Rapport d'information n° 842 (2020-2021) de Mme Vanina PAOLI-GAGIN , fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 septembre 2021

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N° 842

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 septembre 2021

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur l' optimisation de la gestion de l' immobilier universitaire à l'heure de la nécessaire transition écologique et du déploiement de l' enseignement à distance ,

Par Mme Vanina PAOLI-GAGIN,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Mme Nadine Bellurot, MM. Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

L'ESSENTIEL

Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial des crédits de la mission « Enseignement supérieur » a présenté mercredi 22 septembre 2021 devant la commission des finances les conclusions de son contrôle budgétaire relatif à l'optimisation de la gestion de l'immobilier universitaire à l'heure de la nécessaire transition écologique et du déploiement de l'enseignement à distance.

I. L'IMMOBILIER UNIVERSITAIRE : DES ENJEUX DÉCISIFS IMPLIQUANT UNE GESTION PLUS ACTIVE PAR LES ÉTABLISSEMENTS

A. LE PATRIMOINE IMMOBILIER UNIVERSITAIRE : UN ENSEMBLE DISPARATE, COÛTEUX ET COMPLEXE À ENTRETENIR, À LA CHARGE DES UNIVERSITÉS DEPUIS LEUR ACCESSION À L'AUTONOMIE

Le patrimoine immobilier des établissements publics d'enseignement supérieur comprend 6 300 biens représentant 18,75 millions de mètres carrés de surface hors oeuvre nette (SHON) que se partagent 138 établissements sur un foncier de l'ordre de 5 300 hectares . Le parc universitaire représente ainsi à lui seul près de 20 % du patrimoine immobilier de l'État .

Étant donné son étendue, mais également les spécificités géographiques et fonctionnelles qui le caractérisent, ainsi que son caractère vieillissant, vétuste, et énergivore, le parc immobilier universitaire constitue un actif complexe et coûteux à entretenir et exploiter.

Depuis leur accession à l'autonomie, c'est aux établissements d'enseignement supérieur qu'il appartient d'assurer cette tâche . Dans la majorité des cas, l'État conserve donc la propriété du bâti, mais conclut des conventions d'utilisation avec les universités. Il incombe ensuite à ces dernières d'assumer l'ensemble des responsabilités qui se rapportent aux immeubles dont ils disposent.

La gestion immobilière se situe au coeur de multiples enjeux : le parc universitaire constitue à la fois un actif stratégique à valoriser , pour permettre aux universités de remplir leurs missions dans un environnement en pleine mutation et une charge financière à optimiser , l'immobilier représentant le 2 ème poste de dépense des universités, derrière la masse salariale.

B. DES DIFFICULTÉS DE GESTION MULTIPLES, RÉSULTANT DE FACTEURS INTERNES ET EXTERNES AUX UNIVERSITÉS ET ENTRAVANT L'OPTIMISATION DE L'IMMOBILIER UNIVERSITAIRE

Les travaux menés par le rapporteur ont mis en exergue la persistance de nombreux freins à l'optimisation , par les universités, de leur patrimoine immobilier, à commencer par la mauvaise connaissance qu'elles ont de ce dernier.

1. Une mauvaise connaissance par les universités de leur patrimoine immobilier, associée à une gouvernance perfectible

Les données relatives au bâti universitaire demeurent parcellaires et approximatives , qu'il s'agisse de son état, son exploitation ou encore des dépenses afférentes à son entretien. La gouvernance des sujets immobiliers se révèle également perfectible, en dépit des progrès réalisés ces dernières années . Si la majorité des établissements se dotent désormais d'une stratégie immobilière, la mise en oeuvre de cette dernière reste sujette à de nombreux aléas.

Au demeurant, de nombreux opérateurs ne disposent pas d'équipes immobilières suffisamment étoffées pour répondre aux enjeux stratégiques d'un parc aussi étendu, ce qui se traduirait par un manque d'expertise interne sur certains sujets. Enfin, le portage politique des sujets patrimoniaux, ainsi que l'intérêt des équipes présidentielles pour ces thématiques, demeurent très variables selon les universités.

2. Une équation financière complexe à résoudre

La dotation allouée par l'État à l'entretien, l'exploitation et la maintenance des bâtiments, de l'ordre de 407 millions d'euros par an, se révèle nettement inférieure aux besoins constatés. De surcroît, ces crédits ne sont pas sanctuarisés, puisqu'ils sont globalisés au sein de la subvention pour charges de service public versée aux opérateurs, les établissements déterminant ensuite librement les moyens réels qu'ils allouent à l'exploitation et l'entretien des bâtiments qui leurs sont confiés. Dans un contexte marqué par de fortes pressions sur la masse salariale, la tentation est grande, pour les universités, de faire du budget immobilier une variable d'ajustement .

En raison du faible montant des dépenses de maintenance, l'État doit recourir à de grands rendez-vous (contrats de plan État-régions) ou des opérations ponctuelles (Plan Campus, France Relance) pour remettre le patrimoine immobilier à niveau .

Ces financements ponctuels demeurent cependant insuffisants pour enrayer la dégradation du parc immobilier et inadaptés dans leur temporalité pour répondre à des enjeux de long terme ; le besoin global d'investissement dans l'immobilier universitaire est en effet estimé actuellement à environ 7 milliards d'euros par la Conférence des présidents d'université, soit un chiffre bien au-delà des dotations cumulées de France Relance (1,2 milliard d'euros) et des CPER 2021-2027 (3 milliards d'euros). Par ailleurs, la temporalité des politiques publiques - environ 10 ans entre la décision de financer un projet et sa livraison - se heurte à celle, nettement plus courte, des financements publics ponctuels (France Relance) ou récurrents (CPER).

Dans ce contexte, la recherche de nouvelles sources de financement s'impose comme un prérequis indispensable à la mise en place d'une programmation pluriannuelle des investissements et donc, à celle d'une stratégie immobilière soutenable d'un point de vue économique . Pour l'heure, les financements alternatifs sont encore peu développés : le recours à l'emprunt est interdit pour les établissements d'enseignement supérieur, les cessions génèrent des recettes limitées pour les établissements, et les opérations de valorisation se heurtent encore à plusieurs obstacles juridiques, en dépit des récents assouplissements.

3. Un cadre juridique particulièrement rigide et contraignant

De nombreux établissements regrettent la faible souplesse offerte par les règles de la commande publique . Les diverses obligations procédurales se traduisent en effet par un allongement significatif des délais et des incertitudes significatives concernant le coût final des opérations immobilières.

De surcroît, les instruments contractuels mis à disposition des universités pour organiser des coopérations locales se révèlent souvent inadaptés pour créer des structures partenariales de long terme.

C. LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE DES BÂTIMENTS UNIVERSITAIRES : UN IMPÉRATIF QUI PEINE À S'IMPOSER

Les auditions et déplacements réalisés par le rapporteur ont mis en exergue une grande disparité dans l'implication des universités en matière de transition énergétique . Si certaines universités sont en pointe dans ce domaine, la plupart n'ont qu'une mauvaise connaissance de leur situation énergétique, et peinent à identifier des pistes d'amélioration.

De nombreux établissements invoquent par ailleurs des obstacles de nature budgétaire : si les coûts afférents à l'évolution des usages et à l'amélioration des équipements techniques peuvent être maitrisés et donc pris en charge par les établissements au fil des ans, tel n'est pas le cas des travaux portant sur le bâti (remplacement des menuiseries, reprise des murs, réfection des toitures etc.), associés à un coût très élevé et un retour sur investissement particulièrement long .

Dans ce contexte, force est de constater que les projets ambitieux de rénovation thermique ne peuvent s'effectuer qu'au gré de projets plus larges , bénéficiant d'un soutien public important . Or, au niveau national, l'impulsion dans ce domaine est encore récente et témoigne d'une prise de conscience tardive . Si plusieurs actions en faveur de la formation des gestionnaires immobiliers ont ainsi été mises en place, l'ampleur des financements publics consacrés à la transition énergétique reste encore limitée.

II. ACCÉLÉRER LES RÉFORMES À COURT TERME, CHANGER DE PARADIGME À PLUS LONG TERME

A. À COURT TERME, UN CERTAIN NOMBRE DE PROGRÈS À RÉALISER, DANS LA CONTINUITÉ DES EFFORTS DÉJÀ ENGAGÉS

1. Affiner la connaissance qu'ont les universités de leur patrimoine immobilier: un prérequis indispensable à tout effort de rationalisation

Les universités doivent pouvoir disposer d'éléments plus fiables concernant leur parc immobilier, afin de pouvoir planifier les investissements à moyen et long terme, et donc inscrire la gestion immobilière dans le cadre d'une stratégie soutenable économiquement.

Dans ce contexte, le rapporteur serait favorable à un travail de rationalisation des indicateurs demandés , permettant de constituer une base de données plus restreinte mais également plus qualitative. Cette démarche doit aller de pair avec un effort de formation des gestionnaires du patrimoine à l'utilisation des outils de suivi informatique. Enfin, l'interopérabilité des systèmes d'exploitation des opérateurs et des tutelles , quand elle n'est pas assurée, semble indispensable.

2. Professionnaliser et renforcer la gouvernance immobilière

La professionnalisation des équipes immobilières doit s'accélérer ; elle constitue un prérequis à la conception et la réalisation de montages juridiques et financiers complexes. Il importe donc que les universités soient en mesure de recruter des compétences adaptées et diversifiées .

En parallèle, afin de pouvoir aborder de manière transversale les problématiques relatives à l'immobilier universitaire et de renforcer le portage politique de ces sujets , il conviendrait d'augmenter la part des établissements qui disposent d'un vice-président en charge du patrimoine et de la transition écologique.

Enfin, étant donné le degré élevé d'expertise de l'Établissement public d'aménagement universitaire de la région d'Ile-de-France (EPAURIF), il serait opportun d'élargir au niveau national son périmètre géographique , afin de permettre à tous les établissements de disposer d'un opérateur métier compétent pour optimiser la gestion de leur patrimoine .

3. Garantir un pilotage pluriannuel des ressources et des dépenses en matière immobilière

Afin d'éviter que les crédits consacrés à l'entretien des bâtiments ne servent de variable d'ajustement du budget des établissements, il semblerait judicieux de rendre obligatoire la constitution d'un budget annexe immobilier pour tous les établissements - seules les universités ayant bénéficié de la dévolution du patrimoine étant actuellement assujetties à cette obligation.

A terme, il serait envisageable de faire du schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) un véritable outil de pilotage pluriannuel des dépenses immobilières. Cela supposerait, en premier lieu, que l'élaboration de ce document soit rendue plus contraignante pour les établissements. En parallèle, le volet financier de ce schéma pourrait être renforcé pour permettre un fléchage annuel des ressources sur les besoins identifiés, et un contrôle par le Mesri du respect de la trajectoire établie. Enfin, effort de planification gagnerait à inclure de façon plus systématique un volet énergétique, afin de garantir une programmation intelligente des opérations , permettant d'optimiser la durée d'indisponibilité des bâtiments, de réduire le coût de la main d'oeuvre, tout en assurant progressivement la rénovation énergétique du bâti universitaire.

4. Revisiter le cadre juridique applicable à la commande publique

S'agissant de la commande publique, il serait en premier lieu opportun de permettre une mutualisation, entre les établissements, des bonnes pratiques ou des dispositifs innovants .

En parallèle, des assouplissements paraissent indispensables, qu'il s'agisse de l'allègement des procédures, de l'abaissement des seuils. Dans ce contexte, le rapporteur serait favorable à la réalisation d'une enquête portant sur les difficultés rencontrées par les établissements d'enseignement supérieur dans ce domaine, afin de dégager des pistes d'évolution à court et moyen terme.

B. À MOYEN TERME, ÉLABORER DES MODES VERTUEUX DE FINANCEMENT POUR LA MAINTENANCE ET LA RÉNOVATION DE L'IMMOBILIER UNIVERSITAIRE

Pour le rapporteur, un changement de paradigme s'impose en matière de gestion patrimoniale. Dans un environnement en pleine mutation, l'enseignement supérieur doit mener de front plusieurs transitions : transition numérique, transition énergétique et écologique, transition économique, transformation des campus en territoires d'innovation au service de l'attractivité des territoires, etc.

Dans ce contexte, il faut désormais privilégier une approche globale, permettant d'améliorer simultanément l'état du bâti, sa situation énergétique et son adéquation fonctionnelle, afin de faciliter l'émergence des campus de demain .

1. Ouvrir l'université sur son environnement socio-économique par le biais de la valorisation : dégager des ressources récurrentes pour l'entretien et l'exploitation

La valorisation du patrimoine universitaire constitue à la fois un des principaux leviers dont disposent les établissements pour bâtir les campus du XXI ème siècle et un moyen de développer leurs ressources propres . En ce sens, elle participe d'une dynamique particulièrement vertueuse, qui doit être encouragée.

En pratique, des synergies peuvent être trouvées avec les collectivités territoriales, les politiques d'enseignement supérieur présentant pour ces dernières un intérêt sous l'angle de l'aménagement du territoire et de l'attractivité. La valorisation doit permettre une meilleure intégration de l'université dans la ville, avec pour corollaire une diversification des offres de services aux étudiants, ainsi qu'une mutualisation des équipements.

Dans ce contexte, il paraitrait judicieux de créer un cadre juridique permettant une réelle gouvernance partagée avec les autres acteurs publics présents localement, de sorte que les établissements publics d'enseignement supérieur puissent participer dans la durée aux orientations prises sur les aménagements et les activités entreprises sur leur territoire d'implantation, ainsi qu'au pilotage des opérations qui les concernent. Le rapporteur serait ainsi favorable à l'ouverture du capital des sociétés publiques locales (SPL) aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel .

Des partenariats peuvent par ailleurs être noués avec le monde économique, afin de renforcer les transferts de technologie, l'entrepreneuriat étudiant et l'insertion professionnelle des jeunes diplômés.

Enfin, ces opérations de valorisation ayant habituellement pour conséquence de rendre un immeuble éligible à la taxe foncière, pour un montant souvent supérieur aux recettes perçues, il pourrait être opportun de réfléchir à un mode de calcul dérogatoire du montant de cette taxe, tenant compte du niveau des recettes perçues par l'université .

2. Initier un vaste plan d'investissement pour la rénovation globale du parc universitaire : réduire la facture énergétique pour préfigurer les campus de demain

Ces dernières années, la France s'est dotée d'objectifs ambitieux en matière de transition énergétique, par le biais d'engagements contraignants à l'échelle nationale, européenne et internationale. L'ampleur des progrès à accomplir étant considérable, un sursaut est indispensable pour faire de la transition énergétique du bâti universitaire une priorité stratégique.

Si des modes de financement novateurs, comme l' intracting , permettent actuellement aux établissements d'initier des travaux de rénovation énergétique à gains rapides, des opérations de plus grande ampleur sont absolument incontournables pour garantir le respect par la France de ses engagements .

Le financement de ces travaux ne pouvant être assuré par les établissements, étant donné l'équation budgétaire dans laquelle s'inscrit la gestion immobilière, le lancement d'un vaste plan de rénovation globale du bâti universitaire parait indispensable.

Pour le rapporteur, il est impératif que ce plan massif se concrétise dans un délai court, puisqu'en matière d'immobilier, comme de transition énergétique, l'inaction a un coût . Cependant, sa réalisation pourrait s'échelonner sur plusieurs années, à l'instar de l'opération Campus, afin de s'inscrire dans une réflexion globale sur les enjeux du campus de demain , en termes d'attractivité, de responsabilité sociétale, d'ancrage territorial, d'innovation ou encore de digitalisation. La dimension énergétique serait néanmoins au coeur de l'opération, afin de rendre possible des économies d'énergie substantielles à terme et donc un retour sur investissement.

L'élaboration d'une telle opération s'inscrirait dans la continuité des efforts déployés dans le cadre de France Relance : à la dotation de 1,2 milliard d'euros pour la réalisation de gains rapides succèderait une dotation plus importante pour la réalisation de gains différés .

Pour s'inscrire dans une démarche vertueuse, enfin, ce plan doit avoir pour corollaire une amélioration notable de la gestion de leur patrimoine par les universités . Il serait par exemple envisageable de conditionner l'octroi des financements à la sanctuarisation, pour les années à venir, d'une enveloppe dédiée à la gestion et l'entretien du patrimoine rénové.

LISTE DES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS

Axe 1 : Affiner la connaissance qu'ont les universités de leur patrimoine immobilier

- Recommandation n° 1 : recentrer le champ des données collectées auprès des établissements sur quelques indicateurs clés, afin de disposer d'une base plus fiable et donc plus exploitable

- Recommandation n° 2 : faciliter les échanges de données entre les différents systèmes d'exploitation.

Axe 2 : Professionnaliser et renforcer la gouvernance immobilière

- Recommandation n° 3 : augmenter la part des universités qui disposent d'un vice-président en charge du patrimoine et de la transition écologique, chargé de faciliter la communication interne sur ces sujets et de porter politiquement les projets les plus ambitieux.

- Recommandation n° 4 : élargir au niveau national le périmètre de compétence de l'EPAURIF.

Axe 3 : Garantir un pilotage pluriannuel des ressources et des dépenses en matière immobilière

- Recommandation n° 5 : rendre obligatoire la constitution d'un budget annexe immobilier pour l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur.

- Recommandation n° 6 : rendre la formalisation d'un SPSI plus contraignante pour les établissements, tout en renforçant les volets financiers et énergétiques de ce document, afin d'en faire un véritable outil de pilotage pluriannuel des dépenses immobilières.

Axe 4 : Revisiter le cadre juridique applicable à la commande publique

- Recommandation n° 7 : dresser un bilan des difficultés rencontrées par les établissements d'enseignement supérieur dans leur recours à la commande publique.

Axe 5 : Ouvrir l'université sur son environnement socio-économique par le biais de la valorisation afin de dégager des ressources récurrentes pour l'entretien et l'exploitation

- Recommandation n° 8 : permettre l'ouverture du capital des sociétés publiques locales aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel.

- Recommandation n° 9 : mettre à l'étude un mode de calcul dérogatoire de la taxe foncière pour les universités, tenant compte du niveau de recettes perçues dans le cadre des activités de valorisation.

Axe 6 : Initier un vaste plan d'investissement pour la rénovation globale du parc universitaire afin de réduire la facture énergétique et de préfigurer les campus du XXI ème siècle

- Recommandation n° 10 : lancer un vaste plan « Transition Campus » de rénovation globale de l'immobilier universitaire

I. I. L'IMMOBILIER UNIVERSITAIRE : DES ENJEUX DÉCISIFS IMPLIQUANT UNE GESTION PLUS ACTIVE PAR LES ÉTABLISSEMENTS

A. LE PATRIMOINE IMMOBILIER UNIVERSITAIRE : UN ENSEMBLE DISPARATE, COÛTEUX ET COMPLEXE À ENTRETENIR, À LA CHARGE DES UNIVERSITÉS DEPUIS LEUR ACCESSION À L'AUTONOMIE

1. Un actif particulièrement coûteux et complexe à gérer
a) Un ensemble étendu, vétuste et énergivore : un parc coûteux à exploiter et entretenir

Le patrimoine immobilier des universités et des écoles comprend 6 300 biens pour 15,5 millions de mètres carrés de surface utile brute (SUB) et 18,75 millions de mètres carrés de surface hors oeuvre nette (SHON) , que se partagent 138 établissements 1 ( * ) sur un foncier de l'ordre de 5 300 hectares. Le parc universitaire représente ainsi à lui seul près de 20 % du patrimoine immobilier de l'État et constitue donc un enjeu majeur pour les finances publiques .

