IV. EXAMEN DU RAPPORT EN DÉLÉGATION DU JEUDI 11 MARS 2021

Examen du rapport d'information sur le Grand Paris, de MM. Philippe Dallier et Didier Rambaud

Mme Françoise Gatel, présidente . - Je remercie notre collègue Didier Rambaud, qui a accepté de prendre le relais dans cette mission engagée par Jean-Marie Bockel, et Philippe Dallier, contributeur reconnu sur le sujet, pour apporter son « regard de provincial » sur un sujet de haute importance, qui concerne Paris mais aussi la France.

Depuis la création de la métropole du Grand Paris et l'instauration des nouvelles lois d'organisation territoriale, un diagnostic d'insatisfaction assez unanime a été observé auprès des acteurs de cet espace parisien lors de l'examen de la loi « Engagement et proximité ». L'exigence d'efficacité publique portée par chacun des acteurs n'est pas satisfaite. Sébastien Lecornu, alors ministre chargé des Collectivités territoriales, avait clairement annoncé être chargé par le Président de la République d'une mission sur le Grand Paris, et que des dispositions seraient proposées et discutées.

Dans le cadre des cinquante propositions formulées par le Sénat et l'ensemble des groupes politiques, au sein du groupe de travail créé par le Président du Sénat, figurent une réflexion et un engagement à mettre en oeuvre les évolutions qui s'avéreraient nécessaires. Le rapport que vous rendez aujourd'hui est éminemment attendu. Il s'agit d'une contribution extrêmement positive à la réflexion en vue de l'évolution que chacun appelle de ses voeux.

M. Didier Rambaud . - Après une première communication d'étape le 4 février dernier, et un débat en séance publique le 9 février, nous vous présentons aujourd'hui notre rapport sur la gouvernance du Grand Paris. Nous avons mis à profit les deux tables rondes organisées en 2020, réunissant des personnalités qualifiées, mais non politiques, dont Roland Castro, et les trois chefs d'exécutifs locaux principalement concernées : la Maire de Paris, la Présidente de la région, le Président de la métropole. Nous avons ensuite entendu des élus locaux représentant des échelons des collectivités différents, ainsi que l'ancien et l'actuel préfet de Paris et de la région Ile-de-France. Nous avons ainsi été exposés à une certaine hétérogénéité des points de vue, allant du renforcement de la métropole à sa suppression pure et simple. Au lieu de promouvoir un scénario, nous avons choisi de vous présenter une démarche exposant les questions structurant le débat autour d'un triptyque « périmètre-moyens-compétences ». Cette démarche propose une grille de lecture pour évaluer les différentes typologies de scénarios avec leurs avantages et inconvénients, et un calendrier tenant compte des prochaines échéances électorales.

Le Grand Paris est la métropole française dans laquelle les disparités de revenus sont les plus fortes. Ces inégalités sociales se sont aggravées entre 2001 et 2016. Les écarts de revenus ont continué de croître par rapport à la moyenne régionale dans 56 % des communes de la métropole, alors que seulement 10 % les ont vus se réduire. Ni le lancement du projet de transport du Grand Paris express, ni les projets d'urbanismes liés, ni la création de la métropole ou le renforcement des dispositifs de péréquation pour le bloc communal n'ont permis d'inverser cette tendance lourde. La mutualisation des compétences et des moyens est insuffisante. La gouvernance, trop complexe, est inefficace. Malgré près de 3,6 milliards d'euros de recettes, la métropole ne disposait que d'un budget propre de 206 millions d'euros pour 2019, dont 42 millions d'euros de fonctionnement et 164 millions d'euros d'investissement, dont seulement 54 millions d'euros étaient consacrés au fonds d'investissement métropolitain. Depuis 2016, les dépenses de ce fonds s'établissent à 28 millions d'euros par an en moyenne. Cette métropole est en quelque sorte un nain budgétaire à l'heure actuelle. Je peux le confirmer si je le compare au budget du département de l'Isère, dont je suis un élu.

