B. UNE MÉTROPOLE QUI PEINE À RÉPONDRE AUX ENJEUX

1. Le nécessaire maintien d'un haut niveau d'intervention de l'État souligne, en creux, l'échec des politiques nationales et locales de réduction des inégalités

Entendu sur la question des inégalités territoriales, Marc Guillaume, préfet de la région Ile-de-France, confirme que la région la plus riche de France est aussi celle qui connaît, en Seine-Saint-Denis, le taux de pauvreté le plus élevé du pays. Les dépenses de RSA y sont quatre fois plus élevées que dans les Hauts-de-Seine.

La crise de la Covid-19 a également mis en évidence ces inégalités. Alors que la Seine-Saint-Denis est le département le plus jeune de France, il est le deuxième département le plus touché en termes de mortalité derrière le Haut-Rhin.

Pourtant, du point de vue de l'État, de nombreux dispositifs visent à répondre au creusement des inégalités :

- le fonds de solidarité des communes d'Ile-de-France (FSRIF) représente un montant de 300 millions d'euros, pour lequel les communes des Hauts-de-Seine et Paris sont contributives et celles du Val-d'Oise et de la Seine-Saint-Denis sont bénéficiaires ;

- le fonds de solidarité des départements d'Ile-de-France, d'un montant de 60 millions d'euros, bénéficie à la Seine-et-Marne, au Val-d'Oise et à la Seine-Saint-Denis ;

- la DSIL, dotée par l'État, ne vise pas à répartir son montant en fonction du nombre d'habitants mais en fonction du potentiel financier. Sur les 74 millions d'euros dédiés à l'Ile-de-France en 2020, 28 % ont été attribués à la Seine-Saint-Denis et 15 % à la Seine-et-Marne.

En outre, le préfet rappelle que le soutien aux territoires les moins favorisés relève également de la politique de la ville et du programme nationale de rénovation urbaine dont les projets les plus importants sont majoritairement situés en Ile-de-France. Mais l'État a aussi pris conscience, suite à la publication du rapport de nos collègues députés François Cornut-Gentille et Rodrigue Kokouendo, sur l'évaluation de l'action de l'État dans ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis 8 ( * ) , de la nécessité de renforcer sa présence et son action dans ce département., à l'exemple du plan régional d'insertion pour la jeunesse (PRIJ), de l'application de la loi SRU - la ministre déléguée au logement souhaitant renforcer le taux de logement social dans le cadre triennal 2020-2022 - et de projets structurants ont ainsi été programmés comme le CHU Grand Paris nord, le tribunal de Bobigny et les travaux liés aux Jeux Olympique de 2024.

Mais l'acuité des problèmes qui existent en Seine-Saint-Denis et dans le Val-d'Oise conduit également l'État à s'interroger, avec les collectivités, sur l'application de politiques différenciées tenant compte des difficultés spécifiques à certains territoires, par exemple la renationalisation du RSA dans le département de la Seine-Saint-Denis.

Cependant, pour vos rapporteurs, au-delà de l'action de l'État, l'une des questions essentielles est de déterminer la bonne maille territoriale pour traiter efficacement ces inégalités territoriales et réduire la fracture qui se creuse toujours. L'échelle de la région est évidemment pertinente pour les transports et le développement économique. Celle du département ne l'est plus pour les politiques sociales. Or la solidarité de projets n'est pas suffisante à elle seule. Ainsi que le traiteront les développements ultérieurs, la MGP ne disposent actuellement ni des moyens, ni des compétences, ni de la capacité d'impulsion politique nécessaires à une telle mission.

2. La MGP n'est pas de taille à renverser la ségrégation territoriale

Sur la question du rééquilibrage métropolitain, Patrick Ollier indique que pour conforter les actions des communes et des EPT, la MGP a créé un Fonds d'Intervention Métropolitain (FIM) dont les deux tiers ont été attribués sur les départements de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Depuis sa création, quatre opérations d'aménagement sur cinq se situent dans l'Est de l'agglomération.

À son niveau, la MGP fonctionne donc suivant une logique de solidarité de projet, avec des actions communes qui peuvent être fortes localement, soit pour des raisons historiques (Plaine Commune, Est ensemble), soit pour des projets communs : la gestion des eaux usées en aval de Paris en prévision de l'organisation d'épreuves en eaux vives pour les JO de 2024, etc.

Depuis 2016, selon la MGP, le FIM aura financé 605 projets dans 119 communes et 11 territoires pour un montant global de 127 millions d'euros engagés répartis pour un tiers vers les Hauts-de-Seine et pour deux tiers vers la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne.

Par ailleurs, le président de la MGP a rappelé lors de sa participation à la table ronde que dans le cadre du projet « Inventons la Métropole du Grand Paris » - qui vise la construction de 20 000 logements et la création de 80 000 emplois pour la construction et 60 000 emplois pérennes avec la levée de 10 milliards d'euros d'investissements privés - deux tiers des 77 projets étaient créés dans les départements du Val-de-Marne et de la Seine-Saint-Denis, contre 7 projets à Paris, et un tiers seulement des projets dans les Hauts-de-Seine, opérant ainsi, selon ses termes : « un véritable rééquilibrage territorial ».

Cependant, l'ensemble des actions de la MGP concourant à la résorption des inégalités territoriales, doivent être resituées au regard de l'espace métropolitain. S'agissant du fonds d'investissement métropolitain - et sans déprécier la qualité des projets soutenus - que pèsent un investissement de l'ordre d'une centaine de millions d'euros à l'échelle d'un bassin de 7,2 millions d'habitants ?

Au cours des dix dernières années, la ségrégation territoriale s'est encore aggravée dans l'espace métropolitain parisien. Ni le lancement du projet de transport du Grand Paris Express et des projets d'urbanisme qui lui sont liés, ni la création de la métropole ou le renforcement des dispositifs de péréquation pour le bloc communal (FPIC, DSU et FSRIF) n'ont pour l'heure permis d'inverser cette tendance lourde.


* 8 Rapport d'information n° 1014 (XV e législature) de François Cornut-Gentille et Rodrigue Kokouendo au nom du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l'évaluation de l'action de l'État dans l'exercice de ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis.

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