) ou financières (A23 entre Rouen et Alençon), plusieurs projets sont toutefois abandonnés, en raison notamment de leur impact négatif sur l'environnement.

Réseau autoroutier concédé en service (trait plein) ou mise en service (pointillé) en 2000

Source : Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema)

Au 31 décembre 2001 , le réseau autoroutier interurbain prévu par le Schéma directeur routier national de 1992 pour répondre aux besoins du trafic à l'horizon 2005, est réalisé à 85,4 %. Sur les 9 103 km d'autoroutes alors en service, 6 693 km sont concédés à des sociétés d'économie mixte (SEMCA) détenues par l'État, soit directement, soit par l'intermédiaire de l'établissement public Autoroutes de France (ADF), et 890 km sont concédés à la société concessionnaire privée Cofiroute. En 2006, au moment de la privatisation des sociétés concessionnaires, le réseau autoroutier concédé couvre 6 891 km.

Le « Paquet vert » de 2008 (1 milliard d'euros de travaux à but environnemental), puis le plan de relance autoroutier de 2015 (3,2 milliards d'euros de travaux d'ici à 2024) suivi, en 2017, du Plan d'investissement autoroutier (700 millions d'euros de travaux) ont prévu la réalisation de nouveaux travaux par ces sociétés autoroutières historiques, destinés à compléter et à améliorer le réseau autoroutier concédé 14 ( * ) .

2. Un réseau aujourd'hui mature

Sur 12 500 kilomètres de réseau autoroutier en service, 9 184,3 km (y compris les ouvrages à péage) sont actuellement concédés, soit plus de 75 %. Le reste, soit 3 315,7 km, relève de la compétence directe de l'État. Comme les routes nationales, ces autoroutes sont gérées par les onze directions interdépartementales des routes (DIR).

La plus grande partie du réseau autoroutier concédé est aujourd'hui gérée par les sept sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) historiques privées (ASF, Escota, APRR, AREA, Sanef, SAPN et Cofiroute) qui se partagent la desserte du territoire national selon une logique encore largement géographique, héritée de l'histoire des concessions autoroutières.

Source : Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM)/société d'études sur les transports, les routes et leurs aménagements (SETRA)

Longueur du réseau aujourd'hui exploité par les 7 SCA historiques

Sociétés d'autoroutes privatisées en 2006

ASF-Escota (Vinci)

dont ASF

2 724 km +5,5 km (tunnel de Puymorens)

dont Escota

471 km

APRR-AREA (Eiffage)

APRR

1 874,9 km +11 km (tunnel Maurice-Lemaire)

AREA

409,4 km

Sanef-SAPN (Abertis)

Sanef

1 396,3 km

SAPN

372,4 km

Société d'autoroute privée « historique »

Cofiroute (Vinci)

1 100 km +11 km (duplex A86)

Source : Association des sociétés françaises d'autoroutes (ASFA)

Deux SCA historiques sont toujours majoritairement à capitaux publics. Il s'agit des sociétés « tunnelières » :

- ATBM (Autoroute du tunnel du Mont-Blanc), qui exploite 126,3 km d'autoroute, auxquels s'ajoutent les 11,6 km du tunnel du Mont-Blanc ;

- et SFTRF (Société française du tunnel routier du Fréjus), qui exploite 67,5 km d'autoroute, auxquels s'ajoutent les 12,8 km du tunnel du Fréjus.

Enfin, depuis 2001 , la construction et la gestion de nouvelles sections , dont la longueur est plus réduite (entre 17,8 km et 104 km, dont cinq inférieures à 50 km), ont été concédées à neuf nouvelles sociétés concessionnaires privées . Conformément au droit européen, ces concessions, qui portent sur 590,7 km au total , ont été attribuées à la suite d'appels d'offres.

Les 19 SCA qui interviennent actuellement sur le territoire français sont titulaires de 24 contrats de concession , dont 19 d'autoroutes et 5 d'ouvrages d'art.

Nouvelles concessions

Société concessionnaire

Autoroute

Étendue
du réseau

Début de la concession

Fin de la concession

Durée de la concession

CVEM (Viaduc de Millau)

A75

3,7 km

2001

2079

78 ans

Alis

A65

125 km

2001

2067

66 ans

Arcour

A19

101 km

2005

2070

65 ans

Adelac

A41 Nord

19,6 km

2005

2060

55 ans

A'liénor

A65

150 km

2006

2066

60 ans

Alicorne

A88

45 km

2008

2063

55 ans

Atlandes

A63

104 km

2011

2051

40 ans

Albéa

A150

17,8 km

2011

2066

55 ans

Arcos*

A355

24 km

2016

2070

56 ans

*en cours de construction

Source : Autorité de régulation des transports (ART)

L'actionnariat de ces nouvelles sociétés concessionnaires est diversifié . On y trouve des entreprises de travaux publics et des fonds d'investissement, y compris étrangers. Les groupes concessionnaires historiques ont également investi dans les nouvelles concessions . Vinci détient ainsi l'intégralité de la société Arcour, tandis qu'Eiffage et ses filiales sont actionnaires à 75% d'Adelac et se partagent Alienor avec Sanef.

Cas particulier, l'actionnaire majoritaire de la société Alicorne (Autoroute de liaison Calvados-Orne, gérant l'A88) est CdC Infrastructure, filiale à 100 % de la Caisse des dépôts créée en 2010, dont l'objet est d'intervenir directement dans le secteur des infrastructures.

Les sociétés concessionnaires historiques assurent par ailleurs fréquemment l'exploitation de nouvelles autoroutes , y compris lorsqu'elles n'en sont pas actionnaire majoritaire. La Caisse des dépôts exploite quant à elle le réseau de deux concessions, par le biais de sa filiale à 75 %, Routalis.

Actionnariat des sociétés concessionnaires autoroutières récentes

Principaux actionnaires

Société concessionnaire

Principaux actionnaires

Exploitant

Adelac

- APRR : 49,9 %

- Macquarie Autoroutes de France : 25,1 %

- Eiffage : 25 %

AREA (Eiffage)

SCA historiques

A'lienor

- Eiffage : 65,0 %

- Sanef : 35,0 %

Sanef

Arcour

- Vinci Autoroutes : 100%

Cofiroute (Vinci Autoroutes)

Albéa

- Fonds d'investissement : 83,3%

- NGE : 16,7 %

Albéa

Sociétés indépendantes ou à capitaux publics

Alicorne

- CDC Infrastructure : 45 %

- Entreprises du bâtiment : 30%

- Fonds d'investissement : 25%

Routalis (Caisse des dépôts)

Alis

- Fonds d'investissement : 75 %

- Sanef et ses filiales : 25 %

Routalis (Caisse des dépôts)

Atlandes

- Fonds d'investissement : 82,3 %

- NGE : 10,2 %

- Egis : 7,5 %

Atlandes

Source : Commission d'enquête

Réseaux contrôlés par les groupes Vinci, Eiffage et Abertis

Source : Autorité de régulation des transports, Synthèse des comptes des concessions autoroutières, 2018

B. LE RÔLE CLÉ DES SOCIÉTÉS CONCESSIONNAIRES « HISTORIQUES »

En 1998, le rapport de la commission d'enquête du Sénat sur les choix stratégiques des infrastructures de communication et les incidences sur l'aménagement et le développement du territoire français 15 ( * ) constate que « le système de financement du système autoroutier (...) a permis à la France, dans des délais remarquables, de rattraper son retard par rapport à ses partenaires et de se doter d'un réseau autoroutier de qualité exceptionnelle ».

Ce système de financement, assis sur le péage et le recours à la concession, a toutefois fait l'objet de modifications substantielles pour être en mesure d' assurer le financement de la construction de nouvelles sections moins rentables, de surmonter les conséquences du choc pétrolier de 1973 sur le trafic et de se mettre en conformité avec le droit européen.

1. 1955-1969 : constitution de sociétés d'économie mixte à capitaux exclusivement publics

Entre 1956 et 1963, cinq sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes (SEMCA) sont constituées dans le cadre fixé par la loi de 1955 :

- la Société de l'autoroute Esterel-Côte d'Azur Alpes (Escota), en 1956 ;

- la Société de l'Autoroute de la Vallée du Rhône (SAVR), en 1957, devenue société des Autoroutes du sud de la France (ASF) en 1973 quand son réseau s'est étendu à d'autres régions ;

- la Société de l'Autoroute Paris-Lyon (SAPL), en 1961, devenue la Société des Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (SAPRR) en 1975 ;

- la Société des Autoroutes Paris-Normandie (SAPN), en 1963 ;

- la Société des autoroutes du nord et de l'est de la France (Sanef), également en 1963.

S'y ajoutent, en 1958, la première société « tunnelière », - la Société du tunnel du Mont-Blanc (STBM, devenue ATBM) -, puis, en 1962, la Société française du tunnel routier du Fréjus (SFTRF).

Ces SEMCA, dont l'actionnariat est exclusivement public, exercent leurs activités dans un cadre contraint. En particulier, leurs emprunts annuels sont inscrits au budget de l'État et les tarifs des péages sont fixés par ce dernier.

La gestion des emprunts nécessaires au financement de la construction des autoroutes par les SEMCA est assurée par la Caisse nationale des autoroutes (CNA), établissement public créé en 1963 et géré par la Caisse des dépôts et consignations.

Aucune mise en concurrence n'est alors organisée pour l'attribution des concessions et le concessionnaire pressenti est associé à la réalisation des études préalables et à la signature du contrat de concession.

2. 1970-1980 : libéralisation du système autoroutier et constitution de sociétés concessionnaires privées

Les services des ponts et chaussés sont initialement les maîtres d'oeuvre des travaux de construction des autoroutes jusqu'à ce qu'un décret du 10 mai 1970 16 ( * ) autorise l'État à confier la construction et l'exploitation des autoroutes à des personnes privées .

Quatre sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) sont alors créées , entre 1970 et 1973, dont les actionnaires sont des entreprises de travaux publics et des banques :

- Cofiroute (Compagnie financière et industrielle des autoroutes) ;

- ACOBA (Société de l'autoroute de la côte basque) ;

- AREA (Société des autoroutes Rhône-Alpes) ;

- APPEL (Société des autoroutes Paris-Est-Lorraine).

Théoriquement libre pendant 10 ans, la tarification est rapidement encadrée par un arrêté de 1975 17 ( * ) qui oblige les sociétés concessionnaires, y compris les sociétés à capitaux privés, à soumettre leurs projets d'augmentation des tarifs au ministre de l'économie et des finances, qui peut s'y opposer. De ce fait, entre 1970 et 1984, la progression des tarifs est inférieure d'un tiers à celle des prix .

3. 1981-1993 : reprise par l'État des sociétés privées déficitaires et introduction de l'adossement

Le contexte économique étant moins favorable , le système autoroutier doit être restructuré . Cette démarche prend appui sur plusieurs éléments.

a) Reprise des SEMCA par l'État à l'exception de Cofiroute

Le choc pétrolier de 1973 réduit fortement le trafic autoroutier et entraine une diminution des recettes de péage, alors que l'inflation est élevée et que le coût des travaux publics et les taux d'intérêts augmentent.

Le financement des autoroutes à construire et le paiement aux banques des frais financiers liés aux emprunts deviennent de plus en plus difficiles . La situation financière des sociétés concessionnaires privées s'en trouve fortement compromise. ACOBA, AREA et APPEL font faillite et sont rachetées par l'État pour un franc symbolique à partir de 1981. Seule Cofiroute reste privée.

Cofiroute : la seule SCA « historique » restée privée
depuis sa création

Créée en 1970, la Compagnie financière et industrielle des autoroutes (Cofiroute) exploite actuellement un réseau autoroutier de 1 211 km couvrant le centre-ouest de la France.

• Une société concessionnaire « historique » à capitaux purement privés

La société a initialement été constituée par huit entreprises du bâtiment (la société routière Colas, la CGE, la société générale d'entreprises (SGE), la société européenne d'entreprises, la société des grands travaux de Marseille-GTM, la société des entreprises Fougerolle-Limousin et l'entreprise Jean Lefebvre) et deux entreprises du secteur bancaire (Paribas et le CCF).

Après le rachat par l'État, à partir de 2001, des autres SCA privées créées à la même époque, Cofiroute, dont la situation financière est solide, est la seule société privée concessionnaire d'autoroutes en France jusqu'à la constitution de nouvelles SCA privées à partir de 2000.

En 2000 , la SGE acquiert GTM et devient Vinci . Le groupe détient alors 65 % de Cofiroute . En 2014, Vinci Autoroutes devient son seul actionnaire à la suite du rachat de la participation de 16,67 % encore détenue par Colas, filiale de Bouygues.

• Une concession dont la durée initiale a été prolongée

La concession portait initialement sur la construction et l'exploitation des axes Paris-Poitiers et Chartres-Le Mans, d'ouvrages et d'installations annexes, ainsi que d'ouvrages et d'installations déjà réalisés par l'État ou en cours de construction. La société a ensuite obtenu la concession de nouveaux tronçons de diverses autoroutes de l'ouest de la France et de celle du duplex A86 (tunnel qui permet de boucler le périphérique extérieur de Paris).

Toutes ces autoroutes sont à péage. C'est le fait que les premières sections de l'A10 ont été construites par Cofiroute à compter de 1971 qui explique l'existence d'un péage à 23 km de Paris, dans une zone qui n'était alors pas urbanisée.

Aux termes du contrat de concession initial et du cahier des charges, Cofiroute s'engageait à assurer l'intégralité du financement des opérations prévues mais bénéficiait, à titre d' avances remboursables sur 10 ans, des terrains acquis et des ouvrages déjà réalisés ainsi que de la garantie de l'État pour ses emprunts à long terme .

Le financement des nouveaux travaux a ensuite été assuré exclusivement par le péage , grâce à des hausses de tarifs supérieures à celles des autres concessions (par exemple une augmentation supplémentaire de 1,52 % pour chacune des années 1996-1999, alors que cette augmentation était de 0,68 et 1,20 % pour les autres concessions) et à la prolongation à six reprises de la durée initiale de la concession .

Prolongations de la durée de la concession de Cofiroute

Le différentiel tarifaire vis-à-vis des SEMCA a presque triplé entre 1990 et 2000 et plus que doublé pendant le contrat de plan 1995-1999, pour atteindre un peu plus de 23 % à la fin des années 90. La Cour des comptes notait ainsi en 2003 qu'un kilomètre parcouru rapportait à Cofiroute en 2000 en moyenne 37% de plus qu'aux SEMCA.

La privatisation des SEMCA en 2006 a toutefois conduit à un alignement des tarifs de péage des différentes sociétés concessionnaires . Pour le seul réseau interurbain, Cofiroute applique désormais un tarif kilométrique moyen inférieur à celui des nouvelles concessions, qui doivent amortir des travaux plus récents, et similaire à celui de Sanef ou d'ASF. En 2018, les tarifs de péage de Cofiroute (hors duplex A86) ont augmenté de 1,33% (contre 1,34 % pour ASF et 2% pour APRR).

• Une relation contractuelle déséquilibrée avec l'État

Cofiroute a longtemps bénéficié de clauses dérogatoires particulièrement favorables qui ont attiré l'attention de la Cour des comptes . Celle-ci a déploré, dans son rapport annuel 2003 , le « manque de clarté » des relations contractuelles entre l'État et la société. Elle a également relevé que les retards pris par la Cofiroute dans les travaux prévus lui avaient procuré des avantages financiers qu'elle évaluait à 1,5 milliard d'euros. La Cour constatait par ailleurs que les résultats de la société ont été, depuis 2000, largement supérieurs aux résultats prévisionnels du scenario annexé au 8ème avenant au contrat de concession (1995). En effet, alors qu'ils avaient été inférieurs de 30 millions d'euros aux prévisions sur la période 1995-1999, les résultats ont dépassé les prévisions de 549 millions d'euros sur la période 2000-2004.

Un rééquilibrage partiel est intervenu lors de la négociation du contrat de plan 2004-2008. Il est ainsi prévu qu' en cas de retard dans la réalisation des travaux, la compensation au titre de l'avantage financier qu'en retire le concessionnaire, dont les modalités de calcul sont précisées, prend en principe la forme de travaux supplémentaires , convenus entre le concédant et le concessionnaire, au plus tard en 2013. Les procédures de suivi et de contrôle de l'exécution de la concession sont par ailleurs renforcées . La liste des informations qui doivent être communiqués à l'État est en outre actualisée et complétée.

Source : Commission d'enquête

b) Financement des nouvelles sections par l'adossement

Pour financer le développement du réseau autoroutier, l'État met en place, en 1983 , le système dit de l'« adossement », dont la gestion est assurée par l'établissement public Autoroutes de France (ADF), créé la même année.

Ce mécanisme de péréquation entre les recettes des sociétés permet de confier à un concessionnaire existant, sans mise en concurrence, la construction et l'exploitation d'une nouvelle section souvent insuffisamment rentable pour en assurer l'amortissement, et de prolonger la durée de la concession initiale déjà amortie qui dégage des flux de trésorerie ( cash-flows ) importants.

Si le taux de rentabilité interne (TRI) d'un projet d'autoroute est insuffisant pour assurer son autofinancement, le complément nécessaire est ainsi apporté par une forme de subvention déguisée . Dès lors, l'État peut consacrer l'essentiel de ses capacités de financement aux autoroutes non concédées, dont la construction, particulièrement lente 18 ( * ) , est le plus souvent cofinancée par les régions, dans le cadre des contrats de plan État-régions.

c) Suppression des avances budgétaires

Dans le même temps, l'octroi d'avances budgétaires initialement nécessaires au démarrage de la construction du réseau autoroutier est supprimé et une partie des avances consenties est remboursée grâce à la trésorerie excédentaire dégagée par les recettes de péage.

d) Première restructuration des SEMCA

En 1987, l'État décide de renforcer les fonds propres des SEMCA pour relancer les travaux de construction d'autoroutes . Une première restructuration, en lien avec l'adossement, est alors mise en oeuvre : APPEL fusionne avec Sanef fin 1985 et ACOBA est absorbée par ASF en 1991, la durée de sa concession étant alignée sur celle d'ASF.

4. 1994-1998 : restructuration géographique et financière des SEMCA

Alors que leur chiffre d'affaires global annuel dépasse 17 milliards de francs, soit 2,6 milliards d'euros (3,7 milliards en euros 2019 afin de tenir compte de l'inflation) en 1993 et que leur endettement est supérieur à 80 milliards de francs, soit 12,2 milliards d'euros (17 milliards d'euros 2019), le capital cumulé des SEMCA s'élève, à la même date, à moins de 28 millions de francs (4,2 millions d'euros équivalents à 6,1 millions d'euros 2019).

Le morcellement de ces sociétés a conduit certaines d'entre elles à demeurer dans de graves difficultés alors que d'autres, plus rentables, ne peuvent pas les aider. Les prélèvements opérés par l'État sur les péages manquent de lisibilité et de prévisibilité. Enfin, la tarification d'usage des autoroutes n'obéit pas véritablement à une logique économique

Après le changement de majorité en 1993, l'État procède, en 1994, à une réforme de l'organisation du système autoroutier concédé de manière à accroître l'autonomie de gestion des sociétés d'autoroutes .

Trois principes président à cette réforme :

- une recapitalisation des SEMCA par Autoroutes de France (ADF), qui est leur actionnaire principal ;

- une réorganisation en trois pôles géographiques , avec trois groupes mères-filles ;

- et la mise en place de contrats de plan quinquennaux avec l'État, qui permettent une programmation à moyen terme des investissements et laissent davantage de liberté tarifaire aux sociétés pour équilibrer leurs comptes.

La mise en conformité avec le droit européen n'est toutefois pas finalisée, à l'exception notable de la suppression de la pratique de « pressentiment » du concessionnaire , contraire aux règles de mise en concurrence, alors que le Conseil d'État a annulé la concession de l'A86 attribuée de gré à gré à Cofiroute.

a) Nouvelle recapitalisation des SEMCA

Dans un premier temps, les 950 millions de francs (144,8 millions d'euros, soit 200 millions d'euros 2019) d' avances d'actionnaires détenus par ADF sur les six SEMCA sont transformés en capital social , dans le cadre d'une procédure d'augmentation de capital ouverte à l'ensemble des actionnaires de chacune d'entre elles.

Compte tenu de l'intérêt limité attaché par les collectivités locales à une telle souscription, ADF se retrouve finalement détenir plus de 90 % du capital, aux côtés de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui suit l'augmentation pour détenir in fine 8,5 % du capital des sociétés-mères.

Dans un second temps, ADF rétrocède à l'État la moitié de ses participations dans les sociétés-mères, en contrepartie d'une réduction à due concurrence de la dotation de l'État inscrite à son passif. La participation de l'État dans ces sociétés est désormais répartie entre une détention directe et une détention par l'intermédiaire des établissements publics ADF et CDC .

b) Restructuration selon une logique géographique et financière

Les sociétés les moins bien portantes (Escota, SAPN et AREA) sont adossées à celles dont l'assise financière est plus solide . ADF cède aux sociétés-mères la totalité de ses participations dans les filiales, de sorte que chacune d'entre elles détienne au moins 95 % du capital de sa filiale.

Cette restructuration donne naissance à trois regroupements selon une logique géographique :

- ASF (Autoroutes du sud de la France) et Escota (Esterel-Côte d'Azur) ;

- Sanef (Société des autoroutes du nord et de l'est de la France) et SAPN (Société des autoroutes Paris-Normandie) ;

- SAPRR (Société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône) et AREA (Société des autoroutes Rhône Alpes).

Chaque société peut ainsi disposer des moyens de réaliser le programme de travaux qui lui a été confié par l'État, la forte intégration financière entre mères et filles mettant les premières en mesure d'apporter des moyens de financement aux secondes. Dans le cadre de chaque groupe, et dans les conditions définies par les deux partenaires, les sociétés mères peuvent en effet consentir aux sociétés filles, en tant que de besoin, des avances de trésorerie à taux très bas.

c) Contrats de plan et encadrement des tarifs de péage

Des contrats de plan quinquennaux sont conclus entre l'État et chacun des groupes autoroutiers pour formaliser les engagements des parties en matière d'investissements et de tarifs surtout, mais aussi d'objectifs financiers et de politique de gestion.

Le système de péage s'inscrit désormais dans un cadre mixte, de nature à la fois contractuelle et réglementaire 19 ( * ) . Le décret n° 95-81 du 24 janvier 1995 relatif aux péages routiers fixe leur évolution minimale à 70 % de l'augmentation annuelle des prix à la consommation et prévoit, dans le même temps, que, dans le cadre des contrats de plan, le cahier des charges définit les règles de fixation des tarifs de péages de la concession. Un tarif kilométrique moyen (TKM) servant de base aux tarifs de péages est ainsi établi, « qui tient compte de la structure du réseau, des charges d'exploitation et des charges financières de la société, ainsi que les possibilités de modulation de ce tarif kilométrique moyen ».

Les formules de hausse globale des tarifs par concession (hausse annuelle de base pour les véhicules légers, coefficients appliqués pour les véhicules des autres classes et majorations additionnelles visant à compenser les charges supplémentaires, en particulier le coût de nouveaux investissements) sont négociées entre la direction générale des routes du ministère chargé des transports et la société concessionnaire, avant le début de chaque contrat de plan. Le contrôle de l'État sur l'augmentation annuelle des péages ne s'exerce donc plus via des autorisations annuelles, mais a posteriori , par la vérification du respect des engagements contractuels.

Dans son rapport annuel de 2008, la Cour des comptes identifiera plusieurs failles dans le système tarifaire ainsi mis en place qui ne s'attache qu'à des variations et non à des valeurs absolues. « En effet, au sein des sections de référence, le taux kilométrique moyen ne tient pas compte des volumes de trafic et laisse en conséquence les concessionnaires libres de concentrer les hausses de péages et les tarifs élevés sur les tronçons ou les trajets les plus fréquentés ».

Cette pratique dite du « foisonnement » permet aux concessionnaires de maximiser leurs recettes .

5. 1998-2000 : normalisation du cadre juridique, comptable et fiscal des SEMCA et suppression de l'adossement

À partir de 1998, une nouvelle réforme de fond est engagée qui normalise la situation des SEMCA et la met en conformité avec le droit européen, afin de renforcer la concurrence pour l'attribution de leurs marchés (marchés de travaux et sous-concessions) et de doter le système autoroutier français des moyens financiers permettant de mener à bien la réalisation du programme de construction.

a) Normalisation financière, comptable et fiscale

Afin que les SEMCA soient gérées selon le droit commun des sociétés et dans le respect du droit européen, cinq aménagements principaux sont introduits.

(1) Suppression de la technique de l'adossement

Pour assurer une concurrence équitable entre candidats pour l'attribution d'une nouvelle concession 20 ( * ) , conformément aux exigences du droit européen confirmées par un avis du Conseil d'État du 16 septembre 1999 21 ( * ) , une ordonnance du 28 mars 2001 22 ( * ) met fin au système de l'adossement qui avantage les sociétés exploitant déjà un réseau concédé. Dès lors, les SEMCA peuvent participer aux appels d'offres en concurrence avec des opérateurs privés.

Dans le même temps, la suppression de l'adossement reporte le risque relatif aux nouvelles sections sur des SEMCA faiblement capitalisées qui ne sont pas à même de le supporter.

(2) Extinction progressive du mécanisme de foisonnement du financement mis en oeuvre par la Caisse nationale des autoroutes (CNA)

Grâce à son statut d'établissement public, qui lui permettait de bénéficier d'une notation triple A (AAA), et à la globalisation des besoins d'emprunt des SEMCA, la Caisse nationale des autoroutes (CNA) fournissait des ressources financières peu coûteuses aux SEMCA et leur permettait de bénéficier d'un fort effet de levier.

Là encore, cet avantage compétitif n'est pas compatible avec la logique de concurrence . Un arrêt progressif de ces financements, dont la durée résiduelle est alors de 6 ans, est donc décidé, ainsi que la disparition à terme de la CNA.

Comme le constate un rapport d'information de l'Assemblée nationale publié en 2005 23 ( * ) , cette suppression, qui parachève « la désimbrication du modèle des sociétés d'autoroutes », génère une perte de valeur immédiate apparente du système autoroutier. En effet, à maturité équivalente, le faible niveau des coûts de financement contribue, à séquence de cash-flow identique, à maximiser la valeur actuelle.

(3) Suppression de la reprise de passif par l'État

La garantie de l'État sur le remboursement des dettes des SEMCA en fin de concession, qui améliore également leur notation en réduisant le risque des prêteurs, est supprimée. Il en résulte un renchérissement des coûts d'emprunts.

(4) Abandon de la méthode des charges différées

Les SEMCA sont désormais soumises au droit commun comptable . En particulier, la méthode des charges différées qu'elles pratiquaient jusqu'alors est abandonnée.

Cette méthode leur permettait de ne pas inscrire ces charges en diminution des capitaux propres et donc de ne pas faire apparaître dans leurs comptes l'endettement croissant résultant de la faible rentabilité financière des nouvelles sections dont les péages et l'allongement de la durée des concessions n'assuraient pas le remboursement.

L'abandon de cette méthode, que le rapport de la commission d'enquête du Sénat de 1998 24 ( * ) considérait comme « nuisible à une comptabilité sincère » et dont le Conseil national de la comptabilité considérait l'arrêt comme « hautement souhaitable », entraîne mécaniquement une forte réduction des fonds propres, déjà très faibles , des SEMCA.

(5) Soumission des péages au régime de TVA de droit commun

Considérant que les péages sont dans leur totalité la contrepartie d'un service rendu aux usagers , la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) décide, dans un arrêt du 12 septembre 2000, que la TVA doit être appliquée sur la totalité des recettes perçues par les concessionnaires .

La loi de finances rectificative pour 2000 tire les conséquences de cet arrêt. Toutefois, afin que le coût pour l'usager demeure inchangé 25 ( * ) , elle baisse les tarifs hors taxes, ce qui réduit à due concurrence la part revenant aux concessionnaires.

Les concessionnaires gagnent de leur côté en trésorerie car la baisse des péages hors taxes pour les véhicules légers est plus que compensée par la suppression du prélèvement antérieur sur une fraction de leurs recettes et par la possibilité de récupérer la TVA sur leurs investissements.

La loi de finances rectificative pour 2000 leur accorde en outre le droit de récupérer la TVA sur les travaux réalisés après le 1 er janvier 1996 pour des ouvrages mis en service avant le 12 septembre 2000, à condition d'en déduire la TVA qui aurait dû être prélevée par l'État sur les péages depuis le 1 er janvier 1996 si le régime de droit commun avait été appliqué.

Pour autant, ces gains de trésorerie n'améliorent pas suffisamment la situation financière des SEMCA qui sont fortement endettées.

b) Mise en conformité des marchés passés par les SEMCA avec les exigences européennes

Conformément aux directives européennes « fournitures », « services » et « travaux » de 1992 et 1993, modifiées en 1997 26 ( * ) , des appels d'offres avec mise en concurrence doivent désormais être mis en oeuvre par les SEMCA pour les prestations pour lesquelles elles font appel à des prestataires extérieurs (prestations de maîtrise d'ouvrage et d'exécution des travaux, d'exploitation et d'entretien des ouvrages). Seules les activités en lien avec la perception du péage, la viabilité, le petit entretien et le traitement des informations relatives au trafic peuvent être exercées par des personnels propres aux SEMCA.

Une commission nationale des marchés des SEMCA est mise en place pour exercer un contrôle a posteriori sur ces marchés, sur la base des rapports annuels d'activité établis par les commissions des marchés propres à chaque SEMCA . Dans le même temps, le rôle de surveillance de ces commissions est renforcé : elles émettent un avis préalable sur la conformité des procédures mises en oeuvre pour les marchés de travaux, de fournitures et de services et un dispositif spécifique est mis en place lorsqu'il est décidé de passer outre cet avis.

Ces mesures, approuvées par décret pris après avis du Conseil d'État, sont désormais inscrites dans les cahiers des charges des SEMCA annexés aux contrats de concession.

c) Allongement de la durée des concessions historiques avalisé par la Commission européenne

Pour assurer l'équilibre financier des SEMCA et le financement de nouvelles sections d'autoroutes sans recourir à l'adossement désormais prohibé, l'État choisit d'allonger la durée de leurs concessions de 12 à 15 ans selon le cas (soit des échéances s'étalant entre 2019 à 2033 au lieu de 2014 à 2027) 27 ( * ) , plutôt que d'accorder des dotations en capital supportées par les finances publiques .

La Cour des comptes admet à cet égard que la durée initiale « était, il est vrai, trop courte (...) pour leur permettre d'être en mesure de rembourser de façon certaine leurs dettes avant la fin des concessions » 28 ( * ) , la durée des concessions n'étant pas adaptée à la durée de vie des autoroutes qui génère des charges différées.

Cet allongement de la durée des concessions a préalablement été autorisé par la Commission européenne par une décision du 4 octobre 2000.

Autorisation de l'allongement de la durée des concessions
par la Commission européenne en 2000

Saisie en août 2000 au titre du contrôle des aides d'État prévu par les traités européens, de la question de l'allongement de la durée des concessions en cours, qui constitue un avantage financier , la Commission européenne observe tout d'abord que « les durées des concessions des SEMCA ont été calculées pour ne leur laisser d'autre marge que celle sécurisant le remboursement, en fin de concession, de la totalité des emprunts ».

La Commission européenne estime que le ratio dettes financières/fonds propres ne doit pas excéder 5, que le ratio dettes financières/capacité d'autofinancement ne doit pas dépasser 14 (au-delà la société est trop endettée) et considère que le ratio de couverture de la dette, calculé sur 15 ans, ne doit pas être inférieur à 1,3. Quant au niveau de fonds propres par rapport au capital social, qui est fortement affecté par la suppression du stock des charges de structure différées, il apparaît notoirement très insuffisant.

Après avoir pris acte des modifications apportées au régime fiscal et comptable des SEMCA et des engagements pris par la France de veiller à ce que celles-ci mettent désormais en oeuvre les principes de transparence et de mise en concurrence pour leurs marchés de travaux , la Commission européenne décide finalement de ne « pas soulever d'objections aux allongements de la durée des concessions, dès lors que ceux-ci sont strictement proportionnés à ce qui est nécessaire aux SEMCA pour compenser les pertes résultant de l'intervention unilatérale de l'État du fait de la réforme et nécessaires à l'accomplissement des services d'intérêt économique général dont elles ont la charge » .

Il est à noter que l' objectif de rémunération du capital alors retenu est de 8 % (15 % pour ASF), soit une rémunération sans risque (6%), augmentée d'une prime d'un tiers « qui représente la prime pour un investissement à faible risque » .

L'allongement de la durée des concessions permet aux SEMCA de percevoir les péages plus longtemps et de réduire les dotations annuelles aux amortissements de caducité qu'elles doivent constituer pour pouvoir, à la fin de la concession, remettre gratuitement les ouvrages à l'État sans subir de pertes. Il améliore d'autant les résultats annuels .

La nouvelle durée de concession est en outre utilisée pour recalculer rétroactivement les amortissements de caducité et inscrire en fonds propres la différence avec les amortissements déjà passés, ce qui améliore immédiatement les fonds propres .

Les SEMCA sont ainsi à même de dégager de l'exploitation des sections qu'elles gèrent des cash-flows libres et un résultat net positif, potentiellement distribuable aux actionnaires.

6. Création de nouvelles concessions à partir de 2001

De nouvelles concessions portant sur la construction de sections limitées, eu égard à l'étendue du réseau existant, et incluant leur gestion et leur exploitation, sont attribuées à compter de 2001 à la suite d'avis publics d'appel à la concurrence .

Après l'annulation par le Conseil d'État, en 1998 29 ( * ) , d'une concession autoroutière au motif qu'elle avait été accordée sans avoir été précédée de la procédure de publicité prévue par la directive 89/440/CEE dite « travaux » 30 ( * ) , la procédure d'attribution des concessions a en effet été modifiée pour intégrer les obligations européennes de publicité et de mise en concurrence ainsi que celles prévues par la loi Sapin I 31 ( * ) .

Étapes de l'attribution et du suivi des contrats de concession
depuis 2001 32 ( * )

Source : Commission d'enquête

Les sociétés concessionnaires récentes se distinguent en outre par un encadrement tarifaire complexe , qui génère une croissance moyenne des tarifs plus forte que celle des tarifs des sociétés historiques. La loi d'évolution annuelle des tarifs qui leur est applicable repose en effet sur un panier d'indices de prix (composé de l'indice des prix à la consommation hors tabac et d'indices plus dynamiques) et sur des mécanismes pluriannuels d'encadrement des évolutions tarifaires.

De plus, la directive 1999/68/CE du 17 juin 1999, dite « directive Eurovignette » , est applicable à ces concessions, à la différence des concessions historiques. Les tarifs de péage acquittés par les véhicules poids lourds sont donc modulés en fonction de la classe d'émission du véhicule, ce qui conduit à un écart tarifaire de 15 à 20 et à un écart maximum de 30 % par rapport au tarif moyen.

II. LA PRIVATISATION DE 2006 : UNE « MAUVAISE AFFAIRE » POUR L'ÉTAT ?

C'est dans le cadre d'une stratégie de désendettement de l'État que le gouvernement dirigé par Dominique de Villepin a décidé de privatiser les sociétés concessionnaires d'autoroutes historiques en 2006. Cette privatisation avait été précédée par l'ouverture du capital des trois groupes autoroutiers aux investisseurs privés, entre 2002 et 2005, mais celle-ci s'inscrivait dans une logique différente.

A. L'OUVERTURE DU CAPITAL DES SEMCA ENTRE 2002 ET 2005

Après l'alignement sur le droit commun de la situation juridique, comptable et fiscale des SEMCA et l'allongement de la durée des concessions qui améliore leur situation financière et leurs perspectives, le gouvernement de Lionel Jospin décide d'ouvrir le capital d'ASF, la plus profitable d'entre elles, pour dégager des moyens financiers 33 ( * ) .

Le gouvernement dirigé par Jean-Pierre Raffarin procèdera ensuite à l'ouverture du capital d'APRR et de Sanef en 2004-2005, par voie d'augmentations de capital, afin de renforcer leur structure financière.

Il est à noter que ces ouvertures successives du capital n'ont pas été précédées par une révision des contrats de concession 34 ( * ) , qui avaient été rédigés entre la fin des années 50, pour les premières SEMCA, et le début des années 70, pour les concessions privées que l'État a rachetées à partir de 1981, alors que, de toute évidence, l'arrivée d'actionnaires privés allait modifier le positionnement de l'État vis-à-vis des sociétés concessionnaires 35 ( * ) .

Situation des SEMCA fin 2001 avant l'ouverture du capital

Les prévisions transmises au rapporteur du budget transport de la commission des finances du Sénat par le ministère de l'équipement, des transports et du logement, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2002, font apparaître :

•Une capacité positive globale à dégager les ressources nécessaires pour rembourser les emprunts

L'endettement prévisionnel en 2003 s'élève à 22,4 milliards d'euros pour les opérations déjà concédées. Il est prévu que cet endettement se résorbe rapidement après 2005 pour s'éteindre avant la fin des concessions, dans l'hypothèse d'une évolution des tarifs restant proche de l'inflation et dès lors que le montant moyen annuel des emprunts de construction serait de 1,7 milliard d'euros jusqu'en 2003, avant de décroître fortement à partir de 2004.

•Une situation financière globalement saine mais très contrastée

Le résultat net cumulé (hors retraitements de consolidation) est de 313 millions d'euros pour un chiffre d'affaires de 4 375 millions d'euros, soit une marge nette (résultat net/chiffre d'affaires) de 7 % . La marge opérationnelle (résultat d'exploitation/chiffre d'affaires) est de 39 %.

Les dettes financières représentent 22 790 millions d'euros pour des fonds propres cumulés de 3 495 millions d'euros, soit un rapport dettes financières/fonds propres de 6,52 . Il est estimé qu'au cours des prochains exercices, la rentabilité des sociétés devrait progresser, renforçant mécaniquement les fonds propres et améliorant la structure financière du secteur autoroutier.

SAPN connait toutefois des difficultés en raison de la situation de ses fonds propres. L'allongement de la durée de la concession permet d'asseoir une rentabilité à long terme mais la dégradation de ses capitaux propres nécessite une recapitalisation par son actionnaire, la Sanef, qui devait être mise en oeuvre sur 5 ans (2002-2006).

Source : Rapport général de la commission des finances sur la loi de finances pour 2002 Sénat (2001-2002), T. III - Annexe 25

1. 2002 : introduction en bourse d'ASF pour financer le fonds de réserve des retraites

L'ouverture du capital d'ASF a été arrêtée dans son principe par le gouvernement Jospin dès juillet 2001, sur proposition du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Laurent Fabius, et contre l'avis du ministre des transports, Jean-Claude Gayssot .

Cette ouverture du capital à hauteur de 49 % était destinée à dégager des crédits pour alimenter, à titre principal, le fonds de réserve des retraites (FRR) et, subsidiairement, la Banque de développement des petites et moyennes entreprises (BDPME), le secteur aérien et des dotations en capital de l'établissement public multimodal 36 ( * ) .

La Direction des routes estime en outre que l'opération est de nature à favoriser des modes de gestion davantage tournés vers la rentabilité , sachant que, financièrement équilibré et doté de perspectives de développement, le groupe ASF-Escota pourra dégager des bénéfices.

De leur côté, les actionnaires entrants - entreprises de BTP, particuliers, salariés de la société concessionnaire - ont là une opportunité d'obtenir, à plus ou moins longue échéance, des dividendes et des plus-values de cession.

a) De nouveaux contrats d'entreprise en mars 2002

Avant l'ouverture du capital d'ASF deux contrats d'entreprise et un contrat de groupe ont été signés le 4 mars 2002 et les avenants aux cahiers des charges annexés aux conventions de concession des sociétés ASF et Escota 37 ( * ) .

Ces contrats d'entreprise déclinent et précisent, au niveau des deux sociétés, les orientations du groupe ASF, la stratégie de développement de l'entreprise et sa politique d'investissement , la politique financière et tarifaire (maîtrise des dépenses d'investissements en assurant le respect des coûts et des délais et des charges d'exploitation grâce à une amélioration de la productivité). L'article 25 des deux avenants prévoit en particulier des possibilités de modulation tarifaires et la revalorisation progressive des coefficients poids lourds.

Y figurent également des éléments sur la politique de sécurité (glissières, biseaux de rabattement automatique, atténuateurs de chocs, caméras de vidéosurveillance, cabines radars...) et de qualité du service au client (télépéage, prépaiement, abonnements).

Il est prévu, par ailleurs, que le groupe ASF poursuive ses efforts en faveur de l' insertion de ses autoroutes dans le paysage et porte une attention soutenue à la protection contre le bruit, à la protection de l'eau et à la gestion des déchets.

L'introduction de certaines dispositions avantageuses pour le groupe ASF a par ailleurs été négociée contre sa renonciation à engager un contentieux pour le remboursement de 500 millions d'euros de TVA sur les investissements passés . Dans son rapport annuel 2002, la Cour des comptes explique ainsi que ces dispositions ont été introduites dans les cahiers des charges des concessions en matière d'évolution des tarifs de péages et de protection contre des modifications des lois et règlements spécifiques aux concessions autoroutières qui en affectent gravement l'équilibre. Il en est de même pour la validation du principe et du montant de l'augmentation de capital qui doit accompagner la mise sur le marché d'une partie du capital d'ASF.

b) Une cession d'actions par l'État assortie d'une émission d'actions nouvelles

L'ouverture du capital d'ASF prend la forme d'une cession sur le marché de 69 500 000 actions existantes, détenues par l'établissement public Autoroutes de France (ADF), auxquelles s'ajoutent 33 513 076 actions nouvelles résultant d'une augmentation de capital de 800 millions d'euros .

Le groupe ASF-Escota est alors le premier concessionnaire d'autoroutes en France, le deuxième en Europe et le troisième dans le monde pour la longueur du réseau exploité (2 794 km au 1 er mars 2002, soit 34,2 % du réseau concédé en service en France). Il réalise 36,6 % du chiffre d'affaires total généré par l'ensemble du réseau concédé. ASF-Escota construit, exploite et entretient un réseau localisé dans la moitié sud du territoire, qui bénéficie d'un trafic élevé en raison notamment du trafic de transit en provenance et à destination de l'Espagne et de l'Italie. Le kilomètre d'autoroute d'ASF rapporte ainsi 34 % de plus que celui de SAPRR et 32,6 % de plus que celui de SAPN.

Le placement est effectué auprès de trois publics différents, en trois opérations distincts (à prix global garanti pour les investisseurs institutionnels (PGG), à prix ouvert pour les particuliers (OPO) et à prix réduit pour les salariés).

L'introduction à la bourse de Paris est intervenue à la fin du mois de mars 2002, au prix de 24 euros par action pour les particuliers et de 25 euros pour les investisseurs institutionnels .

La cession d'actions existantes a permis à l'État de percevoir 1,7 milliard d'euros 38 ( * ) .

Négociée sur le marché parisien à compter du 28 mars 2002, l'action s'est maintenue au-dessus de son cours d'introduction, portant à plus de 6 milliards d'euros la capitalisation boursière du groupe, ce qui en faisait alors une des plus grosses capitalisations françaises.

À l'issue de cette opération, la participation directe et indirecte ( via Autoroutes de France) de l'État dans ASF a été réduite à 50,4 % .

Répartition du capital d'ASF lors de l'introduction en bourse

État

41,52%

Autoroutes de France

8,84%

Collectivités territoriales

0,73%

Chambres de commerce et d'industrie

0,17%

Salariés

2,38%

Public

46,36%

Source : Commission d'enquête

c) La stratégie d'acquisition de Vinci tardivement encadrée par un pacte d'actionnaires

Comme le relève la Cour des comptes dans un référé de 2007 39 ( * ) , « deux risques n'avaient pas été traités : celui, clairement identifié cependant, d'une captation des marchés de travaux autoroutiers par une ou des entreprises du bâtiment et des travaux publics (BTP) entrant au capital d'une part ; celui de l'entrée au capital d'un nouvel actionnaire susceptible, par sa présence, de réduire significativement la concurrence en cas de cession du solde du capital, de l'autre ».

Ce second risque s'est rapidement matérialisé puisque le groupe Vinci , spécialisé dans les travaux publics, a, dans les jours et les semaines qui ont suivi l'ouverture du capital de l'entreprise, acquis sur le marché 14,4 % du capital d'ASF puis a progressivement augmenté sa participation .

Le Gouvernement prenant enfin conscience du problème, l'État et Vinci ont conclu, le 31 janvier 2005 , un pacte d'actionnaires limitant à 23  %  la participation de Vinci et instituant un droit de préemption de l'État en cas de cessions de titres par Vinci.

Vinci a effectivement porté sa participation à 23 % et est entré au conseil d'administration d'ASF, ce qui a permis aux deux groupes de développer leur coopération.

Au début de l'année 2005, le groupe Vinci était donc en position de force pour racheter les parts de l'État dans le capital ASF si celui-ci décidait de privatiser l'entreprise.

Àla veille de la privatisation de la société annoncée le 8 juin 2005, la répartition de son capital était en effet la suivante :

Capital d'ASF avant la privatisation

Source : Commission des participations et des transferts (CPT)

2. 2003-2005 : ouverture du capital d'APRR et de Sanef pour renforcer leurs fonds propres

Le 18 décembre 2003 , à l'occasion de la réunion du Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT ), le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, décide, parallèlement à la création de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) 40 ( * ) , l' augmentation de capital des deux groupes APRR et Sanef par apport de capitaux privés « afin d'optimiser le montant des dividendes versés par ces sociétés » .

Le ministère de l'économie, dirigé par Nicolas Sarkozy, estime que cette opération permettra aux deux groupes, qui sont très endettés (à hauteur de 6,7 milliards d'euros pour SAPPR et 4,7 milliards pour Sanef), de renforcer leur structure financière à des niveaux comparables à ceux de leurs concurrents.

Comme en 2002, le placement est effectué auprès de trois publics différents, en trois opérations distinctes.

a) Introduction en bourse d'APRR en novembre 2004

La Commission des privatisations et des transferts (CPT) 41 ( * ) observe que l'ouverture du capital d'APRR permettra d'assurer au groupe, de façon autonome et dans de bonnes conditions, à la fois le bon exercice de ses missions de service public et son développement stratégique sur le marché des concessions 42 ( * ) . L'augmentation de capital doit en effet améliorer les fonds propres du groupe, lui permettre d' accélérer son désendettement et d' accroître sa capacité distributive .

La Commission observe en outre que l'accroissement de la capacité de distribution de dividendes à l'État permettra de financer l'agence de financement des infrastructures , mise en place au 1 er janvier 2005 pour la réalisation des nouveaux projets d'équipements de transport d'envergure nationale.

Le plan d'action présenté aux actionnaires prévoit une rationalisation des coûts, l'automatisation des péages et une amélioration de la profitabilité avec un objectif de marge d'EBITDA de 64 % en 2007 et un développement de la part des revenus annexes.

L'offre globale est souscrite 13 fois au prix plancher et 11 fois au prix retenu . 1,3 million de souscriptions individuelles sont enregistrées. Si les souscripteurs français sont majoritaires (31 %), les investisseurs étrangers ne sont pas en reste (23 % pour le Royaume-Uni, 17 % pour les États-Unis, 6 % pour la suisse et l'Italie et 5 % pour l'Allemagne).

La société APRR est introduite à la bourse de Paris fin novembre 2004, au prix de 40,5 euros par action pour les particuliers. Les 33 369 692 actions nouvelles émises ont permis d'augmenter le capital de la société de 1,4 milliard d'euros .

À l'issue de cette opération, la participation directe et indirecte ( via Autoroutes de France) de l'État dans APRR est réduite à 70,2 % .

Six mois plus tard, un rapport d'information de l'Assemblée nationale 43 ( * ) considère que « l'opération peut être saluée comme une grande réussite pour la société, pour ses actionnaires et pour l'État, dont le taux de distribution aura été multiplié par deux sans rendetter la société ».

Avant l'annonce de la privatisation le 8 juin 2005, le cours d'APRR se situait aux environs de 44 euros.

La répartition du capital était alors la suivante :

Capital d'APRR avant la privatisation

Source : Commission des participations et des transferts (CPT)

b) Introduction en bourse de Sanef en mars 2005

L'ouverture du capital de Sanef est engagée dans la foulée, en mars 2005, également par voie d' augmentation de capital , selon des modalités comparables à celles retenues pour APRR, avec des notations long terme particulièrement élevées pour le secteur 44 ( * ) .

La société Sanef est introduite à la bourse de Paris au prix, pour les particuliers, de 40 euros par action, à l'issue du placement de 22 198 418 actions nouvelles, ce qui a permis d'augmenter le capital de 0,9 milliard d'euros .

À l'issue de cette opération, la participation directe et indirecte de l'État ( via Autoroutes de France) dans Sanef a été réduite à 75,7 % .

Le cours de Sanef se situait aux environs de 42 euros avant l'annonce de la privatisation le 8 juin 2005.

La répartition de son capital était alors la suivante :

Capital de Sanef avant la privatisation

Source : Commission des participations et des transferts (CPT)

3. Des opérations qui paraissent, avec le recul, peu avisées

Les conditions d'ouverture du capital des trois sociétés concessionnaires d'autoroutes historiques ont fait ultérieurement l'objet de critiques.

Outre le risque de voir un actionnaire se placer en position de force pour acquérir par la suite, sans concurrence, le contrôle de la société, risque qui s'est réalisé dans le cas d'ASF, la Cour des comptes a observé, dans son référé de 2007 déjà cité 45 ( * ) , que les augmentations de capital consenties entre 2002 et 2005 étaient « d'une nécessité incertaine ».

Elle estime en effet que ces opérations « allaient au-devant du désir des analystes d'améliorer le ratio des fonds propres par rapport à l'endettement » alors que « ni la situation financière d'APRR ni celle de Sanef ne justifiaient une augmentation de capital d'urgence », dans la mesure où « aucune ne connaissait de crise de trésorerie » et où « l'amélioration de la structure des bilans était très probable ».

La Cour des comptes considère en outre que, lors des trois ouvertures du capital des sociétés d'autoroutes, l'Agence des participations de l'État (APE) aurait pu relever le prix de cession en fonction de la demande observée , dans la mesure où la demande des investisseurs institutionnels représentait dix fois le montant du placement qui leur était garanti pour ASF, 7,5 fois pour APRR et 5,1 fois pour Sanef.

Or, note la Cour, « au lieu de tester l'impact d'un prix supérieur sur la demande, l'État est resté dans la fourchette initiale pour APRR. Il a même appliqué une décote de 12 % par rapport aux évaluations des analystes pour Sanef, alors qu'aucune décote n'apparaissait pour les deux précédentes ouvertures du capital et qu'aucun élément ne justifiait un tel rabais dans le cas particulier ».

La Cour en conclut qu' « il s'agit là d'un domaine où des primes de succès plus flexibles pour les banques auraient peut-être permis à l'État de bénéficier de conseils plus avisés ».

De manière générale, on signalera que de nombreux banquiers d'affaires estiment que les introductions en bourse (IPO) conduisent structurellement à une sous-évaluation des titres de la société émettrice. Pour ces opérations, l'État, notamment le gouvernement Jospin qui a cédé en 2002 des titres appartenant à l'État, a été accompagné par des banques conseils (HSBC, Crédit Lyonnais, Lheman, BNP, SGCIB, UBS), sans doute plus intéressées qu'avisées .

B. LA PRIVATISATION DES SOCIÉTÉS D'AUTOROUTES EN 2006 : UN CHOIX CONTROVERSÉ

Si l'introduction en bourse entre 2002 et 2005, et plus encore la privatisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) « historiques » en 2006, demeurent controversées , le principe de telles opérations avaient donné lieu au début des années 2000 à des divergences politiques significatives , y compris au sein des gouvernements et des majorités de l'époque.

1. Une décision qui ne faisait pas l'unanimité

Lors de son audition par la commission d'enquête, Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer de 2002 à 2005, a indiqué qu'il avait dû affronter à plusieurs reprises le ministère de l'économie et des finances qui se montrait très désireux de privatiser les sociétés concessionnaires d'autoroutes « historiques », pour des raisons qui étaient, selon lui, « uniquement financières » 46 ( * ) .

Expliquant à la commission d'enquête pourquoi il s'était « forgé une conviction un peu définitive : il ne faut pas vendre les autoroutes », Gilles de Robien a insisté sur le fait que « l'État doit garder dans sa main ses grandes infrastructures [...] car elles constituent des instruments de la politique d'aménagement du territoire, des instruments d'attractivité du territoire, et elles remplissent une mission de service public ».

Il a exposé les raisons pour lesquelles il avait alors considéré qu'une telle privatisation devait être écartée. Tout d'abord parce qu'elle revenait à privatiser un monopole : « lorsqu'on a le choix entre les routes nationales d'aujourd'hui et une autoroute, l'autoroute est quasiment en situation de monopole lorsqu'il s'agit d'aller d'un point à un autre, surtout éloigné. En pratique, l'utilisateur n'a pas le choix. Donc, si l'on privatise un monopole, il devient une rente de situation et cesse plus ou moins d'être un service public ».

Ensuite, parce que l'État se placerait en position de faiblesse pour faire respecter des cahiers des charges à des sociétés privées, ce que la suite devait malheureusement démontrer. Enfin, et surtout, parce qu'il valait mieux pour l'État percevoir pendant toute la durée des concessions des dividendes qu'il aurait fléchés vers l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) créée en 2004 47 ( * ) , plutôt que de percevoir en une seule fois les 16 milliards d'euros que l'État a finalement obtenus en vendant la totalité de ses participations dans les SCA. En effet, cette somme « ne se voit pas dans la réduction du déficit de l'État ou de la dette. En revanche, disposer d'une recette récurrente , qui allait augmenter d'année en année comme on peut le prouver facilement aujourd'hui, c'était quand même formidable, surtout si cette recette était fléchée ».

Toujours selon Gilles de Robien, « il aurait mieux valu que les dividendes des sociétés d'autoroutes soient fléchés vers les transports plutôt que l'État touche une somme flat , qu'elle soit de 15 milliards d'euros ou même de 20 milliards d'euros, le montant n'est même pas en cause. En l'occurrence, la rente était pour l'État et elle aurait été consacrée aux transports qui en avaient tellement besoin ».

Gilles Carrez , rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale de 2002 à 2012, partageait ce point de vue : « dans notre esprit, l'AFITF devait bénéficier de la redevance domaniale des autoroutes, de la taxe d'aménagement du territoire, d'une partie des produits d'amendes de radars et des dividendes des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes » 48 ( * ) .

Il estimait en outre qu'« il y avait également un élément très important : le capital des SCA avait été progressivement ouvert. Nous pensions qu'un dispositif dans lequel le privé était présent tout en étant minoritaire avec un contrôle public présentait beaucoup d'avantages, car cela obligeait à avoir une gestion très proche des usagers, compétitive si possible. Nous pensions que c'était une situation qui devait perdurer ».

De fait, s'il est parvenu à s'opposer à la privatisation des SCA tant qu'il est resté au ministère des transports, en faisant valoir ses vues auprès du Premier ministre de l'époque Jean-Pierre Raffarin, Gilles de Robien avait en revanche accepté les ouvertures du capital d'APRR et de Sanef.

Pour Gilles de Robien et Gilles Carrez, la situation de 2005 - participation majoritaire de l'État dans les SCA avec une présence minoritaire d'actionnaires privés au capital, affectation des dividendes des SCA à l'AFITF nouvellement créée - constituait en effet un point d'équilibre .

L'annonce par le Premier ministre, Dominique de Villepin, de la privatisation des sociétés d'autoroutes leur est donc apparue comme « une surprise », « un changement de pied radical », pour reprendre les termes de Gilles Carrez.

2. Des objectifs de réduction de la dette et de renforcement de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF)

La décision de privatiser les sociétés concessionnaires d'autoroutes « historiques » a été annoncée par Dominique de Villepin lors de son discours de politique générale prononcé devant l'Assemblée nationale le 8 juin 2005.

Ce discours, à l'issue duquel le Premier ministre a obtenu la confiance des députés , mentionnait les autoroutes au détour d'annonces relatives au financement des infrastructures de transport : « J'entends relancer des grands chantiers d'infrastructure, en particulier dans les domaines routier et ferroviaire [...] . J'ai en outre décidé de poursuivre la cession par l'État de ses participations dans les sociétés d'autoroute afin de financer ces grands travaux et de leur permettre de souscrire aux appels d'offre européens. Le produit de ces cessions ira notamment à l'Agence pour le financement des infrastructures de transports afin d'accélérer les contrats de plan État-région ».

Lors de son audition par la commission d'enquête, Dominique de Villepin est longuement revenu sur les raisons qui l'avaient conduit à décider cette privatisation des autoroutes , en prenant le soin de rappeler qu' « en 2005, les sociétés concessionnaires étaient déjà totalement ou partiellement privées . L'État contrôlait à peine plus de 50 % du secteur , moins de 62 % si on ne prend pas en compte la société concessionnaire déjà entièrement privée Cofiroute » 49 ( * ) .

La première raison qui l'a poussé au choix de la privatisation était la nécessité pour l'État de dégager des marges de manoeuvre financières alors qu'il faisait face à une impasse dans ce domaine : « notre choix a été de valoriser notre participation dans un secteur mature pour réinvestir les sommes ainsi dégagées dans le désendettement et le financement de nouvelles infrastructures ».

Pour Dominique de Villepin, il ne s'agissait pas « de céder face à Bercy contre le ministère des transports », mais de « prendre en compte l'exigence de réduction de la dette portée par le ministère de l'économie tout en donnant au ministère des transports les moyens d'investir ».

De fait, « on avait pu croire avec la création de l'AFITF, en 2003, que les questions de financement des infrastructures de transport étaient résolues. Malheureusement, dans les mois qui ont suivi, la capacité à investir n'était pas au rendez-vous . Les dividendes autoroutiers affectés à l'AFITF ne représentaient que 332 millions d'euros en 2005 , ce qui ne nous donnait pas de marges de manoeuvre pour un plan de relance . Le budget de l'AFITF, en 2005, n'était que de 1 milliard d'euros et largement affecté à des investissements déjà lancés ».

Le niveau de la dette publique , qui représentait 67,3 % du PIB en 2005, soit un niveau supérieur à celui autorisé par les critères de Maastricht, constituait alors un sujet de préoccupation politique de plus en plus prégnant 50 ( * ) .

Dominique de Villepin considère que les 14,8 milliards d'euros que la privatisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes a rapportés à l'État 51 ( * ) ont bien été affectés à ces deux priorités. En effet « près de 11 milliards d'euros ont été utilisés pour le désendettement de l'État (ce qui est considérable, même rapporté au stock de dette de l'époque d'un peu plus de 1 000 milliards). Je rappelle que l'endettement public a reculé de 2,8 % en part du PIB entre 2005 et 2007 ».

Quant au secteur des transports, « 4 milliards d'euros ont été affectés à l'AFITF pour financer de nouvelles infrastructures, plus respectueuses de l'environnement. En 2005, un audit sur le réseau ferroviaire, le rapport Rivier, souligne sa dégradation et l'urgence d'un effort massif de réinvestissement. Sur la base de cet audit, avec Dominique Perben, nous avons mis fin à la logique d'étranglement de la maintenance du réseau. Nous avons lancé le premier plan de rénovation de notre réseau national pour améliorer la qualité des trains du quotidien. Ces décisions étaient attendues et n'étaient pas possibles avant 2005, faute de ressources suffisantes. Au-delà de ce réinvestissement massif dans les trains du quotidien, nous avons engagé la réalisation de quatre lignes à grande vitesse, Bordeaux, Rennes, Montpellier, Rhin-Rhône, inauguré la première phase du TGV Est, conclu avec les collectivités le financement de la préparation de la deuxième phase. Tous ces projets sont aujourd'hui en service ».

Une autre justification de la privatisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes avancée par Dominique de Villepin concerne la gouvernance de ces sociétés , car, selon lui, avant la privatisation « l'État était des deux côtés de la table, se retrouvant juge et partie , actionnaire et régulateur , concédant et concessionnaire , pris entre des exigences contradictoires ». Cette situation avait en particulier pour conséquence que « l'État, comme les autres actionnaires des sociétés d'autoroutes, avait intérêt à des dividendes élevés , ce qui n'allait pas dans le sens de la protection des usagers contre les hausses de tarifs ».

Dominique de Villepin estime au surplus que « les administrateurs représentant l'État au conseil d'administration des sociétés concessionnaires se trouvaient tiraillés entre les intérêts de l'État concédant et ceux des sociétés, qu'ils devaient, comme tout administrateur, défendre en priorité. En particulier les représentants de l'État ne pouvaient pas participer aux décisions du conseil d'administration sur les relations avec l'État, notamment sur les contrats de concession, au titre de leurs responsabilités générales de mandataire social devant agir dans l'intérêt social du concessionnaire et dans le cadre du régime spécifique des conventions réglementées.

« Ce n'était évidemment pas le cas des autres administrateurs et en particulier des actionnaires privés minoritaires. Ainsi, du fait de l'alignement sur le droit commun des sociétés d'autoroutes et de la présence d'actionnaires privés à ses côtés, l'État était en fait devenu un actionnaire en grande partie passif, soumis aux décisions des actionnaires minoritaires, se contentant d'encaisser année après année sa part de dividende ».

La privatisation des sociétés d'autoroutes permettait, selon lui, de « clarifier la position de l'État , de sortir de cette situation d'un État empêché financièrement et juridiquement ».

C. UNE OPÉRATION QUI AURAIT PU ÊTRE PLUS PROFITABLE POUR L'ÉTAT

La privatisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) ayant été décidée par le Gouvernement, tout l'enjeu pour l'État était d'obtenir le prix le plus élevé possible pour ces participations majoritaires et d' éviter de « brader les bijoux de famille ».

Or, si la régularité de la procédure suivie est indéniable, et si de nombreuses contre-vérités toujours présentes dans le débat public doivent être démenties, il demeure probable que l'État aurait pu mieux valoriser ce patrimoine de la Nation que constituaient les sociétés d'autoroutes .

1. Un processus très encadré

L a cession des parts majoritaires de l'État dans ASF ( 50,2 % du capital), APRR ( 70,2 % du capital) et Sanef ( 75,7 % du capital) ne requérait pas de vote du Parlement , même si l'adoption de la loi de finances pour 2006 peut être considéré comme une validation implicite, ainsi que l'a rappelé Dominique de Villepin devant la commission d'enquête : « le Conseil d'État nous a confirmé que la poursuite de la cession des parts ne nécessitait pas de vote du Parlement , notamment parce qu'il n'y avait pas, contrairement, par exemple, au projet d'ouverture du capital d'Aéroports de Paris (ADP), de transfert du domaine public 52 ( * ) . Je rappelle pour autant qu'avant la cession effective des parts de l'État, le Parlement a été saisi du projet de loi de finances pour 2006, dans lequel étaient retracées les conséquences de la vente de nos participations. Le Parlement a adopté la loi de finances avec l'affectation des recettes de cession » 53 ( * ) .

Si aucune autorisation législative n'était nécessaire , le processus de cession, validé par un avis de l'assemblée générale du Conseil d'État , était cependant très encadré .

Il a été lancé dès le 18 juillet 2005 par un communiqué commun de Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et de Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, qui a rendu public le cahier des charges applicable aux trois cessions des participations majoritaires de l'État .

Ce cahier des charges, qui précisait les différents critères de sélection des offres retenus, indiquait que « l'État entendait procéder au transfert de chacune des participations dans des conditions financières conformes à ses intérêts patrimoniaux , et dans des conditions permettant d'assurer le respect des contrats de concession ainsi que le développement à long terme des sociétés dans le cadre d'un projet industriel et social précis et structuré ».

Dominique de Villepin considère que « la procédure technique retenue était celle qui donnait le plus de poids aux intérêts de l'État . Sachant que l'État est faible lorsqu'il négocie de gré à gré et qu'il est fort lorsqu'il lance un appel d'offres ouvert et concurrentiel pour obtenir le meilleur prix, nous avons lancé un appel d'offres ouvert et compétitif. C'est le moyen le plus efficace pour obtenir le meilleur prix ».

En pratique, l'Agence des participations de l'État (APE) était chargée de piloter le processus de privatisation , tandis que la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) du ministère chargé des transports devait proposer des avenants aux contrats de concession pour tenir compte du transfert au secteur privé de la participation majoritaire de l'État au capital des sociétés concessionnaires d'autoroutes. Ces avenants, que les candidats devaient s'engager à accepter, ont été publiés dès le 28 juillet.

Le 22 août, 19 offres indicatives d'acquisition portant sur tout ou partie de chacune des participations dont la cession était projetée, ont été remises à l'APE par des investisseurs industriels et financiers, français et étrangers. Le même jour était annoncée la nomination de Jean-Louis Fort, ancien secrétaire général de la Commission bancaire, en tant que personnalité indépendante chargée de veiller au bon déroulement de la procédure.

Le 2 octobre, les ministres ont annoncé le lancement de la deuxième étape du processus de cession au terme de laquelle les candidats ont été invités à déposer pour le 7 novembre des offres fermes sur la base d'un cahier des charges complémentaire .

Il était précisé que ces offres devaient porter sur la totalité de chacune des participations , qu'elles devaient prévoir un paiement exclusivement en numéraire et que chacune des trois participations serait cédée à un acquéreur distinct .

Le 7 novembre, les offres fermes ont été remises à l'APE.

Quatre offres ont été déposées pour la participation majoritaire dans APRR :

- une offre déposée par Abertis, au prix de 61 euros par action ;

- une offre déposée par Autostrade, au nom d'un consortium constitué avec la Caisse des dépôts et consignations, la CNP, AGF, Predica et AXA, au prix de 60 euros par action ;

- une offre déposée par Cintra, au nom d'un consortium constitué avec Boréalis, Teachers et la Caja de Madrid, au prix de 62 euros par action ;

- une offre déposée par Eiffage, au nom d'un consortium constitué avec Macquarie, au prix de 61 euros par action .

Quatre offres ont été déposées pour la participation majoritaire dans Sanef :

- une offre déposée par Abertis, au nom d'un consortium constitué avec AXA, la Caisse des dépôts et consignations, la CNP, Predica et la FFP, au prix de 58 euros par action ;

- une offre déposée par Cintra, au nom d'un consortium constitué avec Boréalis, Teachers et la Caja de Madrid, à un prix nettement inférieur à 58 euros par action ;

- une offre déposée par Eiffage, au nom d'un consortium constitué avec Macquarie, à un prix nettement inférieur à 58 euros par action ;

- une offre déposée par le groupe Sacyr/Itinere au nom d'un consortium constitué avec Groupe Industriel Marcel Dassault, Sogécap et Generali France, au prix de 57 euros par action .

Quant à la participation majoritaire dans ASF , elle n'a, pour sa part, fait l'objet que d' une seule offre émanant du groupe Vinci, au prix de 51 euros par action .

Après avoir pris connaissance du contenu des offres, l a Commission des participations et des transferts (CPT) a procédé à l'audition de l'ensemble des candidats et de leurs conseils les 1 er et 2 décembre 2005. Elle a également entendu les représentants de l'État, l'établissement public Autoroutes de France, les trois sociétés d'autoroutes et les experts indépendants.

Le 13 décembre 2005, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Thierry Breton, a adressé à la CPT une proposition visant à sélectionner :

- pour APRR, l'offre ferme remise par Eiffage , au prix de 61 euros par action , ce qui valorisait à 4,8 milliards d'euros les 70,2 % du capital détenus par l'État ;

- pour Sanef, l'offre ferme remise par Abertis , au prix de 58 euros par action , ce qui valorisait à 4,0 milliards d'euros les 75,7 % du capital détenus par l'État ;

- pour ASF, l'offre ferme remise par Vinci , au prix de 51 euros par action , ce qui valorisait à 5,9 milliards d'euros les 50,4 % du capital détenus par l'État.

La Commission a rendu un avis favorable à cette sélection le 31 janvier 2006 pour APRR et Sanef et le 6 mars 2006 pour ASF.

Dans ses avis, elle estimait que « le lancement par l'État et Autoroutes de France d'une procédure ouverte d'appel à candidature avait permis d'assurer la transparence de la sélection des acquéreurs et d'obtenir grâce à la concurrence ainsi réalisée et au choix des candidats les mieux disant , des prix et des qualités de projet industriel et social qui répondent aux attentes initiales des vendeurs ».

Toujours selon la CPT, qui considérait visiblement ces opérations de privatisation comme très avantageuses pour l'État, « les prix [par action] obtenus sont supérieurs , parfois très nettement là où la concurrence a été très vive, aux évaluations des trois sociétés conduites selon les prescriptions de la loi et fixées par la Commission . Un tel résultat témoigne du vif intérêt des candidats pour cette acquisition et traduit le contexte particulièrement favorable dans lequel l'opération se déroule : taux d'intérêt historiquement bas, recherche par les investisseurs de valeurs défensives ».

Un décret 2 février 2006 a ensuite autorisé le transfert au secteur privé de la participation majoritaire détenue conjointement par l'État et Autoroutes de France dans le capital de Sanef 54 ( * ) . Puis les décrets autorisant les privatisations d'APRR et d'ASF ont été respectivement pris le 16 février 2006 55 ( * ) et le 8 mars 2006 56 ( * ) .

Dès lors, les trois opérations de cession de gré à gré ont pu être finalisées au cours du mois de mars 2006, ce qui a permis à l'État de percevoir 14,7 milliards d'euros .

En ajoutant les 1,7 milliard d'euros perçus au moment de l'ouverture du capital d'ASF en mars 2002, la cession de la totalité du capital qu'il détenait dans les trois sociétés concessionnaires d'autoroutes historiques a donc rapporté 16,5 milliards d'euros à l'État.

2. Un prix de cession conforme aux règles
a) Une évaluation par la Commission des participations et des transferts

Pour évaluer la valeur des trois sociétés, la Commission des participations et des transferts a bénéficié de l' assistance d'experts indépendants . Elle a également eu accès aux évaluations réalisées par chacune des banques conseil de l'État et des trois SCA 57 ( * ) .

Ces évaluations ont eu recours aux méthodes traditionnelles habituellement utilisées pour estimer la valeur d'une entreprise.

Méthodes d'évaluation des trois sociétés concessionnaires d'autoroutes
utilisées par la Commission des participations et des transferts

Les experts et banquiers d'affaires chargés d'évaluer la valeur d'APRR, Sanef et ASF ont utilisé cinq méthodes, à titre principal ou secondaire :

• l'actualisation des flux nets de trésorerie (DCF), utilisée dans tous les cas
à titre principal

Les évaluateurs se sont fondés sur les plans d'affaires établis par chacune des trois sociétés jusqu'à l'expiration des concessions et les ont éventuellement revus en fonction de leurs propres anticipations d'évolution du trafic, des tarifs et des investissements. Les flux ont été actualisés au coût moyen pondéré du capital de l'entreprise suivant un taux fixe, ou suivant un taux glissant en raison de la modification importante de la structure financière de l'entreprise sur la durée de la concession (remboursement de la dette). Le calcul a été fait avec une dette à valeur comptable et avec une dette à valeur de marché ;

• l'actualisation des dividendes, également utilisée à titre principal

Sur la base d'une hypothèse de taux de distribution, les dividendes ont été actualisés année après année au coût des fonds propres, fixe ou glissant, sur toute la période de concession, ainsi que les liquidités résiduelles ;

• la méthode de la « valeur présente ajustée » (VPA), utilisée à titre principal
par les experts indépendants travaillant pour la CPT

Cette méthode consiste en une valorisation de la société au coût des fonds propres hors dette par actualisation des flux de trésorerie et en un calcul de l'impact fiscal de l'endettement ;

• les comparables boursiers (comparaisons avec des sociétés cotées comparables), utilisés à titre secondaire ou pour vérification de la cohérence des évaluations, faute de référence pertinente à l'étranger ;

• l'analyse des cours de bourse, utilisée à titre principal

Les évaluateurs se sont référés à des moyennes de cours avant l'annonce de la privatisation le 8 juin 2005. Ils ont aussi analysé l'évolution des cours depuis lors en notant qu'ils comprenaient un élément spéculatif lié au processus de cession. Ils mentionnent également les objectifs de cours publiés par les analystes financiers avant et après l'annonce de la décision de privatisation.

Source : Commission des participations et des transferts (CPT)

Sur la base de ces différentes évaluations, la CPT a estimé que :

- la valeur de la société APRR ne pouvait être inférieure à 51 euros par action, soit environ 5,8 milliards d'euros , ce qui valorisait les 70,2 % du capital détenus par l'État à 4,06 milliards d'euros au minimum ;

- la valeur de la société Sanef ne pouvait être inférieure à 47 euros par action , soit environ 4,3 milliards d'euros , ce qui valorisait les 75,7 % du capital détenus par l'État à 3,26 milliards d'euros environ au minimum ;

- la valeur de la société ASF ne saurait être inférieure à 47 euros par action , soit environ 10,9 milliards d'euros , ce qui valorisait les 50,4 % du capital détenus par l'État à 5,5 milliards d'euros au minimum.

La valeur minimale de la somme des trois participations majoritaires de l'État dans les trois sociétés concessionnaires d'autoroutes historiques était donc estimée par la CPT à 12,8 milliards d'euros , soit une somme nettement inférieure aux 14,8 milliards d'euros finalement obtenus par l'État.

Fort de ce constat, Dominique de Villepin a réaffirmé devant la commission d'enquête sa conviction que les intérêts de l'État avaient été bien préservés et qu'un juste prix avait été obtenu pour ses participations majoritaires dans les trois SCA : « si l'on regarde le cours de bourse des trois sociétés concernées, les participations de l'État valaient 11,5 milliards d'euros avant que j'annonce leur vente le 8 juin 2005. Le rapport du député Hervé Mariton 58 ( * ) , rédigé avant cette annonce, avait évalué entre 10 et 12 milliards la valeur des participations. La Commission des participations et des transferts a estimé la valeur a minima que devait en attendre l'État à 12,8 milliards d'euros . Nous en avons obtenu 14,8 milliards d'euros , soit 30 % de mieux que le dernier cours de bourse . Ce résultat était dans la fourchette haute de nos attentes et des modèles financiers d'évaluation des sociétés concernées » 59 ( * ) .

b) Des offres concurrentes pour APRR et Sanef

L'État a obtenu pour APRR un prix de 61 euros par action alors que le prix minimal par action avait été fixé par la CPT à 51 euros par action . Le différentiel par action était donc de 10 euros et le montant total obtenu de 5,4 milliards d'euros, pour un minimum fixé à 4,06 milliards d'euros .

Après l'introduction en bourse en novembre 2004 au prix de 40,5 euros par action, le cours d'APRR se situait aux environs de 44 euros avant l'annonce de la privatisation le 8 juin 2005. Il avait ensuite connu une progression accélérée à l'automne vers 56 euros et se situait au-dessus de 61 euros depuis le 14 décembre 2005, soit le prix effectivement payé par Eiffage.

Pour Sanef, l'État a obtenu un prix de 58 euros par action alors que le prix minimal par action avait été fixé par la CPT à 47 euros par action , soit un différentiel de 11 euros par action. Le montant obtenu était donc de 4,03 milliards d'euros, pour un minimum fixé à 3,26 milliards d'euros .

Après l'introduction en bourse fin mars 2005 au prix de 40 euros par action, le cours de Sanef se situait aux environs de 42 euros avant l'annonce de la privatisation le 8 juin 2005. Il avait ensuite connu une très forte progression pour atteindre 57 euros au mois de décembre 2005, soit un niveau légèrement inférieur à celui payé par Abertis.

c) L'absence de concurrence pour ASF

Pour ASF, l'État a obtenu un prix de 51 euros par action alors que le prix minimal avait été fixé à 47 euros par action par la CPT, soit un différentiel de seulement 4 euros par action , nettement inférieur au différentiel constaté pour APRR et pour Sanef. Le montant obtenu par l'État a donc été de 6,2 milliards d'euros, pour un minimum fixé à 5,5 milliards d'euros .