Les différentes mesures de la surface

La surface hors oeuvre nette (SHON) est définie à l'article R. 112-2 du code de l'urbanisme et correspond à la somme des surfaces de plancher pour chaque niveau, après déduction des surfaces non habitables (caves, combles, terrasses, balcons, etc.)

La surface utile brute (SUB) est définie à l'article R. 353-16 du code de la construction et de l'habitation et fait référence à la surface intérieure nécessaire au fonctionnement d'une activité donnée. Elle ne comprend ni les circulations verticales et horizontales, ni les paliers d'étage, ni l'encombrement des ouvrages construits (murs, voiles, cloisons, poteaux, etc.). En revanche, les halls d'entrée ainsi que les espaces d'attente et d'orientation des personnes au sein du bâtiment sont inclus.

La SUB est donc égale à la SHON , moins les surfaces qui ne sont pas utilisables, pour des raisons tenant à la structure de l'immeuble (poteaux, murs extérieurs, circulations verticales, locaux techniques, etc.)

L'étendue de ce parc résulte en partie de la forte pression démographique à l'université , qui a entrainé une hausse de 50 % de l'immobilier universitaire entre 1995 et 2010. À compter de cette date, si les effectifs ont continué de progresser, la surface immobilière est restée constante, la politique immobilière faisant de l'entretien et de la rénovation du parc existant une priorité, notamment dans le cadre de l'opération Campus.

L'opération Campus

L'opération Campus a été annoncée par le Président de la République en 2007, avec pour objectif de rénover massivement le patrimoine immobilier universitaire, tout en accompagnant le mouvement de réforme de l'enseignement supérieur engagé par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) de 2007, dont l'immobilier constituait l'un des leviers de mise en oeuvre.

Cette opération a été financée par la vente de 3 % des actions du groupe EDF (3,7 milliards d'euros) complétée par 1,3 milliard d'euros du programme d'investissements d'avenir 1 (PIA 1). Le financement des opérations immobilières est assuré par les intérêts générés par cette dotation de 5 milliards d'euros déposée sur un compte au Trésor, soit 201 millions d'euros par an, qui ont vocation à aider les établissements à se fédérer autour de grands campus de demain, avec une visibilité internationale.

Source : commission des finances

Le patrimoine immobilier universitaire se compose aujourd'hui :

- de bâtiments historiques qui, s'ils sont globalement dans un état correct, nécessitent d'importants travaux de mise aux normes (sécurité, accessibilité, etc.) ;

- de constructions datant des années 1960 , qui arrivent souvent en fin de cycle de vie ;

- du bâti issu des deux vagues de constructions lancées dans les années 1990 - les plans « Université 20000 » (1990-1995) et « Université du troisième millénaire » (à compter de 1998), qui a mal vieilli, en raison des choix architecturaux et constructifs réalisés.

Dans ce contexte, et en dépit des investissements réalisés dans le cadre du plan Campus - qui ne concernait, au demeurant, que les deux tiers des surfaces universitaires - force est de constater que le patrimoine immobilier des établissements publics d'enseignement supérieur demeure en grande partie vétuste , même s'il existe de grandes disparités entre les sites.

Ainsi, selon les données issues du référentiel technique pour l'enseignement supérieur et la recherche (RT-ESR) 2 ( * ) , 31 % du bâti universitaire serait actuellement dans un état peu ou pas satisfaisant et 9 % du parc ne répondrait pas aux normes de sécurité des établissements recevant du public (ERP) .

État du bâti des établissements publics d'enseignement supérieur en 2019

(en %)

Source : commission des finances, à partir des données de la DGESIP

Le degré de vétusté du parc immobilier présente néanmoins de fortes disparités en fonction des régions . Ainsi, près de trois quarts des bâtiments sont dans un état satisfaisant dans les régions Grand-Est, Nouvelle Aquitaine, Bourgogne-Franche-Comté et Centre-Val-de-Loire, qui comptabilisent un quart du parc immobilier total. En revanche, la proportion du bâti dans un bon état dépasse à peine les 50 % en Auvergne-Rhône-Alpes, en Normandie et dans les régions d'Outre-Mer, ces trois régions représentant près d'un cinquième du parc immobilier universitaire (19,7 %). Enfin, en Ile de France, en Corse et en PACA, les résultats ne sont pas significatifs en raison de la faible complétude des données ou de données erronées.

Surface utile et état du bâti par région

(en % de la surface utile totale et en % du bâti régional)

Source : commission des finances, à partir des données de la DGESIP

Indépendamment du vieillissement constaté, la plupart des bâtiments construits dans les années 1960 présentent également de très faibles niveaux d'efficacité énergétique , dans la mesure où ils n'ont pas connu de travaux significatifs de remise à niveau depuis leur édification. Ainsi, toujours selon les données issues du RT-ESR 3 ( * ) , 38 % des surfaces universitaires sont classées en étiquette énergie D, tandis que 21 % du bâti est considéré comme étant très énergivore (avec une étiquette énergie E, F ou G) .

Classe énergie des surfaces universitaires en 2018

(en %)

Source : commission des finances, à partir des données de la DGESIP

Partant, la consommation d'énergie finale des universités s'élevait en 2020 à 631 000 000 kilowattheures, soit une consommation moyenne de 166 kilowattheures par mètre carré SUB et par an, ce qui classe l'ensemble du parc immobilier en étiquette énergie D . L'énergie représenterait ainsi un coût annuel de 57 millions d'euros pour les universités, soit une dépense de l'ordre de 15 euros par mètre carré SUB.

En parallèle, la consommation finale d'eau s'élèverait à 4 000 000 mètres cube, soit 0,42 mètre cube par mètre carré SUB. Cette moyenne recouvre cependant une grande disparité de situations, puisque plus de 78 % des bâtiments universitaires présentent une consommation d'eau inférieure à 0,5 mètre cube par mètre carré SUB.

Répartition des consommations d'eau par bâtiment

(en mètre cube par mètre carré SUB)

Source : commission des finances, à partir des données transmises par la Direction de l'immobilier de l'État

Enfin, l'analyse des étiquettes gaz à effet de serre (GES), connues pour 54 % des surfaces en 2018, montre que l'empreinte carbone moyenne des établissements est en étiquette énergie D, à 33 grammes de CO2 par mètre carré et par an . L'empreinte totale universitaire 4 ( * ) est donc de 317 253 tonnes de CO2 par an.

Classe GES des surfaces universitaires en 2018

(en %)

Source : commission des finances, à partir des données de la DGESIP

Il ressort de ces données que seules 19 % des surfaces universitaires sont éco-responsables, c'est-à-dire associées à une classe GES comprise entre A et B .

Le rapporteur note cependant que l'ensemble de ces estimations (classe énergie, classe climat et consommation d'eau) demeurent sujettes à caution, eu égard au caractère extrêmement parcellaire et peu fiable des données collectées (cf. infra ).

Étant donné son étendue, mais également son caractère vieillissant, vétuste, et énergivore, le parc immobilier universitaire se caractérise par des coûts d'entretien et d'exploitation particulièrement élevés.

b) Des spécificités fonctionnelles et géographiques : un bâti atypique

Si l'immobilier universitaire se caractérise par son étendue, ainsi qu'un état globalement insatisfaisant, il présente également des spécificités fonctionnelles et géographiques , si bien que sa gestion diffère significativement de celle d'un parc immobilier classique.

Ainsi, près de 80 % des surfaces sont à usage d'enseignement, c'est-à-dire composées de salles de cours (amphithéâtres, salles spécialisées pour certaines disciplines, salle banalisées pour les examens, etc.), contre seulement 3 % de surfaces à usage de bureaux et 10 % à usage technique.

Répartition fonctionnelle des bâtiments
des établissements publics d'enseignement supérieur

(en %)

% par rapport

à la SUB totale

Enseignement ou sport

78 %

Bâtiments techniques

(locaux de recherche, plateformes et halles technologiques, locaux logistiques dont garages, ateliers, chaufferie...)

10 %

Bâtiments culturels

(bibliothèques universitaires, centres culturels, musées ...)

4 %

Bureaux

(services centraux, présidence, locaux administratifs)

4 %

Logements

(logements de fonction, logements pour chercheurs, logements étudiants en Polynésie française, Nouvelle-Calédonie et pour certains établissements (EC Lyon, INSA Lyon, ENS Lyon ...)

2 %

Bâtiments sanitaires et sociaux

(lieux de restauration, locaux de médecine préventive, logements étudiants pour certains établissements (EC Lyon, INSA Lyon, ENS Lyon ...)

2 %

Autres

(commerces, bâtiments agricoles, ouvrages d'art, espaces naturels...)

1 %

Source : réponse au questionnaire budgétaire annuel

Or, les locaux d'enseignement, étant donné leurs caractéristiques, ne peuvent se voir appliquer les mêmes référentiels que des bâtiments plus classiques - qu'il s'agisse de la consommation d'énergie, du potentiel de valorisation ou du taux d'occupation.

Ce dernier demeure très variable au cours de l'année , le calendrier universitaire ménageant des alternances entre des périodes de cours, de stages, de vacances et examens . Le caractère non linéaire, au cours de l'année, de l'occupation des locaux, rend complexe la gestion de cet actif, en particulier s'agissant des efforts de valorisation.

Ces spécificités expliquent en partie le niveau peu élevé d'occupation des locaux sur l'année, de l'ordre de 60,5 % en 2020. Ce taux devrait être encore inférieur en 2021, étant donné que les cours se sont déroulés à distance pour le premier semestre et qu'une jauge de 20 % de capacités d'accueil des établissements a été fixée à compter du mois de février 2021.

Évolution du taux d'occupation des locaux depuis 2010 5 ( * )

(en %)

Source : commission des finances, à partir des données de la DGESIP

Ces spécificités fonctionnelles se traduisent également par des contraintes techniques et juridiques. Ainsi, les constructions universitaires, dans la mesure où elles accueillent du public et constituent des ERP, doivent respecter les règles de sécurité répertoriées aux articles R. 123-2 à R. 123-17 du code de la construction, ainsi que certaines règles d'accessibilité , toute non-conformité faisant courir le risque d'une fermeture administrative du bâtiment, assortie dans certains cas de sanctions pénales.

Enfin, le bâti universitaire présente des spécificités géographiques, puisqu'il se compose de très nombreux sites, et se caractérise, dans certaines académies, par une dispersion du bâti sur tout le territoire. Les bâtiments d'un même campus peuvent ainsi être éclatés entre plusieurs quartiers ; quand ils sont situés en centre-ville, il arrive également qu'ils soient partagés entre plusieurs opérateurs, ce qui n'en facilite pas la gestion, l'université n'ayant alors plus la responsabilité pleine et entière de son patrimoine.

Dans ce contexte, la gestion du bâti universitaire se révèle particulièrement complexe ; or, depuis 2007, cette tâche incombe aux établissements d'enseignement supérieur .

2. Un patrimoine à la charge des universités depuis leur accession à l'autonomie
a) En principe, un État propriétaire du bâti, des universités autonomes dans leur gestion immobilière

Depuis la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) du 10 août 2007 6 ( * ) , les opérateurs du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (Mesri) ont accédé à l'autonomie et partant, sont compétents pour assurer la gestion du patrimoine immobilier que l'État met à leur disposition .

L'État conserve donc la propriété du bâti, mais conclut des conventions d'utilisation avec les universités . Il incombe ensuite à ces dernières d'assumer, sous le contrôle de l'État et pour la durée de ces conventions, « l'ensemble des responsabilités, notamment les contrôles réglementaires » 7 ( * ) qui se rapportent aux immeubles dont ils disposent.

De surcroît, au terme de l'article L. 2341-2 du code général de la propriété des personnes publiques : « les établissements publics d'enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l'enseignement supérieur ou conjointement des ministres chargés de l'enseignement supérieur de l'agriculture sont compétents pour assurer l'entretien et la gestion des biens immobiliers dont ils sont propriétaires ou qui sont mis à leur disposition par l'État ».

L'État propriétaire est représenté au niveau central par la direction de l'immobilier de l'État (DIE) depuis 2016, et au niveau local par les préfets, conformément au décret du 29 avril 2004 8 ( * ) .

Le Mesri n'intervient donc pas directement dans la gestion du patrimoine immobilier universitaire , mais mène une politique immobilière visant à renforcer l'autonomie et la performance de ses opérateurs en matière d'immobilier.

Le rôle du Mesri en matière de politique immobilière

La direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP) a pour mission d'accompagner les opérateurs dans la gestion de leur parc immobilier et possède à cet effet une sous-direction dédiée, la sous-direction de l'immobilier. Au terme de l'arrêté du 17 février 2014 fixant l'organisation de l'administration centrale des ministères de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et de l'enseignement supérieur et de la recherche, cette dernière :

- élabore le cadre national de la stratégie patrimoniale des établissements d'enseignement supérieur, en lien notamment avec la direction de l'immobilier de l'État. Elle encourage les établissements à améliorer la connaissance de leur patrimoine, à professionnaliser leurs équipes et à développer des outils de gestion et de programmation des travaux ;

- assure le pilotage de la politique immobilière de l'État au niveau des sites, en relayant la mise en oeuvre des différents aspects de cette politique auprès des opérateurs, tout en faisant connaître les spécificités du parc des établissements d'enseignement supérieur ;

- assure le pilotage des grands projets immobiliers, ainsi que la programmation et la gestion des crédits dédiés à la sécurité et aux contrats de plan État-régions.

Pour ce faire, elle s'appuie sur les services déconcentrés du Ministère de l'éducation nationale et du Mesri, notamment les services immobiliers des rectorats, dirigés par les Ingénieurs régionaux de l'équipement (IRE). Ces derniers sont chargés de l'élaboration et de la mise en oeuvre des CPER, de l'expertise des opérations immobilières, de la maîtrise d'ouvrages d'opérations, de la coordination des enquêtes ministérielles, de l'accompagnement des opérateurs dans leurs échanges avec les responsables régionaux de la politique immobilière de l'État (RRPIE), ou encore de l'avis sur les schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) élaborés par les universités (cf. infra ).

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire adressé à la DGESIP

Pour assurer les droits et obligations du propriétaire, les établissements publics d'enseignement supérieur disposent de crédits budgétaires spécifiques , portés par l'action 14 « Immobilier » du programme 150 « Formations supérieure et recherche universitaire » de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Ces crédits se décomposent, de manière schématique, en trois briques de financement distinctes.

La première brique « fonctionnement des établissements », dotée de 827 millions d'euros en 2021 (un chiffre stable depuis 2009), correspond aux crédits directement intégrés à la subvention pour charges de service public (SCSP) versée à chaque opérateur afin de financer les dépenses de fonctionnement . Cette brique se compose de deux éléments :

- une enveloppe de 427 millions d'euros dédiée au financement de la masse salariale des personnels en charge de l'immobilier des établissements et budgétisée au titre de la « masse salariale RCE » ;

- une enveloppe de 400 millions d'euros afin de couvrir la maintenance et la logistique immobilière.

Une seconde brique « occupant/financement récurrent », dotée de 71,34 millions d'euros en 2021 , regroupe des crédits notifiés de façon spécifique, hors SCSP , ayant vocation à financer :

- les dépenses liées aux actions de mise en sécurité-sûreté du parc immobilier (sécurité incendie, sanitaire, pose de clôtures, mise en place de systèmes de contrôle d'accès, vidéosurveillance, etc.), pour un montant de 22,6 millions d'euros en 2021 . Cette enveloppe est répartie entre les établissements en fonction des besoins les plus prioritaires, identifiés dans le cadre d'une enquête bisannuelle menée par le Mesri, ainsi que de leur capacité à mobiliser des fonds propres pour financer ce type de travaux ;

- les dépenses locatives d'un nombre limité d'établissements 9 ( * ) , essentiellement franciliens, dont le recours à une prise à bail de locaux est justifié, pour un montant annuel de 19,3 millions d'euros ;

- le fonctionnement de l'EPAURIF , à hauteur de 7,5 millions d'euros ;

- les dotations récurrentes de dévolution versées aux établissements de la 1 ère vague de transfert en pleine propriété, pour un montant total de 21,9 millions d'euros par an 10 ( * ) (cf. infra ).

Enfin, une dernière brique « propriétaire / financement projets » regroupe des crédits destinés au financement d'opérations immobilières (inscrites dans les CPER, prévues hors CPER, relatives aux opérations Campus financées sur crédits budgétaires) pour lesquelles l'État assure de droit la maîtrise d'ouvrage. Ces crédits peuvent être versés aux établissements de manière directe ou par le biais de budgets opérationnels de programmes locaux, quand il s'agit de CPER notamment.

Répartition des crédits budgétaires dédiés à l'immobilier universitaire en 2021

(en millions d'euros)

AE

CP

Brique « fonctionnement des établissements » (SCSP)

834,3

834,3

Dont « masse salariale RCE »

427,19

427,19

Dont « maintenance et logistique immobilière »

407,11

407,11

Brique « occupant / financement récurrent)

71,34

71,34

Dont charges locatives

19,3

19,3

Dont mise en sécurité

22,6

22,6

Dont dévolution du patrimoine

21,94

21,94

Dont EPAURIF

7,5

7,5

Brique « propriétaire / financement projets »

162,76

261,26

Dont CPER

81,83

150,09

Dont opérations hors CPER

39,96

30,46

Dont Campus et PPP

40,97

80,71

Total

1068,39

1166,89

Source : commission des finances, à partir des données de la DGESIP

b) La dévolution patrimoniale : une expérimentation progressivement étendue

La loi relative aux libertés et responsabilités des Universités (LRU) a également ouvert la possibilité d'un transfert gratuit et en pleine propriété, au profit de certains établissements d'enseignement supérieur, des biens appartenant à l'État et précédemment mis à leur disposition .

Lancée à titre expérimental en 2011, une première vague de dévolution patrimoniale a ainsi permis à trois universités - Clermont 1, Poitiers et Toulouse 1 - d'accéder à la propriété de leur patrimoine, et donc de bénéficier de nouvelles possibilités d'actions en termes de cession et de valorisation . Ces établissements ont bénéficié d'un accompagnement financier significatif de l'État, par le biais :

- d'une dotation initiale de remise à niveau en matière de mise en sécurité et d'accessibilité ;

- d'une dotation annuelle récurrente sur une période de 25 ans , destinée à couvrir la charge transférée en matière de gros entretien renouvellement (GER) et à se substituer aux financements antérieurs de l'État (Campus, CPER, crédits de sécurité-sûreté-accessibilité, SCSP).

Niveau des dotations aux trois universités propriétaires depuis 2011 - 2012

(en euros)

Dotation initiale de mise aux normes (unique)

Dotation de dévolution annuelle

Université de Poitiers

6 987 000

10 800 000

Université de Toulouse

5 930 000

5 000 000

Université de Clermont

14 000 000

6 135 000

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire

À la suite de la publication d'un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) 11 ( * ) dressant un bilan positif de cette expérimentation, une seconde vague de dévolution a été initiée en 2016 et a abouti à la signature d'accords de dévolution avec 4 universités en 2017 : Aix-Marseille, Bordeaux, Caen et Tours.

Pour cette seconde vague, le ministère a fait le choix de maintenir les financements existants (Campus, CPER, sécurité-sûreté, accessibilité, SCSP). La seconde vague de dévolution ne prévoyait donc pas de dotation financière exceptionnelle, si bien que seules des universités présentant une situation financière satisfaisante et un potentiel de valorisation élevé pouvaient en réalité y accéder.

Cependant, en 2019, plusieurs ajustements ont été réalisés :

- une dotation exceptionnelle d'initialisation d'un montant de 6 millions d'euros pour les 4 candidats à la dévolution a été proposée au titre de la mise en sécurité et en accessibilité ;

- le principe d'un taux de retour à 100 % des produits de cession et de valorisation du patrimoine immobilier a été acté.