Les flux financiers entre métropoles, communes et établissements publics territoriaux (EPT) représentent toujours près de 98 % des recettes et dépenses de cette métropole. Le modèle transitoire de partage du produit des impôts économiques entre la métropole et les EPT prévoit en 2023 la disparition de toutes recettes fiscales pour ces derniers, mais aussi de leur dotation d'intercommunalité. Il n'est aujourd'hui plus soutenable.

La complexité du modèle de gouvernance et de répartition des moyens contraste avec ses compétences limitées, exercées de manière croisée avec d'autres acteurs territoriaux et l'État. La métropole dispose de cinq compétences obligatoires, et de trois compétences partagées avec les EPT. Bien qu'elle soit aujourd'hui celle des maires, la complexité du modèle communes-EPT-métropole auquel se superposent les départements et la région rend illisible pour les citoyens la répartition des compétences. Il en résulte un déficit de légitimité démocratique, qui entrave la capacité à agir des élus qui n'ont pas été portés à ces fonctions sur la base d'un programme. La gouvernance partagée, sans majorité ni opposition, à l'échelle de 7,2 millions d'habitants, peut-elle être un modèle efficace ? Cette métropole du Grand Paris peine à traiter des questions qui fâchent sur le logement, la solidarité entre les territoires ou encore les plans de circulation. Ainsi, ni le schéma de cohérence territoriale (SCoT), ni le plan métropolitain de l'habitat et l'hébergement (PMHH) n'ont encore été adoptés, alors que c'est le cas dans la plupart des territoires français.

Nous pouvons ainsi affirmer que le système institutionnel actuel n'est pas satisfaisant.

M. Philippe Dallier . - Je remercie Didier Rambaud d'avoir accepté de s'intéresser au sujet. Il devient le spécialiste provincial de la question de la métropole du Grand Paris. Ce sujet est complexe et doit être pris à bras le corps pour être compris.

En 2008, pour l'Observatoire de la décentralisation du Sénat, j'avais rendu un rapport proposant une solution pour la petite couronne. Nous ne sommes plus dans cette optique. Aujourd'hui notre rapport ne propose pas une solution, mais dresse un état des lieux des grandes solutions évoquées par les uns et par les autres. Il pointe leurs avantages et inconvénients, sans décider laquelle est à mettre en oeuvre. Nous avons voulu poser le débat et proposer une méthode. Celle-ci s'appuie sur un constat simple : pour trouver le bon scénario, il faut l'aborder par l'angle des compétences, du périmètre et des moyens. C'est à notre sens la seule méthode permettant de parvenir à la meilleure solution, ou du moins la moins mauvaise.

Nous avons retenu cinq scénarios, voire six puisqu'il y a une variante. Il est bien évident que la diversité de propositions est plus large encore, mais nous couvrons 90 % des suggestions évoquées. Il ne peut, selon nous, y avoir de métropole sans mutualisation des moyens et de la richesse fiscale.

Le premier schéma du rapport présente les 5 principaux scénarios. Je commencerai par ceux qui s'appliquent à la zone dense. Nous nous en sommes tenus à la petite et grande couronne, sans imaginer de périmètre intermédiaire, bien que certains nous y aient poussés lors de nos auditions.

Si nous nous en tenons au périmètre actuel de la métropole du Grand Paris, la première solution serait un simple pôle métropolitain. Donc un simple objet de coordination des politiques sans véritable mutualisation des moyens ou un syndicat mixte auquel adhéreraient les communes, les EPT redevenus EPCI et les départements. Il n'aurait pas pour vocation d'exercer des compétences ou de partager la richesse économique, mais aurait le mérite d'exister pour examiner en commun les problématiques de l'espace concerné, sans véritable pouvoir d'action. Nous qualifions cette métropole de « faible », si tant est que nous puissions la qualifier de métropole.

La deuxième solution est qualifiée de métropole intermédiaire, avec une mutualisation limitée. La métropole du Grand Paris actuelle intégrerait les EPT comme des échelons administratifs déconcentrés. C'était un peu l'esprit initial de la loi, lorsque Marylise Lebranchu, alors ministre de la Décentralisation, avait présenté son premier projet. Les EPT n'avaient, à l'origine, pas vocation à avoir la qualité de personnalité juridique ou à percevoir des recettes fiscales. Après discussion avec le Parlement et les élus locaux, nous avions mis en oeuvre une solution unique en France, la métropole étant un EPCI et les EPT ayant été créés en conservant les contributions foncières des entreprises, dans un régime transitoire qui devait se terminer en 2021. Ce terme a été repoussé de deux ans.

