C. PERTE DES « JOBS ÉTUDIANTS » ET DIFFICULTÉS ÉCONOMIQUES

Avant la crise sanitaire, les enquêtes de l'OVE semblaient montrer une tendance à l'amélioration relative, au fil du temps, de la situation économique des étudiants : « Dans l'ensemble, pendant l'année universitaire, la proportion d'étudiants qui déclarent connaître des difficultés financières importantes ou très importantes est d'un cinquième. Cela représente, par rapport aux 23 % de 2016, une baisse modeste mais significative, car ce type d'écart enregistre, sur une population plus grande, de vraies évolutions. En 2020, 26 % des étudiants déclaraient ne pas avoir assez d'argent pour couvrir les besoins mensuels, contre 29 % en 2016 » 280 ( * ) .

La pandémie a introduit une rupture dans cette évolution en privant de nombreux étudiants des revenus qu'ils tiraient de leurs « petits jobs ». Les difficultés économiques qui ont résulté de la disparition de ces revenus ont été particulièrement graves pour ceux qui n'ont plus été en mesure de payer leur loyer , avec des conséquences préoccupantes de surcroît en termes de précarité alimentaire : « un quart des étudiants dont les difficultés financières se sont aggravées pendant le confinement ont déclaré ne pas avoir toujours mangé à leur faim pour des raisons financières » 281 ( * ) .

Les témoignages recueillis sur les réseaux sociaux confirment les conséquences particulièrement graves de la perte des « petits jobs », surtout pour ceux qui ne peuvent compter sur un soutien familial .

Ø « J'ai perdu mon travail étudiant à cause de la situation sanitaire actuelle [...] . J'ai 300 euros de bourse par mois, si on retire le loyer de 150 euros (en comptant les aides de la CAF) et les divers frais pour vivre, je suis constamment à découvert » ; « Avant je travaillais le week-end (400 euros par mois), aujourd'hui je n'ai plus de revenus hormis 150 euros de bourse » 282 ( * )

Un étudiant exprime la crainte que le seul emploi qu'il ait pu trouver depuis le début de la crise affecte ses chances de réussir ses examens en raison d'horaires particulièrement exigeants. Un autre rapporte que le financement d'un loyer à Lyon lui impose de travailler parallèlement à ses études, malgré un prêt étudiant et une bourse au demeurant peu élevée (100 euros par mois) ; or les horaires de cours, conjugués au couvre-feu, empêchent de trouver un emploi compatible avec ces contraintes : « Il faut donc que je fasse un choix, chauffer mon appartement ou manger ? ».

La situation des non-boursiers est fréquemment mentionnée comme incohérente, voire injuste, a fortiori lorsque la situation des parents, financièrement dégradée, ne permet plus à ceux-ci d'aider leurs enfants étudiants.

Les étudiants de l' IUT de Troyes rencontrés par notre collègue Évelyne Perrot (voir supra ) ont par ailleurs évoqué des difficultés imputables aux transports : ceux qui ont dû rendre leur logement pour des raisons financières se trouvent confrontés, pour rejoindre les quelques enseignements en présentiel, aux aléas anxiogènes de transports moins réguliers qu'en temps normal .

Lors de la table ronde avec les organisations représentatives étudiantes, Alternative étudiante a insisté sur le fait que « la précarité existe de façon structurelle dans le milieu étudiant ». L'UNEF a évoqué les « files d'attente lors des distributions alimentaires » et la situation « de plus en plus courante » des « étudiants qui dorment dans leur voiture » ; considérant que la précarité étudiante avait atteint du fait de la crise « des niveaux qui ne l'ont jamais été », l'UNEF a plaidé pour la mise en place d'un revenu universel d'autonomie pour les jeunes à partir de 18 ans 283 ( * ) . Pour la FAGE également, le contexte actuel impose la mise en place d'un « filet de sécurité minimum » : « peu importe qu'on l'appelle [garantie jeune universelle] ou qu'on étende le revenu de solidarité active (RSA) » 284 ( * ) .

Dans le même esprit, le collectif « Étudiants fantômes » et le Forum français de la jeunesse 285 ( * ) , entendus le 22 mars 2021, ont défendu l'extension du RSA aux jeunes de moins de 25 ans, les Étudiants fantômes se référant pour leur part au « modèle scandinave ».


* 280 Voir en annexe le compte rendu du 11 mars 2021.

* 281 Voir en annexe le compte rendu du 11 mars 2021.

* 282 Messages adressés à la mission d'information sur les réseaux sociaux en mars 2021.

* 283 Voir en annexe le compte rendu du 8 avril 2021.

* 284 Voir en annexe le compte rendu du 8 avril 2021.

* 285 Créé en 2012, le FFJ, selon son site internet, « assure la représentation des organisations de jeunes gérées par des jeunes auprès des pouvoirs publics ». Il comprend un collège étudiant où siègent notamment la LMDE, Emevia, l'UNEF, Le Bureau national des élèves ingénieurs (BNEI), la Fédération nationale des étudiants en psychologie (FENEPSY), l'Union nationale des étudiants en architecture paysagiste (UNEAP) et l'Union nationale des étudiants en droit, gestion, AES et sciences économiques, politiques et sociales (UNEDESEP).

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