Enfin, en 2019, la ministre de l'enseignement supérieur a annoncé le lancement d'une « vague continue de dévolution » pour permettre à chaque établissement de saisir les opportunités liées à la valorisation de son patrimoine, d'ici la fin 2022. À ce stade, 7 candidats auraient d'ores et déjà été identifiés : Nantes, Strasbourg, Bordeaux Montaigne, Valenciennes, CentraleSupelec, Angers, AgroparisTech.

Le Mesri réfléchirait également à proposer des dévolutions partielles ou progressives , à condition toutefois que les établissements soient en mesure de les assumer d'un point de vue technique et financier. En tout état de cause, le Mesri travaillerait à l'élaboration d'un vade-mecum afin qu'un grand nombre d'établissements puisse s'engager dans cette démarche.

Indépendamment du cadre juridique applicable - simple autonomie ou dévolution, le parc immobilier universitaire représente à la fois, pour les établissements, une charge financière à optimiser et un actif à valoriser, afin de répondre aux multiples enjeux afférents au service public de l'enseignement supérieur.

3. Une gestion à optimiser pour améliorer l'adéquation fonctionnelle du parc immobilier tout en maitrisant la charge financière afférente
a) Un parc à envisager comme un actif stratégique à valoriser

L'immobilier constitue avant tout un actif stratégique au service des missions d'enseignement portées par les universités . Le bâti universitaire doit donc évoluer et se transformer pour aider le service public de l'enseignement supérieur à répondre aux défis actuels : défi de la réussite étudiante, défi de l'attractivité des établissements français à l'heure de l'internationalisation de l'économie de la connaissance, défi de la responsabilité sociétale et environnementale des pouvoirs publics.

L'immobilier reste un axe porteur de la réussite étudiante . En effet, la massification de l'enseignement supérieur impose aux établissements d'accueillir un nombre toujours plus élevé de jeunes ; en parallèle, l'évolution des pratiques pédagogique s, avec l'émergence des cours à distance puis sa généralisation dans le cadre de la crise sanitaire, impose d'ores et déjà une reconfiguration des espaces et des efforts d'équipement .

Le rejet suscité par le « tout-distanciel » laisse ainsi augurer, à l'avenir, d'une revalorisation du temps en présentiel, avec notamment un renforcement des volumes horaires de travaux dirigés et une diminution des effectifs, se traduisant par une demande accrue de petites salles de cours modulables.

En parallèle, la digitalisation de certains enseignements - notamment les cours magistraux - pourrait être pérennisée, nécessitant une montée en charge significative des universités en matière d'équipement informatique (connexion très haut débit, branchements dans les salles, systèmes de captation des images et du son, etc.)

Les gestionnaires immobiliers doivent donc par priorité s'attacher à garantir une adéquation fonctionnelle optimale entre les locaux et les activités d'enseignement menés par les universités. Il leur incombe également de porter la responsabilité sociétale et environnementale associée à la gestion d'un parc public particulièrement étendu.

Le bâti universitaire constitue ainsi un outil au service des politiques d'accessibilité et d'inclusion menées par les universités . L'article 123-2 du code de l'éducation, tel que modifié par l'article 6 de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche 12 ( * ) dispose ainsi que le service public de l'enseignement supérieur contribue « à la construction d`une société inclusive. À cette fin, il veille à favoriser l'inclusion des individus sans distinction d'origine, de milieu social et de condition de santé ».

Par ailleurs, un contexte marqué par l'essor des préoccupations environnementales, les universités doivent garantir le caractère durable et écologique de l'immobilier dont elles ont la charge . Comme tous les opérateurs, les universités sont, en tout état de cause, soumises à la réglementation du « décret tertiaire » 13 ( * ) , qui précise les modalités d'application de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) 14 ( * ) sur les objectifs de réduction de la consommation énergétique des bâtiments à usage tertiaire français. Ainsi, les locaux universitaires courants (dévolus aux activités administratives et d'enseignement) sont tenus de réduire leur consommation énergétique de 40 % d'ici à 2030 15 ( * ) , 50 % d'ici 2040 et 60 % d'ici 2050 . Cette démarche, qui permettra de générer des économies de fonctionnement à long terme, suppose des investissements conséquents à court terme ; la recherche d'un modèle soutenable d'un point de vue économique et écologique se trouve ainsi au centre des préoccupations des universités.

L'immobilier universitaire se trouve également au coeur d'enjeux locaux, relatifs à l'aménagement du territoire . En effet, à l'heure de l'économie collaborative, de la transdisciplinarité et du partage de la connaissance, l'enceinte universitaire a vocation à s'ouvrir davantage vers la cité. Cette inflexion suppose une modernisation des espaces universitaires, afin que ces derniers puissent être mis à profit pour désenclaver certains territoires, soutenir le développement économique local (accueil de start-up, d'entreprises, essor des coworking, etc.), encourager la création artistique, renforcer les liens associatifs (mise en place de tiers lieux)... La gestion patrimoniale des universités intéresse donc au premier chef les collectivités territoriales.

L'optimisation de la gestion immobilière consiste donc en premier lieu à valoriser efficacement cet actif, pour permettre aux établissements de remplir leurs missions dans un environnement en pleine mutation . L'enseignement supérieur constituant un des moteurs essentiels du développement de notre pays et une condition de notre croissance économique future, l'enjeu est de taille.

b) Une charge financière à maîtriser

En parallèle, l'immobilier demeure une charge financière conséquente pour les établissements, puisqu'il représente le 2 ème poste de dépenses des universités, derrière la masse salariale.

Dans un contexte budgétaire contraint, caractérisé par une stagnation des subventions allouées aux établissements d'enseignement supérieur, une gestion immobilière optimale doit permettre de réduire autant que possible les dépenses d'exploitation et de fonctionnement attachées au bâti .

De nombreux leviers peuvent être actionnés à cet effet par les universités . Pour optimiser les coûts d'exploitation et la maintenance, il est ainsi possible de négocier des contrats plus avantageux ou d'agir sur le montant des factures énergétiques (fluides, électricité).

Il est également envisageable de chercher à rationaliser les surfaces utilisées , la réduction du nombre des implantations et des accès aux sites pouvant générer d'importantes économies, notamment en termes de frais de gardiennage et de sécurité.

Cet effort de rationalisation peut prendre la forme d'opérations de cessions, mais également de mutualisations des activités et des enseignements . Depuis l'ordonnance du 12 décembre 2018 relative à l'expérimentation de nouvelles formes de rapprochement, de regroupement ou de fusion des établissements d'enseignement supérieur et de recherche, les établissements peuvent également plus aisément fusionner ou créer des pôles universitaires , afin de mutualiser les surfaces et les compétences. Enfin, dans la mesure où certains bâtiments arrivent en fin de vie, la rationalisation du parc immobilier peut s'appuyer sur des opérations de démolition et reconstruction.

En parallèle, l'amélioration des taux d'occupation constitue un axe majeur d'optimisation , cet élément statistique figurant au demeurant parmi les indicateurs de suivi dans le cadre du document de politique transversale « Politique immobilière de l'État » pour le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », avec l'objectif d'atteindre un taux de 67 % en 2021. La palette des possibilités dans ce domaine est relativement large, puisque les universités peuvent étendre les plages d'occupation des locaux d'enseignement le soir et le week-end, mais aussi mettre à profit le caractère non linéaire de l'occupation des locaux.

Les établissements d'enseignement supérieur peuvent également chercher à dégager de nouvelles recettes en valorisant les locaux non utilisés sur certaines plages horaires (cf. infra ). La valorisation peut également prendre la forme de transformations d'usage - avec la création de complexes intégrant plusieurs types d'activités, mais ces opérations demeurent limitées, en raison de la spécificité des locaux d'enseignement.

L'optimisation de la gestion immobilière consiste donc également, pour les universités, à actionner ces différents leviers en fonction des spécificités de leur parc, afin de dégager des marges de manoeuvre budgétaires pour répondre aux défis susmentionnés .

Cependant, si la plupart des établissements partagent ces objectifs et s'accordent sur les moyens à mettre en oeuvre, les travaux menés par le rapporteur ont mis en exergue la persistance de nombreux freins à l'optimisation, par les universités, de leur patrimoine immobilier .

B. DES DIFFICULTÉS DE GESTION MULTIPLES, RÉSULTANT DE FACTEURS INTERNES ET EXTERNES AUX UNIVERSITÉS ET ENTRAVANT L'OPTIMISATION DE L'IMMOBILIER UNIVERSITAIRE

1. Un parc immobilier encore mal connu par les universités

Les données relatives au parc immobilier universitaire demeurent parcellaires et approximatives , qu'il s'agisse de son état, de son exploitation (gestion des salles, taux d'occupation des locaux, consommation énergétique, gardiennage) ou encore des dépenses afférentes à son entretien (nettoyage, maintenance) .

Il est indéniable que des progrès significatifs ont été accomplis au cours des dernières années. Depuis 2016, la DIE a ainsi développé, en lien avec la DGESIP, une version spécifique de ses outils de modélisation et de connaissance du parc : il s'agit du référentiel technique de l'enseignement supérieur et de la recherche (RT-ESR) pour la collecte des données et de l'outil d'aide au diagnostic de l'enseignement supérieur et de la recherche (OAD-ESR) pour la restitution de ces données, sous forme de cartographies, de statistiques, de tableaux de bord, d'indicateurs ou encore de notes de complétude.

Cet outil comporte des rubriques classiques (dépenses énergétiques, coûts d'exploitation, niveau de sûreté, degré d'accessibilité) mais également des fonctionnalités spécifiquement créées pour l'enseignement supérieur - par exemple, le suivi du taux d'occupation des salles - et se révèle donc particulièrement précieux pour les 45 % d'universités qui ne possèdent aucun système propre de pilotage immobilier.

Cette application repose cependant entièrement sur les saisies réalisées, bâtiment par bâtiment, par les différents opérateurs. Or, force est de constater l'existence de fortes disparités dans le degré de fiabilité des indicateurs renseignés par les universités . Ainsi, l'état du bâti n'est pas renseigné pour 12 % du parc immobilier. Par ailleurs, s'agissant des dépenses d'entretien, le Mesri a indiqué que les données n'étaient exploitables que pour la moitié des établissements publics d'enseignement supérieur, représentant 45 % des surfaces. Ces chiffres restent également à fiabiliser, dans la mesure où la notion de gros-entretien-renouvellement (GER) donne lieu à des interprétations différentes selon les établissements : certaines se limitent à communiquer des dépenses de maintenance, alors que d'autres fournissent les dépenses liées à des réhabilitations et rénovations lourdes.

De surcroît, si, en théorie, des intégrations automatiques de données sont possibles depuis les outils de gestion patrimoniale des opérateurs, dans les faits, l'application RT/OAD-ESR n'est pas toujours compatible avec les systèmes d'information des universités . Ainsi, selon la DGESIP : « l'absence de format d'échanges entre les systèmes d'information développés par la DIE et les systèmes de gestion du patrimoine immobilier existant au sein des établissements pose difficulté » 16 ( * ) . Par conséquent, les gestionnaires du patrimoine sont parfois réticents à compléter cet outil sur l'ensemble des rubriques - ce qui se traduit par des taux de complétude encore insatisfaisants sur certains items.

Enfin, toutes les universités ne disposent pas des informations qui leur sont demandées. Il ressort ainsi des travaux menés par le rapporteur que certaines universités ont une connaissance très limitée des taux d'occupation de leurs locaux. Ainsi, seules 76 % des universités disposent à ce jour d'un logiciel centralisé de gestion des salles .

Il en est de même en matière de consommation énergétique. Dans une réponse écrite adressée au rapporteur, la DGESIP avance ainsi que : « la consommation énergétique totale annuelle des opérateurs de l'ESR n'est pas connue de manière précise à ce jour » 17 ( * ) . Dans le RT-ESR, les données relatives au DPE des universités, à savoir les étiquettes énergie et climat, ne sont renseignées qu'à hauteur de respectivement 72 % et 54 % des surfaces .

Au demeurant, ces DPE ne sont pas effectués annuellement , si bien que les données afférentes ne reflètent pas les évolutions effectives en matière de consommation énergétique - qu'il s'agisse d'une réduction de la consommation liée à un meilleur pilotage des équipements, ou à une sensibilisation des usagers par exemple. Selon la DGESIP : « il n'est à ce jour pas possible d'évaluer, à l'échelle nationale, les réductions de consommation énergétiques consenties par chaque établissement » 18 ( * ) .

Il ressort ainsi des auditions menées par le rapporteur que des marges de progrès conséquentes existent en matière de connaissance fine, aussi bien quantitative que qualitative, du parc immobilier universitaire. Or, cette dernière constitue un prérequis indispensable à l'élaboration d'une stratégie immobilière efficace, permettant de réduire les coûts de fonctionnement et l'empreinte carbone .

2. En dépit de progrès récents, une gouvernance encore perfectible s'agissant des thématiques immobilières
a) La persistance de plusieurs freins à la définition, par les établissements, d'une stratégie immobilière
(1) Une co-construction entre plusieurs acteurs à différents niveaux, engendrant des frictions

À l'échelle nationale, la gouvernance de la politique immobilière a été recentrée en 2016 sur une instance interministérielle unique, la conférence nationale de l'immobilier public (CNIP) , présidée dans son format stratégique, par le ministre chargé du domaine et, dans son format opérationnel, par la DIE. Le gouvernance de la politique immobilière de l'État s'adjoint également le conseil de l'immobilier de l'État (CIE), placé auprès du ministre en charge du domaine.

À l'échelon local, cette gouvernance est déclinée avec les conférences régionales de l'immobilier public (CRIP), issues de la circulaire du 27 février 2017 ; une instance dédiée à l'immobilier peut également être créée à l'échelon départemental, afin de participer aux travaux du schéma directeur de l'immobilier régional.

Dans ce contexte, s'il appartient à la DIE de fixer le cadre d'exercice de la politique immobilière de l'État, il s'agit avant tout d'un travail de co-construction avec le Mesri d'une part, et les universités d'autre part, qui sont chargées de la mise en oeuvre d'une stratégie métier propre à l'enseignement supérieur .

Or, selon les informations recueillies par le rapporteur, l'intervention de plusieurs acteurs en matière de gouvernance immobilière ne serait pas sans susciter des frictions, les périmètres de compétences n'étant pas toujours clairement définis, notamment entre le Mesri et la DIE.

Des ajustements seraient notamment nécessaires pour que le ministère de tutelle et le représentant de l'État propriétaire collaborent en bonne intelligence, notamment à l'échelle régionale. Du reste, l'intervention de la DIE n'est pas toujours perçue de manière positive par les établissements. Ainsi, selon la Conférence des présidents d'université : « beaucoup d'universités ressentent une forme de défiance de la DIE à leur encontre, alors même que la montée en compétence des fonctions immobilières des universités et la marche vers l'autonomie devrait au contraire favoriser l'émergence d'un climat de confiance ».

(2) La formalisation d'un schéma pluriannuel de stratégie immobilière : une avancée indéniable, un exercice encore limité

Les axes de politique immobilière impulsés par la DIE (optimisation et rationalisation de l'occupation et de la gestion du patrimoine immobilier national) et le Mesri (développement des capacités d'enseignement et de recherche) ont ainsi vocation à être conjugués au sein d'un même document, le schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI).

Depuis 2009, les opérateurs sont tenus d'élaborer ce schéma, selon des principes directeurs et un cadre méthodologique défini par la DIE, afin de formaliser leur stratégie immobilière pluriannuelle, en précisant les moyens humains et financiers disponibles pour la mettre en oeuvre .

La DIE et les schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI)

Les principes directeurs de la deuxième vague de SPSI (2017-2022) ont été fixés par la circulaire du Premier ministre n°5888-SG en date du 19 septembre 2016.

Le SPSI doit ainsi comprendre une phase de diagnostic tridimensionnel du parc (bâtimentaire, humain et financier), qui permet ensuite de conduire la production :

- d'une stratégie patrimoniale : identification du parc cible au terme de la segmentation des actifs en « à conserver », « à céder » et en « actifs intermédiaires », et définition d'une perspective d'avenir pour chaque bien ;

- d'une stratégie d'intervention : politique de maintenance et de « gros entretien renouvellement » (GER) sur la durée du SPSI, différenciée en fonction du sort décidé pour chaque actif.

La DIE a mis à disposition des outils d' accompagnement méthodologique pour l'élaboration des SPSI , avec :

- un guide méthodologique d'élaboration à destination des opérateurs ;

- un plan-type de SPSI afin d'homogénéiser les documents produits ;

- un outil informatique de suivi de la validation des SPSI, proposant au ministère de tutelle une grille-type d'examen de chaque SPSI, et une synthèse littérale.

Source : commission des finances, à partir des réponses aux questionnaires

Le SPSI est ensuite validé au terme d'un processus d'analyse impliquant le ministère de tutelle, le contrôleur budgétaire, le préfet et la DIE .

La DGESIP est ainsi chargée d'étudier plus spécifiquement l'articulation entre la stratégie métier (à savoir l'exercice des missions d'enseignement supérieur) et la stratégie immobilière proposée par l'opérateur. À cet égard, les auditions menées par le rapporteur ont montré qu'en dépit du nombre élevé d'opérateurs concernés, la DGESIP exerçait un pilotage actif des SPSI (organisation de la procédure d'avis, information des établissements, relances et points d'avancement) et produisait des analyses de qualité , témoignant d'une connaissance fine des enjeux particuliers à chaque université, ce qu'il convient de saluer.

Les recteurs et les responsables régionaux de la politique immobilière de l'État interviennent également dans le processus de validation du SPSI, au travers de l'avis du préfet. Il appartient enfin à la DIE d'instruire les SPSI des universités, dans le cadre d'une démarche d'analyse de projet. La DIE est ainsi amenée à demander des compléments et des améliorations aux opérateurs, notamment dans le cas où l'application des principes et normes de la politique immobilière de l'État n'apparaît pas clairement à la lecture du document.

Ainsi, la formalisation d'un SPSI présente incontestablement l'intérêt de familiariser les responsables des établissements avec les enjeux immobiliers, en les invitant à mieux connaitre leur patrimoine et à réfléchir à une stratégie immobilière .

Cependant, comme l'a souligné la DIE, ces documents de référence sont de qualité variable : « si la qualité d'analyse est globalement au rendez-vous, force est de constater qu'il persiste de grandes disparités entre établissements, reflet de la disparité des ressources dont ils disposent . »

Les SPSI, par ailleurs, ne permettent pas d'avoir une vision de long terme , puisque leur horizon temporel est de cinq ans. Paradoxalement, alors qu'ils ont vocation à incarner une vision stratégique de la politique immobilière d'un établissement sur le long terme, leur rédaction porte donc uniquement sur des opérations pensées à court et moyen terme.

De surcroît, alors que les SPSI ont pour objet de traduire les projets de formation et de recherche de chaque établissement en besoins techniques et fonctionnels, ils se caractériseraient par une faible articulation avec la stratégie d'enseignement et de recherche de l'établissement , témoignant d'un manque de transversalité dans leur élaboration et d'un fonctionnement des services « en silos » .

Enfin, la mise en oeuvre des SPSI demeurerait tributaire du contexte dans lequel s'inscrit l'établissement (report des échéances de programmes de travaux dont l'université n'a pas la maîtrise, progression des effectifs étudiants, augmentation de la masse salariale), ce qui limiterait la portée réelle de cet exercice.

b) Au sein de chaque université, une fonction immobilière à professionnaliser et un portage politique à accentuer
(1) Une fonction immobilière encore en voie de professionnalisation

L'entretien des bâtiments n'ayant été confié aux universités qu'en 1989, la professionnalisation des services en charge de cette question se poursuit encore aujourd'hui.

