B. DES DISPOSITIFS D'ACCOMPAGNEMENT DES ÉLÈVES MULTIPLES MAIS DONT LA COORDINATION N'EST PAS TOUJOURS GARANTIE

La réduction des inégalités scolaires doit passer par une amélioration de l'environnement des élèves , pendant le temps passé à l'école mais également en prenant compte les difficultés d'accès à l'établissement scolaire, du fait de la distance avec le domicile par exemple.

1. Des dispositifs d'excellence dont le déploiement toujours en cours apparaît insuffisant
a) Une politique de développement des internats qui n'est pas à la hauteur des opportunités qu'ils offrent

Le maillage des internats dans le second degré est indispensable afin de maintenir une équité territoriale entre élèves, et concerne près de 4 % des élèves . Dans les zones rurales, les temps de transports peuvent parfois être si longs que la scolarité s'en ressent nécessairement. Selon le rapport du Cnesco de 2016 113 ( * ) , le réseau des internats reste peu développé : en 2016, seuls 56 % des lycées en moyenne sont dotés d'un internat et seulement 5 % des collèges, la densité étant toutefois supérieure dans les académies les plus rurales. Un département sur cinq ne compte aucun internat, alors que dans les départements très ruraux, les trois quart des collèges en sont dotés 114 ( * ) .

Il est regrettable que les internats soient fréquemment sous-occupés , dès lors qu'en moyenne, selon le même rapport du Cnesco, 8 places sur 10 étaient pourvues à la rentrée 2017. D'après la DEPP, en 2020, seules 77,5 % des places d'internats en moyenne étaient occupées.

Taux d'occupation des internats en collèges et lycées publics en 2020

Source : DEPP, Géographie de l'école 2021

Une prime à l'internat est attribuée à tous les élèves boursiers scolarisés en internat. Depuis la rentrée 2020, elle est revalorisée : elle varie selon l'échelon de bourse détenu de 258 à 423 euros.

Les internats d'excellence, créés en 2008 puis reconduits sous le nom d'internats de la réussite, s'adressent à tous les élèves ne bénéficiant pas d'un environnement favorable pour réussir leurs études . Ils sont accessibles en priorité aux élèves relevant de l'éducation prioritaire, des quartiers prioritaires de la politique de la ville ou issus des zones rurales, isolés ou défavorisés par leur condition sociale, économique, familiale ou géographique.

Le plan « internats du XXI ème siècle » a été lancé en 2018 pour être déployé entre 2020 et 2022, afin de renforcer les capacités actuelles d'accueil en internat de 13 000 places. L'objectif est de disposer d'au moins un établissement labellisé internat d'excellence par département, soit 100 structures (70 collèges et 30 lycées) d'ici 2022.

Cependant, la mission d'information déplore que les financements des internats soient régulièrement différés, ce qui limite leur ambition. Ainsi, le deuxième plan d'investissement d'avenir (PIA 2) prévoyait un financement initial des internats d'excellence à hauteur de 138 millions d'euros , qui auront été in fine réduits à 14 millions d'euros . Les moyens accordés aux internats demeurent donc trop modestes, face aux besoins des zones rurales et aux opportunités que ces internats offrent aux élèves boursiers.

Par ailleurs, la création d'un internat d'excellence s'inscrit dans une logique de cofinancement avec les collectivités territoriales volontaires , ce qui suppose la bonne volonté de ces dernières et la mobilisation de leurs ressources. Les collectivités doivent être davantage accompagnées, notamment au travers de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) .

Recommandation : développer l'accompagnement des collectivités afin d'encourager le développement d'internats et renforcer les moyens accordés aux internats de la réussite.

b) Les vacances apprenantes, un dispositif temporaire lancé en 2020 qui gagnerait à être pérennisé

Durant les vacances d'été 2020, un dispositif de « vacances apprenantes » a été proposé afin de permettre aux élèves les plus fragiles d'être mieux préparés à la rentrée de septembre en étant accueillis à l'école pendant la première quinzaine de juillet et la dernière quinzaine d'août. Les vacances apprenantes permettent ce faisant de lutter contre les retards et les risques de décrochage.