Cette solution consisterait à pousser la logique initiale du texte de Marylise Lebranchu en indiquant que les EPCI deviendront des échelons déconcentrés de la métropole dès lors qu'ils auront perdu leurs recettes fiscales. Elle ne pose pas la question des départements de petite couronne. Ils restent en place en assumant leurs compétences, qui sont importantes pour le financement des politiques sociales. Celles-ci pèsent lourd, notamment en termes de lutte contre la ségrégation territoriale.

Sur la zone dense, une solution de métropole forte consisterait à renforcer la mutualisation en intégrant les départements qui deviendraient des échelons déconcentrés de la métropole du Grand Paris. Dans ce cas, nous constaterions une concentration du pouvoir et des moyens, les budgets des départements de Paris et de la petite couronne remontant à la métropole avec un réel effet péréquateur pour financer les politiques sociales. L'impôt économique serait également concentré au niveau de la métropole. Dans cette solution, une variante concerne la modification du statut des EPT. Nous n'avons pas tranché cette question. En tout état de cause, nous aurions ici une métropole forte, puisque tous les impôts économiques et les ressources des départements, droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et TVA, lui remonteraient.

Au niveau régional, la quatrième solution serait une métropole faible ou intermédiaire. Elle consisterait à porter la métropole au niveau de la région et à la couvrir d'EPCI en grande et petite couronnes, coordonnées par la région métropole. Dans ce cas, l'impôt économique resterait au niveau des EPCI. La région métropole coordonnerait des politiques sans disposer de moyens budgétaires lui permettant d'agir fortement. Cette solution est mise en avant par la présidente de la région. Elle ne crée pas, à notre sens, de métropole forte.

Enfin, la cinquième solution concerne une région métropole ultra-puissante dont tous les départements de la région Ile-de-France deviendraient des échelons déconcentrés. Toutes leurs ressources remonteraient au niveau métropolitain, tout comme l'impôt économique. Nous y pointons une complexité assez importante avec un « monstre » technocratique à l'échelle de 12 millions d'habitants. Cette solution avait été étudiée, parmi d'autres, par le préfet Michel Cadot, dans sa mission de conseil auprès du Président de la République. Il semble intéressant de la faire figurer dans ce rapport. Les EPT deviendraient des EPCI, couvrant totalement la région.

Il existe certainement d'autres solutions, plus anecdotiques ou non évoquées par nos interlocuteurs.

Le deuxième schéma figurant dans le rapport présente ces différents scénarios selon leur degré de simplification du modèle actuel, auquel on reproche sa complexité et son illisibilité. La simplification ne réglera pas tous nos problèmes, mais la question est posée.

On observe plusieurs solutions permettant la suppression d'un échelon territorial, voire de deux échelons. Cette simplification est obtenue lorsque les départements ne sont plus que des échelons déconcentrés de la métropole, et quand les EPT ne sont pas des EPCI.

Le projet de loi « 4D » ne devant pas comporter de chapitre sur la métropole du Grand Paris, quel pourrait être le calendrier nous permettant de prendre une décision ? Je ne crois pas à un texte en 2022, en raison des élections présidentielles. Je l'imagine plutôt en 2023. Il nous faudra donc gérer la période intermédiaire car les EPT et la métropole sont aujourd'hui sur la sellette. Cette dernière pourrait se trouver en grande difficulté avec la baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) après la crise sanitaire. Cette phase transitoire s'étendra de 2023 à 2026 ou 2027. À l'évidence, toute modification législative ne pourrait se mettre en place qu'à l'échéance des prochaines élections municipales ou régionales l'année suivante.

Ce calendrier nous laisse un peu de temps de réflexion. Nous sommes un peu à la croisée des chemins : soit l'élection présidentielle constituera pour les différents candidats une occasion de s'exprimer sur le sujet, soit nous revivrons l'occasion manquée de 2017. Depuis, Emmanuel Macron n'a pas été en mesure de mettre en oeuvre les actions fortes qu'il avait à l'époque évoquées. J'ose espérer que des solutions émergeront en 2022, et surtout qu'elles prendront une forme législative en 2023 pour une mise en oeuvre en 2026 ou 2027.