Après l'introduction en bourse fin mars 2002 au prix de 24 euros par action , le cours d'ASF avait connu une hausse continue à partir du printemps 2003 car le marché considérait que Vinci , devenu le partenaire industriel d'ASF, chercherait à en acquérir le contrôle en cas de cession par l'État de sa participation majoritaire.

Le cours de bourse , qui avait déjà atteint 40 euros avant l'annonce de la privatisation le 8 juin 2005, s'est établi à 48 euros par la suite et au-dessus de 50 euros à partir du 14 décembre 2005 , soit un niveau légèrement inférieur à celui payé par Vinci.

Interrogé par le rapporteur sur le fait que seul Vinci avait fait une offre d'acquisition des titres d'ASF, Martin Vial, actuel commissaire général aux participations de l'État, considère également que cette situation tenait au fait que Vinci détenait déjà en 2006 23 % du capital d'ASF . Si d'autres investisseurs avaient voulu acquérir la totalité du capital d'ASF, il leur aurait fallu déposer une offre publique d'achat (OPA) suivie d'une offre publique de retrait (OPR) afin de pouvoir sortir ASF de la cote , au terme de négociations qui se seraient probablement avérées très difficiles et très coûteuses. Il estime que Vinci n'a pas eu de concurrence car le groupe apparaissait comme un obstacle trop important pour les autres acquéreurs potentiels .

Selon Bertrand Schneiter, actuel président de la CPT, « l'absence de compétiteur pour Vinci s'explique bien sûr par la participation dissuasive que Vinci détenait déjà dans ASF . Ceci dit, le prix payé pour ASF par Vinci n'est pas significativement différent des prix de cession des deux autres sociétés. Un report de l'opération n'aurait pas permis de se trouver dans une situation plus favorable » 60 ( * ) .

Tel n'est pas l'avis de la Cour des comptes , qui, dans son référé n° 2007-445-3, regrette « l'absence de réelle mise en concurrence pour la principale opération réalisée hors marché » et s'interroge sur la procédure retenue. La Cour considère en effet que « le patrimoine de l'État aurait été mieux valorisé si le processus conduisant à cette issue inéluctable n'avait été engagé prématurément , s'il avait été tenu compte de la montée rapide du cours de bourse et si une prime pour acquisition de majorité avait été demandée et obtenue , comme cela est courant dans ce type de situation ».

Elle en conclut qu'il aurait sans doute été préférable de « constater l'échec de la procédure d'appel de candidatures sur cahier des charges au cas d'espèce et de procéder à une nouvelle mise aux enchères , comme cela avait été fait avec succès en 2002 pour la cession de la participation résiduelle de l'État dans le Crédit Lyonnais ».

De fait, tout laisse à penser que Vinci a réalisé une opération exceptionnellement avantageuse en acquérant ASF sans réelle mise en concurrence .

3. Une perte de recettes pour l'État

L'État a perçu 14,8 milliards d'euros de recettes lors des trois privatisations de 2006. En ajoutant les 1,7 milliard d'euros perçus au moment de l'ouverture du capital d'ASF en mars 2002, la cession de la totalité du capital qu'il détenait dans les trois sociétés concessionnaires d'autoroutes historiques lui a donc rapporté 16,5 milliards d'euros .

Pour autant, les actionnaires actuels de ces trois sociétés ont dû investir quelque 22,5 milliards d'euros pour en acquérir le contrôle total.

Ce différentiel résulte du choix de l'État de procéder dans un premier temps à une ouverture du capital des trois SCA historiques puis, dans un second temps seulement , à la vente de gré à gré de ses participations majoritaires .

a) Un coût total d'acquisition de 22,5 milliards d'euros

Le processus de cession progressive des participations de l'État dans les trois SCA historiques s'est révélé particulièrement inadapté, puisqu'il a fait perdre quelque 5,3 milliards d'euros de recettes potentielles au budget de l'État .

(1) Une perte potentielle de 6,5 milliards d'euros pour l'État

Comme le montre le tableau ci-dessous, Vinci a dépensé 10,4 milliards d'euros pour acquérir la totalité du capital d'ASF entre 2002 et 2006.

Sur cette somme, seulement 7,6 milliards d'euros sont revenus à l'État, correspondant aux 1,7 milliard d'euros obtenus lors de l'introduction de la société en bourse et aux 5,9 milliards d'euros perçus lors de la privatisation.

Les sommes restantes, soit 2,8 milliards d'euros , ont bénéficié aux investisseurs qui avaient acheté des titres d'ASF entre 2002 et 2006.

Les étapes de l'acquisition par Vinci
de l'intégralité du capital d'ASF

Cible

Vendeur

Acquéreur

Date

Opération

QP acquise

Nombre de titres

Prix/action
(en euros)

Prix
(en milliards d'euros)

ASF

État/flottant

Vinci

2002-2006

Acquisition sur le marché

22,99 %

53 094 836

25,0

1,3

ASF

État

Vinci

mars 2006

Cession gré à gré

50,37 %

116 354 800

51,0

5,9

ASF

Flottant

Vinci

mars 2006

Garantie de cours

24,03 %

55 501 627

51,0

2,8

ASF

Flottant

Vinci

mars 2006

OPRO

2,61 %

6 026 738

49,8

0,3

Total

100 %

230 978 001

10,4

Source : Commission d'enquête

Le tableau ci-après montre comment Eiffarie , l'alliance nouée entre Eiffage et Macquarie, a acquis l'intégralité du capital d'APRR entre 2004 et 2010 en dépensant 6,7 milliards d'euros .

Or, sur cette somme, seuls 4,8 milliards d'euros sont revenus à l'État, ce qui signifie que 1,9 milliard d'euros ont été captés par des investisseurs privés qui ont acheté des titres d'APRR entre 2004 et 2010.

Les étapes de l'acquisition par Eiffarie
de l'intégralité du capital d'APRR

Cible

Vendeur

Acquéreur

Date

Opération

QP acquise

Nombre de titres

Prix par action
(euros)

Prix
(milliards d'euros)

APRR

État/flottant

Eiffage

2004-2006

Acquisition sur le marché

4,45 %

5 028 506

40,5

0,2

APRR

État

Eiffarie

février 2006

Cession gré à gré

70,21 %

79 365 945

61,0

4,8

APRR

Flottant

Eiffarie

avril 2006

Garantie de cours

6,82 %

7 706 701

61,0

0,5

APRR

Elliot/Cypress Holding

Eiffarie

juin 2010

Cession gré à gré

13,73 %

15 522 702

55,0

0,9

APRR

Flottant

Eiffarie

juillet 2010

Acquisition sur le marché

0,83 %

932 625

54,2

0,1

APRR

Flottant

Eiffarie

juillet 2010

OPRO

3,96 %

4 481 677

54,2

0,2

Total

100 %

113 038 156

6,7

Source : Commission d'enquête

Enfin, le tableau ci-après montre comment Abertis a acquis l'intégralité du capital de Sanef en février et mars 2006. Cette opération a représenté pour le groupe espagnol un coût total de 6,7 milliards d'euros , sur lesquels seuls 4 milliards d'euros sont revenus à l'État alors que l'ouverture du capital ne datait que de mars 2005.

Les étapes de l'acquisition par Abertis
de l'intégralité du capital de Sanef

Cible

Vendeur

Acquéreur

Date

Opération

QP acquise

Nombre de titres

Prix/action
(euros)

Prix
(milliards d'euros)

Sanef

État

Abertis

février 2006

Cession gré à gré

75,65 %

69 443 660

58,0

4,0

Sanef

Flottant

Abertis

février 2006

Garantie de cours

20,33 %

18 657 524

58,0

1,1

Sanef

Flottant

Abertis

mars 2006

OPRO

4,02 %

3 690 709

58,0

0,5

Total

100 %

113 038 156

5,3

Source : Commission d'enquête

Ces trois tableaux permettent de constater que Vinci a dépensé 10,4 milliards d'euros pour ASF, Eiffarie 6,7 milliards d'euros pour APRR et Abertis 5,3 milliards d'euros pour Sanef, soit un total de 22,4 milliards d'euros . Or, dans le même temps, l'État n'a perçu que 16,5 milliards d'euros , soit une différence de 5,9 milliards d'euros .

En tenant compte des 600 millions d'euros de dividendes versés à l'État par les trois groupes entre 2002 et 2005, on peut donc estimer que le caractère inadapté du processus de cession séquentielle de ses parts a fait perdre à l'État quelque 5,3 milliards d'euros de recettes potentielles .

À ce montant, on pourrait ajouter les conséquences financières estimées de l'absence de concurrence pour l'acquisition des titres d'ASF par Vinci . Sur la base du prix payé et de l'écart constaté avec le prix-plancher pour APRR et Sanef, la sous-évaluation résultant de l'absence de concurrence peut être estimée à environ 1,2 milliard d'euros . L a perte totale pour l'État peut donc être évalué à 6,5 milliards d'euros en valeur 2006, soit environ 7,8 milliards en valeur 2020.

Finalement, la perte de recettes pour l'État ne résulte pas tant de la privatisation de 2006, dont il a été montré supra qu'elle avait fait l'objet d'une procédure rigoureuse, que des introductions en bourse qui l'ont précédée .

De fait, il apparaît clairement, avec le recul, que les prix d'introduction en bourse étaient beaucoup trop bas , puisque les cessions de blocs de gré à gré ont été réalisées sur la base d'un prix par action de 50 % plus élevé que les prix déterminés lors des introductions en bourse, à savoir 51 euros par action contre 25 euros par action pour ASF, 61 euros par action contre 40,5 euros par action pour APRR et 58 euros par action contre 40 euros par action pour Sanef.

(2) Un choix avant tout politique

Une critique récurrente formulée au sujet de la privatisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes « historiques » porte sur le moment choisi. Après s'être lourdement endettées pour construire leur réseau et avoir longtemps été déficitaires , ces sociétés étaient devenues bénéficiaires depuis quelques années et allaient voir leurs revenus augmenter considérablement par la suite, conformément au modèle économique des concessions autoroutières 61 ( * ) .

Beaucoup estiment donc que vendre ces SCA à ce moment-là revenait à « tuer la poule aux oeufs d'or » et qu'il aurait mieux valu pour l'État de continuer à bénéficier de leurs dividendes pendant toute la durée des concessions, par exemple pour financer les autres modes de transports via l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) .

En réalité, tout est question de rapport au temps et au risque . Il revenait à l'État en 2006 de savoir s'il préférait obtenir immédiatement et de façon certaine une somme censée correspondre à la somme actualisée des dividendes qu'il aurait perçu en restant actionnaire majoritaire des SCA ou bien s'il souhaitait percevoir ces dividendes année après année , cette perception étant sujette à certains risques , en particulier au risque trafic.

Ce choix entre la perception « one shot » de la valeur résiduelle des concessions autoroutières et le versement de dividendes annuels était un choix éminemment politique , les deux options étant rationnelles d'un point de vue économique, dès lors que le prix de vente obtenu lors de la privatisation était conforme aux évaluations réalisées par les experts, ce qui a bel et bien été le cas.

Deux critiques peuvent toutefois être formulées quant au choix de privatisation opéré en 2006 .

En premier lieu, il est possible de se demander s'il n'aurait pas été préférable d'attendre quelques années avant de vendre les participations majoritaires de l'État .

La Cour des comptes, dans son référé n° 2007-445-3 précité note ainsi que les SCA « étaient en voie de désendettement progressif et, de ce fait, en passe d'améliorer régulièrement leurs résultats ». Elle en déduit que « le choix d'une date de cession reculée de quelques années aurait permis de présenter des comptes et des résultats sans doute beaucoup plus attractifs , induisant une meilleure valorisation », ce qui est en effet probable .

Le point le plus discutable porte sur la cession des dernières années des concessions , dont la Cour souligne à raison qu'elles sont « trop lointaines pour que le marché sache bien les valoriser ».

En effet, le marché n'a sans doute pas appréhendé correctement la durée résiduelle des concessions.

Plus particulièrement, la Cour observe que « la privatisation, qui doit rencontrer une offre, n'est possible qu'au taux d'actualisation du flux annuel des revenus escomptés admis par le marché, compris entre 6 et 7 % selon le niveau des taux d'intérêt du moment ». Or, « à ces niveaux, la valeur des flux attendus devient très faible au-delà d'une quinzaine d'années. Aussi aurait-il été préférable de limiter les concessions cédées à une durée de cet ordre de grandeur ».

Il ne semble toutefois pas qu'il ait alors été envisagé de réduire la durée résiduelle des concessions , d'autant qu'elle avait été prolongée en 2000 , à la veille de l'ouverture du capital 62 ( * ) .

b) Un coût total d'acquisition évalué, de façon contestable, par les actionnaires à 47,5 milliards d'euros

Pour essayer d'évaluer à quel point Vinci, Eiffarie et Abertis ont réalisé une bonne affaire en procédant à l'acquisition pour 22,5 milliards d'euros des trois groupes autoroutiers ASF, APRR et Sanef, il est essentiel de rappeler plusieurs éléments complémentaires.

En premier lieu, le transfert au secteur privé des trois SCA s'est accompagné du transfert de leur dette financière , laquelle avait servi à financer la construction et l'aménagement de leurs réseaux respectifs.

Cette dette financière nette représentait en 2006 8milliards d'euros pour ASF , 5milliards d'euros pour APRR et 3,7 milliards d'euros de dettes pour Sanef.

Ce sont donc 16,8 milliards d'euros de dettes qui ont été transférées du secteur public vers le secteur privé, avec obligation pour les sociétés concernées de les avoir intégralement remboursées d'ici la fin des concessions .

Autre point important : lors de leur privatisation, les trois SCA étaient signataires de contrats de plan avec l'État portant sur des investissements restant à réaliser pour un montant de 5 milliards d'euros .

L'Association française des sociétés d'autoroutes (ASFA) considère, dès lors, que le coût global de l'opération pour les trois actionnaires des SCA que sont Vinci, Eiffarie et Abertis s'établit à 47,5 milliards d'euros , décomposés dans le schéma ci-dessous.

Évaluation des enjeux financiers liés au transfert au secteur privé
des sociétés concessionnaires d'autoroutes « historiques »

Source : Association française des sociétés d'autoroutes (ASFA)

Philippe Nourry, président des concessions autoroutières d'Eiffage en France, a ainsi souligné devant la commission d'enquête qu'il était nécessaire, pour évaluer la rentabilité de l'acquisition des SCA pour leurs actionnaires, de prendre en compte « le coût d'acquisition des concessions - soit 22,5 milliards d'euros -, les dettes existantes à l'époque dans les sociétés - 20 milliards d'euros -, les engagements d'investissement qui figuraient dans les contrats - 5 milliards d'euros - , et le fait que l'actif sera rendu gratuitement, en bon état d'entretien et complètement désendetté à la fin de la concession » 63 ( * ) .

Or, s'il est exact que Vinci, Eiffarie et Abertis ont acheté des sociétés fortement endettées et que cette dette doit être remboursée avant l'échéance des concessions, dans la logique du modèle économique des concessions autoroutières 64 ( * ) , il convient toutefois d'observer que le prix payé en 2006 tient compte des travaux prévus et de la dette inscrite au passif des sociétés concernées. Il a en effet été calculé sur la base de l'actualisation de flux de trésorerie ( cash-flows ) futurs permettant à la fois d'amortir les investissements sur une durée longue, de rembourser les emprunts, plutôt en fin de contrat, et de verser des dividendes importants assurant une forte rentabilité aux actionnaires.

III. LA CRISE DE 2014-2015 : DES CONSÉQUENCES SUR L'ÉQUILIBRE DES RELATIONS ENTRE L'ÉTAT ET LES SOCIÉTÉS CONCESSIONNAIRES

Après la privatisation, dans le cadre de la réponse à la crise économique générée par la crise financière de 2007-2008, un premier plan d'investissement autoroutier a été négocié en 2008-2009 entre l'État, d'une part, et les sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) nouvellement privatisées et Cofiroute, d'autre part. Les négociations, difficiles, ont été interrompues pendant plusieurs mois avant d'être finalement conclues fin 2009 65 ( * ) .

Ce « Paquet vert autoroutier » prévoyait 1 milliard d'euros de travaux destinés à améliorer, sur trois ans (2009-2011), l'impact environnemental des autoroutes les plus anciennes. Il a une nouvelle fois été un allongement de la durée des concessions pour son financement, avec l'aval du Parlement 66 ( * ) et de la Commission européenne 67 ( * ) , permettant aux cinq SCA signataires de bénéficier d'un nouvel allongement d'un an de la durée des concessions 68 ( * ) .

Dès 2012, de nouvelles négociations sur un plan de relance autoroutier (PRA) plus ambitieux sont initiées par le Gouvernement, dans le cadre du plan de relance de l'économie. Alors que le trafic autoroutier, en particulier celui des véhicules poids-lourds, avait été fortement touché par la crise économique et que les concessionnaires autoroutiers souhaitaient bénéficier d'une aide sectorielle, l'objectif de ce plan était essentiellement de contribuer à la relance du secteur des travaux publics .

Les négociations entre l'État et les SCA historiques se sont déroulées en 2013 et 2014 dans un climat tendu, avant d'être finalisées en 2015.

A. DES NÉGOCIATIONS DANS UN CLIMAT DE FORTES TENSIONS

En septembre 2012, l'État demande aux SCA d'identifier les opérations susceptibles d'être réalisées dans le cadre du PRA et présentant un caractère de nécessité, notamment du fait d'un accroissement du trafic, d'un besoin de sécurisation des échanges ou d'une mise aux normes environnementales.

Début 2014 , l'État a revu les opérations proposées pour ne retenir que celles dont il estime qu'elles répondent à une exigence de stricte nécessité. Le montant total du plan en ressort fortement abaissé par rapport aux propositions initiales des SCA qui s'élevaient à 17 milliards d'euros. Il s'établit en effet à 3,6 milliards d'euros.

En contrepartie du financement de ces travaux par les SCA, il est prévu que la durée des concessions soit une nouvelle fois allongée , sous réserve de l'aval de la Commission européenne.

Les négociations entre l'État et les SCA sont fortement impactées par des décisions unilatérales de l'État et les débats suscités par la publication en 2013 et 2014 de rapports de la Cour des comptes et de l'Autorité de la concurrence .

Un protocole d'accord est finalement conclu en avril 2015, qui rééquilibre partiellement les relations entre l'État et les SCA. Les décrets approuvant les avenants aux sept contrats de concession concernés sont signés et publiés le 23 août 2015 69 ( * ) après que la loi « Macron » a confié à l'Arafer des missions de régulation du secteur autoroutier .

Chronologie des débats autour des concessions autoroutières
entre 2014 et 2015

Source : Commission d'enquête

1. Des décisions et annonces unilatérales de l'État mal accueillies par les SCA
a) L'augmentation de la redevance domaniale

Un décret du 28 mai 2013 70 ( * ) augmente de 51,5 % la redevance domaniale due par les sociétés d'autoroute, qui passe ainsi de 198 millions d'euros en 2012 à 300 millions d'euros en 2013.

L'Association des sociétés françaises d'autoroutes (ASFA) publie alors un communiqué indiquant que cette décision unilatérale est contraire aux principes contractuels de la concession ainsi qu'aux engagements pris par l'État lors de la privatisation.

Un recours en annulation du décret est déposé en juin 2013 par les sociétés Escota et Arcour. Il est rejeté en décembre par le Conseil d'État 71 ( * ) , qui rappelle que les sociétés concessionnaires d'autoroutes occupent, pour l'exercice de la concession, le domaine public routier national dont font partie les autoroutes et qu'elles en retirent des avantages.

Relevant que pour fixer la formule de calcul de la redevance d'occupation due à ce titre, le Premier ministre a pris en compte l'augmentation du chiffre d'affaires des SCA, le Conseil d'État observe en outre que, depuis l'institution de la redevance en 1997, ce chiffre d'affaires a connu une croissance plus rapide que celle de la redevance .

Il précise également que la volonté d'assurer une meilleure exploitation du domaine public fait partie des motifs qui peuvent justifier une modification de la méthode de calcul et une augmentation du montant de la redevance.

b) L'annonce d'un prélèvement sur les profits autoroutiers pour compenser la suspension de l'écotaxe

Votée dans son principe en 2009, la redevance poids lourds dite « écotaxe » aurait dû être perçue à compter du 1 er janvier 2014. Mais, en raison des manifestations des « bonnets rouges » liées à la crise du secteur agroalimentaire breton, le Premier ministre Jean-Marc Ayraud annonce la suspension de sa mise en oeuvre le 29 octobre 2013, avant que la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, Ségolène Royal, en annonce le report sine die le 9 octobre 2014.

Dans le même temps, la ministre déclare vouloir « mettre les sociétés d'autoroutes à contribution » 72 ( * ) et annonce que le manque à gagner de l'écotaxe sera compensé par un prélèvement sur les profits autoroutiers.

Finalement, l'absence de perception de l'« écotaxe » n'a pas été compensée par un tel prélèvement et s'est traduite par une perte de revenus pour l'État évaluée à 550 millions d'euros par an. L'annonce d'un prélèvement a toutefois indéniablement contribué à tendre les relations entre l'État et les SCA.

2. Des rapports critiques de la Cour des comptes et de l'Autorité de la concurrence

Entre 2013 et 2014, deux rapports portant sur l'économie et la régulation des concessions autoroutières sont publiés, l'un par la Cour des comptes, l'autre par l'Autorité de la concurrence.

Le premier rapport est une communication de la Cour des comptes de novembre 2013 73 ( * ) , en réponse à une saisine de la commission des finances de l'Assemblée nationale. La Cour y constate que l'allongement de la durée des concessions par le « Pacte vert » a été assez faiblement valorisé et constitue de ce fait « une bonne opération » pour les SCA . La Cour y appelle plus particulièrement à revoir le cadre juridique et financier des contrats de concession ainsi que les modalités de négociation des contrats de plan.

L'avis de l'Autorité de la concurrence du 17 septembre 2014 74 ( * ) répond également à une demande de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Il analyse la rentabilité , qualifiée « d'exceptionnelle » , des sociétés concessionnaires d'autoroutes et recommande des évolutions dans la définition des règles tarifaires et dans le contrôle exercé par le concédant, afin de rééquilibrer la relation qui le lie aux SCA.

Cet avis, qui répondait aux questions posées par la commission des finances, a été fortement critiqué quant à la méthode utilisée pour estimer la rentabilité des sociétés autoroutières, aussi bien par les sociétés concessionnaires que par des acteurs institutionnels 75 ( * ) .

Ces deux rapports ont suscité un débat public, politique et médiatique . En introduction au rapport d'activité annuel de la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) pour 2014, Alain Vidalies, secrétaire d'État chargé des transports , indique ainsi que « la publication du rapport de l'Autorité de la concurrence a marqué le début d'une crise sans précédent du secteur autoroutier concédé ».

Bruno Angles, représentant des sociétés concessionnaires d'autoroutes dans le cadre de la négociation du protocole d'accord, a quant à lui qualifié cette période « d' exubérance irrationnelle collective » devant l'Assemblée nationale en 2014, qualificatif qu'il a repris devant la commission d'enquête 76 ( * ) .

Comme le montre le graphique ci-après, le pic atteint dans les recherches en ligne par les mots-clés « autoroutes », « Autorité de la concurrence » et « privatisation des autoroutes » en septembre et octobre 2014 correspond à la publication du rapport de l'Autorité de la concurrence et aux échanges qui s'en sont suivis entre le gouvernement et les parlementaires devant l'Assemblée nationale et le Sénat.

Un second sommet en décembre correspond à l'annonce du gel des tarifs 77 ( * ) . Sur la période, les recherches du mot-clé « privatisation des autoroutes » ont été multipliées par 10, démontrant l'intensité du débat public sur le sujet.

Évolution de l'intérêt par mot-clé sur le moteur de recherche Google
entre août et décembre 2014

En bleu : évolution du mot-clé « autoroutes » ; en jaune : évolution des mots-clés « Autorité de la concurrence » ; en rouge : évolution des mots-clés « privatisation des autoroutes »

Le graphique reflète la proportion de recherches portant sur un mot-clé donné en France pour une période spécifique, par rapport à la région où le taux d'utilisation de ce mot clé est le plus élevé (valeur de 100). Une valeur de 0 signifie que les données pour ce mot-clé sont insuffisantes.

Source : données de recherche Google

3. Des travaux parlementaires appellent à un rééquilibrage des relations entre l'État et les sociétés concessionnaires

À la suite des rapports de la Cour des comptes et de l'Autorité de la concurrence dénonçant la « rente » injustifiée des SCA , l'Assemblée nationale et le Sénat se sont simultanément penchés sur les concessions autoroutières.

a) Un groupe de travail au Sénat

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a entendu, le 22 octobre 2014, le président de l'Autorité de la concurrence, Bruno Lasserre. À l'issue de cette audition, elle a décidé la création d'un groupe de travail sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes, coprésidé par Louis-Jean de Nicolaÿ et Jean-Jacques Filleul, pour approfondir l'économie des concessions autoroutières ainsi que les conditions d'engagement du PRA.

Le groupe de travail relève dans ses conclusions 78 ( * ) que, si l'interprétation donnée par l'Autorité de la concurrence des chiffres qu'elle utilise dans son avis est contestable, les chiffres eux-mêmes ne le sont pas . En d'autres termes, ce n'est pas parce que le TRI est l'indicateur le plus adapté pour analyser la rentabilité des sociétés autoroutières à la fin des concessions, que la marge nette des SCA « historiques » ne se situait pas entre 20 à 25 % en 2013.

Le groupe de travail préconise , en premier lieu, un renforcement de la transparence et de la régulation du secteur , en reprenant à son compte la majeure partie des recommandations de l'Autorité de la concurrence, en particulier le besoin de mettre en place une régulation indépendante.

Il recommande également de « changer de modèle » pour les plans de relance autoroutiers, soit en mettant fin à cette pratique, soit en les négociant mieux.

b) Une mission d'information à l'Assemblée nationale

Une mission d'information sur la place des autoroutes dans les infrastructures de transport, présidée par Bertrand Pancher, est également mise en place à l'Assemblée nationale à la même période. Son rapporteur, Jean-Paul Chanteguet , président de la commission du développement durable, s'appuie également sur le rapport de l'Autorité de la concurrence.

Le rapport de la mission d'information souligne en particulier l'« impasse de financement » dans laquelle se trouve l'État en matière d'infrastructures de transport.

Il constate par ailleurs que les contrats de concession sont « fortement déséquilibrés aux dépens de l'État et des usagers », avant de préconiser la résiliation des contrats de concession pour motif d'intérêt général afin de « sortir d'un système implacable » et de « s'extraire d'une logique trop éloignée de l'intérêt général » 79 ( * ) .

Cette proposition est également soutenue par 151 députés socialistes.

c) Un groupe de travail interparlementaire

Le 26 janvier 2015, un groupe de travail interparlementaire est mis en place à la demande du Premier ministre Manuel Valls, rassemblant huit députés et sept sénateurs ainsi que des représentants de l'État. La coordination des travaux est assurée par Anne Bolliet, inspectrice générale des finances, en charge des questions autoroutières entre 1997 et 2002 au cabinet du ministre de l'économie.

Jean-Paul Chanteguet , président du groupe de travail interparlementaire en tant que président de la commission du développement durable de l'Assemblée, quitte toutefois celui-ci en mars 2015 , peu de temps avant la dernière session de travail. Dans une lettre envoyée au Premier ministre le 26 février, il déclare refuser « d'avaliser plus avant cette mise en scène » , dont il estime « les travaux, consciencieusement organisés et orientés » dans l' « objectif de montrer, que de rente il n'y avait pas et que l'idée de la résiliation était irréaliste, pour ne pas dire irresponsable ».

Ce groupe de travail s'inscrivait dans l'objectif du Premier ministre de rééquilibrage des concessions autoroutières. Ses membres ont travaillé parallèlement aux discussions entre l'État et les SCA sur le projet de plan de relance autoroutier. Il a rendu son rapport en mars 2015 .

Selon Mme Bolliet, qui a été entendue par le rapporteur, la lettre accompagnant la remise du rapport au Premier ministre a alimenté de nouvelles discussions entre l'État et les SCA sur une contribution supplémentaire et la mise en place de mécanismes de partage du fruit des concessions .

Ces différents travaux parlementaires, qui ont dénoncé le déséquilibre des relations entre l'État et les sociétés d'autoroutes, ont nourri les évolutions législatives et réglementaires ultérieures qui ont procédé à un renforcement de la régulation du secteur.

4. La décision unilatérale de gel des tarifs perturbe les négociations

En réaction au rapport de l'Autorité de la concurrence et parallèlement à des négociations visant à apaiser les tensions générées par la hausse de la redevance domaniale et à finaliser le plan de relance autoroutier, Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, annonce dans la presse, le 16 décembre 2014, le gel des tarifs des péages, autrement dit l'annulation des hausses annuelles prévues au 1 er février par les contrats de concession.

Cette décision a été prise par la ministre seule, sans consultation préalable des SCA, afin, selon ses déclarations devant la commission d'enquête, de les forcer à reprendre les négociations 80 ( * ) . Le Premier ministre Manuel Valls l'a confirmée le 27 janvier 2015, en précisant que le gel s'appliquerait dès le 1 er février 2015 pour les sept SCA historiques.

Les sociétés concessionnaires ont immédiatement réagi en dénonçant un non-respect des règles tarifaires contractuelles . L'Association des sociétés françaises d'autoroutes (ASFA) a alors déclaré dans un communiqué que si l'État souhaitait « modifier l'un ou l'autre des paramètres fondamentaux des contrats de concession, ceci ne [pouvait] résulter que d'une négociation avec les sociétés concessionnaires dans le respect de l'équilibre économique de ces contrats ».

Dans un second communiqué publié en janvier, l'ASFA indique que, si elle privilégie « la voie de la négociation », elle se réserve le droit d'ouvrir immédiatement une procédure contentieuse pour excès de pouvoir .

La décision de la ministre allait incontestablement à l'encontre du cadre contractuel qui définit l'équilibre général de la concession, sans compter que le refus du concédant de respecter ses engagements était susceptible de nuire à la crédibilité de la France auprès des investisseurs .

Le calendrier était en outre peu approprié, dans la mesure où l'annonce du gel des tarifs parasitait les discussions qui se tenaient en parallèle . Selon les mots de la ministre de la transition écologique, Élisabeth Borne, en matière de non-respect des contrats, « céder à l'impulsion n'est pas dans l'intérêt des usagers » 81 ( * ) . La ministre, qui dirigeait alors le cabinet de Mme Royal, a par ailleurs souligné que cette décision unilatérale avait rendu plus complexes les négociations sur le plan de relance autoroutier en cours depuis 2012 et donné un levier de négociation supplémentaire aux SCA.

5. L'aval de la Commission européenne valide les hypothèses initiales

Après des contacts de pré-notification, le PRA est notifié par les autorités françaises à la Commission européenne, le 16 mai 2014, dans le cadre du contrôle des aides d'État en raison de l'allongement de la durée des concessions qu'il prévoit.

Dans une décision du 28 octobre 2014, la Commission valide le plan de relance autoroutier dans son ensemble et le déclare compatible avec le respect des règles de concurrence figurant aux articles 106 et 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

Après avoir constaté une nouvelle fois que les sociétés concessionnaires d'autoroutes sont investies en France d'une mission d'intérêt économique général, la Commission estime que le PRA respecte un strict équilibre entre les charges nouvelles imposées aux SCA et la durée de l'allongement des concessions destinée à les compenser .

De plus, la Commission estime que les taux de rentabilité interne (TRI) définis dans le plan correspondaient à un bénéfice raisonnable, tenant compte du mécanisme de la compensation et du niveau de risque.

L'aval ainsi donné par la Commission européenne s'est avéré déterminant dans la poursuite de la négociation entre l'État et les sociétés concessionnaires. En effet, les hypothèses initiales ayant été validées, les discussions ne pouvaient que difficilement s'en éloigner.

6. Un protocole d'accord met fin aux contentieux

L'État et les sociétés concessionnaires reprennent les négociations à partir du 3 décembre 2014, sur de nouvelles bases .

Un protocole d'accord est finalement conclu le 9 avril 2015 , dont les principes sont destinés à être intégrés dans les contrats de concession par voie d'avenants.

a) Des négociations menées par les directeurs de cabinet des deux ministres compétents

Les négociations ont été menées pour le compte du concédant par Alexis Kohler , directeur de cabinet d'Emmanuel Macron, et Élisabeth Borne , directrice de cabinet de Ségolène Royal.

Le négociateur unique désigné par les sociétés autoroutières était Bruno Angles , président pour la France de Macquarie, la société co-actionnaire avec Eiffage d'APRR et AREA. Le protocole a été signé par l'ensemble des SCA historiques (APRR, AREA, ASF, Cofiroute, Escota, Sanef et SAPN) ainsi que par Ségolène Royal et Emmanuel Macron.

Élisabeth Borne a indiqué à la commission d'enquête que les discussions avaient pour objet de régler les points de conflit, en particulier celui de l'augmentation de la redevance domanial « débouchant potentiellement sur un contentieux avec les sociétés concessionnaires » ainsi que la question de la rentabilité des concessions soulevée par l'avis de l'Autorité de la concurrence, alors que « la volonté du Président de la République [était] de boucler le plan de relance dont les discussions avaient été engagées largement antérieurement. » 82 ( * )

De son côté, Alexis Kohler a précisé à la commission d'enquête que « l'État était également demandeur d'un certain nombre d'avancées , ce qui était affirmé publiquement par les plus hautes autorités. Je pense en particulier au souhait du Président de la République et du gouvernement d'alors de pouvoir conclure un plan de relance autoroutier, notamment en engageant les 3,2 milliards de travaux, qui, par la suite, ont été lancés, puis le plan d'investissement autoroutier. Il y avait donc une forme d'injonction à conclure un accord avec les SCA de façon à remettre à plat autant les questions contentieuses que les questions économiques et d'investissement . » 83 ( * )

Mme Royal a déclaré devant la commission d'enquête n'avoir pas suivi les négociations de ce protocole, étant très occupée par la préparation de la conférence de Paris sur le climat et l'élaboration de la loi relative à la transition énergétique. Elle a indiqué : « Dès lors que Matignon avait délégué la négociation aux deux directeurs de cabinet, je n'avais pas de raisons de ne pas faire confiance à ceux qui étaient chargés de cette négociation » 84 ( * ) . Mme Royal a en outre rappelé qu'il y avait un secrétaire d'État chargé des transports, Alain Vidalies, auquel elle « déléguait beaucoup ». « Dans mon esprit, c'était plutôt à lui de suivre le sujet des autoroutes ». « Je n'ai appris qu'après qu'il n'avait pas été mis dans la boucle ». On rappellera que, contrairement à Ségolène Royal, Alain Vidalies a refusé de signer le protocole.

La ministre a par ailleurs indiqué qu'elle avait découvert le contenu du protocole plusieurs années plus tard, « par la presse » : « Je ne m'y suis intéressée que quand sa publication a été ordonnée par le Conseil d'État ».

On ne peut qu'être surpris par cette déclaration dans la mesure où le protocole d'accord engageait l'État à hauteur de 3,2 milliards d'euros.

b) Un rééquilibrage facial des relations entre l'État et les concessionnaires

Les objectifs affichés de ce protocole d'accord étaient multiples : le développement de l'investissement dans les infrastructures, l'encadrement de la rentabilité des SCA par l'introduction dans les contrats d'un mécanisme de plafonnement de la rentabilité des concessions , le rattrapage du gel des tarifs des péages autoroutiers de 2015, ainsi que le renforcement de la politique commerciale des SCA en matière de développement durable.

Les sociétés concessionnaires se sont également engagées à verser une contribution volontaire d'un milliard d'euros à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) pour le financement des infrastructures, dont 500 millions d'euros au cours des trois premières années.

En compensation de « l'effort très significatif que représente l'ensemble des termes du protocole » , comme l'indique l'accord lui-même, une nouvelle rédaction de l'article 32 a été introduite dans les contrats de concession, destinée à garantir aux SCA une stabilité totale des prélèvements obligatoires spécifiques qui pèsent sur elles. La nouvelle formulation, qui s'inspire de celle figurant dans le contrat de concession de Cofiroute, fait évoluer significativement les règles encadrant les effets des modifications de la taxation spécifique des SCA dans un sens avantageux pour celles-ci.

Le protocole met en outre fin aux contentieux soulevés par la hausse de la redevance domaniale et le gel des tarifs 85 ( * ) , dont les compensations sont étalées sur les huit années suivant la signature de l'accord, soit jusqu'en 2023 . L'échéancier de compensation de l'augmentation de la redevance domaniale défini en 2014 est modulé et s'ajoute à une hausse tarifaire destinée à compenser intégralement, et à l'euro près, sur les années 2019 à 2023 , la perte de recettes découlant du gel tarifaire .

En contrepartie, les concessionnaires ont accepté l'introduction dans les contrats de clauses qui rééquilibrent facialement leurs relations avec l'État en instituant des mécanismes de plafonnement de la rentabilité des concessions 86 ( * ) .

L' activation de ces mécanismes dès lors que la valeur de l'agrégat de référence 87 ( * ) excède 30%, est toutefois peu probable du fait des seuils de rentabilité très élevés définis dans le protocole 88 ( * ) , ce qui n'empêche pas Bruno Angles de considérer que « si le protocole qui a été proposé aux différentes parties signataires n'avait pas été équilibré, par définition il n'aurait pas été signé » 89 ( * ) .

L'accord conclut également les négociations sur le plan de relance autoroutier entamées en 2012. Les 3,27 milliards d'euros de travaux prévus afin d'améliorer le réseau autoroutier sont, une nouvelle fois, compensés par un allongement de la durée des concessions compris entre 2 et 4 ans 90 ( * ) .

Enfin, les sociétés d'autoroutes s'engagent à mettre en oeuvre des mesures destinées à encourager les mobilités durables , en développant le covoiturage et les véhicules électriques.

Curieusement, ce protocole n'a pas été publié et il a fallu toute l'opiniâtreté d'un élu grenoblois, Raymond Avrillier, avec lequel votre rapporteur s'est entretenu, pour que le public puisse finalement en prendre connaissance en 2019 91 ( * ) .

B. LE TOURNANT DE 2015 VERS UN SECTEUR AUTOROUTIER PLUS FORTEMENT RÉGULÉ

1. Mise en place d'une régulation du secteur autoroutier par la loi « Macron »

Le protocole d'accord entérine par ailleurs le principe d'une régulation indépendante du secteur autoroutier . La compétence en la matière est confiée à l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (Araf), qui devient l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) à la suite de la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques du 6 août 2015, dite « loi Macron ».

L'article 13 de la loi détaille les nouvelles compétences confiées à l'Arafer 92 ( * ) . Celle-ci doit veiller au bon fonctionnement du régime des tarifs de péage autoroutier (article L. 122-7 du code de la voirie routière), se prononcer sur les projets de modification des contrats lorsqu'ils ont une incidence sur les tarifs de péage ou sur la durée de la concession (article L. 122-8 du même code) et effectuer un suivi annuel des comptes des concessionnaires .

L'Arafer contrôle également les procédures de passation des marchés de travaux, de fournitures ou de services et des contrats d'exploitation des sous-concessions (aires de repos et de services) par les concessionnaires d'autoroutes, dont l'encadrement juridique est renforcé (articles L. 122-16 à L. 522-21 du code de la voirie routière).

L'Autorité se prononce en outre avant l'institution d'une section à péage en vue d'assurer la couverture totale ou partielle des dépenses de toutes natures liées à la construction, à l'exploitation, à l'entretien, à l'aménagement ou à l'extension de l'infrastructure. Le financement de nouveaux travaux ne peut être couvert que par une augmentation des tarifs de péage et non plus par un allongement de la concession, sauf autorisation expresse du Parlement.

Enfin, l'Arafer, devenue l'Autorité de régulation des transports (ART) depuis la loi d'orientation des mobilités du 24 décembre 2019, établit un rapport public quinquennal portant sur l'économie générale des conventions de concession , et assure un suivi annuel des taux de rentabilité interne de chaque concession (article L. 122-9 du même code).

L'article 15 de la loi « Macron » reprend par ailleurs certaines dispositions du protocole d'accord, notamment le principe de clauses de modération et d'encadrement de la rentabilité sous forme de modération des tarifs de péages, de réduction de la durée de la concession ou d'une combinaison des deux, applicables lorsque les revenus des péages ou les résultats financiers excèdent les prévisions initiales 93 ( * ) .

2. Négociation du plan d'investissement autoroutier (PIA) en 2016 et affirmation du rôle du régulateur autoroutier

Un an après la conclusion du PRA, le Président de la République annonce, le 28 juillet 2016, l'ouverture de nouvelles négociations avec les sociétés concessionnaires d'autoroutes et les collectivités territoriales, afin de préparer un plan d'investissement autoroutier (PIA ).

Le financement de ce plan diffère de celui du PRA, dans la mesure où les investissements sont financés pour moitié par les collectivités territoriales pour les opérations routières d'intérêt local, la part restante étant financée par des hausses de péages comprises entre 0,1 % et 0,4 % par an sur les années 2019, 2020 et 2021.

L'Arafer a publié ses avis sur les projets d'avenants destinés à mettre en oeuvre ce plan le 14 juin 2017. Elle a écarté 23 opérations (représentant environ 34% du coût total de construction du plan) dont le financement par l'usager de l'autoroute ne lui paraissait pas justifié, soit parce que les projets correspondaient à des obligations déjà prévues dans les contrats de concession, soit parce qu'il n'était pas établi qu'ils soient strictement nécessaires ou utiles à l'exploitation de l'autoroute.

L'Arafer a également estimé que le taux de rentabilité interne (TRI) retenu était trop élevé .

Le concédant a suivi ces avis. Il a réduit le nombre des opérations par rapport à ce qui avait été initialement envisagé et le montant des coûts de construction du PIA, initialement estimé à 803,5 millions d'euros, a été fixé à 700 millions d'euros. Le taux de rentabilité interne a également été revu à la baisse, passant de 6,5 % à 5,9 % 94 ( * ) .

3. Poursuite des débats sur la rentabilité des concessions autoroutières en 2018-2019
a) Nouveau référé de la Cour des comptes

Dans le prolongement des avis de l'Arafer sur le PIA, la Cour des comptes a adressé au Gouvernement, en janvier 2019, un référé 95 ( * ) , dans lequel elle critique sévèrement les conditions de négociation du PRA et du PIA . La Cour souligne que « les pouvoirs publics sont souvent apparus en position de faiblesse » et observe que l'allongement de la durée des concessions destiné à compenser les 3,2 milliards d'euros de travaux du PRA rapportera finalement 15 milliards d'euros aux SCA .

La Cour considère également que certaines opérations déjà prévues par les cahiers des charges des concessions ont été intégrées dans le montant des investissements donnant lieu à de nouvelles compensations et que celles-ci reposent au surplus sur des hypothèses économiques trop favorables aux SCA . Elle avait déjà dénoncé cet « effet d'aubaine » en 2013 à propos du Paquet vert autoroutier.

Sur ce dernier point, le Gouvernement a précisé, dans sa réponse à la Cour, que l'expertise indépendante avait conforté l'évaluation du coût des travaux produite par la DGITM .

Concernant par ailleurs les paramètres macro-économiques ayant un impact sur la rémunération des SCA, le Gouvernement rappelle qu'ils ont été validés par la Commission européenne en 2014 et qu'une baisse du taux de rendement interne à 5,9 % a été renégociée pour le PIA, après avis de l'Arafer.

b) Mesures commerciales sur les trajets du quotidien

À la fin de l'année 2018, le mouvement des « gilets jaunes » conduit à une baisse de trafic pour quatre SCA , dont deux historiques (Escota et ASF sur les réseaux desquelles le trafic des véhicules légers a diminué entre 2017 et 2018 de respectivement 3,5% et 0,9% 96 ( * ) ).

En réponse au mouvement social, les sociétés d'autoroutes se sont engagées, en janvier 2019, à accorder des mesures commerciales ciblées sur les trajets quotidiens , au moyen d'une réduction de 30% pour les utilisateurs effectuant dix allers-retours par mois sur un même trajet (en pratique les trajets domicile-travail).

Si un million de personnes devaient initialement bénéficier de cette mesure, selon les annonces du ministère des transports, seuls 100 000 abonnés profitaient effectivement de cette offre en juin 2020 .

c) Rejet d'une proposition de loi de nationalisation

Dernier temps du débat public avant la création de la présente commission d'enquête, une proposition de loi relative à la nationalisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes et à l'affectation des dividendes à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) a été déposée au Sénat en janvier 2019 par Éliane Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste 97 ( * ) . La proposition de loi défendait une nouvelle fois la renationalisation des SCA « historiques » pour un coût estimé entre 28 et 50 milliards d'euros, coût dont les auteurs préconisaient qu'il soit financé par un emprunt à long terme.

La proposition de loi a été rejetée par le Sénat le 7 mars 2019 à la demande de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable en raison du coût d'une telle opération pour les finances publiques, de l'impréparation de l'État et de la proximité des échéances de certaines concessions 98 ( * ) .

DEUXIÈME PARTIE
L'ÉQUILIBRE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER
DES CONCESSIONS :
TOUJOURS ÉVOQUÉ, JAMAIS DÉFINI

La rentabilité des concessions autoroutières « historiques » fait l'objet de débats passionnés depuis près d'une dizaine d'années. Or, la question est complexe en raison du modèle économique spécifique de ces concessions : un fort endettement pour financer des travaux, se traduisant par des pertes initiales élevées, auxquelles succèdent progressivement des bénéfices à mesure que le réseau s'amortit et que les péages augmentent, ce qui permet de rembourser la dette avant l'échéance de la concession et de rémunérer le capital investi.

La prévisibilité à moyen et long termes de l'évolution des paramètres économiques susceptibles d'impacter le trafic autoroutier comporte des marges d'incertitude non négligeables , de même que les produits des péages et la gestion financière de la dette et des fonds propres.

Or, c'est sur la base de tels éléments que des taux de rentabilité interne (TRI) prévisionnels ont été définis lors de la privatisation des concessions historiques en 2006 puis lors des avenants ultérieurs négociés notamment dans le cadre du plan de relance autoroutier (PRA) et du plan d'investissement autoroutier (PIA).

De ce fait, la rentabilité effective des concessions historiques est particulièrement difficile à appréhender , d'autant plus que les concessions sont très anciennes, que le régime juridique, fiscal et comptable des sociétés concessionnaires d'autoroutes a connu de nombreuses modifications 99 ( * ) et que les contrats de concession ont fait l'objet de nombreux avenants assortis de prolongations de la durée des concessions 100 ( * ) .

Pour autant, la commission s'est efforcée de dresser un état de la rentabilité constatée depuis la privatisation de 2006 et de procéder à une évaluation raisonnable des perspectives jusqu'à l'échéance des concessions .

I. LA CONCESSION AUTOROUTIÈRE : UN MODÈLE ÉCONOMIQUE PARTICULIER

Les sociétés concessionnaires d'autoroutes sont chargées de la conception, de la construction, de l'aménagement, de l'entretien et de l'exploitation d'un réseau. Cette mission globale, qui s'exerce sur une longue durée, est assortie du transfert des risques afférents dont les coûts sont évalués au moment de la conclusion du contrat de concession.

Les SCA, qui supportent l'essentiel des financements correspondants, sont rémunérées, dans un deuxième temps, par les revenus d'exploitation du réseau sous la forme de péages acquittés par les usagers.

Dès lors, la rentabilité effective de la concession, qui dépend des hypothèses initialement retenues, ne peut être pleinement mesurée qu'à son échéance .

A. LE RISQUE DE CONSTRUCTION ET D'EXPLOITATION EST TRANSFÉRÉ AU CONCESSIONNAIRE

1. Un cadre contractuel spécifique

Le contrat de concession est défini par le code de la commande publique comme un « contrat par lequel une ou plusieurs autorités concédantes [...] confient l'exécution de travaux ou la gestion d'un service à un ou plusieurs opérateurs économiques, à qui est transféré un risque lié à l'exploitation de l'ouvrage ou du service, en contrepartie soit du droit d'exploiter l'ouvrage ou le service qui fait l'objet du contrat, soit de ce droit assorti d'un prix » 101 ( * ) .

Cette définition fait ressortir plusieurs éléments caractéristiques du modèle concessif.

Elle précise tout d'abord l'objet des concessions, qui est soit de concevoir et d'exécuter des travaux ou des ouvrages (concessions de travaux) , soit de gérer un service (concessions de services ), soit les deux 102 ( * ) .

Elle en définit ensuite l'effet . Le modèle concessif est construit sur le principe du transfert au concessionnaire du risque lié à l'exploitation de l'ouvrage ou du service .

Comme le précise également le code de la commande publique, « la part de risque transférée au concessionnaire implique une réelle exposition aux aléas du marché , de sorte que toute perte potentielle supportée par le concessionnaire ne doit pas être purement nominale ou négligeable. Le concessionnaire assume le risque d'exploitation lorsque, dans des conditions d'exploitation normales, il n'est pas assuré d'amortir les investissements ou les coûts, liés à l'exploitation de l'ouvrage ou du service, qu'il a supportés » 103 ( * ) .

Si le transfert du risque n'est pas effectif, la qualification de concession est déniée par le juge administratif, qui requalifie la nature juridique du contrat, ce qui conduit à revoir en conséquence la rémunération du cocontractant. Le transfert du risque aux opérateurs économiques distingue en effet les concessions d'autres modes de contractualisation, comme les marchés publics.

La troisième caractéristique concerne la rémunération du concessionnaire. En contrepartie des travaux et de l'exploitation des ouvrages, celui-ci perçoit des redevances sur les usagers de l'ouvrage ou sur les bénéficiaires du service .

Enfin, quatrième caractéristique, la durée de la concession est limitée. Cette durée est « déterminée par l'autorité concédante en fonction de la nature et du montant des prestations ou des investissements demandés au concessionnaire » 104 ( * ) .

À l'échéance de la concession , le concessionnaire restitue au concédant les actifs qu'il a construits et exploités. Il n'a donc à aucun moment la propriété de ceux-ci. La durée de la concession doit donc permettre l'amortissement des investissements réalisés par le concessionnaire et le financement des coûts d'exploitation, tout en assurant une juste rémunération des capitaux investis .

2. Une exploitation aux « risques et périls » du concessionnaire rémunérée par les péages

Les contrats de concession stipulent expressément que les sociétés concessionnaires d'autoroutes exécutent les travaux et assurent leur financement à leurs « risques et périls » 105 ( * ) .

Par ces contrats, l'État transfère en effet aux sociétés concessionnaires le risque de construction et d'exploitation d'autoroutes dont il récupèrera in fine la propriété .

Comme le précise le code de la voirie routière 106 ( * ) , les péages permettent « d'assurer la couverture totale ou partielle des dépenses de toute nature liées à la construction, à l'exploitation, à l'entretien, à l'aménagement ou à l'extension de l'infrastructure » et de couvrir « la rémunération et l'amortissement des capitaux investis par le concessionnaire ».

La durée de la concession, c'est-à-dire de la période pendant laquelle le concessionnaire percevra les péages, et le niveau des tarifs de péage sont donc établis en fonction de l'estimation des coûts et du risque supportés par le concessionnaire.

3. La nécessité d'une évaluation prévisionnelle pertinente des risques et de la rémunération du concessionnaire

Une fois les contrats de concession signés, les aléas impactant défavorablement l'équilibre économique de la concession, par exemple le dépassement des coûts de construction ou d'exploitation prévisionnels, sont à la charge des concessionnaires . À l'inverse, toute amélioration des conditions économiques (qui génèrent de l'augmentation du trafic) et financières (qui améliorent les conditions de refinancement) de la concession leur est profitable .

C'est ce que rappelle l'Autorité de régulation des transports dans son récent rapport sur l'économie des concessions autoroutières : « Le transfert du risque de conception, de construction et d'exploitation au concessionnaire et le principe d'une exécution du contrat de concession aux risques et périls implique qu'aucune indemnité ne soit versée au concessionnaire pour des dépassements de coûts ou de délais en phase de construction ; il en va de même si les coûts d'exploitation sont plus élevés que prévu ou si les recettes sont inférieures aux prévisions ayant servi au concessionnaire à établir son offre. » 107 ( * )

Le modèle concessif favorise de ce fait la recherche de gains d'efficience , les concessionnaires étant incités à être le plus performant possible et à minimiser leurs coûts afin d'accroître leurs marges. Il contribue donc en principe à améliorer l'efficacité de la gestion des autoroutes.

Toutefois, de nombreuses variables qui sont susceptibles d'impacter les recettes et les charges , à la hausse comme à la baisse, échappent au contrôle des sociétés concessionnaires , à l'instar de la croissance du trafic - qui dépend elle-même de différents paramètres comme la croissance économique -, du coût des travaux - qui dépend notamment du cours des matières premières -, ou de l'évolution des taux d'intérêt et donc de la charge de la dette.

L'Autorité de la concurrence souligne ainsi, dans son avis du 17 septembre 2014, que « l'évolution du trafic autoroutier est corrélée à des variables sur lesquelles les SCA n'ont aucune influence : la croissance du PIB (en particulier des produits manufacturés), la démographie, le prix des carburants... Par conséquent, la hausse du trafic et celle du chiffre d'affaires qui en découle ne résultent pas ou peu de leurs décisions . » 108 ( * )

Une évaluation initiale pertinente du risque et de sa rémunération lors de la signature du contrat de concession est donc un élément clé , tant pour le concédant , qui renonce aux revenus tirés de l'exploitation des infrastructures, que pour le concessionnaire , qui doit couvrir à tout le moins ses coûts et dégager un profit suffisant dans la durée pour rémunérer son risque. Elle est aussi importante pour l'usager de l'autoroute qui acquitte des péages dont le montant est déterminé à partir de cette évaluation.

Cette évaluation et sa matérialisation en cours d'exécution du contrat sont donc au coeur de l'analyse de la rentabilité des concessions autoroutières.

4. Des controverses autour du niveau du risque « trafic »

L'intensité du risque supporté par les sociétés concessionnaires d'autoroutes fait l'objet de controverses.

Dans son avis de 2014, l'Autorité de la concurrence juge l'activité des SCA « historiques » peu risquée et la progression de leur chiffre d'affaires assurée , sauf crise économique majeure, au motif que ces sociétés :

- sont le plus souvent en situation de monopole, compte tenu des avantages que procurent aux usagers les trajets par autoroute par rapport aux autres modes de transport 109 ( * ) ;

- bénéficient d'un cadre juridique prévoyant une augmentation continue du tarif des péages jusqu'à la fin des concessions ;

- supportent un risque limité au titre de l'évolution du trafic, dès lors que, si des baisses de trafic ont pu être enregistrées par le passé, elles n'ont pas empêché le chiffre d'affaires des concessionnaires de progresser 110 ( * ) .

Les sociétés d'autoroutes font valoir , à l'inverse, que leur activité est risquée , en raison des incertitudes pesant sur l'évolution du trafic autoroutier, le coût des travaux, les coûts d'exploitation et les taux d'intérêt .

Le risque « trafic », qui est réel, est le principal risque encouru dans la mesure où les recettes de péage constituent l'essentiel des ressources des SCA, mais il n'est pas le seul.

Philippe Noury, président des concessions d'Eiffage en France, a ainsi précisé, lors de son audition par la commission d'enquête, que « la concession autoroutière n'est pas une activité de rente : elle est bien par nature une activité à risque puisque le trafic est notre seule ressource ou presque. Il représente en effet 97 % de nos revenus. Cette activité est d'autant moins une rente que d'autres risques pèsent sur nous, en particulier ceux liés au financement, à la construction et à l'entretien du réseau. » 111 ( * )

Ce risque n'est pas aisé à mesurer. En réponse à l'avis de l'Autorité de la concurrence, les SCA ont indiqué qu'apprécier le risque « trafic » en ne tenant compte que du passé est une erreur, étant donné que « la prédictibilité du trafic routier dans dix ans ou dans vingt ans dépend de facteurs aussi divers que l'état économique du monde et de la France, le coût du carburant, les politiques de report modal » 112 ( * ) .

Elles soulignent que la réalité du risque a été mise en évidence par la crise économique de 2008 , qui a induit une chute importante du trafic - en particulier du trafic poids lourds, qui n'a retrouvé son niveau antérieur que dix ans plus tard -, et plus récemment par la crise des « gilets jaunes » et la crise sanitaire , qui se sont traduites par une baisse du trafic autoroutier.

C'est ce qu'a rappelé Arnaud Quémard, directeur général du groupe Sanef : « Oui, l'activité des SCA est risquée. Avec la crise de la Covid-19, le risque trafic a été mis en lumière. Mais nous allons également subir le risque travaux, puisque ceux-ci vont être sensiblement plus chers avec les nouvelles mesures de sécurité et de distanciation sociale sur les chantiers. Cette situation nouvelle pourrait conduire à une augmentation de notre budget d'investissement de plusieurs centaines de millions d'euros. » 113 ( * )

Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État chargé des transports, a également précisé, lors de son audition 114 ( * ) , que « le risque trafic qui s'est manifesté au moment de la crise de 2008, notamment pour les poids lourds, est revenu au même niveau dix ans plus tard. Les pertes estimées sont importantes. En matière de travaux, on évalue le surcoût à environ 200 à 300 millions d'euros pour les sociétés concessionnaires ». Il estime par ailleurs que la perte de recettes due à la crise sanitaire « est de l'ordre de 2 à 2,5 milliards d'euros, si la dynamique se poursuit jusqu'à la fin de l'année . »

Au vu de ces éléments, le rapporteur considère qu'il est inexact de dire que l'activité des concessionnaires d'autoroutes est sans risques . Il constate cependant que l'on peut distinguer les risques de construction des infrastructures autoroutières qui, en dehors des nouvelles concessions, sont aujourd'hui purgés, des risques liés à l'évolution du trafic et au remboursement de la dette, qui restent d'actualité.

Le rapporteur rejoint par ailleurs l'Autorité de la concurrence lorsqu'elle considère que l'impact du risque « trafic » peut être relativisé par un élément de stabilité garanti par le contrat, à savoir l'augmentation des tarifs de péage , qui permet d'anticiper une progression régulière du chiffre d'affaires jusqu'à la fin des concessions - bien que le niveau des effets de cette hausse ne soit pas assuré -, et par la durée très longue des concessions qui permet de lisser les chocs.

Sauf à imaginer une baisse très forte et durable du trafic, le risque « trafic » ne paraît pas pouvoir remettre en cause durablement la rentabilité des sociétés d'autoroutes . De fait, si la diminution du trafic autoroutier en 2008 a affecté les ressources des sociétés concessionnaires, elle est loin d'avoir bouleversé l'équilibre économique des contrats de concession .

De même, les premières analyses publiées par l'Autorité de régulation des transports à propos des conséquences sur le trafic autoroutier de la crise sanitaire montrent, en l'état, que la chute importante du trafic enregistrée pendant le confinement « ne remet pas en cause l'équilibre économique des contrats », tout en reconnaissant que les impacts à long terme de la crise sur les trafics sont, à ce jour, difficiles à appréhender. 115 ( * )

B. LA RENTABILITÉ DOIT ÊTRE ÉVALUÉE SUR L'ENSEMBLE DE LA DURÉE DE LA CONCESSION

1. La « courbe en J » du modèle économique des concessions autoroutières

Le modèle économique des concessions autoroutières répond à un schéma financier spécifique . L'importance des investissements initiaux liés à la construction de l'infrastructure nécessite, outre l'apport de capitaux propres par les actionnaires des sociétés concessionnaires, un recours massif à l'endettement. Celui-ci génère des charges d'intérêts qui, ajoutées aux coûts de réalisation des ouvrages, engendrent des pertes importantes pour les sociétés au début de la concession, alors même qu'elles ne bénéficient pas de recettes de péage pendant la durée de construction de l'infrastructure.

Ce n'est qu' une fois l'autoroute mise en service que les sociétés concessionnaires perçoivent des recettes qui leur permettent d'amortir leurs capitaux propres et de rembourser leurs dettes . Leurs marges financières augmentent ensuite à mesure que l'échéance de la concession approche.

Comme le relève l'Autorité de la concurrence : « pendant une première période, le concessionnaire est fortement déficitaire [...] et ce n'est que pendant une deuxième période que les pertes, diminuant progressivement, se transforment en bénéfices à mesure que le réseau autoroutier s'amortit, que les dépenses de construction se réduisent et que les tarifs des péages augmentent, s'ajoutant à la progression naturelle du trafic. » 116 ( * )

C'est également ce qu'a rappelé le président de Vinci Autoroutes, Pierre Coppey, lors de son audition par la commission d'enquête, « l'évolution de la rentabilité de la société correspond à une courbe en J : on commence par lever du capital et de la dette pour faire des investissements puis, une fois la concession mise en service, on commence à gagner de l'argent pour rembourser les investissements et rémunérer le capital » 117 ( * ) .

Le modèle économique des concessions autoroutières

Source : Ministère de la transition écologique

Il est donc attendu que les concessions génèrent des résultats croissants afin de couvrir les coûts d'exploitation, de rembourser intégralement la dette contractée et d' assurer une juste rémunération des capitaux investis . La durée de vie d'une concession étant limitée, les flux générés sont concentrés sur une période de temps donnée , ce qui explique que les sociétés concessionnaires bénéficient de marges élevées.

Comme le rappelle le ministère de la transition écologique et solidaire dans son rapport de 2017 sur l'exécution et le contrôle des concessions autoroutières : « par construction même, l'excédent brut d'exploitation d'une autoroute doit être important pour permettre le remboursement de la dette, celui du capital ainsi que la rémunération de ce dernier » 118 ( * ) .

À l'échéance de la concession, les infrastructures doivent en effet être remises gratuitement à l'État en bon état d'entretien 119 ( * ) . Le contrat de concession constitue en effet le seul actif des sociétés d'autoroutes, actif qui perd donc toute valeur une fois la concession échue. Les concessionnaires tirent leur rentabilité des droits qu'il leur confère, en particulier des règles d'évolution des tarifs de péage, qui constituent leur principale rémunération.

2. Une rentabilité effective mesurée en fin de concession

Contrairement à une activité économique classique, la rentabilité d'une concession autoroutière ne peut donc pas être mesurée à un instant donné mais doit s'apprécier sur l'ensemble de sa durée de vie .

C'est ce qu'a souligné Philippe Noury, président des concessions d'Eiffage en France, lors de son audition : « Notre modèle économique n'est pas compris, ce qui explique la suspicion : notre rentabilité est comparée avec celle des sociétés classiques, sans mentionner que nous avons repris des dettes considérables et que nous rendrons gratuitement, en fin de concession, un actif désendetté. » 120 ( * )

Les actionnaires des SCA historiques n'ont en effet pas financé l'essentiel de la construction des infrastructures que celles-ci exploitent mais ils ont repris les dettes de construction figurant dans leur bilan.

Mesurer la rentabilité des concessions nécessite par conséquent de prendre en compte les résultats réalisés par rapport aux capitaux investis nécessaires pour dégager ce résultat , comme le rappelle l'Autorité de régulation des transports (ART) dans son récent rapport sur l'économie des concessions autoroutières : « De fait, la rentabilité s'évalue au regard des capitaux investis et non du chiffre d'affaires : un taux de marge élevé révèle une profitabilité importante par rapport au chiffre d'affaires, mais peut aller de pair avec une rentabilité modeste des capitaux investis . » 121 ( * )

C'est pourquoi, l'indicateur pertinent pour évaluer la rentabilité des concessions n'est pas le chiffre d'affaires ou la marge nette annuelle réalisés par le concessionnaire, mais le taux de rentabilité (TRI) . Cette analyse est partagée par l'État concédant et les sociétés d'autoroutes, ainsi que par l'Autorité de régulation des transports (ART), qui est d'ailleurs dorénavant chargée par la loi d'assurer un suivi annuel des TRI de chaque concession 122 ( * ) .

L'ART souligne ainsi la nécessité d'évaluer la rentabilité des concessions autoroutières à l'aide d'un indicateur de long terme : « L'activité de concessionnaire d'autoroutes présente la particularité de reposer principalement sur une infrastructure dont l'usage s'échelonne sur de nombreuses années. Plus précisément, les revenus croissent, d'abord rapidement (phase de « ramp up »), puis à un rythme plus modéré (reflétant habituellement l'activité économique du pays), tandis que la valeur comptable de l'infrastructure diminue au cours du temps pour les concessionnaires, jusqu'à s'annuler en fin de contrat. [...] Afin d'émettre un jugement pertinent sur la rentabilité des sociétés concessionnaires d'autoroutes, il convient donc de s'appuyer sur des indicateurs tenant compte de l'ensemble du cycle de vie de leur activité . Le recours au taux de rentabilité interne (TRI), par exemple, dont le calcul s'appuie sur l'ensemble des flux de trésorerie dégagés par une activité au cours du temps et tient compte de leur date d'occurrence, permet de se prémunir des biais liés au choix d'une date spécifique d'évaluation de la rentabilité . » 123 ( * )

3. Le taux de rentabilité interne (TRI) prévisionnel : un enjeu de négociations

a) Une évaluation complexe

Le taux de rentabilité interne, auquel il est communément recouru pour les concessions autoroutières, est un indicateur financier qui permet d'évaluer la rentabilité d'un investissement à partir de la somme des flux de trésorerie nets actualisés 124 ( * ) qu'il génère sur toute sa durée de vie, c'est-à-dire sa valeur actuelle nette (VAN).

Le TRI correspond au taux d'actualisation pour lequel la somme des flux de trésorerie nets actualisés sur la durée de vie de l'investissement est nulle. Il peut être calculé :

- a priori , en fonction des flux de trésorerie prévisionnels, afin d'évaluer le niveau de rentabilité d'un investissement. Dans ce cas, le TRI prévisionnel « fournit un critère de décision : si le TRI attendu d'un investissement est supérieur au niveau de la rentabilité prévisionnelle exigée par l'investisseur, ce dernier pourra décider de s'y engager » 125 ( * ) ;

- a posteriori , sur la base des flux de trésorerie constatés, afin de mesurer la performance financière d'un investissement.

Lors des négociations préalables à la signature d'un contrat de concession ou d'un programme d'investissements complémentaires, le TRI prévisionnel est une donnée essentielle qui détermine le niveau de compensation des investissements par l'évolution des tarifs des péages et/ou l'allongement de la durée du contrat.

Afin d'apprécier si la rentabilité attendue ou réalisée d'un projet est appropriée, le TRI peut être comparé au coût du capital, qui mesure le niveau de rendement minimum exigé par les apporteurs de capitaux au regard du risque projet .

Cette comparaison est d'autant plus utile que, d'après la théorie économique, tout rendement supérieur à ce qui est nécessaire pour couvrir le coût du capital peut être considéré comme une rentabilité excessive.

Le coût du capital peut être mesuré à travers le coût moyen pondéré du capital (CMPC) , c'est-à-dire la moyenne pondérée du rendement exigé par les investisseurs en fonds propres (coûts des fonds propres) et par les apporteurs de dette (coût de la dette).

Il doit couvrir le risque auxquels les investisseurs sont exposés , qu'il s'agisse des risques « systémiques » liés au rendement du marché ou des risques propres découlant de la nature de l'activité. Par conséquent, il varie selon les activités en fonction du profil de risque qu'elles présentent, mais aussi d'autres facteurs comme l'évolution des taux d'intérêts.

Sans rentrer dans le détail des modalités de calcul du coût du capital, il convient de noter l'existence de différentes méthodes , au premier rang desquelles le modèle d'évaluation des actifs financiers (MEDAF) et l'arbitrage pricing theory (APT), qui présentent toutes des avantages et des inconvénients du point de vue de l'analyse.

À ces divergences méthodologiques s'ajoute une difficulté supplémentaire lorsqu'il s'agit d'évaluer le coût du capital des projets autoroutiers . En théorie, celui-ci doit être estimé sur la base de données de marché, à travers l'observation du rendement attendu des capitaux investis sur les marchés d'actions et obligataires.

Or, si le coût de la dette peut être apprécié à travers les notes de crédit des sociétés concessionnaires lorsqu'elles s'endettent, le coût des fonds propres, qui dépend de l'exposition au risque (bêta) des sociétés, ne peut pas être estimé directement , dans la mesure où ces sociétés ne sont pas cotées sur les marchés financiers. Leur exposition au risque doit donc être mesurée à partir du bêta des activités présentant un profil de risque comparable .

Il résulte de ces éléments que le CMPC des sociétés autoroutières ne peut pas être donné en valeur absolue, mais qu'il est présenté sous la forme d'une fourchette de valeurs, reflétant les marges d'incertitude existantes .

Dès lors, il est difficile de déterminer le juste taux de rentabilité interne des investissements autoroutiers, qui permettra de rémunérer le capital investi sans induire de surprofits pour les sociétés concessionnaires.

b) Le résultat d'une négociation entre l'État et les sociétés d'autoroutes

Le CMPC comme le TRI ne sont pas des indicateurs parfaitement objectivables , leur évaluation procédant d'analyses qui présentent des contingences. Il en résulte que le TRI prévisionnel des concessions autoroutières et des avenants les modifiant est le produit d'une négociation entre l'État et les sociétés d'autoroutes .

Ceci explique pourquoi il est impératif que le concédant soit en mesure de s'appuyer sur ses propres éléments d'analyse financière lors des négociations, et ce d'autant que les concessionnaires ont intérêt à maximiser le risque encouru , à proposer des hypothèses pessimistes et à demander un rendement du capital le plus élevé possible.

C'est ce qu'a rappelé Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire, lors de son audition par la commission d'enquête : « Les débats autour du taux d'actualisation peuvent être infinis . Si le concédant souhaite un taux le plus bas possible, les sociétés concessionnaires d'autoroutes indiquent qu'il leur faut couvrir les risques auxquels elles sont exposées . » 126 ( * )

In fine , si la décision de retenir tel ou tel taux de TRI s'appuie sur des éléments économiques, elle relève avant tout d'une décision politique. C'est au demeurant ce qui ressort de l'analyse des derniers TRI négociés dans le cadre du plan de relance autoroutier (PRA) et du plan d'investissement autoroutier (PIA), comme on le verra plus loin.

4. Un taux de rentabilité constaté dépendant de l'évolution des paramètres économiques et financiers de la concession

Le TRI prévisionnel détermine ex ante la rentabilité attendue d'une concession autoroutière. La rentabilité effective ne peut, en revanche, être évaluée qu'à la fin de la concession , une fois l'ensemble des coûts et des recettes connus.

C'est ce qu'a souligné Bruno Angles, qui représentait les sociétés concessionnaires d'autoroutes dans les discussions avec l'État sur le protocole d'accord de 2015, lors de son audition par la commission d'enquête : « On ne peut avoir une certitude sur le niveau du TRI, une réalité objective quasiment indiscutable, qu'à la fin de la concession. En fonction du passé et des prévisions, on peut mesurer le TRI le plus probable, mais ce TRI probable sera soit au-dessus, soit en dessous du TRI réel constaté in fine. » 127 ( * )

Compte tenu des incertitudes liées à l'exécution de la concession, il est normal que le TRI constaté soit différent du TRI prévisionnel. Comme le rappelle l'ART dans son rapport sur l'économie des concessions autoroutières : « Au-delà de simples erreurs de prévision, il peut y avoir des différences significatives entre TRI prévisionnel et TRI réalisé. Un investissement risqué comporte, par définition du risque dans la théorie économique et financière, une part d'incertitude sur sa rentabilité . » 128 ( * )

En effet, une fois le contrat de concession signé, l'évolution de la rentabilité de l'investissement dépend de l'évolution des paramètres économiques et financiers de la concession , au premier rang desquels l'évolution du trafic autoroutier, qui peuvent impacter la performance des concessions à la hausse comme à la baisse.

Comme pour l'évaluation du coût du capital, tout l'enjeu pour le concédant est d'apprécier au mieux l'évolution de ces paramètres lors des négociations dans la mesure où ils sous-tendent l'équilibre du contrat et donc le calcul des compensations financières. Le concédant doit, là aussi, être en mesure s'appuyer sur une expertise indépendante pour pouvoir négocier au mieux avec les sociétés concessionnaires.

Il convient toutefois de souligner que, plus la durée des concessions est longue, plus les hypothèses sont difficiles à appréhender , et donc plus la marge d'incertitude est importante.

II. DES PARAMÈTRES ÉCONOMIQUES GÉNÉRAUX ET SPÉCIFIQUES

Toute concession s'inscrit dans la durée, pour permettre au concessionnaire d'amortir a minima le coût des investissements et de rémunérer les fonds propres. La rentabilité des concessions , qui résulte des revenus des péages et des sous-concessions au regard des coûts de travaux, des frais d'exploitation et de la gestion financière de la dette et des fonds propres, repose donc sur un ensemble de paramètres économiques, tant spécifiques que généraux , susceptibles d'évoluer fortement au cours de la durée d'exécution des contrats de concession.

Ainsi que le rappelle l'ART dans son rapport sur l'économie des concessions autoroutières, « au-delà des risques usuels auxquels sont confrontés, pour tous les secteurs d'activité, les actionnaires (risque d'évolution des marchés d'actifs) et les créanciers (risque d'évolution des courbes de taux), les pourvoyeurs de fonds des SCA s'exposent à des risques sectoriels et à des risques propres à chaque concession, qui se matérialisent par un écart entre leurs plans d'affaires prévisionnels et leurs plans d'affaires réalisés . »

A. LES RÉSULTATS D'UN SEUL EXERCICE NE SONT PAS SIGNIFICATIFS

Comme rappelé précédemment, les résultats des SCA historiques pour un exercice donné ne permettent pas de mesurer la rentabilité des concessions.

Pour l'exercice 2019 , les résultats consolidés 129 ( * ) synthétisés des SCA historiques s'établissent comme suit :

Résultats consolidés des SCA historiques en 2019

(en millions d'euros)

Chiffre d'affaires

Taux de croissance2019/2018

EBITDA

Marge d'EBITDA

Résultat net

Dividendes

Dividendes/ résultat net

APRR-AREA

2 611

+ 2,9%

1 942

74,4%

875

752

86,0 %

ASF-Escota

4 038

+ 5%

3 012

74,6%

1338

1 173

87,7 %

Cofiroute

1 480

+ 2,7%

1 116

75,4%

539

587

108,8%

Sanef-SAPN

1 780

+ 3,1%

1 298

72,9%

554

516

93,06%

TOTAL

9 909

7 368

3 306

3 028

Source : Comptes annuels

1. Une évolution globalement positive du chiffre d'affaires en 2019

L'évolution du chiffre d'affaires des SCA historiques est positive en 2019 . Une lecture rapide des évolutions du chiffre d'affaires depuis 2006 permet d'ailleurs de constater une progression constante de celui-ci, mise à part une exception 130 ( * ) .

Cette tendance globalement positive masque toutefois des écarts substantiels dans la croissance du chiffre d'affaires d'un exercice sur l'autre depuis la privatisation en 2006 : entre 0,7 % et 7,1 % pour ASF-Escota, entre 0,8 % et 7,9 % pour APRR-AREA, entre - 0,5 % et 5,2 % pour Sanef-SAPN, et entre 0,5 % et 8,2 % pour Cofiroute.

Ces variations s'expliquent par :

- des évènements conjoncturels : par exemple le mouvement des « gilets jaunes », apparu en octobre 2018, qui s'est accompagné d'opérations de « péage gratuit », de l'annulation de certains déplacements ou de leur reports sur d'autres infrastructures ou modes de transport ;

- l' évolution des sous-jacents macro-économiques , en particulier l'activité économique nationale, la production industrielle européenne et l'évolution du prix des carburants, qui impactent particulièrement le transport routier ;

- l' évolution des conditions de financement des coûts et, surtout, des taux de refinancement de la dette et des fonds propres ;

- des facteurs endogènes , comme la hausse des tarifs, la politique de gestion de la dette et la politique de distribution de dividendes.