Plusieurs initiatives récentes ont été prises à compter notamment de la loi LRU de 2007, pour accompagner et accélérer ce processus. La DGESIP a ainsi mis en place plusieurs types de séminaires afin de sensibiliser les équipes dirigeantes aux problématiques de rationalisation des surfaces et de valorisation du patrimoine .

La DIE a également lancé en 2016 un chantier interministériel de professionnalisation des acteurs immobiliers , dans le cadre duquel sont proposés des cursus de formation organisés en lien avec l'Institut de la gestion publique et du développement économique (IGPDE), avec :

- un premier volet, initié en 2017, relatif à la gestion stratégique d'actifs : fondamentaux de la politique immobilière de l'État, utilisation des systèmes d'information dédiés, analyse financière d'une opération immobilière, valorisation du foncier ;

- un second volet, à compter de septembre 2020, consacré à la thématique de la transition énergétique : cadre réglementaire, leviers d'action, acteurs et gouvernance, méthodologie de mise en place d'un plan d'action d'efficacité énergétique.

En parallèle, la DIE a instauré une procédure de labellisation des projets immobiliers - s'appliquant à l'immobilier de bureau, d'enseignement ou de logement - afin de professionnaliser leur conception et de vérifier leur performance technique, énergétique et financière avant leur inscription dans la programmation budgétaire.

Jusque récemment, cette procédure présentait l'inconvénient de s'additionner aux étapes de validation d'ores et déjà existantes - à savoir une expertise interne du Mesri et une évaluation socio-économique du secrétariat général pour l'investissement (SGPI) si le coût de l'opération dépasse 20 millions d'euros. Afin de faciliter le travail des porteurs de projets et de mieux articuler ces différentes procédures, le Mesri, la DIE et le SGPI ont mené des travaux conjoints, aboutissant à l'été 2020 à la définition d'un dossier unique de validation 19 ( * ) , valant dossier d'expertise, dossier de labellisation et dossier d'évaluation socio-économique, instruit de manière conjointe par l'ingénieur régional de l'équipement (IRE) et le responsable régional de la politique immobilière de l'État (RRPIE).

Dans ce contexte, il est indéniable que progrès significatifs ont été accomplis, comme le souligne la DGESIP : « aujourd'hui, notamment dans les établissements ayant bénéficié du plan Campus et de la dévolution du patrimoine, les équipes mises à disposition pour gérer le patrimoine immobilier universitaire sont montées en compétence ».

Il ressort cependant des auditions menées par le rapporteur que de nombreux opérateurs ne disposent pas d'équipes immobilières suffisamment étoffées pour répondre aux enjeux stratégiques d'un parc universitaire aussi étendu .

Partant, ces équipes seraient essentiellement accaparées par les obligations techniques et réglementaires à satisfaire, ce qui obèrerait leurs capacités à lancer et conduire des projets innovants. En parallèle, ce sous-dimensionnement se traduirait par un manque d'expertise interne sur certains sujets de pointe - comme les nouvelles technologies embarquées, extrêmement techniques et réglementées.

En tout état de cause, les équipes immobilières ne seraient pas toujours en mesure d'élaborer des programmes opérationnels à partir d'objectifs énoncés en termes de stratégie métier (missions d'enseignement supérieur). Il s'agirait également d'un milieu professionnel dans lequel l'attrait du secteur privé est fort , car si les compétences requises y sont similaires, les emplois sont plus rémunérateurs.

Il serait dès lors opportun que les établissements travaillent à la professionnalisation de leurs équipes , par le biais de formations dédiées ou via le recrutement de contractuels sur des thématiques novatrices ou spécialisées, pour lesquelles les compétences ne peuvent s'acquérir facilement en interne : montages immobiliers complexes, économes de flux, etc.

(2) Un niveau de portage politique encore variable selon les universités

Depuis plusieurs années, la prise en compte de l'importance de disposer de locaux fonctionnels et de la responsabilité sociétale afférente à la gestion d'un patrimoine public aussi important ont permis de développer un réel intérêt des équipes présidentielles pour leur parc immobilier. Le passage aux responsabilités et compétences élargies, notamment, a amené les décideurs à s'interroger sur l'opportunité d'une dévolution de patrimoine, tandis que l'augmentation des coûts énergétiques a mis en exergue la nécessité de mieux appréhender les dépenses immobilières.

Dans certain cas, cet intérêt pour les sujets immobiliers s'est traduit par la création d'un poste de vice-président « Patrimoine » , chargé du portage politique de ces sujets.

Cependant, le rôle et l'influence de ce dernier demeurent étroitement dépendants de la volonté politique du président de l'université, ainsi que de sa pérennité . Selon la Chancellerie de Paris, en effet : « il faut au moins deux mandats de président d'université (4 ans chacun) pour pouvoir développer des projets immobiliers qui soient structurants pour leur établissement » 20 ( * ) .

Au demeurant, toutes les universités n'ont pas fait le choix d'un pilotage aussi clairement identifié , les sujets patrimoniaux - essentiellement l'exploitation et la maintenance - étant alors laissés à la charge des directions techniques, sans que des moyens suffisants leur soient toujours alloués, tant en terme de crédits que de personnel.

Comparatif de l'organisation des fonctions immobilières
au sein de l'académie d'Ile de France

Portage politique

Gouvernance

Université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne

Pas de vice-président.

L'immobilier est directement porté par la présidente de l'université.

Un chargé de mission « Patrimoine immobilier et mobilier » coordonne la stratégie immobilière de l'établissement et pilote les dossiers immobiliers.

Il s'appuie sur la direction du patrimoine immobilier et ses services, qui assure la programmation et le montage administratif, technique et économique des projets, ainsi que la mise en oeuvre, l'exploitation et la maintenance.

Université de Paris

Pas de vice-président.

L'immobilier est porté par un directeur général des services adjoint

Le directeur général des services adjoint assure le pilotage des grands investissements, avec la coordination des partenaires y participant.

La direction de l'immobilier est en charge de la réalisation des travaux et de l'exploitation-maintenance dans l'ensemble des bâtiments de l'établissement.

Un groupement de prestataires spécialisés en immobilier fournit un appui ponctuel.

Université Paris-Saclay

Vice-président « Patrimoine »

Le vice-président « Patrimoine » instruit les dossiers politiques et stratégiques pour la présidence, participe au processus décisionnel et constitue l'interlocuteur privilégié du Mesri, du rectorat et des collectivités territoriales.

Université Versailles Saint-Quentin en Yvelines

Pas de vice-président.

L'immobilier est porté par le directeur général des services.

La direction du patrimoine assure les missions de maîtrise d'ouvrage, de maîtrise d'oeuvre et de maintenance du bâti de l'université. Elle contribue à la définition de la politique immobilière, en lien avec la direction de l'université.

Université Paris-Est Créteil

Vice-président « Patrimoine et développement durable »

Le vice-président « Patrimoine et développement durable » est l'interface entre la direction du Patrimoine et l'équipe de direction politique de l'université ; il détermine, en lien avec cette dernière, la politique immobilière de l'établissement ; il constitue l'interlocuteur privilégié des services de l'État et des collectivités territoriales sur les questions de patrimoine.

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire

Enfin, même si le portage politique des projets immobiliers est réel, il se heurte parfois à des résistances en interne . Certains directeurs élus de composants 21 ( * ) (instituts universitaires technologiques ou écoles internes), qui ne sont pas membres de l'équipe présidentielle, peuvent s'opposer à la gouvernance centrale de l'université.

En effet, au terme de l'article 713-9 du code de l'éducation, le directeur de l'institut ou de l'école « est ordonnateur des recettes et des dépenses. Il a autorité sur l'ensemble des personnels », tandis que les instituts et les écoles « disposent, pour tenir compte des exigences de leur développement, de l'autonomie financière ».

Ces prérogatives particulières en matière de gestion budgétaire et de gestion du personnel peuvent constituer un frein significatif à la rationalisation du bâti universitaire et aux impulsions données par la direction centrale de l'université.

3. Une équation financière éminemment complexe

Alors que la qualité de la politique immobilière menée par les établissements dépend étroitement de l'existence de moyens budgétaires stables, la subvention reste actuellement le mode prédominant de financement des opérations, les modes de financement alternatifs étant peu développés.

a) Un budget d'entretien et d'exploitation globalement insuffisant pour enrayer la dégradation du parc immobilier

Selon les informations transmises au rapporteur, les ressources dédiées à l'entretien, l'exploitation et la maintenance des bâtiments, de l'ordre de 407 millions d'euros par an en 2021, se révèlent très nettement inférieures aux besoins identifiés .

Cette enveloppe globale de 400 millions d'euros, intégrée au sein de la subvention pour charges de service public versée aux opérateurs, se décompose comme suit :

- un premier volet de 140 millions d'euros pour la maintenance (le « gros-entretien-renouvellement » - GER), soit une dotation d'environ 9 euros par mètre carré ;

- un second volet de 260 millions d'euros pour la logistique, soit une dotation d'environ 16 euros par mètre carré.

Ces chiffres sont à comparer aux montants aujourd'hui retenus par la DIE, notamment dans le cadre de l'analyse des projets labellisés , et présentés dans le tableau ci-après.

Dépenses de maintenance et logistique

(en euros)

Subvention versée aux universités

Montants retenus par la DIE dans ses analyses

Maintenance - Gros-entretien-renouvellement

9 euros / m²

30 euros / m² pour un bâtiment en état correct

50 euros / m² pour un bâtiment en fin de fin

Logistique - charges de fonctionnement

16 euros / m²

50 euros / m² dans le neuf

80 euros / m² dans l'ancien

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire adressé à la DGESIP

Si les moyens budgétaires alloués par l'État à la maintenance et la logistique du parc immobilier universitaire paraissent donc, dans l'absolu, nettement insuffisants pour assurer un niveau d'entretien correct, la situation est d'autant plus critique que cette enveloppe est restée stable au cours des dernières années, en dépit du retard accumulé et de la pression démographique.

Ainsi, la dotation allouée à la maintenance et la logistique immobilière a diminué de 1 % entre 2013 et 2019 , tandis que dans le même temps, le nombre d'étudiants inscrits à l'université (incluant les IUT) a progressé de plus de 10 %.

Évolution de la dotation budgétaire « maintenance et logistique » et du nombre d'étudiants inscrits à l'université depuis 2013

(en millions d'euros et en millions d'inscrits)

Source : commission des finances, à partir des projets annuels de performance

Ce budget n'est par ailleurs pas sanctuarisé, puisque les crédits de maintenance et de logistique sont intégrés au sein du budget de fonctionnement des opérateurs, sans être fléchés spécifiquement vers les dépenses immobilières ; en pratique, les établissements déterminent donc librement les moyens qu'ils allouent à l'exploitation, l'entretien et la maintenance des locaux qui leurs sont confiés .

Or, étant donné que les dépenses d'entretien des bâtiments, souvent très onéreuses, peuvent être différées d'une année sur l'autre sans entraîner de conséquence visible, la tentation est grande pour les universités d'en faire une variable d'ajustement .

Selon l'outil OAD-ESR, les dépenses de GER des opérateurs s'élèvent ainsi à 171 millions d'euros en 2020, soit 13 euros par mètre carré SUB 22 ( * ) en moyenne. Seuls 22 % des établissements accordent en moyenne plus de 30 euros par mètre carré - le ratio recommandé par la DIE - aux opérations de GER, tandis que 25 % d'entre eux y consacrent moins de 5 euros par mètre carré.

Part des établissements en fonction de la fourchette des dépenses en 2019

(en %)

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire

Or, tout retard pris dans l'entretien de bâtiments peut être lourd de conséquences, accentuant la dégradation des bâtiments et entrainant in fine des travaux de très grande ampleur - associés, dans certains cas, à une indisponibilité partielle ou totale des bâtiments et donc à des dépenses additionnelles de location.

La situation est plus nuancée pour les universités ayant bénéficié de la première vague de dévolution, qui bénéficient d'une dotation destinée à couvrir les coûts prévisionnels de GER (cf. supra ). Cependant, tel n'est pas le cas pour les établissements ayant bénéficié de la seconde vague de dévolution .

Le faible montant des dépenses de maintenance explique donc en partie l'état dégradé d'environ un tiers du parc immobilier universitaire, et le recours nécessaire à des grands rendez-vous (contrats de plan État-régions), ou des opérations ponctuelles (Plan Campus, Plan France Relance) pour le remettre à niveau .

b) Une dépendance marquée aux grands plans d'investissement, peu compatible avec une programmation pluriannuelle efficace

Les universités demeurent très dépendantes des CPER, ainsi que des opérations ponctuelles - comme le Plan Campus - pour le financement de leurs opérations d'investissement.

Dans le CPER 2015 - 2020, sur les 533 opérations inscrites, pour un coût total de 2,9 milliards d'euros, près de la moitié des projets ont ainsi eu pour objet une remise à niveau du patrimoine : 41 % des opérations constituent des restructurations / réhabilitations, 5 % des reconstructions, 3 % des rénovations énergétiques et 1 % des travaux de mise en conformité.

Répartition des opérations inscrites au CPER 2015 - 2020
par nature de travaux

(en %)

Source : commission des finances, à partir des données de la DGESIP

Le plan Campus a également permis de mobiliser, au 31 décembre 2019, environ 2,720 millions d'euros à destination de 21 établissements bénéficiaires , dont 809,7 millions d'euros d'intérêts générés par la dotation non consomptible.

Bilan des financements alloués dans le cadre du Plan Campus

(en millions d'euros)

Source : DGESIP

Enfin, le Plan France Relance consacre une enveloppe budgétaire de 4 milliards d'euros en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments publics sur deux ans, dont 2,7 milliards d'euros pour les bâtiments de l'État et de l'enseignement supérieur et de la recherche , 300 millions d'euros pour les régions et 1 milliard d'euros pour les collectivités locales du bloc communal.

Pour l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation, 1 054 projets ont à ce stade été sélectionnés pour un total de 1,3 milliard d'euros, dont 957 projets à hauteur de 1,2 milliard d'euros pour le Mesri .

Répartition des crédits du plan de relance consacrés à la rénovation énergétique des bâtiments publics

(en milliards d'euros)

Nombre de projets

Dotation financière

Total

/

4,0

Dont bâtiments de l'État

4 214

2,7

Dont enseignement supérieur, recherche et innovation

1 054

1,3

Dont Mesri

957

1,2

Source : commission des finances, à partir des données de la DGESIP

En pratique, près de 70 % des opérations retenues concernent les grands établissements ou les universités, pour un total de 814,3 millions d'euros , les 30 % restant étant fléchés vers les Centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) et les bâtiments dédiés aux activités de recherche.

Répartition des projets du Mesri par typologie d'établissement

(en euros)

Nombre de projets

Dotation financière

% nombre projets

% dotation financière

CROUS

140

254, 2

14,6 %

21,0 %

Recherche

144

142,0

15,0 %

11,7 %

Grands établissements, grandes écoles, écoles d'ingénieur

112

101,1

11,7 %

8,3 %

Universités

561

713,2

58,6 %

58,9 %

Total Mesri

957

1 210,6

100 %

100 %

Source : commission des finances, à partir des données de la DGESIP

Si ces financements ponctuels sont évidemment bienvenus, il ressort des auditions menées par le rapporteur qu'ils demeurent « non seulement insuffisants pour enrayer la dégradation constante du parc [...] mais également inadaptés dans leur temporalité pour répondre à des enjeux de long terme » 23 ( * ) .

En effet, si le vaste programme de rénovation du patrimoine universitaire prévu par l'opération Campus devrait indéniablement améliorer l'état du parc, son impact se limite à 15 % des surfaces totales des 21 universités concernées, dont 40,8 % étaient en état moyen ou dégradé .

Par ailleurs, le besoin global d'investissement dans l'immobilier universitaire est actuellement estimé à environ 7 milliards d'euros 24 ( * ) , soit un chiffre bien au-delà des dotations cumulées au titre du plan France Relance (814,3 millions d'euros) et des CPER 2021 - 2027 (3 milliards d'euros en incluant la contribution des collectivités territoriales) 25 ( * ) . Ainsi, le besoin résiduel de financement pour rénover les établissements publics d'enseignement supérieur serait de l'ordre de 3 milliards d'euros.

De surcroît, ces financements ponctuels sont peu compatibles avec une planification pluriannuelle des investissements.

Ainsi, l'inscription au titre des CPER est loin d'être automatique et fait l'objet d'une procédure de longue haleine ; les universités manquent donc de visibilité quant aux ressources dont elles disposeront à moyen terme, ce qui rend difficile l'établissement d'une programmation pluriannuelle.

Les établissements se heurtent également à l'absence de fongibilité entre les financements qui leurs sont alloués au titre du CPER . Le redéploiement de crédits non-utilisés doit être autorisé au terme d'une procédure complexe, faisant intervenir plusieurs acteurs, si bien que certaines opérations sont retardées, faute de pouvoir y affecter rapidement des crédits pourtant disponibles.

S'agissant du plan France Relance, force est de constater qu'il s'inscrit dans un calendrier de mise en oeuvre particulièrement contraint - notification des marchés de travaux au plus tard le 31 décembre 2021 et date limite de livraison des chantiers en 2023, voire 2024 pour les projets les plus complexes - ne permettant pas la réalisation d'opérations structurelles de rénovation, sauf si elles ont déjà été programmées (cf. infra ).

In fine , la temporalité des politiques publiques - environ 10 ans entre la décision de financer un projet et sa livraison - se heurte à celle, nettement plus courte, des financements publics ponctuels (France Relance) ou récurrents (CPER).

Dans ce contexte, la recherche de nouvelles sources de financement s'impose comme un prérequis indispensable à la mise en place d'une programmation pluriannuelle des investissements et donc, à celle d'une stratégie immobilière soutenable d'un point de vue économique .

c) Emprunt, cessions, valorisation : des sources de financement alternatives encore peu développées
(1) Le recours à l'emprunt : une voie quasiment fermée

Depuis 2010, le recours à l'emprunt est interdit pour les organismes divers d'administration centrale (ODAC) dont font partie les établissements d'enseignement supérieur . S'il existe deux dérogations à cette interdiction, à savoir la possibilité d'emprunter auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui n'est pas un établissement de crédit, et auprès de la Banque européenne d'investissement (BEI), les conditions d'accès à l'emprunt sont très encadrées, si bien que peu d'établissements les remplissent.

Ce cadre juridique particulièrement contraignant accentue la dépendance des établissements aux financements publics ponctuels et récurrents pour répondre à leurs besoins d'investissements immobiliers et mener des opérations de rénovation lourde.

(2) Les cessions : des produits limités pour les établissements

Les biens appartenant à l'État, mais devenus inutiles à l'activité des établissements, peuvent être cédés, après déclaration d'inutilité votée par le conseil d'administration de ces derniers et éventuellement déclassement du domaine public de l'État décidé par le ministère.

Les établissements d'enseignement supérieur peuvent bénéficier d'une partie du produit de cession des biens domaniaux qu'ils libèrent .

En pratique, ces produits sont fléchés sur le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », géré par la DIE ; le ministère de tutelle (en l'occurrence, le Mesri) se voit doter d'une partie de ces produits, qu'il peut rétrocéder à l'opérateur, en fonction de ses besoins immobiliers.

Si le taux de retour au ministère de tutelle est désormais stabilisé autour de 50 %, il a souvent fluctué au cours des dernières années, entrainant pour les opérateurs un manque de visibilité fortement préjudiciable sur leur capacité à percevoir une partie des produits de cession.