Mme Françoise Gatel, présidente . - La situation actuelle ne satisfait personne. Cette réforme est compliquée, en raison des points de vue différents et du contexte très particulier de cet espace géographique et de ses fonctions nationales. Les échéances électorales nous empêchent toujours d'oser. La manière dont vous avez abordé ce sujet me semble ramener un peu de sang-froid et d'analyse dans la réflexion. Nous en avions besoin. Vous êtes partis de la question qui me semble pertinente, à savoir l'objectif d'efficacité tout en conciliant la proximité. Le principe de subsidiarité impliquant la gestion de la bonne compétence au bon endroit reste vrai. S'y ajoutent une réflexion sur les compétences - les placer avant les outils aide à bien réfléchir - le périmètre et les moyens. Votre grille propose des scénarios couplant obligation de résultat, compétences et outils. L'intérêt de ce travail est incontestable, quels que soient les points de vue des uns et des autres. Il doit nous permettre d'avancer dans ce calendrier. Un débat au Sénat a récemment porté sur ce sujet. La ministre elle-même a indiqué qu'il n'était pas question de l'intégrer dans le projet de loi « 4 D », mais qu'il nous fallait tout de même avancer dans nos travaux. Le Sénat remplit ici pleinement son rôle de contributeur ouvert, raisonné et raisonnable.

Je souhaite que nos collègues de province s'emparent de ces réflexions pour nous aider à avancer.

M. Philippe Pemezec . - Il faudra un jour trouver un moyen d`intéresser tous nos collègues à nos préoccupations, qui les concernent d'une manière ou d'une autre. Il est dommage que la région concentrant le plus de population et de richesses ne suscite pas plus de participation à notre réunion.

Je suis un peu inquiet de l'état financier de notre pays. Nous ne pouvons pas continuer à dépenser l'argent comme nous le faisons actuellement. Cinq strates représentent un gâchis terrible. Nous devons absolument aboutir à une simplification. Je crois que les propositions doivent être envisagées au regard d'une gestion financière plus cohérente, saine et économe. Dans notre réflexion, nous devons également nous intéresser aux éléments préexistants. Le département est très efficient et a bien fonctionné. Il serait dommage de le faire disparaître. Devons-nous en déduire qu'il faudrait d'abord supprimer les strates récentes n'ayant pas encore eu le temps de trouver leur consistance ? Les EPT ne fonctionnent pas très bien de manière générale, ou en tout cas pas à la satisfaction des élus en faisant partie. La métropole n'a quant à elle pas trouvé son rythme de croisière. Elle a peu de moyens. C'est peut-être simpliste, mais je plaiderais plutôt pour la suppression des EPT et de la métropole. Vous me direz que c'est passéiste de revenir à un système préexistant, et que cela ne donne pas le sentiment d'aller de l'avant. Je pense toutefois que coupler la métropole et la région nous permettrait de faire une économie de strates. Nous pourrions assez facilement remonter les compétences de la première vers la seconde, avec une certaine cohérence.

Je souhaite que la commune soit placée au coeur du système. Nous devrions lui redonner toutes les compétences, avant d'en faire remonter certaines vers le département et la métropole par subsidiarité inversée. Le schéma de cohérence générale ou les grands choix stratégiques reviennent peut-être plus à la région métropole. Le département avait jusqu'à présent une vocation sociale affirmée. Ne pouvons-nous pas lui donner d'autres compétences, ou mieux les répartir entre la région métropole et les communes ?

La crise a illustré le rôle majeur des communes, en témoigne leur rôle pour la gestion des masques et des tests. L'État ne peut pas tout faire. Il ferait mieux de déconcentrer vers les acteurs de terrain. Je crois beaucoup à la commune, son efficience, son efficacité et sa proximité évidente. Travailler à cette échelle reste le meilleur niveau de démocratie. Bruno Retailleau qualifie la commune de « lieu du lien ». Il a raison. Certains parlent même de ne plus retenir que l'État et la commune. C'est une simplification extrême. Cette idée n'est toutefois pas nécessairement mauvaise. Nous pourrions également ne raisonner que sur la région métropole et la commune.