Dès lors, s'en tenir aux résultats d'une seule année ne permet en aucune manière d'appréhender la rentabilité des concessions autoroutières.

L'examen des comptes montre, par exemple, des reports et des avances de dividende sur un même exercice, sans lien avec les résultats nets de l'exercice considéré ou encore des remboursements de dette sans lien avec les résultats de l'exercice, ni avec le financement de nouveaux travaux.

2. Le maintien d'un taux exceptionnellement élevé de distribution

Pour l'exercice 2019 , le taux de distribution moyen s'est approché de 90 % du résultat net . Il a toutefois dépassé le montant du résultat net pour Cofiroute.

En pratique, ce taux a été très fluctuant depuis 2006, en raison de pratiques de reports et d'avances éventuellement cumulées. Il a été particulièrement élevé sur les deux premiers exercices qui ont suivi la privatisation , pour amortir le coût d'acquisition des concessions, avant de baisser fortement puis d'évoluer de manière différente d'un groupe à l'autre.

Le taux de distribution de l'année de la privatisation a été exceptionnel pour financer le remboursement des coûts d''acquisition des SCA. En 2006, il a ainsi atteint six fois le résultat net de l'exercice pour APRR. Trois ans plus tard, en 2009, il s'établissait à 0,1%.

Après avoir atteint 782,7 % du revenu net en 2007, le taux de distribution d'ASF est tombé à 23,7 % en 2012 avant de remonter à 182,3 % en 2015.

Cofiroute présente un profil encore plus contrasté avec des années blanches (2014 et 2015), suivies d'une distribution massive en 2016 (624,2 %).

De manière générale, les taux de distribution sont élevés depuis la privatisation et contrastent fortement avec la politique de distribution antérieure .

Dans le prospectus de garantie de cours d'ASF en 2006, il est ainsi indiqué que la politique de distribution de dividendes entre 2002 et 2005 a évolué de 40 % à 60 % du résultat net et que, dans l'avenir, elle serait progressivement portée de 60 % à 85 % du résultat net à compter de 2009 puis stabilisée à ce niveau jusqu'en 2016, avant d'être relevée à 100% jusqu'à la fin de la concession.

A contrario , l'offre remise par Vinci en novembre 2005, que le rapporteur a pu consulter, mentionnait explicitement l'hypothèse de prélèvements sous forme de dividendes exceptionnels en 2007, ce qui fut effectivement le cas (782,7 %).

L 'augmentation progressive affichée lors de la privatisation a été très rapide et au final, pour ASF comme APRR, la distribution moyenne sur la période 2006-2019 est supérieure à 100% du résultat net . La politique de distribution de Sanef apparaît , quant à elle, plus régulière , s'établissant entre 70 et 99 % depuis 2007.

Dividendes distribués par les SCA historiques privatisées
entre 2006 et 2019

(en millions d'euros)

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Total

ASF

278

3 78

473

458

632

1332

187

784

717

1632

978

370

1033

1173

10 425

APRR

1571

652

312

0

292

11

1217

400

450

1379

581

672

766

752

9 055

Sanef

880

176

217

227

255

280

279

215

250

250

280

432

585

516

4 842

Total

2729

1206

1002

686

1179

1623

1683

1399

1417

3261

1839

1474

2384

2441

24 322

Source : Comptes annuels

B. DES PARAMÈTRES ÉCONOMIQUES DONT L'ÉVOLUTION SUR LA DURÉE EST INCERTAINE

L'équilibre des contrats de concession et des avenants prend en compte un ensemble de paramètres économiques soumis à des aléas non négligeables à moyen et long termes. Il intègre les risques dont le concédant doit, par principe, supporter les conséquences, qu'il s'agisse des évolutions du trafic, du coût des travaux ou des coûts de financement et de gestion de la dette.

Lors de la privatisation de 2006, la valorisation des titres a été établie à partir d'un ensemble de paramètres et d'orientations stratégiques. Les experts ont en particulier pris appui sur les plans d'affaires des sociétés jusqu'à l'expiration des concessions. Ils ont éventuellement revus ces plans en fonction de leurs propres anticipations d'évolution du trafic, des tarifs et des investissements. Les offres des groupes candidats ont pris appui sur les informations comptables disponibles et des informations confidentielles communiquées en salle d'information ( data room ).

1. Un trafic sensible à la situation économique

Les recettes des sociétés autoroutières résultent à titre principal des péages 131 ( * ) dont le produit est lié à l'intensité du trafic.

Historiquement, la circulation sur le réseau autoroutier concédé, évaluée en kilomètres parcourus (véhicule.km 132 ( * ) ), a progressé à un rythme soutenu, de l'ordre de 3,7 % par an entre 1990 et 2008. Cette croissance résultait tout à la fois du développement du réseau, dont le linéaire a augmenté de 2,4 % par an sur la même période, et de la circulation d'un nombre croissant de véhicules 133 ( * ) .

La demande de transports autoroutiers est toutefois soumise aux aléas de l'activité économique , comme l'a montré la crise financière de 2008 ou, plus récemment, la crise sanitaire sur les premiers mois de l'année en cours dont les conséquences sur l'activité économique ne sont pas pleinement mesurables 134 ( * ) . Le trafic poids lourds en particulier est en effet très sensible à la situation économique.

Les hypothèses de trafic reposent sur des projections macroéconomiques (croissance du PIB, taux de chômage, poids des importations et des exportations dans l'économie). Une réduction de l'activité dans les secteurs de la construction, de l'industrie et de l'agriculture impacte en effet négativement le trafic poids lourds, en particulier le trafic international.

Celui-ci a ainsi chuté de 15 % en 2008, en raison de la crise économique et n'est revenu à son niveau de 2007 qu'en 2017, à périmètre constant. En raison de ce fort décrochement, les prévisions de trafic retenues en 2006 sont loin d'avoir été atteintes sur cette période, ainsi que le rappellent régulièrement les SCA historiques.

S'agissant du trafic des véhicules légers , ce sont essentiellement les évolutions du pouvoir d'achat et du coût du carburant (y compris la fiscalité associée) qui impactent son évolution, négativement ou positivement, selon le cas.

Des évolutions comportementales et technologiques sont également susceptibles d'avoir des conséquences sur le trafic autoroutier.

Il en est ainsi, par exemple, du développement du télétravail ou des circuits courts de production, que la crise sanitaire a semblé encourager et dont les effets sur le trafic futur sont pour le moins incertains en l'état. En tout état de cause, ces évolutions n'avaient pas pu être anticipées lors de la privatisation ni, plus récemment, lors de la négociation des avenants mettant en oeuvre le PRA ou le PIA .

Quant à la réduction des déplacements motorisés ou le développement des motorisations alternatives , dans le cadre de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, leurs conséquences potentielles sur le trafic n'ont pas non plus été prises en compte en 2006 et leur impact sur le trafic futur reste également difficile à apprécier 135 ( * ) .

On n'oubliera pas de mentionner, enfin, l' impact temporaire potentiel de certains mouvements sociaux comme celui des gilets jaune apparu en octobre 2018, à la suite de l'augmentation du prix des carburants automobiles résultant de la hausse de la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques), qui a entravé le trafic des véhicules légers au cours de l'hiver 2019-2020.

Les sociétés autoroutières insistent particulièrement sur le risque trafic qu'elles supportent, compte-tenu de l'encadrement tarifaire, et font valoir que les prévisions de trafic retenues lors de la privatisation de 2006 sont loin d'être atteintes.

2. Des produits de péages assis sur des bases de calcul optimisées et des hausses compensant des travaux supplémentaires

Le niveau des tarifs de péages est un autre facteur déterminant des revenus des SCA. Ces tarifs connaissent une augmentation annuelle, par sections et par classes de véhicules, en application de formules d'évolution tarifaires contractuelles qui s'appliquent presque mécaniquement à des bases largement figées depuis la suppression de l'adossement et du foisonnement , sous réserve de la réduction des écarts de variation entre les différentes sections d'autoroutes 136 ( * ) .

Ces évolutions sont indexées sur l'inflation hors tabac à hauteur de 80 % , en application des cahiers des charges. S'y ajoutent des hausses supplémentaires sur quelques années destinées à compenser , selon des taux fixés par les avenants, une partie des travaux supplémentaires résultant du PRA et du PIA et le rattrapage du gel des tarifs intervenu en 2015 137 ( * ) . Ces augmentations restent intégrées dans la base de calcul des augmentations ultérieures .

Concrètement, il résulte de ces éléments que la progression annuelle des revenus de péages des SCA historiques est toujours positive depuis la privatisation, même en cas de baisse du trafic.

3. Des revenus d'activités annexes contractualisés

Les activités annexes (distribution de carburant, activités de restauration et d'hébergement ...) sont exercées dans le cadre de sous-concessions attribuées à l'issue d'appels d'offres , pour lesquelles les titulaires versent un loyer aux sociétés d'autoroute dont le montant est déterminé par les contrats de sous-concession.

Le risque de fréquentation de ces installations est supporté par les sous-concessionnaires. Dès lors, sauf défaillance d'un sous-concessionnaire, la prévisibilité de ces recettes pour les SCA est forte et le risque de non versement faible.

En outre, depuis la privatisation, le niveau de service des installations annexes a été renforcé. L'augmentation de chiffre d'affaires qui en résulte a été prise en compte par les SCA dans les appels d'offres et leur permet de bénéficier de loyers plus élevés.

4. Des coûts d'investissements évalués en fonction des index de travaux publics

Les coûts prévisionnels de construction ou de travaux nouveaux sont évalués dans le cadre de la négociation des contrats et de leurs avenants . Les montants effectifs peuvent s'avérer moins élevés qu'initialement prévus en cas d'offres plus avantageuses des entreprises de travaux publics, le concessionnaire bénéficiant alors du différentiel . Les coûts peuvent également s'avérer sous-estimés ; le différentiel est alors à la charge du concessionnaire.

Les coûts peuvent en effet s'écarter des prévisions, en montant comme en délais de réalisation, sous l' effet d'éléments exogènes comme le coût des matières premières et le coût du travail (en cas de hausse du salaire minimum ou des charges sociales par exemple) ou encore en cas de renforcement des prescriptions techniques (par exemple en matière de prévention des risques d'inondation) ou de découverte a posteriori de difficultés supplémentaires (par exemple dans la structure des sols). Les surcoûts en résultant n'ayant pas été pris en compte dans les coûts des travaux prévus par les avenants, ils sont in fine supportés par le concessionnaire.

Des index de travaux publics prévoient les évolutions des coûts de travaux et de maintenance avec, là encore, des marges d'incertitude, d'autant qu'il faut pouvoir prendre appui sur un index pertinent, tenant compte de la nature des travaux à réaliser (terrassements et enrobés ou travaux environnementaux comme, par exemple, l'aménagement de bassins de rétention), étant observé que les coûts varient fortement en fonction des conditions techniques de réalisation des travaux.

Il est à noter que l'ART est en train de constituer une base de données précieuse sur les coûts des travaux qui fournira pour l'avenir au concédant des éléments documentés dans les négociations avec les SCA.

5. Des charges opérationnelles maîtrisées
a) Une automatisation des péages toujours en cours

Avec la prise en charge de la gestion des autoroutes par des opérateurs privés, les charges opérationnelles d'exploitation des concessions prises en compte lors de la privatisation devaient logiquement faire l'objet d'une maîtrise renforcée de nature à améliorer la marge brute d'exploitation.

Dans la mesure où il permet de substituer au système de péage actuel des portiques communicants installés le long du trajet sur autoroute et de dématérialiser totalement le paiement, le « free flow » , qui est en cours d'expérimentation en France , devrait également réduire ces charges s'il parvient à être sécurisé pour éviter la fraude.

b) Le redéploiement des salariés

L 'automatisation des péages a permis de réduire progressivement les charges de personnel.

Les SCA ont précisé que la réduction des effectifs découlant de l'automatisation des péages avait été progressive, qu'elle s'était effectuée sans licenciement, à travers des départs volontaires et le redéploiement des personnes concernées sur d'autres fonctions.

Les partenaires sociaux, en particulier la CFDT 138 ( * ) dans un courrier adressé au rapporteur, ont indiqué que cette transition a entraîné une évolution de la pyramide des âges. Le non-remplacement des départs s'est en effet traduit par un vieillissement des effectifs .

Ils estiment par ailleurs que la formation aux nouveaux postes aurait été dans certains cas insuffisante .

L'État concédant ne saurait se désintéresser de la gestion par les sociétés concessionnaires de leurs personnels. Il devra en particulier s'assurer que les SCA respectent à court et moyen termes les engagements pris dans le cadre de la responsabilité sociale d'entreprise (RSE) et que le dialogue social reste de bonne qualité .

6. Un refinancement de la dette et des fonds propres facilité par l'évolution des taux d'intérêts

Lorsque les sociétés d'autoroutes historiques ont été privatisées, elles étaient porteuses d'un fort endettement résultant du financement des travaux de construction, d'aménagement et d'entretien du réseau concédé, dont on a vu qu'il devra avoir été intégralement remboursé à l'échéance de la concession.

L' acquisition des actions par les groupes dont les SCA historiques sont devenues des filiales a en outre été financée par un endettement supplémentaire qui est venu s'ajouter à cette dette.

La part de la dette figurant au passif reflète en principe le niveau de risque de la structure (du projet quand il s'agit des avenants). Plus le risque est élevé, plus il faut mettre en regard des fonds propres dont la dette constitue le complément du financement.

L'évaluation du coût de l'ensemble de ces dettes et des fonds propres prise en compte dans la valorisation des titres lors de la privatisation a été calculée en fonction d' hypothèses d'évolution des taux d'intérêt jusqu'à l'échéance des concessions.

Or, la structuration initiale de la dette peut être modifiée dans la durée en fonction de l'évolution des taux d'intérêts . Lorsque ceux-ci baissent, et compte-tenu des conditions des prêts qui ont financé cette dette, celle-ci peut alors être refinancée à un coût inférieur au coût initial tandis que l'endettement de la SCA, dont les intérêts sont fiscalement déductibles, est maintenu à un niveau élevé, ce qui lui permet de verser des dividendes importants à la société mère, y compris grâce à un endettement supplémentaire, afin de rembourser la dette d'acquisition.

Dans les faits, on le sait, l'évolution des taux d'intérêts, dont la référence retenue en 2006 lors de la valorisation des SCA était le taux de l'OAT à 10 ans (4 %), a suivi une pente descendante à partir de 2009 pour atteindre des taux très bas.

Cette évolution favorable des taux d'intérêt a permis aux SCA de refinancer leur dette à des conditions avantageuses . En choisissant de rester très endettées, elles optimisent leur coût du capital.

Cette optimisation financière, qui n'avait pas pu être prévue lors de la privatisation, a permis aux SCA et aux groupes qui les détiennent de dégager des marges financières que la déductibilité des intérêts d'emprunts a encore améliorées.

C. DES HYPOTHÈSES FIGURANT DANS LES PLANS D'AFFAIRES DE 2006

Lors de la privatisation de 2006, la valorisation des participations cédées par l'État a été établie à partir d'un ensemble de paramètres et d' orientations stratégiques .

Les experts ont pris appui sur les plans d'affaires des sociétés jusqu'à l'expiration des concessions. Ils les ont éventuellement revus en fonction de leurs propres anticipations d'évolution du trafic, des tarifs et des investissements.

De leur côté, les offres se sont fondées sur les informations comptables disponibles et des informations confidentielles communiquées en salle d'information ( data room ). L'offre de Vinci, qui était le premier actionnaire privé d'ASF, est la mieux documentée.

Les plans d'affaires des trois groupes de SCA historiques 139 ( * ) ont été établis par les offres, sur la base d'un certain nombre d'hypothèses , portant en particulier sur :

- l'évolution du trafic , assortie d'une estimation des risques opérationnels impactant le trafic comme l'évolution de l'activité économique (le PIB), le prix des hydrocarbures ou la concurrence des autres modes de transports ;

- le taux de distribution ;

- les variations des taux d'intérêts , qui impactent le coût de la dette et la structuration financière, étant rappelé qu'aucune charge de dette résiduelle ne doit apparaître à l'échéance de la concession ;

- l'évolution des charges courantes , en particulier les charges de personnel ;

- les volumes d'investissements et leur chronologie (qui impacte les calculs d'actualisation des flux).

Ces plans d'affaires, dont des éléments plus ou moins détaillés ont été communiqués au rapporteur sous couvert du secret des affaires , mais qui n'ont pas été rendus publics 140 ( * ) , sont loin d'être homogènes.

De manière générale, ils prévoient :

- l' évolution du chiffre d'affaires total qui résulte des péages jusqu'à l'échéance des concessions, calculé à partir d'hypothèses de trafic et de taux de croissance des tarifs indexés sur 80 % de l'inflation hors tabac ainsi que celle des autres revenus ;

- l' évolution des charges opérationnelles et de la marge brute d'exploitation ;

- le taux de distribution des dividendes ;

- les coûts d'investissement correspondant à la construction de nouvelles sections, à des travaux complémentaires sur les autoroutes en service et à des investissements d'exploitation ;

- l' évolution de l'endettement et de la structure financière .

Les prospectus de garantie de cours, visés par l'Autorité des marchés financiers (AMF) en 2006 pour permettre aux actionnaires minoritaires d'apporter leurs titres aux trois groupes acquéreurs et à ceux-ci de racheter l'intégralité des titres restants 141 ( * ) , évoquent les plans d'affaires consolidés établis sur la durée résiduelle de concession et discutés avec le concédant. Les hypothèses chiffrées de construction de ces plans d'affaires ne sont toutefois pas indiquées . Il est simplement fait mention de certains paramètres comme la prime de risque et le bêta effectif de l'actif économique, sans autre précision que le fait, pour ce dernier, qu'il est établi à partir de données comparables ajustées pour tenir compte de la structure financière spécifique de la société.

Seuls sont indiqués le coût moyen pondéré des capitaux propres (CMPC), calculé sur la base du coût moyen des capitaux évalué à partir du modèle d'équilibre des actifs financiers (MEDAF), et le coût de la dette avant impôts (5 % pour ASF et APRR, entre 5,1 % et 6,3 % pour Sanef).

Évolution prévisionnelle du CMPC sur la durée restante de la concession
au moment de la privatisation

Évolution du CMPC variable

Évolution du CMPC fixe

Sanef

entre 8,7% et 6,6% de l'actif

8,05 %

ASF

entre 6,1% en 2006 et 6,72% en 2024, niveau auquel il se stabilise jusqu'à la fin de la concession

6,32 %

APRR

de 10,6% en 2010 à 7,6% en 2029, niveau auquel il se stabilise jusqu'à la fin de la concession

6,80 %

Source : Commission d'enquête, à partir des prospectus de garantie de cours

D. L'ÉVOLUTION POSITIVE DES PRINCIPAUX AGRÉGATS

On constate une évolution globalement positive des principaux agrégats depuis la privatisation de 2006.

1. Un trafic qui progresse toujours mais connait un tassement

Le trafic est mesuré par le nombre de véhicules par kilomètres, en distinguant habituellement les poids lourds (PL - classes 3 et 4) et les véhicules légers (VL - classes 1, 2 et 5).

Entre 2006 et 2018, l'augmentation annuelle moyenne du trafic 142 ( * ) sur les réseaux des concessions historiques s'établit comme suit :

Augmentation annuelle moyenne du trafic (véhicules par kilomètre)
entre 2006 et 2018

Véhicules légers (VL)

Poids lourds (PL)

Total

ASF

1,7%

0,7%

1,6%

Escota

0,8%

0,4%

0,8%

APRR

1,4%

0,9%

1,3%

AREA

2,6%

0,8%

2,4%

Sanef

1,2%

0,8%

1,1%

SAPN

1,0%

0,8%

1,0%

Cofiroute

1,9%

1,0%

1,7%

ATMB

0,4%

-1,1%

0,2%

SFTRF

1,1%

-0,9%

0,5%

Total

1,5%

0,8%

1,4%

Source : Ministère de la transition écologique

La synthèse des comptes 2018 publiée par l'ART en décembre 2019 montre que les évolutions de trafic ont été globalement positives en 2018 sur le réseau concédé aux SCA historiques, surtout pour les poids lourds (autour de + 5 %). Toutefois, deux des SCA historiques ont connu une baisse du trafic : Escota pour les véhicules légers (- 3,5 %) et les poids lourds (- 0,9 %), et ASF pour le trafic de véhicules légers (- 0,9 %).

2. Des recettes de péage qui augmentent plus que le tarif kilométrique moyen

Le foisonnement, qui est interdit depuis 2008 par des clauses « d'anti-foisonnement » 143 ( * ) , avait permis d'introduire de fortes distorsions tarifaires entre les différentes sections et de cibler celles qui sont les plus fréquentées pour leur appliquer un taux kilométrique moyen (TKM) élevé. Cette pratique est aujourd'hui prohibée 144 ( * ) mais elle continue à produire des effets dans la mesure où c'est à cette base historique que s'appliquent les augmentations tarifaires annuelles. Il en résulte des augmentations du produit des péages supérieures à celles du trafic.

S'y ajoutent les augmentations résultant de taux majorés sur périodes courtes, destinées à compenser des travaux nouveaux définis par les avenants consécutifs au PRA et au PIA ainsi que le gel des tarifs en 2015, dont le rattrapage s'étale sur les années 2019 à 2023. Ces taux majorés disparaîtront ensuite mais la base de calcul des augmentations ultérieures en aura bien sûr engrangé les effets 145 ( * ) .

Les taux d'augmentation des tarifs des péages peuvent enfin varier en fonction des classes de véhicules . Le coefficient interclasse peut en effet évoluer ponctuellement pour rééquilibrer les contributions au péage des différentes classes.

Un rattrapage des taux kilométriques moyens applicables aux classes 3 et 4 a ainsi été effectué entre 2009 et 2011 pour ASF, Escota, Sanef, SAPN et AREA et pour les classes 2, 3 et 4 entre 2003 et 2008 pour APRR. Il s'est traduit par une augmentation des revenus des péages acquittés par les poids lourds.

Cette forte dispersion tarifaire se traduit par une progression des recettes de péage des sociétés historiques supérieure à celle du tarif kilométrique moyen. Elle a ainsi atteint 2,7% en 2018.

3. Un niveau d'endettement financier qui reste élevé

Le rapport sur l'économie des concessions autoroutières que vient de publier l'ART montre que les SCA historiques ont choisi de maintenir un niveau élevé d'endettement pour privilégier le versement de dividendes depuis la privatisation, à l'exception de la période de la crise de 2008-2009.

Grâce à la baisse des taux, les SCA ont en effet pu refinancer leur dette dans de bonnes conditions. Il en résulte que leur dette nette ressortait à un niveau plus élevé en 2018 (de l'ordre de 24 milliards d'euros 146 ( * ) ) qu'en 2005 (de l'ordre de 22 milliards d'euros), alors même que l'échéance des concessions se rapproche. La moitié de cette dette avait en outre une maturité supérieure à 5 ans (2025 et après).

Il convient toutefois d'observer que le ratio dette nette/EBITDA a recommencé à baisser en 2017.

En l'état des prévisions disponibles, les flux de trésorerie devraient permettre de réduire progressivement la dette nette, sans pour autant que les dividendes soient réduits 147 ( * ) .

E. UNE FISCALITÉ QUI PERMET À L'ÉTAT DE BÉNÉFICIER D'UNE PARTIE DE LA VALEUR CRÉÉE

La fiscalité applicable aux sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) est essentielle car elle constitue désormais le seul moyen par lequel l'État peut capter une partie de la valeur créée par les concessions autoroutières .

Selon les SCA, l'activité des concessions autoroutières aurait ainsi rapporté à l'État quelque 50 milliards d'euros entre 2006 et 2018 , répartis entre fiscalité spécifique (taxe d'aménagement du territoire (TAT), redevance domaniale) et fiscalité générale (impôts sur les sociétés (IS) et TVA).

Répartition des 50 Md€ d'impôts et taxes payés par les SCA
entre 2006 et 2018

Source : Association des sociétés françaises d'autoroutes (ASFA)

Toujours selon les sociétés d'autoroutes, sur 10 euros de péages , 4 euros correspondraient à des impôts et taxes , ce qui est significatif.

Répartition de 10 € de péage

Source : Association des sociétés françaises d'autoroutes (ASFA)

Pour faire le point sur ce sujet complexe, il convient d'analyser à la fois les taxes spécifiques qui pèsent sur les SCA , la fiscalité générale qui leur est applicable mais également les dispositions contractuelles qui encadrent de façon très précise son évolution, et qui constituent aujourd'hui des contraintes très fortes pour l'État.

1. Une fiscalité spécifique qui ne peut plus être augmentée sans compensation

Les sociétés concessionnaires d'autoroutes acquittent des taxes spécifiques en relation avec leur activité et l'occupation du domaine public , qui ont généré plus d'1 milliard d'euros de recettes pour l'État en 2018.

Elles sont toutefois parvenues à se prémunir contre toute hausse qui ne serait pas compensée.

a) La taxe d'aménagement du territoire (TAT)

La principale taxe spécifique pesant sur les SCA est la taxe d'aménagement du territoire (TAT) prévue à l'article 302 bis ZB du code général des impôts (CGI) 148 ( * ) .

La taxe d'aménagement du territoire (TAT)

Cette taxe est due par les sociétés concessionnaires d'autoroutes à raison du nombre de kilomètres parcourus par les usagers .

Du 1 er janvier 1995 au 31 décembre 2010, son tarif était fixé à 6,86 euros par 1 000 kilomètres parcourus.

La loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 l'a porté à 7,32 euros par 1 000 kilomètres parcourus. Cette hausse de 0,46 euros visait à financer le compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » qui verse une subvention à la SNCF pour compenser une partie du déficit d'exploitation des trains d'équilibre du territoire (TET). À la suite de cette augmentation, le produit de la TAT est passé de 539 millions d'euros en 2010 à 577 millions d'euros en 2011, soit une augmentation de 7 % .

Cette hausse du tarif a toutefois donné lieu à une compensation tarifaire au bénéfice des SCA au titre des années 2011 et 2012 149 ( * ) .

La loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a prévu que, pour les années civiles postérieures à 2019, le tarif de la TAT de 7,32 euros par 1 000 kilomètres parcourus serait majoré de 70% de l'évolution , entre 2018 et l'année précédant l'année en cours, de l'indice des prix à la consommation hors tabac au mois de novembre . Le tarif est arrondi au centième d'euro par 1 000 kilomètres, la fraction égale à 0,005 comptant pour 0,01.

Cette nouvelle hausse de la TAT a été présentée à l'Assemblée nationale par le ministre de l'action et des comptes publics comme un moyen d'augmenter les ressources de l'Agence de financement des infrastructures des transports de France (AFITF) pour financer la contribution de l'État au budget du Canal Seine Nord-Europe .

La taxe est constatée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) . Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à celle-ci.

Source : Commission d'enquête

Le produit de la TAT, évalué à 628 millions d'euros en 2020 avant la crise sanitaire , est réparti entre :

- le compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » (CAS « Trains d'équilibre du territoire » -TET), lequel finance les lignes de train Intercités , dans la limite d'un montant fixé en loi de finances. Ce montant avait été établi à 71 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2020. Il était de 117 millions d'euros en 2019 et de 141 millions d'euros en 2018 ;

- l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) , dans la limite du plafond prévu au I de l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 : ce montant a été fixé à 557,3 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2020 ; il était de 528,3 millions d'euros en 2019 et de 476,8 millions d'euros en 2018.

Montant de TAT acquitté par les SCA et affectation

(en millions d'euros)

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020*

Part AFITF

-

512

526

521

528

539

542

535

538

571

555

512

516

472

528

557

Part CAS TET**

-

-

-

-

-

-

35

35

35

19

19

84

92

141

117

71

Total

-

512

526

521

528

539

577

570

573

590

574

596

608

613

645

628

* Prévisions de la loi de finances initiale

** Compte d'affectation spéciale « Trains d'équilibre du territoire »

Source : Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) et lois de règlement

Si la taxe d'aménagement du territoire constitue une ressource essentielle pour l'AFITF , il paraît aujourd'hui quasiment impossible d'augmenter son taux ou son assiette.

Une modification unilatérale est en effet susceptible d'entraîner des compensations pour les SCA sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, qui prévoit que « les conséquences de la taxe instituée par l'article 302 bis ZB du code général des impôts sur l'équilibre financier des sociétés concessionnaires sont prises en compte par des décrets en Conseil d'État qui fixent notamment les durées des concessions autoroutières ».

Par ailleurs, l'article 32 des contrats de concession autoroutière prévoit désormais la compensation des modifications de la fiscalité spécifique aux SCA 150 ( * ) .

La hausse du tarif de la TAT intervenue en 2011 a ainsi donné lieu à une compensation tarifaire au bénéfice des SCA au titre des années 2011 et 2012 .

Les différentes annexes du décret n° 2011-120 du 28 janvier 2011 approuvant des avenants à des conventions de concession autoroutière et aux cahiers des charges annexés à ces conventions et relatif aux péages autoroutiers ont en effet prévu des dispositions en ce sens.

Dans le cas d'ASF par exemple, il est prévu que « pour les exercices 2011 et 2012, l'évolution des tarifs de péage (HT) applicable aux véhicules de la classe 1 sera majorée d'une hausse de 0,35 % en 2011 et 0,17% en 2012 en compensation de l'augmentation du tarif de la taxe d'aménagement du territoire prévue par la loi de finances initiale pour 2011 ». Les autres SCA ont bénéficié de compensations analogues.

b) La redevance domaniale

La deuxième taxe spécifique est la redevance domaniale.

La redevance domaniale

L'article R. 122-48 du code de la voirie routière prévoit que les sociétés concessionnaires d'autoroutes versent annuellement à l'État, pour une période comprise entre le 1 er juillet et le 30 juin, une redevance pour occupation du domaine public déterminée par application de la formule suivante :

R = (R 1 + R 2) x 0,3,

où :

R 1 = V x 1 000 x L ;

R 2 = 0,055 x CA ;

V est la valeur locative de 1 mètre de voie autoroutière telle que fixée au II de l'article 1501 du code général des impôts et actualisée selon les modalités prévues pour les propriétés bâties autres que les immeubles industriels à l'article 1518 bis de ce même code.

L correspond au nombre de kilomètres des voies autoroutières exploitées par le concessionnaire au 31 décembre de l'année précédant l'année du versement.

CA représente le montant du chiffre d'affaires réalisé par la société au titre de son activité de concessionnaire d'autoroutes sur le domaine public national, tel qu'il apparaît dans les comptes définitifs au titre de l'année précédant l'année du versement.

Le montant de la redevance domaniale a connu une hausse importante à compter du 1 er juillet 2013 en application du décret n° 2013-436 du 28 mai 2013 qui a modifié la composante R2 en portant de 1,5 % à 5,5 %le taux appliqué au chiffre d'affaires . À la suite de cette hausse, son produit est passé de 198 millions d'euros en 2012 à 300 millions d'euros en 2013, soit une forte augmentation de 51,5 % .

Cette hausse a été contestée par les SCA. Des compensations leur ont finalement été consenties dans le cadre du protocole du 9 avril 2015 (voir encadré infra ).

Source : Commission d'enquête

Le produit de cette redevance est intégralement versé à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) .

Le montant prévu par la loi de finances initiale pour 2020, avant la crise sanitaire, était de 357 millions d'euros. Ce montant était de 355 millions d'euros en 2019 et de 347 millions d'euros en 2018.

Montants de redevance domaniale acquittée par les SCA

(en millions d'euros)

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

156

163

169

174

180

186

193

198

300

314

326

331

351

347

355

357

Source : Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF)

Les règles relatives à la compensation éventuelle des modifications de la redevance domaniale sont fixées par l'article 32 des contrats de concession autoroutière. C'est sur ce fondement que les SCA ont cherché à faire annuler la hausse de la redevance domaniale de 2013, sans y parvenir.

Les recours des SCA contre la hausse de la redevance domaniale de 2013

La hausse du montant de la redevance domaniale prévue à compter du 1 er juillet 2013 en application du décret n°2013-436 du 28 mai 2013 a suscité un important contentieux entre l'État et les SCA.

Le Conseil d'État a clairement tranché en faveur de l'État , en particulier dans sa décision du 16 décembre 2013 n°369304, « Société des autoroutes Esterel, Côte d'Azur, Provence, Alpes (Escota) et société Arcour c/ ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ».

Il a en effet relevé que le chiffre d'affaires des SCA augmente plus rapidement que le montant de la redevance domaniale depuis l'institution de celle-ci en 1997. Par conséquent, l'appréciation portée par le ministre sur les avantages que les sociétés concessionnaires retirent de l'occupation du domaine public n'est pas, selon lui, entachée d'erreur manifeste. La volonté d'assurer une meilleure exploitation du domaine public fait partie des motifs qui peuvent justifier une modification de la méthode de calcul et une augmentation du montant de la redevance.

Le Conseil d'État précise également que les SCA retirent des avantages de l'occupation de l'espace public et ne peuvent donc pas se prévaloir d'une « espérance légitime à la stabilité de la redevance d'occupation du domaine public qu'elles acquittent ».

Les SCA ont toutefois obtenu satisfaction dans le cadre de la négociation du protocole du 9 avril 2015 qui leur a accordé des hausses de tarifs au titre des années 2016, 2017 et 2018 pour compenser la hausse de la redevance domaniale décidée en 2013.

Dans le cas de la société Sanef par exemple, il a été décidé que l'évolution des tarifs de péage (HT) applicable aux véhicules de la classe 1 serait majorée de 0,82 % en 2016, de 0,33% en 2017 et de 0,67 % au titre de cette compensation.

c) Une contribution volontaire exceptionnelle à l'AFITF de 1,2 milliard d'euros sur vingt ans

Le protocole du 9 avril 2015 signé entre l'État et les SCA « historiques » 151 ( * ) comportait un engagement des SCA à contribuer au financement de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France à concurrence, pour l'ensemble des sociétés, de 20 annuités de 60 millions d'euros indexés sur l'inflation, avec une anticipation conduisant au versement de 100 millions d'euros pour chacune des trois premières années .

100 millions d'euros ont ainsi été versées en 2015, 2016 et 2018 mais pas en 2017 152 ( * ) .

Contribution volontaire exceptionnelle des SCA à l'AFITF

(en millions d'euros)

2015

2016

2017

2018

2019

2020

100

100

0

100

60

60

Source : Commission d'enquête

60 millions d'euros sont attendus par l'AFITF au titre de chacune des deux années 2019 et 2020.

À noter que le protocole de 2015 prévoit expressément que le versement de cette contribution volontaire exceptionnelle des SCA est conditionné à la stabilité des prélèvements obligatoires prévue par la nouvelle rédaction de l'article 32 des contrats de concession (voir infra ).

d) Une taxe pour frais de contrôle dont l'affectation à l'ART est supprimée à compter de 2020

L'article 1609 septtricies du code général des impôts prévoyait que les SCA devaient acquitter une taxe annuelle pour frais de contrôle perçue au profit de l'Autorité de régulation des transports (ART) , dans la limite du plafond prévu au I de l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

Cette taxe est assise sur la part du chiffre d'affaires afférent à l'activité concédée réalisé au cours de l'exercice , après abattement de 200 millions d'euros. Son taux, compris entre 0,15 %o et 0,4 %o , est fixé par arrêté conjoint des ministres chargés des transports et du budget.

La taxe est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la TVA . Elle a rapporté 2,5 millions d'euros à l'ART en 2019.

La loi de finances pour 2020 a toutefois supprimé l'affectation de cette taxe à l'ART . Cette taxe, qui figure dorénavant à l'article 302 bis ZB bis du code général des impôts, est désormais versée au budget général de l'État . Ses autres caractéristiques sont inchangées. La loi de finance initiale pour 2020 prévoit qu'elle doit rapporter 2,5 millions d'euros à l'État (prévision antérieure à la crise sanitaire).

e) Via la fiscalité, les concessions autoroutières participent de manière significative au financement des autres modes de transport

Les promoteurs de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France souhaitaient notamment que celle-ci perçoive les dividendes des sociétés d'autoroutes alors publiques pour financer les infrastructures routières, ferroviaires, fluviales ou bien encore les transports collectifs d'agglomération.

Si la privatisation a rendu cette option caduque, il n'en demeure pas moins que les concessions autoroutières, via la fiscalité, sont aujourd'hui un financeur important des autres modes de transport .

En 2018, l'AFITF a ainsi perçu 472 millions d'euros au titre de la taxe d'aménagement du territoire , 347 millions d'euros au titre de la redevance domaniale et 100 millions d'euros au titre de la contribution volontaire exceptionnelle des SCA, soit un total de 919 millions d'euros , représentant 41,2 % de ses recettes sur un total de 2,2 milliards d'euros.

À cette somme s'ajoutent également les 71 millions d'euros de taxe d'aménagement du territoire acquittés par les SCA et versés à la SNCF pour compenser l e déficit d'exploitation des lignes d'équilibre du territoire , c'est-à-dire des trains Intercités .

f) La fiscalité spécifique ne peut pas être augmentée

Le protocole signé en 2015 entre l'État et les SCA dites « historiques » a fait évoluer significativement les règles encadrant les effets des modifications de la taxation spécifique des SCA sur l'équilibre économique et financier des concessions prévues à l'article 32 des contrats de concession.

(1) Avant le protocole de 2015, des compensations uniquement en cas d'atteinte grave à l'équilibre économique de la concession

Avant 2015, l'article 32 des contrats de concession prévoyait déjà un encadrement de la taxation des SCA afin de prémunir celles-ci de la création de taxes nouvelles qui seraient venues mettre en cause l'équilibre économique et financier des concessions 153 ( * ) .

Pour que les SCA bénéficient d'une compensation en raison de la fiscalité décidée par l'État, il fallait que :

- la nouvelle taxe pèse spécifiquement sur les SCA ou que le taux ou l'assiette de la taxe d'aménagement du territoire ou de la redevance domaniale soient modifiés à la hausse ;

- que cette création d'une taxe spécifique ou cette augmentation soit susceptible de compromettre gravement l'équilibre de la concession .

Cette rédaction laissait donc à l'État la possibilité d'augmenter avec modération la taxation spécifique des autoroutes , tant qu'il ne compromettait pas gravement l'équilibre des concessions.

C'est sur ce fondement qu'il a décidé d'une hausse du tarif de la taxe d'aménagement du territoire en 2011 (laquelle a finalement donné lieu à une compensation) puis d'une hausse du tarif de la redevance domaniale en 2013.

(2) Depuis 2015, une règle d'isofiscalité spécifique renforcée

Les SCA ayant durci leur position à la suite du contentieux relatif à la hausse de la redevance domaniale de 2013, le protocole de 2015 a modifié les stipulations des contrats de concession relatives à la fiscalité spécifique des SCA dans un sens nettement moins favorable à l'État .

Il a en effet conduit à une nouvelle rédaction de l'article 32 qui garantit aux SCA une stabilité totale des prélèvements obligatoires spécifiques qui pèsent sur elles 154 ( * ) .

Cette stabilité est justifiée au regard de « l'effort très significatif que représente l'ensemble des termes du présent protocole ». En conséquence, « l'État et les SCA conviennent qu'il est indispensable que leur mise en oeuvre s'inscrive dans un contexte général de sécurité contractuelle et de stabilité des prélèvements obligatoires qui visent ou affectent spécifiquement les SCA (notamment s'agissant du maintien des dispositions qui prévalaient jusqu'alors et y compris au moment de la négociation des plans de relance, en matière de déductibilité des intérêts d'emprunt ».

Désormais, pour que les SCA bénéficient de mesures de compensation , notamment tarifaires , il suffit :

- qu'un impôt, une taxe ou une redevance, y compris non fiscale, spécifique aux SCA soit modifié, créé ou supprimé ;

- que cette modification, création ou suppression soit de nature à dégrader ou améliorer l'équilibre économique et financier de la concession, et non plus comme avant 2015 que cet équilibre soit « gravement compromis ».

Une compensation , sous forme de hausse des péages autoroutiers, serait donc systématiquement nécessaire dès lors que la fiscalité viendrait modifier l'équilibre des concessions, même à la marge.

(3) Une indexation sur l'inflation qui ne paraît pas modifier l'équilibre des contrats

Lors de l'examen, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020 , de l' amendement du Gouvernement visant à indexer sur l'inflation le tarif de la taxe d'aménagement du territoire , les SCA ont fait planer la menace de recours contentieux contre l'État pour non-respect de l'article 32 des contrats de concession .

Elles ont également évoqué la possibilité de suspendre le versement de leur contribution volontaire exceptionnelle à l'AFITF, qui serait ainsi privée de 60 millions d'euros par an .

Votre rapporteur s'interroge sur la recevabilité de la position de contestation systématique des SCA. L 'indexation de la taxe d'aménagement du territoire sur l'inflation ne lui apparaît en effet pas de nature à modifier l'équilibre des contrats dès lors que l'augmentation annuelle des tarifs est supérieure à l'inflation et que ceux-ci augmenteraient de toute façon plus vite que la TAT.

Quant au non versement de la contribution à l'AFITF , il constituerait une remise en cause du protocole de 2015, dont on verra plus loin qu'il est plutôt favorable aux SCA et pas uniquement du fait du taux d'actualisation de 8 % retenu dans le cadre du plan de relance autoroutier, mais parce qu'il inclut dans ce plan des opérations qui étaient déjà à la charge des SCA et dont il n'aurait pas dû prévoir le financement.

2. Des contributeurs importants à l'impôt sur les sociétés mais qui bénéficient de dispositifs très avantageux

Les SCA sont soumise au droit commun de l'impôt sur les sociétés (IS). Le montant de leur chiffre d'affaires les a donc conduites à verser des contributions exceptionnelles. Dans le même temps, elles ont pleinement bénéficié de la déductibilité illimitée des intérêts d'emprunts.

a) Des contributions exceptionnelles entre 2011 et 2017

Selon l'Association des sociétés françaises d'autoroutes (ASFA), le montant d'impôt sur les sociétés acquitté par les sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) représentait 1,56 milliard d'euros en 2018, pour un taux d'IS moyen de 34,1 % .

Toujours selon l'ASFA, le montant total d'IS que les SCA ont versé à l'État sur la période 2006-2018 s'élève à 14,6 milliards d'euros environ, sur les 50 milliards d'euros d'impôts générés par l'activité des concessions autoroutières.

Montant d'impôt sur les sociétés versé par les SCA de 2006 à 2018

(en millions d'euros)

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Total

663

753

795

854

963

1 045

1 058

1 172

1 277

1 329

1 392

1 708

1 560

14 568

Source : Association des sociétés françaises d'autoroutes (ASFA)

Jusqu'en 2018, le taux d'IS applicable aux sociétés concessionnaires d'autoroutes était le taux normal de 33,3 % .

Leurs capacités contributives ont toutefois été sollicitées à plusieurs reprises dans le cadre de mesures générales s'appliquant à toutes les sociétés réalisant des chiffres d'affaires ou des résultats fiscaux importants.

De 2011 à 2016, les SCA dont le chiffre d'affaires était supérieur à 250 millions d'euros ont ainsi été assujetties à une « contribution exceptionnelle » dont le montant était égal à 5 % de l'IS des exercices 2011 à 2013 et à 10,7 % de l'IS des exercices 2014 et 2015 . Les principales SCA se sont ainsi vu appliquer des taux d'IS allant jusqu'à 38 % .

En 2017, toutes les entreprises réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 1 milliard d'euros ont dû verser une nouvelle « contribution exceptionnelle » correspondant à 15 % de l'IS avant réductions et crédits d'impôts . Les entreprises dont le chiffre d'affaires était supérieur à 3 milliards d'euros ont, en outre, dû s'acquitter d'une « contribution additionnelle » calculée par application du même taux à la même assiette.

Selon l'Autorité de régulation des transports (ART), cette « contribution exceptionnelle » a entraîné, pour les SCA prises dans leur ensemble, une hausse de l'IS de 321 millions d'euros en 2017 par rapport à 2016, ce qui explique le pic de 1 708 millions d'euros d'IS constaté cette année-là.

b) La déductibilité toujours illimitée des intérêts d'emprunts

Comme l'avait observé l'Autorité de la concurrence dans son avis précité du 17 septembre 2014, les sociétés concessionnaires d'autoroutes bénéficient d'un avantage fiscal exceptionnel : la déductibilité illimitée de leurs intérêts d'emprunts.

Compte tenu du poids de leur endettement, cette disposition est particulièrement avantageuse pour les SCA « historiques » , les encours de dette financière du secteur représentant 33,6 milliards d'euros au 31 décembre 2018.

Si, jusqu'en 2013, la déductibilité illimitée des intérêts d'emprunts prévue à l'article 39 du code général des impôts était applicable à toutes les entreprises, sa portée a été limitée par l'article 23 de la loi de finances pour 2013 qui a mis en place un « rabot » sous la forme d'une réintégration de 15 % ( puis de 25% à compter de 2014 ) des charges financières nettes supportées par toute entité imposable à l'IS. Toutefois , les délégataires de service public, et en particulier les sociétés concessionnaires, ont échappé à ce rabot grâce à un amendement du Gouvernement et bénéficient donc toujours d'une déductibilité illimitée de leurs charges financières.

Grâce au maintien de ce dispositif qui leur est très favorable, les SCA bénéficient, selon les chiffres de l'Autorité de la concurrence, d'un avantage annuel de 430 millions d'euros par an. Sur cette somme, l'Autorité estimait à 60 millions d'euros par an l'impôt supplémentaire qu'auraient supporté les SCA « historiques » si elles n'avaient pas été exclues du rabot général. Selon l'ASFA, le montant de cette exonération serait plutôt compris entre 60 millions d'euros et 100 millions d'euros par an .

Ce dispositif est fondamental aux yeux des SCA puisqu'elles ont exigé son maintien lors de la négociation du protocole de 2015 . Elles ont d'ailleurs obtenu gain de cause puisque le protocole précise qu'il « repose sur l'hypothèse d'un régime de déductibilité fiscale des charges financières applicable aux sociétés concessionnaires d'autoroutes inchangé par rapport à celui établi par la loi fiscale applicable au 1 er janvier 2014 et par la doctrine administrative à cette date. Par voie de conséquence, toute modification de ce régime de déductibilité entraînerait compensation intégrale ».

L'État s'est donc lié les mains sur ce point alors que son attention avait été attirée à juste titre par l'Autorité de la concurrence.

c) D'importants bénéficiaires du CICE

Si votre rapporteur n'a pas été en mesure de calculer le montant exact de crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) dont ont bénéficié les SCA « historiques » depuis la création de ce dispositif en 2014, il paraît évident que celles-ci en ont pleinement profité alors même qu'elles ne sont pas exposées à la concurrence internationale et ont détruit des emplois sur la période 155 ( * ) .

d) La poursuite de la baisse du taux de l'IS accroitra encore leur rentabilité

Les SCA vont en outre pouvoir profiter à plein de la baisse du taux de l'IS qui est passé de 33,3 % en 2018 à 31 % en 2019 et 28 % en 2020. Comme le prévoit la loi de finances pour 2020, cette baisse va se poursuivre avec un taux d'IS de 26,5 % en 2021 et de 25 % en 2022.

Un expert en fusion acquisition et en finances d'entreprise 156 ( * ) , consulté par le rapporteur, estime que cette diminution du taux normal de l'IS pourrait permettre aux SCA « historiques » de réaliser une économie de 400 millions d'euros par an , augmentant d'autant leur rentabilité.

Une évaluation précise de l'économie globale qui en résulte sur la durée résiduelle des concessions devrait être réalisée à court terme. Sur la base de l'économie annuelle estimée, celle-ci pourrait être de l'ordre de 4 à 5 milliards d'euros.

Cette situation particulièrement favorable paraît devoir justifier des correctifs , sous forme de baisse des tarifs de péages ou d'investissements supplémentaires sur les réseaux concédés sans compensations .

3. Des collecteurs importants de TVA pour le compte de l'État

Sur les 50 milliards d'euros de recettes fiscales pour l'État générés par l'activité des concessions autoroutières sur la période 2006-2018, 22,3 milliards d'euros correspondent à la TVA payée par les usagers sur les tarifs des péages et collectée par les SCA pour le compte de l'État.

Il ne s'agit donc pas d'un impôt payé par les SCA mais d'une taxe prélevée par elles au profit de l'État .

Montant de TVA collectée par les SCA de 2006 à 2018

(en millions d'euros)

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Total

1 345

1 448

1 487

1 524

1 590

1 657

1 669

1 739

1 844

1 891

1 973

2 041

2 100

22 307

Source : Association des sociétés françaises d'autoroutes (ASFA)

III. DEUX APPROCHES DE LA RENTABILITÉ DES SOCIÉTÉS AUTOROUTIÈRES HISTORIQUES

La rentabilité des concessions autoroutières est en principe appréciée au regard du taux de rentabilité interne (TRI ), calculé sur la base des flux de trésorerie attendus (TRI prévisionnel) et constatés (TRI réalisé).

Même si « le TRI n'a de sens qu'appréhendé sur l'intégralité de la durée de vie de la concession », comme vient de le rappeler l'Autorité de régulation des transports (ART) 157 ( * ) , il apparaît indispensable de suivre l'évolution de ce taux afin que le concédant puisse, le cas échéant, prendre appui sur le niveau de rentabilité pour négocier avec les sociétés concessionnaires autoroutières des retours en direction des usagers .

L'ART, qui est chargée depuis 2017 d'effectuer un suivi annuel de la rentabilité interne de chaque concession autoroutière 158 ( * ) , vient de présenter, dans son premier rapport quinquennal sur l'économie des concessions autoroutières, prévu par la loi « Macron » de 2015, un suivi de l'évolution de la rentabilité annuelle sur les trois derniers exercices (2017-2019).

Le rapporteur regrette la brièveté de la période ainsi analysée, même s'il comprend la prudence méthodologique de l'ART , qui considère ne pas disposer des données historiques lui permettant de procéder à une estimation « solide » de cette rentabilité sur la période antérieure à 2017 159 ( * ) .

Il a toutefois souhaité pouvoir proposer un point rétrospectif sur les résultats financiers acquis et des projections sur la rentabilité attendue jusqu'à la fin des concessions historiques . Il a fait appel pour cela à Frédéric Fortin, expert en fusion-acquisition et en finances d'entreprise .

A. UNE ANALYSE PAR L'ART DE L'ÉVOLUTION DE LA RENTABILITÉ LIMITÉE À LA PÉRIODE 2017-2019

1. Un exercice difficile sur la base d'un TRI « tronqué »

L'ART a fait un certain nombre de choix méthodologiques , qu'elle justifie au regard de l'objet de la mission que le législateur lui a confiée. Par ailleurs, faute de données historiques pertinentes , elle a dû recourir à un TRI « tronqué » qui ne prend pas en compte la période antérieure à l'ouverture du capital des sociétés concessionnaires intervenue à partir de 2002.

a) Des choix méthodologiques

(1) Un TRI « projet » et non un TRI « actionnaires »

Le TRI analysé par l'ART est un TRI « projet », qui s'intéresse à la rémunération du capital payée par l'usager à travers les péages.

Contrairement au TRI « actionnaires », qui mesure la rentabilité des fonds investis par les apporteurs de capitaux, le TRI « projet » ne dépend donc ni des modalités de financement de la concession ni de la politique de rémunération des investisseurs .

Ce choix apparaît justifié au regard de la mission du régulateur qui est de veiller à l'intérêt des usagers dont les péages assurent la rémunération des sociétés concessionnaires.

(2) Un TRI « tronqué » à partir de 2002

Comme rappelé précédemment, le TRI effectif d'une concession ne peut être mesuré que sur l'intégralité de sa durée de vie , en prenant en compte l'ensemble des flux de trésorerie qu'elle génère.

Afin de suivre l'évolution du TRI des concessions en cours d'exécution, l'ART a donc eu recours à une approche « hybride » , qui « mobilise des éléments historiques (flux de trésorerie réalisés sur les années passées) et prospectifs (flux de trésorerie attendus sur les années restantes ) ».

Si le calcul de ce TRI « hybride » n'a pas posé de problème pour les sociétés concessionnaires récentes, l'ART a en revanche été confrontée à un manque de données exploitables pour les concessions historiques .

Les premiers contrats de concession datant de 1957 et les pratiques comptables ayant évolué au cours du temps 160 ( * ) , l'ART n'a pas pu collecter de données fiables et homogènes avant 2002. Ce n'est en effet qu'à compter de cet exercice que les règles comptables et fiscales de droit commun ont été appliquées aux SCA, en vue de l'ouverture de leur capital.

L'ART a par conséquent eu recours au calcul d'un « TRI tronqué » , qui permet d'appréhender la rentabilité d'un projet à partir de données relatives à un nombre limité d'années en faisant l'hypothèse que l'actif est acheté à une date choisie. En l'espèce, elle a retenu l'année 2002 comme date de troncature .

Principe du TRI « tronqué » utilisé par l'ART

Source : Frontier Economics

b) Une reconstruction théorique de la valeur de l'actif

Pour déterminer la valeur de l'actif en 2002, l'ART a utilisé la méthode de « l'actif moderne équivalent » (ou « modern equivalent asset » - MEA ), consistant à estimer la valeur de reconstruction à neuf de l'infrastructure existante, puis à l'amortir en fonction de l'âge réel des actifs.

L'ART s'est toutefois heurtée à une nouvelle difficulté pour évaluer cette valeur de reconstruction. Les SCA ne disposent pas, en effet, dans leurs systèmes d'information, des données relatives aux coûts d'acquisition et de construction des actifs composant l'infrastructure par année de mise en service, mais uniquement de données relatives à la valeur brute globale de l'infrastructure .

L'ART a donc « ventilé les valeurs brutes des immobilisations par année de construction à partir du nombre de kilomètres mis en service chaque année, mais aussi de l'évolution de l'indice TP01 », qui permet de mesurer l'évolution des coûts en matière de travaux publics.

Les coûts contemporains de reconstruction ont ainsi été déduits de ces coûts historiques en les indexant pour prendre en compte l'évolution des coûts de construction dans le temps 161 ( * ) .

Enfin, cette valeur de reconstruction a été amortie pour tenir compte de l'âge des infrastructures . Pour ce faire, l'ART a « procédé à une simulation des amortissements reflétant la pratique de l'amortissement de caducité observée dans le secteur ».

c) Une estimation « incertaine » qui a conduit à privilégier le suivi des variations

Compte tenu des différentes limites méthodologiques rencontrées et des biais qu'elles induisent, l'ART précise que « l'estimation de la valeur de l'actif moderne équivalent ou MEA est incertaine, ce qui fragilise l'estimation du TRI des concessions historiques ».

En fonction de la date de troncature retenue, l'ART note en effet que les évaluations de l'actif moderne équivalent avant amortissement peuvent fortement varier. Ainsi, « selon que la troncature est effectuée en 2002 ou 2015, l'évaluation de l'actif moderne équivalent ou MEA varie de plus ou moins 20 % selon les concessions, ce qui ne peut s'expliquer par les seuls investissements réalisés entre 2002 et 2015 ». Or ces variations « ont une influence qui n'est pas négligeable sur le TRI ».

Dès lors, plutôt que de raisonner en valeur absolue de TRI, l'ART a préféré centrer son analyse sur le suivi des variations de TRI des concessions autoroutières .

Le rapporteur regrette toutefois que l'ART n'ait pas publié dans son rapport les valeurs de MEA retenues pour chacune des SCA ou, à tout le moins, une valeur globale. De ce fait, il lui a été impossible de reconstituer ses calculs .

2. Le constat d'une augmentation de la rentabilité sur 2017-2019

a) Un TRI « à date » en valeur absolue dans une fourchette d'incertitude élevée

L'ART s'est prêtée à l'exercice du calcul du TRI des concessions autoroutières en valeur absolue. Pour 2019, elle évalue ainsi le TRI agrégé des concessions historiques 162 ( * ) à 7,8 % et celui des concessions récentes 163 ( * ) à 6,4 % .

Elle insiste toutefois sur les limites que présente son estimation :

- le TRI mesuré ne représente pas la rentabilité des fonds investis par les actionnaires des SCA, puisqu'il s'agit d'un TRI « projet » ;

- un TRI « à date » en valeur absolue n'a pas de signification en lui-même. Seul un TRI prévisionnel se compare à un coût du capital calculé à la même date, pour pouvoir apprécier le niveau de rentabilité du projet ;

- les limites de la méthode utilisée pour le calcul du TRI des concessions historiques conduit à une fourchette d'incertitude importante, la valeur réelle du TRI qui en résulte étant comprise entre 6,4 % et 9,2 % .

Le TRI des concessions autoroutières en 2019

Source : Autorité de régulation des transports (ART)

b) Des augmentations annuelles en 2017, 2018 et 2019

Les évolutions du TRI sur plusieurs années peuvent résulter soit d'un écart entre les flux prévisionnels et les flux constatés, soit d'une révision des projections de flux sur la durée de vie résiduelle de la concession.

Afin de disposer de l'analyse la plus robuste possible sur le plan méthodologique, l'ART a par conséquent choisi d'analyser les variations annuelles de TRI . Elle souligne à cet égard que « les variations mesurées d'année en année demeurent fiables : le biais d'estimation est en effet indépendant de l'année de mesure et disparaît donc lorsque l'on considère une différence entre deux TRI mesurés à deux dates différentes ».

Ce suivi nécessitant de disposer des études financières prévisionnelles des sociétés concessionnaires sur les années étudiées, l'ART a analysé les années pour lesquelles elle a pu collecter ces informations, soit 2017, 2018 et 2019.

On regrettera qu'elle n'ait pas demandé aux SCA de lui communiquer leurs prévisions initiales pour les deux exercices antérieurs, ce qui lui aurait permis d'élargir utilement la période analysée.

Au terme de son analyse, l'ART conclut que, sur la période 2017-2019, les TRI agrégés des concessions historiques et récentes ont connu une amélioration de l'ordre de 0,15 point de pourcentage (15 points de base).

Variation du TRI des concessions historiques et récentes
entre 2017 et 2019

Source : Autorité de régulation des transports (ART)

Cette amélioration résulte pour l'essentiel d'une révision à la hausse des prévisions de chiffre d'affaires des SCA :

- pour les concessions historiques , l'amélioration résulte principalement de la révision à la hausse des prévisions de trafic faites par les SCA, qui induit une hausse des revenus de péage prévisionnels de 7 milliards d'euros, contrebalancée par une augmentation des dépenses d'investissement prévues de plus de 1,2 milliard d'euros ;

- pour les concessions récentes , les variations de TRI s'expliquent également par des variations de chiffre d'affaires - avec des disparités importantes selon les concessions - et sont plus importantes que celles des SCA historiques en raison d'une plus forte sensibilité aux changements de prévision.

De manière plus marginale, les variations positives de TRI résultent des écarts entre le prévisionnel et le réalisé entre 2017 et 2018, en particulier de revenus de péages plus importants que prévus (+ 225 millions d'euros) en raison d'une reprise du trafic poids lourds mal anticipée et de dépenses d'investissement plus faibles que prévues (- 380 millions d'euros).

L'ART note toutefois que ces montants « restent relativement faibles à l'échelle de la durée des concessions, et n'emportent pas d'impact remarquable sur la rentabilité globale, avec une augmentation comprise entre 2 et 3 points de base pour les concessions récentes comme pour les concessions historiques ».

En réponse à une demande du rapporteur, l'ART a précisé que l'augmentation du chiffre d'affaires sur 2017-2019 a un impact sur le TRI de 29 points de base, dont 1,2 résultant des augmentations tarifaires . Sans les augmentations tarifaires sur cette période, la rentabilité aurait donc quand même progressé de 13,8 points de base (0,138% au lieu de 0,15).

L'ART relève par ailleurs des écarts importants de prévisions entre les SCA , qu'il s'agisse de l'évolution du trafic ou du coût des travaux, et souligne le besoin de procéder à une harmonisation de ces hypothèses.

Après contre-expertise, elle constate que les prévisions de trafic des sociétés d'autoroutes (hors conséquences de la crise sanitaire) sont nettement inférieures aux siennes , ce qui se traduit par une sous-estimation de leur rentabilité. L'écart entre les TRI mesurés avec les hypothèses des SCA et ceux mesurés avec les hypothèses de l'ART est en effet de 0,14 point de pourcentage pour les SCA historiques et 0,41 point de pourcentage pour les SCA récentes.

B. UNE ÉTUDE INDÉPENDANTE ANTICIPE UNE SURRENTABILITÉ DES CONCESSIONS AUTOROUTIÈRES

Le rapporteur a fait appel à Frédéric Fortin , expert en fusion acquisition et en finances d'entreprise , qui suit de longue date les concessions autoroutières, pour estimer le taux de rentabilité interne des sociétés concessionnaires d'autoroutes depuis la privatisation de 2006 afin de tenter d'évaluer dans quelle mesure leurs actionnaires pourraient bénéficier d'une rentabilité supérieure, ou pas, à celle qui avait été prévue en 2006 pour fixer le prix de cession des participations majoritaires de l'État dans les SCA historiques.

Les analyses conduites par Frédéric Fortin tendent à montrer que, si la rentabilité économique des concessions est très significative sur la période 2006-2019, elle se situe cependant légèrement en deçà des attentes .

En revanche, sur la période 2020-2036 (date d'échéance des concessions), la rentabilité deviendrait très élevée , ce qui permettrait aux SCA d'atteindre des niveaux de TRI très supérieurs à ceux qui avaient été initialement prévus. Cette analyse repose sur des données prévisionnelles établies par Frédéric Fortin sur la base d'hypothèses que l'on peut juger prudentes par rapport aux données historiques.

Ces hypothèses sont récapitulées dans le tableau ci-dessous :

Hypothèses retenues par Frédérique Fortin pour la période
allant de 2020 à la date d'échéance des concessions

Source : Frédéric Fortin, expert en fusion acquisition et en finances d'entreprise

1. ASF et Escota devraient se révéler des acquisitions très rentables pour le groupe Vinci
a) 2006-2019 : les dividendes dépassent les coûts d'achat

Pour la période 2006-2019, l'analyse des comptes consolidés d'ASF et d'Escota montre que le chiffre d'affaires est passé de 2,6 milliards d'euros en 2006 à 4 milliards d'euros en 2019, soit une croissance annuelle moyenne de 3,4 % .

Sur l'ensemble de la période, les deux sociétés ont réalisé environ 8 milliards d'euros d'investissements sur leurs réseaux concédés.

Elles se sont acquittées de 6,5 milliards d'euros d'impôt sur les sociétés (IS) .

Les dividendes cumulés sur la période 2006-2019 représentent quelque 13,8 milliards d'euros .

Or, Vinci a décaissé 10,4 milliards d'euros pour l'acquisition d'ASF sur la période 2002-2006.

Cela signifie donc que la société a déjà recouvré la somme qu'elle avait initialement investie .

Principales données financières issues des comptes consolidés
des sociétés ASF et Escota sur la période 2006-2019

Source : Frédéric Fortin, expert en fusion acquisition et en finances d'entreprise, à partir des comptes des sociétés

b) 2020-2036 : 20,7 milliards d'euros de dividendes possibles

Pour la période 2020-2036, il résulte des projections financières concernant ASF et Escota, estimées sur le fondement des hypothèses prudentes de Frédéric Fortin, que le chiffre d'affaires passerait de 3 milliards d'euros en 2020 (impact de la crise sanitaire), culminerait à 4,8 milliards d'euros en 2031 puis diminuerait progressivement pour s'établir à 1,4 milliard d'euros en 2036, dernière année de la concession d'ASF 164 ( * ) .

Sur l'ensemble de la période, il est estimé que les deux sociétés réaliseraient environ 10,6 milliards d'euros d'investissements .

Elles s'acquitteraient de 9,4 milliards d'euros d'impôt sur les sociétés (compte tenu de la baisse programmée de l'IS).

Les dividendes cumulés sur la période 2020-2036 seraient de l'ordre de 20,7 milliards d'euros .

Sur l'ensemble de la période 2006-2036, le montant total de dividendes distribués à Vinci atteindrait donc 34,5 milliards d'euros .

Principales projections financières estimées
pour les sociétés ASF et Escota sur la période 2020-2036

Source : Frédéric Fortin, expert en fusion acquisition et en finances d'entreprise

c) Un TRI qui pourrait atteindre 10,93 % pour une prévision initiale de 7,13 %

Lors de la privatisation de 2006, les banques conseils avaient évalué le retour sur fonds propres attendu par Vinci pour l'acquisition d'ASF et d'Escota à un TRI de 7,13 % .

Sur la période 2002-2019, le TRI réalisé atteint d'ores et déjà 4,93 % .

Sur l'ensemble de la période 2002-2036, le TRI dont bénéficierait Vinci au titre de ces deux sociétés atteindrait 10,93 % , soit un taux supérieur de 53,3 % à ce que prévoyaient alors tous les experts , témoignant ainsi de la rentabilité exceptionnelle de ces deux SCA.

Autre indicateur significatif : un TRI de 8 % serait atteint dès 2022 , soit 14 ans avant la fin de la concession d'ASF .

2. APRR et d'AREA : une rentabilité également hors normes

a) 2006-2019 : 9 milliards d'euros de dividendes

Pour la période 2006-2019, l'analyse des comptes consolidés d'APRR et d'AREA montre que le chiffre d'affaires est passé de 1,7 milliard d'euros en 2006 à 2,6 milliards d'euros en 2019 , soit une croissance annuelle moyenne de 3,5 % .

Sur l'ensemble de la période, les deux sociétés ont réalisé environ 4,5 milliards d'euros d'investissements .

Elles se sont acquittées de 4,0 milliards d'euros d'impôt sur les sociétés .

Les dividendes cumulés sur la période 2006-2019 représentent quelque 9 milliards d'euros .

Or, Eiffarie a décaissé 6,7 milliards d'euros pour l'acquisition d'APRR et d'AREA sur la période 2004-2006. Elle a donc déjà recouvré cette somme .

Principales données financières issues des comptes consolidés
des sociétés APRR et AREA sur la période 2006-2019

Source : Frédéric Fortin, expert en fusion acquisition et en finances d'entreprise - à partir des comptes annuels des sociétés

b) 2020-2035 : plus de 13 milliards d'euros de dividendes supplémentaires possibles

Pour la période 2020-2035 , il résulte des projections financières relatives à APRR et AREA que le chiffre d'affaires passerait de 2 milliards d'euros en 2020 (impact de la crise sanitaire) à 3 milliard d'euros en 2035, dernière année de la concession d'APRR.

Sur l'ensemble de la période, les deux sociétés réaliseraient environ 7 milliards d'euros d'investissements.

Elles s'acquitteraient de 6,3 milliards d'euros d'impôt sur les sociétés .

Les dividendes cumulés sur la période 2020-2035 représenteraient quelque 13,3 milliards d'euros .

Sur l'ensemble de la période 2006-2035, le montant total de dividendes distribués à Eiffarie atteindrait donc 22,3 milliards d'euros , soit une somme près de quatre fois supérieure aux 6,7 milliards d'euros décaissés pour leur acquisition.

Principales projections financières estimées
pour les sociétés APRR et AREA sur la période 2020-2035

Source : Frédéric Fortin, expert en fusion acquisition et en finances d'entreprise

c) Un TRI à échéance de 11,3 % pour une prévision initiale de 9,2 %

Lors de la privatisation en 2006, les banques conseils avaient évalué le retour sur fonds propres attendu par Eiffarie pour l'acquisition d'APRR et d'AREA à un TRI de 9,2 % .

Sur la période 2002-2019, le TRI réalisé a atteint 4,28 % .

Sur l'ensemble de la période 2004-2035, le TRI dont bénéficierait Eiffarie au titre de ces deux sociétés représenterait 11,25 % , soit un taux 22,3 % plus élevé que ce qui était prévu par les experts.

Un TRI de 8 % serait atteint dès 2021 , soit, là encore, 14 ans avant la fin de la concession d'APRR .

3. Sanef et SAPN : des résultats plus proches des attentes initiales

a) 2006-2019 : 4,8 milliards d'euros de dividendes

Pour la période 2006-2019, l'analyse des comptes consolidés de Sanef et SAPN montre un chiffre d'affaires qui est passé de 1,1 milliard d'euros en 2006 à 1,8 milliard d'euros en 2019, soit une croissance annuelle moyenne de 3 % .

Sur l'ensemble de la période, les deux sociétés ont réalisé environ 2,8 milliards d'euros d'investissements sur leurs réseaux concédés.

Elles se sont acquittées de 2,7 milliards d'euros d'impôt sur les sociétés .

Les dividendes cumulés sur la période 2006-2019 représentent quelque 4,8 milliards d'euros .

Or, Abertis a décaissé 5,3 milliards d'euros en 2006 pour l'acquisition de Sanef et SAPN.

Dès lors, il apparaît que la société n'a pas encore recouvré la somme qu'elle avait investi initialement.

Principales données financières issues des comptes consolidés
des sociétés Sanef et SAPN sur la période 2006-2019

Source : Frédéric Fortin, expert en fusion acquisition et en finances d'entreprise, à partir des comptes des sociétés 165 ( * )

b) 2020-2033 : 7,9 milliards d'euros de dividendes possibles

Pour la période 2020-2033, il ressort des projections financières concernant Sanef et SAPN que le chiffre d'affaires passerait de 1,35 milliards d'euros en 2020 (impact de la crise sanitaire), culminerait à 2,1 milliards d'euros en 2031 avant de diminuer rapidement pour atteindre 487 millions d'euros en 2033, dernière année de la concession de SAPN.

Sur l'ensemble de la période, les deux sociétés réaliseraient environ 3 ,7 milliards d'euros d'investissements .

Elles s'acquitteraient de 3,2 milliards d'euros d'impôt sur les sociétés .

Les dividendes cumulés sur la période 2020-2036 représenteraient quelque 7,9 milliards d'euros .

Sur l'ensemble de la période 2006-2036, le montant total de dividendes distribués atteindrait donc 12,7 milliards d'euros , soit une somme légèrement supérieure au double du prix d'acquisition des deux sociétés .

Principales projections financières estimées
pour les sociétés Sanef et SAPN sur la période 2020-2036

Source : Frédéric Fortin, expert en fusion acquisition et en finances d'entreprise

c) Un TRI en ligne avec les prévisions

Lors de la privatisation de 2006, les banques conseils avaient évalué le retour sur fonds propres attendu par Abertis pour l'acquisition de Sanef et de SAPN à un TRI de 8 % .

Sur la période 2002-2019, le TRI réalisé est très inférieur à cette prévision puisqu'il est négatif et s'établit à - 1,38 % .

Sur l'ensemble de la période 2004-2035, le TRI dont bénéficierait Abertis au titre de ces deux sociétés atteindrait 7,21 % , soit un taux légèrement inférieur aux 8 % attendus au moment de la privatisation.

4. Cofiroute : une société concessionnaire privée dès l'origine dont la rentabilité apparaît particulièrement élevée

Si Cofiroute a toujours été une société concessionnaire d'autoroutes privée , il importe néanmoins d'analyser ses résultats financiers , eu égard à la taille du réseau qu'elle exploite, pour tenter d'établir si elle bénéficie ou pas d'une rentabilité excessive .

Pour permettre d'établir des comparaisons avec les sociétés concessionnaires d'autoroutes privatisées en 2006 , les analyses présentées par Frédéric Fortin partent de la même année.

a) 2006-2019 : 5,8 milliards d'euros de dividendes

Pour la période 2006-2019, l'analyse des comptes de Cofiroute montre que le chiffre d'affaires est passé de 964 millions d'euros en 2006 à près de 1,5 milliard d'euros en 2019, soit une croissance annuelle moyenne de 3,4 % .

Sur l'ensemble de la période, la société a réalisé environ 3,4 milliards d'euros d'investissements sur son réseau concédé.

Elle s'est acquittée de 2,8 milliards d'euros d'impôt sur les sociétés .

Les dividendes cumulés sur la période 2006-2019 représentent quelque 5,8 milliards d'euros .

Principales données financières issues des comptes de la société Cofiroute
sur la période 2006-2019

Source : Frédéric Fortin, expert en fusion acquisition et en finances d'entreprise

b) 2020-2034 : 6,7 milliards d'euros de dividendes

Pour la période 2020-2033, il ressort des projections financières concernant Cofiroute établies par Frédéric Fortin que le chiffre d'affaires passerait de 1,1 milliard d'euros en 2020 (impact de la crise sanitaire), culminerait à 1,8 milliard d'euros en 2033 pour redescendre à 925 millions d'euros en 2034, dernière année de la concession de Cofiroute.

Sur l'ensemble de la période, la société réaliserait environ 3,6 milliards d'euros d'investissements .

Elle s'acquitterait de 3,4 milliards d'euros d'impôt sur les sociétés .

Les dividendes cumulés sur la période 2020-2036 représenteraient quelque 6,7 milliards d'euros .

Sur l'ensemble de la période 2006-2036, le montant total de dividendes distribués atteindrait donc 12,5 milliards d'euros .

Principales projections financières estimées
pour la société Cofiroute sur la période 2020-2034

Source : Frédéric Fortin, expert en fusion acquisition et en finances d'entreprise

5. Une rentabilité qui devrait dépasser la rentabilité initialement prévue sur les dix dernières années des contrats de concession

Il résulte de l'analyse proposée par Frédéric Fortin, sur la base d'hypothèses prudentes, que la rentabilité « actionnaires » attendue des contrats « historiques » serait atteinte autour de 2022 pour Vinci et Eiffage, soit 16 ans après la privatisation . La durée de ces contrats de concession était donc manifestement trop longue d'au moins 10 ans.

Il convient par ailleurs de souligner que la rentabilité en fin de contrat a tendance à ne pas être prise en compte dans les projections du fait des taux d'actualisation utilisés et de la longue durée des contrats. Cette limite tient aux méthodes habituellement retenue en matière d'analyse financière qui n'appréhendent pas des horizons aussi éloignés. À titre d'exemple, 1,5 milliard d'euros en 2035 sont pris en compte à hauteur de 55 millions d'euros en valeur 2006.

Enfin, et peut-être surtout, au-delà de 2022, les dividendes versés atteindraient environ 40 milliards d'euros dont 32 milliards d'euros pour Vinci et Eiffage, à comparer avec les coûts d'acquisition des sociétés.

Cette perspective montre tout à la fois qu'il est urgent d'arrêter une définition commune de l'équilibre économique et financier des contrats et qu' un tel niveau de rentabilité ouvre à l'État une marge de négociation avec les groupes concernés 166 ( * ) .

IV. DES MODIFICATIONS NOMBREUSES DES CONTRATS DE CONCESSION RÉSULTANT DE NÉGOCIATIONS OPAQUES

Depuis la privatisation de 2006, les contrats de concession autoroutières ont été modifiés à de nombreuses reprises, en particulier pour y ajouter de nouveaux travaux et définir les modalités de leur compensation, non seulement dans le cadre des contrats de plan quinquennaux mais aussi de plans exceptionnels comme le plan de relance autoroutier (PRA) de 2015 et le plan d'investissement autoroutier (PIA) qui l'a suivi en 2017.

L'absence de lisibilité de la politique d'investissement qui résulte de cette stratification des contrats de plan et des plans de relance n'est pas satisfaisante, sans compter qu'elle n'a pas contribué à rééquilibrer les relations entre l'État et les sociétés concessionnaires historiques .