Par ailleurs, au terme de l'article L. 719-14 du code de l'éducation, les opérateurs du Mesri bénéficient d'un régime dérogatoire avec un taux de retour à 100 % sur les produits de cession :

- des biens affectés ou mis à disposition des universités qui ont demandé à bénéficier de la dévolution de leur patrimoine immobilier. Ce retour à 100 % est effectif dès la signature de la décision de transfert par le Mesri et le ministre en charge du domaine ;

- de la part des biens immobiliers affectés ou mis à disposition d'établissements publics exerçant des missions d'enseignement supérieur ou de recherche qui contribuent au financement de projets immobiliers situés dans le périmètre du plateau de Saclay.

Certaines opérations de cession peuvent donc se révéler avantageuses pour les établissements. Néanmoins, dans un contexte marqué par une forte pression démographique, les établissements sont peu incités à céder les biens dont ils disposent - le taux d'occupation dépassant les 100 %, par exemple, sur certains sites parisiens.

Par ailleurs, les opérations de cession sont rarement très intéressantes sur le plan financier , les biens cédés étant souvent vétustes ou excentrés.

Produits des cessions réalisées entre 2010 et 2020

(en millions d'euros)

Nombre de cessions

Montant des cessions

Retour des produits pour le Mesri

Taux de retour (en %)

2010

13

3,9

2,6

66,7%

2011

5

2,7

1,7

63,0%

2012

10

7,7

4,5

58,4%

2013

12

9,6

4,9

51,0%

2014

12

1,2

1

83,3%

2015

15

6,4

2,7

42,2%

2016

15

9,4

5,5

58,5%

2017

14

108,7

97,1 26 ( * )

89,3%

2018

12

10,6

5,1

48,1%

2019

13

42,6

35,8

84,0%

2020

8

18,1

10,5

58,0 %

Total

129

220,9

171,4

77,0 %

Source : commission des finances, à partir des données de la DGESIP

Entre 2010 et 2020, les 129 cessions de bâtiments mis à disposition de l'enseignement supérieur ont généré un produit de 220,9 millions d'euros , dont 171,4 millions d'euros pour le Mesri. Les recettes moyennes associées à la vente d'un bâtiment s'élèvent donc à 1,3 million d'euros au cours des dernières années, faisant des cessions une source de financement marginale pour les opérateurs du Mesri.

(3) La valorisation : un cadre juridique récemment assoupli, mais une montée en puissance encore lente

Dans ce contexte, il devient crucial pour les opérateurs de développer leurs ressources propres pour renforcer leur assise financière . Plusieurs leviers sont à leur disposition : développement de partenariats, collecte de la taxe d'apprentissage, ou encore valorisation du patrimoine immobilier.

Pour le rapporteur, la valorisation constitue un axe de développement très vertueux , permettant aux établissements de faire évoluer leur modèle économique et de dégager davantage de ressources propres, tout en tirant le meilleur parti de leur patrimoine et en renforçant leur attractivité et leur ouverture.

Les possibilités ouvertes aux universités dans ce domaine demeuraient cependant très limitées jusque récemment , l'action des établissements publics étant circonscrite au périmètre de leurs missions eu égard au principe de spécialité auquel ils sont soumis. Les établissements pouvaient donc tirer marginalement des revenus de la location de locaux ou de terrains à des tiers.

Dans ce contexte, l'article L. 2341-2 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P), introduit par l'article 154 de la loi de finances pour 2018 27 ( * ) a étendu le principe de spécialité des établissements publics d'enseignement supérieur à la gestion et à la valorisation de leur patrimoine immobilier . En pratique, cette disposition a ouvert le champ des activités envisageables sur le domaine de l'État, et autorisé la structuration professionnelle de l'activité de valorisation, qui peut désormais être confiée à un service spécialisé, à une filiale ou à un groupement.

Ces derniers peuvent désormais valoriser les biens immobiliers dont ils sont propriétaires ou qui sont mis à leur disposition par l'État, en recueillir les fruits et délivrer le cas échéant des titres constitutifs de droits réels dont ils fixent les conditions financières. Le nouvel article L. 2341-2 du CG3P ouvre également aux établissements d'enseignement supérieur la possibilité de confier ces services de valorisation à différentes structures juridiques (filiale, fondation, etc.)

L'assouplissement du cadre juridique applicable permet donc désormais aux établissements de développer une véritable stratégie de valorisation de leur patrimoine , même sans lien immédiat avec les missions de l'enseignement supérieur.

Si ces évolutions sont bienvenues, elles sont encore trop récentes pour que le rapporteur puisse en mesurer l'impact sur la stratégie immobilière des universités . Au demeurant, de nombreux freins subsistent à la valorisation, par les universités, de leur patrimoine immobilier .

En premier lieu, étant donné la spécificité fonctionnelle des locaux universitaires, qui ne se révèlent pas toujours adaptés aux multi-usages, les possibilités de valorisation sont limitées . Le bâti universitaire se prête essentiellement à certaines manifestations évènementielles ponctuelles (colloques, conférences, tournages de film, défilés, expositions) peu susceptibles de procurer des revenus élevés.

Par ailleurs, le potentiel de valorisation dépend étroitement de la situation géographique des bâtiments ainsi que de leur état général . Comme l'a souligné l'Université Paris-Est-Créteil : « un bâtiment du XIX ème siècle en plein Paris sera assurément plus valorisable qu'un local amianté des années 1970 excentré ».

La valorisation immobilière nécessite également une expertise technique (établissement de grilles tarifaires en cohérence avec le marché privé local, mise en place de moyens humains adaptés pour piloter les opérations) et une ingénierie complexe sur le plan juridique et financier, dont les universités ne disposent pas toujours

Le faible succès de l'action « Sociétés universitaires et de recherche » (SUR) du troisième Programme d'investissements d'avenir (PIA 3) est à cet égard particulièrement emblématique.

L'action « Sociétés universitaires et de recherche » (SUR)

Les SUR avaient pour objectif de concevoir, déployer et gérer toute une typologie d'activités afin d'ouvrir les universités sur leur environnement socio-économique et de diversifier leurs compétences :

- valorisation des actifs immobiliers par la mise à disposition de foncier ou de bâtiments à des tiers susceptibles de répondre aux besoins de la communauté universitaire ou désireux de bénéficier d'un effet cluster et de l'accès à des équipements scientifiques existants ou en projets ;

- mise en oeuvre de la transition énergétique grâce à l'optimisation du parc existant, à des travaux de rénovation, à la production d'énergie et le cas échéant sa revente au réseau ;

- développement d'activités rentables, offrant un retour sur investissement significatif, et porteuses à ce titre d'une transformation majeure de la gestion des actifs immobiliers universitaires.

Source : commission des finances, à partir du questionnaire adressé à la DGESIP

Ainsi, l'appel à manifestation doté de 400 millions d'euros lancé le 23 mars 2018 a rencontré un très faible succès, puisque seuls deux établissements y ont répondu - ce qui a entrainé la mise en extinction progressive de cette action.

Dans ce contexte, les recettes associées aux opérations de valorisation réalisées par les universités demeurent ponctuelles et/ou limitées .

4. Un cadre juridique particulièrement rigide et contraignant

Lors de ses déplacements, il a été indiqué au rapporteur que les instruments contractuels à disposition des universités demeuraient caractérisés par une forte rigidité.

Ainsi, les outils contractuels de droit commun permettant des coopérations locales (filiale, prise de participation, fondations ou groupements) semblent relativement inadaptés pour créer des structures partenariales de long terme avec une gouvernance partagée entre acteurs locaux . En effet, les montages juridiques et les règles relatives à la constitution du capital sont complexes ; en parallèle, certaines structures sont dans l'impossibilité de recourir à l'emprunt car elles sont contrôlées par des établissements d'enseignement supérieur.

Par ailleurs, de nombreux établissements ont déploré la faible souplesse offerte par les règles de la commande publique . Les diverses obligations procédurales (mise en concurrence, publicité, consultations publiques) se traduisent en effet par un allongement significatif des délais , retardant de manière significative la réalisation des opérations immobilières.

Ces délais supplémentaires entrainent des réactions en chaine : les chantiers sont reportés, certaines entreprises ne sont plus à même d'honorer leurs engagements, etc. M. Guillaume Gellé, président de l'université de Reims, a ainsi indiqué au rapporteur que certains des projets immobiliers initiés en 2016 ne pourraient pas être livrés avant 2023, voire 2024.

Procédures de passation des marchés publics

Un marché public est soumis à des principes fixés par la législation : liberté d'accès à la commande publique, égalité de traitement des candidats, transparence. L'acheteur doit se conformer à des procédures différentes en fonction de la valeur estimée de la commande et de la nature du marché (travaux, fourniture ou services).

Les marchés sont ainsi passés selon l'une des possibilités suivantes :

- soit sans publicité ni mise en concurrence préalables (marché de gré à gré), si le montant est inférieur à 40 000 euros depuis le 1 er janvier 2020 ;

- soit selon une procédure adaptée ;

- soit selon une procédure formalisée (appel d'offres, procédure avec négociation, dialogue compétitif), à partir de 139 000 euros pour les marchés de fournitures et services à destination de l'État et ses établissements publics et 5 350 000 euros pour les marchés de travaux.

Le décret n° 2018-1225 du 24 décembre 2018, dit « décret de Noël » a par ailleurs lancé l'expérimentation « achat public innovant », permettant aux acheteurs publics de passer des marchés sans publicité ni mise en concurrence préalable, en dessous de 100 000 euros, à condition que les fournitures, services ou travaux concernés soient innovants.

Source : commission des finances, à partir du site internet marchés publics

Dans ce contexte, l'intérêt pour les marchés innovants est réel - même si le seuil de 100 000 euros fixé pour ces derniers demeure relativement faible.

Le recours aux marchés publics se traduit également, pour les universités, par des incertitudes significatives concernant le coût final des opérations immobilières .

En effet, les règles de la commande publique limitent la capacité des opérateurs à négocier avec leurs prestataires, ce qui leur est souvent préjudiciable.

À cet égard, plusieurs opérateurs ont fait part de leur intérêt pour les marchés globaux, dans le cadre duquel les gestionnaires universitaires maitrisent davantage le coût et le calendrier d'exécution - le prestataire s'engageant de manière contractuelle sur un budget et planning.

Les marchés globaux

Les marchés globaux sont des marchés passés en un lot unique et dérogeant ainsi au principe d'allotissement. Le code de la commande publique distingue trois types : les marchés de conception-réalisation, les marchés globaux de performance et les marchés globaux sectoriels.

Les marchés publics de conception-réalisation permettent à l'acheteur de confier à un opérateur économique une mission portant à la fois sur l'établissement des études et l'exécution des travaux.

Les marchés globaux de performance permettent aux acheteurs d'associer l'exploitation ou la maintenance à la réalisation ou à la conception-réalisation de prestations afin de remplir des objectifs chiffrés de performance. Les objectifs sont définis notamment en termes de niveau d'activité, de qualité de service, d'efficacité énergétique ou d'incidence écologique.

Enfin, les marchés globaux sectoriels sont des marchés pour lesquels les acheteurs peuvent confier à un seul opérateur économique une mission globale portant sur la conception, la construction, l'aménagement d'immeubles ou d'infrastructures affectés à des services publics sectoriels (santé, défense, établissements pénitentiaires, centres de rétention) avec ou sans l'entretien et la maintenance.

Source : site internet marchés publics

Pour le rapporteur, il importe que cadre juridique applicable aux opérations immobilières n'entrave pas les efforts des établissements, a fortiori quand ces derniers visent à rationaliser le parc immobilier.

C. LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE DES BÂTIMENTS UNIVERSITAIRES : UN IMPÉRATIF QUI PEINE À S'IMPOSER

1. Une implication encore inégale des universités, révélatrice des difficultés de gestion identifiées

Les auditions et déplacements réalisés par le rapporteur ont mis en exergue une grande disparité dans l'implication des universités en matière de transition énergétique .

Certains établissements, comme l'Université de Poitiers, ont ainsi été pionniers dans la prise en compte des impératifs écologiques et énergétiques . La direction de l'Université de Poitiers a ainsi décidé dès 2012, concomitamment à la signature de l'accord de dévolution, de faire du campus de Poitiers un éco-campus et de créer un poste de vice-président dédié au patrimoine et à l'environnement. L'Université de Poitiers s'est par la suite dotée d'un schéma directeur de développement durable, et a été l'une des deux premières universités à obtenir le label Développement durable et responsabilité sociétale.

Dans ce contexte, l'Université de Poitiers se situe désormais très en avance sur les objectifs fixés par l'État, que ce soit en termes de développement durable ou d'énergies renouvelables, ou encore s'agissant de la conformité au décret tertiaire.

Tel n'est cependant pas le cas de la grande majorité des établissements, si bien que le sujet de la transition énergétique se révèle particulièrement emblématique des difficultés de gestion auxquelles se heurtent les universités. Tous les obstacles identifiés précédemment (mauvaise connaissance du patrimoine, carences dans la gouvernance, freins budgétaires et juridiques) s'y conjuguent pour empêcher un véritable changement de paradigme en la matière .

En premier lieu, les universités n'ont pas toutes la même connaissance de la situation énergétique de leur patrimoine et peinent à identifier les pistes d'amélioration. Ainsi, selon l'outil OAD-ESR, seuls 53 % des établissements déclarent s'être dotés d'un outil de suivi des fluides .

L'Université Paris 1 a ainsi indiqué que : « la situation énergétique du patrimoine de l'université peut être globalement améliorée et des démarches de performance énergétique sont lancées. Cependant, elles requièrent une meilleure connaissance des consommations ».

Si le premier frein à la réalisation d'économie d'énergie réside donc dans la mesure fine des consommations au niveau de chaque site, de nombreuses universités évoquent également des obstacles budgétaires.

Le cas du campus de Villetaneuse, de l'Université Sorbonne Paris Nord, est à cet égard particulièrement emblématique : la démarche de schéma directeur d'énergie engagée en 2018 a conclu à un taux de 84 % du parc immobilier inadapté aux activités d'enseignement et 86 % des bâtiments nécessitant des interventions, notamment en termes de rénovation énergétique. Ainsi, 28 % des bâtiments concentrent 48 % des consommations énergétiques, tandis que 50 % des immeubles sont classés en étiquette énergétique de classe D, E ou F. Si donc les besoins ont été correctement identifiés, les décisions d'investissement n'ont pu, à ce stade, être confirmées, l'université ne disposant pas de moyens suffisants pour mener à bien ces opérations .

En effet, la transition énergétique repose essentiellement sur trois types d'actions : évolution des usages, amélioration des équipements techniques et enfin mise à niveau de l'enveloppe du bâti.

Les coûts afférents à l'évolution des usages et à l'amélioration des équipements techniques peuvent être maitrisés et donc pris en charge par les établissements au fil des ans : actions de sensibilisation et d'apprentissage des éco-gestes, remplacement des appareils d'éclairage par des appareils à Leds, remplacement des interrupteurs par des détecteurs de présence permettant le fonctionnement de luminaires uniquement lorsque c'est nécessaire, installation de capteurs dans les salles de grands volumes pour surveiller les consommations d'énergie et de fluide, etc.

Néanmoins, dans la plupart des cas, ces initiatives ne peuvent se substituer à des travaux portant sur le bâti : remplacement des menuiseries, reprise des murs, réfection des toitures, etc.

Or, ces derniers se caractérisent par un coût très élevé, une visibilité très relative, ainsi que des dépenses annexes significatives (désamiantage dans certains cas, fermeture d'espaces nécessitant la location de locaux durant les travaux, etc.) Le retour sur investissement de ces travaux est souvent particulièrement long, et peut parfois se révéler décevant, puisque l'évolution des usages impose désormais l'installation d'équipements informatiques particulièrement énergivores dans les nouveaux bâtiments.

Dans la mesure où les équipes qui initient ces travaux n'en bénéficieront donc pas nécessairement d'un point de vue politique, pour des raisons liées à la temporalité des retours sur investissement et à la nature des opérations, la communauté universitaire élue n'y est pas toujours favorable. En parallèle, les responsables des services supports (patrimoine, technique, financier, ressources humaines) ne sont pas toujours suffisamment sensibilisés aux enjeux climatiques et énergétiques. In fine , les discussions aboutissent donc souvent à la mise en oeuvre de travaux d'ampleur limitée, avec un faible rendu thermique (reprise des murs ou de la toiture, mais pas des huisseries par exemple).

Dans ce contexte, force est de constater que les projets ambitieux de rénovation thermique ne peuvent s'effectuer qu'au gré de projets plus larges , bénéficiant d'un soutien public important . Comme l'a souligné l'université Paris 1 : « le montant souvent élevé de ce type d'opérations fait que ces actions ne peuvent être intégralement réalisées sur fonds propres de l'université » et sont donc soumis dans le cadre du CPER.

Par ailleurs, l'Université de technologie de Troyes a signalé que souvent, les établissements d'enseignement supérieur ne disposaient pas d'un personnel technique apte à suivre des projets innovants en matières énergétique ; la réalisation de ces projets, ainsi que leur exploitation à court terme implique donc la plupart du temps le recrutement d'un ingénieur, voire la création d'un poste pérenne . Ainsi, le coût budgétaire total de l'opération est souvent plus élevé que prévu, et doit en tout état de cause inclure des dépenses de fonctionnement supplémentaires.

Enfin, les établissements se heurtent aussi, pour certains, à des obstacles d'ordre réglementaire (protection des monuments historiques, paysage urbain, sécurité) et administratif (complexité des processus de décision impliquant une grande diversité d'acteurs).

2. Une impulsion nationale encore récente, témoignant d'une prise de conscience tardive

Si la stratégie immobilière relève de la responsabilité de chaque université, elle s'inscrit dans le cadre d'une impulsion donnée par le ministère de tutelle et la DIE - notamment par le biais des avis formulés sur les SPSI de chaque établissement, qui comprennent désormais un volet dédié à la transition énergétique.

a) Un effort de formation indéniable

Cette impulsion prend en premier lieu la forme d'actions en faveur de la formation des gestionnaires immobiliers.

À titre d'exemple, s'agissant de la réduction des consommations de fluides, la DGESIP co-anime le réseau des économes de flux de l'enseignement supérieur, créé en 2015 et porté par l'Agence de mutualisation des universités et des établissements (AMUE) .

Fort d'une soixantaine de membres, ce réseau organise des échanges entre les économes de flux sur des thématiques communes , par le biais de rencontres sous forme d'ateliers interactifs, de mise à disposition de fiches partagées et, à compter de 2021, d'une plateforme collaborative. La DGESIP et l'AMUE proposent, dans ce contexte, des actions d'accompagnement et de formation.

La DGESIP finance également la participation de certains établissements au Concours Usages Bâtiment Efficace (« CUBE ») , organisé par l'Institut français pour la performance du bâtiment (IFPB). Portant sur un bâtiment spécifique, le concours vise à réduire la consommation énergétique par rapport à une situation de référence, en travaillant sur les usages des occupants et le pilotage des équipements. Selon les informations communiquées au rapporteur, lors des cinq dernières éditions, les bâtiments de l'enseignement supérieur engagés dans la démarche ont atteint une réduction moyenne de leur consommation de près de 12 % en un an.

En parallèle, la DIE a prescrit à l'ensemble des ministères et des opérateurs 28 ( * ) la mise en place d'une organisation transverse dédiée au management de l'énergie , constituée d'un réseau d'acteurs impliqués dans la performance énergétique du parc immobilier et pilotée par un « energy manager », ce dernier pouvant bénéficier d'une formation spécifique organisée par la DIE.

En septembre 2020, la DIE a également mis à disposition des opérateurs un outil de suivi des fluides interministériels (OSFi), proposant des fonctionnalités de collecte, de vérification et de traitement des factures de fluides. Cette application permettra d'analyser les consommations des différents bâtiments, mais également de détecter les gisements de performance et de suivre la mise en oeuvre de plans d'action (optimisation des contrats, contrôle des factures, mise en place de dispositifs de régulation, etc).

