II. LA DIVERSIFICATION DU FINANCEMENT DES AIRES PROTÉGÉES SEMBLE INCONTOURNABLE

A. UNE PROGRESSION DES FINANCEMENTS PUBLICS « SUR PROJET » BIENVENUE MAIS QUI NÉCESSITE UNE INGÉNIERIE FINANCIÈRE ET DE BONS NIVEAUX DE TRÉSORERIE

Les structures gestionnaires d'aires protégées ont mobilisé de plus en plus de financements publics « sur projet » ces dernières années.

Ce type de financement a ainsi augmenté de 195 % entre 2016 et 2020 pour les parcs nationaux. Les établissements publics de parcs nationaux ont en effet acquis des compétences d'ingénierie financière qui leur ont permis de rencontrer de réels succès dans les appels à projets. De même, le financement « sur projet » représente une part importante des financements des PNR, qui disposent des moyens humains et de l'ingénierie nécessaire pour répondre aux appels à projets. Compte tenu du gel des dotations de fonctionnement depuis 2012, les réserves naturelles nationales ont également engagé des recherches de financements par le montage de projets .

RNF, auditionnée par le rapporteur, indique en outre que les réserves en capacité de s'investir dans des programmes d'envergure (qu'il s'agisse de projets européens, ou de projets engagés avec des partenaires) rencontrent moins de difficultés financières : ainsi, « les deux seules réserves naturelles nationales ne présentant pas d'écart financier entre leurs besoins et leurs revenus actuels sont les seules ayant réussi à développer un réseau de co-financement solide, tout en développant des prestations et des ventes de biens et services qui ont progressé au cours des dernières années. La part de dotations du ministère de la transition écologique dans les budgets de ces réserves est inférieure à 50 % ».

La diversification vers des financements « sur projet » est souhaitable, afin de sécuriser des modèles économiques dépendant principalement de financements publics. Cette recherche de financements « sur projet » nécessite toutefois non seulement des moyens humains , car elle nécessite de mobiliser des agents pour le montage des projets, mais également des compétences en matière d'ingénierie de projets . Il reste bien entendu indispensable de conserver une part importante de ressources en provenance de l'État, principalement pour les outils réglementaires - comme les parcs nationaux ou les réserves naturelles nationales. Le rapporteur partage donc le point de vue de plusieurs représentants de fédérations auditionnés : le financement exclusif de structures gestionnaires par appels à projet ne serait pas pertinent, car ce type de financement, fonctionnant par « opportunité », n'offre pas de stabilité des ressources et de visibilité à moyen terme sur les modalités de financement .

Outre la question de l'ingénierie et des moyens humains, la diversification des sources de financement nécessite également un bon niveau de trésorerie, en particulier pour la mobilisation des fonds européens . Ainsi, les représentants de parcs nationaux auditionnés par le rapporteur ont indiqué que la faiblesse des fonds de roulement et trésoreries de leurs établissements limitait le recours aux fonds européens : lors du montage d'un projet cofinancé par les fonds européens, les parcs doivent avancer tout ou partie de la somme prise en charge par l'Union européenne. Le remboursement intervient plus tardivement, soit lors de la clôture de la première tranche du projet, soit parfois plusieurs mois plus tard . Ce décalage nécessite donc d'être en capacité d'autofinancer la mise en oeuvre des premières activités : ainsi, certains établissements publics de parcs nationaux ont été amenés à réduire le nombre de projets cofinancés pour maîtriser les risques financiers engendrés . Ces avances de trésorerie constituent en effet un risque important pour les structures, certains établissements de parcs nationaux étant rentrés dans un cycle de refinancement des avances de nouveaux projets par les recettes des projets se terminant, faisant peser le risque d'un effondrement financier si les recettes attendues ne se concrétisent pas. Ces avances de trésorerie peuvent en effet représenter entre 200 000 et 400 000 euros par an par parc selon les projets.

Plusieurs interlocuteurs rencontrés par le rapporteur ont ainsi proposé d'améliorer la mobilisation des fonds européens par la mise en place d'outils d'appui aux porteurs de projets en termes d'avance de trésorerie ou d'ingénierie de projets. La tenue d'un séminaire sur l'amélioration de la mobilisation des fonds européens, co-organisé par la Commission européenne et le ministère de la transition écologique le 24 mars 2021, constitue un premier élément de réponse salué par les interlocuteurs.

Afin de limiter les avances de trésorerie que les gestionnaires de structures doivent assumer dans l'attente des versements de fonds européens, la création d'un fonds d'avance de trésorerie à l'attention des gestionnaires a également été mentionnée et constitue une piste intéressante .

Recommandation n° 6 : mettre en place une modalité d'appui aux gestionnaires d'aires protégées visant à leur permettre de faire face aux obligations d'avances de trésorerie liées au décalage entre la consommation et le versement des fonds européens, par exemple via la création d'un fonds dédié, afin de faciliter la mobilisation des fonds européens.

La diversification des modes de financement des aires protégées peut également être facilitée par une mise en relation des principaux acteurs, en développant par exemple des moments de coordination et de dialogue entre financeurs potentiels et gestionnaires . Leur animation au niveau territorial aurait toute sa pertinence, notamment à l'échelon régional, compte tenu de la mise en place récente des Agences régionales de la biodiversité et du chef de filât des régions en matière de biodiversité. Ces conférences sont mises en place dans certaines régions et regroupent la région, la DREAL, l'OFB et les Agences de l'eau. Il s'agit de rendre plus visibles les différents financements mobilisables et de mieux les articuler.

Recommandation n° 2 : organiser régulièrement des conférences de financeurs, à l'échelle nationale mais également au niveau territorial, par exemple à l'échelon régional, afin de mieux mobiliser et articuler les financements locaux, nationaux et européens disponibles.

Un point a été porté l'attention du rapporteur, s'agissant du réseau Natura 2000 : alors même que le modèle Natura 2000 à la française est marqué par une forte dépendance aux fonds européens, les retards accumulés sur plusieurs années au cours de la dernière programmation pour instruire les dossiers et verser les aides financières ont très fortement impacté la trésorerie de certaines structures animatrices Natura 2000, avec parfois pour effet une démobilisation des élus dans leur rôle de présidence de comité de pilotage . Il importe donc que ces retards ne se reproduisent pas lors de la prochaine programmation pour 2021 à 2027. Par ailleurs, la décentralisation de la gestion des sites Natura 2000 terrestres aux régions prévue dans le projet de loi « 3DS » doit constituer une opportunité pour améliorer la gestion financière et administrative des fonds européens dans les territoires.

Enfin, le PNR visité par le rapporteur en Baie de Somme a signalé les difficultés rencontrées s'agissant de l'obligation qui s'impose à lui d'autofinancer 30 % de ses opérations d'investissement . Cette règle, imposée par le code général des collectivités territoriales (CGCT), est en effet difficilement compatible avec les capacités d'autofinancement des PNR. La revue de dépenses réalisée en 2017 relevait déjà ce point de blocage, qui pouvait donner lieu « à interprétations diverses de la part des services de l'État, et donc à une mise en oeuvre très variable selon les PNR », et encourageait la fédération des PNR à solliciter la DGCL afin de clarifier ce point. Le rapporteur ne peut que réitérer cette recommandation.

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