A. L'ACCUMULATION DE CONTRATS DE PLAN ET D'AVENANTS NUIT À LA COHÉRENCE DES POLITIQUES D'INVESTISSEMENT

1. Une stratification de contrats de plans et d'avenants
a) Des contrats de plan quinquennaux

Les contrats de plan, anciennement appelés contrats d'entreprise, conclus entre l'État et les sociétés concessionnaires d'autoroutes, pour une durée de cinq ans, prévoient la réalisation, par la société concessionnaire, d' investissements qui ne figuraient pas initialement dans le contrat de concession.

Ces obligations font l'objet d'une compensation par le biais d'une augmentation supplémentaire des tarifs de péage et/ou d'un allongement de la durée de la concession. .

La pratique des contrats d'entreprise, qui était courante entre l'État et les SEMCA, a été poursuivie après 2006. Les premiers contrats de plan suivant la privatisation des SCA ont été négociés à partir de 2008, à l'expiration des contrats précédents.

Des avenants aux cahiers des charges des concessions approuvés par décret en Conseil d'État formalisent ces contrats de plan. Cette approbation intervient en pratique souvent plus d'une année après le début de l'exécution des contrats de plan , ce qui introduit une forme de fragilité juridique peu satisfaisante .

Les contrats de plan d'APRR et AREA ont ainsi été signés fin 2009 mais le décret approuvant les avenants aux cahiers des charges des contrats de concession n'a été publié que près d'une année plus tard. Ceux-ci ont ensuite été modifiés dès 2011 à la suite d'un avenant au contrat de plan.

b) Des nouveaux travaux en principe utiles et nécessaires

L' article L. 122-4 du code de la voirie routière dispose que des ouvrages ou des aménagements non prévus au cahier des charges peuvent y être intégrés sous condition stricte de leur nécessité ou de leur utilité , ainsi que de leur caractère accessoire par rapport à l'ouvrage principal.

Dans les faits, la négociation des contrats est généralement précédée d'une phase de consultation des sociétés d'autoroutes par le ministère chargé des transports au cours de laquelle les SCA dressent une liste initiale d'investissements qu'elles estiment répondre aux critères d'utilité et de nécessité.

Le contrat de plan d'ASF précise ainsi que la société concessionnaire doit fournir un dossier comprenant des orientations stratégiques et présentant les scénarios d'implantation des sites, avec la justification du besoin, ainsi que les dimensionnements, niveaux de service et les partenariats envisagés.

La négociation des contrats de plan et la rédaction des avenants relèvent de la compétence de la sous-direction de la gestion et du contrôle du secteur autoroputier concédé .

Au sein du ministère de l'économie, le bureau « Économie des réseaux » de la Direction générale du Trésor apporte une contre-expertise sur les questions d'équilibre économique des concessions et de leurs avenants. En particulier, il analyse les taux de rendement interne (TRI) des différents projets d'avenants . Le cas échéant, le bureau peut prendre position sur les hypothèses macroéconomiques ou fiscales (impôt sur les sociétés) sur lesquelles ces avenants sont construits. Ce bureau n'est toutefois pas systématiquement saisi de chaque projet d'avenant.

Considérant que les critères de nécessité et d'utilité étaient insufisamment précis, le législateur a modifié, dans la loi d'orientation des mobilités du 24 décembre 2019, la rédaction de l'article L. 122-4, pour conditionner les nouveaux investissements à l'amélioration du service autoroutier , à une meilleure articulation avec les réseaux routiers pour sécuriser et fluidifier les flux de trafic et à une connexion renforcée avec les ouvrages permettant de desservir les territoires.

Derniers contrats de plan signés avec les SCA historiques

- APRR et AREA : 2009-2013 puis 2014-2018. Il n'y a pas eu de nouveau contrat de plan signé depuis lors.

- ASF et Escota : 2012-2016 puis 2017-2021.

- Cofiroute : 2004-2008, 2010-2014 puis 2017-2021.

- Sanef : 2010-2014 puis 2017-2021.

- SAPN : 2012-2016 puis 2017-2021.

c) Une politique d'investissement peu lisible

Les investissements initialement prévus dans les contrats de plan ont été complétés par ceux retenus dans les différents plans de relance qui se sont succédé rapidement depuis 2010 : le Paquet vert, le PRA et le PIA 167 ( * ) .

Le « Paquet vert  autoroutier»

Le « Paquet vert autoroutier » a été élaboré au cours de deux cycles de négociations en 2008 et 2009, à la suite du Grenelle de l'environnement. Il s'est traduit par la signature d'avenants aux contrats de concession en 2010 168 ( * ) .

Ce plan prévoyait un ensemble de travaux autoroutiers à vocation environnementale , à réaliser avant mars 2013 , pour un montant de 1,023 milliard d'euros . Les travaux ont été compensés par un allongement d'un an de la durée des concessions . Plusieurs objectifs étaient affichés : la réduction des nuisances sonores, la protection de la ressource en eau et de la biodiversité, la requalification des aires d'autoroutes et la réduction des émissions de CO 2 .

Il a été négocié avec ASF, Escota, Cofiroute, Sanef et SAPN, APRR et AREA n'ayant pas participé au deuxième cycle de négociations. Pour ces deux sociétés, l'échec des négociations a conduit une accélération de celles des contrats de plan.

Peu après la signature des décrets approuvant les avenants reprenant les opérations prévues par le Paquet vert, le Gouvernement a demandé aux sociétés concessionnaires de formuler une proposition de second paquet vert, orienté vers la biodiversité. Toutefois, un accord financier entre l'État et les SCA n'ayant pu être trouvé, une partie des propositions des concessionnaires a été reprise au cours des années suivantes par les contrats de plan .

Depuis 2010, les contrats et leurs cahiers des charges ont ainsi été modifiés à plusieurs reprises, au moins cinq fois en moyenne par concession .

La Cour des comptes a souligné dans son référé du 23 janvier 2019 169 ( * ) les conséquences négatives de cette stratification . Lors de son audition par la commission d'enquête, la présidente de la deuxième chambreAnnie Podeur a réitéré ce constat de « de plans à répétition, peu justifiés au regard des priorités de la politique de transport. » 170 ( * )

Les investissements successifs conduisent par exemple à renforcer les avantages comparatifs de l'autoroute au détriment de moyens de transports collectifs , et en particulier du train, sans qu'une véritable stratégie semble mise en place . Ainsi, pour se rendre en Normandie, l'autoroute A13 est beaucoup plus rapide, et donc compétitive, que le train, lequel souffre d'un déficit chronique d'investissements dans la région.

Ces plans successifs sont par ailleurs mis en place alors que les concessions historiques sont entrées dans une phase de maturité. Les investissements visent donc essentiellement à accroître la qualité du réseau grâce à des opérations de moindre ampleur que celles réalisées lors de la phase de construction initiale.

À certains égards, on peut donc s'interroger sur la justification du nombre et l'ampleur des contrats de plan et des plans d'investissement successifs.

Plus généralement, cette superposition ne peut que nuire à la pertinence de l'allocation des investissements , ce que la Cour des comptes souligne également : « cet empilement de plans alimente, sur le réseau concédé, un flux d'investissements d'amélioration des infrastructures existantes et d'aménagements environnementaux, au risque d'un surinvestissement qui contraste avec le sous-investissement que nous constatons aujourd'hui sur le réseau non concédé [...] En termes de politique globale des infrastructures de transport, la Cour ne peut que relever le maintien d'un flux élevé d'investissements sur le réseau concédé alors qu'existent de fortes interrogations sur l'état du réseau non concédé » 171 ( * ) .

Lors de son audition par la commission d'enquête, le ministre de l'économie, Bruno Le Maire, a écarté l'hypothèse d'un nouveau plan de relance autoroutier , en indiquant qu'au sein du plan de relance de l'économie française 172 ( * ) « la priorité absolue [allait] aux mobilités douces, notamment les pistes cyclables et le soutien au vélo, et au transport ferroviaire. » 173 ( * )

La négociation des prochains contrats de plan, qui seront mis en oeuvre pour l'essentiel à partir de 2022, n'a, semble-t-il, pas encore commencé. Il serait souhaitable que leur ampleur soit réduite , dès lors que le maintien du bon état du réseau jusqu'à sa restitution fait partie des obligations contractuelles des SCA et ne peut se traduire par de nouvelles opérations compensables.

2. Une négociation opaque des paramètres financiers

a) Une définition insuffisante des investissements compensables

Il convient de s'assurer que les opérations figurant dans les contrats de plan, tout comme celles retenues par les plans d'investissement, ne sont pas déjà prévues au titre du contrat de concession . Or, la définition du périmètre des investissements compensables apparaît incertaine.

Plus précisément, il s'agit de différencier les investissements de construction sur autoroutes en service (ICAS), c'est-à-dire la réalisation de sections nouvelles, d'élargissements ou d'échangeurs supplémentaires, des investissements d'exploitation sur autoroutes en service (IEAS), c'est-à-dire la mise en oeuvre d'améliorations liées aux évolutions technologiques. Les ICAS relèvent des obligations nouvelles compensables, ce qui n'est pas le cas des IEAS, qui relèvent des obligations du concédant au titre de l'exploitation du réseau concédé.

Cette distinction emporte des conséquences financières importantes. Or, dans son référé précité de 2019, la Cour des comptes observe que les différents plans de relance et contrats de plan « contenaient des opérations pour lesquelles une interprétation rigoureuse des cahiers des charges ou leur lecture comparée montre qu'elles étaient déjà prévues et donc déjà compensées par la perception des péages pendant la durée de la concession ».

Ce faisant, la Cour réitère une recommandation émise en 2010, dans un référé concernant Autoroutes de France et la Caisse nationale des autoroutes 174 ( * ) , dans lequel elle recommandait la fixation par voie réglementaire d'une doctrine précisant les critères permettant d'apprécier le caractère compensable des opérations .

b) Une estimation opaque des coûts des nouveaux investissements

L'estimation des coûts des investissements est un point important de discussion entre l'État et les SCA lors de la négociation des contrats de plan.

Selon Philippe Nourry, président des concessions autoroutières d'Eiffage en France, « les paramètres clés des calculs financiers pour les plans d'investissement ont été quasiment imposés [aux sociétés concessionnaires] depuis 2013, tant pour le contrat de plan 2014-2018 que pour le PRA et le récent PIA » 175 ( * ) .

La Cour des comptes est d'un avis différent lorsqu'elle écrit en 2019 qu'« il ressort du contrôle fait par la Cour que les valeurs retenues pour ces paramètres résultent de travaux d'évaluation dont la traçabilité n'est pas toujours parfaite , notamment du fait qu'ils incluent une part de négociations entre concédant et concessionnaires. Elles apparaissent globalement trop pessimistes quant aux risques réels supportés par les SCA, comme cela avait été démontré par la Cour dans le cas du paquet vert » 176 ( * ) .

Si la réalisation des travaux comporte indéniablement des risques (coût des matières premières, délais, difficultés techniques non identifiées à l'origine etc.), les estimations des coûts des investissements n'apparaissent pas suffisamment documentées .

c) Des TRI qui n'ont pas été renégociés entre la privatisation de 2006 et le plan de relance autoroutier

Entre la privatisation intervenue en 2006 et la renégociation des TRI dans le cadre du PRA, le TRI n'a fait l'objet d' aucune discussion entre l'État et les SCA lors la négociation des contrats de plan et du Paquet vert .

Une note transmise par Sanef indique ainsi « qu'aucun taux de rentabilité interne n'a été partagé avec l'autorité concédante pour l'évaluation de l'équilibre de l'avenant » lors de la négociation des neuvième et dixième avenants qui prolongent pourtant la concession d'un an et majorent les tarifs des péages.

On peut penser qu'il en a été de même pour les autres sociétés.

Le fait que la question du niveau de TRI n'ait pas été abordée alors que les conditions économiques avaient évolué ne peut que laisser perplexe.

3. Un suivi des contrats de plan incomplet

a) Des montants substantiels

Bien qu'inférieurs à ceux des différents plans de relance, les montants de travaux figurant dans les contrats de plan ne sont pas négligeables et emportent des compensations financées par des hausses tarifaires.

Le contrat de plan 2014-2018 d'APRR et AREA prévoyait ainsi 500 millions d'euros d'investissements nouveaux , notamment la réalisation de grands travaux comme la liaison A89-A6, au nord de Lyon.

Celui d'ASF pour 2017-2021 prévoit la compensation d'investissements nouveaux par des hausses additionnelles de tarifs de 0,146 % pour les exercices 2019 à 2021.

b) L'absence de contrôle ex post des coûts effectifs

Dans sa communication de 2013 à la commission des finances de l'Assemblée nationale, la Cour des comptes indique que les contrats de plan constituent un outil potentiellement efficace de suivi de l'activité des sociétés concessionnaires, avant d'ajouter qu'il « est toutefois regrettable que les derniers contrats de plan ne comprennent pas de clause permettant à l'État de connaître le coût réel de tous les investissements compensés alors même que de telles clauses existaient dans les contrats de plan précédents » 177 ( * ) .

La DGITM n'a pas mis en place un tel contrôle. Elle a en effet indiqué au rapporteur que, dès lors que le montant de la compensation est fixé, la réalisation des opérations s'effectue aux risques et périls du concessionnaire, et qu' un contrôle ex post de leur coût serait contraire à cette logique de transfert de risques.

Le rapporteur estime néanmoins que le suivi des investissements compensés dans les contrats de plan est un enjeu majeur et regrette que les recommandations formulées à de multiples reprises par la Cour des comptes n'aient pas été prises en compte dans la dernière génération de contrats de plan.

B. UN COÛT NÉGOCIÉ DU CAPITAL TOUJOURS TROP ÉLEVÉ

La commission d'enquête a pu prendre connaissance des travaux de Noël Amenc , professeur de finance et doyen associé à la direction du développement de l'EDHEC Business School et Frédéric Blanc-Brude , directeur d'EDHECinfra, qui viennent de publier une étude relative au coût du capital des concessions autoroutières 178 ( * ) .

1. Une prime de risque évaluée sur une base européenne

L'évaluation du coût du capital des sociétés d'autoroutes françaises se heurte à une difficulté importante : ces sociétés n'étant pas cotées , il n'est pas possible d'observer leur exposition au risque de manière directe.

Par ailleurs, compte tenu du faible nombre de sociétés concessionnaires d'autoroutes cotées en Europe , il y a peu d'échanges trimestriels portant sur des titres de telles sociétés, ce qui ne permet pas de réaliser des comparaisons pertinentes.

Pour contourner cette difficulté, l'étude de MM. Amenc et Blanc-Brude s'appuie sur l'observation du marché secondaire des titres des sociétés d'infrastructures , qui « a beaucoup grandi depuis deux décennies, à mesure que de nombreux investisseurs institutionnels se sont intéressés à l'infrastructure comme classe d'actifs alternative ».

Les transactions réalisées sur ce marché permettent de révéler les rendements et donc les primes de risque attendus par les investisseurs . Il est alors possible de mesurer le prix des facteurs de risque communs à tous les projets d'infrastructure, comme par exemple les primes de risque demandées en fonction du taux d'endettement des projets, de leur taille ou de leur intensité capitalistique.

En observant l'exposition de chacun des projets d'infrastructure à ces facteurs de risque, on peut ensuite « évaluer la prime de risque globale des fonds propres pour toutes les autres entreprises d'infrastructure à la même date », y compris pour les entreprises d'infrastructure non cotées.

Pour réaliser leur évaluation, MM. Amenc et Blanc-Brude se sont appuyés sur le très grand nombre de données collectées par EDHECinfra, qui constituent « la plus grande base de données de flux financiers et de prix de transactions secondaires des projets d'infrastructure au monde » 179 ( * ) .

2. Une baisse continue du CMPC moyen

MM. Amenc et Blanc-Brude ont évalué le coût du capital des concessions autoroutières en France, en Espagne et en Italie, sur trois périodes de référence (2005-2010, 2010-2015 et 2015-2020).

Leur analyse montre que le CMPC moyen des autoroutes concédées de ces trois pays est très proche et suit une tendance longue à la baisse , qui s'explique par :

- une baisse assez forte du coût des capitaux propres jusqu'en 2017 - après un pic en 2012 -, qui « coïncide avec l'intérêt croissant des investisseurs pour les projets d'infrastructure pendant cette période » ;

- une baisse du coût de la dette des sociétés concessionnaires depuis 2008 , en particulier entre 2014 et 2016 et après 2018, liée en grande partie à la baisse des taux sans risque ;

- une augmentation de la part de la dette dans la structure financière des concessions autoroutières en France entre 2008 et 2018 .

S'agissant de la France , MM. Amenc et Blanc-Brude évaluent le CMPC des concessions autoroutières à 5,51 % sur la période 2005-2010, 4,26 % sur la période 2010-2015 et 2,28 % sur la période 2015-2020 180 ( * ) .

Évolution du coût du capital, des fonds propres et de la dette des sociétés autoroutières en France, Italie et Espagne entre 2005 et 2020

Source : EDHECinfra, * taux d'imposition moyen de 25%

MM. Amenc et Blanc-Brude estiment que, fin 2019, le coût du capital des concessions autoroutières avait atteint moins de 2 % . Il a toutefois augmenté au début de l'année 2020 du fait de la crise sanitaire pour s'établir juste au-dessus de ce taux.

Évolution du CMPC moyen des concessions autoroutières
en France, Italie et Espagne

(en pourcentage)

Source : EDHECinfra

3. L'État a négocié sur la base de taux de CMPC très élevés

Au regard de ces analyses, MM. Amenc et Blanc-Brude observent que les taux négociés récemment dans le cadre du plan d'investissement autoroutier semblent « très nettement supérieurs à ceux que l'on peut mesurer sur la base des données de marché ». Le CMPC de 5,9 % retenu repose sur « un coût implicite des capitaux propres de l'ordre de 24 % [...], ce qui peut sembler très élevé au regard des données de marché disponibles ».

Cette critique vaut également pour les CMPC négociés lors des précédents contrats de plan. Ils en concluent que les compensations obtenues par les concessionnaires dans la cadre de ces contrats auraient pu être moins élevées .

Selon leur étude, si le CMPC négocié se rapprochait de celui mesuré sur la base des données de marché, cela se traduirait par des baisses de péage importantes. À travaux, trafic et coûts d'exploitation constants, une baisse de 1 % du CMPC appliquée à l'ensemble des revenus permettrait une réduction moyenne des péages de plus de 15 %.

Comme le relèvent M. Amenc et M. Blanc-Brude : « il est dommage que pour conduire les négociations les plus récentes l'État ne se soit pas donné les moyens d'expertises et d'informations qui sont pourtant facilement disponibles pour défendre ses intérêts ou du moins ceux des usagers qu'il représente aussi dans la négociation avec les sociétés concessionnaires d'autoroutes ».

C. L'ÉQUILIBRE FINANCIER DU PLAN DE RELANCE AUTOROUTIER (PRA) DE 2015 EST FAVORABLE AUX SOCIÉTÉS D'AUTOROUTES

Le plan de relance autoroutier (PRA) a finalement été adopté en 2015, à l'issue de négociations difficiles entre l'État et les SCA historiques.

1. Des divergences initiales importantes

a) Des écarts d'appréciation du coût des travaux, des hypothèses économiques et du montant de la compensation des investissements

La négociation du plan de relance autoroutier (PRA) a débuté en septembre 2012. Ainsi qu'on l'a rappelé plus haut, l'objectif principal de ce plan était de contribuer à la relance du secteur des travaux publics , lourdement impacté par la crise économique de 2008, en réalisant de nouveaux investissements, tant sur le réseau autoroutier concédé que sur certaines parties du réseau autoroutier non concédé, que l'État n'était pas en mesure de financer.

Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du Budget de 2014 à 2017 a indiqué, lors de son audition par la commission d'enquête, qu'il avait été invité à une réunion à Matignon avec d'autres membres du Gouvernement : « Nous nous retrouvons face aux sociétés concessionnaires, représentées par une délégation conduite par le président de Vinci Autoroutes, Monsieur Coppey. La réunion n'est pas très longue et une liste d'opérations de contournements et d'échangeurs est présentée, dans l'objectif de trouver un accord pour mener ces opérations avec un financement conjoint. La réunion n'est pas conclusive et s'achève avec un engagement à travailler sur le sujet et à faire le point trois semaines après. » 181 ( * )

Vingt opérations sont retenues par le Gouvernement en décembre 2012 , sur la base de la liste de projets de travaux proposés par les sociétés d'autoroutes, pour un montant total estimé par les concessionnaires à 5,37 milliards d'euros.

Les travaux proposés portent principalement sur la construction de sections nouvelles et d'ouvrages d'art et l'élargissement de voies existantes. Parmi ces opérations, figurent des travaux de mise aux normes autoroutières de certaines portions du réseau routier non concédé, qui seraient ainsi intégrées dans l'assiette des concessions autoroutières 182 ( * ) .

Des discussions sont entamées en janvier 2013 avec les SCA afin de préciser les conditions juridiques 183 ( * ) , financières et techniques de réalisation de ces projets, sur la base des informations produites par les concessionnaires.

Elles conduisent à retirer du plan de relance plusieurs opérations dont la pertinence, après examen, n'est pas avérée 184 ( * ) et à ajouter de nouvelles opérations en matière de protection de l'environnement (continuité écologique, protection de la ressource en eau) et de multimodalité (aires multimodales, places de voiturage).

Au cours de ces échanges, les services de l'État constatent des divergences importantes entre leurs analyses et celles produites par les sociétés autoroutières s'agissant :

- du coût des opérations : les estimations des SCA sont pour la plupart très supérieures à celles des services de l'État 185 ( * ) ;

- des hypothèses macroéconomiques : celles retenues par les SCA sont pessimistes et très éloignées des prévisions de la Direction générale des infrastructures de transport et de la mer (DGITM), qu'il s'agisse de la croissance du trafic 186 ( * ) , du taux d'inflation 187 ( * ) ou du l'évolution du coût des travaux ;

- du niveau de rémunération du capital investi : la DGITM propose de retenir un taux de rentabilité interne (TRI) des projets compris entre 6,5 % et 7,5 %, alors que les SCA souhaitent un TRI situé entre 8 à 9,5 % 188 ( * ) ;

- de l'allongement de la durée des concessions : en raison du différentiel sur l'estimation des coûts des travaux et des hypothèses économiques, les SCA proposent un allongement situé entre 5 et 7 ans alors que la DGITM le situe entre 2 et 4 ans.

b) Un rapport d'inspection conforte les hypothèses macroéconomiques de l'État mais propose un taux de rentabilité des projets moins élevé

Afin de valider les hypothèses sous-jacentes du plan de relance autoroutier et d'examiner les modèles financiers utilisés, le Gouvernement missionne l'Inspection générale des finances (IGF) et le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) le 6 mai 2013.

Le rapport, remis en juin 2013 par Jean-Michel Charpin, inspecteur général des finances, et Patrick Parisé, ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts 189 ( * ) , valide les paramètres retenus par la DGITM en matière d'inflation (1,8 %) et d'évolution annuelle du coût des travaux (limitée à 4 %).

Concernant les taux moyens annuels de croissance du trafic sur la période 2013-2030, la mission estime que ceux retenus par la DGITM (+ 0,68 % pour les VL et + 0,78 % pour les PL) se situent en bas de la fourchette recommandée (+ 0,7/+1,3 % pour les VL et +0,8%/+0,9 % pour les PL).

Les auteurs du rapport n'ont pas pu expertiser le coût des travaux mais notent toutefois que, par rapport aux coûts initialement évalués par les sociétés d'autoroutes, les négociations ont permis d'aboutir à des estimations partagées nettement inférieures aux estimations initiales.

En matière de prévisions financières, le rapport valide l'estimation de la part de la dette dans le financement des projets de 50%, mais son hypothèse moyenne de coût moyen pondéré du capital (CMPC) est inférieure au taux de 6,57 % proposé par la DGITM (6,3 % pour ASF, 6,1 % pour Escota, 6,2% pour Cofiroute, 6,3 % pour APRR et 6,5 % pour Sanef). Il estime, en outre, que le TRI des projets pourrait être supérieur au CMPC calculé par société en raison d'éventuels risques spécifiques additionnels, sans pouvoir excéder quelques dixièmes de points .

Après la remise de ce rapport, le cabinet du Premier ministre définit un nouveau mandat de négociation en juin 2013, qui reprend les hypothèses initiales de la DGITM en termes d'évolution du trafic, de l'inflation et du coût des travaux .

Hypothèses macroéconomiques du PRA
retenues par le Gouvernement

Évolution annuelle du trafic

Évolution annuelle du coût des travaux

Taux d'inflation

VL

PL

0,68 %

0,78 %

4 %

1,8 %

Source : Commission d'enquête, d'après les données transmises par le Ministère de la transition écologique et solidaire

En matière de rémunération du capital, le Gouvernement s'éloigne des analyses du rapport en retenant un TRI de 7,5 %. La commission d'enquête s'interroge sur le choix d'un tel niveau de TRI, qui s'inscrit dans le haut de la fourchette des estimations initiales, et ce alors même que le rapport d'inspection invitait à le fixer autour de 6,5 %.

2. Un premier accord en octobre 2013 retient un TRI et un allongement de la durée des concessions supérieurs à ceux initialement souhaités par le Gouvernement

Des protocoles d'accord sont conclus entre l'État et les SCA en octobre 2013 , qui portent sur une liste actualisée de travaux dont le coût total est alors évalué à 3,6 milliards d'euros, et qui prévoient au titre de leur compensation :

- pour le groupe Sanef-SAPN , un allongement de 2 ans pour Sanef (TRI de 8,1 %), et de 6 ans pour SAPN (TRI de 7,44%), soit un TRI groupe de 7,77 % ;

- pour le groupe APRR-AREA , un allongement de 3 ans et 4 mois pour APPR (TRI de 7,65 %), majoré de 11 mois en cas d'intégration de la concession du tunnel Maurice Lemaire, et de 3 ans et 9 mois pour AREA (TRI de 7,75 %), soit un TRI groupe de 7,75 % ;

- pour le groupe Vinci Autoroutes, un allongement de 2 ans et 6 mois pour Cofiroute (TRI de 7,3 %), de 2 ans et 4 mois pour ASF (TRI de 7,9 %) et de 4 ans et 2 mois pour Escota (TRI de 8 %), soit un TRI groupe de 7,79 % .

Si les hypothèses retenues en matière d'évolution du trafic et du coût des travaux sont celles défendues par le ministère, le TRI négocié et l'allongement de la durée des concessions sont supérieurs à ceux prévus par le mandat interministériel .

Comparaison entre les durées d'allongement et les TRI proposés
par le Gouvernement et ceux retenus dans les protocoles d'accord
du 8 octobre 2013

Concession

Mandat interministériel de juin 2013

Protocoles d'accord entre l'État et les SCA du 8 octobre 2013

Durée de l'allongement

TRI du groupe

Durée de l'allongement

TRI du groupe

APRR

3 ans

7,5 %

3 ans et 4 mois (majorés de 11 mois en cas d'intégration de la concession du tunnel Maurice Lemaire)

7,75 %

AREA

3 ans et 4 mois

3 ans et 9 mois

Sanef

1 an et 9 mois

7,5 %

2 ans (durée pouvant être revue à la baisse en fonction des résultants de la contre-expertise de la provision de 86 millions d'euros prévue)

7,77 %

SAPN

4 ans et 4 mois

6 ans

Cofiroute

2 ans et 6 mois

7,5 %

2 ans et 6 mois

7,79 %

ASF

2 ans et 1 mois

2 ans et 4 mois

Escota

3 ans et 6 mois

4 ans et 2 mois

Source : Commission d'enquête, d'après les données transmises par le Ministère de la transition écologique

En parallèle de ces négociations, se tiennent des discussions sur la compensation de la hausse de la redevance domaniale intervenue au 1 er juillet 2013 en application du décret du 28 mai 2013 190 ( * ) .

Plusieurs sociétés d'autoroutes ont en effet introduit un recours pour excès de pouvoir contre cette augmentation et ont demandé à l'État sa compensation intégrale avec pour intention, en cas de refus, de saisir le juge des contrats pour obtenir une indemnisation.

Alors qu'en première analyse, les services de l'État estiment qu'un tel contentieux pourrait être gagné par l'État, dans la mesure où la hausse de la redevance domaniale ne remet pas en cause de manière substantielle l'équilibre économique des contrats, la DGITM propose aux concessionnaires en juin 2013 une compensation partielle comprise entre 20 % et 50 % par le biais d'une augmentation des tarifs.

Les sociétés concessionnaires conditionnant la signature du plan de relance à la compensation intégrale de la hausse de la redevance domaniale, le Gouvernement finit par accepter le principe d'une telle compensation par le biais d'une hausse tarifaire de 1,63% pour APRR et AREA, 1,56% pour Sanef, SAPN et Escota, et 1,5% pour ASF et Cofiroute, lissée sur trois ans entre 2014 et 2016.

L'absence de certitude du Gouvernement quant à la position de la Commission européenne sur le plan de relance conduit néanmoins à reporter la date d'entrée en vigueur de la première augmentation tarifaire liée à la compensation de la hausse de la redevance domaniale qui était prévue au 1 er février 2014. De nouveaux protocoles d'accord signés en février 2014 entérinent ce report, sans modifier l'équilibre trouvé dans les protocoles d'octobre 2013 191 ( * ) .

3. La Commission européenne valide le plan après avoir pris acte des engagements des autorités françaises

L'allongement de la durée des concessions autoroutières prévu par le plan de relance autoroutier constituait une aide d'État au sens de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Cette aide devait par conséquent être notifiée à la Commission européenne, afin qu'elle apprécie sa compatibilité avec le marché intérieur.

Après des contacts de pré-notification, le dossier de notification du PRA est transmis à la Commission européenne le 16 mai 2014 .

La Commission informe alors le Gouvernement que son contrôle des projets du PRA s'effectuera non seulement sous l'angle des aides d'État, au regard des règles relatives aux compensations de service public 192 ( * ) , mais aussi au regard des règles d'attribution de travaux complémentaires à une concession existante prévues par la directive 2014/23/UE du 26 février 2014 sur l'attribution de contrats de concession.

La Direction générale du marché intérieur de la Commission indique que deux opérations (les contournements de Langres et de Caen) et trois parties d'opérations sur le réseau géré par APPR sont contraires à l'article 43 de la directive 2014/23/UE 193 ( * ) .

Un dossier de notification rectifié est alors adressé à la Commission européenne le 8 octobre 2014 qui ne comprend pas les opérations considérées comme incompatibles avec le droit européen . Le retrait de ces travaux dont le coût était évalué à 331 millions d'euros conduit à revoir les équilibres financiers pour les deux sociétés concernées, APRR et SAPN, et se traduit par une réduction l'allongement de la durée de leurs concessions.

Dans sa décision du 28 octobre 2014 194 ( * ) , la Commission européenne valide le PRA ainsi modifié en considérant que l'aide d'État qu'il constitue est compatible avec le marché intérieur, sous réserve du respect par les autorités françaises de plusieurs engagements consistant à :

- effectuer tous les deux ans un suivi complet du plan de relance autoroutier , tant sur le plan technique (réalisation des opérations) que sur le plan financier (suivi de la compensation et de la validité des prévisions initiales) 195 ( * ) ;

- effectuer un suivi des retards de travaux au 31 décembre 2016 et à la fin des travaux ;

- transmettre des rapports à la Commission européenne vérifiant l'absence de surcompensation en cours de chantier (2017 puis 2020) à la fin des chantiers et à l'échéance actuelle des concessions ;

- introduire un nouvel article dans les contrats de concession abaissant le niveau des péages sur la période d'allongement liée au PRA en cas de surperformance des concessions afin que les recettes ne puissent pas engendrer une surcompensation ;

- abaisser les seuils de mise en concurrence des marchés de travaux de 2 millions d'euros HT à 500 000 euros HT et soumettre Cofiroute aux mêmes règles de mise en concurrence que les autres SCA historiques ;

- intégrer dans les cahiers des charges des sociétés ASF, Escota, Cofiroute, Sanef et SAPN un dispositif d'indicateurs de performance pénalisables , sur la base des dispositions contractuelles applicables aux sociétés APRR et AREA.

S'agissant plus particulièrement du montant de la compensation, la Commission rappelle que celui-ci « ne doit pas dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir le coût de net de l'exécution des obligations de service public, compte tenu d'un bénéfice raisonnable ».

En l'espèce, elle note que « la méthodologie retenue par les autorités françaises pour la mise en place du PRA repose sur un principe de strict équilibre entre les charges nouvelles imposées aux sociétés, principalement sous forme de travaux, et la durée d'allongement accordée aux sociétés ». S'agissant des niveaux de TRI proposés, elle considère qu'ils « permettent de répondre aux exigences de l'encadrement de 2012 sur la notion de bénéfice raisonnable pour ce secteur en fonction du type de travaux concernés, du mécanisme de la compensation et du niveau de risque ».

Au final, le PRA tel que validé par la Commission porte sur des investissements d'un montant de 3,27 milliards d'euros, en contrepartie d'un allongement de la durée des concessions de deux à quatre ans .

Comparaisons entre les durées d'allongement et les TRI des protocoles d'accord du 8 octobre 2013 et ceux validés par la Commission européenne

Concession

Protocoles d'accord du 8 octobre 2013

Décision de la Commission européenne (1)

Durée d'allongement

TRI

Durée d'allongement

TRI

APRR

3 ans et 4 mois

7,65 %

2 ans et 1 mois

7,65 %

AREA

3 ans et 9 mois

7,75 %

3 ans et 9 mois

7,75 %

Sanef

2 ans

8,1 %

2 ans

8,1 %

SAPN

6 ans

7,44 %

3 ans et 8 mois

7,23 %

Cofiroute

2 ans et 6 mois

7,29 %

2 ans et 6 mois

7,29 %

ASF

2 ans et 4 mois

7,93 %

2 ans et 4 mois

7,93 %

Escota

4 ans et 2 mois

8,02 %

4 ans et 2 mois

8,02 %

(1) Après retrait des projets jugés incompatibles avec le droit européen.

Source : Commission d'enquête, d'après les données transmises par le Ministère de la transition écologique

Liste définitive des opérations incluses dans le PRA (3,27 milliards d'euros)

Groupe

Société

Axe et section

Coût estimé

(en millions d'euros)

APRR/AREA

APRR

RN 79 - RCEA « Ouest » / Montmarault - Tronget

90

APRR

RN 79 - RCEA « Est » / A6 - Sainte-Cécile

39

APRR

A75 / Clermont-Ferrand

170

APRR

RN 1019 / Sévenans

120

AREA

A480 / Grenoble

300

Vinci Autoroutes

ASF

A46 Sud

10

ASF

A9 / Le Boulou - Le Perthus

180

ASF

A63 / Ondres - Saint Geours-de-Maremne

313

ASF

A61 - A66 / Narbonne

200

ASF

Aménagements environnementaux

100

Cofiroute

A10 / Orléans

219

Cofiroute

A10 / Tours - Poitiers

305

Cofiroute

Aménagements environnementaux

40

Escota

A50 - A57 / Toulon

600

Sanef

Sanef

A4 / Contournement nord de Metz

16

Sanef

A26 / Boulogne - Saint Omer

80

Sanef

A29 / Création de BAU

33

Sanef

Programme complémentaire (aménagements environnementaux, aménagement d'aires d'arrêt, aménagement d'échangeur)

201

SAPN

A13 - Pont l'Évêque - Caen

166

SAPN

Aménagements divers

89,3

Source : Ministère de la transition écologique

4. Un plan dont l'équilibre financier apparaît favorable aux sociétés d'autoroutes

a) Une finalisation retardée par les polémiques autour de la rentabilité des concessions et actée dans le protocole d'accord du 9 avril 2015

Alors que le processus de conclusion du plan de relance autoroutier touche à sa fin, son calendrier de mise en oeuvre est retardé par la polémique relative aux concessions autoroutières déclenchée par la publication de l'avis de l'Autorité de la concurrence de septembre 2014 qui critique le niveau de profitabilité des SCA au regard des risques pris, ainsi que par le gel de l'augmentation annuelle des péages de 2015 décidée par le Gouvernement

Le PRA est alors inclus dans des négociations plus larges visant à rééquilibrer les relations entre l'État et les SCA et à solder les contentieux relatifs à la hausse de la redevance domaniale et au gel tarifaire de 2015, qui débouchent sur la signature d'un protocole d'accord le 9 avril 2015 196 ( * ) .

Les avenants transcrivant dans les conventions de concession le PRA et les principaux points de l'accord s ont finalement signés le 31 juillet 2015 et approuvés par des décrets du 21 août 2015 .

Au final, alors que le PRA s'inscrivait dans une logique de relance rapide du secteur des travaux publics, un retard important a été pris entre la décision de lancer ce plan et sa mise en oeuvre effective . À ce jour, seules 50 % des opérations prévues ont d'ailleurs été réalisées 197 ( * ) .

b) Un taux de rentabilité des investissements avantageux pour les sociétés d'autoroutes

La rentabilité définitive des investissements effectués dans le cadre du plan de relance autoroutier ne pourra être complétement appréciée qu'à la fin des concessions, en fonction des recettes supplémentaires effectivement perçues par les sociétés d'autoroutes.

La commission d'enquête note toutefois qu'au stade de la négociation des sous-jacents du PRA, l'État a pu imposer ses hypothèses macroéconomiques mais que les TRI finalement retenus, de 7,7 % en moyenne, sont supérieurs à ceux qui étaient proposés par le ministère de l'économie et des finances et aux préconisations du rapport Charpin-Parisé.

Ce choix de TRI résulte d'une négociation entre l'État et les SCA, qui s'appuie certes sur des éléments financiers mais relève in fine d'une décision politique.

C'est bien ce qu'ont rappelé les présidents des sociétés d'autoroutes interrogés par la commission d'enquête. Pierre Coppey , président de Vinci Autoroutes, a ainsi indiqué : « Le TRI du plan de relance de 2015 a été négocié entre l'État, représenté par le ministère des finances et le ministère de l'équipement, et les sociétés concessionnaires, qui avaient désigné un négociateur, Bruno Angles. Il y avait plusieurs business model et nous avons trouvé à l'arrivée un point d'équilibre, qui est le fruit de cette négociation . » 198 ( * )

Quant à Philippe Nourry , président des concessions d'Eiffage en France, il a déclaré : « Le TRI doit être relié aux autres hypothèses. L'État nous a quasiment imposé les hypothèses d'évolution de l'inflation, du trafic et du coût des travaux et ces hypothèses ne correspondaient pas à notre prévision. Il ne restait alors que le TRI comme variable d'ajustement . Des discussions sont intervenues sur le TRI qui était alors proche de 7,5 % : nous l'avons accepté puisque nous n'aurions dans le cas contraire pas signé le plan de relance autoroutier. Si les autres paramètres financiers ne nous avaient pas été imposés, le TRI aurait pu être plus bas. » 199 ( * )

Lors de la négociation du protocole d'accord de 2015, l'État a en réalité été lié par les accords de 2013 sur le PRA. Alexis Kohler a ainsi indiqué à la commission d'enquête : « Dans le plan de relance négocié préalablement à partir de 2012 figurait [...] un TRI autour de 8 %. Ce TRI lié au plan de relance et qui venait tout juste d'être négocié par les services de l'État a servi de base à la discussion. Je le dis d'autant plus librement que je n'étais pas impliqué dans cette négociation. Le plan de relance a été validé par la Commission européenne. Implicitement, celle-ci a considéré qu'il n'emportait pas d'aide d'État et n'était pas surestimé. La négociation [du protocole] a donc démarré sur la base d'un TRI négocié par l'État pour un plan de relance validé par la Commission européenne et situé à l'intérieur d'une fourchette. Il aurait évidemment été dans l'intérêt de l'État que ce taux soit plus bas, et dans celui des sociétés d'autoroutes qu'il soit plus élevé, celles-ci arguant qu'au moment de la privatisation le taux était estimé à cette hauteur, voire à des niveaux supérieurs. Les services de l'État ont indiqué qu'il n'y avait pas, de leur point de vue, de surprofit . Je ne vous dirai pas que ce TRI est idéal, mais, au regard de l'équilibre de la négociation, il me semble convenable. » 200 ( * )

c) L'absence de mise à jour des hypothèses macroéconomiques entre 2013 et 2015 a profité aux sociétés d'autoroutes

Comme pour le TRI, la commission d'enquête constate qu'une fois négociées en 2013, les hypothèses macroéconomiques sous-tendant l'équilibre du PRA n'ont plus été revues par la suite par le Gouvernement .

Cette absence de mise à jour a joué en faveur des sociétés d'autoroutes. En effet, comme l'indiquent des documents transmis à la commission d'enquête, le ministère avait constaté à la fin de l'année 2014 que la valeur des paramètres macroéconomiques constatée en 2013 était plus favorable que les hypothèses retenues dans les protocoles d'accord - en particulier, les hausses de trafic étaient plus importantes que prévues. Néanmoins, le choix a été fait de conserver les hypothèses initiales, afin de ne pas compromettre les négociations du PRA.

Les éléments transmis à la commission d'enquête relatifs à l'exécution du PRA montrent par ailleurs que cette tendance s'est poursuivie les années suivantes , de 2015 à 2018 : l'évolution du trafic a été plus dynamique et celle du coût des travaux plus faible que ce qui avait été anticipé 201 ( * ) .

d) Un plan sévèrement critiqué par la Cour des comptes

Dans son référé de janvier 2019 202 ( * ) , la Cour des comptes a sévèrement critiqué les modalités de calcul de la compensation du plan de relance autoroutier. Elle dénonce en particulier :

- la forme de la compensation par voie d'allongement de la durée des concessions , qui « entraîne un renchérissement correspondant au long différé de remboursement et à l'augmentation des risques qu'il implique ». La Cour constate que la compensation permettra aux SCA de bénéficier d'une quinzaine de milliards d'euros de recettes supplémentaires sur la durée des allongements prévus, une somme à mettre en regard du montant des investissements de 3,2 milliards d'euros ;

- l'inclusion d'opérations déjà prévues par les cahiers des charges des sociétés et donc déjà compensées ;

- les paramètres de calcul de la compensation (inflation, coût des travaux, trafic autoroutier et TRI) qui « résultent de travaux d'évaluation dont la traçabilité n'est pas toujours parfaite, notamment du fait qu'ils incluent une part de négociations entre concédant et concessionnaires » et qui « apparaissent globalement trop pessimistes quant aux risques réels supportés par les SCA ». La Cour considère à cet égard que, si la mission confiée à l'IGF et au CGEDD pour déterminer ces paramètres a permis d'apporter un regard extérieur, l'approche mise en oeuvre est insuffisante.

Lors de son audition par la commission d'enquête, la présidente de la deuxième chambre de la Cour des comptes, Annie Podeur, a rappelé les inconvénients du recours à l'allongement de la durée des concessions : « Il s'agit d'une forme de facilité pour les pouvoirs publics qui recouvre en réalité un coût élevé pour la collectivité . Cette formule de l'allongement présente l'avantage de ne pas solliciter les comptes publics et de ne pas augmenter les tarifs auxquels sont soumis les usagers, mais en reportant ce coût sur l'usager futur. Elle repose sur l'idée que cette contribution restera assez indolore, car repoussée assez loin dans le temps, en partie sur d'autres générations et pourra passer inaperçue du fait de l'accoutumance aux péages. Pour autant, cette formule a un inconvénient majeur : son surcoût . Elle revient cher, parce qu'elle reporte le financement loin dans le temps du fait de l'application d'un taux d'actualisation élevé, de l'ordre de 8 %, qui garantit une profitabilité incontestable aux sociétés concessionnaires, supérieure au taux d'actualisation public . Elle présente un autre inconvénient. L'allongement des concessions repousse également leur remise en concurrence dont nous pourrions attendre des effets favorables en termes de prix ou d'innovation et qui devrait être l'occasion d'une réflexion stratégique sur l'avenir du réseau national. » 203 ( * )

Dans son référé, la Cour constate que le niveau élevé du TRI retenu dans le cadre du PRA induit un surcoût important pour les usagers . Elle note d'ailleurs que, dans le cadre du plan d'investissement autoroutier (PIA) négocié à partir de 2016, l'État et les SCA se sont mis d'accord sur un TRI de 6,5 %, qui a ensuite était abaissé à 5,9 % après l'avis de l'Autorité de régulation des transports (ART). Elle en conclut que le TRI du PRA peut a posteriori être considéré comme élevé.

C'est ce qu'a souligné Daniel Vasseur, conseiller référendaire à la Cour des comptes, devant la commission d'enquête : « Nous sommes passés de 8% à 6,5 %, une différence que ne justifiait pas l'écart de date, car les taux d'intérêt n'ont pas baissé dans une telle proportion dans ce laps de temps. L'ART a ensuite obtenu un abaissement de 6,5 à 5,9 %. Ce taux reste pour autant supérieur aux 4,5 % correspondant au taux officiel d'actualisation des collectivités publiques. » 204 ( * )

e) Un suivi financier indispensable

Dans sa décision susmentionnée relative au plan de relance autoroutier, la Commission européenne a conditionné la validation du PRA au respect, par les autorités françaises, d'un certain nombre d'engagements visant notamment à prévenir toute surcompensation.

Ces engagements se sont traduits par l' introduction , dans les cahiers des charges des sociétés d'autoroutes, de nouvelles dispositions , en particulier :

- un mécanisme de neutralisation des avantages financiers en cas de retard des travaux prévus au titre du PRA (article 7.6), constaté au 31 décembre de l'année de la dernière mise en service ;

- un suivi de l'exécution des travaux du PRA (article 9 ter ) comportant :

o un rapport détaillé d'exécution des opérations tous les six mois, comprenant notamment un état d'avancement physique et un échéancier prévisionnel ;

o un bilan complet de la mise en oeuvre du PRA tous les deux ans à compter du 31 décembre 2016, qui précise l'état d'avancement des opérations et permet d'assurer le suivi financier du PRA ;

- une clause de non-surcompensation par adaptation des péages, dite clause endogène de péages (article 25.11), qui permet d'abaisser de manière automatique le niveau des péages en fonction du chiffre d'affaires constaté à partir de la première année de l'allongement de la durée de la concession. Cette disposition ne trouvera donc à s'appliquer, le cas échéant, qu'à la fin des concessions ;

- des indicateurs de performance assortis de pénalités (articles 13.3 et 39.8) relatifs notamment à l'état des chaussées et des ouvrages d'art, à la qualité des aires de repos et à la gestion de la viabilité hivernale.

Comme rappelé plus haut, le suivi de l'exécution des travaux prévus par le PRA est effectué par la DGITM, à partir des éléments que les SCA doivent régulièrement lui communiquer.

La DGITM a indiqué au rapporteur qu'au 1 er trimestre 2020 , le taux d'avancement des travaux était d' environ 50 %, ce qui représente plus de 1,6 milliard d'euros de travaux sur les 3,2 milliards d'euros prévus par le plan. L'avancement physique des opérations est très variable « compte tenu de maturités d'opérations très différentes ».

La DGITM estime que cette situation est conforme aux engagements contractuels , libellés par rapport à la date des procédures administratives (essentiellement les déclarations d'utilité publique - DUP) et non de celle de la contractualisation. Il est à noter que le calendrier d'exécution fixé en 2013 n'a pas été mis à jour lors de la finalisation du plan.

Un suivi financier du PRA, visant à garantir l'absence de surcompensation, consiste actuellement à vérifier tous les deux ans la validité des prévisions sur lesquelles se fonde le calcul de la compensation, afin de s'assurer que le taux de rentabilité pour chaque SCA demeure proche de la définition initiale. À cette fin, le concédant collecte auprès des SCA les informations relatives à l'évolution des paramètres macroéconomiques utilisés pour la modélisation financière (trafic, inflation, coût des travaux). Ces informations permettront de réaliser un bilan financier ex post du PRA à l'issue de la période d'allongement , c'est-à-dire à la fin des concessions.

Si la DGITM dispose donc des éléments nécessaires pour suivre l'exécution du PRA, la commission d'enquête constate que l'engagement que le Gouvernement avait pris auprès de la Commission européenne de lui transmettre des rapports « incluant une vérification de la non-surcompensation en cours de chantier (2017 puis 2020), à la fin des chantiers , mais aussi à la fin actuelle des concessions (entre 2027 et 2030) » 205 ( * ) n'a pas été tenu. Toutefois, pour l'heure, il n'apparaît pas que la Commission européenne se soit manifestée à ce sujet.

D. LES NÉGOCIATIONS PLUS ÉQUILIBRÉES DU PLAN D'INVESTISSEMENT AUTOROUTIER (PIA) GRÂCE À L'INTERVENTION DE L'AUTORITÉ DE RÉGULATION DES TRANSPORTS

1. Un plan d'investissement portant sur des aménagements d'une ampleur limitée

Annoncé le 28 juillet 2016 par le Président de la République François Hollande, le plan d'investissement autoroutier (PIA) visait à répondre aux demandes de nombreux élus locaux qui souhaitaient obtenir des aménagements autoroutiers d'une ampleur souvent limitée, mais destinés à faciliter les déplacements du quotidien et à améliorer la desserte de leurs territoires. Il devait, en outre, comporter un important volet environnemental .

L'État a demandé à l'Association française des sociétés d'autoroutes (ASFA) de lui soumettre une liste de projets susceptibles d'être financés par des hausses additionnelles de péage 206 ( * ) , d'une maturité suffisante et proposant, pour les projets d'initiative locale, un co-financement substantiel par les collectivités territoriales bénéficiaires .

2. Des négociations qui ont conduit à la sélection de 57 projets pour un montant de 800 millions d'euros
a) Un tri parmi 300 projets proposés par les sociétés concessionnaires d'autoroutes

La liste présentée le 1 er septembre 2016 par l'ASFA comportait près de 300 projets, pour un montant de 11,6 milliards d'euros .

Selon les informations qu'elle a fournies à la commission d'enquête, la DGITM a rapidement écarté les projets susceptibles de contrevenir au droit de la commande publique (adossements), ceux jugés étrangers à l'objet du plan (opérations d'élargissement), les opérations faisant déjà partie des obligations contractuelles des SCA, ainsi que les projets qui n'apparaissaient pas susceptibles d'être cofinancés par une ou plusieurs collectivités territoriales .

La DGITM a ensuite établi, pour chaque concession, une première sélection écartant les projets insuffisamment avancés pour pouvoir être retenus .

Cette sélection a fait l'objet de nouvelles discussions avec les SCA de septembre à décembre 2016 afin d'arrêter la liste finale des opérations compensables et d'aboutir à un accord sur leur contenu et leurs coûts.

À l'issue de cette négociation, environ un sixième des projets figurant sur la liste initiale de l'ASFA ont été retenus , représentant un quinzième de l'enveloppe globale proposée par les SCA .

57 opérations ont ainsi été inscrites dans la première version du PIA, pour un coût prévisionnel d' un peu plus de 800 millions d'euros .

Les 57 opérations initialement envisagées dans le PIA

SCA concernée

Nombre d'opérations

Montant des travaux

Sanef

7

99,6 millions d'euros

SAPN

5

47,4 millions d'euros

Cofiroute

5

125,3 millions d'euros

APRR

10

156,2 millions d'euros

AREA

5

65,9 millions d'euros

ASF

16

247,8 millions d'euros

Escota

9

59,5 millions d'euros

Total

57

801,7 millions d'euros

Source : Autorité de régulation des transports (ART)

Ces opérations portaient, dans leur majorité, sur la création ou l'aménagement d'échangeurs et de diffuseurs autoroutiers ( 484 millions d'euros ) et sur des travaux d'amélioration d'insertion environnementale tels que des murs anti-bruit ou des passages à faune ( 237 millions d'euros ).

b) Un TRI finalement négocié à 6,5%

L'éventualité d'un nouvel allongement de la durée des concessions ayant été rapidement écartée, les 800 millions d'euros d'investissements prévus au PIA devaient nécessairement être compensés par des hausses des tarifs de péages .

Or, comme lors de la négociation des avenants précédents, et en particulier du plan de relance autoroutier, le PIA présentait l'inconvénient majeur de reposer sur un processus de négociation de gré à gré entre l'État et les SCA , c'est-à-dire sans mise en concurrence et donc sans régulation spontanée par le marché .

Toute la difficulté consistait à déterminer le niveau de rentabilité des fonds propres que pouvaient légitimement exiger les actionnaires des sociétés d'autoroute pour investir dans le plan proposé.

Une note fournie à la commission d'enquête par la DGITM permet de mieux comprendre la négociation qui s'est tenue entre elle et les SCA sur ce point essentiel .

Invitées à s'exprimer sur leur cible de TRI, les SCA ont avancé, sans fournir de justifications, qu'elles souhaitaient bénéficier d'un TRI de 7 % à 8%, analogue à celui qu'elles avaient obtenu pour le plan de relance autoroutier , dont on a vu qu'il était particulièrement élevé et qu'il avait été négocié dans un contexte économique beaucoup moins favorable .

La DGITM , pour sa part, considérait qu'un TRI proche de 4 % serait en mesure de fournir une rémunération raisonnable des capitaux investis. En majorant les périmètres choisis pour le coût de la dette et la part des fonds propres, elle estimait envisageable d'accepter un TRI s'élevant au maximum à 5,5 % , même si cela risquait de susciter un avis négatif de la part de l'ART.

À l'issue des négociations avec les SCA, la DGITM a finalement accepté un TRI de 6,5% , soit u n niveau beaucoup plus élevé que celui qu'elle jugeait justifié au départ, venant ainsi une nouvelle fois confirmer l'hypothèse d'un rapport de force structurellement favorable aux SCA .

Sur la base de ce TRI de 6,5 %, les investissements réalisés dans le cadre du PIA devaient être financés par des hausses de péages comprises entre 0,1 % et 0,4 % par an sur les années 2019, 2020 et 2021 et par des subventions des collectivités territoriales représentant 220 millions d'euros .

La prise en compte d'un TRI de 6,5% au lieu de 4 % aurait généré un surplus de revenus de l'ordre de 20 millions d'euros par an pour les sociétés concessionnaires jusqu'à la fin de leur concession, soit de l'ordre de 300 millions d'euros .

3. L'avis de l'ART, qui n'a pas été entièrement suivi d'effet, a permis de rééquilibrer significativement les négociations

Alors que l'Autorité de régulation des transports (ART) ne disposait pas encore de compétences en matière autoroutière lors de la conclusion du plan de relance autoroutier, la situation avait profondément évolué depuis le 1 er février 2016 .

Depuis cette date en effet, l'article L. 122-8 du code de la voirie routière prévoit que l'ART est consultée sur tout projet de contrat modifiant un contrat de concession d'autoroute dès lors qu'il a une incidence sur les tarifs de péage ou sur la durée de la concession.

Le financement du PIA reposant principalement sur une hausse additionnelle des tarifs de péages , l'ART a donc été saisie le 13 mars 2017. Elle a rendu ses avis sur les avenants qui concrétisaient le PIA le 14 juin 2017, avis dans lesquels elle recommandait une importante révision du programme de travaux résultant des négociations entre les SCA et la DGITM.

a) Un périmètre réduit à 700 millions d'euros

L'ART a, en premier lieu, suggéré d' écarter un certain nombre de projets dont la nécessité ou l'utilité pour l'exploitation de l'autoroute n'étaient pas démontrées .

Pour tenir compte de cet avis, et avant même de consulter le Conseil d'État, la DGITM a modifié les projets d'avenant en réduisant le périmètre d'une opération et en en retirant sept autres qui, en phase d'étude ou en phase de travaux, se caractérisaient par une trop grande incertitude quant à leurs coûts .

Les opérations prévues au PIA écartées
à l'issue de l'avis de l'ART

Opération

SCA concernée

Montant (millions d'euros)

Avis ART

Étude préalable sur le raccordement de la déviation de Baillargues-Saint-Brès (RN113)

ASF

0,3

Utilité pour la concession non établie

Étude préalable sur le raccordement du contournement ouest de Montpellier au réseau concédé

ASF

0,3

Utilité pour la concession non établie

Étude relative à l'amélioration de l'insertion environnementale de l'A7 dans la traversée de Valence

ASF

0,3

Utilité pour la concession non établie

Aménagement de 2 écoponts (sur 5 prévus initialement)

Cofiroute

9,0

Utilité pour la concession non établie

Étude préalable relative à l'aménagement d'un itinéraire entre Villeneuve-Loubet Plage et Antibes Est

Escota

0,2

Utilité pour la concession non établie

Étude préalable relative au raccordement de la RM 6202 bis à l'A8

Escota

0,2

Utilité pour la concession non établie

Dédoublement de la sortie de Villeneuve-Loubet

Escota

12,5

Utilité pour la concession non établie

Reprise de la brelle des Mureaux vers Paris sur l'autoroute A13

SAPN

4,5

Possible obligation contractuelle

Total

27,2

Source : Autorité de régulation des transports (ART)

Cette première réduction du nombre d'opérations retenues a permis de réduire le montant du PIA de 27,2 millions d'euros .

Dans ses avis, l'ART a également préconisé d' écarter un certain nombre d'opérations qui étaient déjà prévues dans les contrats de concession, comme par exemple des diffuseurs déjà contractualisés mais non encore réalisés .

Elle a également préconisé d' écarter les opérations qui relevaient d'une obligation ordinaire du concessionnaire de mettre à disposition des ouvrages fonctionnant correctement, comme par exemple la remise en état d'une aire d'autoroute existante.

Si la DGITM a fait le choix de maintenir dans le cadre du PIA les opérations que l'ART avait conseillé d'écarter pour l'un ou l'autre de ces deux motifs, le Conseil d'État a fort heureusement donné raison à l'ART en estimant qu'il n'était pas acceptable de financer par des hausses de péages supplémentaires des opérations relevant d'obligations contractuelles antérieures .

Les opérations prévues au PIA écartées par l'ART
puis par le Conseil d'État

Opération

SCA

Montant (en millions d'euros)

Avis ART

Demi-diffuseur de Genlis sur l'A39

APRR

10,5

Remplacement d'un ouvrage prévu dans le cahier des charges

Demi-diffuseur orienté vers Lyon à Quincieux sur l'A46 - (projet initial d'un diffuseur complet)

APRR

9,2

Déjà prévu au cahier des charges

Réduction du risque d'inondation à Burnhaupt-le-Bas (A36)

APRR

2,5

Possible obligation contractuelle

Requalification de 42 aires de repos

APRR

21,8

Possible obligation contractuelle

Diffuseur de Morlaas sur l'A64

ASF

9,3

Déjà prévu au cahier des charges

Demi-diffuseur complémentaire B.A.R.O/RD19 sur l'A641

ASF

3,0

Déjà prévu au cahier des charges

Programme d'amélioration de la durée de vie des ouvrages d'art du Boulonnais sur l'autoroute A16

Sanef

8,6

Possible obligation contractuelle

Programme d'amélioration de la qualité de service des aires

SAPN

12,1

Possible obligation contractuelle

Total

77,0

Source : Autorité de régulation des transports (ART)

À la suite l'avis conforme du Conseil d'État, la DGITM a été contrainte de supprimer une opération et d'en écarter sept autres relevant d'obligations contractuelles préexistantes , ce qui a permis de réduire le montant du PIA de 77 millions d'euros , les opérations écartées devant être réalisées sans compensation .

Au total, le PIA, après examen par l'ART et par le Conseil d'État, comprend finalement 43 opérations (au lieu de 57 initialement), pour moins de 700 millions d'euros de coûts prévisionnels de travaux (au lieu de 800 millions d'euros).

La réduction des travaux pris en compte dans le PIA
à la suite de l'intervention de l'ART (ex-Arafer)

Source : Autorité de régulation des transports (ART)

b) L'intervention de l'ART a permis à l'État d'obtenir une baisse du TRI

(1) Si l'ART n'a pas obtenu gain de cause sur les coûts des travaux...

En ce qui concerne le coût des travaux, l'ART a comparé les dépenses prévisionnelles liées à chacune des opérations aux coûts habituellement constatés , compte tenu de la nature et des caractéristiques de celles-ci. Elle a constaté que les dépenses envisagées étaient « plutôt élevées » pour 17 % de l'enveloppe des opérations (soit 430 millions d'euros), « élevées » pour 24 % d'entre elles et « très élevées » pour 41 % d'entre elles 207 ( * ) .

Compte tenu de cette alerte, la DGITM a fait procéder à des expertises des coûts de travaux par le Cerema et par le bureau d'études suisse Nibuxs . Ceux-ci ont validé les coûts négociés avec les SCA et la DGITM a considéré que l'ART n'avait pas suffisamment justifié ses observations sur ce point.

De son côté, tout en relevant les critiques de l'ART, le Conseil d'État a simplement pris acte de l'existence de contre-expertises , sans écarter l'hypothèse de contentieux devant les juridictions compétentes.

(2) ... ni sur le partage des risques...

Dans ses avis, l'ART a également étudié l'encadrement contractuel envisagé des opérations sous l'angle du partage des risques entre le concédant et le concessionnaire , lequel ne doit pas porter indûment atteinte aux intérêts des usagers.

Elle a estimé :

- que la clause visant à minorer l'indu financier dont bénéficie une SCA en cas de décalage dans le temps de l'échéancier des dépenses d'investissement résultant d'un retard imputable à l'État pour l'obtention de la déclaration d'utilité publique se traduisait par un risque de surcompensation tarifaire en faveur des SCA ;

- que la clause visant à compenser SAPN pour une éventuelle perte de recettes liée à l'ouverture du contournement Est de Rouen limitait la portée de l'article 3.4 de la convention de concession selon lequel « l'État conserve toute liberté de réaliser ou d'améliorer tout ouvrage routier non compris dans la présente concession » et modifiait le partage normal des risques entre l'autorité concédante et la société concessionnaire .

En dépit des arguments de l'ART, la DGITM n'a pas apporté de modifications aux avenants sur ces deux points . Quant au Conseil d'État, il ne s'est pas prononcé sur cette question.

(3) ... elle a en revanche obtenu une réduction limitée du taux de rémunération du capital

Si l'ART, dans ses avis, a validé les estimations des principaux paramètres économiques impactant la rémunération des SCA (hypothèses d'inflation, indice général des travaux publics, trafic), elle a en revanche estimé que le TRI de 6,5 % proposé par l'administration était trop élevé et que le niveau supérieur admissible du TRI , au regard des niveaux de risque pris par les SCA et de la conjoncture économique, était plutôt de 5,6 % .

Forte de cette analyse, la DGITM a repris les négociations avec les SCA pour aboutir finalement à un taux de rémunération du capital de 5,9% . Si cette baisse est significative, elle est malgré tout en deçà de ce que préconisait l'ART, ce qui laisse à penser que le PIA demeure une opération très rentable pour les SCA .

Pour autant, l'intervention de l'ART aura permis de diminuer les hausses tarifaires d'environ 5% par rapport au projet qui lui avait été soumis par la DGITM.

La réduction des hausses tarifaires prévues par le PIA
à la suite de l'intervention de l'ART (ex-Arafer)

Source : Autorité de régulation des transports (ART)

Au total, et comme l'a résumé Bernard Roman, président de l'ART, devant la commission d'enquête, « pour le PIA, nous sommes passés d'environ 800 millions d'euros à moins de 700 millions d'euros et de 57 opérations à 43 , avec une hausse des péages moins forte qu'initialement prévue , de même que pour les revenus des sociétés. L'Autorité a une véritable utilité sur cet aspect . Il y a en effet une inégalité de moyens entre les SCA et le concédant . Le législateur a jugé qu'un tiers neutre était nécessaire. Le PIA a démontré cette nécessité » 208 ( * ) .

De fait, si beaucoup reste à faire pour parvenir à une relation équilibrée entre les SCA et l'État concédant, l'ART a fait la preuve lors de l'examen du PIA qu'elle était désormais indispensable et qu'elle devait être confortée dans son rôle d'arbitre protecteur des intérêts des usagers .

c) Une exécution à peine entamée

La DGITM a indiqué au rapporteur qu'à la fin du 1 er trimestre 2020, l'avancement constaté de la mise en oeuvre du PIA est d'environ 3 %, soit 17  millions de travaux sur les 700 millions prévus par le plan.

Cet avancement est conforme aux engagements contractuels. En effet, les avenants aux contrats découlant du PIA n'ont été approuvés qu'en août et novembre 2018. Le démarrage des opérations cofinancées par les collectivités était par ailleurs tributaire de la signature de conventions de financement qui ont pour la plupart été mises en place depuis lors.

Ceci explique que les opérations les plus avancées correspondent en grande partie à celles qui sont à la charge exclusive du concessionnaire (passages à faune, travaux hydrauliques, etc.), en plus des études opérationnelles. Une grande partie des opérations sont en phase d'études préalables ou de procédure.

TROISIÈME PARTIE
UNE RÉGULATION PLUS EFFICACE
MAIS ENCORE DES LACUNES

La gestion des concessions autoroutières est encadrée par la loi et, surtout, par les contrats de concession conclus par l'État concédant avec les sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA).

L'État contrôle l'exécution de ces contrats et le respect de leurs obligations par les SCA . Il assure le suivi des évolutions tarifaires et négocie avec les SCA les avenants aux contrats de concession et les contrats de plan .

Dans les années qui ont suivi la privatisation des SCA « historiques », la Cour des comptes et l'Autorité de la concurrence ont constaté un fort déséquilibre dans les relations entre l'État et ces sociétés principalement dû au fait que les contrats de concession n'avaient pas été suffisamment adaptés pour tenir compte du transfert au secteur privé de ces sociétés.

La Cour des comptes et l'Autorité de la concurrence ont notamment alerté sur la rentabilité excessive dont bénéficiaient les SCA en raison de cette situation, ainsi que sur les risques concurrentiels de l'attribution sans mise en concurrence de marchés de travaux à des entreprises liées aux groupes auxquels elles appartiennent. En conséquence, elles ont appelé de leurs voeux un renforcement de la régulation du secteur .

Les services de l'État chargés du contrôle des SCA, c'est-à-dire la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) du ministère chargé des transports, à titre principal, mais également la direction générale du Trésor (DGT) et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) du ministère chargé de l'économie et des finances, ont progressivement perfectionné les outils à leur disposition pour exercer cette mission.

Parallèlement, la loi « Macron », adoptée après la signature du protocole de 2015, a doté le secteur autoroutier concédé d'une autorité de régulation indépendante - l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), devenue Autorité de régulation des transports (ART) en 2019.

I. DES RELATIONS FORTEMENT DÉSÉQUILIBRÉES JUSQU'EN 2015

Le contrôle exercé par l'État sur les sociétés concessionnaire d'autoroutes (SCA) comporte plusieurs dimensions.

Le concédant doit en effet s'assurer de la qualité des travaux réalisés sur le réseau concédé et de l'état des infrastructures. Il doit également vérifier et valider le montant et les modalités des augmentations tarifaires annuelles. De manière générale, il peut être considéré que l'exercice de ces missions s'est amélioré au cours des années récentes.

Le concédant, qui est dans une relation contractuelle avec les sociétés concessionnaires, doit également être en mesure de s'assurer du respect des contrats de concession, de faire jouer les clauses qui défendent ses intérêts et de négocier des améliorations dans le cadre des contrats de plan et des avenants. Or, s'agissant des concessions « historiques », le concédant reste prisonnier de contrats très anciens, qui n'ont été aménagés tardivement qu'à la marge.

A. UN DÉSÉQUILIBRE DÉNONCÉ PAR LA COUR DES COMPTES ET L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Les contrats de concession fixent le cadre juridique des obligations respectives des parties et déterminent les relations entre celles-ci pour la durée de la concession. Leur négociation initiale est un enjeu d'autant plus crucial que la durée des concessions est particulièrement longue.

Or, les contrats des concessions historiques ont été établis entre les années 50 et 70 et n'ont pas été revus avant la privatisation. Le cadre qu'ils ont défini est marqué par un déséquilibre structurel de la relation entre l'État concédant et les SCA, ce qui ne soulevait pas de difficulté lorsque les sociétés étaient exclusivement à capitaux publics, mais n'est pas adapté à la régulation de concessions devenues privées.

1. Des contrats de concession qui n'ont pas été révisés préalablement à la privatisation

Ainsi qu'on l'a rappelé dans la première partie, le cadre juridique, fiscal et comptable des concessions historiques a été aménagé au début des années 2000, conformément aux exigences de la Commission européenne, pour le mettre en conformité avec le droit commun et le droit européen avant l'ouverture minoritaire du capital des SEMCA.

Pour autant, l'équilibre contractuel de la relation entre l'État-concédant et les concessionnaires n'a pas fait l'objet d'un réexamen en profondeur avant que ce processus d'ouverture minoritaire du capital ne soit engagé, ni même en 2006, préalablement à la privatisation .

Alors qu'il s'agit de concessions dont l'échéance est lointaine, ces contrats ne comportaient, jusqu'en 2015, ni clauses de rendez-vous, ni clauses de révision ou encore de plafonnement de la rentabilité. Il a en effet fallu attendre la négociation du Plan de relance autoroutier (PRA) en 2014-2015 209 ( * ) pour que l'État tente, avec difficultés, de rééquilibrer ces contrats dans le cadre de la négociation du protocole d'accord avec les SCA historiques.

Lors de son audition par la commission d'enquête, Dominique de Villepin , qui a décidé la privatisation des SCA historiques en 2006, a indiqué à cet égard : « Peut-être aurait-il fallu revoir alors le cahier des charges et les contrats eux-mêmes. », avant d'ajouter « Lorsque nous héritons de la situation, en 2005-2006, il est presque trop tard : les sociétés ont toutes des actionnaires minoritaires . Le dispositif qui régissait les conventions réglementées et le dispositif d'obligation, pour les représentants de ces sociétés, en tant que mandataires sociaux, de respecter l'intérêt de l'entreprise » faisaient que « nous n'étions donc pas totalement libres de nos choix à l'époque, compte tenu du droit des sociétés et du contexte dans lequel nous agissions . »

Le fait que les relations entre le concédant et les concessionnaires n'aient pas fait l'objet d'un rééquilibrage lors du lancement de ces opérations a ensuite fortement limité la capacité de négociation de l'État . Toute tentative de modification des contrats eux-mêmes de nature à impacter les résultats des SCA s'est en effet systématiquement heurtée à des objections tirées de la force obligatoire du contrat pour les parties , y compris lorsque la modification intervenait par voie unilatérale (par exemple en matière fiscale) au motif qu'elle modifiait l'équilibre du contrat .

S'étant lui-même placé dans une position de faiblesse, l'État n'a pas véritablement pu mettre à profit la négociation ultérieure d'avenants portant sur de nouveaux travaux, alors même que ceux-ci prévoyaient un allongement de la durée de la concession, assorti ou non d'une majoration temporaire des tarifs.

Lors de son audition par la commission d'enquête la ministre de la transition écologique et solidaire, Élisabeth Borne , qui était directrice du cabinet de Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en 2014-2015, a évoqué « le péché originel de contrats trop anciens et passés initialement avec des sociétés publiques ».

Elle observe à cet égard qu'« on peut s'étonner que cette évolution n'ait pas été précédée d'une révision des contrats. Contrairement à ce que l'on observe généralement dans les actifs régulés, ces contrats ne font en effet pas l'objet d'un recalage périodique de la rentabilité entre le concédant et les sociétés concessionnaires. Ils ont été conclus entre les sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroute (SEMCA) et l'État, mais régissent aujourd'hui des relations avec des groupes privés cotés dont la logique est différente. Cela explique les questions récurrentes sur le déséquilibre entre concédant et concessionnaire . » 210 ( * )

2. Des sociétés concessionnaires peu encadrées par le concédant

Comme on l'a rappelé dans la première partie, la Cour des comptes et l'Autorité de la concurrence, saisies par la commission des finances de l'Assemblée nationale, ont mis l'accent sur le déséquilibre des relations entre l'État et les sociétés d'autoroutes.

a) La Cour des comptes estime que l'État est en position de faiblesse
(1) Un rapport qui fait suite à de premières alertes

Dès avant la privatisation des sociétés historiques, la Cour déplorait dans son rapport annuel de 2003 que la durée des concessions « contribue à rigidifier pour très longtemps l'organisation du système autoroutier et rend difficiles des réformes qui pourraient encore être nécessaires.». Elle invitait en conséquence à « une réflexion sur la durée des concessions » avant de prochaines attributions 211 ( * ) .

Au vu de la durée des nouvelles concessions attribuées depuis 2003, qui est en moyenne de 65 ans, et de la politique d'allongement des concessions existantes qui a été poursuivie en 2009 et 2015, force est de constater que la Cour n'a pas été entendue sur ce point.

Deux ans plus tard , dans le cadre du suivi de son rapport de 2003, la Cour des comptes formulait une autre recommandation quant à la nécessité que l'État fasse montre de « la plus grande rigueur dans l'établissement des documents contractuels » au vu du « développement des concessions autoroutières avec des sociétés à capitaux privés sur le modèle de Cofiroute . » 212 ( * )

(2) L'État n'est pas assez exigeant

Dans sa communication de 2013 213 ( * ) , la Cour note en premier lieu que l'État apparait en position de faiblesse dans les négociations avec les SCA . Le concédant n'est véritablement représenté que par un seul service, la sous-direction de la gestion du réseau autoroutier concédé de la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) du ministère chargé des transports. Cette sous-direction négocie en effet quasiment seule avec les sociétés concessionnaires et dans un cadre peu formalisé . La Cour regrette de plus que le ministère de l'économie et des finances soit relativement peu impliqué, alors que de véritables mandats de négociation interministériels auraient été nécessaires lors de la conclusion des contrats afin de revenir à un équilibre des forces entre concessionnaires et concédant.

Ce rapport de forces est d'autant plus déséquilibré que, selon la Cour, les autres instances alors chargées de représenter l'État ou les usagers - le comité des usagers du réseau routier national et la commission nationale des marchés des sociétés concessionnaires d'autoroutes et d'ouvrages d'art - n'ont pas pu suffisamment joué leur rôle .

Évoquant les contrats de plan signés au cours de cette période, la Cour note qu'ils ont donné lieu à 1,2 milliard d'euros d'investissements supplémentaires par les SCA, compensés par des hausses de tarifs, mais que les opérations concernées n'étaient cependant pas toujours utiles, voire relevaient des obligations normales des SCA .

Les hypothèses économiques et les taux de rentabilité utilisés lors des négociations lui paraissent en outre très favorables aux SCA. Le modèle économique est en effet construit de telle sorte que tout investissement est compensé par une hausse de tarifs et que les bénéfices n'ont pas à être réinvestis , ce qui ne peut que conduire à une hausse constante et continue des tarifs et à un taux de rentabilité élevé.

Enfin, principal regret de la Cour des comptes, l'État ne se montre pas assez exigeant en cas de non-respect de leurs obligations par les concessionnaires . La Cour déplore à cet égard l'utilisation limitée que le concédant a pu faire des instruments prévus dans les contrats de concession, en particulier les pénalités et les sanctions qu'il peut infliger. Elle suggère que l'État subordonne désormais la négociation des contrats de plan au respect par les concessionnaires de leurs obligations contractuelles initiales.

(3) Les réponses peu convaincantes des SCA

Les sociétés concessionnaires d'autoroutes, interrogées dans le cadre d'une procédure contradictoire par la Cour des comptes, ont réagi à la publication du rapport par le biais d'un communiqué de l'Association des sociétés françaises d'autoroutes (ASFA) . Celui-ci ne procède pas à une réfutation des points essentiels ni de la méthode du rapport . Les concessionnaires se contentent en effet de regretter « que le rapport de la Cour des Comptes, par ses conclusions négatives, jette le discrédit sur un système qui a toujours satisfait à ses engagements, et porte en lui des atouts pour le futur » 214 ( * ) .