Ainsi, à la date du 16 mars 2021, 18 opérateurs ont souscrit à l'OSFi, donc 6 universités 29 ( * ) . Partant, la connaissance qu'ont les universités de leur consommation de fluides pourrait s'améliorer dans les mois à venir .

b) Les prémices d'une orientation des financements publics vers la transition énergétique

Les pouvoirs publics ont récemment mis en place un certain nombre d'incitations financières en faveur de la rénovation énergétique.

Ainsi, la nouvelle vague de CPER (2021-2017) devrait donner la priorité aux opérations de rénovation, notamment à visée d'efficacité énergétique , alors que jusqu'à présent, les objectifs stratégiques définis par l'État dans les mandats de négociation des préfets de région pour les CPER privilégiaient les constructions neuves.

La DIE a également lancé en mars 2020 un programme intitulé « Travaux immobiliers à gains rapides énergétiques » (TIGRE), comportant un appel à projets pour financer des actions à faible investissement et temps de retour sur investissement rapide («quick wins ») . Les opérateurs auditionnés ont cependant souligné que ce programme était chichement doté, et donc peu à même d'entrainer un changement de paradigme.

Le programme « TIGRE »

Ce programme vise à déployer des dispositifs de réduction de la consommation énergétique.

Plus de 700 projets ont été présentés par les établissements publics d'enseignement supérieur pour un total de 41 millions d'euros, avec l'aide du MESRI et l'analyse des Ingénieurs Régionaux de l'Équipement (IRE) des rectorats.

Au total, 366 projets lauréats ont été retenus, pour un financement total de 13 millions (soit 39 % du total du programme), dont 3 millions d'euros dans le cadre de la phase 1 du programme TIGRE et 10 millions d'euros dans le cadre de la phase 2, financée dans le cadre du plan de relance.

Ces projets permettront une économie de plus de 41 000 MWh/an, et une réduction des émissions de gaz à effet de serre de près de 6000 TCO2eq/an.

Source : DIE

Enfin, le plan France Relance s'est fixé comme objectif de jouer un rôle d'accélérateur dans les travaux de rénovation énergétique initiés par les universités.

Les projets financés, qui concernent donc aussi bien la rénovation du bâti que les équipements et l'exploitation, devraient permettre des économies d'énergie de l'ordre de 320 gigawattheure par an , soit 6 % des consommations énergétiques annuelles estimées.

Répartition des projets financés dans le cadre du plan de relance

(en %)

Source : commission des finances, à partir des données de la DIE

L'impact de ce plan est particulièrement significatif dans certains territoires. Ainsi, en Ile-de-France, les projets retenus devraient permettre un gain énergétique de l'ordre de 26 % des dépenses actuelles, pour un coût total de 224 millions d'euros.

Néanmoins, le plan France Relance constitue un effort ponctuel, et ne s'inscrit pas dans une vision pérenne et à long terme . Partant, les projets proposés par les universités doivent porter sur de la rénovation à court terme, ce qui exclut de facto une part considérable des opérations envisageables et ne permet pas de déployer une véritable stratégie.

Sa mise en oeuvre dans des délais contraints nécessite par ailleurs une forte mobilisation des services , afin de réaliser un maximum de dépenses à très courte échéance. Le plan pourrait donc se révéler contreproductif si les bénéfices ne sont pas à la hauteur de l'investissement humain.

Enfin, dans la mesure où il implique de monter très rapidement des projets complexes, le plan France Relance profite essentiellement aux universités les plus agiles ou à celles qui sont déjà fortement mobilisées sur le sujet - pas nécessairement aux établissements qui en ont le plus besoin.

Dans ce contexte, s'il convient de saluer les initiatives qui ont été prises en matière de transition énergétique au cours des dernières années, force est toutefois de constater qu'elles demeurent limitées et que leur impact reste marginal tant d'un point de vue financier que temporel.

II. ACCÉLÉRER LES RÉFORMES À COURT TERME, CHANGER DE PARADIGME À PLUS LONG TERME

A. À COURT TERME, UN CERTAIN NOMBRE DE PROGRÈS À RÉALISER, DANS LA CONTINUITÉ DES EFFORTS DÉJÀ ENGAGÉS

1. Affiner la connaissance qu'ont les universités de leur patrimoine immobilier : un prérequis indispensable à tout effort de rationalisation

Les travaux du rapporteur ont mis en évidence la nécessité, pour chaque université, de disposer d'éléments plus fiables concernant son parc immobilier, qu'il s'agisse de données relatives :

- à l'état général du bâti : degré de vétusté, coût moyen du gros-entretien-renouvellement ;

- à l'exploitation du bâti : taux d'occupation en fonction des plages horaires et des périodes de l'année, mais aussi des différents types de locaux ;

- et enfin aux coûts afférents à cette exploitation : consommation énergétique (chauffage, fluides) et taux d'occupation, en fonction des plages horaires et des périodes de l'année, mais également frais de gardiennage, etc.

- aux coûts d'entretien et de maintenance :

En effet, une connaissance fine de l'état du patrimoine s'avère indispensable pour planifier les investissements à moyen et long terme, donc inscrire la gestion immobilière dans le cadre d'une stratégie soutenable économiquement. Il importe également que les établissements disposent d'informations détaillées quant à l'usage qui est fait de leurs locaux tout au long de l'année afin de pouvoir rationaliser les implantations et optimiser les surfaces existantes.

A l'heure actuelle, les établissements sont invités à renseigner à champ très large de données dans l'outil RT-ESR mis à leur disposition par la DIE. Néanmoins, la collecte et le traitement de certaines de ces données nécessite de mobiliser des moyens humains conséquents, tout en investissant dans des équipements techniques spécifiques, si bien que certaines universités renoncent à entreprendre la démarche.

Dans ce contexte, le rapporteur serait favorable à un effort de rationalisation des indicateurs demandés, permettant de constituer une base de données plus restreinte mais également plus qualitative. Les établissements seraient de la sorte incités à s'investir davantage dans la fiabilisation de quelques données immobilières centrales, dont le nombre pourrait ensuite être progressivement revu à la hausse. En parallèle, les universités qui le souhaitent pourraient opter pour un périmètre élargi d'indicateurs.

Recommandation n° 1 : recentrer le champ des données collectées auprès des établissements sur quelques indicateurs clés, afin de disposer d'une base plus fiable et donc plus exploitable.

Par ailleurs, la recherche d'un degré plus élevé de fiabilité et de complétude va de pair avec des efforts pour former les gestionnaires du patrimoine à l'utilisation des outils de suivi informatique (notamment les logiciels RT et OAD-ESR). Si le Mesri conduit d'ores et déjà des formations de ce type, ces dernières pourraient être généralisées. La DIE anime également un club des utilisateurs de ces outils, mais ce dernier se réunit peu fréquemment ; la fédération d'une communauté de techniciens sur ces sujets constituerait une avancée majeure.

Enfin, certaines universités se sont dotées de leurs propres logiciels de gestion immobilière, sans qu'il leur soit possible d'exporter directement les données au sein du logiciel RT-ESR déployé par la DIE. L'interopérabilité des systèmes d'exploitation, quand elle n'est pas déjà assurée, semble indispensable pour garantir une connaissance plus fine et partagée du parc immobilier universitaire .

Recommandation n° 2 : faciliter les échanges de données entre les différents systèmes d'exploitation.

2. Professionnaliser et renforcer la gouvernance immobilière

Plus largement, la professionnalisation des équipes immobilières doit s'accélérer ; elle constitue un prérequis à la conception et la réalisation de montages juridiques et financiers complexes. Mme Virginie Laval, présidente de l'Université de Poitiers, a ainsi indiqué que le recrutement de profils techniques auprès des services de l'État s'est révélé absolument primordial dans le succès de l'opération de dévolution patrimoniale.

Il importe donc que les universités soient en mesure de recruter des compétences adaptées et diversifiées . Le régime indemnitaire dans les établissements d'enseignement supérieur demeurant peu attractif, il incombe aux universités de faire venir les talents par d'autres biais, par exemple en garantissant de réelles perspectives d'évolution, ainsi qu'une capacité d'action concrète, gage d'épanouissement professionnel.

Les auditions ont également montré l'importance d'une communication interne suffisamment développée pour aborder de manière transversale les problématiques propres à l'immobilier universitaire . A cet égard, force est de constater la plus-value que constitue, dans certaines universités, l'existence d'un vice-président en charge du patrimoine, à même de porter politiquement les sujets immobiliers. Il serait intéressant, dans ce contexte, d'augmenter la part des universités dotées d'une telle gouvernance.

Recommandation n° 3 : augmenter la part des universités qui disposent d'un vice-président en charge du patrimoine et de la transition écologique, chargé de faciliter la communication interne sur ces sujets et de porter politiquement les projets les plus ambitieux.

Enfin, le rapporteur relève qu'il existe actuellement en Ile-de-France un opérateur métier compétent en matière de gestion patrimoniale, à savoir l'Établissement public d'aménagement universitaire de la région d'Ile-de-France (EPAURIF).

Cet établissement public est chargé d'assister les établissements publics dans la mise en oeuvre de leur stratégie immobilière pluriannuelle ; il est également à même de réaliser des études ou des analyses préalables relatives aux documents de stratégie immobilière, aux investissements immobiliers et peut assurer la réalisation de tout ou partie des missions de maîtrise d'ouvrage.

Étant donné le degré élevé d'expertise de l'EPAURIF, il pourrait être opportun d'élargir au niveau national son périmètre géographique de compétence, afin de permettre à tous les établissements de disposer d'un opérateur métier compétent pour optimiser la gestion de leur patrimoine .

Recommandation n° 4 : élargir au niveau national le périmètre de compétence de l'EPAURIF.

3. Garantir un pilotage pluriannuel des ressources et des dépenses en matière immobilière

Un des premiers freins à une gestion immobilière optimisée étant d'ordre budgétaire, il parait indispensable que les universités puissent disposer de davantage de visibilité, à court, moyen et long terme quant :

- aux ressources dont elles disposent pour entretenir leur patrimoine d'une part ;

- aux dépenses à programmer d'autre part.

Il importe à court terme, que les crédits consacrés à l'entretien des bâtiments ne servent pas de variable d'ajustement du budget des établissements . Pour ce faire, un budget annexe immobilier (BAIM) pourrait être instauré de manière systématique, comme c'est déjà le cas pour les universités ayant bénéficié de la dévolution du patrimoine - cette faculté étant également ouverte, de manière optionnelle, aux autres établissements.

La constitution d'un tel budget annexe permettrait d'identifier clairement à l'intérieur du budget de chaque université les moyens attribués annuellement à l'entretien du patrimoine immobilier, donc in fine de sanctuariser ces crédits .

Recommandation n° 5 : rendre obligatoire la constitution d'un budget annexe immobilier pour l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur.

A terme, il convient cependant d'inscrire la gestion des crédits immobiliers dans une logique pluriannuelle . A cet égard, le rapporteur note qu'il existe d'ores et déjà un outil de planification pluriannuelle des opérations immobilières, puisque les établissements doivent produire tous les cinq ans un SPSI, détaillant notamment les besoins et ressources afférentes en matière d'immobilier.

Si l'élaboration d'un SPSI demeure encore un exercice de portée limitée, pour des raisons évoquées supra , plusieurs évolutions semblent envisageables afin d'en accroître l'impact .

En premier lieu, la formalisation de ce document pourrait être rendue plus contraignante pour les établissements, environ un tiers des universités n'ayant pas, à date de mars 2021, présenté de SPSI pour la période 2021 - 2025. La présentation d'un SPSI pourrait par exemple constituer une condition sine qua non pour bénéficier des crédits immobiliers spécifiques (mise en sécurité et sûreté) versés par l'État (« brique occupant »).

En parallèle, la dimension financière des SPSI pourrait être renforcée , afin qu'il soit possible de flécher sur chaque année les besoins identifiés ainsi que les ressources afférentes. Il serait ainsi opportun que les besoins annuels de GER fassent l'objet d'une ligne dédiée, l'établissement étant invité à y consacrer des ressources suffisantes et clairement identifiées. Par la suite, dans le cadre de son accompagnement, la DGESIP pourrait être chargée de vérifier le respect de la trajectoire pluriannuelle élaborée pour chaque établissement.

Enfin, cet effort de planification gagnerait à inclure façon plus systématique un volet énergétique, afin de garantir une programmation intelligente des opérations . En effet, il est souvent plus ergonomique et plus avantageux d'un point de vue économique de combiner les travaux de rénovation et les travaux d'entretien. Certaines opérations permettent en effet de traiter de manière simultanée plusieurs points faibles , comme l'étanchéité et l'isolation ou encore l'abandon de locaux vétustes, mal situés, générant des frais de fonctionnement élevés pour des locaux neufs, mieux situés, plus performants.

Il est ainsi possible d'optimiser la durée d'indisponibilité, de réduire le coût de la main d'oeuvre, tout en assurant progressivement la rénovation énergétique du bâti universitaire.

Pour ne pas être commandée par l'urgence, cette programmation intelligente nécessite cependant une bonne connaissance de la situation énergétique du patrimoine ainsi que des besoins à moyen et long terme. Le volet énergétique des SPSI demeurant pour l'heure très limité, il semble primordial d'en faire un élément plus central dans la planification des opérations .

Recommandation n° 6 : rendre la formalisation d'un SPSI plus contraignante pour les établissements, tout en renforçant les volets financiers et énergétiques de ce document, afin d'en faire un véritable outil de pilotage pluriannuel des dépenses immobilières.

4. Revisiter le cadre juridique applicable à la commande publique

S'agissant du droit de la commande publique, il ressort des travaux menés par le rapporteur que le cadre juridique applicable demeure excessivement rigide, et ne correspond pas toujours aux besoins des établissements supérieurs.

A court terme, il serait opportun de permettre une mutualisation, entre les établissements, des bonnes pratiques ou des dispositifs innovants . A titre d'exemple, le rapporteur a pris connaissance avec un grand intérêt des initiatives prises par l'Université de Poitiers afin de favoriser une approche territoriale de la commande publique .

Vers une approche territoriale de la commande publique ?

L'Université de Poitiers a pris ces dernières années plusieurs initiatives pour développer la dimension territoriale de la commande publique, parmi lesquelles figure l'organisation de rencontres régulières entre l'ensemble des maîtres d'ouvrage publics sur le territoire d'une part, et l'ensemble des entreprises présentes localement d'autre part.

En effet, la coopération publique-publique rend possible une mutualisation de l'expertise acquise par les différents maîtres d'ouvrage publics - qu'il s'agisse de réaliser des marchés publics simplifiés, d'insérer des clauses spécifiques sur le développement durable ou les sous-traitants. A Poitiers, cette coopération a notamment abouti au développement d'une plateforme dédiée , administrée en partie par la Fédération française du bâtiment (FFB) et référencée sur le site de la préfecture sur laquelle l'ensemble des maîtres d'ouvrage publics indiquent les travaux à venir .

Il s'agit en pratique de donner de la visibilité aux entreprises locales , afin de leur permettre d'anticiper les opérations à venir, tout en permettant aux maîtres d'ouvrage publics de mieux se coordonner .

En parallèle, l'Université de Poitiers collabore activement avec les petites entreprises locales , afin notamment d'élaborer des cahiers des charges adaptés et personnalisés aux opérations envisagées. L'Université s'attache également à espacer les chantiers et ne pas recourir aux marchés globaux, afin de ne pas évincer les petits acteurs, qui ne seraient pas en mesure de répondre à ces appels d'offre.

Ces choix se traduisent par des délais plus longs pour la réalisation des travaux, mais permettent à l'Université de Poitiers de parvenir à un taux de 95 % de commande publique locale . Ils participent, in fine , d'une approche écosystémique particulièrement vertueuse : en effet, les efforts de l'Université pour renforcer le tissu économique bénéficieront indirectement aux étudiants en développant les offres de stage et d'emploi.

Source : commission des finances

Cet exemple est loin d'être isolé, et certaines universités font preuve d'une grande créativité, en dépit des rigidités susmentionnées. Ces initiatives gagneraient à être mieux connues des différents établissements, voire promues par le Mesri .

Cependant, à plus long terme, certains assouplissements paraissent indispensables, qu'il s'agisse de l'allègement des procédures ou de l'abaissement des seuils. Dans ce contexte, il pourrait être opportun de dresser un bilan des difficultés rencontrées par les établissements d'enseignement supérieur dans ce domaine, afin de dégager des pistes d'évolution à court et moyen terme.

Recommandation n° 7 : dresser un bilan des difficultés rencontrées par les établissements d'enseignement supérieur dans leur recours à la commande publique.

B. À MOYEN TERME, ÉLABORER DES MODES VERTUEUX DE FINANCEMENT POUR LA MAINTENANCE ET LA RÉNOVATION DE L'IMMOBILIER UNIVERSITAIRE

En sus des inflexions détaillées supra , un changement de paradigme dans la gestion du patrimoine immobilier parait actuellement indispensable. Dans un environnement en pleine mutation, l'enseignement supérieur doit mener de front plusieurs transitions : transition numérique, transition énergétique et écologique, transition économique, transformation des campus en territoires d'innovation au service de l'attractivité des territoires, etc.

Pour le rapporteur, il faut désormais privilégier une approche globale, permettant d'améliorer simultanément l'état du bâti, sa situation énergétique et son adéquation fonctionnelle, afin de faciliter l'émergence des campus de demain .

En pratique, deux leviers complémentaires pourraient être actionnés :

- le développement de la valorisation pour ouvrir l'université sur son environnement socio-économique tout en dégageant des ressources récurrentes pour l'entretien et l'exploitation du bâti ;

- l'élaboration d'un vaste plan de financement de rénovation globale du patrimoine universitaire, permettant de réduire la facture énergétique à moyen terme et de préfigurer les campus du XXI ème siècle.

1. Ouvrir l'université sur son environnement socio-économique par le biais de la valorisation : dégager des ressources récurrentes pour l'entretien et l'exploitation

La valorisation du patrimoine universitaire constitue un des principaux leviers dont disposent les établissements pour bâtir les campus du XXI ème siècle - c'est-à-dire des lieux ouverts sur le monde, attractifs pour différents types d'acteurs, et offrant toute une palette de services aux étudiants - tout en développant leurs ressources propres.

En ce sens, elle participe d'une dynamique particulièrement vertueuse, qui doit être encouragée.

Ainsi, des mutualisations sont à envisager entre les différents établissements d'enseignement supérieur situés sur un même territoire, afin de rationaliser les surfaces tout en développant les échanges transdisciplinaires.

Des synergies peuvent également être trouvées avec les collectivités territoriales à la faveur des dernières évolutions législatives , les politiques d'enseignement supérieur présentant pour ces dernières un intérêt sous l'angle de l'aménagement du territoire et de l'attractivité. La valorisation doit permettre une meilleure intégration de l'université dans la ville, avec pour corollaire une diversification des offres de services (logement, restauration, etc.) aux étudiants, ainsi qu'une mutualisation des équipements (installations sportives, espaces de travail, bibliothèques, etc.).

À cet égard, le rapporteur a pris connaissance avec un grand intérêt des initiatives de Cergy Paris Université pour dialoguer avec l'ensemble des parties prenantes présentes sur le territoire du campus . L'Université a ainsi créé en 2017 une l'Association CY Campus International, réunissant des représentants du département, de la communauté d'agglomération, des villes de Cergy, Pontoise et Neuville, de la région Ile-de-France, de la Caisse des dépôts et consignations et de la préfecture du Val d'Oise, afin d'évoquer et planifier de concert l'aménagement du campus dans la ville. Les membres de l'association ont ainsi pu choisir collectivement un certain nombre de priorités (logement, sport, restauration), chaque acteur restant compétent pour réaliser ses propres travaux.