Si nous ne menons pas ce travail de simplification, la situation restera insupportable et schizophrénique pour les élus de terrain que nous sommes. Nous ne savons pas où aller chercher de l'argent pour nos projets. Nous le demandons tantôt aux territoires, tantôt à la région ou au département. C'est trop compliqué. J'ai vu que la réforme de la région Ile-de-France ne serait malheureusement pas incluse dans le projet de loi « 4 D ». Je le regrette car nous devons régler ce problème si nous voulons retrouver de l'efficacité dans ce pays.

M. Charles Guené . - Je remercie nos deux collègues pour ce travail sur une réforme qui relève de l'Arlésienne depuis que nous en entendons parler. Je fais partie de ceux qui, bien que très provinciaux, s'intéressent à ce sujet primordial pour notre pays. Il ne faudrait pas que la montagne accouche d'une souris. À titre personnel, j'ai travaillé sur l'importance des métropoles au niveau mondial. Certains pensent que les États pourraient à l'avenir disparaître, et que les métropoles géreront la planète. Je n'en suis personnellement pas fanatique, mais nous sentons un mouvement très fort en ce sens.

L'enjeu porte selon moi sur l'éventuel souhait de faire de Paris une métropole de niveau mondial. Nous ne devons pas rester à notre niveau franco-français. À cet égard, les alternatives sont peu nombreuses. Si nous souhaitons qu'un ensemble cohérent fonctionne, la gestion stratégique doit être portée au sommet et la péréquation doit pouvoir s'organiser sur le territoire. La démocratie doit pouvoir fonctionner à l'intérieur de cet ensemble. De ce point de départ, il est nécessaire que toutes les ressources soient portées dans ce nouvel échelon, tout comme l'impôt économique.

Nous ne ferons croire à personne que nous avons besoin de tous ces niveaux pour gérer l'ensemble. J'accepte que la commune reste l'échelon démocratique. Il est vrai que c'est le meilleur niveau. Pour autant, ce n'est pas nécessairement le plus efficient, surtout pour une métropole.

Je suis plutôt favorable aux solutions fortes, comme l'évoquait Philippe Dallier à une époque. J'espère que les deux années qui viennent seront celles de la décision.

M. Guy Benarroche . - Merci de ce travail qui me semble présenter un réel intérêt. Cet outil de décision paraît important, et je n'aurais pas de scrupules à le plagier, du moins en partie, pour la métropole d'Aix-Marseille-Provence.

Pour répondre à Philippe Pemezec, nous pourrions aboutir à une simplification dans laquelle il ne resterait que l'État et la commune, mais aussi à d'autres simplifications, comme l'a rappelé Charles Guené. Il pourrait, par exemple, rester la métropole et la commune ou de grandes régions européennes et la commune, ou même l'Europe et la commune.

En étudiant la métropole Aix-Marseille-Provence, nous constatons qu'elle ne fonctionne pas. Elle ne repose plus sur des projets, et ne répond ni aux attentes des habitants, ni à celles des maires. Ses lourdeurs dans la prise de décision sont accentuées par la mise en place de six conseils de territoire. La répartition des compétences paraît totalement inadaptée entre ceux-ci, la métropole et les communes. La métropole est investie de trop de compétences - nous en avons dénombré 42 - ce qui rend son fonctionnement et son efficacité complexes, et l'a obligé à passer de très nombreuses conventions de gestion avec les communes ces dernières années - leur nombre est compris entre 150 et 300 chaque année. Le 8 février, le préfet des Bouches-du-Rhône a envoyé une lettre officielle à la présidente de la métropole, Martine Vassal, en lui indiquant qu'elle disposait de deux mois pour mettre fin à la totalité des conventions signées avec les communes, les jugeant illégales.

À la réflexion, comment restituer aux communes un certain nombre de compétences et de moyens pour supprimer des strates administratives et permettre un retour de la métropole à ce qu'elle doit être, c'est-à-dire une métropole de grands projets structurants ? Dans ce cadre, nous pourrions considérer que tout ce qui ne revient pas à métropole pourrait revenir aux communes en fonctions de leurs compétences. C'est une façon simplifiée de voir les choses.