Plus particulièrement, l'ASFA revient sur l'existence d'un risque trafic , en précisant que les conséquences de la crise économique de 2008-2009 se font toujours sentir en 2013. Elle souligne que le niveau du trafic des poids-lourds, qui est le plus sensible à la contraction de l'activité économique du fait de sa forte élasticité aux échanges, est alors au même niveau qu'en 2002, avant de conclure que « rien n'est moins fondé que de diffuser l'idée suivant laquelle, depuis la privatisation, les rapports entre l'État et ses concessionnaires se sont déséquilibrés, comme on pourrait le comprendre au vu du rapport présenté par la Cour des comptes ».

b) L'Autorité de la concurrence dénonce une rentabilité excessive

Le Conseil de la concurrence avait rendu un premier avis sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes en 2005 215 ( * ) , centré sur les opérations de privatisation en cours à l'époque. Il y précisait « qu'il n'a naturellement pas pour rôle d'effectuer la synthèse de tous les intérêts publics concernés par l'opération de privatisation envisagée ».

Dans son avis du 17 septembre 2014 216 ( * ) , l'Autorité de la concurrence, qui lui a succédé, aborde la question de la régulation des concessions autoroutières par l'État.

(1) Le constat d'une « rente autoroutière »

L'Autorité de la concurrence analyse les lacunes de la régulation des concessions autoroutières par l'État et constate que celles-ci ont permis une rentabilité exceptionnelle des sociétés concessionnaires, qui n'est justifiée ni par le niveau de risque auquel celles-ci sont exposées, ni par le montant de leur dette.

L'Autorité considère que la privatisation est intervenue au moment où la rentabilité était assurée, ce qui a permis aux SCA de verser 14,9 milliards d'euros de dividendes entre 2006 et 2013 , soit un montant supérieur au prix d'achat des concessions (hors reprise de la dette qui s'élève à vingt milliard d'euros). Le chiffre d'affaires a progressé sur cette période plus vite que les charges (les charges externes et de la dette ont baissé tandis que les charges de personnel ont faiblement augmenté), ce qui a conduit les SCA à bénéficier d'une marge nette comprise entre 20 et 24 % .

L'Autorité souligne également que les sociétés sont le plus souvent en situation de monopole à l'égard des usagers, et que le risque lié à l'évolution du trafic est limité . Compte tenu de la maturité du réseau, elle estime que les SCA ne devraient pas faire face à l'avenir à des charges exceptionnelles ou imprévisibles.

L'Autorité relève également plusieurs lacunes dans l'attribution des marchés par les sociétés concessionnaires. En effet, si celles-ci semblent globalement respecter les obligations de publicité et de mise en concurrence, les marchés de travaux en particulier sont attribués pour une large part à des entreprises liées. Sur la période 2006-2013, 35 % en moyenne des marchés de travaux ont ainsi été attribués à une entreprise liée.

L'Autorité de la concurrence souligne à cet égard que certaines techniques de pondération du critère du prix dans l'attribution des marchés sont susceptibles de conférer une importance déterminante au critère subjectif de la valeur technique de l'offre. Elle observe toutefois que, bien que susceptibles de présenter des risques concurrentiels, ces pratiques sont largement dénuées d'effet sur le tarif des péages, dont l'évolution est fixée sur la base d'une estimation ex ante du coût des investissements prévus par les contrats de plan, et non sur leur coût réel.

L'Autorité de la concurrence formule plusieurs recommandations afin d'améliorer la régulation du secteur. Elle propose en particulier la création d'une autorité indépendante qui formulerait un avis sur l'opportunité de signer des avenants et sur leur contenu.

Elle propose, par ailleurs, de modifier les modalités de fixation du tarif des péages, en élaborant une nouvelle formule d'indexation qui prendrait davantage en compte l'activité des SCA et notamment l'évolution du trafic.

Concernant la passation des marchés de travaux, elle estime que les obligations imposées aux concessionnaires devraient être renforcées , notamment en abaissant à 500 000 euros HT le seuil de mise en concurrence. L'Autorité recommande en outre de privilégier l'appel d'offres ouvert pour les marchés de travaux techniquement simples, et d'instituer des procédures tendant à prévenir les échanges d'informations entre les filiales autoroutières et les celles de travaux publics .

Plus particulièrement, elle recommande de modifier le cahier des charges de Cofiroute afin que la société soit soumise aux mêmes obligations de publicité et de mise en concurrence que les autres SCA.

L'Autorité de la concurrence préconise enfin d'instituer une obligation de réinvestissement partiel des bénéfices dans l'infrastructure autoroutière et d'introduire une clause de partage des résultats si le chiffre d'affaires s'avère supérieur à un certain seuil.

Synthèse des recommandations de l'Autorité de la concurrence

Source : Autorité de la concurrence

(2) Une méthodologie inadaptée au calcul de la rentabilité

Le rapport de l'Autorité de la concurrence a fait l'objet de sévères critiques.

Bruno Angles, qui représentait les SCA historiques lors de la négociation du protocole de 2015, a indiqué, lors de son audition par la commission d'enquête, qu'un membre de l'exécutif, qu'il n'a pas nommé, aurait qualifié ce rapport de « mélange d'incompétence et de malveillance » 217 ( * ) . Il a également affirmé que l'Autorité de la concurrence aurait été mise « en très grande difficulté » pour justifier les affirmations énoncées dans son rapport.

Les reproches adressés au rapport de l'Autorité de la concurrence par les sociétés concessionnaires d'autoroutes lors de sa réception portent essentiellement sur l ' analyse économique de la rentabilité des concessions .

Pour la déterminer, l'Autorité s'est concentrée sur les marges nettes annuelles des SCA. Or si celles-ci se situent bien entre 20 et 24 % entre 2006 et 2013, encore faudrait-il qu'elles correspondent à la rentabilité nette des SCA. Les concessionnaires estiment que la marge nette n'est pas un indicateur adapté, et mettent en avant le fait que la rentabilité d'une concession ne peut être pleinement mesurée qu'à la fin de celle-ci en établissant le taux de rentabilité interne (TRI) sur l'ensemble de sa durée. Pour les concessionnaires, l'Autorité de la concurrence a donc commis une erreur de méthode qui fausse l'analyse des données chiffrées du rapport et résulte d'une mauvaise compréhension du système de la concession.

Le constat du décalage entre ces deux conceptions persiste plus de six ans après la parution de l'avis de l'Autorité de la concurrence.

Son rapporteur général adjoint, Umberto Berkani, qui fut le co-rédacteur du rapport, a indiqué, lors de son audition par la commission d'enquête, que l'Autorité s'est contentée de répondre à la question posée par la commission des finances de l'Assemblée nationale , en particulier afin de déterminer si l'évolution des tarifs autoroutiers respectait bien les règles tarifaires et si elle était proportionnée aux risques encourus par les sociétés d'autoroutes.

Quant au calcul des TRI , il précise qu'il a volontairement été écarté , la mission confiée ne nécessitant pas de s'intéresser à cet indicateur - sauf à vouloir se prononcer sur la privatisation, ce qui ne relevait pas de son mandat : « nous avons retenu le bon indicateur pour répondre à la question qui nous était posée et qui était centrée sur l'activité des SCA, les risques qui lui sont liées ainsi que les modalités de tarification et de régulation des tarifs et des marchés passés par les SCA » 218 ( * ) .

Une seconde critique majeure adressée au rapport par les sociétés concessionnaires est l'absence de contradictoire .

Lors de son audition par la commission d'enquête, Bruno Angles, négociateur désigné par les sociétés d'autoroutes, a indiqué avoir rencontré des difficultés pour obtenir une réunion contradictoire avec l'Autorité de la concurrence . À la demande du ministre de l'économie, Emmanuel Macron, une réunion s'est tenue finalement le 18 décembre 2014, soit trois mois après la publication du rapport, sous l'égide de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM). M. Angles a déclaré qu'il « est alors apparu au cours de cette réunion, de façon assez flagrante, que l'Autorité de la concurrence s'était trompée ».

Cette affirmation est fermement écartée par l'Autorité de la concurrence, qui rappelle tout d'abord que le contradictoire est nécessaire dans le cadre des procédures contentieuses, mais non lorsqu'elle est saisie pour avis . L'Autorité assure par ailleurs avoir interrogé les SCA sur un certain nombre d'éléments factuels et d'éléments d'appréciation , ainsi que sur l'indicateur à retenir pour apprécier les résultats de leur activité . L'avis mentionne d'ailleurs que les sociétés concessionnaires ont collaboré en fournissant les informations qui leur étaient demandées.

L'Autorité de la concurrence rappelle par ailleurs que la procédure a été déterminée par les limites de son champ de compétences . Selon son rapporteur général adjoint, elle ne s'est pas placée dans une démarche quasi-contentieuse d'analyse globale de la rentabilité des concessions , ce qui aurait impliqué d'empiéter sur les pouvoirs d'autres institutions administratives ou politiques.

Les travaux de l'Autorité de la concurrence ne sont pas exempts de défauts et certaines des limites soulignées par les SCA ne peuvent être contestées . Les analystes financiers s'accordent en effet sur la nécessité, dans le cadre du modèle concessif, d' appréhender le TRI des concessions comme principal indicateur de leur rentabilité , et non les marges annuelles ou le chiffre d'affaires .

Ce rapport a cependant eu le mérite de mettre en avant la faiblesse de la régulation des concessions historiques par l'État en 2013-2014 et de servir de support de discussion pour l'établissement d'une nouvelle relation entre les sociétés concessionnaires et le concédant.

B. UN SUIVI TECHNIQUE DE BONNE QUALITÉ

C'est le ministère chargé des transports qui représente l'État concédant . À ce titre, il assure un suivi technique de la qualité des infrastructures autoroutières afin que l'usager bénéficie d'un bon niveau de sécurité .

1. L'État concédant est représenté à titre principal par la DGITM

La sous-direction de la gestion et du contrôle du réseau autoroutier concédé de la direction des infrastructures de transports (DIT), qui fait partie de la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) du ministère chargé des transports, est le service de l'État en charge, à titre principal, du contrôle et du suivi des concessions autoroutières existantes 219 ( * ) . Elle a pour mission de s'assurer de la bonne gestion du réseau autoroutier concédé et de la qualité du service rendu aux usagers.

La sous-direction représente l'État concédant dans ses relations avec les sociétés concessionnaires . À ce titre, elle assure le contrôle technique des autoroutes concédées, en particulier celui des travaux réalisés, et effectue un suivi de la qualité des infrastructures autoroutières sur toute la durée de la concession.

La sous-direction est également chargée du suivi des contrats de concession et de la négociation des avenants à ces contrats. Enfin, elle effectue un contrôle de premier niveau sur les hausses annuelles des tarifs des péages, en lien avec la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) du ministère de l'économie et des finances.

L'un des bureaux de la sous-direction est en charge des contrats, en coordination avec la DGT et la DGCCRF pour les clauses tarifaires. Les chargés de domaine et les chargés d'opérations des deux autres bureaux interviennent en lien avec les divisions implantées à Bron , à côté de Lyon, sur les aspects relatifs aux usagers et à l'exploitation (bureau GCA2) et sur le suivi de la construction et de l'entretien du patrimoine (bureau GCA 3).

La sous-direction compte actuellement 35 agents , dont moins d'une dizaine assure le suivi juridique et financier des contrats de concession et la négociation des avenants . L'essentiel des effectifs est en effet chargé du contrôle technique .

Les effectifs de la sous-direction sont pratiquement inchangés depuis la privatisation des SCA historiques en 2006. Toutefois, l'attribution de compétences à l'Arafer en matière de suivi des concessions autoroutières en 2015 220 ( * ) ne paraît pas avoir eu un impact négatif sur le nombre d'agents chargés du suivi juridique et financier, ce qui mérite d'être relevé.

2. Un suivi technique progressivement renforcé

Comme l'a indiqué le sous-directeur de la gestion et du contrôle du réseau autoroutier concédé, Fabien Balderelli, lors de son audition par la commission d'enquête, « l'essentiel de notre travail vise à assurer la commodité et la sécurité des usagers . Ces enjeux sont au coeur de notre métier » 221 ( * ) .

La qualité du suivi technique des concessions a été nettement renforcée depuis la privatisation, à tel point que les SCA la trouvent parfois pointilleuse.

a) Un suivi qui combine contrôles, audits et indicateurs de performance

Deux bureaux de la sous-direction de la gestion et du contrôle du réseau autoroutier concédé de la DGITM assurent le contrôle de la performance et de la sécurité des infrastructures.

La sous-direction bénéficie par ailleurs de l' appui du réseau scientifique et technique du ministère du développement durable . Les contrôles techniques sont ainsi de plus en plus fréquemment effectués en collaboration avec le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) . Le soutien du Cerema est notamment sollicité pour des audits portant sur le contrôle du respect des exigences environnementales en phase chantier, les audits thématiques concernant les ouvrages d'art et les audits de sécurité.

La supervision exercée par la sous-direction se concentre sur quatre thèmes de contrôle et d'intervention : la sécurité des usagers, la qualité du service, l'environnement, l'entretien et la pérennité du patrimoine autoroutier .

(1) Des contrôles d'exploitation et des inspections lors des mises en service

La responsabilité de la maîtrise d'ouvrage incombe au concessionnaire. Le contrôle du concédant est donc destiné à vérifier que le concessionnaire a mis en place les procédures d'autocontrôle et les processus qualité lui permettant de remplir ses obligations contractuelles et que ceux-ci sont efficients.

Ces contrôles prennent plusieurs formes.

(a) Des contrôles et des audits d'exploitation

La sous-direction de la gestion et du contrôle du réseau autoroutier concédé procède chaque année à environ 150 contrôles sur des ouvrages d'art et des infrastructures et à un millier de contrôles d'exploitation de chantier portant sur la sécurité des déplacements des usagers, la qualité des services offerts, la préservation de l'environnement et le maintien de la qualité du patrimoine, qui doivent être assurés jusqu'à l'échéance de la concession.

Elle réalise également cinq à dix audits par an en moyenne, avec une assistance locale forte du Cerema . Le rapport d'activité de la DGITM de 2017 sur l'exécution et le contrôle des contrats de concession d'autoroutes et d'ouvrages d'art indique ainsi qu'au cours de cet exercice, deux audits de conception et sept audits de conception détaillée ont été menés 222 ( * ) .

Chaque audit comporte une visite de terrain et un entretien avec l'exploitant. Ses conclusions font l'objet de discussions contradictoires avec le concessionnaire

Ces contrôles ont été considérablement renforcés depuis l'époque des SEMCA . La DGITM a indiqué au rapporteur qu'entre 2017 et 2019, six concessions historiques (Cofiroute, ASF, APRR, SAPN, Escota et AREA) ont ainsi fait l'objet d'audits d'exploitation. Le nombre d'audits réalisés chaque année par la DGITM est en progression régulière depuis dix ans . La direction, qui n'en menait qu'à peine plus de cinq par an en 2006, a ainsi conduit plus de 40 audits et inspections sur le terrain en 2017 .

(b) Des contrôles systématiques lors de la mise en service de nouvelles infrastructures

La mise en service d'une section d'autoroute ou d'un équipement nouveau fait l'objet d'un suivi particulier. La DGITM met en oeuvre entre dix et vingt inspections par an pour vérifier la conformité des travaux réalisés sous la responsabilité des SCA.

Au cours des études, procédures et travaux, elle contrôle le bon avancement des opérations , examine les documents techniques élaborés par le concessionnaire et effectue des visites de chantier.

Elle procède à une inspection des travaux un à deux mois avant la mise en service puis à une inspection de sécurité quelques jours avant la mise en service des nouvelles infrastructures .

En cas de non-conformité, elle valide les mesures correctrices à apporter et réalise une nouvelle inspection.

Par la suite, elle examine les bilans dressés par les sociétés concessionnaires à la fin des six premiers mois d'exploitation de tout nouvel aménagement, conformément à une circulaire du 27 octobre 1987 223 ( * ) . En 2017, la sous-direction de la gestion et du contrôle du réseau autoroutier concédé a ainsi été destinataire six bilans d'exploitation qu'elle a analysés.

Une évaluation est également effectuée pour tout nouvel aménagement ayant un impact sur le débit routier , au titre de la circulaire du 13 avril 2012 224 ( * ) .

(2) Un suivi à partir d'indicateurs de performance progressivement renforcés

Le principal instrument technique du contrôle de l'exécution des contrats de concession sont des indicateurs de performance . D'après M. Balderelli, sous-directeur de la gestion et du contrôle du réseau autoroutier concédé, ces indicateurs constituent la « ligne directrice de suivi de la performance pour l'usager ».

Les premiers indicateurs ont été introduits dans les contrats de concession il y a moins d'une vingtaine d'années . Ils sont désormais inscrits dans les contrats de plan . Le nombre des indicateurs de performance est allé croissant . Un indicateur portant sur la structure des chaussées a ainsi été introduit dans les derniers contrats.

Treize domaines sont aujourd'hui couverts par des indicateurs, qui vont de la gêne au péage, à la viabilité hivernale en passant par le dépannage et au délai d'information sur les panneaux à messages et la radio autoroutière.

Les premiers indicateurs assortis de pénalités ont été introduits dans les contrats de plan 2010-2014 et 2012-2016, avec une possible application des pénalités à partir de 2012.

Des évolutions des indicateurs interviennent à chaque contrat de plan . Les valeurs cibles sont le résultat des négociations contractuelles menées par la DGITM avec chaque société à partir, notamment, de chroniques de données des années antérieures.

La volonté du concédant de faire converger ces différents éléments se heurte toutefois à la diversité des outils et des modes opératoires des sociétés. La DGITM a ainsi indiqué, à titre d'exemple, dans une réponse écrite au rapporteur, que « certaines sociétés ont des objectifs de patrouillage (surveillance du réseau), alors que d'autres ont des objectifs de délais d'intervention » . De la même manière, ASF et Escota se sont dotées les premières d'un système d'exploitation permettant de suivre et donc de contractualiser un indicateur de performance en matière de dépannage, alors que celui-ci est en cours de définition chez les autres sociétés.

Depuis 2012, la DGITM conduit, avec le Cerema, des audits afin de vérifier l'exactitude et la sincérité des informations fournies par les sociétés concessionnaires sur l'évolution des indicateurs de performance. Son rapport d'activité pour 2017 indique que les résultats des trois audits concernant les indicateurs de performance liés à l'exploitation conduits cette année-là montrent une bonne appropriation des indicateurs et de leurs modalités de mesure par les sociétés concessionnaires .

Toutefois, trois sociétés ont fait l'objet de sanctions en 2017, au titre de non-respect de leurs objectifs de performance en 2016 . Les pénalités s'élèvent à 1,15 million d'euros, ce qui est une somme limitée à l'échelle des résultats financiers des sociétés concessionnaires.

Enfin, afin d'effectuer un suivi dans le temps de ces indicateurs et en cas de non-conformité, la DGITM valide les mesures correctrices à apporter et réalise une nouvelle inspection pour s'assurer qu'elles ont été correctement mises en oeuvre.

(3) Un suivi des réclamations des usagers

Dans son suivi, la DGITM s'appuie également sur l'évaluation du ressenti des usagers , au travers d'enquêtes ou de bilans.

Elle observe ainsi, dans son rapport d'activité pour 2017, que « ramené au nombre de kilomètres parcourus, le nombre de réclamations adressées par les usagers aux concessionnaires est très faible, de l'ordre de 1,7 réclamation par million de kilomètres » .

b) Un niveau de compétence et d'exigence élevé

Selon le président des concessions d'Eiffage 225 ( * ) , les SCA et les fournisseurs considèrent que les contrôles réalisés par le concédant sont trop pointilleux, voire « tatillons ».

De manière générale, les SCA soulignent le rapide durcissement du contrôle du concédant depuis la privatisation. Elles relèvent à cet égard que les cahiers des charges des concessions récentes reposent sur un niveau d'exigence technique supérieur à celui que l'État s'applique à lui-même .

Il est ainsi fréquent que le concédant prescrive une reprise ou une amélioration des installations qui viennent d'être livrées avant leur mise en service. Le directeur général du groupe Sanef, Arnaud Quémard, a estimé, lors de son audition par la commission d'enquête, que « le concédant va au-delà de la simple exécution contractuelle et fait preuve en la matière d'un niveau d'exigence très élevé, ce qui peut parfois entraîner des retards dans la mise en service de certains ouvrages » 226 ( * ) .

La qualité du travail de la DGITM est toutefois saluée y compris par les concessionnaires. M. Quémard a ainsi souligné devant la commission d'enquête que « l'État concédant dispose d'équipes très compétentes, composées d'ingénieurs d'excellent niveau, qui s'appuient en outre sur des experts comme ceux du Cerema, qui font partie des meilleurs d'Europe voire du monde ».

Quant au président des concessions autoroutières d'Eiffage, Philippe Nourry, il a précisé que « les contrôles sont fréquents et rigoureux et nous nous y sommes adaptés. Nos équipes ont pris des dispositions pour répondre aux questions et aux différents audits », avant de déclarer : « je ne modifierai pas grand-chose en ce qui concerne les contrôles de la DGITM ».

Ces contrôles semblent se dérouler en bonne intelligence. Le sous-directeur de la gestion et du contrôle du réseau autoroutier concédé a ainsi précisé à la commission d'enquête qu'en matière de contrôle de travaux : « nous sommes dans une logique partenariale et de confiance » avec le concessionnaire.

Le suivi technique apparaît donc globalement complet et efficace, eu égard au nombre d'indicateurs, d'audits et d'inspections effectués, et il est plutôt bien accepté. Le niveau de compétence technique des chargés de domaine et des chargés d'opérations des bureaux GCA2 et GCA3 et de l'appui apporté par le Cerema doit donc impérativement être maintenu.

Proposition n° 1 : veiller au maintien des capacités d'expertise et d'ingénierie technique élevées du ministère chargé des transports et du Cerema pour rédiger les spécifications techniques des appels d'offres, des contrats de concession et des avenants, et contrôler la livraison des travaux, l'entretien et l'état des réseaux.

C. UN SUIVI JURIDIQUE ET FINANCIER PARTAGÉ ENTRE PLUSIEURS SERVICES DE L'ÉTAT

La négociation des avenants et des contrats de plan ainsi que le suivi juridique et financier des contrats de concession sont déterminants pour la protection des intérêts de l'usager et du concédant .

Plusieurs services de l'État interviennent en la matière mais le déséquilibre entre les moyens que l'État consacre à ces questions, au sein de plusieurs de ses services , et ceux dont disposent les sociétés concessionnaires reste préoccupant.

1. La gestion des contrats de concession associe plusieurs services de l'État

Le sous-directeur de la gestion et du contrôle du réseau autoroutier concédé de la DGITM, Fabien Balderelli, a indiqué, lors de son audition par la commission d'enquête, que l'essentiel de l'activité de la sous-direction « vise à garantir à l'usager un haut niveau de service », même si « les enjeux juridico-financiers, qui sont examinés avec le ministre de l'économie et des finances, sont importants . »

a) Un pilotage assuré par la DGITM avec des moyens qui paraissent limités

La DGITM dépend de la bonne volonté des sociétés concessionnaires à transmettre des informations . Dans une note au directeur du cabinet du ministre des transports de février 2014, que le rapporteur a pu consulter, elle indique ainsi que « l'accès à l'information du côté des concessionnaires est difficile » et que le dialogue avec les SCA est « intense et exigeant ».

En tout état de cause, il n'a pas été fait état devant la commission d'enquête de rétention d'informations par les concessionnaires à l'encontre de la DGITM, à la différence de ce qui a pu être noté en son temps par la Commission nationale des marchés 227 ( * ) .

(1) Des contrôles pour identifier les indus financiers

La DGITM procède aux contrôles financiers prévus par les cahiers des charges annexés aux conventions de concession.

En application de l'article 7 de ces cahiers des charges, la sous-direction évalue, tous les cinq ans et société par société , les éventuels indus financiers générés par le retard qui serait survenu dans l'exécution de travaux prévus et compensés au titre de précédents contrats de plan. En cas de décalage dans le temps entre l'échéancier de dépenses initialement contractualisés, la société concessionnaire est en effet redevable à l'État d'une compensation pour la part correspondante de la hausse des péages.

Depuis la négociation du plan d'investissement autoroutier (PIA), la sous-direction reçoit par ailleurs des informations relatives aux charges d'entretien et de renouvellement. Le rapport d'activité pour 2017 indique que l'État travaille à collecter et préciser ses données, notamment en vue de maintien en bon usage des ouvrages.

Les sociétés concessionnaires sont en outre tenues de lui fournir chaque année les comptes sociaux et consolidés (art. 35 des contrats de concession). L'étude de ces comptes permet à l'État concédant de suivre l'équilibre économique et financier des contrats et d'évaluer, dans le cadre de la négociation de contrats de plan, les compensations à accorder aux sociétés concessionnaires au titre de la réalisation de travaux supplémentaires.

L'État concédant se sert par ailleurs de ces données pour contrôler les investissements réalisés en matière d' entretien du patrimoine , ce qui permet de les mettre en regard des observations faites sur le terrain par les équipes techniques.

Les clauses de restitution des avantages financiers indus du fait d'un retard des travaux prévus par les contrats de plan

Depuis 2004, des clauses de restitution des indus ont été introduites à l'article 7 des cahiers des charges. Ces clauses, qui ne doivent pas être confondues avec un régime de pénalités de retard, prévoient la récupération des indus financiers perçus par les sociétés concessionnaires en cas de retard dans la réalisation des travaux , quelle qu'en soit la cause et indépendamment de l'application des dispositifs de pénalités (prévus à l'article 39 des cahiers des charges).

Le retard est calculé par rapport à l'échéancier prévisionnel de l'opération . Le décalage temporel d'une opération compensée financièrement à une date déterminée confère en effet mécaniquement au concessionnaire un avantage financier lorsque le décaissement est plus tardif que prévu . En cas de retard, la SCA est donc redevable à l'État d'une compensation au titre de l'avantage financier éventuel découlant du retard des opérations de construction ou d'élargissement.

Ces clauses sont asymétriques : le concessionnaire ne tire aucun avantage d'une réalisation anticipée des travaux par rapport à l'échéancier de référence et les pertes de recettes de péages qu'il subit du fait du retard de mise en service d'un équipement ne sont pas prises en compte.

À titre d'exemple, ASF est actuellement redevable de 80 millions d'euros (actualisés) à l'État du fait de retards dans la livraison d'investissements prévus dans le contrat de plan .

Les indus perçus sont capitalisés sur la base du coefficient d'actualisation défini dans les contrats, qui est en moyenne de l'ordre de 8 %. Ce taux d'actualisation élevé est, dans ce cas précis, un avantage pour l'État.

Le remboursement des indus est versé sur un compte provisionné qui sert au financement des infrastructures autoroutières , ce qui permet de les affecter à des projets d'investissements non prévus dans les contrats.

(2) Le choix de ne pas désigner de commissaire du gouvernement aux conseils des SCA

L'article 35.6 des contrats de concession prévoit la désignation d'un commissaire du gouvernement auprès des conseils d'administration ou de surveillance des SCA historiques.

Lors de son audition, M. Balderelli, sous-directeur de la gestion et du contrôle du réseau autoroutier concédé, a indiqué que « cette possibilité n'est pas utilisée à ce jour » 228 ( * ) . Il a fait valoir que les contrats prévoient que les sociétés concessionnaires communiquent au concédant tous les dossiers transmis ou remis aux administrateurs, ainsi que les documents transmis aux actionnaires à l'occasion des assemblées générales, transmission qui est effective.

Dès lors que la communication des documents est effective, le rapporteur considère que la présence d'un commissaire du gouvernement n'est effectivement pas nécessaire .

b) Un travail interministériel associant plusieurs services de l'État

Si la DGITM joue le rôle central au sein des services de l'État en matière de suivi des concessions autoroutières, la gestion des questions juridico-financières est partagée avec le ministère de l'économie et des finances.

Il a en effet été indiqué au rapporteur que le travail interministériel réunit la DGITM, la DGCCRF et la Direction générale du Trésor (DG Trésor), via des échanges dématérialisés ou à l'occasion de réunions interministérielles (RIM) . Une RIM est ainsi systématiquement organisée avant la saisine de l'ART ou du Conseil d'État sur des avenants autoroutiers .

(1) L'analyse de l'équilibre économique par la Direction générale du Trésor

Lors de son audition par le rapporteur, le sous-directeur des politiques sectorielles de la Direction générale du Trésor du ministère de l'économie et des finances a précisé que l'un des adjoints du bureau « Économie des réseaux » de la sous-direction suit l'équilibre économique des concessions autoroutières .

Sa mission est d'apporter une contre-expertise sur les questions d'équilibre économique des concessions et de leurs avenants, et en particulier d'analyser les taux de rendement interne (TRI) des différents projets d'avenants . Il prend également position sur les hypothèses macroéconomiques ou fiscales (impôt sur les sociétés) sur lesquels ces avenants sont construits.

Il apparaît que la sous-direction n'est pas systématiquement saisie de chaque projet d'avenant, même si elle regarde en principe toutes les opérations présentant un enjeu significatif. Elle a ainsi travaillé sur le plan de relance autoroutier (PRA) et sur le plan d'investissement autoroutier (PIA).

(2) L'examen des modifications des tarifs de péages par la DGCCRF

Les questions concernant d'éventuelles modifications des tarifs de péages relèvent quant à elles de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

Celle-ci instruit en outre les grilles d'augmentation annuelles des tarifs 229 ( * ) .

(3) Des contributions ponctuelles de la Direction des affaires juridiques de Bercy

Quant à la direction des affaires juridiques (DAJ) des ministères économiques et financiers, qui est le conseil juridique des directions « métiers » du ministère de l'économie et des finances, sa directrice, Laure Bédier, a précisé au rapporteur qu' aucun de ses agents ne suit spécifiquement les concessions autoroutières ni ne notifie à la Commission européenne les mesures relatives auxdites concessions.

Ce n'est en effet que lorsqu'elle est sollicitée sur une question juridique spécifique que la direction procède à une analyse. Tel a par exemple été le cas fin 2014 sur la possibilité d'introduire dans les contrats de concession en cours une clause dite « de bonne fortune ».

2. Des sociétés concessionnaires dotées de moyens sans commune mesure

De leur côté, les sociétés concessionnaires disposent d'un nombre de collaborateurs sans commune mesure pour protéger leurs intérêts dans les négociations des avenants et des contrats de plan avec l'État et le suivi des contrats, sans compter les nombreux conseils auxquels elles ne manquent pas de faire appel.

Il n'apparaît pas pour autant que ces sociétés aient tenté de recruter des collaborateurs de la DGITM chargés du suivi des autoroutes 230 ( * ) .

La stabilité dans la durée des équipes des SCA historiques et de leurs conseils leur confère une mémoire sans commune mesure avec celle des services de l'administration dont les agents sont régulièrement soumis à des obligations de mobilité administrative.

Il en résulte un déséquilibre dans les négociations entre le concédant et les concessionnaires, déséquilibre de nature à fragiliser la position de l'État .

Dans une note interne du ministère de l'environnement et des transports du 26 mai 2015, dont le rapporteur a pu prendre connaissance, la DGITM indiquait ainsi que les discussions avec les SCA sont « difficiles dans la mesure où les sociétés surestiment manifestement le coût unitaire des opérations », ce qui démontre clairement, si besoin est, que les SCA se sentent en position de force.

L'affirmation de Pierre Coppey, président de Vinci Autoroutes, selon laquelle le rapport de force entre concédant et concessionnaire est « extrêmement déséquilibré au bénéfice de l'État » 231 ( * ) semble donc difficile à admettre d'un point de vue strictement matériel.

Comme on le verra plus loin, la création de l'ART et le contrôle qu'elle effectue sur les projets d'avenants ont toutefois permis, au moins sur ce point, de rétablir une forme d'équilibre plus protectrice des intérêts du concédant .

D. UNE TARIFICATION CONTRÔLÉE MAIS CONDITIONNÉE PAR LES EFFETS DE L'ADOSSEMENT ET DU FOISONNEMENT

Les péages sont des redevances pour services rendus et doivent donc, à ce titre, refléter le coût de la prestation fournie.

Leurs évolutions annuelles font l'objet d'un contrôle préalable , partagé entre la DGITM et la DGCCRF, pour vérifier la conformité de la hausse du taux kilométrique moyen à la hausse maximale contractualisée ainsi que l'absence de foisonnement.

1. Des tarifs kilométriques construits autour de sections de référence

La tarification des autoroutes françaises est construite sur des tarifs kilométriques moyens (TKM) qui font l'objet de révisions chaque année.

a) Une construction des péages conduisant à la coexistence de 40 000 tarifs

La commission d'enquête a découvert avec un certain étonnement que l'on dénombre actuellement plus de 40 000 tarifs de péages sur les autoroutes françaises , qui correspondent au nombre de sections de référence multiplié par les cinq classes de véhicules, auxquels s'ajoutent les spécificités de certains tronçons et ouvrages d'art qui font l'objet d'une tarification particulière. Les réseaux exploités par les SCA historiques font l'objet de près de 34 000 tarifs.

Un réseau autoroutier est en effet divisé en plusieurs sections de référence de longueur variable, allant d'une dizaine à plusieurs centaines de kilomètres. Pour chaque section de référence est défini un TKM égal à la somme des tarifs applicables sur chacun des trajets possibles internes à la section de référence, rapportée à la somme des longueurs de tous ces trajets. Le calcul des augmentations annuelles se fait sur la base du tarif kilométrique moyen (TKM) du réseau , c'est-à-dire sur la moyenne des TKM des différentes sections. L'article 25 du cahier des charges définit les modalités de calcul de ce TKM, qui tient compte de la structure du réseau ainsi que les possibilités de modulation de ce tarif. Chaque classe de véhicules (trois pour les véhicules légers et deux pour les poids lourds) dispose de son TKM résultant de l'application d'un coefficient interclasse 232 ( * ) .

Un exemple de tarification complexe : le duplex A86

En 1999, après un premier appel d'offres européen invalidé par le Conseil d'État, Cofiroute obtient la concession de l'A86 ouest, autoroute urbaine en tunnel en Ile-de-France et plus long tunnel routier situé intégralement sur le territoire français. Le tunnel n'est toutefois mis en service qu'en juin 2009, et sa concession se terminera en 2086 (soit une durée totale de 76 ans).

La réévaluation de la tarification du duplex intervient au 1 er janvier , et non au 1 er février, date de réévaluation des tarifs pour les autres concessions autoroutières. La tarification est particulièrement complexe : les tarifs varient en effet entre 1,5 et 13,1 euros, en fonction de différents facteurs : jour de la semaine, tranche horaire, points d'entrée et de sortie (Rueil, Vaucresson ou Vélizy), détention ou non d'un badge de télépéage (avec ou sans abonnement, puis selon le type d'abonnement), enfin réduction pour les usagers covoitureurs.

b) Une indexation sur l'inflation et des hausses temporaires

Les contrats de concession prévoient l'évolution des tarifs de péage jusqu'à la fin de la concession. La hausse minimale prévue dans les contrats de plan en vigueur est généralement de 85% de l'inflation , à laquelle s'ajoutent des hausses temporaires destinées à compenser des travaux nouveaux et le gel des tarifs intervenu en 2015.

2. Un processus de vérification des hausses annuelles partagé entre la DGITM et la DGCCRF
a) Un exercice annuel concentré sur quelques semaines

Le 14 novembre le taux d'inflation sur lequel les tarifs sont indexés est communiqué. Au cours du mois de décembre , les nouvelles grilles tarifaires sont transmises par les concessionnaires à la DGITM qui les examine entre décembre et janvier. La sous-direction de la gestion et du contrôle du réseau autoroutier concédé procède à une première instruction et à un contrôle systématique par rapport aux lois tarifaires des concessions qui varient en fonction des contrats et des hausses prévues par les avenants. Elle recherche principalement à détecter des anomalies par rapport aux formules de calcul figurant dans les contrats.

Par la suite, la DGCCRF effectue un deuxième contrôle , par sondage , en se concentrant sur le repérage d'éventuels foisonnements et sur les distorsions tarifaires ( cf. infra ).

En cas de non-conformité des tarifs, par exemple un arrondi mal effectué ou une distorsion, les concessionnaires doivent modifier leur grille.

Sauf exception 233 ( * ) , les hausses tarifaires approuvées par arrêtés entrent en vigueur le 1 er février de chaque année .

Modalités de révision annuelle des tarifs

Source : Rapport annuel de la DGITM, 2015

Il est à noter que le contrôle se fonde systématiquement sur les tarifs de l'année précédente et que le concédant ne procède pas à un contrôle ex post de l'évolution des tarifs.

b) Un contrôle dont la portée est limité par une construction tarifaire ancienne
(1) Des tarifs opaques hérités de l'adossement et du foisonnement

Les règles générales en matière de tarification n'ont pas été réexaminées lors de la privatisation.

Dans son rapport annuel pour 2008 , la Cour des comptes consacre un chapitre aux tarifs des péages autoroutiers. Elle y met en avant l'opacité de la construction tarifaire et dénonce des tarifs « incohérents ».

Elle critique particulièrement la faiblesse du contrôle des tarifs par l'administration, estimant que « la perte du lien entre montant des péages et coûts, l'incohérence des prix pratiqués, l'opacité des tarifs moyens et les pratiques de maximisation des recettes révèlent que le dispositif a été longtemps mal maîtrisé par les administrations » 234 ( * ) .

Là encore, l'absence de clarification de la tarification et de redéfinition du suivi des tarifs par le concédant avant la privatisation a permis une décorrelation entre le trajet effectué et le coût payé par l'usager . La Cour constate ainsi que « Les défauts et l'opacité de mécanismes d'une grande complexité ont permis des niveaux de recettes supérieurs aux tarifs moyens affichés et des augmentations dépassant les hausses autorisées ».

La Cour des comptes remet également en question la construction même des tarifs des péages. L'évolution annuelle des tarifs est alors encadrée par un décret de 1995 235 ( * ) qui prévoit notamment que la hausse annuelle des péages ne peut être inférieure à 70 % de l'inflation . La Cour estime que cette garantie constitue une exception à la politique de désindexation des prix, d'autant plus surprenante que les autoroutes gérées dans le cadre des concessions historiques sont progressivement amorties et que l'automatisation des péages leur procure des gains de productivité .

La gestion des tarifs de Cofiroute fait l'objet de critiques particulières, réitérées par la Cour depuis ses rapports publics pour 2003 et 2006. Avant la privatisation des SEMCA, Cofiroute, seule société concessionnaire initialement privée, appliquait un tarif de péage moyen au kilomètre supérieur à celui pratiqué par ces dernières. Le différentiel tarifaire a ainsi presque triplé entre 1990 et 2000 et plus que doublé pendant le contrat de plan 1995-1999, pour atteindre un peu plus de 23 % à la fin des années 90. La Cour des comptes notait ainsi en 2003 qu'un kilomètre parcouru rapportait à Cofiroute en 2000 en moyenne 37 % de plus qu'aux SEMCA .

La Cour des comptes préconise en conséquence la création d'une autorité indépendante chargée de la régulation des péages . On notera toutefois que si l'ART est aujourd'hui chargée de rendre un avis sur les formules et les compensations tarifaires des nouveaux travaux prévues dans les avenants aux contrats de concession, elle n'a pas compétence pour se prononcer sur les évolutions tarifaires annuelles .

(2) La fin du foisonnement et la réduction des distorsions tarifaires

Dans son rapport de 2008, la Cour des comptes note un « effort récent de reprise en mains » par l'administration. En effet, le suivi des tarifs semble s'être amélioré peu de temps après la privatisation.

En 2013 , elle observe que le contrôle des péages effectué par la sous-direction compétente de la DGITM est dorénavant approfondi et a permis de mettre fin à la pratique dite du foisonnement à partir de 2011. Elle estime toutefois que « le cadre juridique relatif aux tarifs n'offre pas aujourd'hui une protection suffisante aux intérêts du concédant et des usagers » 236 ( * ) . C'est ainsi qu'en l'absence de tout plafond, les hausses de tarifs observées sur la période 2009-2012 ont été systématiquement supérieures au seuil minimal de 70 % de l'inflation prévu par le décret de 1995.

Taux de hausse moyen par SCA des tarifs applicables
aux véhicules légers avant et après la privatisation

Source : Cour des comptes, Les relations entre l'État et les sociétés concessionnaires d'autoroutes, 2013

La Cour constate en revanche que les hausses tarifaires prévues dans les contrats de plan ont été mises en place dès la signature des contrats par les sociétés concessionnaires, de façon anticipée et jusqu'à deux ans avant leur approbation par décret en Conseil d'État. Elle estime que cette anticipation est source d'insécurité juridique et réduit les marges de négociation de l'État.

S'il a été mis fin au foisonnement, les divergences entre le TKM d'une section d'un réseau concédé par rapport au TKM moyen dudit réseau générées par cette pratique persistent. L'État a toutefois engagé une démarche volontariste pour réduire les distorsions tarifaires , définies comme une divergence de plus ou moins 50 % du TKM par rapport au TKM moyen pour les concessions historiques (plus ou moins 30 % pour les concessions récentes). Les tarifs non conformes ne sont pas augmentés, ce qui conduit à une extinction de la distorsion au bout de cinq ans en moyenne.

E n 2020, une cinquantaine de tarifs sur 40 000 restent distordus . L'objectif de la DGITM est de réduire à zéro à terme les distorsions sur le réseau des sociétés historiques.

La limitation des distorsions tarifaires

Source : Ministère de la transition écologique

c) La persistance des effets des pratiques révolues d'adossement et de foisonnement

Dès 1998 , l'État a mis fin à la pratique de l'adossement 237 ( * ) pour les nouvelles concessions attribuées après 2001. En revanche, le mode de fixation des péages des autoroutes anciennes n'a pas été modifié rétroactivement, consolidant ainsi dans les bases de calcul des augmentations annuelles les hausses de tarifs mises en place lors de l'adossement .

Quant au foisonnement pratiqué par l'État sur les réseaux des SEMCA avant 2005, qui constitue une technique d'optimisation des recettes induites par les hausses annuelles de péages pour accroître le chiffre d'affaires annuel, il a été supprimé entre 2008 et 2011 pour toutes les SCA, dans la mesure où il faisait peser des majorations tarifaires indues sur les usagers des sections les plus fréquentées. Le taux kilométrique moyen ne tient en effet pas compte des volumes de trafic, ce qui permettait une hausse plus importante sur une section plus fréquentée, la moyenne des deux sections restant inférieure au tarif plafond fixé par contrat.

Une récupération des recettes du foisonnement par le biais d'une évolution négative des tarifs a été mise en place entre 2007 et 2008 (au travers d'une baisse des tarifs de 0,84 % en 2008). Toutefois, les excédents de recettes avant cette date n'ont pas été récupérés . Par ailleurs et surtout, la base de chiffre d'affaires utilisée pour le calcul des tarifs résulte du foisonnement tel qu'il a été gelé en 2008.

Schéma des modalités de correction du foisonnement
par la DGITM

Source : Ministère de la transition écologique

Les tarifs de péages actuels sont donc le résultat de l'histoire tarifaire du réseau autoroutier : les hausses annuelles ne corrigent pas les évolutions passées. Il en ressort que les usagers payent encore actuellement pour des pratiques anachroniques .

E. UN CONTRÔLE LIMITÉ DES MARCHÉS DE TRAVAUX JUSQU'EN 2016

À l'issue de la privatisation de 2006, quatre SCA ont été acquises par les groupes de travaux publics Vinci (ASF et Escota) et Eiffage (APRR et AREA), dont les filiales étaient susceptibles de participer aux appels d'offres lancées par ces SCA. Les cahiers des charges des concessions ont donc encadré les procédures de passation des marchés de travaux, fournitures et services.

Pour autant , jusqu'en 2016 , le contrôle des marchés de travaux, qui comportait deux étapes, était très incomplet .

1. Des commissions des marchés indépendantes mises en place par les SCA

Un premier contrôle était assuré par les commissions des marchés internes à chaque société , composées de personnalités indépendantes et non liées aux concessionnaires . Il apparaît que ces commissions n'ont relevé aucune irrégularité dans les marchés passés de 2012 à 2014, ce qui témoigne soit d'un parfait respect des règles de passation des marchés par les SCA, soit de lacunes dans le contrôle effectué par les personnalités qualifiées indépendantes siégeant dans ces commissions.

2. Une commission nationale des marchés « étrange »

Dans un deuxième temps, la Commission nationale des marchés des sociétés concessionnaires d'autoroutes ou d'ouvrages d'art , créée en 2004 238 ( * ) et supprimée en 2016 après l'attribution de sa compétence à l'Arafer, assurait le contrôle du respect par les sociétés concessionnaires d'autoroutes des obligations inscrites dans les cahiers des charges en matière de passation et d'exécution des marchés de travaux, de fournitures et de services, ainsi que de la régularité des procédures suivies.

Présidée par un conseiller maître à la Cour des comptes , nommé pour une durée de trois ans renouvelables, la Commission réunissait des représentants du ministère chargé des transports et du ministère de l'économie .

Cette commission, qualifiée d'« étrange » par son dernier président, Christian Descheemaeker, lors de son audition par le rapporteur, ciblait son contrôle sur les commissions internes des marchés , faute notamment de moyens lui permettant d'effectuer une évaluation réelle des marchés.

M. Descheemaeker a ainsi souligné les difficultés que la Commission nationale des marchés avait rencontrées , en particulier pour estimer les montants des travaux. Si elle était dotée du pouvoir de procéder à un contrôle direct, elle ne disposait en effet pas des moyens et des compétences nécessaires pour y procéder. La Commission n'a toutefois sollicité le concours d'un agent de la direction de la concurrence et d'un ingénieur des travaux publics qu'à une seule reprise, dans le cadre de l'examen des travaux du contournement est et ouest de Montpellier sur l'autoroute A9 dont le maître d'ouvrage était ASF.

Enfin, la Commission n'avait pas compétence pour contrôler les marchés passés par Cofiroute, dans la mesure où elle avait été initialement instituée pour contrôler les marchés des sociétés d'économie mixte (SEMCA) avant leur privatisation, alors que Cofiroute était une société privée.

Le décret de 2004 permettait de rendre publics les avis de la Commission. Ses rapports d'activité n'ont toutefois été publiés qu'en 2013 et 2014, à la demande de son président et sur décision des ministres de l'environnement et de l'économie.

Le rapport d'activité pour 2014 indique que certaines sociétés , en particulier les sociétés du groupe Vinci (Escota et ASF), ne transmettaient pas à la Commission la liste des marchés dont le montant était supérieur à 500 000 euros , en dépit de la recommandation formulée dans son précédent rapport d'activité. Or, en l'absence de cette liste, il lui était impossible d'estimer le pourcentage de marchés passés avec des sociétés liées. Le rapport constate dès lors que « le refus de communication de la liste de l'ensemble des marchés ne lui permet pas d'exercer sa mission » 239 ( * ) .

À la différence des autres sociétés concessionnaires ces deux sociétés refusaient également de communiquer à la Commission l'écart entre le niveau général des prix et le montant des marchés passés avec des filiales du groupe Vinci.

Il apparaît ainsi clairement que les pouvoirs de contrôle de la Commission nationale des marchés des sociétés concessionnaires d'autoroutes ou d'ouvrages d'art étaient très insuffisants pour lui permettre de s'assurer effectivement de la régularité des procédures d'appel d'offres.

Le contrôle des marchés de travaux est aujourd'hui assuré par l'ART, qui lui a donné une portée beaucoup plus satisfaisante 240 ( * ) .

II. UN CONTRÔLE DES CONCESSIONS FORTEMENT RENFORCÉ GRÂCE À L'AUTORITÉ DE RÉGULATION DES TRANSPORTS

Les rapports de la Cour des comptes et de l'Autorité de la concurrence de 2013 et 2014 avaient tous les deux identifié la nécessité de créer une instance indépendante de régulation des concessions autoroutières afin de rééquilibrer les relations entre l'État et les sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA).

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (dite « loi Macron » ) a été l'occasion pour le législateur de s'emparer de ce sujet en étendant au secteur autoroutier concédé, à compter du 1 er février 2016 , le champ d'intervention de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) 241 ( * ) , renommée Autorité de régulation des transports (ART) en 2019 242 ( * )

A. DES POUVOIRS DE RÉGULATION ÉCONOMIQUE DES CONCESSIONS AUTOROUTIÈRES TRÈS SIGNIFICATIFS

L'ART intervient dans trois des domaines dans lesquels tant la Cour des comptes que l'Autorité de la concurrence avaient pointé les faiblesses de l'État concédant :

- la régulation des tarifs de péage ;

- le contrôle des procédures de passation et d'exécution des marchés de travaux, fournitures et services des concessionnaires ;

- le contrôle des procédures de passation des contrats d'exploitation des installations annexes sur les aires de services (restauration, boutique, hôtellerie et distribution de carburants).

Si les interventions de l'ART demeurent perfectibles sur certains points, l'ensemble des acteurs interrogés par la commission d'enquête se sont accordés pour dire qu'il existait « un avant » et « un après » l'intervention de ce nouveau régulateur qui contraint les sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) à devoir faire preuve de beaucoup plus de transparence .

1. Des avis en amont de la signature de nouveaux contrats de concession ou d'avenants

L'article L. 122-7 du code de la voirie routière prévoit désormais que l'ART veille au bon fonctionnement du régime des tarifs de péage autoroutier . Cette mission essentielle la conduit à se prononcer sur les nouveaux contrats de concessions autoroutières et sur les avenants aux contrats existants , mais également à mener des travaux d'analyse approfondis sur le modèle économique des concessions autoroutières afin de renforcer la transparence sur un secteur dont le modèle économique est mal compris et suscite beaucoup de suspicion .

a) Une analyse approfondie de l'équilibre économique des avenants et des nouveaux contrats de concession

En vertu de l'article L. 122-8 du code de la voirie routière, l'ART formule un avis simple au ministre chargé de la voirie routière nationale et au ministre chargé de l'économie sur les projets de contrats de concession et leurs avenants lorsque ces derniers ont une incidence sur les tarifs de péage ou sur la durée de la concession , qui sont les deux façons pour l'État d'assurer la rémunération du concessionnaire lorsqu'il lui demande des investissements supplémentaires.

Les avenants aux contrats de concession existants font l'objet de négociations entre l'État, représenté par la sous-direction de la gestion et du contrôle du réseau autoroutier concédé de la DGITM du ministère chargé des transports et le ministère chargé de l'économie, d'une part, et les sociétés concessionnaires, d'autre part. L'attribution des nouvelles concessions, à l'issue d'un appel d'offres, est pilotée par le département des partenariats public-privé.

(1) Un avis simple sur les projets d'avenants et les nouvelles concessions

Préalablement à la signature de tout avenant, l'ART rend un avis simple sur le projet négocié avec le concessionnaire, afin de s'assurer du caractère raisonnable et strictement limité à ce qui est nécessaire de l'augmentation des tarifs de péage envisagée.

De la même manière, l'ART émet un avis simple sur toute nouvelle concession autoroutière.

Dans la mesure où il s'agit d' avis simples et non pas d'avis conformes, l'administration et, au-delà, le Gouvernement, sont l ibres de les suivre ou pas . Ces avis ont toutefois un caractère public et interviennent avant la transmission des projets de contrats ou d'avenants au Conseil d'État. Celui-ci en prend connaissance avec beaucoup d'attention, ainsi que l'a confirmé Philippe Martin, président de la section des travaux publics, devant la commission d'enquête.

(2) Un contrôle du caractère nouveau des travaux, de leur nécessité et de leur utilité

Comme son Président l'a expliqué à la commission d'enquête, l'ART s'attache, en premier lieu, à vérifier que les opérations intégrées dans le projet d'avenant ne relèvent pas d'obligations déjà existantes au titre du contrat de concession ou de ses avenants successifs. Les dépenses qui relèvent des obligations ordinaires du concessionnaire ou qui sont déjà prévues au contrat de concession ne sauraient en effet être couvertes par une augmentation supplémentaire des tarifs de péage .

L'Autorité évalue ensuite dans quelle mesure les ouvrages et aménagements prévus sont strictement nécessaires ou utiles et revêtent un caractère accessoire par rapport à l'ouvrage principal 243 ( * ) . La définition de ces conditions vient d'être revue par la loi d'orientation des mobilités.

La nécessité et l'utilité des opérations autoroutières
avant et après la loi d'orientation des mobilités (LOM)

L'analyse de l'ART est fondée sur l'article L. 122-4 du code de la voirie routière, qui a été modifié par la loi d'orientation des mobilités (LOM) en 2019 244 ( * ) .

• Avant la LOM

Dans sa rédaction issue de l'article 20 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, cet article prévoyait que seul le financement d'ouvrages ou d'aménagements strictement nécessaires ou utiles avait vocation à être couvert en priorité par le produit du péage, sans préciser ce que recouvrait la notion d'utilité.

Or le péage, en tant que redevance pour service rendu, est la contrepartie de l'utilisation de l'autoroute et ne saurait donc couvrir le coût d'un service qui ne bénéficierait qu'à des tiers. Pour l'ART, la nécessité et l'utilité devaient donc s'apprécier du point de vue de l'exploitation de l'autoroute. Dans ce contexte, elle estimait qu'elle devait apprécier la condition stricte de nécessité ou d'utilité de chacune des opérations au regard :

- de la cohérence entre les finalités poursuivies par l'opération et les besoins de l'exploitation de l'autoroute concédée ;

- des effets prévisibles de l'opération et de son intérêt tant pour l'exploitation de l'autoroute concédée que pour ses usagers.

Elle considérait qu'une opération pouvait répondre à cette condition lorsqu'elle était de nature à entraîner une induction de trafic significative en raison de la plus forte attractivité de l'ouvrage pour l'usager de l'autoroute, ou à améliorer de manière sensible les conditions d'exploitation de l'autoroute concédée à travers, par exemple, un confort de circulation amélioré ou une valeur environnementale accrue du service (en particulier par la mise aux normes applicables aux nouvelles infrastructures).

Dans ce cadre, des opérations telles que la réalisation de diffuseurs visant à répondre à une demande de trafic supplémentaire ou à améliorer les conditions de circulation des usagers de l'autoroute pouvaient être regardées comme nécessaires ou utiles à l'exploitation de l'autoroute concédée.

• Depuis la LOM

Depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités, la nouvelle rédaction de l'article L. 122-4 du code de la voirie routière prévoit que trois critères cumulatifs doivent être satisfaits pour caractériser l'utilité d'un projet :

- une amélioration du service autoroutier sur le périmètre concédé ;

- une meilleure articulation avec les réseaux situés au droit de la concession afin de sécuriser et fluidifier les flux de trafic depuis et vers les réseaux adjacents à la concession ;

- une connexion renforcée avec les ouvrages permettant de desservir les territoires.

Avec cette rédaction, il est devenu plus facile de qualifier les nouveaux diffuseurs d' « utiles » quand bien même ils ne bénéficient pas directement à l'usager de l'autoroute mais permettent de décongestionner les périphériques urbains .

L'Autorité poursuit actuellement ses travaux d'analyse sur les conséquences qu'il convient de tirer de cette nouvelle rédaction, en particulier sur les opérations à caractère environnemental qui peuvent plus difficilement ou ne peuvent plus du tout être qualifiées d'utiles.

Source : Autorité de régulation des transports (ART)

L'ART vérifie, en troisième lieu, que les dépenses destinées à être compensées par des hausses des tarifs de péage se rattachent directement et exclusivement à l'opération considérée et que leur montant prévisionnel est strictement justifié , au regard notamment des coûts habituellement constatés , compte tenu de sa nature et de ses caractéristiques propres.

S'agissant des dépenses prévisionnelles, l'ART contre-expertise les montants arrêtés entre les parties dans le cadre de l'élaboration du projet d'avenant à partir de ses propres coûts de référence. Pour ce faire, elle considère des opérations comparables lorsque cela est possible ou bien procède à une reconstitution à partir de prix et de quantités qu'elle juge pertinents. La base de données des coûts de construction qu'elle est en train de constituer devrait lui faciliter la tâche.

(3) La vérification du caractère raisonnable des majorations tarifaires

S'agissant des recettes de péage prévisionnelles, la contre-expertise conduite par l'ART consiste à étudier les projections de trafic sur la durée résiduelle de la concession , dès lors que les recettes supplémentaires induites par l'avenant résultent de l'application des hausses additionnelles de tarif aux véhicules qui emprunteront l'autoroute sur cette période .

Enfin, l'ART détermine si l'augmentation des tarifs des péages est raisonnable et strictement limitée à ce qui est nécessaire afin de couvrir les dépenses qu'il convient de compenser.

Dans cette perspective, la question de savoir si la rémunération des capitaux investis qui découle de la hausse des tarifs des péages peut être considérée comme raisonnable et conforme aux conditions du marché à la date de conclusion de l'accord sur le projet d'avenant 245 ( * ) est particulièrement importante.

b) Une plus grande transparence des résultats économiques des concessions autoroutières

En cours d'exécution des concessions, le contrôle de la conformité des grilles tarifaires avec les dispositions légales et conventionnelles reste assuré par la DGITM et la DGCCRF 246 ( * ) . L'ART est toutefois chargée de suivre les résultats financiers des SCA.

(1) Un rapport de synthèse annuel des comptes des SCA

L'article L. 122-9 du code de la voirie routière a confié à l'ART le soin d'établir un rapport de synthèse annuel des comptes des SCA.

L'ART a d'ores et déjà publié cette synthèse pour les années 2016, 2017 et 2018. Ces rapports permettent de disposer non seulement d'une vision consolidée des principaux agrégats économiques du secteur (chiffres d'affaires, EBITDA, résultats nets, prélèvements obligatoires, évolution du trafic) mais également d'une fiche analytique pour chacune des sociétés concessionnaire d'autoroutes .

Ces rapports ont permis d'améliorer substantiellement la transparence sur les résultats financiers des SCA , et en particulier sur les évolutions des tarifs et des recettes de péages, ce qui constitue un réel facteur de progrès.

(2) Un rapport quinquennal sur l'économie des concessions autoroutières

Le même article L. 122-9 charge l'ART d'établir un rapport public sur l'économie des concessions autoroutières au moins tous les cinq ans.

Le premier rapport quinquennal a été publié le 30 juillet dernier. Il porte sur les exercices 2017 à 2019 et permet pour la première fois de disposer d'une évaluation du taux de rendement interne (TRI) des concessions pour cette période, même si votre rapporteur regrette que les travaux de l'Autorité ne soient pas remontés jusqu'à la date d'ouverture du capital des sociétés concessionnaires d'autoroutes, c'est-à-dire jusqu'en 2002 247 ( * ) .

2. Des avis qui ont fortement contribué à rééquilibrer le rapport de force entre l'État et les sociétés concessionnaires

Depuis 2016, l'ART a rendu dix avis sur des projets d'avenants à des contrats de concession existants :

- sept avis concernant les SCA « historiques » (APRR, AREA, ASF, Escota, Cofiroute, Sanef et SAPN), dans le cadre du plan d'investissement autoroutier (PIA) en 2017 ;

- deux avis relatifs à la société publique ATMB 248 ( * ) , dont l'un, en 2018, concernait la compensation de la hausse du taux de la redevance domaniale ;

- un avis relatif à la société Atlandes à propos de la compensation de travaux de mise aux normes autoroutières des bretelles de Dax en 2020.

Elle a également rendu deux avis relatifs à des projets de nouveaux contrats de concession :

- un avis relatif au projet d'autoroute A45 entre Lyon et Saint-Etienne en 2016, projet qui a été abandonné depuis lors ;

- un avis relatif au projet de mise aux normes autoroutières de l'autoroute A79 entre Digoin et Sazeret en 2019.

L'analyse du processus de négociation qui a abouti à la conclusion du plan d'investissement autoroutier (PIA) a montré combien les avis de l'Autorité peuvent contribuer à améliorer la prise en compte de l'intérêt des usagers de l'autoroute lors de la conclusion d'avenants ou de nouveaux contrats de concession 249 ( * ) .

L'intervention de l'Autorité a ainsi permis le retrait du PIA de 27,2 millions d'euros d'opérations insuffisamment abouties et de 77 millions d'euros d'opérations relevant d'obligations contractuelles existantes, ainsi que le rappel de ces obligations.

Elle a également permis de justifier la diminution du taux de rémunération du capital investi, qui est passé de 6,5 % à 5,9 % lors des nouvelles négociations entre la DGITM et les SCA.

L' avis rendu par l'ART au début de l'année 2020 à propos du projet d'avenant au contrat de concession d'Atlandes constitue une autre illustration de l'importance des interventions du régulateur en la matière.

Alors que ce projet prévoyait une hausse additionnelle de 0,39 % des péages à partir du 1 er février 2021 en compensation de la mise aux normes autoroutières des bretelles d'un diffuseur, l'ART a constaté que le coût global de l'opération était surestimé.

Elle a également relevé que plus de 40 % de la hausse prévue dans le projet d'avenant couvrait des dépenses d'entretien et de maintenance du diffuseur et ne pouvaient donc , pour ce motif, être financées par une hausse additionnelle des tarifs de péage .

Dans un cas comme dans l'autre, l'intervention de l'ART a permis de mettre en lumière des insuffisances dans le contrôle de l'État et d' inciter l'État concédant à se montrer plus vigilant dans les négociations avec les SCA pour mieux protéger les intérêts des usagers.

B. UN CONTRÔLE RENFORCÉ DES MARCHÉS PASSÉS PAR LES SOCIÉTÉS CONCESSIONNAIRES

Comme on l'a vu, le contrôle des marchés passés par les sociétés concessionnaires d'autoroutes était nettement insuffisant avant 2016 , en raison des pouvoirs trop limités de la Commission nationale des marchés (CNM) 250 ( * ) .

C'est la raison pour laquelle l'Autorité de la concurrence avait, dans son avis du 17 septembre 2014, suggéré que les SCA attribuaient les marchés de façon préférentielle aux entreprises de leurs groupes (Vinci dans le cas d'ASF, Escota et Cofiroute, Eiffage dans le cas d'APRR et d'AREA). En conséquence, elle avait fortement recommandé de renforcer l'encadrement des procédures de passation des marchés de travaux, fournitures et services des SCA.

La loi « Macron » a introduit de nouvelles règles en matière de passation de ces marchés et a confié à l'ART la mission de contrôler leur application en lieu et place de la CNM qui a été supprimée.

1. Le contrôle des procédures de passation et d'exécution des marchés de travaux, fournitures et services

En vertu de l'article L. 122-14 du code de la voirie routière, l'ART est désormais chargée de veiller à l'exercice d'une concurrence effective et loyale lors de la passation des marchés de travaux, fournitures et services par les concessionnaires d'autoroutes pour les besoins de la concession.

a) Un contrôle à la fois direct et via la supervision des commissions des marchés

Les sociétés concessionnaires d'autoroutes à capitaux majoritairement privés sont tenues de mettre en oeuvre une procédure de publicité et de mise en concurrence permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes.

Cette obligation s'applique dès lors que le montant estimé du marché excède 500 000 euros hors taxe pour les marchés de travaux et 240 000 euros hors taxe pour les marchés de fournitures et services 251 ( * ) .

Le montant total des marchés concernés a représenté 790 millions d'euros en 2019 ( 1,2 milliard d'euros en 2018), soit la moitié du montant total des achats des SCA (46 % en 2018).

(1) Un contrôle des principaux projets de marchés des SCA qui peut donner lieu à référé

L'ART se voit transmettre préalablement à leur signature l'ensemble des dossiers de présentation relatifs aux projets de contrat et à la procédure de passation de tous les marchés de travaux, fournitures et services passés par les SCA supérieurs aux seuils de publicité et de mise en concurrence . Les SCA doivent respecter un délai minimal de 18 jours entre la date de réception d'un dossier par l'ART et la signature du marché.

Sur le fondement de l'article L. 122-20 du code de la voirie routière, l'ART peut saisir le juge des référés d'une demande de référé précontractuel ou contractuel si elle identifie que la procédure de passation retenue par une SCA n'est pas conforme aux règles qui lui sont applicables.

À ce jour, l'ART n'a eu à recourir à cette procédure qu' une seule fois . Un arrêt de la Cour de cassation de janvier 2020, qui lui a donné raison, a conforté son rôle de garant de l'ordre public économique , et plus spécifiquement de la vérification de l'exercice d'une concurrence effective et loyale dans le secteur . Elle pourra ainsi considérer à nouveau l'opportunité de recourir à cette procédure pour faire échec, en tant que de besoin, à certaines pratiques des SCA lors de la passation de marchés.

Le référé précontractuel de l'ART
dirigé contre un appel d'offres d'ASF

Considérant qu'une procédure de passation d'appel d'offres de la société ASF, en date du 2 septembre 2017, relative à l'entretien d'une portion d'autoroute était irrégulière, dans la mesure où la méthode de notation conduisait à neutraliser la pondération affectée au critère technique, ce qui conduisait à faire du critère du prix le critère unique de sélection, l'ART a sollicité l'annulation de la procédure devant le tribunal de Nanterre.

Celui-ci a rejeté la demande de l'ART par ordonnance du 9 janvier 2018, au motif que le résultat de la consultation aurait été identique même en modifiant la méthode de notation du critère du prix.

La Cour de cassation a cassé cette ordonnance dans un arrêt du 15 janvier 2020 en rappelant que l'ART n'a pas, lorsqu'elle exerce un référé précontractuel, à établir que le manquement qu'elle dénonce a, directement ou indirectement, lésé les intérêts de l'une des entreprises candidates.

La Cour de cassation a par ailleurs confirmé la position de l'ART en précisant que le juge des référés aurait dû effectuer un contrôle in abstracto , sans considération des effets réels sur la sélection du candidat retenu.

Source : Autorité de régulation des transports (ART)

Si l'ART reçoit tous les projets de contrats dont le montant est supérieur aux seuils de publicité et de mise en concurrence, elle n'est pas en mesure de tous les examiner. Ainsi que l'a précisé Stéphanie Druon, secrétaire générale de l'Autorité devant la commission d'enquête : « nous sommes destinataires de 400 à 500 marchés par an . Nous mettons la priorité sur les marchés les plus sensibles en termes concurrentiels : ceux attribués à une entreprise liée, ou ceux portant sur certaines prestations, notamment la distribution de carburant. En 2018, sur les 412 marchés et les 12 avenants qui nous ont été soumis , nous avons procédé à l' analyse détaillée de 79 d'entre eux , ce qui fait environ 25 % des marchés reçus » 252 ( * ) .

(2) Un avis conforme sur la composition et les règles internes des commissions des marchés des SCA

Les SCA « historiques » sont tenues par la loi de mettre en place une commission des marchés chargée de veiller au respect des procédures de passation et d'exécution de leurs marchés soumis à publicité et mise en concurrence.

Le rôle de l'ART est de s'assurer de l'indépendance et du bon fonctionnement de ces commissions. L'article L. 122-17 du code de la voirie routière prévoit ainsi qu'elle rend un avis conforme , c'est-à-dire juridiquement contraignant, sur :

- la composition des commissions de marchés des concessionnaires avant toute nomination ou reconduction dans ses fonctions d'un de leurs membres ;

- les règles internes pour la passation et l'exécution des marchés de travaux, de fournitures et de services définies par les commissions des marchés avant leur application.

En 2019 , l'ART a rendu sept avis 253 ( * ) , tous favorables , relatifs à la modification de la composition des commissions des marchés et à leurs règles internes.

b) Un rapport annuel sur les marchés des SCA

Les articles L. 122-13 et L. 122-21 du code de la voirie routière prévoient que l'ART établit chaque année un rapport sur les marchés passés par les concessionnaires autoroutiers pour les besoins de la concession et sur les travaux réalisés en exécution de ces marchés. Pour l'exercice 2018 , le rapport porte sur les marchés passés par 17 sociétés concessionnaires .

Pour établir ce rapport, l'Autorité s'appuie principalement sur les informations qu'elle a définies comme devant figurer dans le rapport d'activité annuel que le président de chacune des commissions des marchés doit lui transmettre avant le 31 mars de chaque année.

L'article R 122-47 du code de la voirie routière prévoit en outre que le rapport annuel de l'ART est transmis au Parlement, au ministre chargé de la voirie routière nationale (ministère de la transition écologique) et au ministre chargé de l'économie (ministère de l'économie et des finances) concomitamment à sa publication qui intervient au plus tard le 30 juin de l'année en cours.

2. Une diminution du nombre de marchés attribués à des entreprises liées

Dans ses premiers rapports sur les marchés de travaux soumis pour avis aux commissions des marchés des SCA, l'ART avait relevé que les sociétés des groupes Vinci et Eiffage attribuaient une part élevée de leurs marchés à des sociétés liées par rapport au poids relatif de celles-ci dans le secteur des travaux publics , même si l'écart constaté n'était pas nécessairement significatif d'un point de vue statistique.

En effet, du fait de la variabilité des taux d'attribution d'une année à l'autre et d'un type de travaux à l'autre, la seule observation d'un écart de taux d'attribution ne permet pas de conclure à l'existence d'une anomalie particulière .

L'Autorité constate toutefois une tendance à la baisse de la part des marchés attribués à des entreprises liées depuis 2017 , tendance qu'elle attribue à la mise en place de règles de publicité renforcées et à l'exercice de ses nouvelles missions de régulation.

En 2019, l'ART note ainsi que les taux d'attribution à des entreprises liées ne diffèrent pratiquement plus de la moyenne des attributions à ces mêmes entreprises. Autrement dit, les SCA n'attribuent pas proportionnellement plus de marchés à des entreprises liées que ce que ces entreprises obtiennent sur l'ensemble du secteur des travaux publics.

Cette évolution, incontestablement positive, devra néanmoins être vérifiée sur plusieurs années et confortée en maintenant une vigilance constante sur les pratiques des SCA en matière de marchés.

Parts des marchés de travaux d'un montant supérieur aux seuils
de publicité et de mise en concurrence attribués à au moins une entreprise liée pour les groupes APPR-AREA et ASF-Cofiroute-Escota entre 2016 et 2019
(en valeur)

Source : Autorité de régulation des transports (ART)

3. Plusieurs clarifications permettraient de rendre ce contrôle plus efficace
a) Une définition de la notion de marchés passés pour « les besoins de la concession »

Les articles L. 122-12 et L. 122-13 du code de la voirie routière prévoient que les obligations de publicité et de mise en concurrence des SCA sont circonscrites aux marchés passés pour « les besoins de leur concession ». Or il n'existe aucune définition de cette notion.

Selon les informations transmises par l'ART à la commission d'enquête, certaines sociétés concessionnaires utilisent délibérément ce vide juridique pour exclure du champ des obligations de publicité et de mise en concurrence des achats qui sont pourtant directement liés à leur activité et devraient, à ce titre, faire partie des prestations entrant dans le périmètre des « besoins de la concession » , comme par exemple un contrat d'approvisionnement en carburants pour les aires d'autoroutes.

Une interprétation restrictive de la notion de « besoins de la concession » risquerait donc de réduire le périmètre de contrôle de l'ART et remettrait en cause certaines missions essentielles du régulateur.

Il paraît donc urgent de prévoir une modification législative ou réglementaire (le cas échéant via une procédure de réglementation déléguée) pour clarifier cette notion.

Proposition n° 2 : établir une définition claire de la notion de « besoins de la concession » afin d'empêcher les SCA de se soustraire à leurs obligations de publicité et de mise en concurrence pour la passation de certains de leurs marchés.

b) La définition des informations devant figurer dans les projets d'investissement à cinq ans publiés par les sociétés concessionnaires

Afin de renforcer la transparence du secteur, l'Autorité de la concurrence avait recommandé que soient rendus publics les projets d'investissements prévus dans les contrats de plan des SCA.

Conformément à ces recommandations, la programmation de l'ensemble des investissements prévus pour les cinq années à venir doit désormais être publiée sur le profil d'acheteur des sociétés concessionnaires qui ne sont pas des pouvoirs adjudicateurs 254 ( * ) .

Toutefois, le niveau de précision des informations fournies dépend pour le moment uniquement du bon vouloir des SCA , si bien que plusieurs d'entre elles ne fournissent par exemple que les informations qui concernent les investissements programmés dans le plan de relance autoroutier (PRA), alors que l'obligation porte sur l'ensemble des investissements à cinq ans.

Il serait donc souhaitable de préciser par voie réglementaire les informations minimales devant figurer sur le profil acheteur de chacune des SCA en ce qui concerne la programmation des investissements à cinq ans .

Proposition n° 3 : préciser par voie réglementaire les informations minimales concernant la programmation des investissements à cinq ans qui doivent figurer sur le profil acheteur de chaque SCA.

c) La capacité de sanctionner la méconnaissance des obligations de transmission des projets de marchés

Compte tenu de la rédaction actuelle de l'article L. 1264-8 du code des transports, la procédure en manquement ne permet pas à l'ART de sanctionner a posteriori le fait de ne pas lui avoir transmis les informations utiles à son contrôle dans des délais lui permettant d'exercer un recours en cas de violation des obligations de publicité et de mise en concurrence.

En effet, au-delà de 31 jours après la signature du contrat, l'ART n'a plus le droit d'introduire un référé précontractuel ou contractuel, même si elle constate une irrégularité dans la procédure de publicité et de mise en concurrence après avoir finalement récupéré les documents demandés.

Il serait donc utile de modifier l'article L. 1264-8 du code des transports pour prévoir des sanctions en cas de méconnaissance des obligations de transmission des marchés des SCA à l'ART.

Proposition n° 4 : prévoir des sanctions en cas de méconnaissance des obligations de transmission des marchés des SCA à l'ART afin que celle-ci soit en mesure d'exercer un recours dans les délais.

C. LE CONTRÔLE DES PROCÉDURES DE PASSATION DES CONTRATS D'EXPLOITATION DES AIRES DE SERVICES

1. La vérification de la mise en concurrence des contrats de sous-concession

Les aires de services situées sur le réseau autoroutier concédé sont des installations annexes à caractère commercial correspondent à certaines activités commerciales : stations-services, boutiques, restaurants, hôtels, bureaux de change, parcs de stationnement, etc.

La passation des contrats de sous-concession par les sociétés concessionnaires d'autoroutes en vue de faire assurer par un tiers la construction, l'exploitation et l'entretien de ces installations doit être précédée d'une publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes.

L'article L. 122-27 du code de la voirie routière prévoit que dans le cadre de la procédure d'agrément du titulaire du contrat d'exploitation des aires de services délivré par le ministre chargé de la voirie routière nationale à l'issue de cette mise en concurrence, l'ART est saisie pour avis par le ministère .

Cet avis simple porte sur le respect, par la société concessionnaire, des obligations de mise en concurrence qui pèsent sur elle dans le cadre de l'attribution de ces contrats. L'ART dispose d'un délai d'un mois à compter de la date de la saisine pour se prononcer.

Dans ce cadre, l'Autorité contrôle le respect des principes d'égalité, de transparence et d' égal accès à la procédure ainsi que, le cas échéant, l'effectivité du critère relatif à la modération tarifaire sur le prix des carburants .

Son avis ne lie pas le ministre, mais, en cas d'avis défavorable , celui-ci doit, en application de l'article L. 122-27 du code de la voirie routière motiver sa délivrance d'agrément .

2. Des préconisations de mieux en mieux appliquées

Au cours de l'exercice 2019 , l'Autorité a été saisie de 21 procédures d'attribution de sous-concessions. Elle a rendu 9 avis favorables et 12 avis défavorables.

À travers ses avis, l'Autorité a formulé plusieurs recommandations à l'attention des SCA , afin de renforcer l'effectivité de la modération tarifaire sur le prix des carburants (diminution des prix des carburants sur l'autoroute) et, de façon plus générale, de favoriser la concurrence sur le secteur pour permettre l'amélioration des services rendus au public.