Dans la mesure où elle permet de faire émerger une vision commune de l'aménagement du territoire, incluant les bâtiments universitaires, cette démarche renforce l'ouverture du campus sur son environnement proche. Elle rend possible, à terme, une mutualisation des locaux et participe donc à la valorisation du bâti universitaire.

Cet exemple de « bonne pratique » demeure cependant encore isolé, la collaboration dans un cadre associatif revêtant par une définition une portée limitée.

Il serait pourtant judicieux de créer un cadre juridique permettant une réelle gouvernance partagée, de sorte que les établissements publics d'enseignement supérieur puissent participer dans la durée aux orientations prises sur les aménagements et les activités entreprises sur leur territoire d'implantation , ainsi qu'au pilotage des opérations qui les concernent .

Dans ce contexte, le rapporteur serait favorable à l'ouverture du capital des sociétés publiques locales (SPL) aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel . En effet, ces sociétés sont régies par le droit privé, et bénéficient donc du cadre juridique applicable aux sociétés commerciales (recrutement de personnels de droit privé, capacité d`endettement, etc.) ; la participation d'une université au capital d'une SPL lui permettrait donc notamment de contracter « in house » avec cette société, pour lui confier des missions sans être contraintes par le calendrier et les coûts induits par les procédures de publicité et de mise en concurrence.

Recommandation n° 8 : permettre l'ouverture du capital des sociétés publiques locales aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel.

Des partenariats peuvent enfin être noués avec le monde économique , afin de renforcer les transferts de technologie, l'entrepreneuriat étudiant et l'insertion professionnelle des jeunes diplômés . Plusieurs universités ont ainsi développé des espaces de co-working accueillant les personnels et les entrepreneurs extérieurs, des lieux de convergence interdisciplinaires, ou des espaces d'incubation. Tel est notamment le cas du bâtiment Pyxis de l'Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA), qui a été construit pour accueillir les services dédiés aux étudiants (direction des études et de la vie universitaire, service universitaire d'action culturelle, service de l'entrepreneuriat étudiant) et comprend notamment un espace d'incubation.

Le rapporteur note, enfin, que ces opérations de valorisation ont habituellement pour conséquence de rendre un immeuble éligible à la taxe foncière - quand bien même seuls certains étages du bâtiment sont valorisés, y compris sur une période de temps restreinte. Le montant annuel de la taxe foncière se révélant souvent supérieur à la recette elle-même, il pourrait être opportun de réfléchir à un mode de calcul dérogatoire du montant de cette taxe, tenant compte du niveau des recettes perçues par l'université .

Recommandation n° 9 : mettre à l'étude un mode de calcul dérogatoire de la taxe foncière pour les universités, tenant compte du niveau de recettes perçues dans le cadre des activités de valorisation.

2. Initier un vaste plan d'investissement pour la rénovation globale du parc universitaire : réduire la facture énergétique pour préfigurer les campus du XXIème siècle

Ces dernières années, la France s'est dotée d'objectifs ambitieux en matière de transition énergétique, par le biais d'engagements internationaux, européens et nationaux contraignants.

Notre pays a en effet joué un rôle majeur dans la signature de l'Accord de Paris le 12 décembre 2015, dans lequel 195 États se sont engagés à maintenir la hausse de la température mondiale à 1,5 °C d'ici 2100 par rapport aux niveaux préindustriels et à atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050.

Au niveau européen, le Règlement établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique 30 ( * ) , adopté en juillet 2021, transforme en obligation contraignante l'engagement politique du pacte vert européen, stipulant que l'UE deviendrait neutre sur le plan climatique d'ici 2050 .

Enfin, sur le plan national, en application du décret tertiaire 31 ( * ) , les locaux universitaires courants sont tenus de réduire leur consommation énergétique de 40 % d'ici à 2030 32 ( * ) , 50 % d'ici 2040 et 60 % d'ici 2050 .

Si le rapporteur salue bien évidemment les engagements pris par la France, il relève également l'ampleur des progrès à accomplir et la faiblesse des moyens déployés jusqu'à présent . Partant, un sursaut est indispensable, pour faire de la transition énergétique du bâti universitaire une priorité stratégique.

Or, la plupart des initiatives des établissements dans ce domaine finissent inexorablement par buter sur l'épineuse question du financement de cet effort de rénovation .

A court terme, les marges de progression sont réelles pour les universités , ce d'autant que des modes de financement novateurs ont été développés ces dernières années . Ainsi, certains travaux de rénovation énergétique, peu coûteux et caractérisés par un temps de retour relativement court, de l'ordre de quelques années, peuvent ainsi être réalisés dans le contexte des conventions Intracting déployées par la Caisse des dépôts et consignations - Banques des territoires.

Le dispositif d'Intracting

Le dispositif d' Intracting , lancé en 2015, vise à encourager la mise en place d'un modèle économique vertueux pour l'efficacité énergétique du patrimoine immobilier.

En pratique, l'université définit un programme de travaux et d'actions de performance énergétique à gains rapides visant à réduire la consommation énergétique des bâtiments publics. Ces travaux sont financés par le biais d'une avance remboursable octroyée par la CDC (il s'agit en pratique d'un prêt, assorti d'un taux annualisé effectif global à 2 % ramené à 0,25 % dans le contexte de la crise sanitaire).

Les économies d'énergie ainsi réalisées sont affectées, prioritairement, au remboursement de l'avance consentie par la CDC à l'université. Après remboursement de celle-ci, un dispositif interne à l'université permet de réaffecter les « non-dépenses de fonctionnement » en dépenses d'investissement pour de nouveaux travaux d'efficacité énergétique.

Le dispositif fait l'objet d'un suivi régulier, assuré par les équipes territoriales de la CDC et le siège, permettant notamment de faire évoluer la convention en fonction des enjeux opérationnels auxquels sont confrontées les universités.

À ce stade, le dispositif Intracting concerne 10 établissements, pour 1,3 million de mètres carrés de surface, soit près de 10 % du parc immobilier universitaire appartenant à l'État. Les travaux d'efficacité énergétique projetés représentent 15,9 millions d'euros, la CDC ayant consenti 7,8 millions d'euros d'avance remboursable.

Selon une première estimation, ces travaux devraient générer 56 Gigawattheure d'économies sur 10 ans, soit une économie cumulée d'environ 15,7 millions d'euros. Selon les informations transmises au rapporteur, l'investissement moyen, de l'ordre, de 15 euros par mètre carré, génèrerait 10 % de gain sur les consommations énergétiques.

Source : commission des finances

Ce dispositif participe d'un cercle particulièrement vertueux, puisqu'il responsabilise les universités et incite les équipes dirigeantes à initier des travaux de rénovation énergétique . En effet, l' intracting vise in fine à décloisonner les dépenses de fonctionnement et d'investissement, en démontrant qu'il faut investir pour économiser. En pratique, il incombe aux différents services gestionnaires immobiliers - à savoir ceux qui planifient les investissements et ceux qui gèrent les frais de fonctionnement - de dialoguer et de contractualiser entre eux , en s'accordant sur un projet commun. L' intracting fait ainsi évoluer les universités dans leur manière d'appréhender les problématiques énergétiques et immobilières.

La mise en place de ces conventions entraîne également une professionnalisation des équipes , avec notamment le recrutement de profils techniques comme les économes des flux. Cette montée en compétence est doublement bénéfique pour les établissements, leur permettant de planifier des projets de rénovation plus ambitieux, tout en engendrant la mise en place effective de politiques de maitrise énergétique.

L' intracting constitue ainsi une première étape, permettant une prise de conscience des universités : l'inaction en matière de transition énergétique a un coût, et à l'inverse, l'investissement peut se révéler rentable.

Il serait ainsi judicieux d'encourager les universités à avoir plus largement recours aux conventions d'intracting pour financer leurs travaux de rénovation énergétique - seule une dizaine d'universités ayant jusqu'à présent conclu de telles conventions.

Néanmoins, étant donné son calibrage et sa finalité - à savoir, financer des travaux peu coûteux permettant des gains rapides en termes d'économie d'énergie - ce dispositif est inadapté à la réalisation d'opérations de plus grande ampleur , coûteuses et caractérisées par un retour sur investissement particulièrement long . Or, les engagements pris par la France en matière de transition énergétique, de même que l'état général de l'immobilier universitaire et l'évolution des usages rendent ces dernières inévitables.

La question du financement de ces travaux se heurte cependant aux écueils évoqués précédemment, à savoir la difficulté pour les établissements de dégager des ressources permettant de rembourser un prêt auprès des acteurs institutionnels et l'impossibilité de s'endetter auprès du secteur privé.

Pour sortir de cette impasse budgétaire, il n'existe donc qu'une solution : consentir rapidement un investissement massif en faveur du bâti universitaire. C'est notamment la conclusion à laquelle est parvenue la CPU, dans le cadre de ses travaux sur le Programme efficacité énergétique dans les campus à horizon 2030 (PEEC 2030).

Le programme PEEC 2030

Le Programme efficacité énergétique dans les campus à horizon 2030 (PEEC 2030) a été élaboré à partir de 2016 et lancé en 2019 par un groupe de travail constitué de la CPU et de dix établissements pilotes 33 ( * ) .

Pour ce faire, le groupe de travail animé par la CPU a oeuvré à la définition d'un cadre méthodologique, associé à un outil de prospective financière, pour définir les conditions d'un modèle économique soutenable pour les établissements.

Un programme pilote décrivant les leviers d'une transition réussie a ensuite été conçu, sur la base des projets élaborés par les universités associées à la démarche. À l'échelle des 10 établissements engagés, l'opération pilote représente 580 000 m² soit environ 10% des surfaces du parc universitaire des 10 établissements.

Les économies annuelles de coût total de service aux bâtiments générées sont de l'ordre de 13 millions d'euros par an ; elles comprennent les économies liées à la réduction de la facture énergétique, aux économies d'exploitation - maintenance et de GER, et aux surfaces libérées (économies factures et maintenance, frais annexes, ainsi que valorisation du foncier).

La consommation du projet pilote est réduite de près de 53 Gigawattheure par an soit 50% par rapport à la consommation initiale ; le projet pilote permet d'économiser 9000 tonnes CO2 par an, soit 60% de moins par rapport aux émissions initiales.

Le budget global de l'opération serait ainsi de 860 millions d'euros.

Source : commission des finances à partir des réponses écrites de la CPU

L'ambition de ce programme pilote était de démontrer que les économies réalisées sur 25 ans permettaient de financer, à hauteur d'environ 50 %, les travaux de rénovation énergétique . Les établissements n'étant cependant pas en mesure de prendre en charge les 50 % restant, ni d'avancer le coût des opérations dans l'attente d'économies futures, la mise en oeuvre de ce projet supposerait un investissement conséquent de l'État.

Le programme PEEC 2030 ne concerne cependant, à ce stade, qu'un petit nombre d'établissements. Pour le rapporteur, il serait ainsi souhaitable de réfléchir à un plan d'investissement plus ambitieux et plus global, associant l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur, pour financer une rénovation globale de l'immobilier universitaire .

Ce plan pourrait s'échelonner sur plusieurs années, à l'instar de l'opération Campus, afin de s'inscrire dans une réflexion globale sur les enjeux du campus de demain, en termes d'attractivité, de responsabilité sociétale, d'ancrage territorial, d'innovation ou encore de digitalisation. Il permettrait ainsi de réduire, à terme, la facture énergétique dans les établissements d'enseignement supérieur, tout en améliorant l'adéquation fonctionnelle du bâti universitaire dans un environnement en pleine mutation.

L'élaboration d'un tel plan s'inscrirait dans la continuité des efforts déployés dans le cadre de France Relance : à la dotation de 1,2 milliard d'euros pour la réalisation de gains rapides succèderait une dotation plus importante pour la réalisation de gains différés.

Pour le rapporteur, il est impératif que ce plan massif se concrétise dans un délai court, puisqu'en matière d'immobilier, comme de transition énergétique, l'inaction a un coût . Des dépenses engagées rapidement permettront de réaliser des économies rapidement, et donc de réduire la facture globale. A l'inverse, le report de ces investissements inéluctables se traduira inévitablement par d'importants surcoûts.

Pour s'inscrire dans une démarche vertueuse, enfin, ce plan doit avoir pour corollaire une amélioration notable de la gestion de leur patrimoine par les universités . Il serait par exemple envisageable de conditionner l'octroi des financements à la sanctuarisation, pour les années à venir, d'une enveloppe dédiée à la gestion et l'entretien du patrimoine rénové.

Recommandation n° 10 : lancer un vaste plan « Transition Campus » de rénovation globale de l'immobilier universitaire, afin de réduire la facture énergétique des établissements et de préfigurer les campus du XXI ème siècle.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 22 septembre 2021 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial, sur l'optimisation de la gestion de l'immobilier universitaire à l'heure de la nécessaire transition écologique et du déploiement de l'enseignement à distance.

M. Claude Raynal , président . - Nous en venons à un contrôle réalisé par notre collègue Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial pour les crédits de l'enseignement supérieur, sur l'immobilier universitaire.

Je salue la présence de M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis des crédits de la mission « Enseignement supérieur » au sein de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.

Mme Vanina Paoli-Gagin , rapporteur spécial . - Je me doutais, en m'emparant de la problématique de l'immobilier universitaire, que des marges de progression existaient en matière de gestion. J'étais cependant loin de me douter de l'ampleur des enjeux et de la tâche à accomplir !

Mon contrôle portait sur l'optimisation, par les universités, de leur patrimoine immobilier. En effet, depuis leur accession à l'autonomie, c'est aux établissements d'enseignement supérieur qu'il incombe d'entretenir et de gérer le parc immobilier mis à leur disposition par l'État. Or ce parc forme un ensemble particulièrement complexe et coûteux à entretenir. Complexe, parce qu'il s'agit d'un bâti atypique et disparate, caractérisé par des spécificités géographiques et fonctionnelles et composé très majoritairement de salles de cours. Coûteux, parce qu'il comprend plus de 18 millions de mètres carrés de surface sur un foncier de l'ordre de 5 300 hectares, et représente à lui seul près de 20 % du patrimoine immobilier de l'État. Coûteux également parce que les bâtiments universitaires sont vieillissants, vétustes et énergivores. Pour ne donner que deux chiffres emblématiques : 31 % du bâti universitaire serait actuellement dans un état peu ou pas satisfaisant, tandis que 21 % du bâti est classé en étiquette E, F ou G.

La gestion de ce parc constitue donc un défi de taille pour les universités : il s'agit à la fois de valoriser cet actif stratégique, pour leur permettre de remplir au mieux leur mission d'enseignement supérieur, et d'optimiser la charge financière en résultant, l'immobilier représentant le deuxième poste de dépense pour les établissements d'enseignement supérieur.

Les auditions et les déplacements réalisés m'ont permis de constater que les universités n'étaient pas suffisamment armées pour relever ce défi. En effet, les établissements se heurtent à de très nombreuses difficultés de gestion, résultant de facteurs internes et externes, qui entravent considérablement leurs efforts pour optimiser ce patrimoine.

Il existe, en premier lieu, des freins internes aux universités : ces dernières connaissent mal leur patrimoine, et ne disposent pas de données fiables et exhaustives relatives à son état, son exploitation ou aux dépenses afférentes à son entretien. Or, sans une connaissance fine du patrimoine, il est souvent difficile d'élaborer une stratégie immobilière réaliste. De fait, certaines universités ne se sont toujours pas attelées à la tâche, et n'ont pas de stratégie immobilière ; je vous laisse imaginer la « gestion » patrimoniale qui en découle.

J'ai également relevé que les équipes immobilières n'étaient pas toujours très étoffées, de sorte que ces dernières sont accaparées par les obligations techniques et réglementaires à satisfaire, et n'ont pas le temps de lancer des projets innovants. Certaines universités manquent d'expertise interne sur des sujets de pointe, ce qui contraint leurs initiatives en matière immobilière. Enfin, le portage politique des sujets patrimoniaux ainsi que l'intérêt des équipes présidentielles pour ces thématiques demeurent très variables selon les universités.

Sur tous ces aspects, il me semble qu'il incombe aux universités d'agir et de prendre la mesure des progrès à réaliser. Plusieurs évolutions de court terme sont à envisager : améliorer la fiabilité des données collectées par les établissements, faciliter les échanges de données entre les différents systèmes d'information, augmenter la part des universités qui disposent d'un vice-président en charge du patrimoine et de la transition écologique, ou encore élargir au niveau national le périmètre de compétence de l'établissement public d'aménagement universitaire de la région Île-de-France (Épaurif).

Je relève, dans un second temps, des freins relatifs à la rigidité du cadre juridique applicable, notamment en matière de commande publique. Les diverses obligations procédurales se traduisent en effet par un allongement significatif des délais, et des incertitudes concernant le coût final des opérations immobilières, toujours supérieur in fine au coût prévu. À cet égard, certains assouplissements me semblent envisageables ; je serai donc favorable à la réalisation d'une enquête portant sur les difficultés rencontrées par les établissements d'enseignement supérieur dans ce domaine, afin de dégager des pistes d'évolution à court et moyen terme.

J'en viens, enfin, aux problématiques budgétaires à proprement parler. En effet, il m'est rapidement apparu que les questions immobilières butent en permanence sur la question du financement. De manière schématique, l'État verse aux universités une dotation pour assurer l'entretien et la maintenance de leur parc immobilier ; mais cette dotation, dont le niveau est très faible, est directement intégrée dans la subvention pour charges de service public, et ces crédits ne sont donc pas sanctuarisés ! En fait, le budget d'exploitation et de maintenance sert malheureusement trop souvent de variable d'ajustement aux établissements, confrontés à de fortes pressions sur leur masse salariale. Les universités optent ainsi majoritairement pour le choix de remettre à plus tard les travaux nécessaires, ce qui entraîne une dégradation constante du patrimoine et des surcoûts in fine .

Je propose donc de rendre obligatoire la constitution, pour tous les établissements, d'un budget annexe immobilier, permettant de sanctuariser les crédits dédiés à l'entretien du bâti. J'estime également qu'une planification pluriannuelle des opérations immobilières constitue un prérequis indispensable à une gestion responsable du patrimoine. Les établissements doivent d'ores et déjà élaborer un schéma pluriannuel de stratégie immobilière, mais un grand nombre d'entre eux ne produisent pas ce document, qui reste au demeurant de qualité variable. À terme, il me semble que ce schéma peut devenir un véritable outil de pilotage pluriannuel des dépenses immobilières ; cela implique notamment d'en rendre la formalisation plus contraignante pour les établissements, et d'en renforcer le volet financier.

Pour une programmation intelligente des travaux, il serait également opportun de prendre systématiquement en compte la dimension énergétique : en effet, il est plus ergonomique et avantageux de combiner les travaux de rénovation énergétique et les travaux d'entretien, pour traiter simultanément plusieurs points faibles. J'appelle donc de mes voeux ces évolutions, mais soyons réalistes : la dotation de l'État reste faible si bien que, en pratique, les établissements dépendent fortement des grands rendez-vous réguliers comme les contrats de plan État-région (CPER), ou des opérations ponctuelles comme le plan Campus ou le plan France Relance, pour remettre à niveau leur patrimoine immobilier.

Ces plans ponctuels sont évidemment les bienvenus, mais là encore, force est de constater qu'ils sont insuffisants. En effet, selon la Conférence des présidents d'université (CPU), le besoin global d'investissement dans l'immobilier universitaire atteint 7 milliards d'euros. Or, en additionnant le plan France Relance, c'est-à-dire plus de 1,2 milliard d'euros, et le CPER 2021-2027, en incluant la contribution des régions, c'est-à-dire 3 milliards d'euros, il reste près de 3 milliards d'euros à trouver.

