C. SI LA PISTE D'UNE FISCALITÉ DÉDIÉE NE SEMBLE PAS ADAPTÉE AU CONTEXTE ÉCONOMIQUE ACTUEL, LA MISE À CONTRIBUTION DES USAGERS DES AIRES PROTÉGÉES À DES FINS ÉCONOMIQUES DOIT ÊTRE ENGAGÉE

1. La piste d'une nouvelle fiscalité affectée aux aires protégées ne paraît pas opportune

Si les missions des agences de l'eau ont été élargies en 2016 à la biodiversité terrestre et marine par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, les redevances perçues par les agences de l'eau restent fondées sur les usages et pollutions de l'eau. Elles ont toutefois intégré en 2020 les redevances sur l'activité cynégétique à la suite de la réforme de la chasse de 2019 et la création de l'OFB.

Aujourd'hui, si certaines redevances s'appuient sur les pressions exercées par l'activité humaine sur les écosystèmes (comme la redevance pour pollution diffuse ou la redevance pour protection du milieu aquatique visant l'activité de pêche), la majeure partie des atteintes à la biodiversité liées à des activités anthropiques ne font pas l'objet d'une taxe .

De nombreux interlocuteurs ont fait part au rapporteur de leur souhait de création d'une nouvelle redevance qui serait affectée aux agences de l'eau, sous plafond ou hors plafond, portant sur les atteintes à la biodiversité terrestre (liée à l'exploitation des ressources ou aux usages), combinée à un relèvement du plafond des redevances affectées aux agences (plafond au-delà duquel les redevances sont reversées au budget général de l'État).

Le plan d'actions 2021-2023 de la SNAP préconise ainsi d'expertiser les voies d'une « mise en cohérence de l'assiette des redevances des agences de l'eau avec les missions financées par ces établissements », afin de leur permettre de financer les actions relatives à l'eau, au milieu marin, mais également à la biodiversité, en cohérence avec la loi de 2016. Cette nouvelle redevance pourrait par exemple être basée sur une part additionnelle à la taxe d'aménagement en sus des parts déjà perçues par les départements et les communes ou communautés de communes.

La mise en oeuvre d'une nouvelle fiscalité affectée à la biodiversité a également été évoquée, sous la forme d'une taxe liée à l'artificialisation et aux changements d'affectation des sols qui serait reversée aux aires protégées.

Au-delà des difficultés juridiques qui pourraient se poser pour cette seconde option (le statut de certaines structures gestionnaires ne leur permet pas de bénéficier de fiscalité affectée), le rapporteur estime que, compte tenu de la situation économique, la création de nouvelles taxes ne paraît pas souhaitable à l'heure actuelle. Surtout, cette taxation « écologique » conduirait à accroître la dépendance du financement des aires protégées à la poursuite d'atteintes à la nature.

Recommandation n° 9 : éviter la mise en place d'une nouvelle fiscalité affectée à la biodiversité, peu adaptée au contexte économique et risquant d'accroître la dépendance du financement des aires protégées à la poursuite d'atteintes à la nature.

2. Si l'accès aux aires protégées doit rester libre et gratuit, une contribution financière peut légitimement être attendue des usages « économiques » des espaces protégés

L'accès aux aires protégées est aujourd'hui gratuit, tandis que leur entretien suscite des coûts parfois importants, analysés au fil de ce rapport, et alors même que la surfréquentation est susceptible de dégrader certains espaces et de générer des coûts supplémentaires afin de restaurer leur intégrité.

Il est difficile de calculer les services écosystémiques 55 ( * ) rendus par les aires protégées, et donc de légitimer les coûts que leur gestion représente. Afin de leur donner une valeur - autrement dit de traduire en pratique l'idée selon laquelle « la nature ne rend pas des services gratuits » -, une solution consiste à attribuer un prix à l'accès d'une aire protégée, justifié par leur vocation de préservation et de protection d'un espace. Ces « droits d'accès » peuvent consister en la mise en place d'un tarif d'entrée, de droits de parking, d'une tarification pour l'usage de services dans l'aire (activités, guides, location d'équipements).

Cette solution pose toutefois la question sociale d'un accès égal et gratuit aux espaces naturels protégés, assimilés à des biens publics, et au financement duquel les contribuables participent déjà par l'impôt. Elle nécessiterait par exemple :

- la mise en oeuvre de mesures de péréquation entre aires protégées afin de ne pas pénaliser les espaces moins fréquentés ;

- des moyens humains et financiers pour organiser les modes de contrôle des accès.

La mise en oeuvre d'un « péage » ou d'un droit d'accès à ces espaces ne paraît donc pas souhaitable.

En revanche, les aires protégées sont également devenues aujourd'hui le support d'activités économiques, qu'elles soient sportives ou culturelles. Les espaces naturels sont désormais le théâtre de compétitions sportives ou de l'organisation d'évènements culturels variés (visites guidées, concerts, spectacles, etc. ) qui représentent une pression supplémentaire sur les aires protégées.

Dans ce contexte, le plan d'actions 2021-2023 de la nouvelle stratégie pour les aires protégées propose d'étudier les modalités de compensation financière des usages tels que manifestations sportives ou culturelles payantes dans un espace protégé et de réaliser des études d'impact .

Le rapporteur considère que cette compensation serait en effet bienvenue, et permettrait une juste contribution des acteurs économiques à l'emprunt d'espaces protégés , comme c'est le cas pour d'autres usagers participant par la voie de redevances 56 ( * ) .

Une telle contribution pourrait s'ajouter aux droits d'inscription aux conférences, randonnées ou compétitions sportives organisées au sein des aires protégées. Les modalités d'affectation de cette redevance, au propriétaire, ou de reversement des recettes aux structures gestionnaires, resteraient à étudier et à définir.

Une telle contribution n'aurait pas vocation à s'appliquer aux familles ou personnes membres de fédérations de randonnées, pédestre ou cycliste, utilisant ces espaces à titre gratuit, ni aux structures associatives, qui proposent par exemple des sorties découvertes au sein d'espaces protégés, et ne poursuivent pas de but lucratif.

Recommandation n° 8 : mettre en place une contribution obligatoire au financement des aires protégées dues par les organisateurs d'activités économiques au sein de ces espaces.


* 55 Il s'agit des bénéfices sociaux et économiques d'une nature en bon état.

* 56 Ces redevances sont perçues par le propriétaire des espaces (par exemple l'ONF pour un usage privatif en forêt domaniale, ou le CELRL pour un usage sur une portion du domaine maritime dont il est propriétaire - en Baie de Somme, les interlocuteurs ont indiqué que ces redevances perçues par le CELRL étaient reversées aux structures gestionnaires des aires protégées concernées).

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