Synthèse des recommandations de l'ART
relatives aux procédures de passation des sous-concessions en 2019

Source : Autorité de régulation des transports (ART)

3. Un contrôle qui pourrait être renforcé

La commission d'enquête préconise que le contrôle exercé par l'ART sur les sous-concessions soit renforcé par deux mesures.

a) Le droit de collecter toute donnée utile auprès des sous-concessionnaires

L'alinéa 2 de l'article L. 122-31 du code de la voirie routière 255 ( * ) ne vise explicitement, comme cibles potentielles des collectes de données par l'ART, que « les concessionnaires » et les « entreprises intervenant dans le secteur des marchés de travaux, fournitures et services sur le réseau concédé ». Cette formulation semble faire référence aux seules entreprises ayant conclu des marchés de travaux, fournitures et services avec les SCA, au sens de l'article L. 122-12 du même code.

Ainsi, les sous-concessionnaires exploitants d'installations annexes sur autoroutes concédées ») ne sont pas explicitement mentionnés en tant que cibles potentielles d'une collecte régulière de données par l'ART.

La collecte d'informations auprès des sous-concessionnaires constitue pourtant un enjeu important pour l'ART, tant pour le contrôle du respect des engagements des titulaires en matière de modération tarifaire que pour sa capacité à apprécier, à partir des données financières et comptables, si la durée des contrats n'excède pas le temps raisonnablement nécessaire pour que l'exploitant amortisse les investissements réalisés pour l'exploitation des ouvrages ou services avec un juste retour sur les capitaux investis, compte tenu des investissements nécessaires à l'exécution du contrat.

Prévoir explicitement que l'ART peut demander aux sous-concessionnaires toute information utile pour exercer ces contrôles constituerait donc une avancée importante.

Proposition n° 5 : autoriser l'ART à collecter toute information utile auprès des sous-concessionnaires d'autoroutes pour pouvoir contrôler le respect des engagements des titulaires en matière de modération tarifaire et apprécier la pertinence de la durée des sous-concessions.

b) Étendre le critère de la modération tarifaire à l'ensemble des catégories de carburants distribués

Par dérogation au code de la commande publique, l'article R. 122-41 du code de la voirie routière indique expressément que, lorsque le contrat d'exploitation porte sur la distribution de carburants et que la société concessionnaire prévoie un critère relatif à la politique de modération tarifaire , la pondération de ce critère doit être au moins égale à celle du critère relatif aux rémunérations versées par l'exploitant.

L'arrêté du 8 août 2016 fixant les conditions d'organisation du service public sur les installations annexes situées sur le réseau autoroutier précise que les carburants usuels qui doivent être distribués sur autoroutes sont les carburants « traditionnels » (essence, diesel, GPL).

La distribution de carburants alternatifs sur les autoroutes est pour l'instant assez marginale par rapport à celle des carburants traditionnels. Toutefois, en cas de développement massif des infrastructures de recharge des véhicules électriques (IRVE) ou d'autre catégories de carburants, une extension de l'obligation de modération tarifaire prévue à l'article R.122-41 du code de la voirie routière à tous les types de carburants disponibles pourrait être utilement envisagée .

Proposition n° 6 : étendre le critère de la modération tarifaire à l'ensemble des catégories de carburants distribués afin d'encourager le recours aux carburants alternatifs.

Par ailleurs, afin de s'assurer de l'effectivité du respect des engagements de modération tarifaire des exploitants des aires de services vis-à-vis des usagers, un mécanisme de contrôle régulier et de sanction pourrait être institué.

La mise en place d'un tel mécanisme a été préconisée par l'ART dans ses différents avis. À ce jour, le contrôle de la mise en oeuvre effective de cette catégorie d'engagements contractuels dépend du suivi que la SCA est susceptible de réaliser auprès de son sous-concessionnaire et, en cas de manquement, de l'application de sanctions suffisamment dissuasives par celle-ci, sous réserve que de telles clauses aient été prévues dans le contrat passé avec l'exploitant de l'aire de service.

Un bilan régulier (semestriel ou annuel) des prix réels par catégorie de carburant par rapport aux engagements de modération tarifaire et des sanctions appliquées en cas de manquement pourrait être transmis conjointement aux services de l'État et l'ART par chacune des SCA. L'ART pourrait à son tour effectuer un contrôle de deuxième niveau, assorti d'un pouvoir de sanction en cas de manquement de la SCA à son devoir de contrôle.

Proposition n° 7 : prévoir un suivi régulier des prix réels des carburants par les SCA et l'application de sanctions en cas de méconnaissance de la clause de modération tarifaire, ainsi qu'un contrôle de deuxième niveau par l'ART assorti d'un pouvoir de sanction en cas de manquement du concessionnaire à cette obligation de suivi.

D. DES MOYENS HUMAINS ET FINANCIERS QUI DEVRAIENT ÊTRE RENFORCÉS

L'ART a mis en place, en quelques années, une régulation efficace des autoroutes concédées , dans le cadre défini par le législateur.

1. Des prérogatives globalement satisfaisantes

Pour exercer ses compétences, l'ART est dotée de pouvoirs étendus afin de recueillir ponctuellement ou collecter régulièrement les informations détenues par les sociétés concessionnaires d'autoroutes , leurs actionnaires et leurs filiales, ainsi que certains de leurs cocontractants et de leurs financeurs 256 ( * ) .

Elle a également des pouvoirs d'enquête et de sanction en cas de manquements de ces acteurs à leurs obligations de communication d'informations 257 ( * ) .

Selon les responsables de l'ART, il n'a jusqu'ici pas été nécessaire de mettre les pouvoirs d'enquête et de sanction dans la mesure où les SCA transmettent facilement les données attendues , y compris en matière financière.

2. Des moyens humains et financiers à adapter
a) Des effectifs dédiés qui pourraient être renforcés

D'un point de vue matériel, la commission d'enquête a constaté que les effectifs de l'ART dédiés à la régulation des concessions autoroutières s'étaient étoffés pour compter désormais une quinzaine de collaborateurs. Pour autant, ils demeurent insuffisants pour permettre à l'Autorité de mener à bien, dans des conditions pleinement satisfaisantes, l'ensemble des missions qui lui ont été confiées par le législateur.

b) Une indépendance financière à maintenir

Pour mener à bien ses missions, l'ART dispose d'un budget de 12 millions d'euros.

Jusqu'en 2020 , l'ART bénéficiait du produit de deux taxes affectées : le droit fixe dû par les entreprises ferroviaires 258 ( * ) (8,8 millions d'euros en 2019), qui a été supprimé au nom de la suppression des taxes à faible rendement, et la taxe pour frais de contrôle due par les concessionnaires d'autoroutes 259 ( * ) , dont le produit (2,5 millions d'euros en 2019) est désormais versé au budget de l'État.

Consécutivement à la suppression et à la réaffectation des deux taxes mentionnées supra , la loi de finances pour 2020 a prévu que l'ART serait désormais financée par le budget général de l'État, et plus précisément par les crédits du programme 203 « Infrastructures et services de transport » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Comme le soulignait Bernard Roman, président de l'ART, lors de son audition par la commission d'enquête, « il est étrange qu'une autorité publique indépendante dépende de l'exécutif pour ses moyens » 260 ( * ) .

Qu'elle soit financée directement par le budget général ou via des taxes affectées, le principal enjeu budgétaire pour l'ART demeure celui de son plafond d'emplois, qu'il paraît indispensable de relever rapidement 261 ( * ) .

III. LA RÉGULATION DU SECTEUR AUTOROUTIER DOIT ENCORE ÊTRE AMÉLIORÉE

Si les pouvoirs de régulation du secteur autoroutier confiés à l'Autorité de régulation des transports ont, sans conteste, permis un rééquilibrage des relations entre l'État et les sociétés d'autoroutes , la commission d'enquête constate que celles-ci sont, aujourd'hui encore, souvent en position de force face au concédant .

Il convient à cet égard de distinguer deux situations : les avenants aux concessions existantes et la mise en concession de nouvelles autoroutes .

Sur le premier terrain, ce sont les moyens d'expertise dont disposent les services de l'État qui doivent être renforcés . Sur le second, il apparaît que l'efficacité de l'intervention de l'ART pourrait être améliorée en lui donnant accès à un plus grand nombre de données , y compris en amont des appels d'offre.

A. RENFORCER LES MOYENS DE L'ÉTAT DANS LA NÉGOCIATION DES AVENANTS AUX CONTRATS DE CONCESSION

La commission d'enquête a constaté que le rapport de force était particulièrement défavorable à l'État lors de la modification des contrats de concession existants .

Il lui semble qu'un certain nombre de mesures pourraient être prises pour réduire ce déséquilibre .

1. Une asymétrie d'information persistante

Comme le relève l'ART, les modifications des cahiers des charges prévoyant de nouveaux travaux et leur compensation par voie tarifaire ou par allongement de la durée des concessions ne résultent pas d'une mise en concurrence mais d'une négociation de gré à gré entre le concédant et le concessionnaire. Ceci place l'État dans une situation d'asymétrie d'information par rapport aux sociétés d'autoroutes : « la SCA connaît ses estimations de coûts les plus sincères, alors que l'État n'a pas d'offre concurrente à laquelle se référer pour comparaison . » 262 ( * )

La mission réalisée en 2013 par l'Inspection générale des finances et le Commissariat général de l'environnement et du développement durable relative au plan de relance autoroutier a également noté la difficulté pour les services de l'État de procéder à l'évaluation du coût des travaux « compte tenu de l'asymétrie d'information qui existe dans ce domaine entre les sociétés d'autoroutes et l'administration, a fortiori lorsque, comme c'est fréquent, les travaux sont réalisés en interne par des entreprises appartenant aux groupes concessionnaires concernés » 263 ( * ) .

Il en résulte, comme on l'a vu, que, dans la négociation des contrats de plan ou des plans de relance autoroutiers, l'État a souvent accepté des taux de rentabilité interne des investissements nettement supérieurs aux taux reflétant les données de marché .

C'est ce qui fait dire à la Cour des comptes, dans son référé de janvier 2019 relatif au plan de relance autoroutier, que « ces plans d'investissement sont l'objet de négociations difficiles dans lesquelles les pouvoirs publics sont souvent apparus en position de faiblesse » 264 ( * ) , tant pour évaluer le caractère « compensable » ou non des travaux supplémentaires que pour déterminer le niveau de compensation adéquat.

2. Des moyens d'expertise juridique et financière insuffisants

La commission d'enquête a, au cours de ses travaux, recueilli de nombreux témoignages qui corroborent les constats de la Cour des comptes .

Elle observe que l'asymétrie identifiée est aggravée par deux insuffisances principales : la dispersion des moyens de l'État et un recours trop limité à des expertises indépendantes .

Elle estime qu'il est possible de renforcer l'expertise juridique et financière de l'État et, partant, ses capacités de négociation .

a) Renforcer la coordination entre les services experts de l'État

Comme le relève le rapport d'inspection de l'IGF et du CGEDD : « on sait que, dans les négociations complexes, c'est souvent en raison de la multiplicité de sa représentation que l'État se met en situation de faiblesse » 265 ( * ) .

Si le niveau des compétences des collaborateurs de la DGITM est incontestable , la commission d'enquête constate toutefois que ceux-ci sont peu nombreux. Le bureau de la DGITM chargé de négocier les avenants et d'assurer le suivi juridique et financier des contrats de concession et des contrats de plan ne compte ainsi qu'une dizaine d'agents. De leur côté, les agents de la DGCCRF et du Trésor qui participent au suivi des concessions et de la négociation des avenants et des contrats de plan n'interviennent qu'en tant que de besoin, en plus de leurs autres missions.

Pour renforcer la coordination entre les services et améliorer l'efficacité de l'action de l'État, la directrice des affaires juridiques du ministère de l'économie et des finances, avec laquelle le rapporteur s'est entretenu, a émis l'idée de créer une task force rassemblant des juristes spécialisés dans le droit des concessions ainsi que des économistes et des experts en finance. L'intérêt et la faisabilité de cette suggestion mériteraient d'être expertisée.

b) Développer le recours à des expertises extérieures

La direction des infrastructures de transport (DIT) s'est adjoint un conseil juridique privé pour la période 2020-2024 . Toutefois, cette aide ne concerne pas les enjeux économiques et financiers des contrats, qui sont pourtant structurants.

Or, les sociétés concessionnaires d'autoroutes, pour leur part, sont accompagnées de nombreux conseils juridiques et financiers lorsqu'elles négocient avec l'État.

La commission d'enquête estime par conséquent qu'il est indispensable de renforcer les capacités d'expertise juridique et financière de l'État en matière de concessions autoroutières .

Ce besoin a d'ailleurs été souligné par Alexis Kohler lors de son audition : « il me semble indispensable que l'État se dote de cette expertise, et, lorsqu'il n'en dispose pas, qu'il n'hésite pas à recourir à des conseils extérieurs - même si je suis le premier à dire qu'il est important qu'il en dispose lui-même ». 266 ( * )

De son côté, l'Autorité de régulation des transports considère qu'« il pourrait être opportun d'envisager de recourir à [des conseils extérieurs] dans les situations de négociation d'avenants de gré à gré avec les SCA historiques , dont les enjeux juridiques, financiers et techniques peuvent être majeurs et où le concédant est exposé à un risque d'asymétrie d'information et de déséquilibre des moyens particulièrement élevé . »

Dans son référé de 2019, la Cour des compte est allée plus loin en préconisant de confier à un organisme expert indépendant la détermination « des hypothèses économiques fondant les compensations accordées aux sociétés concessionnaires d'autoroutes pour l'exécution de travaux non prévus par leur convention de concession » afin qu'il puisse « l'objectiver ».

Lors de son audition par la commission d'enquête, la présidente de la deuxième chambre de la Cour des comptes, a indiqué, s'agissant du choix de l'expert indépendant : « nous pensions éventuellement à l'Insee . Il s'agit de faire appel à une structure qui dispose de cette expertise . Il faudrait instaurer une gouvernance plus interministérielle qu'aujourd'hui, avec un renforcement des compétences juridiques et surtout financières . » 267 ( * )

La commission d'enquête estime qu'il n'est pas nécessaire de confier à un organisme expert extérieur le soin de déterminer les hypothèses sous-tendant l'équilibre des contrats de plan, qui s'inscrit dans le rôle du concédant. Elle considère qu'il convient plutôt de s'assurer que celui-ci ait à sa disposition une expertise interne et extérieure suffisante .

Proposition n° 8 : renforcer les capacités d'expertise financière de l'État dans le cadre de la négociation des avenants aux contrats de concession et de leur suivi financier en recourant, en tant que de besoin, à des conseils privés.

3. Clarifier le périmètre des opérations compensables

Les travaux en matière d'entretien et d'exploitation du réseau ne sauraient ouvrir droit à compensation dans la mesure où ils relèvent des obligations du concessionnaire. Il en est de même pour les travaux déjà prévus par le contrat de concession ou ses avenants dont le coût est compensé par les augmentations tarifaires déjà décidées .

L'ART est particulièrement vigilante sur ce point, ce qui a permis de ne pas retenir plusieurs opérations dans le cadre du PIA.

Par ailleurs, comme on l'a rappelé plus haut 268 ( * ) , aux termes de l'article L. 122-4 du code de la voirie routière, les opérations nouvelles ne peuvent être retenues dans les contrats de plan et les avenants, et donc compensées, que « sous condition stricte de leur nécessité ou de leur utilité, impliquant l'amélioration du service autoroutier sur le périmètre concédé, une meilleure articulation avec les réseaux situés au droit de la concession afin de sécuriser et fluidifier les flux de trafic depuis et vers les réseaux adjacents à la concession et une connexion renforcée avec les ouvrages permettant de desservir les territoires, ainsi que de leur caractère accessoire par rapport au réseau concédé ».

Là encore, l'ART vérifie que les opérations figurant dans un projet d'avenant négocié par la DGITM répondent à ces exigences et ce contrôle l'a conduit à écarter certaines opérations.

Dans la perspective de la négociation prochaine des nouveaux contrats de plan (et a fortiori de tout nouveau plan de relance ), la portée des conditions de nécessité et d'utilité pourrait être utilement clarifiée afin de définir le périmètre des opérations compensables.

Cette démarche pourrait être conduite par l'ART , qui exerce précisément un contrôle sur le caractère effectivement compensable des opérations, dans le cadre d'un pouvoir réglementaire supplétif .

Proposition n° 9 : élaborer une doctrine sur le périmètre des opérations compensables, qui précise en particulier les critères de nécessité et d'utilité prévus par l'article L. 122-4 du code de la voirie routière.

B. CONFORTER LE RÔLE DE L'ART EN MATIÈRE D'ATTRIBUTION DES NOUVELLES CONCESSIONS

Le département des partenariats public-privé qui est chargé de l'attribution des nouvelles concessions est dans une position plus forte en raison de la mise en concurrence qu'il organise que lorsque la DGITM négocie des avenants ou des contrats de plan sans mise en concurrence.

Pour autant, le rôle de l'ART, qui formule des avis simples sur les attributions de nouvelles concessions, pourrait utilement être renforcé .

1. Un processus piloté par le département des partenariats public-privé

Lors de l'attribution de nouvelles concessions, l'État se trouve généralement en position favorable compte tenu de la concurrence qui s'exerce entre les entreprises candidates pour remporter l'appel d'offres.

Cette pression concurrentielle lui permet de défendre au mieux ses intérêts et ceux des usagers, en retenant l'offre la plus avantageuse et en fixant un cadre contractuel protecteur. Les nouveaux contrats de concession attestent, en effet, d'une plus forte régulation des sociétés concessionnaires et d'un meilleur partage des fruits de la concession par rapport aux contrats historiques.

Par ailleurs, au cours de la procédure de mise en concurrence de nouvelles concessions, l'État est systématiquement assisté par des conseils extérieurs, juridiques et financiers afin, comme le relève l'Autorité de régulation des transports (ART) dans son récent rapport sur l'économie des concessions autoroutières, de « renforcer la sécurité juridique de la procédure et à fournir un appui au concédant dans la défense de ses intérêts et de ceux des usagers du service public autoroutier » 269 ( * ) .

L'élaboration des nouveaux contrats de concession autoroutière est en effet pilotée par le département des partenariats public-privé du ministère de la transition écologique, qui bénéficie de l'appui de trois cabinets de conseil. Ce département peut également s'appuyer sur l'expertise de Fin Infra, un service à compétence nationale intégré au ministère de l'économie et des finances compétent en matière de financement des projets d'infrastructure.

2. Les moyens de contrôle de l'ART pourraient être renforcés

L'ART formule des avis utiles sur les avenants aux contrats de concessions et l'attribution des nouvelles concessions. La commission d'enquête constate toutefois que certains aménagements pourraient être apportés afin de renforcer l'efficacité de ces contrôles.

a) Allonger le délai d'instruction des avis

Selon les éléments transmis à la commission d'enquête par l'ART, le délai d'instruction de trois mois dont disposent ses services pour expertiser les projets d'avenants ou de nouveaux contrats de concession autoroutière est trop court , et ce d'autant plus que de multiples échanges avec la DGITM s'avèrent généralement nécessaires en raison de dossiers de saisine souvent trop succincts pour permettre à l'Autorité de se prononcer.

Proposition n° 10 : porter de trois à quatre mois le délai d'instruction des avis de l'ART sur les projets d'avenants et les nouveaux contrats de concession pour lui permettre de procéder à une analyse approfondie.

b) Prévoir un accès élargi et anticipé aux informations utiles

L'ART n'a pour l'heure rendu que deux avis sur de nouvelles concessions (le projet abandonné d'A45 entre Saint-Étienne et Lyon et le projet d'A79 dans l'Allier).

Dans les deux cas, elle a émis un avis favorable . Elle estime toutefois qu'elle ne dispose pas en l'état de toutes les informations dont elle a besoin pour mener à bien son instruction , en particulier sur les coûts du projet , les coûts de construction d'une nouvelle infrastructure autoroutière étant particulièrement difficiles à estimer 270 ( * ) .

(1) Un droit d'accès à tout document utile

Pour formuler son avis sur l'attribution des nouvelles concessions, l'ART se fonde sur l'appel d'offres et le dossier de candidature retenu par la DGITM. Elle n'est en effet saisie qu' après la désignation du concessionnaire pressenti , c'est-à-dire seulement une fois que le concédant a effectué son choix.

En outre, ni le rapport d'analyse des offres effectué par la DGITM , ni les offres des autres soumissionnaires non retenus ne lui sont transmis .

Or, comme l'a indiqué son président lors de son audition par la commission d'enquête, ces éléments permettraient à l'ART de mettre en oeuvre un contrôle plus efficace sur les coûts prévisionnels des nouvelles concessions.

Afin qu'elle puisse procéder à une évaluation mieux documentée de la pertinence des coûts prévisionnels affichés, il paraît utile qu'elle puisse avoir accès à l'ensemble des éléments de la procédure de mise en concurrence dont elle a besoin pour mener à bien ses analyses, y compris les offres non retenues.

L'article L. 122-8 du code de la voirie routière pourrait ainsi être complété pour prévoir qu'à des fins d'instruction, l'ART a communication de tout document qu'elle estime utile à ses travaux .

Proposition n° 11 : prévoir que le ministère chargé des transports fournisse à l'ART, en cas d'attribution d'une nouvelle concession autoroutière, tout élément utile à l'instruction de son avis relatif au concessionnaire désigné, en particulier les dossiers présentés par les candidats non retenus, ce qui lui permettrait de mettre en oeuvre un contrôle plus efficace sur les coûts prévisionnels.

(2) Un avis simple sur le dossier de consultation

Afin de pouvoir vérifier en temps utile que les projets de travaux confiés au concessionnaire sont définis avec un niveau de détail et de précision suffisant qui permette de contrôler les coûts prévisionnels retenus par les candidats dans leur offre, il paraît souhaitable que l'ART ait communication du dossier d'appel d'offres avant le lancement de la procédure et soit appelée à rendre un avis simple sur le dossier de consultation .

Bien entendu, cet avis serait sans conséquence sur le choix de l'attributaire qui revient à la DGITM, à partir des critères de sélection retenus.

Proposition n° 12 : prévoir que l'ART rend un avis simple, avant le lancement d'un appel d'offres, sur le dossier de consultation pour l'attribution d'une nouvelle concession afin de vérifier qu'il permettra un contrôle des coûts prévisionnels.

(3) Permettre à l'ART de disposer des informations lui permettant d'assurer un suivi de la rentabilité des concessions depuis 2002

Dans son premier rapport quinquennal sur l'économie des concessions, l'ART a, faute de disposer des informations nécessaires sur les années précédentes, cantonné son analyse aux variations de la rentabilité des sociétés d'autoroutes sur années 2017-2019 271 ( * ) , ce qui limite fortement les enseignements que l'on peut en tirer s'agissant de l'évolution de la rentabilité des concessions autoroutières.

Il serait utile que cet exercice puisse être conduit sur une période plus longue, à partir de 2002 , date de troncature retenue par l'ART, et qu'il puisse en être rendu compte dans le prochain rapport quinquennal.

Il conviendrait par conséquent que l'ART soit en mesure de collecter auprès des SCA les données financières qu'elle estime nécessaires , en particulier les études financières prévisionnelles annuelles, depuis cette date.

Proposition n° 13 : donner à l'ART les moyens de collecter auprès des sociétés d'autoroutes les informations nécessaires à l'analyse des variations de leur rentabilité depuis 2002.

C. EFFECTUER UN SUIVI FINANCIER SYSTÉMATIQUE DES CONTRATS DE CONCESSION ET DES AVENANTS

1. Mettre en place un suivi ex post des coûts des travaux réalisés

La commission d'enquête a été surprise de constater que l'État ne dressait pas un bilan ex post des contrats de concession et des contrats de plan afin de mesurer dans quelle proportion les coûts des travaux réalisés se sont écartés des coûts prévisionnels. Pourtant des enseignements fort utiles pour les négociations futures pourraient en être tirés .

Si l'État contrôle la bonne exécution des travaux et des échéances contractuelles, il considère en effet qu'il n'a pas à procéder à un tel suivi au motif que les contrats de concession et leurs avenants sont conclus aux risques et périls des sociétés concessionnaires.

Dans sa réponse au questionnaire adressé par le rapporteur, la DGITM indique à ce sujet : « S'il prémunit l'État d'éventuels surcoûts, ce principe de risques et périls implique, par symétrie, qu'aucune économie réalisée par le concessionnaire sur le coût de l'opération ne donnera lieu à une réduction de la compensation accordée. Il n'y a donc pas de contrôle des coûts ex post , mais la société concessionnaire partage les résultats de ses appels d'offres travaux . »

Compte tenu de l'impact important sur la rentabilité des concessions que peuvent avoir l'évolution de ces paramètres, la commission d'enquête estime qu'il est, au contraire, nécessaire d'assurer un suivi des coûts des travaux .

Proposition n° 14 : examiner les coûts d'exécution des travaux prévus dans les contrats de plan précédents préalablement à la conclusion de nouveaux contrats de plan afin de disposer de références pour vérifier la pertinence des coûts des nouveaux travaux envisagés.

2. Réaliser un suivi financier systématique des avenants

De la même manière que le coût des travaux ne fait pas l'objet d'un contrôle ex post , la DGITM n'effectue pas un suivi systématique de la manière dont les hypothèses prises en compte pour déterminer le niveau de la compensation financière des avenants ont évolué par rapport aux prévisions initiales.

Ce principe a néanmoins connu plusieurs inflexions récentes.

Lors de l'examen du Paquet vert autoroutier et du plan de relance autoroutier, la Commission européenne a estimé qu'il incombait à l'État d'assurer un suivi financier de ces plans, c'est-à-dire de l'évolution des prévisions économiques sur lesquelles ils se fondent et de leur taux de rentabilité 272 ( * ) . En conséquence, elle a validé ces plans sous réserve du respect, par l'État français, d'un certain nombre d'engagements, en particulier celui consistant à lui transmettre des rapports visant à s'assurer de l'absence de surcompensation au profit des sociétés d'autoroutes .

Par ses décisions, la Commission européenne a en quelque sorte invalidé le modèle concessif « à la française » , en exigeant un encadrement étroit de la rentabilité des contrats. Comme l'a rappelé Daniel Vasseur, conseiller référendaire à la Cour des comptes, lors de son audition, « la Commission européenne a fixé des règles assez claires de suivi de réalisation des travaux et de suivi de leur rentabilité dans le temps qui, à certains égards, étaient relativement révolutionnaires . Les concessions autoroutières sont fondées sur la théorie de la concession aux risques et périls du concessionnaire. Les sociétés ont arrangé les choses en leur faveur, l'État ne disposant pas toujours des moyens pour voir ce qui pourrait arriver, y compris au détriment des usagers. » 273 ( * )

Le rapport de suivi du Paquet vert autoroutier a bien été transmis à la Commission européenne par la DGITM, mais, comme on l'a vu 274 ( * ) , les rapports relatifs au plan de relance autoroutier ne l'ont pas encore été.

De manière générale, la commission d'enquête considère qu'il est nécessaire de systématiser le suivi financier des contrats de plan afin de s'assurer de l'absence de surcompensation au profit des sociétés concessionnaires.

Proposition n° 15 : mettre en place un suivi financier systématique des avenants afin de s'assurer de l'absence de surcompensation au profit des sociétés d'autoroutes.

3. L'utilité incontestable de la base de données des coûts de travaux en cours de constitution

Dans son rapport de 2013, la Cour des comptes notait déjà l'intérêt d'un suivi des coûts d'investissement, qui constituent un élément de la rentabilité des concessions. En effet, « si la nature du contrat de concession, qui fait peser le risque sur le concessionnaire, ne peut permettre au concédant de « récupérer » la différence entre le coût prévisionnel et le coût réel des investissements, il n'en demeure pas moins que la connaissance des coûts réels est indispensable afin de donner à l'État la possibilité de négocier dans de bonnes conditions des investissements ultérieurs » 275 ( * ) .

L'ART, qui est chargé de suivre les taux de rentabilité interne des concessions, a décidé d'élaborer une base de données de ces coûts construite à partir des marchés de travaux qui lui sont transmis .

La commission d'enquête salue cette initiative, qui permettra de disposer d'informations plus objectives sur le coût des investissements autoroutiers lors des prochaines négociations des contrats de plan .

Lors de leur audition, les dirigeants des sociétés d'autoroutes ont émis des doutes sur l'utilité de cette banque de données . Pierre Coppey, président de Vinci Autoroutes, a notamment indiqué : « Les travaux publics sont une activité cyclique dont les prix varient. Je ne suis pas convaincu de l'intérêt qu'il y a à constituer des bibliothèques de prix. Selon que vous êtes proche d'une carrière ou que le prix du carburant et du bitume évolue, le prix de la tonne d'enrobé peut varier avec des écarts de 30 à 40 % » 276 ( * ) .

Malgré ces réserves finalement plus méthodologiques que de fond, la commission d'enquête estime qu'il est nécessaire que l'État se dote d'outils lui permettant, en l'absence de concurrence, de disposer de références en matière de coûts des travaux autoroutiers lors de ses négociations avec les sociétés d'autoroutes . Elle encourage donc l'ART à poursuive la constitution de sa base de données et à en partager les informations avec la DGITM.

Proposition n° 16 : poursuivre la construction de la base de données relative aux coûts des travaux autoroutiers engagée par l'ART et partager les données avec les services de l'État, afin de documenter le contrôle des nouveaux travaux.

QUATRIÈME PARTIE
QUELLES PERSPECTIVES POUR LA GESTION DU RÉSEAU AUTOROUTIER HISTORIQUE ?

La commission d'enquête s'est attachée à analyser la situation des concessions autoroutières « historiques » pour déterminer dans quelle mesure l'État concédant était parvenu à gérer effectivement ses relations avec les sociétés concessionnaires dans l'intérêt des usagers et, au-delà, des finances publiques.

Certains des constats qu'elle a effectués l'ont conduite à formuler des propositions, en particulier pour renforcer les capacités d'expertise des services de l'État afin qu'ils soient en mesure de négocier dans de meilleures conditions avec les sociétés concessionnaires et d'assurer un suivi financier des travaux pour identifier d'éventuelles surcompensations 277 ( * ) .

Elle a également préconisé de donner à l'Autorité de régulation des transports (ART) les moyens de mettre en oeuvre des contrôles plus poussés, en particulier sur la rentabilité des concessions 278 ( * ) , sur les avenants aux contrats de concession existants et l'attribution des nouvelles concessions 279 ( * ) ainsi que sur les marchés passés par les sociétés concessionnaires 280 ( * ) .

Elle a par ailleurs invité l'État à procéder à certaines clarifications , par exemple en matière de définition des opérations compensables 281 ( * ) .

Au-delà, la commission d'enquête a également réfléchi à la façon dont la fin des concessions historiques devra être préparée et aux aménagements qui pourraient être négociés avec les sociétés concessionnaires.

Elle a également souhaité, dans une démarche plus prospective , ouvrir une réflexion sur la gestion des réseaux autoroutiers existants après cette échéance.

I. PRÉPARER LA FIN DES CONCESSIONS HISTORIQUES ET NÉGOCIER DES ÉVOLUTIONS CONTRACTUELLES ET TARIFAIRES

La durée résiduelle des concessions autoroutières historiques est comprise entre 11 ans pour Sanef et 16 ans pour ASF et AREA .

Autrement dit, ces concessions se trouvent aujourd'hui en moyenne à mi-parcours entre leur privatisation en 2006 et la restitution des infrastructures à l'État .

Dates de fin des contrats de concessions autoroutières « historiques »

Sanef

Escota

SAPN

Cofiroute

APRR

ASF

AREA

2031

2032

2033

2034

2035

2036

2036

Source : Autorité de régulation des transports (ART)

La poursuite des contrats de concession jusqu'à leur terme , qui constitue un choix raisonnable , ne signifie pas pour autant que l'État doive renoncer à poursuivre la démarche de rééquilibrage de ses relations avec les concessionnaires qu'il a initiée en 2014-2015.

Outre le fait qu'il doit s'assurer du maintien du haut niveau de qualité du réseau autoroutier jusqu'à ce que celui-ci lui soit remis à la fin des concessions, l'État doit également veiller à l'adaptation de ce réseau aux évolutions sociétales et à sa participation effective au renforcement de la lutte contre le réchauffement climatique.

Les perspectives financières des concessions , qui ne devraient être que faiblement impactées par les conséquences économiques de la crise sanitaire provoquée par la pandémie de Covid-19, devraient permettre de financer ces évolutions sans que l'usager ait à supporter des coûts supplémentaires.

A. L'IMPACT DE LA CRISE SANITAIRE DEVRAIT ÊTRE LIMITÉ

La crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 a eu un impact immédiat sur le trafic autoroutier et l'arrêt des travaux a généré des coûts supplémentaires .

Toutefois, les conséquences économiques de cette situation exceptionnelle pour les SCA « historiques » devraient être limitées et leur bonne santé financière leur permettre de les supporter sans difficultés excessives .

1. La matérialisation du risque trafic

Comme rappelé supra , la crise économique de 2008-2009 s'est traduite par une chute significative du trafic autoroutier, entraînant un retard de dix ans sur les prévisions de trafic retenues lors de la privatisation, s'agissant du trafic poids lourds, plus sensible à la conjoncture économique 282 ( * ) .

Pour sa part, la crise sanitaire du début de l'année a entraîné une contraction drastique du trafic pendant le confinement , à compter de la mi-mars, nettement supérieure à celle observée en 2008-2009.

De fait, en 2008, le trafic sur le réseau concédé n'avait baissé que de 1 % par rapport à l'année précédente, malgré une chute de près de 20 % du trafic poids lourds entre 2007 et 2009 sur certains réseaux.

Le président pour la France des concessions d' Eiffage a indiqué, lors de son audition par la commission d'enquête, que pendant la période de confinement le trafic avait diminué de 80 % et remontait lentement depuis le début du déconfinement mais qu'il demeurait à - 25 % en juin 283 ( * ) .

De son côté, le directeur général du réseau Sanef a constaté un recul de 36,5 % sur les cinq premiers mois de 2020 par rapport à la même période de l'année 2019 et il anticipe une diminution du trafic de 5 % en 2021 par rapport à 2019.

Sur le premier semestre 2020, le trafic sur le réseau Vinci est en baisse de 32 % par rapport à 2019 , essentiellement du fait de la diminution du trafic des véhicules légers , et de 21 % en juin 284 ( * ) .

De manière générale, les premières estimations publiées par l'ART concluent à une perte de trafic d'au moins 9 % sur l'année 2020.

L'état d'urgence sanitaire a ainsi confirmé que la gestion et l'exploitation des concessions autoroutières n'étaient pas des activités sans risque. Les mois de juillet-août se sont cependant traduits par un rétablissement du trafic à un niveau proche de celui observé les étés précédents .

L'absence d'usagers étrangers a en effet été compensée sur la plupart des sections par une hausse des trajets domestiques , en particulier du fait d'un report des usagers du train vers la voiture .

Sur le réseau Vinci, le trafic est seulement en baisse de 2 % en juillet 2020 par rapport à son niveau de juillet 2019.

Pour autant, les futures variations du trafic restent difficiles à anticiper au vu des possibles évolutions de la situation sanitaire qui n'apparaît pour l'heure toujours pas stabilisée, et de ses éventuelles conséquences, plus ou moins durables, sur les modes d'exercice des activités économiques .

Ainsi, Sanef indique n'avoir retrouvé début juillet que 60 % des trajets domicile-travail , sans doute en lien avec la persistance du télétravail.

De leur côté, les nouvelles concessions seront inégalement touchées. Atlandes, qui gère l'A63, est très dépendante du trafic poids lourds . Elle considère, par exemple, que la reprise de celui-ci dépendra de l'évolution de la situation et des mesures sanitaires dans la péninsule ibérique.

2. Des coûts générés par l'arrêt des travaux

Les travaux en cours sur le réseau autoroutier ont dû être interrompus pendant deux mois en raison du confinement. Cette suspension pourrait engendrer des retards de mise en service , notamment sur le grand contournement ouest de Strasbourg ainsi que des coûts supplémentaires pour les SCA.

Lors de son audition par la commission d'enquête, le ministre délégué chargé des transports a évalué le surcoût entre 200 et 300 millions d'euros environ pour les sociétés concessionnaires 285 ( * ) .

Ce surcoût provient en partie de la mise en place des mesures barrières sur les chantiers - mesures prévues dans un guide de bonnes pratiques diffusé début avril par l'Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP). D'autre part, les mesures de chômage partiel ne permettent pas de couvrir tous les frais relatifs à un arrêt de chantier.

Des mesures d'urgence ont été décidées dans le cadre de l'ordonnance du 25 mars 2020 286 ( * ) afin d'assouplir les conditions de passation des marchés soumis au code de la commande publique . Un certain nombre de dérogations sont ainsi prévues, parmi lesquelles la possibilité de prolonger « d'une durée suffisante » les « délais de réception des candidatures et des offres dans les procédures en cours » , de s'écarter du formalisme prévu par le code de la commande publique pour la sélection des candidats, ou encore de prolonger un contrat si l'organisation d'une procédure de mise en concurrence ne peut être mise en oeuvre.

L'article 6 de l'ordonnance prévoit également que le titulaire du marché ne peut se voir appliquer de pénalités lorsqu'il est dans l'impossibilité d'exécuter tout ou partie de celui-ci. Cette disposition interdit aux concessionnaires de faire supporter par les entreprises concernées une partie des conséquences financières des retards ainsi générés.

Pour autant, elle ne saurait permettre au concessionnaire de bénéficier de surcompensations en cas de retard d'entrée en service de travaux qui font l'objet d'une compensation par voie d'augmentation tarifaire. Il est donc indispensable qu'un suivi rigoureux soit mis en place par la DGITM afin que les usagers ne soient pas lésés.

Proposition n° 17 : s'assurer que les retards de travaux résultant de la crise sanitaire ne se traduisent pas par une surcompensation tarifaire.

3. Les sociétés d'autoroutes restent bénéficiaires en 2020

Les conséquences de la crise des « gilets jaunes » sur les recettes des concessions autoroutières ont été très limitées, contrairement à ce qu'avaient alors pu évoquer certains concessionnaires.

Sur les réseaux APRR et Sanef, le chiffre d'affaire réalisé a ainsi été supérieur au prévisionnel en 2018 et légèrement inférieur en 2019.

L'impact a été plus important sur le réseau Vinci. Le chiffre d'affaires réalisé par ASF en 2018 est ainsi inférieur de près de 60 millions d'euros au prévisionnel, ce qui n'a pas empêché ASF de dégager une marge nette de 36 % en 2018.

Pour ce qui est des conséquences de la crise sanitaire sur le trafic autoroutier, la perte de recettes pour les SCA en 2020 est estimée à 2 milliards d'euros par l'ART. Lors de son audition, le secrétaire d'État chargé des transports a évoqué , de son côté, un manque à gagner de 2 à 2,5 milliards d'euros.

Pour autant, les conséquences économiques de la crise sanitaire pour les sociétés « historiques » devraient être limitées, celles-ci restant bénéficiaires en 2020. Dès lors, comme le relève l'ART, la crise sanitaire ne devrait pas remettre en cause l'équilibre économique des concessions.

Les études prévisionnelles transmises au concédant par les SCA en juillet 2020, que le rapporteur a pu consulter, concluent toutes à une reprise de la croissance du chiffre d'affaires à compter de 2022, avec des variantes selon les réseaux.

Plus particulièrement, Sanef a indiqué à la commission d'enquête que son chiffre d'affaires pour 2020 devrait reculer de 24 % par rapport à celui de 2019.

Quant à Vinci Autoroutes, son chiffre d'affaires s'est contracté de 46 % au deuxième trimestre 2020, générant une baisse de 27 % sur l'ensemble du premier semestre.

Ces perspectives impliquent une vigilance particulière du concédant. Il convient en effet d' éviter toute compensation qui pourrait être demandée par les sociétés concessionnaires au nom de l'imprévision. Cette théorie, définie par le Conseil d'État en 1916 287 ( * ) , peut en effet justifier, au nom de l'intérêt général qui commande la poursuite de l'activité d'un co-contractant de l'État, une compensation partielle des conséquences d'un évènement imprévisible et temporaire, étranger à la volonté des parties lorsque celles-ci sont menacées par ces conséquences 288 ( * ) .

Aucun élément ne permet raisonnablement de considérer que tel pourrait être le cas. L'ART souligne ainsi qu' il « est loin d'être certain qu'une baisse de trafic de quelques mois implique un bouleversement de l'équilibre économique sur l'ensemble de la concession » 289 ( * ) .

Données financières des SCA historiques en 2019

Résultat net (en millions d'euros)

Dividendes (en millions d'euros)

ASF + Escota

933

1398

APRR + AREA

584

1510

Sanef + SAPN

385

452

Cofiroute

373

398

Total

2275

3758

Source : Frédéric Fortin, expert en fusion acquisition et en finances d'entreprise, à partir des comptes publiés des sociétés

Quoiqu'il en soit l'ART indique qu'elle sera vigilante à ce qu'il n'y ait pas de compensation tarifaire « démesurée » pour cause de fait nouveau.

Proposition n° 18 : rappeler que la situation financière des concessions historiques ne saurait justifier une compensation, même partielle, des conséquences de la crise sanitaire car la poursuite de leur activité n'est pas menacée.

La perspective d'un futur plan de relance autoroutier a été écartée par le ministre de l'économie lors de son audition par la commission d'enquête. Le rapporteur ne peut que se féliciter du fait que les prochains contrats de plan ne soient pas l'occasion de prévoir des compensations majorées liées à de nouveaux investissements. Un plan de relance autoroutier mis en place dans l'urgence pourrait en effet aboutir à une mauvaise évaluation , car trop rapide, de l'utilité socio-économique des projets.

En parallèle, les souplesses en matière de passation des marchés de travaux introduites par l'ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 ne doivent pas conduire à une diminution de l'effectivité de la concurrence dans ce secteur.

Proposition n° 19 : veiller à ce que l'effectivité de la concurrence en matière de travaux ne soit pas réduite par les souplesses temporaires introduites par l'ordonnance du 25 mars 2020 pour simplifier les procédures en raison de la crise sanitaire.

B. LE RACHAT DES CONCESSIONS HISTORIQUES SERAIT TRÈS COÛTEUX

La forte rentabilité des concessions autoroutières historiques a conduit certains à demander leur nationalisation.

Or, quand bien même le rachat des concessions serait justifié par un motif d'intérêt général, le coût en serait très élevé. C'est pourquoi la commission d'enquête a souhaité se concentrer tout à la fois sur la préparation de la fin des concessions, qui interviendra dans une quinzaine d'années au plus et sur les aménagements qui pourraient être négociés avec les sociétés concessionnaires, dans l'intérêt des usagers.

1. Un rachat pour motif d'intérêt général prévu par les contrats de concession

L'anticipation de la fin des concessions est considérée par certains comme une réponse à la rentabilité excessive des sociétés d'autoroutes. Elle permettrait à l'État de reprendre la gestion directe des autoroutes ou d'organiser de nouvelles modalités de gestion mieux encadrées.

Le droit pour l'État de procéder au rachat anticipé des concessions autoroutières est prévu à l'article 38 des contrats de concession. Une telle opération peut intervenir au 1 er janvier de chaque année, moyennant un préavis d'un an dûment notifié au concessionnaire.

Les contrats prévoient qu'en pareil cas, le concessionnaire a droit à une indemnité correspondant au préjudice subi du fait de la résiliation, dont le montant est égal à la juste valeur de la concession reprise .

Le montant de l'indemnité correspond aux dettes des sociétés concessionnaires auxquelles s'ajoutent les bénéfices prévisionnels de celles-ci d'ici l'échéance des contrats . Cette somme recouvre l'amortissement des investissements sur la durée restante de la concession, ainsi que le manque à gagner pour les concessionnaires. Une jurisprudence constante du Conseil d'État limite le montant de cette indemnité qui ne peut être manifestement disproportionné eu égard au préjudice subi 290 ( * ) .

2. Un coût prohibitif

Comme l'a précisé Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance, lors de son audition par la commission d'enquête, le coût rachat des concessions autoroutières serait de l'ordre 45 à 50 milliards d'euros.

Si tant est qu'une telle opération puisse être considérée comme justifiée pour un motif d'intérêt général, il paraît difficile d'envisager une telle dépense eu égard à la situation des finances publiques.

Au surplus, outre l'indemnisation des SCA, une nationalisation aurait également pour conséquence d'accroître la dette publique de la France du montant des dettes inscrites au bilan des SCA , soit près de 30 milliards d'euros à fin 2017 291 ( * ) .

Ce sont ces considérations qui ont conduit le Sénat à rejeter le 19 juin 2014 292 ( * ) et, plus récemment, le 7 mars 2019 293 ( * ) , à la demande de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable 294 ( * ) , deux propositions de loi relatives à la nationalisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes.

Une telle opération aurait également d'autres conséquences. Il est en particulier à craindre que la réputation de la France auprès des investisseurs internationaux en soit fortement affectée.

3. Les moyens techniques insuffisants des services de l'État pour assurer une gestion directe

La reprise immédiate de la gestion des autoroutes par l'État exigerait par ailleurs un renforcement immédiat et substantiel des moyens des directions interdépartementales des routes (DIR), qui sont chargées de l'exploitation des autoroutes et routes gérées par l'État, de l'entretien des chaussées et de l'ingénierie routière.

Or, comme l'a montré un rapport du Sénat publié en 2017 295 ( * ) , ces services sont d'ores et déjà très fortement sollicités et disposent de crédits insuffisants .

Il conviendrait en outre de revoir le rôle de l'ART en matière autoroutière, la régulation actuelle n'étant pas adaptée à la gestion publique.

4. Une illustration de la complexité d'une résiliation, y compris en cas de faute du concessionnaire : l'exemple italien

À la suite de l' effondrement du pont Morandi à Gênes en août 2018, le gouvernement italien a annoncé une réforme du contrôle des concessions pour le rendre plus contraignant. Certaines clauses des contrats de concession italiens sont en effet très protectrices du concessionnaire, comme l'obligation faite au concédant d'indemniser le concessionnaire en cas de résiliation du contrat, et ce y compris en cas de manquement grave à ses obligations.

En décembre 2019, le Gouvernement italien a pris un décret ouvrant la voie à une révocation unilatérale pour faute de la concession d' Autostrade per l'Italia , la société qui exploitait la concession du pont Morandi, en précisant qu'aucune indemnisation ne serait versée par l'État italien.

La Cour des comptes italienne plaidant pour un apaisement des relations entre le concédant et les sociétés concessionnaires, qui se sont soldées par plus de 400 contentieux depuis 2012, le Gouvernement italien a ouvert des négociations avec la société Autostrade per l'Italia .

Devant le coût d'une révocation dans l'hypothèse où la justice italienne condamnerait l'État à payer les indemnités prévues, un accord a été trouvé mi-juillet avec le groupe Atlantia, propriétaire d' Autostrade per l'Italia et appartenant à la famille Benetton. Afin d'éviter la révocation pure et simple de ses concessions, la famille Benetton se retirera progressivement du capital de la société concessionnaire .

Autostrade per l'Italia redeviendra donc progressivement une société publique, avec pour actionnaire de référence la Caisse des dépôts italienne à hauteur de 33 % du capital, d'autres acteurs institutionnels intervenant à hauteur de 22 %.

Cet accord est toutefois, fortement critiqué, d'une part car le coût du rachat des actions n'est pas encore connu, et d'autre part car Autostrade per l'Italia devait lancer un plan d'investissement de 14,5 milliards d'euros, indispensable à la rénovation des infrastructures.

Or ces investissements interviendront précisément alors qu'une forte baisse des recettes est anticipée, dans la mesure où le Gouvernement s'est engagé à réduire les tarifs des péages d'environ 5 %.

C. SE CONCENTRER SUR LA PRÉPARATION DE LA FIN DES CONCESSIONS

Le patrimoine autoroutier qui reviendra à l'État à l'issue des concessions est estimé par la DGITM à près de 150 milliards d'euros 296 ( * ) . Dès lors, le suivi de son état est un enjeu majeur et ne peut se limiter au seul suivi technique mis en oeuvre par le concédant.

Afin que l'État récupère des réseaux en bon état à la fin des concessions, il apparaît donc indispensable de préparer sans tarder cette échéance afin de dresser une liste des biens de retour et de s'assurer de leur bon état.

1. Identifier précisément les biens de retour et les biens de reprise

Un inventaire des concessions autoroutières doit être réalisé sans plus tarder.

Pour ce faire, il convient de distinguer entre biens propres, biens de reprise et biens de retour alors que la définition de ces catégories est pour l'instant uniquement juridique.

a) Une classification juridique

Les biens de retour reviennent de plein droit et gratuitement à l'autorité concédante à l'expiration de la concession. Ils regroupent les terrains, bâtiments, ouvrages, installations et objets mobiliers nécessaires à l'exploitation de la concession.

Les biens de reprise sont les biens autres que les biens de retour ; ils peuvent éventuellement être repris par l'État en fin de concession si celui-ci estime qu'ils sont utiles à l'exploitation de la concession. Ces biens appartiennent à la société concessionnaire tant que le concédant n'a pas usé de son droit de reprise . La reprise est toutefois assortie d'un droit à compensation .

Enfin, les biens qui ne sont ni de reprise ni de retour sont des biens propres qui appartiennent à la société concessionnaire et n'ont pas à être remis au concédant.

Cette classification juridique n'est cependant pas opérationnelle, en l'absence d'accord entre concédant et concessionnaire sur la nature des biens.

b) Un inventaire contradictoire jamais établi

Les cahiers des charges des contrats de concession précisent que la distinction entre les différentes catégories de biens aurait dû être établie contradictoirement à la clôture des comptes 2006 . Les contrats indiquent qu'à cette occasion, le concédant et les SCA rédigent une nomenclature et un inventaire , à l'initiative et aux frais du concessionnaire, classant les biens selon les trois catégories.

Ces documents auraient dû être approuvés par le concédant et mis à jour tous les cinq ans par le concessionnaire , là encore à ses frais .

Or, ce travail de classification, prévu il y a plus de quinze ans, n'a toujours pas été effectué.

La DGITM a indiqué que les sociétés concessionnaires avaient tenté de proposer un inventaire en 2007 que l'absence de précision a rendu inutilisable d'un point de vue opérationnel. Les documents transmis par les SCA, issus d'inventaires comptables étaient en effet inexploitables du fait de leur lourdeur ou d'une approche strictement juridique.

Le concédant a donc renoncé dans un premier temps à obtenir ces inventaires, et a lié la question des biens de retour et de reprise à celle de la fin des concessions. Les contrats contiennent en effet une clause dite « des sept ans » qui stipule que sept ans avant l'expiration de la concession, le concédant doit établir, après concertation avec la société concessionnaire, le programme d'entretien et de renouvellement pour les cinq dernières années de la concession ainsi que le programme des opérations préalables à la remise des ouvrages de la concession au concédant.

L'établissement de ces programmes impose donc un accord préalable sur la liste des biens de retour .

Le rapporteur ne peut qu' inciter le concédant à procéder sans tarder à l'établissement d'un inventaire précis, distinct de la définition du « bon état » de la concession , contrairement à ce qui semble être le cas aujourd'hui.

Cette démarche apparaît d'autant plus nécessaire que le périmètre concerné comprend non seulement des biens matériels mais également des biens immatériels , liés à la numérisation des systèmes d'exploitation des autoroutes, ce qui ne manquera pas d'ajouter de la complexité au travail d'inventaire et de classification.

Proposition n° 20 : établir sans tarder des inventaires précis et consensuels des biens de retour des concessions et identifier les biens de reprise qui pourraient être utiles au concédant.

2. Définir le « bon état d'entretien » des biens de retour

Le second enjeu majeur pour les prochaines années est de définir le « bon état » dans lequel les infrastructures devront être restituées au concédant au terme des concessions . Les contrats stipulent en effet, sans autre précision, qu'il s'agit d'un « bon état d'entretien » .

Le président des sociétés d'autoroute publiques ATBM et SFTRF a ainsi indiqué au rapporteur ne pas savoir quels étaient les critères du bon état dans lequel doivent être rendus les tunnels du Mont Blanc et de Fréjus. S'agit-il de l'état d'origine ? Le tunnel doit-il être refait à neuf, ce qui représenterait trois ans de fermeture du tunnel ainsi que des investissements considérables ? Les deux hypothèses peuvent être défendues, en l'absence de définition précise des critères.

Dès lors, il apparaît nécessaire d'établir une doctrine précisant les critères techniques du bon état dans lequel doivent être restitués les biens de retour.

La définition de ces critères est en effet un préalable indispensable à la négociation du programme des opérations qui doivent être réalisées avant la remise des ouvrages de la concession au concédant, programme qui doit être établi au plus tard sept ans avant la fin des concessions.

Une méthodologie adaptée doit donc être définie par les services de l'État au plus tard d'ici 2025 .

La DGITM indique qu'elle est en train d'élaborer une stratégie et un plan d'action pour structurer et renforcer l'efficacité de son intervention en la matière, comprenant une définition du « bon état » cible de ce patrimoine et une intensification des audits visant à évaluer son état actuel.

Ces travaux font l'objet de réunions annuelles avec les SCA , mais ce rythme de négociation apparaît insuffisant au regard de l'ampleur du travail à effectuer. Les prochains contrats de plan pourraient ainsi contenir des éléments relatifs à l'évaluation et l'appréciation de l'état d'entretien de biens , lesquels sont non-compensables car ressortant des obligations contractuelles des SCA.

Proposition n° 21 : établir rapidement une doctrine précisant les critères du bon état dans lequel doivent être restitués les biens de retour en précisant les caractéristiques du « bon état cible ».

3. S'assurer que les concessionnaires continuent à investir jusqu'à la fin des contrats

Le concédant doit par ailleurs s'assurer que les dernières années des concessions ne se traduisent pas par un sous-investissement conduisant à une dégradation des infrastructures en fin de contrat.

Il est donc indispensable de veiller à ce que les concessionnaires maintiennent jusqu'à la fin des concessions un haut niveau d'investissements sur les réseaux dont ils ont la charge pour que les infrastructures soient remises en bon état.

Or le rapporteur a relevé, dans les prévisionnels transmis à l'ART par les sociétés concessionnaires qu'il a pu consulter, des dépenses d'entretien et de maintenance sur les dernières années des concessions substantiellement inférieures à celles des exercices précédents, au profit du remboursement des dettes des SCA et du versement de dividendes aux actionnaires.

Par ailleurs, tous les travaux nécessaires à la remise en bon état des infrastructures devront impérativement être réalisés avant la fin des concessions. Toute lacune, tout retard ne pourrait qu'être source de contentieux entre l'État et les concessionnaires.

La négociation des prochains contrats de plan (2022-2026 puis 2027-jusqu'à l'échéance des concessions) apparaît cruciale à ces égards.

Proposition n° 22 : veiller à ce que dans les contrats de plan les SCA maintiennent un haut niveau d'investissements pour assurer un bon niveau d'entretien des infrastructures et préparer la remise en bon état des biens en fin de concession.

D. UN SOMMET DES AUTOROUTES POUR DÉFINIR L'ÉQUILIBRE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER DES CONCESSIONS

Au cours de ses travaux, la commission d'enquête a constaté que les sociétés d'autoroutes invoquaient régulièrement l'équilibre des contrats de concession pour refuser de prendre en charge tout nouvel investissement sans qu'une compensation leur soit accordée, par le biais d'une hausse tarifaire ou d'un allongement de la durée des concessions.

Or, si l'équilibre des contrats a bien été défini pour les nouvelles concessions, celui des concessions historiques n'est nulle part précisé, en raison , comme on l'a vu, de leur ancienneté et des nombreuses modifications apportées à leur périmètre et à leur durée.

En l'absence de définition de cet équilibre, qui met en regard les investissements réalisés et futurs avec les recettes perçues et prévisionnelles, il n'est pas possible d'évaluer, à un instant donné, l'évolution de la rentabilité des concessions par rapport à celle initialement prévue par les contrats.

Le constat d'une évolution favorable aux sociétés d'autoroutes - et donc d'un déséquilibre du contrat - pourrait pourtant permettre à l'État d'exiger des concessionnaires la réalisation de nouveaux investissements sans contrepartie financière .

Dès lors, il est indispensable que le Gouvernement prenne l'initiative d'organiser un sommet avec les sociétés concessionnaires, auquel participeraient l'Autorité de régulation des transports et des représentants du Parlement, pour définir l'équilibre économique et financier des concessions autoroutières historiques.

Comme il y a eu un Grenelle de l'environnement et un Ségur de la Santé en référence à l'implantation des ministères concernés, ce sommet pourrait être une « Défense des autoroutes » en référence à la localisation des services de l'État en charge des transports.

Proposition n° 23 : organiser un sommet des autoroutes réunissant les services de l'État et les sociétés d'autoroutes historiques, associant l'Autorité de régulation des transports et des représentants du Parlement, pour définir l'équilibre économique et financier des concessions autoroutières historiques.

E. SOUTENIR LES PRATIQUES VERTUEUSES SANS NOUVELLES AUGMENTATIONS TARIFAIRES

Le niveau de rentabilité des concessions doit être un argument pour le concédant au cours de la prochaine négociation des contrats de plan pour défendre certaines évolutions des contrats de concession, et cela sans qu'il soit nécessaire de prévoir aucune nouvelle hausse tarifaire, ni allongement de la durée des concessions 297 ( * ) .

Dans cette perspective, la commission d'enquête estime qu' un certain nombre de pistes devraient être approfondies.

1. Introduire des modulations tarifaires en faveur des véhicules propres et du covoiturage
a) Une priorité pour le trafic poids lourds

Les véhicules poids lourds constituent la première source d'émission de gaz à effet de serre sur l'autoroute. Si des mesures ont déjà été prises, elles ne concernent cependant pas dans l'ensemble les SCA historiques.

La directive Eurovignette 298 ( * ) , qui permet de moduler les tarifs poids lourds en fonction de leurs performances environnementales, ne s'applique en effet que sur les réseaux des nouvelles concessions .

Au surplus, elle fixe des limites à la modulation qu'elle prévoit. Elle interdit ainsi des écarts allant au-delà du simple au double entre les véhicules « propres » et les véhicules les plus polluants, définis selon la classification Euro des véhicules établie en fonction des émissions polluantes 299 ( * ) , ce qui conduit à un écart maximum de 30 % par rapport au tarif moyen et de 10 % entre les véhicules les plus et les moins performants .

Les poids lourds qui effectuent de longs trajets et sont donc fréquemment renouvelés atteignent généralement les niveaux 5 et 6 de la directive, c'est-à-dire sont parmi les moins polluants. Les seuils ne sont toutefois pas assez discriminants et l'écart de tarifs entre l'Euro 5 et l'Euro 6, qui est par exemple de 10 % sur l'A63, ne constitue pas une incitation suffisante au passage vers l'Euro 6.

Une tarification en fonction du niveau d'émissions polluantes ne doit pas uniquement concerner les nouvelles concessions. Le concédant pourrait ainsi négocier avec les SCA historiques la mise en oeuvre d'une modulation des tarifs en faveur des poids lourds « propres » . Un écart tarifaire plus significatif, de l'ordre de 30 %, pourrait être introduit.

Thierry Repentin, président d'ATMB et SFTRF, les deux sociétés concessionnaires tunnelières publiques, a d'ailleurs indiqué à votre rapporteur avoir fait des propositions dans ce sens à l'ASFA. Il est regrettable que cette initiative n'ait pas été soutenue par les autres SCA historiques.

Il convient en outre que l'État accompagne dans le même temps la transition vers des véhicules propres pour les transporteurs pour compte propre , qui ne disposent pas de flotte de véhicules et dépendent de leurs camions pour vendre leurs produits. Comme l'a indiqué Florence Berthelot, déléguée générale de la Fédération nationale des transports routiers (FNTR), lors de la table ronde d'associations d'usagers des autoroutes, les camions qui effectuent des trajets courts sont en effet souvent plus anciens et plus polluants 300 ( * ) .

Proposition n° 24 : accroître les réductions tarifaires pour les véhicules poids-lourds les plus performants écologiquement tout en accompagnant la transition vers ces véhicules pour les producteurs et commerçants de proximité.

b) Une différenciation tarifaire accrue pour les véhicules légers « propres » et le covoiturage

La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a modifié l'article L. 122-4 du code de la voirie routière pour préciser que « la différenciation dans les abonnements proposée par les concessionnaires d'autoroutes afin de favoriser les véhicules à très faibles émissions dont le poids total autorisé en charge est inférieur à 3,5 tonnes ainsi que les véhicules utilisés en covoiturage est mise en oeuvre sous la responsabilité des concessionnaires sans modification du rythme d'évolution des tarifs de péage et sans augmentation de la durée des concessions autoroutières ».

Les sociétés concessionnaires sont ainsi invitées à mettre en oeuvre des tarifs d'abonnements différenciés afin de favoriser les véhicules à très faibles émissions ainsi que les véhicules utilisés en covoiturage, mais la loi ne leur impose pas une obligation en la matière.

Il est pourtant hautement souhaitable que les SCA utilisent pleinement cette latitude en proposant des grilles de tarifs qui tiennent compte des véhicules les plus performants.

Alors que Vinci Autoroutes met en avant son « éco-autoroute » A19 et son projet « d'autoroute de l'environnement », qu'APRR souligne ses ambitions « d'autoroute durable » et que Sanef indique que la biodiversité est un sujet majeur dans sa politique en matière de responsabilité sociale d'entreprise (RSE), la mise en oeuvre de tarifs modulés apporterait un élément de cohérence supplémentaire dans la politique environnementale affichée par les groupes autoroutiers .

Les SCA historiques pourraient s'inspirer en la matière des initiatives mises en place sur le reste du réseau autoroutier.

Sur le réseau ATMB et SFTRF, les véhicules électriques bénéficient ainsi d'une réduction tarifaire de 80 %. De son côté, Atlandes a proposé au concédant d'introduire des modulations pour les véhicules fonctionnant au gaz, ce qui nécessite une modification du contrat de concession.

Concernant le covoiturage , quelques initiatives tarifaires peuvent être relevées, notamment des offres de télépéage dédiées sur les réseaux APRR et Vinci.

Dans la mesure où le covoiturage permet de limiter les émissions polluantes en réduisant le trafic, ces offres pourraient être étendues au travers de modulations tarifaires prenant en compte le nombre de personnes à bord du véhicule. Cette formule serait plus incitative pour le développement du covoiturage et avantageuse pour les familles .

Là encore, la situation financière des SCA permet de considérer que ces offres ne devraient pas faire l'objet de compensations.

Proposition n° 25 : demander aux SCA de mettre en oeuvre, sans compensation, des modulations tarifaires à destination des véhicules légers les moins polluants et fonctionnant aux carburants alternatifs ou recourant au covoiturage.

2. Tenir compte des trajets du quotidien

a) Conforter l'initiative d'abonnements réduits pour les trajets quotidiens

Le réseau autoroutier de liaison a été construit à une époque où le développement périurbain n'avait pas atteint son niveau actuel et où le recours à l'autoroute pour des trajets quotidiens entre le domicile et le lieu de travail était marginal.

Le président de l'association « A10 gratuite », dont le premier péage est situé à moins de 30 km de Paris 301 ( * ) , a mis en avant cette situation lors de son audition par la commission d'enquête 302 ( * ) . Il a ainsi indiqué que les coûts supportés par un salarié régulier pour ses trajets quotidiens domicile-travail peuvent atteindre 1 300 euros par an .

On observe de ce fait un report massif sur le réseau secondaire aux abords de certaines grandes agglomérations, report qui se traduit par une accidentalité plus élevé, des phénomènes de congestion et donc une pollution accrue, enfin une dégradation accélérée de la voirie nationale.

Dans le prolongement de la crise des « gilets jaunes », la ministre des transports Élisabeth Borne a obtenu des concessionnaires qu'ils mettent en place des réductions tarifaires sur les trajets domicile-travail pour les travailleurs pendulaires, sans compensations tarifaires ou allongement des concessions. Les abonnés peuvent ainsi bénéficier d'une réduction de 30 % dès lors qu'ils font plus de dix allers-retours par mois sur la même section d'autoroutes.

Si cette initiative doit être saluée, les effets constatés un an et demi plus tard sont particulièrement décevants. Un million d'abonnés étaient attendus lors de la présentation de cette offre, en janvier 2019. En juillet 2020, ils n'étaient que 100 000 à avoir souscrit un abonnement pour bénéficier de cette réduction.

Les concessionnaires ont peu communiqué sur cette offre. Surtout, le geste commercial n'était sans doute pas suffisant au regard des sommes en jeu.

Comme l'a indiqué Élisabeth Borne lors de son audition par la commission d'enquête, la réduction par abonnement octroyée en janvier 2019 est « le seul cas où les sociétés concessionnaires ont fait un geste sans contrepartie, et elles peuvent peut-être aller plus loin » 303 ( * ) . Ces réductions devraient être augmentées jusqu'à 50 % sur certaines sections .

L'objectif initial d'un million d'abonnés ne doit pas être perdu de vue et la communication à destination du grand public sur les réductions doit être renforcée .

Enfin, les frais d'abonnement, qui s'élèvent en moyenne à 2,50 euros, peuvent être dissuasifs. Ils devraient être supprimés en cas de souscription à l'offre réduisant les coûts des trajets quotidiens.

Proposition n° 26 : accélérer le déploiement d'une offre d'abonnement sans frais pour les trajets domicile-travail garantissant des réductions tarifaires comprises entre 30 et 50 %.

b) Soutenir la demande de gratuité du diffuseur de Dourdan (A10) pour les usagers locaux

Pour des raisons historiques 304 ( * ) , le tronçon de l'A10 entre Allainville et La Folie-Bessin au niveau du raccordement de la RN 118 proche des Ulys fait l'objet d'un péage alors que le tronçon Dourdan - La Folie-Bessin est emprunté quotidiennement par des usagers locaux qui rejoignent ainsi brièvement des usagers en transit qui empruntent l'A11 et l'A10.

La suppression du péage pour les déplacements locaux est réclamée depuis des années par les usagers réguliers 305 ( * ) qui estiment que la stabilisation du tarif au kilomètre et les formules d'abonnement préférentielles à destination des usagers empruntant régulièrement le diffuseur de Dourdan ne constituent pas une réponse suffisante, motif pour lequel une partie de ce trafic se reporte sur le réseau routier avec des conséquences préoccupantes en matière d'accidentalité et de congestion

La commission d'enquête considère que l'État serait fondé à demander cette suppression sans qu'il puisse être considéré que l'équilibre économique et financier de la concession de Cofiroute est mis en cause, et donc sans compensation.

Au-delà, d'autres situations locales d'utilisation quotidienne de brèves sections à péage en zone péri-urbaine pourraient faire l'objet d'un examen.

Proposition n° 27 : examiner la possibilité de revenir sur des péages péri-urbains pénalisant pour les trajets du quotidien, en particulier le diffuseur de Dourdan (A10) pour les usagers locaux.

3. Inciter les SCA à accompagner le verdissement des autoroutes

Dans le prolongement du PIA et de la loi d'orientation des mobilités du 24 décembre 2019, le concédant devrait conditionner la signature des prochains contrats de plan des SCA au respect de normes écologiques accrues .

Même si la loi d'orientation des mobilités (LOM), qui consacre l'obligation pour les concessions autoroutières d'intégrer des améliorations pour « verdir » leurs investissements, n'est applicable qu'aux nouvelles concessions autoroutières construites après son entrée en vigueur, le concédant ne saurait renoncer à appuyer cette démarche sur le réseau historique 306 ( * ) .

a) Accélérer l'implantation de bornes de recharge électriques

Eu égard à l'essor des véhicules électriques qui permet de réduire la pollution atmosphérique, il est indispensable d'accélérer l'implantation de bornes de recharge.

Selon l'Association des sociétés françaises d'autoroute, seules 130 aires de service sont actuellement pourvues de bornes de recharge électriques sur le réseau concédé, pour un total de 307 bornes . Or ce nombre est amené à décroître rapidement . Izivia, filiale à 100 % du groupe EDF, a en effet décidé, en février 2020, de fermer, pour raisons de sécurité, 189 des 217 bornes de recharge rapide de son réseau Corri-Door sur autoroute et compte n'en remplacer qu'une toute petite partie, soit un quart au maximum.

L'arrêté du 2 janvier 2019 307 ( * ) impose certes un principe de continuité du service pour les aires de service équipées de bornes de recharge, sauf motif sérieux et légitime. Mais il ne fixe pas de nouvelles obligations d'implantation pour les aires qui n'en sont pas actuellement équipées. Dans ce dernier cas, il se contente d'exiger, dès lors que la réalité du besoin est établie, que les concessionnaires étudient la faisabilité technique de l'aménagement de bornes de recharge électriques.

L ' implantation de bornes de recharge électriques constitue un enjeu majeur pour les prochaines années. Les SCA doivent donc favoriser leur installation par les sous-concessionnaires sur les aires de leurs réseaux.

Proposition n° 28 : accélérer le déploiement de bornes de recharge électriques sur les aires d'autoroutes pour accompagner le développement des mobilités propres.

b) Accompagner le covoiturage et les transports collectifs

Le développement du covoiturage doit être encouragé. Deux voies dédiées ont ainsi été ouvertes en mai 2020 sur des tronçons des autoroutes A1 et A6A en Île-de-France.

L'aménagement de voies réservées aux véhicules partagés et aux transports collectifs doit être poursuivi. Il doit figurer dans les prochains contrats de plan après identification des sections pour lesquelles cette démarche est justifiée.

Cette adaptation du réseau existant devrait être considérée comme relevant de la modernisation normale des infrastructures et donc être mise en oeuvre sans compensation .

Pour faciliter le recours aux véhicules partagés afin de limiter la congestion urbaine, des places de parking réservées supplémentaires doivent être construites.

Proposition n° 29 : inciter les SCA à mettre en oeuvre sans contrepartie des aménagements permettant le développement du covoiturage et des transports collectifs.

4. Encourager les SCA à relever leur participation au financement de l'AFITF

Dans le cadre de la négociation du protocole de 2015, les SCA « historiques » ont accepté de contribuer au financement de l'Agence de financement des infrastructures des transports de France (AFITF) sur les 20 prochaines années 308 ( * ) .

Au vu de la rentabilité que les concessions historiques vont dégager d'ici leur échéance, une augmentation du montant de cette participation devrait être négociée .

Proposition n° 30 : négocier une augmentation de la participation des sociétés concessionnaires historiques au financement de l'AFITF

F. REVOIR LES CLAUSES D'ENCADREMENT DE LA RENTABILITÉ

Historiquement, les contrats de concession ne comportaient pas de clauses destinées à encadrer la rentabilité des sociétés d'autoroutes pour en faire bénéficier le concédant et, partant, l'usager.

Le législateur a finalement imposé l'introduction de telles clauses dans les nouveaux contrats de concession à partir de 2004, initialement en cas de contribution de collectivités territoriales au financement des concessions 309 ( * ) , puis pour toutes les concessions à partir de 2015 310 ( * ) .

Il apparaît toutefois que ces clauses risquent d'être inopérantes, au moins pour les concessions historiques.

1. Un encadrement de la rentabilité pour les nouvelles concessions

Plusieurs dispositifs d'encadrement de la rentabilité ont été introduits dans les nouveaux contrats de concession :

- le partage des fruits de la concession , sous la forme d'une redevance versée à l'État ou à la collectivité territoriale contributrice par les sociétés concessionnaires qui ont bénéficié d'une contribution publique, lorsque les revenus de la concession dépassent certains seuils ;

- le partage des gains de refinancement , sous la forme d'un reversement au concédant des économies de financement réalisées par les sociétés d'autoroutes lors des modifications de leur plan de financement ;

- la modération des tarifs de péage ou « clause de péage endogène » , sous forme de baisse des tarifs de péage en cas de dépassement d'un seuil de revenus ;

- la réduction de la durée de la concession ou « clause de durée endogène » , qui permet au concédant de mettre fin à la concession de manière anticipée, lorsque le cumul des chiffres d'affaires de la concession dépasse un certain seuil.

2. Des clauses introduites dans les contrats « historiques » à la suite du protocole de 2015

Si des clauses d'encadrement de la rentabilité ont été introduites, en totalité ou en partie, dans les nouveaux contrats de concession dès leur signature, tel n'a pas été le cas pour les contrats des SCA historiques, conclus entre les années 1950 et 1970.

Comme rappelé précédemment, le cadre contractuel n'ayant pas été révisé lors de la privatisation en 2006, ce n'est qu'à l'occasion des négociations relatives au plan de relance autoroutier (PRA) et de la signature du protocole d'accord du 9 avril 2015, et en réponse aux rapports de la Cour des comptes et de l'Autorité de la concurrence ainsi qu'aux demandes de la Commission européenne, que l'État est parvenu à obtenir l'introduction de de telles clauses dans ces contrats historiques mais sous une forme dégradée.

Figurent désormais dans ces contrats:

- des clauses de péage endogène, qui ne portent cependant que sur la compensation des investissements prévus dans le cadre du PRA . Ces clauses prévoient d'abaisser le niveau des péages en cas d'excès de recettes sur la période d'allongement de la durée de concession prévue par le PRA ;

- des clauses de durée endogène , prévoyant une fin anticipée de la concession si les chiffres d'affaires cumulés depuis la privatisation de 2006 dépassent de 30 % ceux prévus dans le plan d'affaires initial .

Seuils de chiffres d'affaires cumulés
permettant de mettre fin aux concessions historiques de manière anticipée

Sanef

15 632 130 750 euros

SAPN

5 509 052 777 euros

APRR

22 890 909 975 euros

AREA

7 514 590 348 euros

ASF

40 606 330 689 euros

Escota

8 882 391 078 euros

Cofiroute « interurbain »

16 448 415 694 euros

Source : Ministère de la transition écologique

3. Des clauses inopérantes pour les concessions historiques

La commission d'enquête a cherché à savoir ce qui a justifié de retenir des seuils de déclenchement aussi élevés. Il apparaît que ceux-ci sont le produit des négociations entre l'État et les sociétés d'autoroutes. Comme l'a indiqué Alexis Kohler lors de son audition, « plus une clause est ajoutée tôt dans la négociation, au moment de la conclusion du contrat de concession, plus elle peut être mordante au regard de l'équilibre contractuel. En l'espèce, le seuil de 30 % reflète l'équilibre de la négociation. Si nous nous étions situés au début des concessions, l'État aurait probablement obtenu une clause plus mordante. » 311 ( * )

Les sociétés d'autoroutes étant hostiles à l'introduction de telles clauses, elles sont parvenues à les rendre inopérantes, en faisant en sorte qu'elles ne puissent trouver à s'appliquer que dans des situations exceptionnelles.

C'est bien ce que relève l'ART dans son récent rapport sur l'économie des concessions autoroutières, dans lequel elle s'est attachée à mesurer l'effectivité potentielle des clauses introduites dans les contrats de concession historique.

Elle précise à cet égard que : « le déclenchement des clauses de « péage endogène » apparaît plausible, c'est-à-dire qu'il se produit dans des cas que l'Autorité estime favorables aux SCA mais réalistes, tandis que celui des clauses de « durée endogène » semble hautement improbable, c'est-à-dire qu'il se produit uniquement dans des cas que l'Autorité juge invraisemblables. » 312 ( * )

Au total, il apparaît que le cadre contractuel relatif à l'encadrement de la rentabilité est pour le moins disparate , comme l'illustre le tableau ci-dessous.

Dispositifs contractuels d'encadrement
de la rentabilité des concessions

Source : Autorité de régulation des transports (ART)

Idéalement, les contrats des SCA historiques devraient être révisés pour être alignés sur le cadre contractuel moderne qui régit les nouvelles concessions. A défaut de procéder à une modernisation d'ampleur de ces contrats, la commission d'enquête considère qu'il conviendrait a minima de revoir les clauses de durée endogène à l'occasion des prochains contrats de plan, afin de les rendre opérantes.

Proposition n° 31 : réviser les clauses d'encadrement de la rentabilité des contrats de concession historiques à l'occasion des prochains contrats de plan afin de les rendre potentiellement opérantes.

