B. EN DÉPIT D'UN INVESTISSEMENT FINANCIER CONSIDÉRABLE, UNE PERFORMANCE DU SYSTÈME ÉDUCATIF DANS LES OUTRE-MER EN DEÇÀ DES ÉVALUATIONS NATIONALES

1. Un investissement important et continu du ministère de l'Éducation nationale

Le rapporteur spécial souligne l'intervention continue de l'État dans les académies ultramarines , qui conduit à ce que les dépenses du ministère de l'Éducation nationale s'y élèvent à plus de 4,2 milliards d'euros , dont 40 % pour La Réunion et un tiers pour les Antilles.

Le coût de l'enseignement outre-mer par élève est nettement supérieur à la moyenne nationale , de 30 % en moyenne, chiffre qui s'élève à 65 % pour la Martinique et 45 % pour la Guadeloupe.

Mayotte et la Guyane ont par ailleurs bénéficié de soutien particulier dans le cadre des plans d'urgence pour la Guyane et pour l'avenir de Mayotte, l'État s'étant engagé à investir sur cinq ans respectivement 250 millions d'euros et 500 millions d'euros pour la construction de bâtiments scolaires, ainsi qu'à créer 120 et 345 postes d'enseignants supplémentaires .

Le principal facteur expliquant le coût de l'éducation découle des primes et sur-rémunérations versées aux agents. Celles-ci conduisent à ce qu'en moyenne, un enseignant certifié gagne environ deux tiers lors de sa titularisation et 50 % à 5 ans d'ancienneté de plus qu'un enseignant en métropole .

Évolution du coût réel moyen annuel net
d'un professeur certifié en 2018 (en euros)

Source : commission des finances d'après les données de la Cour des comptes

En outre, l'ancienneté des enseignants de ces académies est supérieure à la moyenne nationale, une tendance encore accrue aux Antilles du fait de la décroissance démographique. Le ratio enseignant/élèves est ainsi supérieur de près de 30 % en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane par rapport à la moyenne nationale . La Martinique est de ce fait l'académie ayant le plus grand nombre de professeurs pour cent élèves.

Ainsi, dans le premier degré, on compte en moyenne nationale près de 24 élèves par classe, mais ce nombre n'est que de 20,3 élèves en Martinique. Dans le second degré, les classes sont constituées d'en moyenne 21,6 élèves pour toute la France, mais seulement 19,4 élèves en Martinique.

2. Un niveau scolaire des élèves de ces académies insuffisant par rapport à la métropole

Le rapporteur souligne l'importance d'une évaluation fine du niveau des élèves , ainsi que les importantes avancées découlant de la mise en place d'évaluations nationales en CP et en sixième. Il n'est pas pertinent de se cantonner aux taux de réussite au baccalauréat qui, à l'exception de la Guyane, est proche de la moyenne nationale.

En revanche, les évaluations nationales permettent de mener une étude plus précise. Celles-ci sont des outils dont l'utilité n'est plus à démontrer, à la condition toutefois qu'elles soient réellement exploitées par la suite.

Si le directeur général de l'enseignement scolaire a indiqué devant la commission que les évaluations sont « au coeur du dialogue avec les académies » 3 ( * ) , elles semblent toutefois à l'heure actuelle insuffisamment exploitées.

Le rapporteur ne peut que réitérer sa recommandation, formulée dans son rapport budgétaire sur la mission enseignement scolaire dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021 4 ( * ) , de l'importance de l'analyse de la performance du système scolaire, non seulement à la maille de l'académie, mais surtout au niveau des établissements , afin de privilégier l'adaptation la plus fine possible.

La Cour souligne que, si aux Antilles et à La Réunion, le niveau moyen des élèves du premier degré est nettement insuffisant, « les résultats de la Guyane et de Mayotte sont extrêmement préoccupants, tant pour les niveaux obtenus en CP et en CE1 que pour la considérable dégradation entre CP et CE1 » 5 ( * ) .

Ainsi, si aux Antilles et à La Réunion, entre 20 % et 30 % des élèves de sixième ne maîtrisent pas le français, cette proportion s'élève à 45 % en Guyane et à plus de trois quarts des élèves à Mayotte .

Il n'existe par ailleurs pas d'évaluations similaires lors de l'entrée en seconde. Le rapporteur ne peut que le regretter, dans la mesure où elles permettraient de déterminer l'existence ou non d'un rattrapage lors des années de collège.

Recommandation n° 1 : privilégier l'adaptation aux réalités locales en laissant davantage d'autonomie aux recteurs, sur la base d'évaluations détaillées et précises de la performance de chaque académie.

En outre, le constat alarmant d'un niveau considérablement inférieur à celui de la moyenne nationale, elle-même largement en-deçà des résultats de la plupart des pays européens , est accru par les tests réalisés lors des Journées défense et citoyenneté à 18 ans. Ainsi, le taux de jeunes en situation d'illettrisme est plus du double de celui constaté en moyenne en France pour les Antilles et La Réunion, cinq fois supérieur pour la Guyane et sept fois pour Mayotte .

Part des jeunes en situation d'illettrisme
(en % de leur classe d'âge)

Source : Commission des finances d'après la Cour des comptes


* 3 Audition du 10 décembre 2020 de MM. Louis Gautier, président de troisième chambre de la Cour des comptes, et Édouard Geffray, directeur général de l'enseignement scolaire du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes.

* 4 Rapport général n° 138 (2020-2021) de M. Gérard Longuet, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020 ; http://www.senat.fr/rap/l20-138-314/l20-138-314.html

* 5 Annexe : communication de la Cour des comptes à la commission des finances, p. 27.

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