B. UNE DÉTRESSE PSYCHOLOGIQUE AGGRAVÉE PAR L'ISOLEMENT

Selon l'enquête réalisée par l'OVE en 2020, à l'issue du premier confinement, « les étudiants évoquent un cumul de facteurs de stress et de faiblesse psychologique » qui tient notamment à la fermeture des locaux universitaires, à l'isolement qui en est résulté, aux aspects anxiogènes de la pandémie et, plus généralement, à un sentiment de « perte de sens » : « Qu'est-ce qu'être étudiant, en effet, lorsqu'on ne peut plus ni aller en cours, ni se voir dans des lieux de socialisation et qu'on est coupé du lien avec l'enseignant-chercheur, ou qu'on est revenu dans sa famille ? », s'est interrogée la présidente de l'OVE le 11 mars 2021.

Dans cet esprit, des étudiants d'écoles d'ingénieurs ont évoqué la « perte du sentiment d'appartenance » imputable au tout numérique 277 ( * ) , des élèves d'écoles de management notant la « difficulté d'avoir une vie de promo quand on rencontre ses camarades en ligne » 278 ( * ) .

Ø « La crise sanitaire a totalement bouleversé ma vie » ; « Rendez-nous notre vie tout simplement » 279 ( * )

Selon la plupart des messages adressés au Sénat sur les réseaux sociaux, l' isolement est considéré comme la conséquence la plus préoccupante de la pandémie, a fortiori parce que la crise s'est enlisée dans la durée : « Après un an complet à ne plus bouger de chez moi ça devient terriblement long » ; « Je suis mentalement à bout » ; « Je n'ai plus de contact avec qui que ce soit. Ma famille habite à 6h30 de ma ville d'étude, je n'ai pas vu mes amis de promo depuis octobre, je n'ai pas vu mes amis depuis août, je passe toutes mes journées seule dans mon studio depuis octobre ». Un étudiant fait état, parmi ses camarades, de plusieurs cas de dépression diagnostiquée, d'« idées noires » et de crises de panique « sévères et régulières » ; un autre constate le « délabrement de la santé psychologique (stress, angoisses, tristesse...) » de certains de ses amis ; insomnie persistante et idées noires semblent le quotidien de nombreux étudiants.

Pour le syndicat Alternative étudiante, les conséquences de la crise sur la santé mentale se traduisent par une augmentation du nombre de suicides depuis la rentrée de septembre 2020 : « Le suicide était la deuxième cause de mortalité chez les jeunes depuis un certain temps. Depuis septembre, et notamment en décembre et janvier, nombre de suicides sont survenus sur le lieu même des études, ce qui démontre clairement que ce phénomène est directement lié à la crise sanitaire ». Interrogée sur ce point le 11 mars 2021, la présidente de l'OVE a fait observer que l'« on ne dispose pas véritablement d'une mesure tout à fait fiable » de ce sujet complexe, les chiffres étant difficiles à interpréter dans ce domaine. « On ne peut s'avancer que sur une tendance marquée en termes de pensées suicidaires », a-t-elle en revanche estimé.

L'enfermement dans un lieu unique, dédié à la fois au suivi des études et à la vie courante, est encore plus durement ressenti quand les conditions de logement ne sont pas favorables : « Rester dans un 9 m 2 de novembre à décembre sans pouvoir sortir autrement que pour les courses, passer 8 heures devant un ordinateur, seul, ce n'est pas tenable ».

L'intérêt pour les études s'en ressent : « Je commence même à ne plus aimer mes études alors qu'en temps normal, je les adore ».

Le décrochage est ainsi, de manière compréhensible, évoqué dans certains témoignages : « J'ai pensé plusieurs fois arrêter mes études car je ne supporte plus cette situation » ; « Je ne vais plus en cours, je ne révise plus, je vais uniquement en partiel pour y échouer. Je ne validerai pas mon année, je n'ai plus d'espoir, plus d'avenir, je pense même à me réorienter mais en quoi ? ».


* 277 Rencontre avec le BNEI, le 29 mars 2021

* 278 Rencontre avec le BNEM, le 22 mars 2021.

* 279 Messages adressés à la mission d'information sur les réseaux sociaux en mars 2021.

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