C. LA TÉLÉMÉDECINE

Vos rapporteurs se sont également intéressés, lors des auditions, à la télémédecine . En effet, beaucoup de personnes entendues ont fait valoir que les habitants de zones médicalement sinistrées sont en détresse depuis des années et n'ont aucun espoir de voir la couverture médicale s'améliorer à court comme à moyen terme par le recours aux solutions « conventionnelles » évoquées dans le présent rapport. En conséquence, de nombreux experts sont convaincus que la seule réponse opérationnelle possible à cette carence de l'accès aux soins pour tous est la télémédecine, en ce sens qu'elle permet de mettre en contact des patients des zones sous-dotées avec des médecins des zones sur-dotées.

Deux modalités sont possibles : la télécabine ou le cabinet de télémédecine.

L'Assurance maladie définit les télécabines comme des « lieux dédiés équipés » pour la téléconsultation. Ce sont des endroits clos, équipés d'un siège où le patient peut s'installer et équiper d'un écran afin que patient et médecin puissent se voir et s'entendre. Des instruments de mesures connectés sont présents dans la cabine : thermomètre, balance, tensiomètre, stéthoscope... Une imprimante est aussi installée pour l'impression des ordonnances.

Le cabinet de télémédecine désigne, lui, un cabinet médical « classique », répondant aux normes de sécurité et d'accessibilité, mais doté d'instruments de mesures connectés. Le patient est généralement accueilli par un infirmier alors que la cabine est, elle, autonome 25 ( * ) . Notre ancien collègue Yves Daudigny avait parfaitement perçu, dès 2017, l'intérêt de ce dispositif : « J'ai été bluffé par la présentation qui nous a été faite de la télémédecine dans le Loiret. Le dispositif permet un examen médical de qualité par la présence d'un infirmier mais aussi par les matériels de mesure utilisés. Le médecin dispose ainsi d'éléments d'appréciation très précis » 26 ( * ) .

Que la télémédecine s'exerce dans le cadre d'une télécabine ou d'un cabinet, les tarifs de remboursement sont les mêmes que pour une consultation en présentiel 27 ( * ) .

À n'en pas douter, la crise sanitaire devrait jouer un rôle d'accélérateur du déploiement des télécabines ou des cabinets de télémédecine. En effet, en 2020, le nombre de consultations médicales virtuelles a été multiplié par trois. La crise du Covid a donc fortement participé à la démocratisation de la téléconsultation, à la fois du côté des médecins mais également des patients 28 ( * ) .

Vos rapporteurs saluent deux initiatives locales qui leur ont été présentées lors des auditions, puis devant l'ensemble de la délégation 29 ( * ) .

En premier lieu, M. John Billard, maire de Le Favril (Eure-et-Loir) et secrétaire général de l'association des maires ruraux de France (AMRF) 30 ( * ) , a été le premier maire à implanter une cabine de téléconsultation en octobre 2019 pour un bassin de vie d'environ 5000 personnes autour de la commune. Lors de son audition, M. Billard a insisté sur le fait qu'une consultation en télécabine est « un véritable examen médical qui dure obligatoirement 20 minutes, à l'issue duquel un diagnostic complet est établi ». Il a indiqué que « 96 % des personnes sont satisfaites et sont prêtes à recommander l'expérience de télémédecine », ajoutant que 36 % des patients ont plus de 60 ans, « preuve de l'absence de barrière générationnelle ». Notons également que 130 téléconsultations ont été réalisées depuis 2019, avec des pics de fréquentation lors de l'absence et des vacances des médecins libéraux du secteur.

En second lieu, M. Christophe Dietrich, maire de Laigneville (Oise), commune d'environ 5000 habitants, a indiqué avoir mis en place un cabinet de télémédecine en juin 2018. Ce dernier, a-t-il précisé, a enregistré une centaine de consultations dès le premier mois et le fichier de télémédecine de Laigneville compte 2 000 patients réguliers. M. Dietrich a enfin fait valoir que « la télémédecine est mûre aujourd'hui  et répond aux besoins des habitants aussi bien qu'un médecin traitant » et qu'elle avait même permis de « sauver des vies », citant le cas « d'un marathonien qui s'est vu ordonner une échographie des carotides, laquelle a détecté un accident vasculaire en cours ».

Vos rapporteurs soulignent qu'il est intéressant de tirer profit de la télésanté pour améliorer le maillage sanitaire de notre territoire . Ils relèvent toutefois :

- qu'il est nécessaire de réfléchir au bon échelon local dans le cadre duquel ces projets complexes et coûteux doivent être conduits. Ce sujet rejoint une préoccupation générale que vos rapporteurs exposeront dans la partie « recommandations » du présent rapport ;

- que ces projets nécessitent naturellement que les zones sous-denses disposent d'une connexion Internet haut débit ;

- que les centres de téléconsultation doivent respecter le parcours coordonné de soins ; en conséquence, ces dispositifs doivent être pleinement intégrés au sein de la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) ;

- que la télémédecine doit constituer une solution de « dernier recours », lorsqu' aucune solution alternative ne paraît envisageable .


* 25 Un opérateur est parfois dédié à la télécabine pour l'accueil ou le nettoyage entre deux consultations.

* 26 Rapport d'information précité n° 686 (2016-2017) de MM. Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny, fait au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale et de la commission des affaires sociales, déposé le 26 juillet 2017

* 27 L'arrêté du 1 er août 2018 portant approbation par arrêté ministériel de l'avenant n°6 à la convention médicale a fait entrer la téléconsultation dans le droit commun de la prise en charge des actes médicaux par l'Assurance maladie.

* 28 Notons toutefois que le plan MaSanté2022, mis en place avant la crise sanitaire, avait inscrit la télémédecine dans le droit commun.

* 29 Voir le compte-rendu sur http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20210531/03_06_21.html#toc3

* 30 Le 29 septembre 2021, cette association a lancé un cri d'alerte sur la dégradation de la démographie médicale en France. Elle a interpellé les candidats à la présidentielle sur « l'urgence absolue » de répondre au défi des déserts médicaux et à apporter des solutions pour atténuer la crise.

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