Je vais être très claire : les établissements doivent-ils mieux gérer leur budget et consacrer davantage de crédits à l'entretien de leur patrimoine ? Oui, bien évidemment, et j'ai fait des propositions en ce sens. Est-il cependant réaliste de compter sur les seuls établissements pour remettre à niveau le parc universitaire ? Non, assurément, pour la simple et bonne raison que les universités ne sont pas en mesure de mobiliser des ressources propres suffisantes. Le recours à l'emprunt leur est interdit, les produits de cession représentent des sommes très faibles, et les opérations de valorisation se heurtent encore à de nombreux obstacles juridiques.

La valorisation constitue pourtant un axe majeur de développement pour les établissements ; à mon sens, elle s'inscrit dans une démarche particulièrement vertueuse, puisqu'elle permet d'ouvrir l'université sur son environnement socio-économique, tout en développant ses ressources propres. Dans ce domaine, des mutualisations sont à envisager entre les différents établissements situés sur un même territoire ; il me semble aussi que des synergies peuvent être trouvées avec les collectivités territoriales, pour qui les politiques d'enseignement supérieur présentent un intérêt sous l'angle de l'aménagement du territoire et de l'attractivité. J'ai évoqué à l'instant des obstacles juridiques : actuellement, le cadre juridique ne permet pas de créer de véritables partenariats public-public sur un territoire, avec une gouvernance partagée entre universités et collectivités territoriales. Je suis donc favorable à l'ouverture du capital des sociétés publiques locales (SPL) aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP). Cette évolution permettrait aux établissements de bénéficier d'un cadre juridique plus souple pour mener des opérations de valorisation de grande envergure.

Si, à terme, ces opérations peuvent permettre aux établissements de dégager des recettes supplémentaires pour l'exploitation et l'entretien du bâti, elles ne pourront pas financer la réhabilitation du parc universitaire, dont le coût est estimé, je vous le rappelle, à environ 7 milliards d'euros.

Dans ce contexte, nous sommes à l'heure actuelle dans une impasse budgétaire, alors qu'il y a urgence à agir. En effet, notre pays a pris des engagements forts en matière de transition énergétique : la France a joué un rôle majeur dans la signature de l'accord de Paris en 2015 et l'Union européenne a adopté en juillet dernier un règlement qui transforme en obligation contraignante l'engagement politique du Pacte vert européen, stipulant que l'Europe deviendrait neutre sur le plan climatique d'ici à 2050. Nous avons nous-mêmes voté en faveur de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ÉLAN), dont les modalités d'application ont été précisées par le décret tertiaire, en vertu duquel les universités devront réduire leur consommation énergétique de 40 % d'ici à 2030, 50 % d'ici à 2040 et 60 % d'ici à 2050.

Je m'interroge : quels moyens entendons-nous nous donner pour réaliser les objectifs que nous nous sommes fixés ?

Certains modèles de financement innovants - je pense en particulier à l'intracting - ont permis à quelques universités de financer des travaux énergétiques à gains rapides. Mais il s'agit maintenant de financer des travaux à gains différés, autrement plus coûteux. Il me semble que nous n'avons pas d'alternative : comme il y a eu un plan Campus en 2007, il faut désormais un vaste plan de transition pour l'université. Comme il y a eu un plan France Relance pour les gains énergétiques rapides, il faut un plan structurel s'échelonnant sur plusieurs années pour les gains de long terme.

J'irai même plus loin : quitte à investir massivement dans l'immobilier universitaire, soyons ambitieux, prenons la mesure des défis qui nous attendent. Réfléchissons aux campus du XXI e siècle, aux évolutions qu'impose la digitalisation des enseignements, à l'attractivité de nos universités, aux rapprochements souhaitables avec le monde économique.

Bien évidemment, la mise en oeuvre d'un tel plan doit s'accompagner de garanties pour qu'à l'avenir les erreurs du passé ne se répètent pas, et que le patrimoine rénové soit correctement entretenu par nos établissements d'enseignement supérieur. À l'effort budgétaire de l'État doit répondre une amélioration notable de la gestion des universités.

Mes chers collègues, nous sommes désormais au pied du mur : en matière de transition énergétique, l'inaction a un coût. Plus nous attendons pour agir, plus la facture à payer sera élevée ; c'est pourquoi il me semble urgent d'investir maintenant.

M. Stéphane Piednoir , rapporteur pour avis des crédits de la mission « Enseignement supérieur » au sein de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication . - Je partage le constat de Mme Paoli-Gagin sur le patrimoine immobilier et la dévolution immobilière, un sujet d'actualité pour la CPU.

Le constat est double : rigidité du cadre juridique et impasse financière. Il faut entretenir et rénover 18 millions de mètres carrés. Pour bien vivre ses études supérieures, il faut bien vivre sur son campus. Or l'état des locaux, si l'on va au-delà des seules salles de cours, laisse pantois. Le défi est d'ampleur.

Les universités ne peuvent pas emprunter. Avec les crédits du plan de relance, certaines universités ont pu engager des travaux, mais elles n'ont pas seules la capacité financière de rénover les locaux, dont j'ai mentionné l'ampleur. Il faut donc un nouvel outil juridique. Je plaide pour des sociétés publiques locales universitaires, qui permettraient de faire des associations public-public avec les collectivités locales. Les universités contribuent au développement des territoires. Il faut aussi envisager des partenariats public-privé, avec des sociétés privées qui ont vocation à attirer de jeunes diplômés.

L'université française est à la croisée des chemins. Il faut lui donner des moyens, sinon nous finirons par être dans l'incapacité de réaliser les travaux.

M. Antoine Lefèvre . - Je remercie les deux rapporteurs. La loi du 31 décembre 2012 avait privé les EPSCP de la capacité de souscrire un emprunt bancaire supérieur à un an.

Lors de l'examen du projet de loi 3DS, j'avais proposé la création d'une nouvelle catégorie d'établissements publics : les sociétés publiques locales universitaires, cogérées par les EPSCP et la collectivité concernée. Malheureusement, l'article 40 a scellé le sort de ma proposition... Quelles pourraient être les conditions acceptables par l'État pour améliorer l'autonomie des universités en matière de patrimoine immobilier ?

M. Christian Bilhac . - Je partage le constat établi par Vanina Paoli-Gagin. Les lois de décentralisation ont permis de confier les écoles primaires aux communes, les collèges aux départements et les lycées aux petites régions de l'époque. Dans mon département, les écoles primaires sont bien gérées par les communes, la totalité des collèges et des lycées ont été rénovés et d'autres construits. Dans le même temps, l'État, qui a conservé la gestion de l'université, n'a pas fait grand-chose...

Il faut prendre acte de la carence de l'État et définir les modalités financières, mais la solution ne serait-elle pas de confier la gestion des bâtiments universitaires aux régions ? L'attrait d'une région passe aussi par l'enseignement supérieur qui y est proposé et la recherche qui y est menée.

Mme Christine Lavarde . - Je représente le Sénat au sein du Conseil de l'immobilier de l'État. À ce titre, nous sont présentés des outils, des logiciels développés par la direction de l'immobilier de l'État pour améliorer la gestion du patrimoine. Avez-vous connaissance de ces outils ? Savez-vous comment les opérateurs les perçoivent ? Sont-ils utiles ? L'État mène-t-il une véritable politique dans la gestion de son patrimoine ?

M. Roger Karoutchi . - Merci à Vanina Paoli-Gagin, car ce rapport acte plus clairement encore que les rapports précédents la situation inextricable de l'immobilier universitaire. Pour ma part, je ne vois pas d'autre solution qu'une révolution mentale chez les universitaires eux-mêmes. Quand il s'est agi voilà une dizaine d'années de discuter avec les présidents d'université de la possibilité pour les régions de gérer l'immobilier universitaire, nous avons assisté à une levée de boucliers.

J'entends les verrous concernant les emprunts, mais les ressources des universités sont tellement faibles que je ne vois pas comment elles pourraient rembourser.

D'un côté, l'État, désargenté, n'a plus les moyens d'entretenir le patrimoine immobilier et, de l'autre, les universités n'ont pas les ressources nécessaires pour emprunter et entretenir et ne sont pas enthousiastes à l'idée que la gestion de l'immobilier soit dévolue aux régions. En Île-de-France, le bâti ancien est dans un état pathétique dans certaines universités, et je ne parle pas des bibliothèques universitaires.

La question n'est pas de savoir s'il faut lever les verrous ; nous devons aujourd'hui décider une bonne fois pour toutes que les régions qui se sentent responsables ou ont envie d'entretenir ce patrimoine immobilier, qui constitue un levier d'attractivité, ont la possibilité de le faire. Toutes les autres solutions ne sont que des solutions de rafistolage. Les sommes en jeu sont beaucoup trop importantes.

M. Charles Guené . - Eu égard à l'importance de ce patrimoine immobilier, ne pourrait-on pas recourir aux dotations aux amortissements, afin notamment de disposer d'une programmation budgétaire ? Est-il possible de suivre cette logique ?

M. Éric Bocquet . - Permettez-moi de vous livrer un témoignage qui ne surprendra pas notre rapporteure. Mon collègue député Alain Bruneel a eu l'occasion de visiter des résidences universitaires ; certaines d'entre elles sont dans un état lamentable, avec des huisseries pourries, des radiateurs hors service, des cafards et des punaises... Sans compter l'année difficile que les étudiants ont vécue. Cette situation est indigne de notre pays. Je ne peux qu'adhérer à la proposition de lancer un vaste plan de rénovation globale du bâti universitaire. Avez-vous une idée de l'ordre de grandeur du budget nécessaire pour répondre aux besoins identifiés ? Pourquoi ne pas imaginer un prêt garanti par l'État (PGE) pour aider les universités à investir massivement ?

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Roger Karoutchi l'a dit, ces problèmes perdurent. Nous devons réfléchir à la manière dont l'immobilier universitaire - mais le sujet se pose aussi probablement pour le niveau scolaire - doit être financé. L'État n'a pas de politique de gestion immobilière et patrimoniale et est impécunieux ; il revient in fine aux élus de solliciter au cas par cas le ministre. Il importe avant tout de disposer d'un état des lieux de la situation immobilière et patrimoniale de l'État, qui reste propriétaire, avant d'envisager des solutions. Si transferts il doit y avoir, nous devons savoir dans quelles conditions ils pourraient être mis en oeuvre. Cette situation n'est pas acceptable.

Mme Vanina Paoli-Gagin , rapporteur spécial . - M. le rapporteur pour avis a évoqué la dévolution du patrimoine immobilier comme une réponse à une partie de la problématique soulevée. Une troisième vague de dévolution est en préparation, mais nous ne connaissons pas les conditions financières qui seront proposées aux universités. Les universités qui ont eu l'audace de recourir au premier plan ont été très avantageusement dotées financièrement. L'université de Poitiers, par exemple, a réalisé des investissements pionniers en matière de rénovation énergétique et de production d'énergie.

Antoine Lefèvre, je vous rejoins tout à fait sur la pertinence des sociétés publiques locales qui constituent, selon moi, une solution très intéressante ; il en est de même pour les partenariats public-public, mais aussi public-privé concernant certains aspects. Mais, à terme, seule la dévolution permettra d'augmenter l'autonomie de gestion des universités.

Christian Bilhac, la question du transfert du bâti universitaire de l'État aux régions n'est pas nouvelle. La question est de savoir si volonté il y aura d'opérer ce type de transfert eu égard à la mission d'ordre national des universités. Décorrélons le contenu du contenant, mais ne fermons pas cette porte face à l'impéritie de l'État.

Christine Lavarde, vous avez raison, la direction immobilière de l'État a développé des logiciels pour les systèmes de suivi des fluides, pour les points d'éclairage, etc. Mais les données sont collectées par les universités, et cette tâche fait l'objet d'une implication hétérogène. Comme d'habitude, le travail se fait en silo. Par ailleurs, souvent, les universités n'ont les personnels pour exploiter ces logiciels. C'est pourquoi nous avons proposé de fixer un socle d'indicateurs à remplir par les universités, plutôt que de leur fixer des objectifs trop ambitieux. Avec une quinzaine d'indicateurs, nous pourrions avoir une photographie un peu plus précise que celle dont nous disposons aujourd'hui.

Roger Karoutchi, des rigidités mentales existent effectivement chez les universitaires, alors qu'ils devraient faire montre d'une grande plasticité mentale. La question du transfert du bâti universitaire aux régions soulève de nombreuses questions... Est-ce que les conseils régionaux seraient favorables au transfert d'un patrimoine dégradé ? J'estime pour ma part que, dans un premier temps, l'État doit mettre sur la table les 3 milliards d'euros évoqués, sans pour autant donner un blanc-seing aux universités : ces crédits doivent être assortis d'obligations très contraignantes en termes d'entretien, de mise à niveau énergétique.

Charles Guené, la dotation aux amortissements pourrait faire sens, mais elle ne peut être mise en oeuvre sans planification pluriannuelle.

Éric Bocquet, le coût est de 3 milliards d'euros. Il faut les investir maintenant, surtout maintenant !

Pour répondre au rapporteur général, les universités doivent faire un audit afin que nous disposions d'une vision consolidée du patrimoine universitaire français. Des crédits doivent contribuer à cette remise à niveau. Des pistes sont à explorer pour ce qui concerne les collectivités territoriales, les sociétés publiques locales. La situation n'est pas désespérée, mais il faut agir maintenant si nous voulons que nos universités restent attractives non seulement pour nos propres étudiants, mais aussi pour les étudiants étrangers.

La commission des finances a autorisé la publication de la communication du rapporteur spécial sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, Direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle

- M. Géraud De MARCILLAC, chef du service de la stratégie de contractualisation, du financement et de l'immobilier ;

- Mme Pascale GALINDO, sous-directrice de l'immobilier à la DGESIP.

Ministère de l'économie, des finances et de la relance, Direction de l'Immobilier de l'État

- M. Alain RESPLANDY-BERNARD, directeur ;

- Mme Christine WEISROCK, sous directrice stratégie et expertises.

Rectorat de Paris

- Mme Simone BONNAFOUS, rectrice déléguée pour l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation de la région académique Ile-de-France ;

- M. Alexandre BOSCH, secrétaire général adjoint enseignement supérieur de la région académique Ile-de-France ;

- M. Jérôme CLAUZURE, chef du service régional de l'immobilier de la région académique Ile-de-France.

Établissement Public d'Aménagement Universitaire de la Région Île-de-France (EPAURIF)

- M. Jérôme MASCLAUX, directeur général.

Conférence des présidents d'université (CPU)

- M. Mathias BERNARD, président du comité Transition Écologique et Énergétique de la CPU et président de l'université Clermont Auvergne.

Centre national des oeuvres universitaires et scolaires

- Mme Dominique MARCHAND, présidente.

Agence de mutualisation des universités et établissements (AMUE)

- M. Stéphane ATHANASE, directeur général.

Banque des territoires

- M. Emmanuel LEGRAND, directeur du département Transition Énergétique et Écologique - Direction de l'investissement de la Banque des territoires ;

- M. Hubert BRIAND, responsable du Pôle Efficacité énergétique des bâtiments - Direction de l'investissement de la Banque des territoires ;

- M. Philippe BLANCHOT, Directeur des relations institutionnelles.

LISTE DES DÉPLACEMENTS

Université de Poitiers

- Mme Virginie LAVAL, présidente de l'Université de Poitiers ;

- M. Laurent-Emmanuel BRIZZI, vice-président ;

- M.  Lionel VINOUR, directeur.

Université de Troyes

- M. Jérôme PLAIN, directeur adjoint ;

- M. Jean-Yves LAGOUTTE, directeur des affaires institutionnelles et juridiques ;

- M. Youcef BOUZIDI, enseignant chercheur ;

- M. Didier DITUS, directeur du patrimoine et de la logistique.

Université de Reims Champagne-Ardenne

- M. Guillaume GELLÉ, président de l'Université de Reims Champagne-Ardenne.

- M. Thierry LETEILLER, vice-président délégué en charge des moyens et du patrimoine ;

- Mme Sandrine GOURNAY, directrice du patrimoine et de la logistique.

Université de Cergy Pontoise

- M. François GERMINET, président de l'Université de Cergy Pontoise ;

- Mme Carole HÉRIPRET, déléguée générale, Association CY Campus international.


* 1 Dont 73 établissements appartenant à la catégorie « universités et assimilés (68 universités, le Centre Universitaire de formation et de recherche de Mayotte, l'Institut national Universitaire Jean François Champollion, l'Université de technologie de Compiègne, l'Université de technologie de Troyes et l'Université de technologie de Belfort-Montbéliard).

* 2 Cette application retrace l'inventaire physique du parc immobilier de l'État et de ses opérateurs. Les données sont saisies par les gestionnaires de patrimoine au niveau de chaque université ou extraites par l'import de données d'outils de gestion du patrimoine propres à chaque université.

* 3 Ces données ne sont renseignées que pour 72 % du bâti universitaire.

* 4 Pour les 54 % de surfaces pour lesquelles la classe GES est connue.

* 5 Sont comprises dans le périmètre les données relatives à l'occupation des salles de cours banalisées et des amphithéâtres pour des activités d'enseignement, d'accueil des étudiants, d'examens ainsi que pour tout autre usage comme les colloques, manifestations ou locations.

* 6 Loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités.

* 7 Arrêté du 6 novembre 2018 relatif au modèle de convention mentionné à l'article 2. 2313-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

* 8 Décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements.

* 9 Universités Paris 1 et Paris 2, UPEC, UT Paris Dauphine, ENS Louis Lumière, EPHE, EHESS.

* 10 Ces dotations ont été déterminées au moment de la signature des conventions de dévolution en 2011, sur la base d'une surface cible (besoin en surfaces optimisé, induit par les activités de l'université et défini dans un schéma directeur immobilier) et d'un forfait en euro par mètre carré, arbitré en 2011 sur la base d'une étude réalisée par un prestataire. La dotation est ainsi de 6,1 millions d'euros pour l'université de Clermont-Auvergne, 10,8 millions d'euros pour l'université de Poitiers et 5,0 millions d'euros pour l'université Toulouse 1.

* 11 Inspection générale des finances, La dévolution du patrimoine aux universités, septembre 2016.

* 12 Loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche.

* 13 Décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d'actions de réduction de la consommation d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire.

* 14 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

* 15 Base 2010.

* 16 Réponse écrite au questionnaire.

* 17 Réponse écrite au questionnaire.

* 18 Réponse écrite au questionnaire.

* 19 Circulaire n° ESRS2016520C du MESRI sur la procédure d'expertise interne des opérations immobilières publiée au journal officiel du 27 août 2020.

* 20 Réponse écrite au questionnaire.

* 21 Au terme de l'article 713-9 du code de l'éducation.

* 22 Le Mesri a indiqué que ces chiffres restaient à fiabiliser.

* 23 Réponse au questionnaire.

* 24 Estimations de la Conférence des présidents d'université.

* 25 La signature du CPER 2021-2027 est prévue à l'automne 2021.

* 26 Encaissement sur cession année antérieure.

* 27 Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 28 Note n°2020-10-6329 du 8 décembre 2020.

* 29 Sorbonne Université, université de Caen, université de Saint Denis, université Lyon 3, université d'Angers, université Bretagne occidentale.

* 30 Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil, en date du 30 juin 2021, établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) no 401/2009 et (UE) 2018/1999 («loi européenne sur le climat»), publié au JOUE le 9 juillet 2021.

* 31 Décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d'actions de réduction de la consommation d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire.

* 32 Base 2010.

* 33 Aix-Marseille, Angers, Clermont-Auvergne, Grenoble Université, Haute-Alsace, Lorraine, Lyon Université, Nantes, Paris-Nanterre, Rennes 1.

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