En 2020, 193 millions d'euros avaient été accordés pour les vacances apprenantes, permettant à près de 945 000 élèves d'en bénéficier grâce à la mobilisation d'environ 20 000 agents . Les vacances apprenantes s'appuient notamment sur le dispositif « école ouverte » préexistant, qui permet aux élèves des zones défavorisées de reprendre contact avec l'école de manière plus fluide et plus progressive , en revenant à la fin de l'été dans le cadre d'activités éducatives. Les vacances apprenantes fonctionnent sur la base du volontariat des communes ainsi que des enseignants.

S'agissant de « l'école ouverte » en 2020, sur l'ensemble des écoles et établissements porteurs de l'opération, 43 % sont issus des territoires de l'éducation prioritaire, et 30 % sont situés en zone rurale ou isolée.

La commission de la culture du conseil d'orientation des politiques de jeunesse a rendu un avis sur les vacances apprenantes en février 2021 dans lequel elle considère que « le dispositif facilite le transfert d'apprentissage d'un espace éducatif à l'autre, dans un processus “gagnant-gagnant” qui nourrit le concept de communauté éducative ».

La mission d'information considère également que ce dispositif est utile et salue sa reconduction en 2021 . Cependant, afin que les acteurs, notamment associations et élus locaux, puissent anticiper, il serait souhaitable que les vacances apprenantes soient pérennisées , et que les niveaux de financement initiaux soient maintenus. En effet, 120 millions d'euros ont été accordés en 2021, contre 193 en 2020 , et il est nécessaire que cette baisse soit interrompue afin de permettre d'étendre le dispositif aux plus grand nombre d'établissements.

Recommandation : pérenniser et accroître le dispositif des vacances apprenantes.

c) Devoirs faits : des réalisations encourageantes mais devant être approfondies

Le dispositif « devoirs faits » , fonctionnant sur le volontariat des élèves, est proposé au collège depuis la rentrée 2017. Il consiste en un temps dédié, en dehors des heures de classe mais dans l'établissement scolaire, à l'accomplissement par le collégien des devoirs demandés par ses professeurs, afin qu'il puisse rentrer chez lui une fois ses « devoirs faits ».

Le dispositif est rapidement monté en charge. Pendant l'année scolaire 2018-2019, près de 755 000 élèves ont participé au dispositif, soit 28 % de l'ensemble des élèves de collège . Pour l'année scolaire suivante, 2019-2020, plus de 707 000 élèves en ont bénéficié, ce qui représente environ 29,4 % de l'ensemble des élèves des collèges. Le niveau sixième est le plus concerné, afin de permettre aux enfants de s'autonomiser progressivement et de limiter la rupture avec l'école élémentaire. Ainsi, 40 % des élèves de sixième sont bénéficiaires de « devoirs faits ».

Devoirs faits concerne l'ensemble des élèves, mais est particulièrement ciblé sur les élèves les plus en difficulté et ne disposant pas toujours d'un environnement favorable à la réalisation de leurs devoirs une fois rentrés chez eux : en REP+, 44,3 % des élèves en sont bénéficiaires, ce que la mission d'information considère comme très encourageant.

L'objectif initial du dispositif est d'assurer 3 heures par semaine à chaque élève volontaire dans chaque collège. Toutefois, le nombre moyen d'heures hebdomadaires est encore très inférieur à cet objectif, de deux heures par semaine en moyenne , contre 1,8 heure lors de la mise en place début 2018.

Une mission de l'inspection générale de l'éducation nationale 115 ( * ) a précisé les conditions pour que « devoirs faits » soit le plus efficace possible, et notamment la concentration prioritaire du dispositif sur les élèves qui éprouvent le plus de difficultés en mathématiques et français , avec un taux d'encadrement élevé d'au moins un encadrant pour quinze élèves , et la nécessité pour les élèves de participer plusieurs heures par semaine pour que les résultats soient observables.

Si le volontariat doit rester le principe pour s'assurer de la motivation des élèves, « devoirs faits » doit être le plus possible ciblé sur les élèves qui en ont le plus besoin, à la fois en termes de milieu familial et de résultats scolaires . Pour ce faire, les enseignants doivent être le plus possible encouragés à participer, en particulier auprès des sixièmes et des cinquièmes.

