B. LA MOBILISATION DE RESSOURCES PROPRES, SI ELLE RESTE DIFFICILEMENT MAÎTRISABLE ET PARFOIS CONTRAINTE PAR LES STATUTS DES STRUCTURES GESTIONNAIRES, MÉRITE D'ÊTRE DÉVELOPPÉE

Les recettes propres constituent aujourd'hui une part marginale des recettes des structures gestionnaires d'aires protégées.

Elles ne représentent par exemple que 4 % des ressources des établissements publics de parcs nationaux , et sont constituées notamment de la vente du patrimoine immobilier, de la vente de produits dérivés des parcs, des prestations à destination de personnes privées ou publiques, ou encore de mécénats : un mécénat national pour l'ensemble des parcs (GMF) est mis en place depuis 2008, chaque parc ayant ensuite des partenariats locaux 49 ( * ) .

Toutefois, ces ressources propres sont assez peu maîtrisables et prévisibles : elles ont diminué de 39 % entre 2016 et 2020, en raison d'encaissements exceptionnels réalisés en 2016 pour deux parcs 50 ( * ) . Les représentants des parcs nationaux interrogés considèrent ainsi que dans le modèle économique actuel, les établissements ne peuvent dégager les moyens nécessaires pour les développer, comme cela peut être le cas pour des acteurs privés dans le domaine de la conservation de la nature : les CEN disposent par exemple de davantage de souplesse d'intervention et d'initiative, découlant de leur statut associatif. Si les établissements publics de parcs nationaux peuvent maintenir les niveaux actuels de recettes propres, leur développement serait contraint pour des raisons statutaires : les interlocuteurs ont ainsi pu évoquer les difficultés d'un établissement public administratif pour développer une activité d'hébergement touristique (obtention de l'agrément, imposition des revenus fonciers).

La question du développement des « contributions volontaires », par le biais de l'implication du secteur privé, par le mécénat, ou du financement participatif, mérite toutefois d'être posée.

D'abord, l'implication du secteur privé en tant que financeur, par le biais du mécénat, constituerait une piste intéressante de diversification des financements des aires protégées 51 ( * ) . Le CGDD rappelle ainsi que le mécénat est très développé pour la protection de la biodiversité aux États-Unis : Central Park par exemple, à New York, dont le budget s'élève à 40 millions d'euros par an, est financé à 85 % par des dons (d'entreprises et de personnes privées).

Pour faciliter l'accueil de financements publics et privés, les PNR ont mis en place en 2012 un « fonds de dotation des PNR de France » qui a notamment pour objet de co-construire les partenariats et d'animer et suivre les partenariats entre les parcs et les entreprises. Toutefois, d'après le CGDD, ce dernier « peine à trouver sa place dans le paysage des mécanismes de financements innovants des PNR ». Les échanges du rapporteur avec les représentants de PNR confirment malheureusement ce constat.

Le fonds de dotation des PNR français a été créé en 2012 par la Fédération des parcs naturels régionaux de France (FPNR). Interlocuteur national, le fonds de dotation est une structure facilitatrice qui accompagne les Parcs et leurs partenaires. Le fonds de dotation est destiné à soutenir les actions conduites dans les Parcs naturels régionaux pour leur fonctionnement ou investissement, conformément à leur mission d'intérêt général. Pour cela il assure la sélection des projets pertinents proposés par les Parc, la promotion des dossiers retenus auprès des entreprises, la co-construction des partenariats aux niveaux national et local, le financement des actions grâce aux dons et enfin l'animation et le suivi du partenariat entreprise/parc. En outre, il permet aux entreprises partenaires de bénéficier d'une déduction fiscale de 60 % du montant de leurs dons et ce quel que soit le type de mécénat (financier, en nature ou de compétences).

Source : « Parcs nationaux : quelles pistes de financements additionnels ? », analyse du CGDD, juin 2018

Par exemple, le mécénat a été développé pour les PNR dans les Hauts-de-France via l'opération « Mécénature » qui est mise en oeuvre depuis 2014, mais le bilan s'avère mitigé : certains partenaires privés se sont mobilisés, mais en faible nombre.