Ma réflexion a été enrichie par votre rapport. J'essaierai d'enrichir la vôtre.

Mme Françoise Gatel, présidente . - Le mot « subsidiarité » ne cesse de me venir à l'esprit en vous écoutant. Nous nous comprenons parfois mal lorsque nous parlons d'outils. C'est également vrai dans nos provinces. La compétence représente le service que nous devons rendre aux habitants. Qui est le mieux placé pour le faire ? Nous devons reconnaître certaines échelles de pertinence qui s'imposent. Ce principe de subsidiarité doit conjuguer l'efficacité et la proximité. Il a été dit que les Gilets jaunes étaient un mouvement de provinciaux, de territoires qui se sentaient oubliés. Nous savons aussi que l'espace parisien, le plus grand espace français, est composé de territoires à vitesses inégales. Certains citoyens se sentent éloignés. Certaines communes ne se sentent pas capables de leur répondre.

Je souligne l'intérêt de la démarche sur la question de la compétence, car le service que nous devons rendre aux habitants est une exigence de la République et des élus.

Nous avons pour enjeu et pour défi d'intéresser tous nos collègues à ce sujet majeur. Nous ne pouvons délaisser ce qui est aussi un territoire au coeur de la République. Je suis heureuse que cette délégation se soit saisie de ce sujet grâce à nos deux rapporteurs. C'est un sujet d'équité républicaine, d'efficacité. Paris et cet espace parisien nous concernent tous.

M. Philippe Dallier . - La France a la chance de disposer d'une ville-monde, même si elle est loin d'être la plus importante en termes de population. Il en existe cinq : Paris, Londres, New York, Tokyo, et Chicago selon certains. S'y ajoutent de très grandes métropoles par leur nombre d'habitants. Celles-ci ne répondent pas à la définition des villes-monde, c'est-à-dire des villes cumulant pouvoir politique, puissance économique, culture et recherche.

Nous devons nous doter de moyens permettant de garantir l'attractivité de cette ville-monde. Cela passe nécessairement par une plus grande cohésion urbaine et sociale de cet espace. C'est ce à quoi nous essayons d'aboutir, en passant par la mutualisation des moyens et de la richesse économique pour régler les problèmes. Notre passé le démontre. Nous avons beau réaliser que la région Île-de-France concentre 32 % du PIB national, il s'agit tout de même de l'espace où la ségrégation territoriale est la plus forte. Elle y progresse d'ailleurs encore. Cette situation ne peut pas durer sans impacter l'attractivité de cette métropole.

Je terminerai mon propos en rassurant Philippe Pemezec. Parmi les cinq niveaux, s'il en est un qui est à mon sens intangible, c'est bien la commune. Tout peut être remis en cause entre celle-ci et la région. Dans les différents scénarios proposés, nous voyons que c'est tantôt le département, tantôt les EPT, tantôt les EPCI qui disparaissent, mais jamais la commune et la région, qui reste importante en termes de transports ou de développement économique. C'est l'entre-deux qui doit être repensé en concentrant les moyens.

Nous avons balayé les solutions qu'il est possible de mettre en oeuvre. Ma préférence va vers une métropole renforcée. D'autres sont plus favorables à d'autres propositions.

M. Didier Rambaud . - La commune constitue effectivement un élément incontournable. Nous n'avons peut-être pas suffisamment abordé la place des maires dans cette future organisation. Une assemblée de 1 200 maires me semblerait irréaliste. Nous devons intégrer cette donnée.

Je reviens sur les propos de notre présidente. Nous devons sensibiliser nos collègues et nos groupes politiques respectifs. Les futurs candidats que nous soutiendrons pour les élections présidentielles devront aborder l'enjeu du Grand Paris dans leur programme. Il s'agit d'un des premiers dossiers sur lesquels ils devront se pencher.

Mme Françoise Gatel, présidente . - Un jour, le sujet reviendra dans l'hémicycle. Souhaitons qu'il y revienne pour progresser et non pour tourner en rond.

Merci à tous.

La délégation approuve à l'unanimité le rapport d'information sur le Grand Paris.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page