EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 23 septembre 2020, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a entendu une communication de M. Jérôme Bascher, rapporteur spécial, sur les projets immobiliers des pouvoirs publics.

M. Vincent Éblé , président . - Nous passons à la communication de contrôle budgétaire de M. Jérôme Bascher sur les projets immobiliers des pouvoirs publics.

M. Jérôme Bascher , rapporteur spécial . - Cette communication est le fruit d'un travail de contrôle sur les projets immobiliers des institutions relevant de la mission « Pouvoirs publics », à savoir la présidence de la République, l'Assemblée nationale, le Sénat et le Conseil constitutionnel.

Les budgétisations réalisées via le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » pour financer des rénovations à l'Élysée avaient donné lieu à une micro-polémique lors de l'examen du dernier budget.

Les institutions de la République ont des priorités communes : la nécessité d'entretenir et valoriser leur patrimoine historique ; la rénovation des locaux pour faire bénéficier les personnes qui y travaillent de moyens modernes, notamment en termes de réseaux ; l'adaptation à l'évolution des missions institutionnelles - l'introduction de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) et la charge de travail qui l'accompagnait avaient entraîné pour le Conseil constitutionnel la réalisation de travaux très importants ; et la prise en compte des questions d'efficacité énergétique, de sécurité et d'accessibilité des bâtiments.

La poursuite de ces objectifs, en particulier celui d'entretien du patrimoine historique, explique que les investissements immobiliers représentent un effort financier important.

À l'Assemblée nationale par exemple, sur la période 2017-2019 le montant exécuté des dépenses d'investissement de l'Assemblée nationale s'est élevé à 19,1 millions d'euros dont 8,3 millions d'euros pour des opérations de préservation ou de mise en valeur du patrimoine historique, soit 43,5 % du montant des dépenses d'investissement.

Au Sénat, on constate un effort d'investissement important depuis trois ans, avec une moyenne annuelle de 18,4 millions d'euros pour la période 2017-2019, contre 10,5 millions pour la période 2014-2016.

Je rappelle que ces dépenses sont assumées par les réserves des assemblées parlementaires. La dotation budgétaire de l'État, qui couvre le fonctionnement courant, est figée depuis neuf ans. Ces neuf années de gel représentent pour le Sénat un effort équivalent à plus d'une année de dotation.

Le cas de la présidence de la République est quelque peu différent dans la mesure où l'essentiel des dépenses immobilières est assuré par le budget de la culture via l'opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (Oppic), issu de la fusion de l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels et du Service national des travaux.

On constate une tendance récente des pouvoirs publics à inscrire leurs projets immobiliers dans le cadre d'une programmation pluriannuelle ou d'un schéma directeur. C'est une bonne nouvelle !

La programmation permet de se doter d'une véritable vision d'ensemble pour mener de façon cohérente l'ensemble des objectifs évoqués, même si de mauvaises surprises peuvent toujours arriver - la découverte d'amiante par exemple. Elle s'inscrit également dans un souci de bonne gestion financière.

Le schéma directeur immobilier de la présidence de la République couvre la période 2019-2022 et représente un effort global prévisionnel de 52 millions d'euros, ce qui n'est pas rien. Il s'inscrit dans la continuité de la récente réforme de l'organisation administrative de l'Élysée. La présidence de la République, ce n'est pas seulement l'hôtel d'Évreux - le palais de l'Élysée proprement dit -, mais aussi le palais de l'Alma. Ce dernier bâtiment est en cours de rénovation pour y loger l'ensemble des services support de l'Élysée. L'Oppic a la maîtrise d'ouvrage globale du chantier.

À l'Assemblée nationale, selon les informations que je remercie le Collège des Questeurs de m'avoir communiquées, le programme des travaux est extrêmement important : rénovation de l'hôtel de Broglie et de l'hôtel de Lassay, et de la couverture de l'hémicycle, qui aurait dû être faite cet été, mais qui a dû être reportée en raison de la crise sanitaire.

Pour le Conseil constitutionnel, les opérations sont plus modestes que celles réalisées au début des années 2010 : il s'agit notamment de l'aménagement de voies de circulation vers la Comédie-Française et de l'ouverture d'une boutique. Un plan d'économie d'énergie et de développement durable a également été adopté.

Le Sénat a franchi un pas supplémentaire puisque, depuis 2017, l'effort de programmation pluriannuelle concerne l'ensemble de son budget. La principale opération porte sur les travaux de rénovation des 26-36, rue de Vaugirard. Dans le Jardin du Luxembourg - qui, il est toujours bon de le rappeler, est géré par le Sénat -, a débuté la rénovation de la Fontaine Médicis. L'effort global d'investissement programmé s'élève à 55 millions d'euros pour la période 2020-2022.

Les principales recommandations de mon rapport concernent le financement des projets immobiliers des pouvoirs publics.

