B. LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DOIVENT ÊTRE CONSULTÉES ET MIEUX ASSOCIÉES AU NOUVEAU TOUR DE TABLE

1. Une participation minoritaire des acteurs publics locaux pourrait consacrer leur engagement auprès de cet acteur industriel majeur

Lors des échanges avec la commission des affaires économiques, les acteurs économiques locaux ont tenu à saluer l'engagement des élus du territoire auprès de leurs entreprises et des Chantiers de l'Atlantique .

La Région Pays de la Loire, l'agglomération Carene et la Ville de Saint-Nazaire partagent en effet leurs inquiétudes vis-à-vis du rachat envisagé, s'étant fait le relais de la voix des entreprises locales auprès du Gouvernement et de la Commission européenne.

L'appui à la filière de construction navale est une constante de la politique de développement économique conduite par la Région. Depuis 2010, elle a par exemple mobilisé près de 15 millions d'euros afin d'accompagner les Chantiers et ses partenaires dans leurs programmes de recherche et de développement, ainsi que dans la montée en puissance de leur activité dans le domaine des énergies marines renouvelables (EMR). Au titre de ses compétences en matière d'infrastructures, elle a également participé à l'extension de l'aire de prémontage des Chantiers pour environ 1,7 millions d'euros. Le Contrat de plan État-Région 2015-2020 prévoyait plus généralement la restructuration du site industriel du grand port maritime de Nantes-Saint-Nazaire (GPMNSN), afin d'y développer un « hub » logistique dédié aux énergies marines renouvelables (EMR) : près de 4,7 millions y ont été consacrés par la Région, aux côtés de financements de l'agglomération et du Département. Enfin, face aux importants besoins de recrutement des Chantiers de l'Atlantique, un plan pour l'emploi et la formation de la filière de construction navale a été mis en place en 2016.

Interrogée sur la pertinence du projet de rachat envisagé, la Région a souligné : « La Région a toujours déploré que l'État n'ait pas conduit dès le début une stratégie de préservation des intérêts stratégiques et militaires de la France [...] et de réappropriation de ce patrimoine économique industriel. [...] Nous avons proposé des scénarios alternatifs avec l'entrée au capital d'industriels ligériens, d'actionnaires salariés, de partenaires de la filière navale voire d'armateurs croisiéristes. [...] Nous avons toujours affirmé la nécessité de la présence de l'État comme actionnaire de référence » 56 ( * ) .

À nouveau, il semble que ces ouvertures et mises en garde n'aient pas été prises en compte par le Gouvernement au moment de se prononcer sur le projet de rachat des Chantiers de l'Atlantique. Sceptique sur la cession des parts de l'État à Fincantieri, la Région a indiqué privilégier une solution faisant intervenir des acteurs industriels.

Toutefois, elle n'écarte pas la possibilité d'entrer au capital des Chantiers de l'Atlantique. Grâce aux évolutions législatives récentes, les Régions sont désormais autorisées à détenir une part du capital d'entreprises privées, au titre de leur compétence en matière de développement économique. Si une telle participation était nécessaire, entre 13 et 14 millions d'euros pourraient être mobilisés, soit en prise de participation directe , soit par le biais d'une société d'économie mixte régionale (SEM) ou via un fonds d'investissement régional, a indiqué la Région.

Le Gouvernement doit s'engager à accompagner l'émergence d'une solution alternative qui soit pleinement soutenue par l'ensemble des acteurs territoriaux, privés comme publics, et qui tiennent compte de toutes les volontés exprimées. Cette capacité d'écoute et de coconstruction conditionnera la pertinence et la solidité du « plan B » en cas d'abandon ou de refus du projet de rachat par Fincantieri.

2. Permettre aux collectivités d'entrer au capital de l'entreprise

Plusieurs options existent pour associer toutes les volontés autour d'un projet commun et solide.

Une option consisterait, selon les entreprises locales, à dissocier la propriété de l'infrastructure industrielle des Chantiers , c'est-à-dire des formes, des bâtiments, des outils ; de l'exploitation de ces actifs. Les pouvoirs publics (État et Région par exemple) pourraient alors détenir majoritairement l'infrastructure industrielle, un ou plusieurs acteurs privés se voyant confier l'exploitation par un contrat de location-gérance à long terme.

D'autre part, plusieurs actionnaires minoritaires ou investisseurs privés pourraient créer une holding de reprise, qui s'associerait à l'État pour le rachat du capital des Chantiers. Aussi bien des partenaires industriels tels que les clients armateurs ou d'autres chantiers européens, que les entreprises locales, pourraient en constituer l'actionnariat.

En revanche, les solutions légales permettant la participation des collectivités territoriales et acteurs publics locaux au capital des Chantiers apparaissent aujourd'hui très limitées, en particulier pour l'échelon communal et intercommunal. Si la Ville de Saint-Nazaire a rappelé à la commission qu'elle soutient à de nombreux égards la filière locale de construction navale, par exemple en contribuant aux efforts de formation ou de structuration du tissu industriel, il ne semble pas que des modes d'intervention plus directs lui soient autorisés. Pourtant, la Ville et l'agglomération pourraient participer à un tour de table pour un actionnariat partenarial, associant acteurs privés et acteurs publics dans un projet industriel d'importance pour le territoire.

À titre d'exemple, lors des débats autour de la cession d'Aéroports de Paris dans le cadre de l'examen de la loi dite « PACTE », le Parlement avait adopté une disposition expresse visant à autoriser l'entrée des collectivités territoriales d'Île-de-France et de leurs groupements au capital d'ADP. La disposition légale a également autorisé celles-ci à acquérir ces actions par le biais de sociétés commerciales dédiées 57 ( * ) .

Si les collectivités territoriales et acteurs industriels s'accordaient sur un montage ad hoc pertinent, il serait utile que le Gouvernement en prenne acte, en s'engageant à accepter le cas échéant des évolutions législatives permettant l'émergence d'une solution spécifique et adaptée.


* 56 Contribution écrite aux travaux de la commission.

* 57 Article 135 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

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