Il faut toutefois noter le risque d'image que peut emporter un développement important du mécénat . Pour pallier ce risque, une charte éthique du mécénat et du parrainage d'entreprise dans les PNR a par exemple été publiée en 2012. De même, afin de garantir l'indépendance des structures gestionnaires, le mécénat peut se limiter à quelques actions ciblées . Le CGDD identifie ainsi deux types de mécénat qui pourraient être exploités par les parcs nationaux 52 ( * ) :

- le mécénat de compétences, qui correspond à la mise à disposition de ressources humaines pour une durée limitée ;

- le mécénat de nature, qui correspond à des dons en nature de la part d'entreprises (matériel, produits, solutions technologiques, etc. ) 53 ( * ) .

Les démarches de mécénat peuvent également cibler certaines thématiques : par exemple le contrat de mécénat des parcs nationaux avec la GMF porte sur l'accessibilité des parcs aux personnes en situation de handicap.

Recommandation n° 7 : engager un développement ciblé du mécénat afin de diversifier le financement des aires protégées, notamment via le mécénat de compétences et le mécénat en « nature » (dons en nature sans contrepartie).

Les réserves naturelles de France et les CEN souhaitent ainsi renforcer l'implication du secteur privé dans le financement des aires protégées, par la mise en place d'un mécanisme de fonds public-privé qui permettrait de déployer et de sécuriser le mécénat.

La piste d'une implication des citoyens, par le biais du crowdfunding ou financement participatif (don avec ou sans contrepartie), dans le financement de projets ponctuels portés par des structures gestionnaires d'aires protégées pourrait également être utilement explorée. Ce mode de financement est aujourd'hui peu développé : d'après le CGDD, seul le parc national des Pyrénées l'a utilisé à ce jour, et pour un seul objet : financer et accélérer le programme de réintroduction des bouquetins, ce qui a permis de lever environ 13 000 euros par an 54 ( * ) .

Le déploiement à large échelle de partenariats public privé, par exemple par le biais de concessions pour l'organisation de certains services au sein des aires protégées (restauration, hébergement) ne paraît quant à lui pas souhaitable : s'ils donnent lieu au paiement de redevances, ces contrats public-privé font encourir un risque en termes d'image pour la structure gestionnaire et leur suivi s'avérerait coûteux en termes de moyens humains.

Enfin, la diversification des ressources peut aussi se traduire par l'exercice de missions de « prestataires » au service des politiques de leurs membres, comme le font les PNR (leurs ressources propres représentent environ 10 % de leurs ressources en 2015). Ces prestations peuvent prendre la forme de l'organisation d'expositions ou de visites guidées.

En tout état de cause, si les financements du secteur privé peuvent utilement compléter le financement public, ils ne sauraient s'y substituer. Il faut donc initier puis assurer leur montée en puissance avant d'envisager une stagnation (voire un recul) des financements publics.


* 49 Au sein du parc national de Port-Cros, un contrat de mécénat existe avec la Fondation d'entreprise Total depuis 1992. Renouvelé chaque année, il a permis de financer de nombreuses études scientifiques centrées sur le milieu marin, et notamment les cétacés, ainsi que des travaux de restauration écologique (CGDD, 2018).

* 50 Pour le parc de Port-Cros, il s'agit de la mise à jour et de l'actualisation des baux, de la conclusion de nouveaux baux, et de l'encaissement du produit issu d'un contentieux viticole. Pour le parc de la Vanoise, il s'agit de la vente du chalet du col de la Madeleine et de sa ré-imputation comptable.

* 51 De nombreux avantages fiscaux sont par ailleurs accordés aux entreprises mécènes.

* 52 « Parcs nationaux : quelles pistes de financements additionnels ? », analyse du CGDD, juin 2018.

* 53 Par exemple mise à disposition gratuite d'un véhicule électrique par un constructeur automobile qui serait soucieux de devenir mécène d'un parc national.

* 54 Les parcs nationaux étant des organismes d'intérêt général, les donations en leur faveur donnent lieu à une possibilité de défiscalisation très intéressante, à hauteur de 66 %.

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