« Devoirs faits » rencontre par ailleurs plusieurs limites. En premier lieu, il ne commence chaque année qu'à partir des vacances de la Toussaint, alors qu'il serait plus judicieux d'enclencher une dynamique positive dès la rentrée de septembre , et de permettre aux élèves ayant du retard en début d'année de le rattraper le plus rapidement possible.

L'autre enjeu est d'assurer une continuité avec le CM2, comme c'est déjà le cas dans les outre-mer, où un dispositif similaire à « devoirs faits » existe pour les écoles élémentaires depuis 2018. Cela permettrait de garantir à tous les enfants des conditions d'apprentissage satisfaisantes et de limiter les écarts de niveau.

Recommandation : étendre le dispositif devoirs faits aux écoles élémentaires situées dans les zones les plus en difficulté en France métropolitaine.

Dernier aspect, « devoirs faits » ne s'applique que partiellement aux écoles situées en zone rurale . En effet, les élèves qui y participent rentrent plus tard, c e qui s'articule parfois difficilement avec les transports scolaires et contraint les élèves à rentrer trop tard ou à manquer les transports. Cet aspect doit être impérativement amélioré afin de s'assurer que cette initiative puisse bénéficier à tous.

Recommandation : adapter « devoirs faits » aux contraintes des territoires ruraux, en particulier en modulant les horaires des transports scolaires.

2. Les cités éducatives et les territoires éducatifs ruraux, des expérimentations qui doivent être encouragées

L'expérimentation des « cités éducatives » a été annoncée par le Président de la République en juillet 2018. Les 120 territoires concernés en 2021 ont pour objectif de lutter contre les inégalités par la mobilisation de tous les acteurs agissant dans le quotidien des enfants et des jeunes de 3 à 25 ans, autour des enjeux éducatifs . Pour obtenir la qualité de cité éducative, les territoires candidats doivent comprendre une population de plus de 5 000 habitants, être situé en réseau d'éducation prioritaire (REP) , en réseau d'éducation prioritaire renforcé (REP+) ou en zone de sécurité prioritaire (ZSP).

Afin de soutenir leur déploiement, 100 millions d'euros sont consacrés à ces cités éducatives de 2020 à 2022 , soit 34 millions d'euros par an, avec un objectif final de 200 cités.

En outre, un « fonds de la cité éducative » de 30 000 euros dans chaque territoire est financé à parité entre le ministère chargé de l'éducation nationale et le ministère chargé de la politique de la ville.

Le principe d'une cité éducative repose moins sur l'attribution de moyens supplémentaires que sur une meilleure coordination et un travail de convergence de l'ensemble des acteurs éducatifs (éducation nationale, collectivités, habitants et familles, monde associatif, entreprises) ainsi qu'un renforcement des dispositifs existants. La mise en place d'une cité éducative passe également par la signature de conventions entre le territoire et l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

Une première évaluation du comité national de suivi des cités éducatives (Cnoe) 116 ( * ) a été rendue au printemps 2021. Elle considère que, si le déploiement actuel du dispositif est satisfaisant, « doivent être reconsidérés, à la fois l'effectif de l'équipe de la coordination nationale, mais aussi son organisation et éventuellement celle de ses relais territoriaux ».

Un exemple de cité en cours de déploiement :
la cité éducative de Gennevilliers

Le président et la rapporteure de la mission d'information ont rencontré le 3 juin 2021 à Gennevilliers les principaux acteurs, institutionnels comme associatifs, de la cité éducative. Ces derniers soulignent tous l'intérêt d'une telle démarche qui les réunit autour de projets communs, au niveau d'un quartier, et en partant de la situation du territoire et du tissu associatif local.

La ville de Gennevilliers a lancé l'opération cité éducative en décembre 2019, dans le quartier du Luth . Sont concernés par le dispositif tous les enfants et jeunes du territoire du Luth de 0 à 25 ans, et en particulier l'ensemble des élèves fréquentant les établissements scolaires du réseau REP + Guy Môquet. Le collège accueille 700 élèves, et, au vu des résultats au diplôme national du brevet, il se place au 4 065 e rang en termes de réussite scolaire au niveau national (sur 5 300).