S'agissant de la présidence de la République, l'enjeu est d'améliorer la lisibilité des crédits d'investissement. Il faut consolider le budget de l'Élysée sur la mission « Pouvoirs publics ». La présidence bénéficie de deux exceptions : le concours du ministère de la culture, via l'Oppic, et l'avance de trésorerie du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». L'Élysée a déjà fait des efforts de consolidation à la demande de la Cour des comptes pour ce qui concerne la sécurité de la présidence de la République. Il faut continuer, car les crédits concernés sont importants.

De leur côté, les assemblées parlementaires et le Conseil constitutionnel puisent dans leurs réserves pour financer leurs projets immobiliers. Cela ne peut continuer ainsi. Il est temps de mettre fin au gel de la dotation de l'État aux assemblées parlementaires, notamment pour leur permettre de couvrir leurs besoins de rénovation du patrimoine historique dont elles sont affectataires.

Globalement, je donne donc un satisfecit à l'ensemble des institutions de la République pour la gestion de leur patrimoine immobilier.

Mme Christine Lavarde . - Cet été, la salle des Conférences du Sénat a été rénovée à l'identique. On a reposé de la feuille d'or là où il y avait de la feuille d'or, etc. Quelles règles s'appliquent pour la rénovation des espaces de l'Élysée ? Des pièces sont complètement transformées, le style historique est abandonné... J'entends l'argument avancé par le rapporteur spécial sur la nécessité de rendre les lieux fonctionnels. Mais, en l'occurrence, on assiste à un changement de style !

En matière de rénovation, notamment destinée à améliorer la performance énergétique, les collectivités doivent rénover des bâtiments en conservant leur aspect d'origine. Pourquoi l'Élysée aurait-il le droit de s'affranchir de ces contraintes de respect du patrimoine, d'autant que les crédits viennent du ministère de la culture ?

M. Thierry Carcenac . - Nous n'avons pas l'habitude de gérer de façon rigoureuse l'important patrimoine immobilier de notre pays. Le rapporteur a évoqué l'Oppic ; pour la justice, une agence est chargée les projets immobiliers. Les opérateurs sont multiples, ce qui nuit à la transparence et à la lisibilité du système.

Avec Christine Lavarde, nous siégeons au Conseil de l'immobilier de l'État. La construction du nouveau Palais de justice de Paris aurait dû permettre de récupérer les anciens bâtiments. Nous avons appris qu'il avait été décidé, lors d'une réunion interministérielle, que chaque ministère conserverait ses locaux. Le ministère de la culture a dû abandonner son projet d'ouvrir à la visite le 36, quai des Orfèvres. Nous n'avons pas de vision claire de la politique immobilière de l'État.

Les deux assemblées ont une commission chargée du contrôle des comptes. J'ai fait partie de la commission du Sénat : nous analysons chaque année les moyens affectés aux travaux de rénovation. Le Conseil constitutionnel fait preuve de la même transparence. On ne peut pas en dire autant du Conseil d'État - je pense à l'installation de la cour administrative d'appel à Toulouse.

Le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » est la roue de secours. On en connaît les conséquences : il nous est toujours dit que les avances accordées seront abondées par des cessions à venir...

Je remercie le rapporteur spécial pour son travail, qui nous permet de compléter la vision de la politique immobilière de l'État avec celle des pouvoirs publics.

M. Jérôme Bascher , rapporteur spécial . - J'indique que j'ai travaillé sur dossier - le confinement ne m'ayant notamment pas permis de me rendre à l'Oppic - mais j'ai reçu tous les éléments d'information nécessaires.

S'agissant du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », il est prévu de vendre un immeuble rue de l'Élysée pour 27 millions d'euros afin de couvrir l'avance.

La fusion entre l'Oppic et l'opérateur qui s'occupe des programmes immobiliers de la justice n'est pas une idée neuve. La création de l'Oppic devait être la première étape. Le ministère de la culture avait vocation à s'occuper de l'ancien palais de justice, notamment en raison de la présence en son sein d'une remarquable chapelle...

Madame Lavarde, si la salle des Conférences du Sénat a été refaite à la feuille d'or, c'est parce que nous prenons le parti de faire à l'identique, même si pour Émile Zola, le style Napoléon III était « le bâtard opulent de tous les styles » !

À l'Élysée, en revanche, effectivement les planchers vont sauter ! Les étages et demi-étages vont être refaits pour y loger notamment les services de sécurité de la présidence de la République. Des appartements ont été supprimés pour en faire des bureaux. Les architectes des Bâtiments de France sont peut-être assez « coulants », alors que dans les collectivités nous avons parfois du mal à nous faire entendre... Même si je n'ai pas d'éléments précis sur les sujets que vous évoquez, je vous assure que l'aile concernée par l'aménagement des bureaux est très peu fonctionnelle et mérite cette rénovation lourde.

L'hôtel de Marigny, qui est le lieu de réception de l'Élysée pour les chefs d'État étrangers, doit également faire l'objet de rénovations : le nombre de chambres est limité au strict nécessaire, d'autant que les visiteurs étrangers préfèrent maintenant loger dans des palaces.

M. Vincent Éblé , président . - Merci pour cette présentation.

La commission a donné acte de sa communication à M. Jérôme Bascher, rapporteur spécial, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

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