G. DÉVELOPPER LE RÔLE DES USAGERS

Les usagers des autoroutes , qu'il s'agisse de professionnels ou de citoyens, sont les premiers concernés par la sécurité du réseau autoroutier, la qualité des services proposés et les évolutions tarifaires.

Or, s'ils sont représentés au sein d'un comité des usagers du réseau routier national, les modalités de fonctionnement de ce comité paraissent peu satisfaisantes .

1. Le comité des usagers du réseau routier national : « une réunion aimable »

Un comité des usagers du réseau routier national a été institué en 2009 313 ( * ) .

Ce comité réunit des représentants d'associations de défense des consommateurs, d'organisations de transporteurs, d'associations d'automobilistes et de motocyclistes, des représentants d'associations de protection de l'environnement, des représentants des quatre directions compétentes des services de l'État, deux personnalités désignées à raison de leurs compétences en matière de réseau routier national, ainsi qu'un député et un sénateur 314 ( * ) . Un représentant de l'Association des sociétés françaises d'autoroutes assiste en outre à ses réunions.

Le comité est informé par le directeur des infrastructures de transport (DGITM) des actions menées en matière de qualité de service sur le réseau routier national. Il formule des avis et recommandations destinés au ministre chargé de la voirie nationale et au ministre chargé de la consommation.

Il semble toutefois que cette « réunion aimable », comme l'a qualifiée la déléguée générale de la Fédération nationale des transports routiers, Florence Berthelot, lors de l'audition des usagers des autoroutes organisée par la commission d'enquête 315 ( * ) , soit moins une enceinte de discussion que l'occasion pour l'administration de présenter les hausses de tarifs déjà entérinées .

Selon plusieurs des membres de ce comité, on assiste même à une dégradation de la qualité des échanges en son sein.

Gérard Allard, membre du réseau transports et mobilité durables de France nature environnement (FNE) a en outre indiqué que le nombre des réunions annuelles est passé de quatre ou cinq en 2010 à deux actuellement. Il estime toutefois que ces deux réunions pourraient être suffisantes si elles permettaient des échanges effectifs et un retour sur les problématiques soulevées lors des précédentes réunions.

2. Des échanges à dynamiser avec le concours des parlementaires

Le comité des usagers est une enceinte qui pourrait permettre d'améliorer la transparence de la gestion des concessions et des tarifs, d'identifier les attentes des usagers en matière de qualité du service et de l'infrastructure. Il est donc dommage qu'il soit si peu actif.

Au vu de l'efficacité de la présence des parlementaires, soulignée par les usagers comme permettant de dynamiser les discussions, il pourrait être utile de renforcer leur nombre, par exemple en le portant à deux députés et deux sénateurs .

Par ailleurs, un suivi formalisé des réponses apportées aux avis et recommandations devrait être mis en place.

Proposition n° 32 : associer plus largement les usagers des autoroutes en renforçant le rôle du comité des usagers, en y augmentant le nombre de parlementaires et en mettant en place un suivi formalisé des réponses apportées à ses avis et recommandations.

II. LA GESTION DES AUTOROUTES À L'ÉCHÉANCE DES CONCESSIONS HISTORIQUES

Dès lors qu'il apparaît pour le moins coûteux de mettre fin aux contrats de concession avant l'échéance prévue, la seconde priorité, après la gestion de la fin de ces concessions, est de réfléchir dès à présent aux conditions dans lesquelles les réseaux restitués à l'État d'ici 11 à 16 ans pourront être gérés .

A. NE PLUS PROROGER LA DURÉE DES CONCESSIONS HISTORIQUES

Jusqu'en 2015, l'État a régulièrement eu recours à l'allongement de la durée des concessions autoroutières pour financer les investissements nouveaux qu'il demandait aux sociétés concessionnaires d'autoroutes.

Ce faisant, il a retardé le moment où une véritable remise à plat du système autoroutier français , pourtant indispensable, sera possible.

1. Mettre fin à une pratique in fine coûteuse pour l'usager

Les contrats des concessions historiques ont d'ores et déjà été prorogés à maintes reprises pour financer de nouveaux travaux . L'allongement de la durée d'une concession autoroutière présente en effet l'avantage d'être indolore à court terme en ce qu'il ne mobilise pas de fonds publics et permet d'éviter toute hausse immédiate des tarifs des péages.

Toutefois, ainsi que la Cour des comptes l'a démontré dans le cas du plan de relance autoroutier (PRA) de 2015, un tel allongement est dommageable pour l'usager futur et pour l'État à long terme car il se fait de gré à gré, sans mise en concurrence et s'inscrit de plein droit dans le cadre défini par les contrats de concession historiques .

Pour mémoire, dans le cas du PRA, la Cour estime que l'allongement de la durée des concessions consenti aux SCA pour compenser 3,2 milliards d'euros d'investissements leur rapportera in fine 15 milliards d'euros .

Il convient en outre de rappeler que si la Commission européenne a considéré que cet allongement des durées de concession prévu par le PRA ne constituait pas une aide d'État , elle désapprouve fortement cette pratique en principe interdite par le droit de l'Union européenne.

Or, comme rappelé, les contrats des concessions historiques n'ont pas été fondamentalement revus avant l'ouverture du capital des sociétés concessionnaires (SCA), alors même qu'ils n'assurent pas une protection satisfaisante des intérêts du concédant et, in fine , des usagers des autoroutes.

Il en résulte que ce n'est qu'une fois les concessions actuelles terminées qu'il sera possible de refonder le système de gestion des autoroutes .

Le rapporteur souscrit ainsi pleinement au constat formulé par Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire devant la commission d'enquête : « je pense qu'il faut arriver au terme de ces contrats, les solder et passer à autre chose pour ne pas traîner le péché originel de contrats trop anciens et passés initialement avec des sociétés publiques » .

Il est donc essentiel de ne plus céder à la facilité consistant à faire financer des plans de relance ou d'investissement autoroutiers par des allongements de la durée des concessions autoroutières .

2. Tout allongement est désormais soumis au Parlement

La loi « Macron » a fort heureusement prévu qu'une autorisation législative serait désormais indispensable pour tout allongement de la durée des concessions, ce qui évitera d'y procéder en catimini, sans vote de la représentation nationale.

Toutefois, l'appétence des SCA pour l'allongement de la durée des concessions ne faiblit pas , comme le montre la proposition de Sanef, réitérée devant la commission d'enquête, consistant à financer la modernisation de la section gratuite de l'autoroute A1 dans la perspective des Jeux Olympiques de 2024 par une prolongation d'environ un an de la durée d'exploitation de l'ensemble du réseau qui lui est concédé.

Si la tentation de céder aux sirènes des SCA peut être forte pour un État impécunieux, la commission d'enquête tient toutefois à insister sur la nécessité de ne plus procéder à de tels allongements, de sorte qu'il soit enfin possible de remettre le système des concessions autoroutières à plat au plus tard entre 2031 et 2036.

Proposition n° 33 : ne plus procéder à aucun allongement de la durée des concessions autoroutières afin de pouvoir remettre à plat le cadre de gestion des autoroutes.

B. QUEL MODE DE GESTION À LA FIN DES CONCESSIONS ?

La concession n'est pas le seul mode de gestion possible des autoroutes.

C'est pourquoi, il apparaît indispensable d'expertiser dès maintenant les solutions de gestion possibles, leur cadre juridique et les modalités de financement du réseau autoroutier.

1. Une réflexion à lancer sans tarder en regardant les différentes pratiques européennes
a) Aucune réflexion des services de l'État sur le futur mode de gestion

Lors des nombreuses auditions auxquelles elle a procédé, la commission d'enquête a interrogé les différents services de l'État sur l'état des réflexions relatives à la gestion des autoroutes françaises après l'échéance des contrats.

À sa grande déception, elle a constaté que cette réflexion était pour l'heure inexistante , alors même que les enjeux sont considérables et que la première concession historique - celle de Sanef - expirera dans moins de onze ans.

Il est donc grand temps que l'État prenne cette question à bras le corps et lance des travaux pour expertiser les différents modes de gestion envisageables des autoroutes et le cadre juridique à mettre en place pour éviter que ne se reproduisent les errements du passé .

Dans la mesure où il s'agit d'un réseau mature, plusieurs solutions devront plus particulièrement être explorées : le recours à de nouvelles concessions d'une durée moins longue et mieux encadrées, à des contrats de prestations de services, à la mise en place de régies intéressées ou encore à une gestion directe par l'État.

S'il décide de confier tout ou partie de l'exploitation du réseau autoroutier à des sociétés privées, l'État devra cette fois-ci s'attacher à définir précisément l'équilibre économique des contrats qu'il conclura avec elles, de sorte que le taux de rendement interne (TRI) dont elles bénéficieront soit raisonnable et ne conduise pas à l'apparition de nouveaux phénomènes de « surrentabilité » .

Proposition n° 34 : lancer sans tarder la réflexion au sein des ministères chargés des transports et de l'économie sur la gestion future des autoroutes actuellement sous concession.

b) Trois modes de gestion envisageables

Les deux principaux cadres possibles de gestion des autoroutes sont la gestion publique en régie et la gestion par un partenaire privé dans le cadre d'un contrat de concession .

S'y ajoutent des solutions intermédiaires de répartition des risques entre l'État et le secteur privé sous forme de contrats de partenariat .

Le graphique ci-dessous permet de mettre en lumière cette répartition des risques en fonction de l'option retenue :

- la régie publique , qui voit l'État porter les risques de financement, de travaux et de fréquentation de l'infrastructure ;

- la concession , grâce à laquelle l'État transfère ces trois risques à des opérateurs privés ;

- les contrats de partenariat , dont les modalités sont très variables, mais qui conduisent l'État à porter le risque trafic tout en transférant tout ou partie des autres risques aux opérateurs privés.

Source : Rapport du CGEDD « Analyse comparée des dispositifs de réalisation des infrastructures de transport », 2012 ; synthèse BCG

c) Ces trois modèles coexistent en Europe

Comme le montre l'étude comparative du secteur autoroutier européen établie à la demande de l'Autorité de régulation des transports (ART) 316 ( * ) par le cabinet Norton Rose Fulbright , ainsi que les réponses apportées par les missions économiques de la direction générale du Trésor aux questionnaires qui leur ont été adressés par le rapporteur, les trois grands modes de gestion présentés ci-dessus, qui ne sont pas exclusifs les uns des autres, sont actuellement pratiqués en Europe .

Typologie des modes de gestion des autoroutes dans six pays européens
(mode majoritaire en grisé)

Source : Norton Rose Fulbright, Étude comparative du secteur autoroutier européen, juin 2020

La gestion par des entreprises publiques et le recours à des marchés publics constitue le mode de gestion dominant en Allemagne ( 90 % du réseau ) et en Grande-Bretagne ( 78 % du réseau ).

La gestion dans le cadre de concessions de travaux publics et/ou de service public à péage est le mode de gestion dominant en Italie ( 87 % du réseau ) et en Espagne ( 80 % du réseau ).

Enfin, la gestion dans le cadre de contrats de partenariat , avec paiement de la rémunération par une entité publique est surtout pratiquée au Portugal , dont 63 % du réseau est géré de cette façon.

d) Des stratégies différentes en matière de financement

Les différentes modes de gestion sont financés soit par le budget de l'État, soit, en tout ou partie, par les usagers , sous forme de vignettes, d'abonnements ou de péages .

13 pays membres de l'Union européenne offrent un accès gratuit à leurs autoroutes qui sont financées par le budget de l'État. Le financement est assuré par les péages acquittés par les usagers dans les pays ayant majoritairement recours à la concession.

En cas de partenariat public-privé (Royaume-Uni ou Portugal) ou pour certaines concessions (Pologne), le risque trafic est supporté par l'État qui rémunère l'exploitant ou le concessionnaire mais des péages , qui sont alors perçus par l'État, peuvent toutefois être maintenus .

On note par ailleurs une généralisation progressive des péages pour les poids lourds. Le réseau routier fédéral allemand est ainsi en train d'évoluer d'un financement par les taxes vers un financement par les usagers. Depuis juillet 2018 un péage est applicable sur l'intégralité du réseau routier fédéral allemand (13 000 km d'autoroutes + 39 000 km de routes fédérales) aux poids-lourds de plus de 7,5 t. Les péages alimentent directement le budget du réseau routier fédéral. Le tarif kilométrique moyen (TKM) est calculé à partir des coûts engendrés relatifs à l'infrastructure, aux nuisances sonores et à la pollution de l'air.

En République tchèque , les véhicules particuliers et les véhicules de moins de 3,5 t doivent acquitter une vignette temporaire de 10 jours, 1 mois ou une année. Pour les véhicules poids lourds de plus de 3,5 t, des péages ont été instaurés en 2007. Ils sont calculés au kilomètre parcouru et varient en fonction du type de route empruntée (autoroute + nationale ; route de 1 ère catégorie), du nombre d'essieux, de la catégorie d'émission du véhicule et de l'heure du passage 317 ( * ) .

Les péages ne sont pas toujours proportionnels à la distance parcourue. Certains sont forfaitaires , quelle que soit la longueur du trajet (l'autoroute A8 de Milan vers les Lacs, par exemple, ou encore l'A12).

Sur certains réseaux nationaux, un abonnement est indispensable pour pouvoir emprunter l'autoroute, quelles que soient les distances effectivement parcourues. Pour rouler sur les autoroutes en Suisse , il est ainsi obligatoire de détenir une vignette autoroutière annuelle (40 francs suisses, soit 35 €).

L'accès au réseau autoroutier hongrois suppose également de souscrire un abonnement hebdomadaire, mensuel ou annuel , dont le coût varie en fonction du type de véhicule (environ 123 euros/an pour les VL et environ 570 euros/an pour les PL les plus gros, mais ne tient pas compte des distances effectivement parcourues.

Les péages des autoroutes concédées en France font l'objet d'une tarification en fonction de la distance parcourue . Sur les réseaux qui pratiquent cette méthode de calcul, les tarifs kilométriques moyens (TKM) vont, pour les véhicules légers, d'environ 0,0690 euro en Croatie (avec une majoration l'été) à environ 0,10 euro en Pologne et 0,1155 euro pour les autoroutes payantes en Espagne 318 ( * ) . En France, le TKM des concessions historiques se situe en 2020, pour la classe 1, entre 0,081 euro pour APRR et 0,109 euro pour AREA 319 ( * ) .

Les différents modes de financement des autoroutes européennes
en juillet 2020

Source : Toute l'Europe

2. Plusieurs pistes à explorer au regard des objectifs poursuivis

À première vue et sous réserve d'analyses complémentaires auxquelles il convient que les services de l'État procèdent rapidement, le modèle concessif apparaît le plus pertinent, dès lors que le cadre des relations entre l'État et les concessionnaires serait très nettement rééquilibré par rapport à la situation présente, dont les principales insuffisances ont été exposées en détail.

a) Les difficultés de la gestion en régie

Si la gestion en régie permet à l'État de percevoir les péages, si tant est qu'il soit décidé de les maintenir, elle risque de se heurter à des difficultés techniques et de financement.

(1) Le produit des péages éventuels récupéré par l'État

La gestion en régie des autoroutes actuellement concédées, via des sociétés publiques, des établissements publics ou bien même des services de l'État comme c'est le cas pour le réseau autoroutier et routier non concédé , n'aurait pas pour objectif d'améliorer la qualité ou la sécurité des autoroutes françaises, dans la mesure où les prestations actuellement fournies aux usagers par les SCA sont très généralement considérées comme très satisfaisantes .

Une telle solution présenterait en réalité un unique avantage : permettre à l'État de récupérer pour lui-même les recettes des péages autoroutiers et éviter que de grands groupes privés ne bénéficient d'une rente à son détriment et à celui des usagers.

Il est à noter que le maintien du péage ne va pas de soi comme le montre la reprise de la gestion de plusieurs autoroutes par l'État espagnol 320 ( * ) .

Si elles étaient maintenues, les recettes de péage auraient naturellement vocation à être utilisées pour financer l'exploitation et la modernisation du réseau autoroutier , comme c'est le cas aujourd'hui. Mais il pourrait également être envisagé d'affecter les éventuels excédents à d'autres modes de transport que les autoroutes , ainsi que le préconisaient les promoteurs de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) au début des années 2000. Le réseau routier et autoroutier non concédé, dont la modernisation a pris du retard, pourrait en particulier utilement bénéficier de crédits supplémentaires .

Une telle évolution supposerait toutefois une intervention du législateur pour modifier les dispositions de l'article L. 122-4 du code de la voirie routière, lequel prévoit actuellement que le péage ne peut être utilisé que pour couvrir des coûts limitativement énumérés et tous directement liés à l'exploitation du réseau autoroutier et aux investissements visant à le moderniser ou à le développer .

(2) L'expertise technique et financière inadaptée des services de l'État

Une exploitation en régie des autoroutes présenterait en outre des inconvénients importants .

En premier lieu, les sociétés d'autoroutes privatisées gèrent actuellement le réseau qui leur est concédé avec un professionnalisme incontestable , si bien que ces autoroutes ont été jusqu'à présent saluées comme particulièrement performantes , ce que confirme l'étude du cabinet Norton Rose Fulbright précitée.

Prévoir une gestion publique de tout ou partie de ce réseau conduirait l'État à se priver de l'expertise des groupes autoroutiers , expertise qu'ils ont confortée pendant les 15 à 20 ans pendant lesquels leurs filiales ont exploité leurs concessions actuelles , qu'il s'agisse des concessions historiques ou de concessions plus récentes.

Or, dans le même temps, l'expertise des services de l'État s'est spécialisée dans le contrôle de travaux dont ils n'assurent plus eux-mêmes la maîtrise d'ouvrage. Les ressources disponibles pour intervenir directement seraient manifestement insuffisantes pour remplir cette mission , comme en témoignent les difficultés à assurer un état satisfaisant du réseau non concédé.

De même, il paraîtrait difficilement envisageable que l'État assure lui-même la passation des très nombreux marchés de travaux, fournitures et services auxquels donne lieu l'exploitation des autoroutes, y compris les installations de service présentes sur les aires d'autoroutes.

Au total, confier la gestion des autoroutes à l'État n'apparaît donc guère comme la solution la plus adéquate pour garantir le maintien du niveau actuel d'entretien , et donc de sécurité , de ces infrastructures.

(3) Une incertitude quant à la pérennité du financement des autoroutes

Dans la mesure où les grands projets de développement autoroutiers appartiennent au passé et où l'État récupèrera, conformément aux cahiers des charges, des autoroutes en très bon état à l'issue des concessions en cours , les montants financiers à mobiliser en faveur des autoroutes pourraient diminuer sensiblement dans les décennies à venir .

Toutefois, pour que notre pays puisse conserver des infrastructures autoroutières d'excellent niveau, il faudra que les montants d'investissement annuels sur le réseau demeurent importants et soient financés soit par le produit des péages , soit par des crédits budgétaires , c'est-à-dire par l'usager dans le premier cas et par le contribuable dans le second.

Or, les contraintes qui pèsent sur les finances publiques sont aujourd'hui telles que l'on peut légitimement s'interroger sur la pérennité des financements affectés à l'entretien du réseau autoroutier si l'État en reprenait la gestion en direct.

Le risque serait en effet que les autoroutes soient victimes d'arbitrages budgétaires défavorables , au risque d'entraîner une dégradation des infrastructures existantes , à l'instar de ce qu'ont connu au cours des dernières décennies tant le réseau ferré que le réseau autoroutier non concédé.

Après avoir rappelé que, « l'État peut toujours reprendre les autoroutes en régie s'il le souhaite, et s'il peut financer », Philippe Martin, président de la section des travaux publics du Conseil d'État, a ainsi constaté, lors de son audition par la commission d'enquête, que « la gestion directe et la construction des grandes infrastructures sont extrêmement coûteuses pour l'État , qui peine à trouver les financements » 321 ( * ) .

C'est la raison pour laquelle il considère qu' une reprise en régie ne serait pas nécessairement une bonne formule pour l'État : « La concession me semble un bon outil . Il ne me paraît pas incongru que les autoroutes soient gérées par des opérateurs privés . Le métier de concessionnaire suppose des savoir-faire financiers et techniques , notamment parce qu'il faut réaliser des travaux très lourds. La concession me semble donc un outil tout à fait approprié pour une bonne gestion du service public, à condition de bien s'en servir ».

(4) Une moindre incitation à une gestion rigoureuse

Une entreprise, qu'elle soit publique ou privée, obéit systématiquement à une logique de maximisation de ses profits , mais, dans le cas d'une structure publique, des pertes éventuelles sont souvent considérées comme moins dommageables car susceptibles d'être compensées par l'État.

Le gestionnaire public a donc une moindre incitation à mettre en oeuvre une gestion rigoureuse et à générer des gains de productivité qu'un gestionnaire privé. Un tel risque serait susceptible de se matérialiser si l'État devait assurer lui-même la gestion de ses autoroutes.

(5) Des enseignements à tirer de l'exemple espagnol

La mise en oeuvre de la politique très ambitieuse du gouvernement espagnol , qui a décidé la reprise en gestion publique directe en 2017 de plusieurs autoroutes dont les concessionnaires avaient été placés en liquidation, puis en 2019 et en 2020 de 552 kilomètres d'autoroutes dont les contrats de concession étaient arrivés à échéance tout en rendant gratuites, dans ces derniers cas, les portions concernées (ce qui impliquera un financement non plus par les usagers, mais par les contribuables), sera à surveiller de près dans les années à venir .

Cette expérience devrait en effet permettre de voir dans quelle mesure, et à quel coût, cette reprise en gestion publique directe aura permis de maintenir le bon niveau d'entretien de la part concernée du réseau autoroutier jusqu'alors concédée .

En Espagne, la gestion directe d'autoroutes par l'entreprise publique
Sociedad Estatal de Infraestructruras del Transporte
(« SEITT »)

La Sociedad Estatal de Infraestructruras del Transporte (« SEITT ») est une entreprise publique créée en 2005, détenue à 100 % par l'État espagnol, et qui a pour mission d'assurer la construction, l'exploitation, l'entretien et la maintenance d'infrastructures de transport terrestre nationales en Espagne.

Alors qu'elle se concentrait au départ principalement sur le secteur ferroviaire, ses missions ont été élargies aux autoroutes à partir de 2015 en raison des difficultés économiques rencontrées par plusieurs sociétés concessionnaires d'autoroutes espagnoles.

L'implication de la SEITT en matière autoroutière s'est accrue à partir de 2017 lorsque l'État lui a directement confié la gestion provisoire de huit concessions autoroutières résiliées à la suite de la liquidation des sociétés concessionnaires titulaires des contrats correspondants, lesquels auraient dû normalement expirer entre 2039 et 2065.

Elle assure aujourd'hui l'exploitation de ces sections avec ses propres personnels, avec ceux de sociétés concessionnaires qui lui ont été transférés et au moyen de marchés de travaux, de fournitures et de services.

Cette gestion des concessions résiliées ou venues à terme par la SEITT a été envisagée de manière provisoire pour une période de 4 ans. Le Gouvernement espagnol devra déterminer d'ici 2022 les modalités pérennes selon lesquelles il souhaite que ces infrastructures soient gérées.

Source : Norton Rose Fulbright, Étude comparative du secteur autoroutier européen, juin 2020

b) Des contrats de partenariat modifiant la répartition des risques

La troisième grande option à étudier pour la gestion future des autoroutes est la mise en place de contrats de partenariat, au titre desquels l'État percevrait les péages, supportant ainsi le risque trafic , et confierait, après mise en concurrence, l'exploitation et la maintenance des autoroutes à des sociétés privées, en contrepartie d'un loyer, lequel peut varier en fonction de la disponibilité de l'ouvrage et du respect par le partenaire privé des critères de performance définis dans le contrat.

Ce modèle est notamment pratiqué au Portugal , où le gestionnaire public Infraestructuras de Portugal perçoit une partie des péages d'usage des autoroutes , porte le risque trafic et délègue à des sous-concessionnaires privés la gestion opérationnelle des réseaux .

Une telle solution présente l'avantage principal de prévenir la « surrentabilité » dont profitent actuellement les sociétés concessionnaires d'autoroutes françaises, puisque les entreprises qui se verraient confier la gestion et l'entretien des autoroutes seraient rémunérées par des loyers fixes, indépendants de l'évolution du trafic.

Mais elle n'est pas sans risque budgétaire pour la puissance publique : en cas de baisses du trafic semblables à celles provoquées par la crise économique de 2008 ou la crise sanitaire de 2020, c'est l'État qui serait touché par les baisses des recettes de péages, tout en devant maintenir le paiement des loyers consentis aux sociétés chargées de l'entretien et de l'exploitation des autoroutes.

Le gestionnaire public Infraestructuras de Portugal délègue l'exploitation d'autoroutes dont il a la charge selon un système de « sous-concessions »

Au Portugal, l'entreprise publique Infraestructuras de Portugal (IP) est chargée, dans le cadre d'un contrat conclu avec l'État, de gérer l'ensemble du réseau routier et autoroutier national, à l'exception de la partie gérée dans le cadre de contrats de concession. IP est autorisée à déléguer à des opérateurs privés la gestion d'une partie du réseau dont elle a la responsabilité en recourant à des contrats de partenariat public-privé (PPP).

Les titulaires de ces contrats de « sous-concession » reversent à IP une partie du produit des péages qu'ils perçoivent auprès des usagers sur les sections d'autoroutes dont la gestion qui leur est confiée.

Source : Norton Rose Fulbright, Étude comparative du secteur autoroutier européen, juin 2020

c) De nouvelles mises en concession dans un cadre révisé en profondeur

La principale alternative à une reprise des autoroutes en régie consisterait à procéder à l'attribution de nouvelles concessions portant sur différentes portions du réseau autoroutier français à l'issue d'appels d'offres les plus ouverts possibles .

La mise en concurrence permet en effet de faire émerger des propositions vraiment compétitives en termes de qualité de service tout en assurant une modération tarifaire à même d'éviter les risques de « surrentabilité » grâce à l'insertion de clauses adaptées.

Telle est l'analyse que le président de la section des travaux publics du Conseil d'État, Philippe Martin, a exposé devant la commission d'enquête : « l'expiration des concessions à partir de 2031 représente pour l'État une réelle opportunité de reprendre la main en tant que concédant . Il pourrait le cas échéant conclure, après mise en concurrence, de nouvelles concessions équilibrées , portant sur des liaisons rationnelles en termes de desserte du territoire, et affichant des tarifs cohérents. Cela permettrait de recalculer l'équilibre économique global des concessions à partir du point zéro , et d'éviter peut-être aussi d'insérer certaines clauses figurant dans les concessions actuelles » 322 ( * ) .

Philippe Martin estime que le modèle concessif est un modèle robuste qui a fait ses preuves : « si la fin des concessions est une opportunité pour l'État, la conclusion de nouvelles concessions ne me paraîtrait nullement incongrue . La concession est en effet un mode de gestion des services publics vieux de plus d'un siècle, parfaitement connu et reconnu, consacré par une directive européenne de 2014 ».

Si l'État devait faire le choix, entre 2031 et 2036, de recourir à nouveau au système de la concession pour exploiter, entretenir et moderniser ses autoroutes, des évolutions très substantielles seraient néanmoins nécessaires afin d'éviter que les erreurs commises en 2006 ne se reproduisent .

(1) Retenir des durées de concession raisonnables

Lorsque les concessions autoroutières « historiques » arriveront à échéance, entre 25 et 30 ans se seront écoulés depuis la privatisation de 2006 , ce qui est manifestement beaucoup trop long .

Si une telle durée pouvait être justifiée lorsqu'il fallait consentir de lourds investissements pour construire de nouvelles sections d'autoroutes, le caractère mature du réseau actuel (il l'était d'ailleurs déjà en 2006) change fortement les choses .

En effet, l'enjeu principal consiste dorénavant à entretenir et à exploiter le réseau existant, même si des aménagements nouveaux, plus limités, peuvent être envisagés.

C'est ce qui a conduit Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance, à plaider devant la commission d'enquête « pour une durée plus courte [des contrats de concession] avec une clause de rendez-vous réguliers » 323 ( * ) .

De fait, comme il le relevait lors de son audition, « la nature des contrats et des risques qui y sont adossés doit évoluer . Il n'y a plus de risque construction, mais d'autres enjeux ont émergé - transition écologique, nouvelles mobilités - qui constituent des risques moins importants ». Qui dit risques moins importants dit retour sur investissements plus rapide .

C'est pourquoi la durée des concessions sur le réseau « historique »doit être réduite et ne pas dépasser une durée raisonnable qui permette de motiver le concessionnaire et le conduise à un investissement suffisant dans la gestion et surtout l'entretien du réseau concédé.

Il convient en outre d'éviter l'organisation d'appels d'offres trop rapprochés qui mobilisent les services de l'État et génèrent des coûts importants .

Une durée de 15 ans serait susceptible de répondre à l'ensemble de ces préoccupations.

Tel est d'ailleurs le point de vue de Bruno Le Maire qui a indiqué à la commission d'enquête que « s'il n'y a pas besoin d'investissements massifs à court ou moyen terme , une durée de quinze ans avec une clause de rendez-vous tous les cinq ans paraît raisonnable ».

Proposition n° 35 : limiter à quinze ans la durée des futures concessions autoroutières portant sur le réseau existant et ne nécessitant pas de travaux importants.

(2) Prévoir des clauses de revoyure pour ajuster la rentabilité

Il est en outre indispensable que les contrats de concession prévoient une vérification dans la durée de la qualité des travaux et des points de situation réguliers sous forme de clauses de revoyure tous les cinq ans de nature à éviter l'apparition d'une rente autoroutière.

Ces clauses permettraient de vérifier la bonne exécution du contrat et de réduire les tarifs des péages ou la durée de concession en cas de « surrentabilité ».

Ce système existe déjà en Italie, puisque les contrats de concession d'autoroutes italiens contiennent désormais une annexe intitulée « plan économique et financier » qui détermine l'équilibre économique de la concession pour une durée de cinq ans .

Une révision quinquennale de ces plans économiques et financiers permet d'ajuster les conditions de rémunération des concessionnaires en tenant compte des écarts entre les niveaux de trafic projetés et effectifs sur la période écoulée ainsi que des nouveaux investissements à réaliser au cours des cinq années suivantes.

Devant la commission d'enquête, Bruno Le Maire a lui aussi considéré qu'une révision périodique de l'équilibre économique des contrats devrait être recherchée à l'avenir, puisqu'il estimait, à raison, qu' « il est impératif pour les prochaines concessions de prévoir de pouvoir réévaluer le taux de retour sur investissement cible pour que le concessionnaire ne bénéficie pas d'une surrentabilité . D'où ma proposition de clause de rendez-vous tous les cinq ans qui permet de réévaluer ce taux de retour ».

Proposition n° 36 : introduire des clauses de revoyure tous les cinq ans pour les futures concessions autoroutières afin de prévenir la réapparition d'une rente autoroutière.

(3) Prévoir un partage des gains

Si le réseau historique devait faire l'objet de nouvelles concessions à l'échéance des concessions actuelles, il serait indispensable de définir préalablement un cadre juridique à partir d'un équilibre économique qui ne lèse pas le concédant.

Les innovations contractuelles introduites dans les contrats des concessions passées depuis 2001 pourraient ainsi être reprises et complétées .

Plusieurs clauses de partage des gains ont été introduites dans les contrats des nouvelles concessions établis depuis 2001 . Leur article 24 comporte ainsi une clause de partage des gains de financement tandis que leur article 30 prévoit un partage des fruits de la concession 324 ( * ) .

(a) Des clauses de partage des gains d'exploitation

Dans les contrats des nouvelles concessions (à l'exception de ceux d'Alis et Adelac qui ne comportent pas de telles clauses), il est prévu que les concessionnaires versent, chaque année et à compter de la mise en service de l'autoroute, une redevance annuelle calculée en fonction de leur chiffre d'affaires .

Cette redevance n'est versée qu'à partir de la septième année suivant la mise en service complète de l'autoroute pour Alicorne, et le sera à partir de 2062 pour Albéa, soit 4 ans seulement avant la fin de la concession . Ce seuil est par ailleurs fixé en valeur absolue pour Arcour et se déclenche dès que le chiffre d'affaires hors taxe cumulé depuis le début de la concession atteint 1,5 milliard d'euros .

Atlandes est sur ce point un cas particulier, dans la mesure où il s'agit de l'un des seuls contrats portant sur l'aménagement d'un ouvrage routier déjà existant, l'ancienne route nationale 10. L'article 24.2 du contrat de concession prévoyait en conséquence le versement par les propriétaires de cette société d'une contribution de 400 millions d'euros à l'État avant même le démarrage du projet, correspondant à la reprise de l'infrastructure existante .

(b) Des clauses de partage des gains de refinancement

Afin de pallier les insuffisances observées dans les contrats des concessions historiques au regard de l'optimisation financière à laquelle procèdent les sociétés concessionnaires, les futurs contrats de gestion du réseau existant devraient comporter des clauses de partage des gains de refinancement similaires à celles qui existent actuellement dans cinq des contrats des nouvelles concessions.

La rédaction de ces clauses pourrait s'inspirer de celle qui figure dans le contrat d'Atlandes (A63). Celle-ci stipule que le concessionnaire soumet au concédant pour accord tout projet de modification du plan de financement, y compris des montants, des conditions financières et des échéanciers. Le concédant peut, dans ce délai, s'opposer à toute modification envisagée qui lui paraîtrait de nature à compromettre la bonne exécution du contrat de concession, son silence valant décision de refus

Le gain financier obtenu au travers d'un refinancement du fait d'une baisse des taux d'intérêt est calculé sur la base du nouveau modèle financier servant au refinancement. Le mécanisme de partage des gains de refinancement est fonction du taux de rentabilité interne nominal annuel prévisionnel des actionnaires.

Le contrat d' Atlandes précise ainsi que, si le TRI est inférieur à 12 %, ce qui est le cas dans tous les contrats historiques, la part du concédant est réduite au montant permettant d'atteindre ce TRI. Cette clause a permis à l'État de bénéficier du refinancement de sa dette mis en oeuvre par Atlandes lors de l'exercice 2015. Atlandes lui a reversé à ce titre 247 millions d'euros .

Votre rapporteur considère que l'introduction de telles clauses est indispensable, sans qu'il ne soit par ailleurs nécessaire de prévoir une obligation contractuelle de refinancement .

Si, dans un contexte de baisse des taux, les sociétés sont incitées à se refinancer afin d'optimiser leurs coûts, il n'est pas pour autant opportun d'un point de vue économique que l'État intervienne dans la stratégie de refinancement de la dette de sociétés privées.

(c) Des clauses de modération tarifaire

Quant aux clauses dites de « péage endogène » , qui figurent dans les contrats des SCA historiques, elles ne sont pas suffisantes . Leur déclenchement est en effet considéré comme « possible » par l'ART dans son rapport quinquennal sur la rentabilité des concessions autoroutières mais « peu probable » (voir supra ).

Les clauses de modération tarifaires mises en place dans la dernière génération de contrats de concession prévoient une diminution des tarifs de péage lorsque l'apport en nature est remboursé grâce aux versements effectués au titre du partage des fruits de la concession et du partage des gains de refinancement.

La réduction des tarifs de péage est déterminée conjointement par le concessionnaire et le concédant de façon à produire un « effet économique équivalent » au partage des fruits de la concession et au partage des gains de refinancement. On trouve par exemple une telle clause dans le projet de cahier des charges (art. 24.4) de la future concession de l'autoroute A79 entre Sazeret (Allier) et Digoin (Saône-et-Loire).

(d) Revoir les seuils des clauses de plafonnement de la rentabilité

En tout état de cause, l es seuils de déclenchement des clauses de plafonnement de la rentabilité doivent impérativement être repensés et revus à la baisse dans les futurs contrats, dans la mesure où, selon l'ART, les clauses de durée endogène actuelles ont très peu de chance de jouer, voire sont difficilement modélisables.

Proposition n° 37 : encadrer l'équilibre des contrats de concession par des clauses de partage des gains d'exploitation et des gains de refinancement ainsi que des clauses de modération tarifaire, assorties d'une définition pertinente des seuils de déclenchement des clauses de plafonnement de la rentabilité.

(4) Calibrer les clauses de compensation fiscale et technique

Les contrats des nouvelles concessions n'ont pas repris les clauses de « neutralisation fiscale » introduites dans les contrats de concession historiques à la suite du protocole de 2015.

Ces clauses, qui figurent à l'article 32 des cahiers des charges des concessions historiques, prévoient que toute modification de la fiscalité spécifique aux sociétés d'autoroutes « de nature à dégrader ou améliorer l'équilibre économique et financier de la concession » est intégralement compensée .

Dans les contrats des concessions récentes, la formule antérieure a été conservée, de sorte que des compensations n'interviennent que lorsque les modifications fiscales « sont de nature à substantiellement dégrader ou améliorer l'équilibre économique de la concession ».

Dans l'intérêt de l'État, les futurs contrats de concession devraient reprendre cette formule qui est plus protectrice des deniers publics .

Quant aux clauses de neutralisation de la réglementation technique , qui figurent à l'article 31 des contrats de concession historiques, elles sont absentes des nouveaux contrats.

Là encore, les formulations figurant dans les nouveaux contrats de concession devraient être reprises dans le cadre des futures concessions après 2032 .

Proposition n° 38 : ne prévoir une compensation de la fiscalité spécifique que si les modifications sont de nature à substantiellement dégrader ou améliorer l'équilibre économique de la concession.

LISTE DES PROPOSITIONS

Proposition n° 1 : veiller au maintien des capacités d'expertise et d'ingénierie technique élevées du ministère chargé des transports et du Cerema pour rédiger les spécifications techniques des appels d'offres, des contrats de concession et des avenants, et contrôler la livraison des travaux, l'entretien et l'état des réseaux.

Proposition n° 2 : établir une définition claire de la notion de « besoins de la concession » afin d'empêcher les SCA de se soustraire à leurs obligations de publicité et de mise en concurrence pour la passation de certains de leurs marchés.

Proposition n° 3 : préciser par voie réglementaire les informations minimales concernant la programmation des investissements à cinq ans qui doivent figurer sur le profil acheteur de chaque SCA.

Proposition n° 4 : prévoir des sanctions en cas de méconnaissance des obligations de transmission des marchés des SCA à l'ART afin que celle-ci soit en mesure d'exercer un recours dans les délais.

Proposition n° 5 : autoriser l'ART à collecter toute information utile auprès des sous-concessionnaires d'autoroutes pour pouvoir contrôler le respect des engagements des titulaires en matière de modération tarifaire et apprécier la pertinence de la durée des sous-concessions.

Proposition n° 6 : étendre le critère de la modération tarifaire à l'ensemble des catégories de carburants distribués afin d'encourager le recours aux carburants alternatifs.

Proposition n° 7 : prévoir un suivi régulier des prix réels des carburants par les SCA et l'application de sanctions en cas de méconnaissance de la clause de modération tarifaire, ainsi qu'un contrôle de deuxième niveau par l'ART assorti d'un pouvoir de sanction en cas de manquement du concessionnaire à cette obligation de suivi.

Proposition n° 8 : renforcer les capacités d'expertise financière de l'État dans le cadre de la négociation des avenants aux contrats de concession et de leur suivi financier en recourant, en tant que de besoin, à des conseils privés.

Proposition n° 9 : élaborer une doctrine sur le périmètre des opérations compensables, qui précise en particulier les critères de nécessité et d'utilité prévus par l'article L. 122-4 du code de la voirie routière.

Proposition n° 10 : porter de trois à quatre mois le délai d'instruction des avis de l'ART sur les projets d'avenants et les nouveaux contrats de concession pour lui permettre de procéder à une analyse approfondie.

Proposition n° 11 : prévoir que le ministère chargé des transports fournisse à l'ART, en cas d'attribution d'une nouvelle concession autoroutière, tout élément utile à l'instruction de son avis relatif au concessionnaire désigné, en particulier les dossiers présentés par les candidats non retenus, ce qui lui permettrait de mettre en oeuvre un contrôle plus efficace sur les coûts prévisionnels.

Proposition n° 12 : prévoir que l'ART rend un avis simple, avant le lancement d'un appel d'offres, sur le dossier de consultation pour l'attribution d'une nouvelle concession afin de vérifier qu'il permettra un contrôle des coûts prévisionnels.

Proposition n° 13 : donner à l'ART les moyens de collecter auprès des sociétés d'autoroutes les informations nécessaires à l'analyse des variations de leur rentabilité depuis 2002.

Proposition n° 14 : examiner les coûts d'exécution des travaux prévus dans les contrats de plan précédents préalablement à la conclusion de nouveaux contrats de plan afin de disposer de références pour vérifier la pertinence des coûts des nouveaux travaux envisagés.

Proposition n° 15 : mettre en place un suivi financier systématique des avenants afin de s'assurer de l'absence de surcompensation au profit des sociétés d'autoroutes .

Proposition n° 16 : poursuivre la construction de la base de données relative aux coûts des travaux autoroutiers engagée par l'ART et partager les données avec les services de l'État, afin de documenter le contrôle des nouveaux travaux.

Proposition n° 17 : s'assurer que les retards de travaux résultant de la crise sanitaire ne se traduisent pas par une surcompensation tarifaire.

Proposition n° 18 : rappeler que la situation financière des concessions historiques ne saurait justifier une compensation, même partielle, des conséquences de la crise sanitaire car la poursuite de leur activité n'est pas menacée.

Proposition n° 19 : veiller à ce que l'effectivité de la concurrence en matière de travaux ne soit pas réduite par les souplesses temporaires introduites par l'ordonnance du 25 mars 2020 pour simplifier les procédures en raison de la crise sanitaire.

Proposition n° 20 : établir sans tarder des inventaires précis et consensuels des biens de retour des concessions et identifier les biens de reprise qui pourraient être utiles au concédant.

Proposition n° 21 : établir rapidement une doctrine précisant les critères du bon état dans lequel doivent être restitués les biens de retour en précisant les caractéristiques du « bon état cible ».

Proposition n° 22 : veiller à ce que dans les contrats de plan les SCA maintiennent un haut niveau d'investissements pour assurer un bon niveau d'entretien des infrastructures et préparer la remise en bon état des biens en fin de concession.

Proposition n° 23 : organiser un sommet des autoroutes réunissant les services de l'État et les sociétés d'autoroutes historiques, associant l'Autorité de régulation des transports et des représentants du Parlement, pour définir l'équilibre économique et financier des concessions autoroutières historiques.

Proposition n° 24 : accroître les réductions tarifaires pour les véhicules poids-lourds les plus performants écologiquement tout en accompagnant la transition vers ces véhicules pour les producteurs et commerçants de proximité.

Proposition n° 25 : demander aux SCA de mettre en oeuvre, sans compensation, des modulations tarifaires à destination des véhicules légers les moins polluants et fonctionnant aux carburants alternatifs ou recourant au covoiturage.

Proposition n° 26 : accélérer le déploiement d'une offre d'abonnement sans frais pour les trajets domicile-travail garantissant des réductions tarifaires comprises entre 30 et 50 %.

Proposition n° 27 : examiner la possibilité de revenir sur des péages péri-urbains pénalisant pour les trajets du quotidien, en particulier le diffuseur de Dourdan (A10) pour les usagers locaux.

Proposition n° 28 : accélérer le déploiement de bornes de recharge électriques sur les aires d'autoroutes pour accompagner le développement des mobilités propres.

Proposition n° 29 : inciter les SCA à mettre en oeuvre sans contrepartie des aménagements permettant le développement du covoiturage et des transports collectifs.

Proposition n° 30 : négocier une augmentation de la participation des sociétés concessionnaires historiques au financement de l'AFITF.

Proposition n° 31 : réviser les clauses d'encadrement de la rentabilité des contrats de concession historiques à l'occasion des prochains contrats de plan afin de les rendre potentiellement opérantes.

Proposition n° 32 : associer plus largement les usagers des autoroutes en renforçant le rôle du comité des usagers, en y augmentant le nombre de parlementaires et en mettant en place un suivi formalisé des réponses apportées à ses avis et recommandations.

Proposition n° 33 : ne plus procéder à aucun allongement de la durée des concessions autoroutières afin de pouvoir remettre à plat le cadre de gestion des autoroutes.

Proposition n° 34 : lancer sans tarder la réflexion au sein des ministères chargés des transports et de l'économie sur la gestion future des autoroutes actuellement sous concession.

Proposition n° 35 : limiter à quinze ans la durée des futures concessions autoroutières portant sur le réseau existant et ne nécessitant pas de travaux importants.

Proposition n° 36 : introduire des clauses de revoyure tous les cinq ans pour les futures concessions autoroutières afin de prévenir la réapparition d'une rente autoroutière.

Proposition n° 37 : encadrer l'équilibre des contrats de concession par des clauses de partage des gains d'exploitation et des gains de refinancement ainsi que des clauses de modération tarifaire, assorties d'une définition pertinente des seuils de déclenchement des clauses de plafonnement de la rentabilité.

Proposition n° 38 : ne prévoir une compensation de la fiscalité spécifique que si les modifications sont de nature à substantiellement dégrader ou améliorer l'équilibre économique de la concession.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 16 septembre 2020, la commission d'enquête a examiné le rapport présenté par M. Vincent Delahaye, rapporteur.

M. Éric Jeansannetas , président . - Mes chers collègues, comme vous le savez, le Sénat a décidé en début d'année, à la demande du groupe de l'Union Centriste, la création d'une commission d'enquête sur le contrôle, la régulation et l'évolution des concessions autoroutières.

Depuis le mois de février, nous avons procédé à une vingtaine d'auditions plénières, qui ont fait l'objet de comptes rendus publiés, tandis que le rapporteur s'est entretenu, pour l'essentiel à distance en raison du contexte sanitaire, avec un grand nombre d'experts, de représentants des services compétents ou encore d'acteurs économiques concernés. Vous avez été invités à suivre ces entretiens si vous le pouviez.

Il est maintenant temps de conclure nos travaux pour lesquels nous avons bénéficié de deux mois supplémentaires en raison de la crise sanitaire.

Vous avez pu prendre connaissance du projet de rapport. Vous sont en outre distribués plusieurs documents dont nous allons reparler : le projet de synthèse, destiné à figurer en tête du rapport, les modifications que le rapporteur et notre collègue Jérôme Bascher proposent d'apporter au rapport, les observations que nos collègues Éric Bocquet, au nom du groupe CRCE, et Olivier Jacquin, au nom du groupe SOCR, souhaitent annexer au rapport et, enfin, un échange de courriels avec un juriste que le rapporteur propose d'annexer au rapport.

Je vous rappelle que vous devrez restituer votre exemplaire du rapport lorsque vous quitterez la salle. Le rapport adopté ne sera en effet publié que lorsque le délai de vingt-quatre heures prévu par l'ordonnance de 1958 pour la constitution d'un comité secret sera échu.

J'attire par ailleurs votre attention sur le fait que seuls les éléments repris dans le rapport sont publics. En conséquence, il ne peut être fait état, et ce pendant vingt-cinq ans, d'éléments figurant dans les documents remis qui ne sont pas cités dans le rapport, ou des propos tenus lors des auditions du rapporteur qui n'y sont pas repris.

Avant de passer la parole à notre rapporteur, je dois vous consulter sur la publication du compte rendu de notre réunion. Y a-t-il des objections ?... Je n'en vois pas. Le compte rendu sera donc publié.

Le rapporteur va nous présenter ses principales conclusions auxquelles vous pourrez réagir et nous examinerons ensuite les propositions de modification.

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - Je tiens tout d'abord à remercier notre président qui a vécu une épreuve difficile dans cette période de crise sanitaire, mais a néanmoins continué de participer aux travaux de la commission d'enquête. Je remercie l'ensemble de nos collègues pour leur participation aux auditions plénières et aux auditions que j'ai menées en tant que rapporteur. Je remercie également les administrateurs, qui ont dû travailler pendant l'été. Notre rapport est imposant et il n'est pas facile à relire en peu de temps, mais cela fait partie des contraintes de fonctionnement d'une commission d'enquête. Comme l'a rappelé notre président, nous avons tenu à faire figurer de nombreuses informations dans le rapport, faute de quoi elles seraient perdues. Un résumé reprend l'essentiel. Nous vous proposerons effectivement d'annexer les contributions des groupes CRCE et SOCR : elles contribuent à éclairer utilement nos travaux, puisque nous n'avons pas tous le même point de vue sur l'avenir des concessions. Nous avons essayé d'évoquer dans le rapport toutes les possibilités qui existent, en dégageant les principales pistes qui nous semblent devoir être suivies, à court, moyen et long termes. Le sujet est loin d'être épuisé, même si nous nous sommes efforcés d'être aussi complets que possible.

Je vous propose de commencer par le titre du rapport pour lequel je propose : « Concessions autoroutières : des profits futurs à partager avec l'État et les usagers ». Pour la deuxième partie, j'avais aussi pensé à : « négocier pour partager les futurs profits ». Il me semble en effet important de lancer rapidement des négociations avec les sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA).

M. Olivier Jacquin . - Ce titre me semble intéressant, mais la référence à de « futurs » profits laisse entendre que la situation n'est pas profitable actuellement. Or le rapport est éloquent sur ce point. Je suggère donc une autre rédaction : « Concessions autoroutières : renégocier la rente entre l'État et les usagers ». En effet, il s'agit bien d'une rente de situation qui va croissant.

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - Le terme de « rente » me gêne. Pour moi, « profit » n'est pas un gros mot : il me semble naturel qu'une société puisse faire des profits, reste à savoir jusqu'à quel niveau. Nous montrons dans le rapport que les sociétés concessionnaires des groupes Vinci et Eiffage auront atteint fin 2022 la rentabilité actionnaires attendue sur la durée de la concession : les profits réalisés après cette date peuvent donc être considérés comme du « bonus » - on parle de près de 40 milliards d'euros de dividendes - : c'est cela qui est à partager, on ne va pas revenir sur les profits déjà réalisés.

Mme Christine Lavarde . - Est-ce que l'on ne se focalise pas uniquement sur les concessions en cours, alors que le rapport ouvre la réflexion sur le futur modèle économique à mettre en place lorsque ces concessions seront arrivées à terme,? Je propose de ne pas s'arrêter à la notion de profit, mais d'insister sur la nécessité de mieux appréhender l'équilibre économique des contrats de concession.

M. Vincent Delahaye , rapporteur. - Un titre est toujours réducteur, il laisse forcément de côté certains aspects. Pour moi, la problématique majeure est que la rentabilité attendue, qui était déjà élevée, sera prochainement atteinte pour deux des groupes alors que les contrats doivent se poursuivre. Leur durée est trop longue de presque dix ans ! L'intérêt général voudrait que la collectivité puisse bénéficier d'une partie de ces profits. Titrer sur ce que l'on va faire dans quinze ans, même si le rapport aborde ce sujet, ne me paraît pas pertinent.

J'ai indiqué que j'aurais aimé faire référence à la notion de négociation, parce que je souhaite qu'il y ait une table ronde. Je le dirais d'ailleurs au ministre quand je lui présenterai le rapport. Les sociétés concessionnaires seront sans doute réticentes, mais il faut leur « mettre la pression », ce que fait le titre que je propose.

Bien sûr, il faut mieux appréhender l'équilibre des contrats, mais cet équilibre est toujours évoqué et jamais défini.

Je vous propose de revenir sur ce sujet en fin de réunion.

M. Éric Jeansannetas , président . - Nous passons donc aux autres propositions de modification.

M. Vincent Delahaye , rapporteur. - Avec la proposition de modification n° 1, notre collègue Jérôme Bascher souhaite insister, dans l'évocation des privatisations de 2006, sur la perte de recettes pour l'État. Sa formulation est plus claire et j'y suis donc favorable.

La proposition de modification n° 1 est adoptée.

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - La proposition de modification n° 2, toujours de Jérôme Bascher, insiste sur le rôle des parlementaires dans le renforcement de la régulation intervenu dans la période 2014-2015. Avis favorable.

La proposition de modification n° 2 est adoptée.

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - Ma proposition de modification n° 3 tend à souligner que les sociétés concessionnaires resteront bénéficiaires en 2020, malgré la crise sanitaire. Les pertes de chiffre d'affaires sont chiffrées très différemment par l'Autorité de régulation des transports (ART) et les sociétés d'autoroutes, mais les résultats resteront malgré tout positifs et l'équilibre économique des concessions ne sera pas remis en cause.

La proposition de modification n° 3 est adoptée.

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - Ma proposition de modification n° 4 attire l'attention du Gouvernement sur le fait que le niveau des investissements prévisionnels baisse fortement dans les dernières années des concessions. Or il convient de maintenir un haut niveau d'investissement jusqu'à la fin des concessions et de faire en sorte que les infrastructures soient remises en bon état.

La proposition de modification n° 4 est adoptée.

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - Avec la proposition de modification n° 5, nous suggérons l'organisation d'un sommet des autoroutes, réunissant les services de l'État, les sociétés concessionnaires et associant l'ART, ainsi que des représentants du Parlement, pour définir l'équilibre économique et financier des concessions autoroutières historiques.

M. Éric Bocquet . - Un sommet des autoroutes, c'est très bien, mais si c'est pour arriver au même résultat que le grand débat, la convention citoyenne, etc., on se fait plaisir ! Il faudrait que les décideurs y donnent vraiment une suite.

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - Bien sûr, mais il s'agit surtout d'inciter les sociétés concessionnaires à s'asseoir autour de la table. Si c'est le ministre qui les invite, elles auront du mal à décliner l'invitation.

La proposition de modification n° 5 est adoptée.

M. Vincent Delahaye , rapporteur. - La proposition de modification n° 6 insiste sur la prise en compte des trajets du quotidien. L'association « L'A10 gratuite » a présenté une demande concernant le péage de Dourdan. Nous ne souhaitons pas nécessairement intégrer cette demande dans le rapport comme une proposition en tant que telle, mais nous tenons à soulever la question car elle mérite examen.

Mme Christine Lavarde . - J'avais noté ce passage dans ma lecture du rapport. Existe-t-il d'autres portions d'autoroute payantes en France qui représentent un frein à la mobilité domicile-travail ?

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - Si nous ne citons que quelques exemples sans être exhaustifs, nous serons critiqués.

M. Olivier Jacquin . - Je me suis fait la même réflexion que Christine Lavarde. Je pourrais citer un exemple similaire sur l'A4 à Metz. Nous pourrions adopter une rédaction plus large.

Mme Christine Lavarde . - L'idée serait que les trajets pendulaires sur autoroute, lorsqu'il n'y a pas d'alternative, ne soient pas soumis aux mêmes tarifs que les trajets réalisés pour les vacances.

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - L'objet initial de ma proposition de modification n° 6 était de supprimer la mention du cas particulier du diffuseur de Dourdan de nos propositions finales, mais de le réintégrer à titre d'exemple dans le rapport. Il ressort de nos échanges, que nous pourrions maintenir la proposition n° 28 en la rédigeant autrement : « examiner la possibilité de revenir sur des péages péri-urbains pénalisant pour les trajets du quotidien, en particulier le diffuseur de Dourdan (A10) pour les usagers locaux » .

La proposition de modification n° 6, modifiée, est adoptée.

Mme Christine Lavarde . - J'aurais quelques suggestions de modification à faire, mais je n'ai pas eu le temps de les préparer formellement.

M. Éric Jeansannetas , président. - Cette réunion a précisément pour objet de discuter de possibles améliorations.

Mme Christine Lavarde . - Le rapport couvre une période historique très longue au cours de laquelle la valeur de la monnaie a fortement évolué ; on trouve même des montants libellées en francs... À certains endroits, on trouve l'indication de l'équivalent en euros de 2020, mais ce n'est pas systématique.

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - Il me paraît difficile d'actualiser toutes les sommes mentionnées - nous l'avons fait principalement pour les 6,5 milliards d'euros de manque à gagner pour l'État en 2006, en indiquant que cela équivaut à 7,8 milliards d'euros en 2020. Je suis d'accord pour indiquer l'équivalent en euros des sommes figurant en francs.

Mme Christine Lavarde . - Par ailleurs, la mention d'un « taux élevé de distribution » quand il est de 624 % ou de 782 % dans l'année de la privatisation me paraît légèrement édulcorée...

M. Vincent Delahaye , rapporteur. - Je propose de préciser « le maintien d'un taux exceptionnellement élevé de distribution », si nos collègues en sont d'accord.

M. Éric Jeansannetas , président. - Je constate que tel est le cas.

Mme Christine Lavarde . - Il est question d'affecter à l'ART tout ou partie du produit des taxes en lien avec ses missions de régulation. Doit-on comprendre que plus l'ART sanctionnera, plus elle aura de recettes ? Par ailleurs, d'un point de vue budgétaire financer une autorité de régulation par une taxe affectée me pose problème. La Commission de régulation de l'énergie (CRE), quand elle gère des taxes, finance des politiques publiques, elle ne les utilise pas pour son propre compte.

Je rappelle par ailleurs que, dans le rapport sur le projet de loi de finances pour 2020, nous avions souligné que les moyens humains de l'ART augmentaient moins vite que son champ de compétences.

M. Jérôme Bascher . - Par respect pour les principes budgétaires, je suis opposé à l'affectation de taxes ou d'amendes à des autorités indépendantes : c'est un dévoiement du budget général.

M. Éric Jeansannetas , président . - Je précise que le mode de financement envisagé ne serait en aucun assis sur le produit d'amendes.

M. Vincent Delahaye , rapporteur. - Je suis d'accord pour ne pas retenir cette solution et je vous suggère de nous proposer en fin de réunion une nouvelle rédaction du passage concerné.

Mme Christine Lavarde . - Par ailleurs, concernant les difficultés rencontrées par l'ART pour effectuer ses missions de contrôle, l'augmentation d'un mois de ses délais d'instruction me paraît une bien faible réponse.

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - Cet allongement répond à une demande de l'ART. À titre personnel, je ne suis pas favorable à un allongement excessif des délais, qui ne contribue pas à la réactivité des services. Vous noterez par ailleurs que le rapport comporte d'autres propositions en particulier pour permettre à l'ART d'accéder de plein doit à plus de données qu'actuellement.

Mme Christine Lavarde . - La référence aux « clauses de durée endogène » me semble peu compréhensible.

M. Vincent Delahaye , rapporteur. - Elle est effectivement très technique. L'expression « clauses d'encadrement de la rentabilité » serait effectivement plus claire.

Mme Christine Lavarde . - Enfin, je regrette que l'une des idées phares du rapport, à savoir la fin de la prolongation des concessions pour financer des plans d'investissement ne figure que parmi les dernières propositions du rapport. Il faudrait la mettre davantage en valeur.

M. Vincent Delahaye , rapporteur. - Il ne s'agit pas de mettre fin aux plans d'investissements autoroutiers, mais aux plans d'investissements compensés par un allongement de la durée des concessions existantes sans mise en concurrence. J'insiste toujours dans mes interventions sur ce point important. Nous pourrions le mettre plus en valeur dans la synthèse.

M. Éric Jeansannetas , président. - Merci de vos observations, ma chère collègue. Venons-en maintenant aux contributions que nos collègues Bocquet et Jacquin souhaitent annexer au rapport. Il faut toutefois que la commission en soit d'accord.

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - En tant que rapporteur, et après une rapide lecture, je suis favorable à ce que ces contributions figurent en annexe.

M. Éric Jeansannetas , président . - J'ajoute que ces contributions reprennent des conclusions et des points de vue présentés lors des auditions. Y a-t-il des objections ?...

L'annexion des deux contributions au rapport est acceptée.

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - Je propose également d'insérer en annexe à notre rapport le courriel que nous a adressé en juillet Jean-Baptiste Vila, maître de conférences en droit public à l'université de Bordeaux, qui voulait attirer notre attention sur différents points juridiques, notamment les provisions pour renouvellement. Je n'ai alors pas pris le temps de lui répondre. Dans une interview récente à Capital , il déclare avoir alerté les sénateurs et ne pas avoir été entendu. Je lui ai finalement répondu par courriel la semaine dernière, et je vous propose de mettre en annexe du rapport aussi bien son courriel que ma réponse.

M. Jérôme Bascher . - Je ne suis pas très à l'aise avec l'idée d'insérer la réponse du rapporteur au courriel en annexe. Y a-t-il des précédents en la matière ?

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - Je préfère que ma réponse figure également. Au demeurant, il est souhaitable que le débat se poursuive. S'il y a des polémiques ou des contestations, nous répondrons et cela nous permettra de faire vivre la discussion.

M. Jérôme Bascher . - La mode, aujourd'hui, c'est que toute commission d'enquête suscite une polémique, non pas tant sur le contenu du rapport que sur le déroulement des travaux. Nous avons tous des exemples récents présents à l'esprit. Je crains que cette publication en annexe ne crée un précédent, et que certaines personnes ne soient tentées de l'utiliser pour discréditer les commissions d'enquête et remettre en cause notre institution.

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - En l'occurrence, il s'agit d'une petite négligence de ma part, car j'ai omis de répondre à M. Vila au mois de juillet. Cela ne veut pas dire qu'on en fera une règle générale.

M. Éric Bocquet . - Je suis favorable à la publication en annexe de l'interpellation de M. Vila et de la réponse du rapporteur. Dans un article intitulé « Quinze ans après, la privatisation des autoroutes continue de faire polémique », publié dans Le Figaro du 21 juillet, il est écrit que les auditions de notre commission d'enquête ont « parfois tourné aux règlements de comptes sur un sujet qui reste passionnel ». Or, je n'ai jamais ressenti un tel climat au cours de nos travaux. Le rapport n'est pas encore publié, mais déjà on bombarde...

Le publication de l'échange de courriels en annexe du rapport est acceptée.

Mme Christine Lavarde . - Nous proposons donc de replacer les deux derniers alinéas du paragraphe intitulé « La régulation du secteur autoroutier doit encore être améliorée » par un alinéa rédigé comme suit : « Qu'elle soit financée directement par le budget général ou via des taxes affectées, le principal enjeu budgétaire pour l'ART demeure celui de son plafond d'emplois, qu'il paraît indispensable de relever rapidement. »

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - Cette rédaction me convient.

M. Éric Jeansannetas , président. - Il s'agira donc de la proposition de modification n° 8.

La proposition de modification n° 8 est adoptée.

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - Nous avons eu de très bonnes relations avec l'ART pendant les travaux de notre commission d'enquête, même s'il a parfois été difficile d'obtenir des réponses simples, notamment sur la question de l'équilibre et de la rentabilité des contrats. Je suis également un peu resté sur ma faim à la lecture de son premier rapport quinquennal qui analyse la rentabilité projet à partir d'une méthode d'équivalence d'actifs.

Il en résulte qu'entre 2017 et 2019, s'il n'y avait pas eu d'augmentation de tarifs, la rentabilité des sociétés concessionnaires d'autoroutes aurait augmenté de 0,138 % au lieu de 0,150 %. La différence est donc assez marginale, et l'on ne trouve pas vraiment d'explications dans le rapport de l'ART, très utile par ailleurs.

M. Olivier Jacquin . - L'expertise demandée à Frédéric Fortin, l'expert indépendant sollicité par le rapporteur, est un élément important de nos travaux. Comment pourra-t-on défendre le sérieux de son travail, notamment face aux sociétés concessionnaires ?

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - On ne s'autodésigne pas expert. Frédéric Fortin, qui travaille sur la privatisation des sociétés d'autoroutes et leur rentabilité depuis de nombreuses années, est reconnu par ses pairs.

Pour la période allant de 2006 à 2019, les données sont issues des comptes des sociétés concessionnaires. Les données prévisionnelles des sociétés d'autoroutes étant couvertes par le secret des affaires, la seule façon de procéder était de se tourner vers une évaluation extérieure. J'ai demandé à Frédéric Fortin de retenir des prévisions plus prudentes que celles qu'il avait initialement envisagées. Pour l'année 2020, avec la crise sanitaire, il s'est fondé sur une diminution de 25 % du chiffre d'affaires, soit davantage que les prévisions de l'ART.

M. Olivier Jacquin . - J'ai toute confiance en son travail, mais il me semble aussi assez facile de décrédibiliser un expert indépendant.

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - Il sera assez simple, chaque année jusqu'à la fin des contrats de concession, de comparer les prévisions et les résultats.

Les prévisions transmises chaque année par les SCA à l'ART jusqu'à la fin des contrats - je les ai consultées, mais elles ne peuvent pas être publiées et n'ont pas été communiquées à Frédéric Fortin - sont par ailleurs cohérentes avec les prévisions de Frédéric Fortin.

M. Éric Jeansannetas , président . - Venons-en maintenant à la synthèse qui vous a été distribuée et qui figurera également en tête du rapport.

M. Éric Bocquet . - Peut-on voter la synthèse indépendamment du rapport ?

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - Non, la synthèse est indissociable du rapport, me semble-t-il.

En revanche, l'absence d'allongement de la durée des concessions ne ressort pas suffisamment de la synthèse, alors que c'est un point essentiel, qui devrait être mentionné en gras.

M. Olivier Jacquin . - On pourrait aussi l'ajouter dans la liste des propositions.

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - En effet.

M. Jérôme Bascher . - On peut aussi mentionner, comme préalable à la rubrique « préparer la fin des concessions », cette non-prolongation de la durée des concessions.

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - C'est une bonne idée, qui n'empêche pas de le faire figurer ensuite en gras en tête de l'axe 5.

Ces propositions et l'annexe, ainsi modifiée, sont adoptées.

M. Éric Jeansannetas , président . - Nous revenons à présent au titre du rapport.

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - Ma proposition de modification n° 7, déjà évoquée, rédige ainsi le titre : « Concessions autoroutières : des profits futurs à partager avec l'État et les usagers. »

M. Patrice Joly . - Et pourquoi pas : « Rééquilibrer le partage des forts profits à venir avec l'État et les usagers ? »

M. Olivier Jacquin . - Ce serait un titre consensuel et très social-démocrate !

M. Jean-Raymond Hugonet . - L'adjectif « fort » n'ajoute pas grand-chose, d'autant que personne ne peut préjuger des profits à venir. En revanche, il manque sans doute la notion d'équité. Je compléterais ainsi la proposition du rapporteur : « Des profits futurs à partager équitablement avec l'État et les usagers. »

M. Olivier Jacquin . - J'avais une proposition plus radicale : « Concessions autoroutières : un niveau de profit exceptionnel - réguler et maîtriser dès maintenant. » Mais je vais sans doute un peu loin dans le sens de la régulation au goût du rapporteur...

M. Éric Bocquet . - Un titre qui évoquerait les seuls profits serait réducteur. N'oublions pas non plus les enjeux d'aménagement du territoire et de transition écologique.

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - Un titre est forcément réducteur, et nous sommes obligés de choisir une cible. Je ne suis pas partisan d'un titre trop long.

M. Jérôme Bascher . - Je propose alors : « Plus de concessions sur les concessions ! »

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - Il me semble que nous devons faire référence à notre priorité dans le titre. Il faut parvenir à discuter de ce bonus sur la rentabilité des autoroutes. Nous ne pouvons pas attendre la fin des contrats pour le faire. Les sociétés d'autoroutes elles-mêmes ont intérêt à ce débat.

Je propose in fine le titre suivant : « Concessions autoroutières : des profits futurs à partager équitablement avec l'État et les usagers. »

La proposition de modification n° 7, modifiée, est adoptée.

M. Patrice Joly . - Je tiens à remercier le rapporteur pour son excellent travail et sa ténacité.

M. Olivier Jacquin . - Je salue également la qualité du travail et l'ouverture d'esprit du rapporteur, qui a accepté nombre de nos propositions d'auditions.

Le rapport, même s'il relève d'une philosophie qui n'est pas la mienne, est parfaitement cohérent avec la ligne de Vincent Delahaye, celle d'une approche libérale refusant la rente et le monopole, attachée à l'idée de justice.

Personne, me semble-t-il, ne pourra attaquer ce rapport, conforme à l'idée d'une institution sénatoriale produisant un travail sérieux et cohérent.

Pour prolonger ce travail passionnant, je déposerai dans les mois à venir, avec mes collègues du groupe socialiste et républicain, une proposition de résolution sur la future gestion des autoroutes.

M. Éric Bocquet . - Je m'associe aux remerciements. Les commissions d'enquête sont sans doute l'un des aspects les plus intéressants du travail parlementaire. Disons qu'elles permettent de faire tomber quelques copeaux de langue de bois...

Je regrette toutefois que l'on n'ait pas pu entendre les salariés, qui servent souvent de variable d'ajustement. De même, sur l'analyse juridique des contrats, nous aurions peut-être dû creuser davantage, à partir de la contribution de M. Vila.

De notre côté, nous optons clairement dans notre contribution pour une gestion publique, via une société adossée à l'État, Autoroutes de France, qui serait financée par les péages. Je regrette que ce scénario ait rapidement été écarté dans le rapport, au nom de la dette.

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - Au nom surtout de son coût !

M. Éric Bocquet . - On a privatisé en 2006 au nom de la dette, et aujourd'hui on pourrait refuser la nationalisation au nom de la même dette...

Nous nous abstiendrons donc sur le rapport.

Le rapport est adopté et la commission d'enquête en autorise la publication.

M. Éric Jeansannetas , président . - Avant de nous séparer, je souhaite à mon tour remercier notre rapporteur pour son investissement indéfectible dans ce sujet délicat.

Je vous remercie également, mes chers collègues, pour votre assiduité, y compris à distance, dans cette période difficile.

J'espère que notre rapport, qui sera présenté lors d'une conférence de presse vendredi matin, permettra de dépassionner ce débat et, surtout, de le rationaliser. Je souhaite également qu'il conduise à réunir les acteurs autour d'une table avec des objectifs précis dans l'intérêt des usagers et de l'État, et à préparer bien entendu l'avenir de la gestion de nos autoroutes.

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - J'ai beaucoup apprécié de travailler avec vous tous sur ce rapport, qui constitue d'une certaine manière la synthèse de ma vie professionnelle. Il faut, dans ce débat, de la rationalité, mais aussi un peu de passion si l'on veut pouvoir faire bouger les lignes. Personne n'a intérêt à l'immobilisme, y compris les sociétés d'autoroutes.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

I. PERSONNES ENTENDUES PAR LA COMMISSION D'ENQUÊTE

Mercredi 26 février 2020

- M. Fabien BALDERELLI , sous-directeur de la gestion et du contrôle du réseau autoroutier concédé à la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) au Ministère de la transition écologique et solidaire.

Mercredi 4 mars 2020

Autorité de régulation des transports (ART)

- M. Bernard ROMAN , président ;

- Mme Stéphanie DRUON , secrétaire générale.

Mercredi 11 mars 2020

- M. Philippe MARTIN , président de la section des travaux publics du Conseil d'État ;

- M. Bruno ANGLES , représentant des sociétés concessionnaires d'autoroutes dans les discussions avec l'État sur les contrats de concession de 2014 à 2015 ;

- M. Gilles de ROBIEN , ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer de 2002 à 2005 ;

- M. Gilles CARREZ , président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale de 2012 à 2017.

Mardi 16 juin 2020

- M. Umberto BERKANI , rapporteur général adjoint de l'Autorité de la concurrence.

Mardi 23 juin 2020

- M. Pierre COPPEY , président de Vinci Autoroutes ;

- M. Arnaud QUÉMARD , directeur général du groupe Sanef et président de l'Association des sociétés françaises d'autoroutes (ASFA).

Mercredi 24 juin 2020

- Mme Élisabeth BORNE , ministre de la transition écologique et solidaire et directrice du cabinet de Mme Ségolène ROYAL, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, en 2014-2015.

Mercredi 1er juillet 2020

- M. Philippe NOURRY , président des concessions autoroutières d'Eiffage en France ;

- M. Christian ECKERT , secrétaire d'État chargé du budget de 2014 à 2017.

Jeudi 2 juillet 2020

- M. Jean-Baptiste DJEBBARI , secrétaire d'État chargé des transports ;

Cour des comptes

- Mme Annie PODEUR , présidente de la deuxième chambre ;

- M. André LE MER , président de section ;

- M. Daniel VASSEUR , conseiller référendaire.

Jeudi 9 juillet 2020

- Mme Ségolène ROYAL , ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie de 2014 à 2016 ;

- M. Dominique de VILLEPIN , Premier ministre de 2005 à 2007.

Mercredi 15 juillet 2020

- M. Alexis KOHLER , directeur du cabinet de M. Emmanuel MACRON, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, de 2014 à 2016.

Jeudi 16 juillet 2020

- M. Bruno LE MAIRE , ministre de l'économie, des finances et de la relance et directeur du cabinet de M. Dominique de VILLEPIN, Premier ministre, de 2006 à 2007.

Table ronde d'associations d'usagers des autoroutes

- M. Gérard ALLARD , membre du réseau Transports et mobilité durables de France nature environnement (FNE) ;

- Mme Florence BERTHELOT , déléguée générale de la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) ;

- Mme Dominique ALLAUME BOBE , présidente du département habitat-cadre de vie et transports de l'Union nationale des associations familiales (UNAF) ;

- M. Jean-Claude LAGRON , président de l'association « A10 gratuite ».

II. PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

Jeudi 27 février 2020

- Mme Isabelle JARJAILLE , journaliste indépendante ;

- Mme Martine ORANGE , journaliste chez Mediapart ;

- MM. Benoit COLLOMBAT et Maxime FAYOLLE , journalistes chez Radio France.

Jeudi 5 mars 2020

- M. Raymond AVRILLIER , ancien élu écologiste et membre d'Anticor.

Mardi 10 mars 2020

- Mme Laetitia TAILLIEZ , cheffe du bureau des transports, du tourisme et du secteur automobile à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) au Ministère de l'économie et des finances ;

- M. Alain VIDALIES , secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche de 2014 à 2017 ;

- M. Frédéric FORTIN , expert en fusion-acquisition et en finances d'entreprise.

Mardi 28 avril 2020

Ministère de l'économie et des finances, Direction des affaires juridiques

- Mme Laure BÉDIER, directrice ;

- M. Clément DEMAS, adjoint au chef du bureau de la réglementation générale de la commande publique.

Jeudi 7 mai 2020

- Mme Anne BOLLIET , responsable du groupe de travail interministériel sur les concessions autoroutières pour le plan de relance autoroutier en 2015.

Mardi 12 mai 2020

Ministère de l'économie et des finances, Direction générale du Trésor

- M. Thibault GUYON , sous-directeur des politiques sectorielles ;

- M. Gabriel COMOLET, adjoint au chef du bureau de l'économie des réseaux.

Jeudi 14 mai 2020

- M. Olivier GENAIN , chef du département des partenariats public-privé au Ministère de la transition écologique et solidaire.

Jeudi 4 juin 2020

- M. Noël AMENC , professeur de finance et doyen associé à la Direction du développement de l'EDHEC Business School et directeur général fondateur de Scientific Beta.

Jeudi 11 juin 2020

- M. Luc BAUMSTARK, chef de la mission Évaluation des investissements publics au Secrétariat général à l'investissement (service du Premier ministre) ;

- Mme Catherine GALANO, co-auteur du rapport sur les « Critères de rentabilité des concessions autoroutières » publié en 2016 ;

- M. Jean BENSAID , directeur de Fin Infra, mission d'appui au financement des infrastructures à la Direction générale du Trésor au Ministère de l'économie et des finances ;

- M. Laurent RICHER , professeur émérite à l'Université Paris 1 ;

- M. Martin VIAL , directeur général de l'Agence des participations de l'État (APE) au Ministère de l'économie et des finances.

Jeudi 18 juin 2020

- Mme Sophie NICINSKI , professeure de droit public à l'Université Paris 1 ;

- M. Christian DESCHEEMAEKER , ancien président de la Commission nationale des marchés des sociétés concessionnaires d'autoroutes ou d'ouvrages d'art.

Jeudi 2 juillet 2020

- M. Bernard SCHNEITER , président de la Commission des participations et des transferts ;

- M. Thierry REPENTIN , président d'Autoroutes et tunnel du Mont-Blanc (ATMB) et de la Société française du tunnel routier du Fréjus (SFTRF).