Le territoire concerné par la cité éducative rassemble près de 43 000 habitants, dont 4 500 en QPV. Les moins de 25 ans représentent 40,8 % de la population. Le taux de pauvreté s'élève à 27,3 % à l'échelle de l'agglomération et à 33,7 % à celle de la population du QPV.

La cité éducative est en cours de déploiement, celui-ci devant s'étendre jusqu'à 2023. La chronologie de mise en place est la suivante : en 2019 : mobilisation des partenaires et réalisation d'un diagnostic relationnel ; depuis 2020 : mise en oeuvre d'une ingénierie de projet, création d'un observatoire et du référentiel d'évaluation pour la mise en synergie de tous les acteurs ; en 2022 : déploiement complet du programme d'actions.

Le pilotage de la cité passe par plusieurs instances distinctes, autour des trois acteurs centraux que sont la préfecture, la mairie et les services de l'éducation nationale. Les associations sont impliquées et une attention particulière est portée à l'association des familles. L'ensemble des acteurs sont réunis dans le cadre des assises de la cité éducative.

Au cours des échanges, il a été constaté que la cité éducative constituait moins un dispositif supplémentaire qu'une mise en synergie des acteurs éducatifs du territoire . Par principe, les projets financés doivent être collaboratifs , avec l'objectif de mieux coordonner les actions conduites dans tous les espaces de vie , et pas seulement à l'école, de la petite enfance à l'insertion professionnelle .

Ont été particulièrement abordés les actions concernant les jeunes enfants (lectures de contes dans toutes les structures accueillant des jeunes enfants), la préparation des collégiens au stage de 3 ème et l'utilisation du sport comme vecteur d'insertion professionnelle des jeunes sans diplôme ou qualification.

Le président et la rapporteure ont pu mesurer la qualité du projet et la diversité des actions mises en place, ainsi que le fort investissement des partenaires et acteurs de la cité éducative de Gennevilliers.

La principale limite de la plupart des cités éducatives à l'heure actuelle reste la tranche d'âge 15-25 ans et plus particulièrement l'insertion professionnelle et les relations avec le monde du travail, dont beaucoup ne se sont pas pleinement emparées. Le chef de file de la cité éducative étant le principal du collège, il est fréquent que celui-ci ne soit pas centré sur les sujets de formation. Le Cnoe montre que les thématiques relatives à la sécurisation des parcours, aux relations avec les familles, au numérique et à la culture sont les plus répandues dans les plans d'actions des cités éducatives.

L'expérimentation des cités éducatives doit s'étendre jusqu'en 2023. Or, la construction d'une synergie entre tous les acteurs de terrain et la mise en place des actions ne peuvent être complètes sur une courte durée , d'autant plus que la crise sanitaire a considérablement ralenti le déploiement des actions en 2020 et 2021. En conséquence, il semble indispensable de pérenniser le dispositif, tout en veillant à la qualité de la labellisation des cités éducatives afin de limiter les effets d'aubaine.

Recommandation : pérenniser les cités éducatives, en envisageant l'extension du dispositif à l'ensemble du territoire, hors des réseaux d'éducation prioritaire.

Si la mise en place de cités éducatives constitue une initiative très positive, elle ne concerne pour l'instant que les quartiers relevant de la politique de la ville. Étant donné le succès dont elles font preuve jusqu'à présent, il a été envisagé de décliner le principe des cités éducatives en 2020. L'expérimentation de 23 « territoires éducatifs ruraux » , permettant de fédérer associations et collectivités territoriales autour d'un collège rural, dans les académies de Normandie, d'Amiens et de Nancy-Metz a été lancée en janvier 2021. Les contrats de ces territoires éducatifs ruraux ont été signés au printemps 2021 et un bilan à mi-parcours aurait dû être effectué en juin, sans avoir été publié s'il a été réalisé. La mission sera attentive aux résultats de cette expérimentation.


* 113 Cnesco, Panorama des inégalités scolaires d'origine territoriale dans les collèges d'Île-de-France , 2018.

* 114 DEPP, Géographie de l'École 2021 .

* 115 Inspection générale de l'éducation nationale, mission de suivi et d'observation de la mise en oeuvre des réformes en cours « Devoirs faits », rapport n° 2020-118, août 2020.

* 116 Comité national d'orientation et d'évaluation des cités éducatives, Rapport annuel 2020 , mai 2021.

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