Mardi 7 juillet 2020

- M. Olivier QUOY , directeur général de la société Atlandes (A63).

Jeudi 16 juillet 2020

- M. Laurent de SERÉ , président de l'Association des sous-concessionnaires d'autoroutes (ASCA) ;

- M. Laurent HECQUET , fondateur du think tank Automobilité et avenir et directeur général de l'Observatoire des experts de la mobilité.

Spie Batignolles

- M. Jean-Charles ROBIN , président ;

- M. Éric de BALINCOURT , directeur général.

CONTRIBUTIONS DES GROUPES POLITIQUES

I. CONTRIBUTION DU GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN CITOYEN ET ÉCOLOGISTE (CRCE)

Contribution du sénateur Éric Bocquet au nom du groupe Communiste Républicain Socialiste et écologiste (CRCE)
aux conclusions de la commission d'enquête
sur les concessions autoroutières

Les sénatrices et sénateurs du groupe CRCE se félicitent de l'installation par le Sénat d'une commission d'enquête sur le contrôle, la régulation et l'avenir des concessions autoroutières. Ils soulignent la qualité des travaux et des intervenants permettant de gagner en connaissance sur ce sujet important pour nos concitoyens.

Le mouvement des gilets jaunes, dans la plateforme du 29 novembre 2018, avait d'ailleurs déjà abordé cette question. Ainsi, la plateforme de revendication commune appelait à poser « l'interdiction de vendre les biens appartenant à la France » faisant une référence directe à la situation des sociétés autoroutières. Ces ventes sont en effet le plus souvent guidées par la seule exigence du désendettement sans autre considération économique, sociale ou industrielle. En posant l'avenir des concessions comme le fait cette commission d'enquête, il s'agit bien au fond d'une question de souveraineté populaire.

En ce sens et depuis de nombreuses années, les sénatrices et sénateurs du groupe, au travers les propositions de loi qu'ils ont déposé et fait débattre, ont souhaité que la question des conditions de la maîtrise publique des infrastructures et notamment des infrastructures autoroutières soit posée au plus haut niveau. Ce rapport participant à la prise de conscience des mécanismes ayant conduit à une captation d'un bien public au profit d'intérêts privés et apportant des possibles réponses pour éviter que ces dérives se réitèrent est donc bienvenu.

Le cadre particulier de la commission d'enquête a ainsi permis de recueillir des informations précises alors même que l'évolution des relations entre l'Etat et les concessionnaires est marqué du sceau de l'opacité. La transparence des engagements de l'Etat et l'information des parlementaires est une exigence forte pour établir le bon diagnostic permettant de faire évoluer les rapports de force.

Il est frappant que la question de l'équilibre soit revenue dans l'ensemble des auditions menées : certains, du côté des concessionnaires, déplorant un état jugé « tatillon » et d'autres soulignant, à l'inverse, l'impuissance organisée à la tête de l'Etat et sa dépendance aux grands groupes du BTP.

Seul élément de stabilité et de consensus, les travaux de la commission d'enquête ont (dé)montré que la rentabilité de ces concessions n'a jamais été démentie, y compris en période de crise, comme l'ont d'ailleurs souligné plusieurs fois dans leurs rapports le Conseil d'Etat, la Cour des Comptes ou encore l'Autorité de la Concurrence. L'investissement est largement rentabilisé grâce des bénéfices records lié à un taux d'actualisation important. Une situation qui doit être mise en parallèle avec la hausse permanente des péages et la saignée dans l'emploi opérée par les sociétés concessionnaires, confirmé à chaque avenant ou plan de relance.

En proposant plusieurs scenarii, la commission d'enquête laisse ainsi espérer que l'Etat cesse de faire systématiquement les mauvais choix en organisant sa propre impuissance, une impuissance qui se conjugue avec la baisse des moyens des administrations comme le CEREMA et donc à une perte d'ingénierie technique et financière manifeste.

Pour leur part, les sénatrices et sénateurs du groupe CRCE souhaitent aller vers une renationalisation de ces concessions. Reprenant le fameux « quoi qu'il en coûte » présidentiel, ils estiment en effet qu'au regard des taux d'emprunt en cours aujourd'hui, cet investissement pourrait prendre sa place dans un plan de relance ambitieux. Par ailleurs, ils soulignent que ce recours à l'emprunt apparait une solution d'autant plus neutre pour les pouvoirs publics que cet argent emprunté ne serait pas remboursé par l'impôt mais par le péage.

Pour le moins, ils estiment que l'Etat doit revenir à un rôle offensif. L'Etat stratège ou planificateur doit a minima jouer son rôle de régulateur. Toutes les auditions prouvent pourtant le contraire, un ancien ministre allant jusqu'à présager un difficile retour en arrière tant l'Etat n'est plus structuré pour reprendre cette mission.

Un certain nombre de juristes, et nous partageons leur analyse, considèrent que la voie de la dénonciation des contrats est une possibilité. Au motif de l'intérêt général, comme le proposait le rapport dit « Chanteguet », mais également au titre du principe constitutionnel interdisant aux personnes publiques de consentir des libéralités. Sans entrer dans les méandres juridiques, Il est dommage que la commission d'enquête n'ait pas poursuivi des investigations en ce sens ou même auditionné ces juristes.

Au-delà de la bataille juridique et financière, il s'agit avant tout une question politique et économique : celle de la maitrise publique des infrastructures (autoroutes, routes, ports, aéroports, gares et rails). La propriété publique des infrastructures de transport est, à nos yeux, un levier essentiel pour toute politique d'aménagement allant dans le sens de la nécessaire transition écologique qui doit structurer la construction d'un monde post-covid.

Pour le moins, ils estiment qu'il convient d'anticiper la fin de concessions et créer les conditions d'un retour dans le giron public.

Comme le proposait le rapport sur leur proposition de loi, ils estiment que l'hypothèse d'une reprise en main des concessions autoroutières par l'État à l'échéance des concessions pourrait être examinée. Elle pourrait se traduire par la création d'un établissement public industriel et commercial « Routes de France » compétent pour gérer l'ensemble du réseau autoroutier, avec un contrat d'objectifs et de performance, des critères forts en matière d'aménagement du territoire, d'efficacité environnementale et de différenciation des tarifs selon des motifs sociaux. Le patrimoine routier pourrait être utilisé comme un vrai champ d'action publique.

Ce retour à une gestion publique et donc à l'intérêt général, permettrait également, et ce n'est pas une bagatelle, d'apporter de manière pérenne de nouvelles ressources à l'AFITF, de l'ordre de 1 à 2 milliards d'euros par an.

Une somme particulièrement utile et nécessaire lors que l'on connaît l'accroissement des besoins de transports et de mobilité mais également l'urgence climatique et de la transition écologique.

Il s'agit de cette manière de participer à la décongestion des routes et réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre participant aux dérèglements climatiques et à la pollution atmosphérique responsable de 48 000 morts par an.

Les sénatrices et sénateurs du groupe CRCE espèrent donc que ces conclusions pourront être la base d'une évolution législative concrète et pas un rapport de plus comme le redoutent les associations d'usagers entendus durant ces travaux.

II. CONTRIBUTION DU GROUPE SOCIALISTE ET RÉPUBLICAIN

Contribution du sénateur Olivier Jacquin au nom du groupe Socialiste et Républicain aux conclusions de la commission d'enquête
sur les concessions autoroutières

Le Groupe socialiste et républicain du Sénat a activement participé aux travaux de la commission d'enquête sur le contrôle, la régulation et l'évolution des concessions autoroutières, en formulant de nombreuses propositions d'auditons, pour la plupart retenues par le rapporteur et le président.

Pendant la durée de cette commission d'enquête, nous avons joué un rôle actif d'opposition constructive et formulé de nombreuses propositions sans attendre la fin des travaux. A titre d'exemple, nous avons souhaité évoquer l'amélioration du contrôle des concessions ou l'éventualité de nouveaux statuts par exemple l'adaptation du statut de la SEMOP.

De plus, nous demeurons préoccupés par l'impact qu'engendre l'intégration au périmètre des concessions autoroutières d'un « risque trafic » très coûteux pour la puissance publique. A ce titre, l'exemple du contournement de Lyon, concédé à APRR et ASF, témoigne de l'existence d'un autre modèle, moins coûteux tant pour l'usager que pour la puissance publique, dans lequel le maître d'ouvrage encaisse directement les péages.

Nous avions estimé qu'il serait en ce sens opportun et didactique que soit calculé et comparé le coût complet d'un kilomètre de route concédé et d'un kilomètre de route exploité en régie. Nous regrettons que de telles analyses n'aient pas été intégrées au rapport final, car cela aurait selon toute vraisemblance témoigné du fait que le système dans lequel nous évoluons actuellement rappelle grandement celui des Fermes Générales du XVIe siècle et d'une relation excessivement déséquilibrée.

En définitive, nous sommes satisfaits que le rapport démontre l'existence d'un déséquilibre majeur entre les contractants, et ceci en faveur des concessionnaires. En effet nos travaux prouvent arithmétiquement et froidement, sans contestation possible, le surprofit que vont empocher les concessionnaires d'ici à la fin des contrats. Ils sont évalués par notre commission d'enquête à environ 40 milliards d'euros. Très concrètement, la rentabilité des concessions va doubler sur la période 2020-2036 comparativement à la période 2005-2020 pour atteindre des niveaux stratosphériques et indécents.

Si l'on analyse les relations financières d'ensemble entre la puissance publique et les sociétés concessionnaires d'autoroutes, il convient d'ajouter à cette première somme les 4 milliards d'euros de cadeaux fiscaux du gouvernement que représentent la baisse programmée de l'impôt sur les sociétés. De même, il conviendra à cet égard d'intégrer à la réflexion la baisse annoncée des impôts de production.

Au final, la démarche du rapporteur de ne proposer que d'inviter les concessionnaires à rediscuter leur engagement dans un tel cadre, a fortiori dans le contexte économique et social sans précédent que connait notre pays n'est pas suffisante. Le groupe socialiste et républicain demande fermement la mise en place d'une conditionnalité des soutiens publics, notamment sur le plan environnemental d'une part, et d'une réflexion sur la pertinence de prélèvements exceptionnels sur de tels niveaux de recettes indues. De plus, nous estimons dommageable que l'examen rigoureux des conséquences d'un retour en régie n'ait pas été mieux intégré, sans doute liée à la cohérence d'approche du rapporteur et de sa conviction profonde des vertus du marché, au présent rapport.

Ces possibilités ont été balayées trop rapidement par la commission d'enquête. Nous ne pouvons que le regretter. Ainsi, malgré la grande rigueur et la grande qualité du travail réalisé, le groupe socialiste et républicain s'abstiendra lors du vote sur le présent rapport.

A l'issue de cette période dense de travail, des perspectives nouvelles nous apparaissent devoir être approfondies :

La réaffirmation d'une maitrise publique moderne des services publics ;

De nouvelles relations contractuelles entre les gestionnaires des infrastructures de transports et la puissance publique ;

La prise en compte des usages différenciés des autoroutes lorsqu'elles sont à dominante de trafic urbain, interurbain ou de transit ;

L'intégration de la transition climatique ;

La prise en compte de l'usager et des approches multimodales et intermodales des mobilités.

Le groupe socialiste et républicain proposera dans les semaines à venir des compléments aux travaux de cette commission d'enquête.

ANNEXE

Courriel adressé aux membres de la commission d'enquête
par M. Jean-Baptiste Vila, maître de conférences HDR en droit public
à l'Université de Bordeaux - Faculté de Droit
le 6 juillet 2020

Mesdames les Sénatrices,

Messieurs les Sénateurs,

Je me permets de vous écrire dans le cadre de la Commission relative aux concessions autoroutières dans laquelle vous siégez.

Maître de conférences en droit public à l'Université de Bordeaux, je suis spécialisé en droit public des affaires (contrats administratifs et en particulier les contrats de concession). Ma thèse portait sur les mécanismes financiers et leur justification en droit dans les contrats de la commande publique, notamment les concessions (« Recherches sur l'amortissement en matière de contrats administratifs »).

Mes recherches récentes me poussent à vous écrire afin de porter à votre connaissance des éléments essentiels non connus et non explicités dans le cadre des auditions que vous menez actuellement.

Cette prise de contact peut apparaître quelque peu tardive. Elle s'explique par le caractère récent des résultats de mes recherches (ils ont été corroborés en droit il y a quinze jours seulement environs).

Ces résultats, mais aussi l'audition des représentants de la Cour des comptes intervenue il y a quelques jours me poussent à vous écrire car l'élément le plus important au coeur du sujet qui vous occupe ne semble pas avoir été évoqué jusque-là.

La problématique relative aux contrats de concession d'autoroute pour lesquels vous menez des auditions porte essentiellement sur : les investissements, le renouvellement du réseau et, en conséquence, l'augmentation des tarifs (par le truchement des formules d'indexation des tarifs figurant dans les contrats).

Les sociétés concessionnaires le mettent en avant constamment (dans la presse et lors de vos auditions) : le besoin de renouvellement du réseau n'ayant pas été anticipé, ils sollicitent la mise en oeuvre mécanique de la formule d'indexation. Ils appliquent donc le contrat, tout le contrat, rien que le contrat.

Ils ne manquent d'ailleurs pas de dire que toute modification entraînerait la saisine du juge pour obtenir une réparation du préjudice.

Les résultats de mes recherches aboutissent à considérer que non seulement le renouvellement du réseau a déjà été financé, mais aussi que les sommes figurant dans ces comptes dédiés à ces opérations ont été conservées par ces mêmes sociétés en 2006. Pour la période postérieure à 2006, j'en arrive à la conclusion que le renouvellement est déjà financé par d'autres mécanismes financiers.

Par conséquent, ces recherches démontrent que l'augmentation continue des tarifs depuis 2006 ne trouve aucun fondement légal, que le surplus devrait être rétrocédé par ces sociétés et que l'Etat a l'obligation de mettre en oeuvre cette procédure de recouvrement de l'indu perçu, sous peine d'engager sa responsabilité.

L'enjeu est colossal et pourrait représenter plusieurs milliards (dizaine?) d'euros.

Ne disposant pas de la faculté de vous exprimer mon point de vue lors des auditions que vous menez, je me permets de vous présenter ici le fil conducteur du raisonnement dans l'hypothèse où les conclusions ci-dessus retiendraient votre attention.

Les études sur les concessions d'autoroutes sont nombreuses depuis le début des années 2010 (Assemblée nationale, Sénat, Cour des comptes, expertises externes). Cependant, aucune n'a pu déterminer de fondement légal au contrôle et à la maîtrise de la rentabilité de ces contrats. Deux problèmes expliquaient l'impossibilité d'obtenir des résultats probants : des connaissances cloisonnées ; l'absence de maîtrise des données économiques et de fondements légaux.

Mais un évènement récent a changé, d'après mes recherches, la problématique : la décision du Conseil d'État du 18 octobre 2018 dans l'affaire opposant le Gouvernement de Polynésie (une loi de pays adoptée en prenant pour référence mes travaux de doctorat et de recherches menées depuis).

Cette décision énonce que les provisions pour renouvellement (et corrélativement tous les comptes de travaux pour renouvellement) reviennent à la personne publique lorsque le contrat de concession arrive à son terme. Le Conseil d'État a suivi enfin les préconisations de la Cour des comptes dans son rapport de 2000 relatif à la gestion déléguée des services publics locaux.

Le principe consacré par le Conseil d'État n'est pas spécifique à la Polynésie (malgré le cas d'espèce et malgré ce qu'ont pu sous-entendre succinctement les représentants de la Cour des comptes lors de leur audition).

Le Conseil d'État adopte en effet une formulation s'appliquant à tous les contrats en cours d'exécution sur l'ensemble du territoire national : « Il résulte des principes rappelés aux points 5 et 6 que les sommes requises pour l'exécution des travaux de renouvellement des biens nécessaires au fonctionnement du service public qui ont seulement donné lieu, à la date d'expiration du contrat, à des provisions, font également retour à la personne publique. Il en va de même des sommes qui auraient fait l'objet de provisions en vue de l'exécution des travaux de renouvellement pour des montants excédant ce que ceux-ci exigeaient, l'équilibre économique du contrat ne justifiant pas leur conservation par le concessionnaire . ».

L'ensemble des professeurs de droit ayant analysé cette décision arrive à une conclusion similaire : le principe s'applique à tous les contrats de concession en cours y compris sur le territoire métropolitain.

Le recueil Lebon du Conseil d'Etat lui attribue d'ailleurs cette portée générale.

Quelle est la conséquence pour les contrats d'autoroute ?

Pour mesurer les incidences sur ces contrats, plusieurs points méritent d'être explicités.

Le premier concerne la portée de l'opération de privatisation de 2006

Celle-ci a eu pour effet de changer le capital des anciennes SEM d'autoroutes et de les céder aux sociétés actuelles de droit privé. Mais cette opération n'a pas mis un terme aux contrats initiaux.

Au contraire, l'opération s'est effectuée en ajoutant une clause de continuum financier (pour les plans d'investissements et les clauses financières) même si le périmètre des tronçons a fortement évolué depuis 15 ans.

L'ancienne Ministre en charge du transport que vous avez auditionné l'évoquait elle-même en parlant des contrats des années 60 et 70, et de qualifier ces relations contractuelles de « monstres ».

Par conséquent ces contrats, bien que modifiés, ne sont pas arrivés à leur échéance et aucune prescription de finances publique ne trouve donc à s'appliquer pour empêcher de solliciter le reversement de sommes indument perçues auprès des sociétés concessionnaires.

Le second point important porte sur les comptes des contrats lors de l'opération de privatisation.

Les études menées à ce sujet montrent que les comptes des contrats n'ont pas été apurés en 2006. Le capital des sociétés ayant simplement été modifié, les comptes ont perduré. Or, en 2006 (et à défaut de connaître la décision de 2018 du Conseil d'Etat), les comptes de renouvellement et les provisions pour renouvellement (servant à financer le renouvellement du réseau couvert aujourd'hui les augmentations de tarifs liées à la mise en oeuvre des formules d'indexation) ont été conservés par les sociétés concessionnaires (en partant du principe que les accords avec l'Etat était renouvelé).

Ces opérations comptables ont donc permis de venir abonder les résultats nets de sociétés à l'instant T puis de solliciter aujourd'hui la mise en oeuvre des formules d'indexation pour augmenter les tarifs.

Le troisième porte sur la question de savoir si l'Etat pourrait (ou non) solliciter de ces sommes concernées en 2006.

La réponse est sans aucun doute affirmative sur le fondement de la décision du Conseil d'Etat du 18 octobre 2018 puisqu'elle s'applique à tous les contrats en cours sur le territoire métropolitain.

Les  contrats de concession d'autoroutes n'ayant pas pris fin, aucune prescription ne s'applique pour empêcher la rétrocession de ces sommes sur le fondement de cette décision.

Une question pourrait être posée : s'il ne reste rien sur les lignes budgétaires des différents comptes des sociétés d'autoroute, que faire?

En réalité, la question n'a aucune pertinence en droit ou en économie du contrat. Dès lors que les contrats n'ont pas pris fin et que les sommes figurant dans les lignes liées au renouvellement du réseau étaient la propriété de l'Etat en 2006, elles reviennent à l'Etat (telle qu'elles peuvent être estimées en valeur 2006 et et pour celles constituées dans les comptes après 2006).

Par conséquent s'il « ne reste rien », une expertise pourrait chiffrer les sommes y figurant en 2006 et fonder un droit à en obtenir la rétrocession auprès des concessionnaires d'autoroute.

La quatrième porte sur les suites à réservées à ces premiers éléments de réflexion.

Les suites à réservées à ces premiers éléments d'analyse (que je pourrais détailler et développer) procèdent de la combinaison de plusieurs principes juridiques et sont donc de plusieurs ordres :

- En premier lieu, les sommes figurant dans les comptes de travaux pour renouvellement et les provisions pour renouvellement appartiennent à l'État lorsqu'ils concernent les biens de retour (notamment le réseau)

- En second lieu, l'État a l'obligation de solliciter le reversement des sommes indument conservées par les sociétés concessionnaires avant 2006 et celles constituées depuis 2006. J'attire votre attention sur le fait que l'État se voit imposer de solliciter le reversement de ces sommes (ce n'est pas une faculté) car il ne peut consentir de libéralité.

- En troisième lieu, tout acte réglementaire décidant du contraire serait ici inopérant et privé de fondement légal s'agissant d'un service public. Seule la loi pourrait éventuellement en décider autrement, mais  elle ne pourrait avoir d'effet rétroactif de sorte qu'elle ne s'appliquerait pas aux contrats en cours. Elle pourrait éventuellement s'appliquer aux contrats à conclure. Les concessions d'autoroute ne seraient donc pas concernées.

- En quatrième lieu, le Conseil d'État ne pourrait procéder à une éventuelle régularisation qu'en modifiant la rédaction de sa décision de 2018. L'hypothèse existe mais paraît peu probable sauf à remettre en cause des opérations de rétrocession de ces comptes et provisions dans le cadre d'autres contrats depuis que cette décision a été rendue. Modifier le sens de la décision serait donc insoluble en droit et sur le plan financier.

- En cinquième lieu, dans l'hypothèse où l'État ne souhaiterait pas expertiser et solliciter le reversement de ces sommes (depuis l'origine des contrats jusqu'à aujourd'hui), sa responsabilité pourrait être engagée par un tiers (Association représentants d'usagers par exemple). Ne pouvant consentir de libéralité, il en serait donc comptable à l'occasion d'un contentieux.

- En sixième lieu, la rétrocession de ces sommes n'entraînerait aucune indemnisation des concessionnaires (je pourrais éventuellement expliciter ce point si vous le souhaitez)

Ces éléments nécessiteraient une expertise complémentaire sur le plan financier pour chiffrer exactement le préjudice en jeu. Les comptes réels (non pas ceux présentés dans les rapports annuels d'exploitation) n'étant pas publics, il ne m'est pas possible à ce stade de vous en présenter une analyse.

Mais, cela devrait être une des missions essentielles du Comité d'experts que vous appelez de vos voeux, en prenant appui sur l'ART (j'attire votre attention sur la possibilité d'élargir ce comité pour réunir les compétences adéquates).

Les développements ci-dessus sont assez longs. Je vous remercie donc par avance pour votre attention et espère qu'ils auront permis de nourrir les réflexions sur le sujet des concessions d'autoroute.

Je me tiens naturellement à votre entière disposition si vous souhaitez évoquer dans le détail un ou l'ensemble des points qui sont présentés ci-dessus.

Jean-Baptiste Vila

Réponse de M. Vincent Delahaye, Vice-président du Sénat,
Rapporteur de la commission d'enquête sur le contrôle, la régulation et l'évolution des concessions autoroutières
courriel du 13 septembre 2020

Cher Monsieur,

Dans une interview que vous avez récemment donnée à Capital au sujet des autoroutes, vous revenez sur les analyses que vous m'aviez adressées en juillet.

Je suis désolé de ne pas avoir pris le temps d'échanger avec vous à ce moment-là et vous prie de bien vouloir m'en excuser.

Sur le fond, votre première observation portait sur les provisions pour renouvellement constituées par les sociétés concessionnaires pour anticiper la prise en compte du coût de travaux futurs sur le réseau concédé.

Après vérification à partir des annexes des comptes de 2006 et 2019, il m'est apparu que, pour les sociétés des groupes Vinci et Eiffage (je n'ai pas fait l'exercice pour le groupe Abertis), les provisions pour renouvellement étaient très faibles au moment de la privatisation de 2006 (55 millions cf note de bas de page). Fin 2019, les politiques des deux groupes en la matière étaient radicalement différentes : le groupe Vinci avait constitué des provisions à hauteur de 530 millions d'euros alors que le groupe Eiffage n'avait constitué que 20 millions d'euros de provisions.

Compte tenu de ces éléments et sachant que les provisions en question seront ramenées à 0 à la fin des contrats de concession car elles n'auront plus d'objet dès lors que les deux groupes n'auront plus de travaux à financer, il ne m'a pas semblé nécessaire d'investiguer plus avant.

Votre seconde observation concernait la hausse annuelle des tarifs qui serait, selon vous,  « sans aucun fondement juridique ».

Pour moi, le fondement juridique de cette révision est le contrat de concession, qui prévoit une indexation sur 80% de l'inflation hors tabac. Sont venues s'ajouter à cette indexation, à la suite d'avenants, des hausses temporaires destinées à financer pour partie de nouveaux travaux, non prévus par le contrat initial et négociés à plusieurs reprises entre l'État et les SCA au cours des 10 dernières années.

Bien entendu, ces augmentations doivent être justifiées au regard du coût des travaux, de leur utilité et de leur nécessité, comme nous le rappelons dans le rapport.

Je vous rejoins sur la justification nécessaire de ces augmentations sachant que l'ART vient de publier un rapport sur la rentabilité des concessions historiques entre 2017 et 2019 qui fait apparaître que l'évolution positive de celle-ci  (soit 0,15%) aurait été quasiment la même (0,138%) sans augmentation des tarifs sur ces trois années là.

Vous trouverez dans le rapport de notre commission d'enquête des éléments qui font écho à vos préoccupations, par exemple en matière d'allongement de la durée des concessions.

Notre objectif, comme le vôtre, est de défendre l'usager et, au-delà, l'intérêt général.

Le courriel que m'avez adressé et la présente réponse seront annexés au rapport, ce qui permettra à toute personne intéressée d'en prendre connaissance. Tout usager des autoroutes ayant intérêt à agir à ce titre pourrait, s'il le souhaite, reprendre vos arguments juridiques pour saisir la justice.

Vous remerciant de l'intérêt que vous portez à ce vrai sujet de politique publique que sont les autoroutes, je vous prie de croire, cher Monsieur, à l'expression de mes sentiments les meilleurs.

Vincent Delahaye

NB: chiffres recueillis dans les Annexes des comptes sociaux des sociétés

Groupe Vinci

En 2006: 55M€

En 2019: 530M€

Cofiroute : 2006 : 40M€ 2019: 272M€. ASF : 2006 : 15M€ 2019 : 373M€. Escota 2006: aucune 2019 : 85M€)

Groupe Eiffage

En 2006: aucune provision pour renouvellement]

En 2019: 20M€

(APRR 2006 : aucune 2019 : 16M€. AREA 2006 : aucune 2019 : 4M€)


* 1 Seules les sociétés Autoroute et tunnel du Mont-Blanc (ATMB) et Société française du tunnel routier du Fréjus (SFTRF) sont toujours publiques.

* 2 Proposition de résolution n° 182 (2018-2019) tendant à la création d'une commission d'enquête sur le contrôle, la régulation et l'évolution des concessions autoroutières.

* 3 Liste et compte rendus en annexe.

* 4 Liste en annexe. Auditions sans prestation de serment.

* 5 La situation sanitaire a en outre conduit la loi organique d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 à prolonger de deux mois la durée de la commission d'enquête, à l'initiative du Sénat.

* 6 Loi n° 55-435 du 18 avril 1955 portant statut des autoroutes.

* 7 Article 4 de la loi n° 55-435, aujourd'hui codifié à l'article L. 122-4 du code de la voirie routière qui précise qu'« en cas de concession des missions du service public autoroutier, le péage couvre également la rémunération et l'amortissement des capitaux investis par le concessionnaire. »

* 8 Décret n° 60-661 du 4 juillet 1960.

* 9 Voir infra .

* 10 Voir infra .

* 11 Décret n° 95-81 du 24 janvier 1995 relatif aux péages autoroutiers

* 12 Loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques - voir infra .

* 13 Voir infra .

* 14 Voir infra .

* 15 Rapport n° 479 (1997-1998) de M. Gérard Larcher , au nom de la commission d'enquête sur les choix stratégiques des infrastructures de communication et les incidences sur l'aménagement et le développement du territoire français.

* 16 Décret n°70-398 du 12 mai 1970 remplaçant les dispositions réglementaires des alinéas 2 et 6, substitués par le décret n°60-661 du 4 juillet 1960 aux alinéas 2 et 3 de l'article 4 de la loi n °55-435 du 18 avril 1955, pris à l'initiative d'Albin Chalandon, ministre de l'Équipement de 1968 à 1972.

* 17 Arrêté validé par le Conseil d'État saisi d'un recours en annulation par les sociétés concessionnaires.

* 18 La construction de la liaison de 335 km entre Clermont-Ferrand et la côte méditerranéenne a ainsi pris plus de 20 ans (1989-2011).

* 19 Voir notamment sur ce point le rapport annuel de la Cour des comptes de 2008 sur les péages autoroutiers, pp. 238 et suivantes.

* 20 Dans les années 2000 apparaissent ainsi de nouveaux concessionnaires privés, qui exploitent un réseau moins étendu et parfois moins rentable que les sociétés concessionnaires « historiques » (voir supra ).

* 21 Avis qui conclut que les règles applicables à l'attribution des concessions font désormais obstacle à ce que la réalisation d'une nouvelle section d'autoroute puisse être confiée à une société dont l'offre prévoit que l'équilibre financier de l'opération sera assuré par la prolongation de la durée d'une concession en cours concernant un autre ouvrage.

* 22 Ordonnance n° 2001-276 du 28 mars 2001 transposant certaines dispositions de la directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures et réformant le régime d'exploitation de certaines sociétés concessionnaires d'autoroutes.

* 23 Rapport d'information n° 2407 (douzième législature) de M. Hervé Mariton , La valorisation du patrimoine autoroutier.

* 24 Rapport précité.

* 25 Les exploitants professionnels de véhicules légers qui peuvent déduire la TVA grevant les péages qu'ils acquittent sont gagnants.

* 26

Directives 92/50/CEE du 18 juin 1992 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, modifiée par la directive 97/52/CE du 13 octobre 1997, 93/36/CEE du 14 juin 1993 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures, modifiée par la directive 97/52/CE et 93/37/CEE du 14 juin 1993 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, modifiée par la directive 97/52/CE.

* 27 Ordonnance n° 2001-273 du 28 mars 2001 transposant certaines dispositions de la directive 1999/62/ CE du Parlement et du Conseil du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures et réformant le régime d'exploitation de certaines sociétés concessionnaires d'autoroutes.

* 28 Cour des comptes, Rapport public 2002 , p. 326.

* 29 CE, n° 159496 159508, Ass., 20 février 1998, Cofiroute.

* 30 Directive 89/440/CEE du 18 juillet 1989 précitée portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux.

* 31 Loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.

* 32 PPP : partenariats public-privé ; DGITM : Direction générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer ; Cerema : Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement ; DREAL : Direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement ; DGCCRF : Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes.

* 33 D'ores et déjà, les dividendes versés par les SEMCA au budget de l'État en 2002, qui s'élèvent à 130 millions d'euros, ne servent pas à financer les autoroutes concédées, le montant des crédits consacrés aux subventions d'autoroutes concédées étant seulement de 29,5 millions d'euros en autorisations de programme et crédits de paiement.

* 34 À l'exception de la révision des formules de hausse globale des tarifs par concession (hausse annuelle de base pour les véhicules légers, coefficient appliqué pour les véhicules des autres classes) et de majorations additionnelles dans le cadre des contrats de plan.

* 35 Les conséquences de cette négligence sont développées dans la troisième partie du rapport.

* 36 Dont la création est prévue par la loi du 3 janvier 2002 relative à la sécurité des infrastructures et systèmes de transport.

* 37 Approuvés par décret du 1 er mars 2002.

* 38 Le produit de l'opération de cession est en effet intégralement reversé à l'État. L'établissement public Autoroutes de France (ADF) n'a donc rien touché alors qu'il a perdu les dividendes futurs correspondants et donc une source de revenus pour financer les SEMCA.

* 39 Référé n° 2007-445-3.

* 40 Voir infra .

* 41 La commission indépendante devant veiller à la régularité du déroulement des opérations de transferts au secteur privé de participations détenues par l'État dans des entreprises du secteur industriel ou financier, initialement mise en place par la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations sous le nom de Commission des privatisations, est chargée de donner un avis conforme en cas de cession de participations par l'État.

* 42 Commission des participations et des transferts - Avis n° 2006 - A.C. - 1 du 31 janvier 2006 relatif au transfert au secteur privé du contrôle de la société APRR.

* 43 Rapport d'information précité n° 2407 (douzième législature) de M. Hervé Mariton La valorisation du patrimoine autoroutier .

* 44 A1 pour Moody's et A+ pour Standard and Poor's.

* 45 Référé 2007-445-3.

* 46 Audition de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer de 2002 à 2005, le 11 mars 2020.

* 47

L'AFITF a été créée par le décret n° 2004-1317 du 26 novembre 2004, à la suite du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 18 décembre 2003, afin de porter la part de l'État dans le financement des grands projets d'infrastructures ferroviaires, fluviales, maritimes et routières. Cet établissement public à caractère administratif devait bénéficier de plusieurs sources de financement : des dotations de l'État, le produit de la redevance domaniale versée par l'ensemble des SCA, en raison de l'occupation du domaine public, le produit des participations détenues par l'État et l'établissement public Autoroutes de France (ADF) dans le capital des trois groupes de sociétés d'économie mixte concessionnaires. Cette dernière recette, dont le montant était de 332 millions d'euros en 2005, devait constituer la principale ressource de l'agence.

* 48 Audition de M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale de 2012 à 2017, le 11 mars 2020.

* 49 Audition de M. Dominique de Villepin, Premier ministre de 2005 à 2007, le 9 juillet 2020.

* 50 Le rapport du groupe de travail présidé par Michel Pébereau, Rompre avec la facilité de la dette publique - Pour des finances publiques au service de notre croissance économique et de notre cohésion sociale, a été remis au ministre de l'économie le 14 décembre 2005.

* 51 Voir infra .

* 52 Le Conseil d'État a estimé, dans un arrêt du 27 septembre 2006, à la suite du recours pour excès de pouvoir introduit par François Bayrou et une association d'usagers que la gestion des autoroutes ne constituait ni un monopole de fait ni un service public national. Il a en outre précisé que si la loi de 1986 sur les privatisations soumet à l'accord du Parlement la cession de toute entreprise détenue à plus 50 % par l'État, celui-ci ne détenait respectivement que 37,83 %, 35,11 % et 41,53 % du capital social, les autres participations publiques étant détenues par l'établissement public Autoroutes de France, dont il a considéré qu'il ne présentait pas un caractère fictif.

* 53 Audition de M. Dominique de Villepin, Premier ministre de 2005 à 2007, le 9 juillet 2020.

* 54 Décret n° 2006-98 du 2 février 2006 autorisant le transfert au secteur privé de la participation majoritaire détenue conjointement par l'État et Autoroutes de France au capital de la société Sanef.

* 55 Décret n° 2006-167 du 16 février 2006 autorisant le transfert au secteur privé de la participation majoritaire détenue conjointement par l'État et Autoroutes de France au capital de la société Autoroutes Paris-Rhin-Rhône.

* 56 Décret n° 2006-267 du 8 mars 2006 autorisant le transfert au secteur privé de la participation majoritaire détenue conjointement par l'État et Autoroutes de France au capital de la société Autoroutes du Sud de la France.

* 57 BNP Paribas et Goldman Sachs pour l'État, Calyon et Rothschild pour ASF, HSBC et Morgan Stanley pour APRR, UBS et Dresdner Kleinwort Wasserstein pour Sanef.

* 58 Rapport d'information précité n° 2407 (douzième législature) de M. Hervé Mariton, La valorisation du patrimoine autoroutier du 22 juin 2005.

* 59 Audition de M. Dominique de Villepin, Premier ministre de 2005 à 2007, le 9 juillet 2020.

* 60 Audition par le rapporteur le 2 juillet 2020.

* 61 Voir Deuxième partie.

* 62 Voir supra .

* 63 Audition de M. Philippe Nourry, président des concessions autoroutières d'Eiffage en France, le 1 er juillet 2020.

* 64 Le modèle économique de la concession suppose que la dette portée par les SCA ait alors été intégralement remboursée et que les infrastructures autoroutières construites, aménagées, entretenues et en bon état soient alors restituées. Voir Deuxième partie.

* 65 Les avenants aux contrats de concession et les cahiers ont été approuvés par un décret n°2010-328 du 22 mars 2010

* 66 Art. 25 de la loi n° 2009-179 du 17 janvier 2009 pour l'accélération des programmes de construction et d'investissements publics et privés.

* 67 Dans sa décision n° 262/2009 du 17 août 2009, la Commission européenne a estimé que « les coûts de la réalisation, entre 2009 et 2011, des travaux supplémentaires ont été déterminés sur la base de critères objectifs et transparents, en tenant compte des coûts d'opérations équivalentes réalisées récemment » avant de conclure que « les concessionnaires n'en tirent pas un bénéfice déraisonnable ».

* 68 Voir Deuxième partie.

* 69 Décrets n° 2015-1044, 2015-1045 et 2015-1046 du 21 août 2015.

* 70 Décret n° 2013-436 du 28 mai 2013 modifiant la redevance due par les sociétés concessionnaires d'autoroutes pour occupation du domaine public.

* 71 Arrêt CE n° 369304 du 16 décembre 2013.

* 72 Le Monde, Écotaxe : comment le gouvernement veut ponctionner les sociétés d'autoroutes , 10 octobre 2014.

* 73 Communication en application de l'art. 58-2 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances , Les relations entre l'État et les sociétés concessionnaires d'autoroutes . Voir également infra .

* 74 Avis n° 14-A-13 sur le secteur des autoroutes après la privatisation des sociétés concessionnaires . Voir également infra .

* 75 Une analyse plus détaillée du contenu de ces travaux et de leur réception figure dans la deuxième partie du présent rapport.

* 76 Audition du 11 mars 2020 de M. Bruno Angles, représentant des sociétés concessionnaires d'autoroutes dans les discussions avec l'État sur les contrats de concession de 2014 à 2015.

* 77 Voir ci-après.

* 78 Communication du 17 décembre 2014 .

* 79 Rapport d'information n° 2476 (quatorzième législature), la place des autoroutes dans les infrastructures de transport de M. Jean-Paul Chanteguet .

* 80 Audition de Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie de 2014 à 2016, le 9 juillet 2020.

* 81 Audition de Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire, directrice du cabinet de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en 2014-2015, le 24 juin 2020.

* 82 Audition de Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire, directrice du cabinet de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en 2014-2015, le 24 juin 2020.

* 83 Audition de M. Alexis Kohler, directeur du cabinet du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique de 2014 à 2016, le 15 juillet 2020.

* 84 Audition de Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie de 2014 à 2016, le 9 juillet 2020.

* 85 Un état des réclamations et requêtes contentieuses des SCA figure en annexe 3 du protocole.

* 86 L'État n'était pas parvenu à obtenir de telles clauses lors de la négociation du Pacte vert.

* 87 Il s'agit du cumul des recettes réelles (valeur 2006) de péage HT du plan d'affaires de la privatisation, actualisées au 1 er janvier 2006 au taux fixe de 8 %.

* 88 Voir infra .

* 89 Audition de M. Bruno Angles, représentant des sociétés concessionnaires d'autoroutes dans les discussions avec l'État sur les contrats de concession de 2014 à 2015, le 11 mars 2020.

* 90 Il s'agit d'une vingtaine d'opérations concernant la réalisation d'échangeurs, l'élargissement de certaines voies ainsi qu'une mise aux normes environnementales de certaines sections. Une analyse du PRA et de ses conséquences sur l'équilibre contractuel et sur la rentabilité des SCA figure dans la troisième partie du rapport.

* 91 Le 28 avril 2015, M. Avrillier demande la publication de l'accord au ministre de l'économie, puis, face à son refus, saisit la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), avant de porter l'affaire devant les tribunaux administratifs. Le protocole d'accord lui a finalement été communiqué par la DGCCRF en 2019, avant d'être mis en ligne sur le site internet du ministère.

* 92 Voir troisième partie.

* 93 Art. L. 122-4 modifié du code de la voirie routière qui n'a pas d'effet rétroactif sur les concessions existantes.

* 94 Une analyse du PIA figure dans la troisième partie du rapport.

* 95 Référé n° S2018-4023 du 23 janvier 2019 .

* 96 Arafer, Synthèse des comptes des sociétés autoroutières pour 2018 .

* 97

Proposition de loi n° 249 (2018-2019) présentée par Mme Éliane Assassi et plusieurs de ses collègues relative à la nationalisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes et à l'affectation des dividendes à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France.

* 98 Rapport n° 336 (2018-2019) de M. Guillaume Gontard , fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Voir Quatrième Partie.

* 99 Voir Première partie.

* 100 La durée initiale de ces concessions a été prolongée à plusieurs reprises depuis leur création au début des années 60 et 70, pour atteindre 75 ans (64 pour Cofiroute et 65 pour AREA). Ces prorogations, effectuées en plusieurs étapes, ont d'abord eu pour objet de rétablir un équilibre économique remis en cause par les modifications substantielles apportées au régime juridique, financier et comptable des SCA à la fin des années 90, avant l'ouverture de leur capital puis leur privatisation, en particulier la suppression de la garantie de passif de l'État, des facilités comptables et de la pratique de l'adossement. Elles ont ensuite compensé des travaux supplémentaires, aux côtés d'augmentations des péages, en dernier lieu en 2015 dans le cadre du PRA.

* 101 Art. L. 1121-1 du code de la commande publique.

* 102 Dans ce cas, l'article L. 1121-4 du code de la commande publique indique : « un contrat de concession portant sur des travaux et des services est une concession de travaux si son objet principal est de réaliser des travaux ».

* 103 Art. L. 1121-1 du code de la commande publique.

* 104 Art. L. 3114-7 du code de la commande publique. L'article R. 3114-2 du même code prévoit que, lorsqu'elle est supérieure à cinq ans, la durée du contrat « ne doit pas excéder le temps raisonnablement escompté par le concessionnaire pour qu'il amortisse les investissements réalisés pour l'exploitation des ouvrages ou services avec un retour sur les capitaux investis, compte tenu des investissements nécessaires à l'exécution du contrat. »

* 105 L'article 2 des contrats de concession des SCA « historiques » indique ainsi : « la société concessionnaire s'engage à exécuter à ses frais, risques et périls, toutes les études, procédures, travaux et opérations financières se rapportant à la présente convention ».

* 106 Art. L. 122-4 du code de la voirie routière.

* 107 Autorité de régulation des transports, Rapport sur l'économie des concessions autoroutières , juillet 2020 .

* 108 Autorité de la concurrence, avis précité n° 14-A-13 du 17 septembre 2014 sur le secteur des autoroutes après la privatisation des sociétés concessionnaires .

* 109 L'Autorité de la concurrence estime que, « considérant la très partielle substituabilité des autoroutes et des autres modes de transport, y compris les routes classiques, le plus souvent le concessionnaire d'une autoroute à péage est en situation de monopole à l'égard des usagers » . Cette analyse corrobore celle de la Cour des comptes qui, dans la partie de son rapport public de 2008 relative aux péages autoroutiers, rappelle que « les autoroutes sont des services publics. Leurs concessions bénéficient d'un quasi-monopole naturel dans la mesure où, même s'il existe toujours ou presque des trajets alternatifs gratuits, l'avantage qu'elles procurent est tel que le volume de trafic, sauf peut-être dans le cas des poids lourds, est peu sensible aux hausses annuelles de prix. »

* 110 L'Autorité de la concurrence indique que « lors de l'instruction de l'avis et à nouveau en séance, [les SCA] ont toutes mis en avant le risque que constituaient pour elles l'évolution du trafic et les incertitudes l'entourant ». Pour autant, « si l'Autorité ne conteste pas que les SCA supportent théoriquement un risque lié à l'évolution du trafic, force est de constater que ce risque ne s'est en pratique jamais réalisé depuis un demi-siècle. Même les périodes de récession récentes, caractérisées par une forte diminution du trafic, notamment des poids lourds, n'ont pas entraîné une baisse du chiffre d'affaires des SCA, ne serait-ce que parce que le trafic des véhicules légers, qui représente 70 % de leur chiffre d'affaires, a continué à progresser, tout comme le tarif des péages ».

* 111 Audition de M. Philippe Nourry, président des concessions autoroutières d'Eiffage en France, le 1 er juillet 2020.

* 112 Association des sociétés françaises d'autoroutes (ASFA), Réponses aux rapports des corps de contrôle de l'État.

* 113 Audition de M. Arnaud Quémard, directeur général du groupe Sanef, le 23 juin 2020.

* 114 Audition de M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État chargé des transports, le 2 juillet 2020.

* 115 Voir Quatrième partie, I.

* 116 Autorité de la concurrence, avis précité n° 14-A-13 du 17 septembre 2014 sur le secteur des autoroutes après la privatisation des sociétés concessionnaires.

* 117 Audition de M. Pierre Coppey, président de Vinci Autoroutes, le 23 juin 2020.

* 118 Ministère de la transition écologique, Rapport sur l'exécution et le contrôle des contrats de concession d'autoroutes et d'ouvrages d'art , 2017.

* 119 Les biens remis gratuitement au concédant sont les biens de retour, c'est-à-dire les biens acquis et réalisés par le concessionnaire qui sont nécessaires au fonctionnement du service public autoroutier. Voir Quatrième partie, I.

* 120 Audition de M. Philippe Nourry, président des concessions autoroutières d'Eiffage en France, le 1er juillet 2020.

* 121 Autorité de régulation des transports, rapport précité sur L'économie des concessions autoroutières , juillet 2020.

* 122 Art. L. 122-9 du code de la voirie routière.

* 123 Autorité de régulation des transports, rapport précité sur L'économie des concessions autoroutières , juillet 2020.

* 124 La méthode des flux actualisés ( cash-flows ) évalue l'ensemble des flux financiers positifs (essentiellement les péages dans le cadre des concessions autoroutières) et négatifs (coût des travaux, charge d'exploitation) induits par l'investissement.

* 125 Autorité de régulation des transports, rapport précité L'économie des concessions autoroutières , juillet 2020.

* 126 Audition de Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire et directrice du cabinet de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en 2014-2015, le 24 juin 2020.

* 127 Audition de M. Bruno Angles, représentant des sociétés concessionnaires d'autoroutes dans les discussions avec l'État sur les contrats de concession de 2014 à 2015, le 11 mars 2020.

* 128 Autorité de régulation des transports, rapport précité L'économie des concessions autoroutières , juillet 2020.

* 129 Chacune des SCA établit ses propres comptes mais une approche consolidée doit être privilégiée pour éliminer les flux entre les sociétés concessionnaires du même groupe, tant au niveau du compte de résultat (notamment en cas d'achat d'une prestation de la mère par la fille) que du bilan (en cas d'endettement de la fille vis-à-vis de la mère) ou encore de flux de trésorerie en raison du versement de dividendes par la fille à la mère. Bien que Cofiroute appartienne au groupe Vinci, tout comme ASF et sa filiale Escota, son statut de filiale directe de Vinci Autoroutes justifie de ne pas la consolider avec ses sociétés soeurs et donc de la traiter pour elle-même.

* 130 Sanef en 2015.

* 131 Elles constituaient ainsi 98 % du chiffre d'affaires d'ASF en 2006. Le président des concessions françaises d'Eiffage a indiqué à la commission d'enquête que 97 % des revenus de ces concessions en résultaient.

* 132 Il s'agit du nombre de véhicules multiplié par la distance moyenne parcourue sur le réseau considéré.

* 133 La progression à réseau constant a atteint 1,3% par an sur la même période.

* 134 Voir Quatrième partie, I.

* 135 Voir sur ce point le rapport précité de l'Autorité de régulation des transports, Économie des concessions autoroutières, publié le 30 juillet 2020.

* 136 Voir infra Troisième partie.

* 137 Voir supra, Première partie.

* 138 Plus précisément le SAOR, Syndicat CFDT autoroutes et ouvrages routiers.

* 139 Hors Cofiroute qui était déjà privée.

* 140 Sollicités par le rapporteur, les experts indépendants qui ont attesté du caractère équitable du prix offert, ont indiqué que les plans d'affaires sur la base desquels ils avaient travaillé n'avaient pas été conservés, conformément à la politique d'archivage de ce type de documents dont la durée de conservation est de 10 ans.

* 141 Le retrait obligatoire consécutif à une offre publique de retrait (OPR) n'a toutefois pu être mis en oeuvre qu'en 2010 pour APRR.

* 142 Moyenne géométrique : trafic2018 = trafic2006*(1+t)^(2018-2016).

* 143 Les clauses « d'anti-foisonnement » figurant dans les cahiers des charges stipulent que la recette théorique résultant du tarif appliqué sur chaque parcours ne doit pas excéder une recette théorique plafond résultant d'une hausse homogène (application du TKM aux recettes de l'année précédente).

* 144 Voir la troisième partie.

* 145 Cet effet a, en principe, été pris en compte dans le calcul du taux des majorations temporaires.

* 146 Après avoir atteint 29 milliards d'euros en 2016 pour le financement du PRA.

* 147 Calculs effectués par l'ART à partir des données fournies par les SCA.

* 148 Elle a été instituée par la loi n° 94-1162 du 29 décembre 1994 de finances pour 1995 parallèlement à la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

* 149 Voir infra .

* 150 Voir infra .

* 151 Voir Première partie, III et Deuxième partie, IV.

* 152 Le rapport d'activité 2017 de l'AFITF ne fournit pas d'explications précises sur l'absence de versement de contribution volontaire exceptionnelle par les SCA au titre de l'année 2017 puisqu'il note seulement que « les 100 millions d'euros qu'il était prévu de percevoir en 2017 de la part des sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) au titre du protocole d'accord conclu avec l'État le 9 avril 2015 n'ont pas été encaissés, les SCA n'ayant pas reconduit cette année l'anticipation de ce versement qu'elles avaient consenti lors des deux années précédentes » .

* 153 « Tous les impôts et taxes établis ou à établir relatifs à la concession, y compris les impôts relatifs aux immeubles de la concession, sont acquittés par la société concessionnaire.

« En cas de modification substantielle ou de création, après entrée en vigueur du présent contrat de concession, d'impôts, de taxes ou de redevances spécifiques aux sociétés concessionnaires d'autoroutes, susceptibles de compromettre gravement l'équilibre de la concession, l'État et la société concessionnaire arrêteront d'un commun accord, dans l'intérêt de la continuité du service public, les compensations qui devront être envisagées. »

* 154 « Tous les impôts, taxes et redevances établis ou à établir relatifs à la concession, y compris les impôts relatifs aux immeubles de la concession, sont acquittés par la société concessionnaire.

« En cas de modification, de création ou de suppression, après l'entrée en vigueur du seizième avenant, d'impôt, de taxe ou de redevance, y compris non fiscale, spécifiques aux sociétés concessionnaires d'autoroutes, les parties se rapprocheront, à la demande de l'une ou de l'autre, pour examiner si cette modification, création ou suppression est de nature à dégrader ou améliorer l'équilibre économique et financier de la concession, tel qu'il existait préalablement à la création, modification ou suppression dudit impôt, taxe ou redevance.

« Dans l'affirmative, les parties arrêtent, dans les meilleurs délais, les mesures de compensation, notamment tarifaires, à prendre en vue d'assurer, dans le respect du service public, des conditions économiques et financières ni détériorées ni améliorées. »

* 155 L'ASFA évalue la baisse du nombre d'emplois (CDI+CDD) à 4 100 entre 2008 et 2019 (effectifs moyens pondérés), dont 362 sur les trois derniers exercices. 12 489 emplois étaient recensés en 2019, dont 331 CDD.

* 156 M. Frédéric Fortin. Voir infra III, B.

* 157 Autorité de régulation des transports, Rapport précité L'économie des concessions autoroutières , juillet 2020.

* 158 Art. L. 122-9 du code de la voirie routière.

* 159 Les études financières prévisionnelles doivent lui être transmises depuis qu'elle est chargée de la régulation des concessions autoroutières

* 160 Voir Première partie.

* 161 Pour ce faire, l'ART a utilisé l'évolution de l'indice de coûts en matière de travaux publics TP01, en le majorant de 1 % pour refléter l'évolution des normes techniques s'appliquant aux infrastructures qui renchérissent les coûts de construction.

* 162 APRR, AREA, ASF, ATMB, le réseau interurbain exploité par Cofiroute, Escota, Sanef, SAPN, et SFTRF.

* 163 Adelac, Albéa, Alicorne, Alis, A'liénor, Arcour, Atlandes, CEVM et le tunnel Duplex de l'A86 exploité par Cofiroute - les concessions Arcos et Aliae n'ont pas intégrées dans le suivi, leur ouvrage principal n'ayant pas été mis en service.

* 164 La concession s'achève le 30 avril 2036.

* 165 Le chiffre d'affaires considéré ici est celui hors activités de construction, afin de pouvoir être comparé aux autres groupes autoroutiers.

* 166 Voir quatrième partie.

* 167 Le PRA et le PIA font l'objet d'une présentation détaillée plus loin.

* 168 Décret n° 2010-328 du 22 mars 2010 approuvant des avenants aux conventions passées entre l'État et ASF, Escota, Cofiroute, Sanef et SAPN et décret rectificatif n° 2010-328 du 22 mars 2010.

* 169 Cour des comptes, référé précité n° S2018-4023 du 23 janvier 2019.

* 170 Audition conjointe de Mme Annie Podeur, présidente de la deuxième chambre de la Cour des comptes, et de MM. André Le Mer, président de section, et Daniel Vasseur, conseiller référendaire, le 2 juillet 2020.

* 171 Cour des comptes, référé n° S2018-4023 du 23 janvier 2019, précité.

* 172 Présenté depuis lors le 3 septembre 2020

* 173 Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance, le 16 juillet 2020.

* 174 Cour des comptes, référé du 23 décembre 2010, Les établissements publics Autoroutes de France et la Caisse nationale des autoroutes .

* 175 Audition de Philippe Nourry, président des concessions autoroutières d'Eiffage en France, le 1 er juillet 2020.

* 176 Cour des comptes, référé précité du 23 janvier 2019 n° S2018-4023.

* 177 Cour des comptes, Les relations entre l'État et les sociétés concessionnaires d'autoroutes , Communication à la commission des finances de l'Assemblée nationale , juillet 2013.

* 178 Noël Amenc et Frédéric Blanc-Brude, EDHECinfra, Le coût du capital dans les concessions autoroutières en France , 2020.

* 179 EDHECinfra a collecté des informations financières détaillées pour 650 entreprises d'infrastructure dans 25 pays, dont 113 projets autoroutiers représentant 47 milliards de dollars de valeur de marché depuis l'an 2000, plus de 2 200 instruments de dette, plus de 1 000 transactions secondaires de rachat des capitaux propres d'entreprises d'infrastructure, ainsi que plus de 5 000 primes de risque de dette privée de projets d'infrastructures.

* 180 Ces résultats s'appliquant à une moyenne, l'étude souligne qu'ils peuvent varier d'une concession à l'autre, les concessions les plus récentes pouvant être considérées comme plus risquées, à la fois en termes de coûts de construction et d'exploitation et de trafic futur.

* 181 Audition de M. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget de 2014 à 2017, le 1 er juillet 2020.

* 182 C'est le cas notamment des travaux proposés sur des portions de la route Centre-Europe Atlantique (RCEA) et de l'A480 à Grenoble.

* 183 Il s'agit notamment de vérifier si les opérations envisagées répondent aux critères juridiques de l'adossement définis par l'article L. 122-4 du code de la voirie routière, permettant de justifier les dérogations aux règles relatives à la publicité et à la mise en concurrence.

* 184 Il s'agit des opérations relatives à l'A4/Saint-Avold-Freyming et à l'A54/contournement autoroutier d'Arles, ainsi que de plusieurs aménagements sur l'A10/Tours-Poitiers.

* 185 La DGITM note par exemple que Vinci propose des élargissements autoroutiers pour un coût total de 11 millions d'euros hors taxe (HT) au kilomètre alors que le coût d'une section neuve est estimé entre 7 et 10 millions d'euros HT au kilomètre, et que les provisions et marges pour aléas sont élevées (jusqu'à 30 % des coûts unitaires).

* 186 La hausse cumulée du trafic entre 2012 et 2030 est estimée par les SCA à 5% pour le trafic VL et à 8% pour le trafic PL, tandis que la DGITM retient une valeur de hausse du trafic VL et PL comprise entre 15% et 20%.

* 187 Les sociétés d'autoroutes prévoient un taux d'inflation de 1,5% par an, lorsque la DGITM retient un taux de 1,8% par an.

* 188 Le TRI proposé par les SCA n'est pas explicité, celles-ci refusant de transmettre aux services de l'État des informations sur les conditions de financement de leurs opérations. Les SCA considèrent que le TRI est le fruit d'un accord global avec l'État, qui prend en compte les différentiels entre les jeux d'hypothèses et la compensation du risque estimé par les parties, et qu'il ne peut donc pas être objectivé point par point.

* 189 Inspection générale des finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable, Validation des hypothèses sous-jacentes du plan autoroutier , juin 2013.

* 190 Décret n° 2013-436 du 28 mai 2013 modifiant la redevance due par les sociétés concessionnaires d'autoroutes pour occupation du domaine public. Voir supra II, E.

* 191 La compensation tarifaire de la hausse de la redevance domaniale a finalement été mise en oeuvre sur les années 2016, 2017 et 2018, conformément au protocole d'accord du 9 avril 2015.

* 192 Communication de la Commission, Encadrement de l'Union européenne applicable aux aides d'État sous la forme de compensations de service public , 2012.

* 193 L'article 43 de la directive 2014/23/UE permet de modifier un contrat de concession en cours sans nouvelle procédure d'attribution pour y ajouter des travaux supplémentaires devenus nécessaires et qui ne figuraient pas dans la concession initial, lorsqu'un changement de concessionnaire :

- est impossible pour des raisons économiques ou techniques telles que les exigences d'interchangeabilité ou d'interopérabilité avec les équipements, services ou installations existants acquis dans le cadre de la concession initiale ; et

- présenterait un inconvénient majeur ou entraînerait une multiplication substantielle des coûts pour le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice.

* 194 Commission européenne, décision (C[2014] 7850 final) du 28 octobre 2014.

* 195 Ce suivi doit notamment garantir l'absence de surcompensation, en vérifiant tous les deux ans jusqu'à l'échéance des contrats de concession la validité des prévisions sur lesquelles se fonde celle-ci et que le taux de rentabilité pour chaque SCA demeure proche de l'hypothèse initiale.

* 196 Voir Première partie.

* 197 S'agissant par exemple des opérations incombant à APPR et AREA, Philippe Nourry, président des concessions autoroutières d'Eiffage, a indiqué à la commission d'enquête lors de son audition du 1 er juillet 2020 : « Nous n'avons pas pris de retard, mais il existe des travaux très complexes, comme l'A480 à Grenoble ou l'A75 à Clermont-Ferrand, pour lesquels la date de mise en service est prévue fin 2022 ou début 2023 ».

* 198 Audition de M. Pierre Coppey, président de Vinci Autoroutes, le 23 juin 2020.

* 199 Audition de M. Philippe Nourry, président des concessions autoroutières d'Eiffage en France, le 1 er juillet 2020.

* 200 Audition de M. Alexis Kohler, directeur du cabinet du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique de 2014 à 2016, le 15 juillet 2020.

* 201 Le trafic sur le réseau autoroutier concédé a, tous véhicules confondus, augmenté en moyenne de 2,9 % en 2015, 3,3 % en 2016, 1,9 % en 2017 et 0,6 % en 2018. L'évolution du coût des travaux s'est élevée à - 3,3 % en 2015, -1,3 % en 2016, 2,3 % en 2017 et 4,9 % en 2018.

* 202 Cour des comptes, Référé, Le plan de relance autoroutier , 23 janvier 2019.

* 203 Audition de Mme Annie Podeur, présidente de la deuxième chambre de la Cour des comptes, le 2 juillet 2020.

* 204 Audition de M. Daniel Vasseur, conseiller référendaire à la Cour des comptes, le 2 juillet 2020.

* 205 Commission européenne, décision (C[2014] 7850 final) du 28 octobre 2014.

* 206 Cela impliquait d'une part que les opérations soient exclusivement situées sur le domaine public autoroutier concédé et qu'elles présentent un intérêt pour les usagers de l'autoroute justifiant d'être mises au moins partiellement à leur charge.

* 207 L'ART estimant ne pas être en mesure de se prononcer sur 4 % de l'enveloppe.

* 208 Audition de M. Bernard Roman, président de l'Autorité de régulation des transports (ART) et de Mme Stéphanie Druon, secrétaire générale, le 4 mars 2020.

* 209 Voir infra .

* 210 Audition de Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire, directrice du cabinet de Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en 2014-2015, le 24 juin 2020.

* 211 Rapport public annuel 2003 , La réforme de la politique autoroutière , p. 335.

* 212 Rapport public annuel 2005 , L'exécution des contrats de concession passés entre l'État et la Compagnie financière et industrielle des autoroutes (Cofiroute ), p. 302.

* 213 Communication de novembre 2013, Les relations entre l'État et les sociétés concessionnaires d'autoroutes .

* 214 Réaction des sociétés concessionnaires au rapport de la Cour des comptes sur les concessions autoroutières du 24 juillet 2013.

* 215 Avis 05-A-22 du 2 décembre 2005, relatif à une demande d'avis de l'AMCRA sur les problèmes de concurrence pouvant résulter de la privatisation annoncée des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes.

* 216 Avis n° 14-A-13 du 17 septembre 2014 sur le secteur des autoroutes après la privatisation des sociétés concessionnaires.

* 217 Audition de M. Bruno Angles, représentant des sociétés concessionnaires d'autoroutes dans les discussions avec l'État sur les contrats de concession de 2014 à 2015, le 11 mars 2020.

* 218 Audition de M. Umberto Berkani, rapporteur général adjoint de l'Autorité de la concurrence, le 16 juin 2020.

* 219 C'est un autre service de la DGITM, le département des partenariats public-privé (DPPP), qui assure la préparation des contrats des nouvelles concessions et gère les procédures d'attribution de celles-ci.

* 220 Voir le § II.

* 221 Audition de M. Fabien Balderelli, sous-directeur de la gestion et du contrôle du réseau autoroutier concédé à la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) au ministère de la transition écologique et solidaire, le 26 février 2020.

* 222 Rapport d'activité 2017 de la direction des infrastructures de transport (DIT) de la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), Exécution et contrôle des contrats de concession d'autoroutes et d'ouvrages d'art .

* 223 Circulaire n° 87-88 du 27 octobre 1987 relative aux modalités d'établissement et d'instruction des dossiers techniques concernant la construction et l'aménagement des autoroutes concédées.

* 224 Circulaire du 13 avril 2012 portant instruction pour la mise en oeuvre d'audits de sécurité routière pour les opérations d'investissement sur le réseau routier national.

* 225 Audition de M. Philippe Nourry, président des concessions autoroutières d'Eiffage en France, le 1 er juillet 2020.

* 226 Audition de M. Arnaud Quémard, directeur général du groupe Sanef et président de l'Association des sociétés françaises d'autoroutes (ASFA) du 23 juin 2020.

* 227 Voir infra .

* 228 L'État est en revanche représenté dans les conseils des deux sociétés tunnelières à capitaux majoritairement publics.

* 229 Voir § D ci-après.

* 230 De tels recrutements, susceptibles de générer des conflits d'intérêts, seraient en tout état de cause soumis au contrôle de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) qui a repris en la matière les compétences de la commission de déontologie de la fonction publique.

* 231 Audition de M. Pierre Coppey, président de Vinci Autoroutes, le 23 juin 2020.

* 232 Les coûts de construction et d'entretien générés par les poids lourds sont en effet beaucoup plus élevés que ceux correspondant aux véhicules légers.

* 233 Les tarifs du Duplex A86 entrent en vigueur au 1er janvier.

* 234 Cour des comptes, rapport annuel 2008 , Les péages autoroutiers.

* 235 Décret n° 95-81 du 24 janvier 1995 relatif aux péages autoroutiers.

* 236 Communication de la Cour des comptes à la commission des finances de l'Assemblée nationale, juillet 2013, p. 8.

* 237 Financement de nouvelles sections d'autoroutes par la hausse des péages prélevés sur les sections plus anciennes permettant de compenser en tout ou en partie la dégradation de la rentabilité moyenne de l'activité du concessionnaire.

* 238 Décret n° 2004-86 du 26 janvier 2004 portant création de la Commission nationale des marchés des sociétés concessionnaires d'autoroutes ou d'ouvrages d'art.

* 239 Rapport d'activité pour 2014 de la Commission nationale des marchés des sociétés concessionnaires d'autoroutes ou d'ouvrages d'art, p. 11.

* 240 Voir § II ci-après.

* 241 Initialement créée par la loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports pour réguler les transports ferroviaires en France sous la dénomination d'Araf.

* 242 Par l'ordonnance n° 2019-761 du 24 juillet 2019 relative au régulateur des redevances aéroportuaires, qui a étendu la compétence de l'Arafer au secteur aéroportuaire.

* 243 L'Autorité ne se prononce pas en revanche sur l'intérêt public ou sur l'utilité générale du projet d'ouvrage ou d'aménagement envisagé, qui est l'objet d'une procédure d'utilité publique distincte.

* 244 Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités.

* 245 Cette analyse est étrangère à l'appréciation de l'équilibre existant de la convention. Ainsi, la seule circonstance selon laquelle la société concessionnaire dégagerait un bénéfice important sur les investissements déjà réalisés ne saurait interdire, par principe, la compensation de la réalisation de nouveaux investissements.

* 246 Voir supra .

* 247 Voir Deuxième partie.

* 248 Autoroute et tunnel du Mont Blanc.

* 249 Voir Deuxième partie.

* 250 Voir supra I.

* 251 Dans les cas d'ATMB et de SFTRF, seuls sont transmis les marchés de travaux d'un montant supérieur à 2 millions d'euros HT et les marchés de fournitures et de services d'un montant supérieur ou égal à 221 000 euros HT.

* 252 Audition de M. Bernard Roman, président de l'Autorité de régulation des transports (ART) et de Mme Stéphanie Druon, secrétaire générale, le 4 mars 2020.

* 253 4 avis (2 pour Sanef, 2 pour SAPN) portaient sur la composition des commissions des marchés et 3 concernaient les règles internes des SCA Escota, Cofiroute et ASF.

* 254 En application du 1° du IV de l'article R. 122-31 du code de la voirie routière.

* 255 « Les concessionnaires d'autoroutes et les entreprises intervenant dans le secteur des marchés de travaux, fournitures et services sur le réseau autoroutier concédé sont tenus de lui fournir toute information relative aux résultats financiers de la concession, aux coûts des capitaux investis sur le réseau, aux marchés de travaux, fournitures et services et aux autres services rendus à l'usager et tout élément statistique relatif à l'utilisation et à la fréquentation du réseau ».

* 256 Voir notamment les articles L. 122-31 et L. 122-32 du code de la voirie routière et L. 1264-2 du code des transports.

* 257 Voir notamment articles L. 1264-1 et L. 1264-7 du code des transports.

* 258 L'existence de cette taxe était prévue par l'article L. 1261-20 du code des transports.

* 259 Cette taxe est désormais prévue par l'article 302 bis ZB bis du code général des impôts.

* 260 Audition de M. Bernard Roman, président de l'Autorité de régulation des transports (ART) et de Mme Stéphanie Druon, secrétaire générale, le 4 mars 2020.

* 261 Cette préoccupation avait déjà été exprimée par notre collègue Christine Lavarde dans son rapport consacré aux crédits du programme 203 "Infrastructures et services de transport" de la mission "Écologie, développement et mobilité durables" dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020.

* 262 Autorité de régulation des transports, Rapport sur l'économie des concessions autoroutières , juillet 2020 .

* 263 Inspection générale des finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable, Validation des hypothèses sous-jacentes du plan autoroutier , juin 2013.

* 264 Cour des comptes, Référé S. 2018-4023, Le plan de relance autoroutier, 23 janvier 2019 .

* 265 Ibid.

* 266 Audition de M. Alexis Kohler, directeur du cabinet du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique de 2014 à 2016, le 15 juillet 2020.

* 267 Audition de Mme Annie Podeur, présidente de la deuxième chambre de la Cour des comptes, le 2 juillet 2020.

* 268 Voir Deuxième partie.

* 269 Autorité de régulation des transports, Rapport sur l'économie des concessions autoroutières , juillet 2020.

* 270 La construction d'un ouvrage de grande taille s'apparente à une opération complexe et, en pratique, il n'existe jamais d'autre projet suffisamment similaire pour permettre plus qu'une estimation grossière. D'autre part, le répondant à un appel d'offre n'est pas tenu de fournir une décomposition des coûts suffisamment fine pour pourvoir la mettre en regard de prix unitaires.

* 271 Voir Deuxième partie, III. B

* 272 Le Plan d'investissement autoroutier (PIA) n'ayant pas été notifié à la Commission, il ne fait l'objet d'aucune obligation de suivi.

* 273 Audition de M. Daniel Vasseur, conseiller référendaire à la Cour des comptes, le 2 juillet 2020.

* 274 Voir Deuxième partie, IV.

* 275 Cour des comptes, Les relations entre l'État et les sociétés concessionnaires d'autoroutes , juillet 2013 .

* 276 Audition de M. Pierre Coppey, président de Vinci Autoroutes, le 23 juin 2020.

* 277 Voir Troisième partie, III.

* 278 Voir Troisième partie, III.

* 279 Voir Troisième partie, III.

* 280 Voir Troisième partie, II.

* 281 Voir Troisième partie, III

* 282 Voir Deuxième partie.

* 283 Audition de M. Philippe Nourry, président des concessions autoroutières d'Eiffage en France, le 1 er juillet 2020.

* 284 Comptes semestriels 2020 publiés au 31 juillet 2020.

* 285 Audition de M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État chargé des transports, le 2 juillet 2020.

* 286 Ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d'adaptation des règles de passation, de procédure ou d'exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n'en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de Covid-19.

* 287 CE 30 mars 1916, Compagnie générale d'éclairage de Bordeaux.

* 288 Les contrats des SCA récentes comportent une clause dite de « fait nouveau » qui permet d'envisager une compensation par voie tarifaire en cas de bouleversement de leur équilibre économique. Cette compensation est subordonnée à la réunion de trois conditions : un fait nouveau imprévisible à l'entrée en vigueur du contrat, un fait extérieur aux parties et une compensation nécessaire pour permettre à la SCA d'exécuter ses obligations.

* 289 Contribution de l'ART sur l'impact de la crise sanitaire sur les transports transmise en mai 2020 à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

* 290 Conseil d'État, 22 juin 2012, CCI de Montpellier, n° 348676 : « en vertu de l'interdiction faite aux personnes publiques de consentir des libéralités, un contrat administratif ne peut légalement prévoir une indemnité de résiliation ou de non-renouvellement qui serait, au détriment de la personne publique, manifestement disproportionnée au montant du préjudice subi par le cocontractant du fait de cette résiliation ou de ce non-renouvellement » .

* 291 Selon les dernières évaluations disponibles.

* 292 Proposition de loi n° 59 (2011-2012) relative à la nationalisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes et à l'affectation des dividendes à l'Agence de financement des infrastructures de transports, déposée au Sénat le 14 janvier 2014 par Mme Mireille Schurch et plusieurs de ses collègues.

* 293 Proposition de loi n° 249 (2018-2019) relative à la nationalisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes et à l'affectation des dividendes à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, déposée au Sénat le 16 janvier 2019 par Mme Éliane Assassi et plusieurs de ses collègues.

* 294 Rapport n° 336 (2018-2019) de M. Guillaume Gontard, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 20 février 2019.

* 295 Rapport d'information n° 458 (2016-2017) de M. Hervé Maurey , président, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, Infrastructures routières et autoroutières : un réseau en danger , publié le 8 mars 2017.

* 296 Rapport sur l'exécution et le contrôle des contrats de concession d'autoroutes et d'ouvrages d'art pour l'année 2017, DGITM (DIT).

* 297 Désormais subordonné à un vote du Parlement - Voir II infra .

* 298 Directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 1999, relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures.

* 299 La norme Euro vise à normaliser et réduire les émissions de particules fines (PM) et d'oxyde d'azote (NOx) des véhicules qu'elle répartit entre six classes en fonction de leur niveau d'émission.

* 300 Table ronde d'associations d'usagers des autoroutes, le 16 juillet 2020.

* 301 Comme indiqué plus haut, cette autoroute a été construite par Cofiroute dans une zone qui était alors très peu urbanisée.

* 302 M. Jean-Claude Lagron, président de l'association « A10 gratuite », lors de la Table ronde d'associations d'usagers des autoroutes, le 16 juillet 2020.

* 303 Audition de Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire, le 24 juin 2020.

* 304 Il s'agit d'un réseau construit et géré par Cofiroute.

* 305 Voir l'intervention M. Jean-Claude Lagron, président de l'association « A10 gratuite » lors de la Table ronde d'associations d'usagers des autoroutes, le 16 juillet 2020.

* 306 L'article L. 122-4 du code de la voirie routière fait ainsi obligation aux nouvelles concessions de prévoir un nombre de places de parkings de covoiturage ou de bus, un déploiement de stations d'avitaillement en carburants alternatifs et la mise en place d'une tarification différenciée selon les niveaux d'émissions des véhicules.

* 307 Arrêté du 2 janvier 2019 portant modification de l'arrêté du 8 août 2016 fixant les conditions d'organisation du service public sur les installations annexes situées sur le réseau autoroutier concédé.

* 308 Voir Deuxième partie.

* 309 La loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales (loi « Macron ») a complété l'article L. 122-4 du code de la voirie routière pour prévoir : « En cas de contribution de collectivités territoriales au financement de la délégation, le cahier des charges prévoit un dispositif de partage d'une partie des résultats financiers de la délégation au profit de l'État et des collectivités territoriales contributrices, en cas de résultats financiers excédant les prévisions initiales ».

* 310 La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a modifié l'article L. 122-4 du code de la voirie routière qui indique : « Le cahier des charges prévoit un dispositif de modération des tarifs de péages, de réduction de la durée de la concession ou d'une combinaison des deux, applicable lorsque les revenus des péages ou les résultats financiers excèdent les prévisions initiales. En cas de contribution de collectivités territoriales ou de l'État au financement de la concession, ce dispositif peut, à la place ou en complément, prévoir un partage d'une partie des résultats financiers de la concession au profit de l'État et des collectivités territoriales contributrices. »

* 311 Audition de M. Alexis Kohler, directeur du cabinet du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique de 2014 à 2016, le 15 juillet 2020.

* 312 Autorité de régulation des transports, Rapport sur l'économie des concessions autoroutières , juillet 2020.

* 313 Décret n° 2009-1102 du 8 septembre 2009 relatif à la création du comité des usagers du réseau routier national.

* 314 Notre collègue Michèle Vullien, qui est membre de la commission d'enquête, a été désignée en février 2019.

* 315 Table ronde d'associations d'usagers des autoroutes, le 16 juillet 2020.

* 316 Norton Rose Fulbright, Étude comparative du secteur autoroutier européen , juin 2020.

* 317 Éléments transmis au rapporteur par les services économiques extérieurs du ministère de l'économie et des finances.

* 318 Éléments transmis au rapporteur par les services économiques extérieurs du ministère de l'économie et des finances

* 319 Données fournies par la DGITM.

* 320 Voir infra .

* 321 Audition de M. Philippe Martin président de la section des travaux publics du Conseil d'État, le 11 mars 2020

* 322 Audition de M. Philippe Martin président de la section des travaux publics du Conseil d'État, le 11 mars 2020.

* 323 Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance, le 16 juillet 2020.

* 324 Des clauses de partage des fruits de la concession ont été introduites en 2015 dans les contrats de concession des sociétés historiques mais leur seuil de déclenchement, très élevé, est défini en valeur relative et elles sont conditionnées aux résultats.

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