E. CE « BOUCLIER TARIFAIRE » DÉSTABILISE LES FOURNISSEURS D'ÉNERGIE

Les fournisseurs d'énergie sont pénalisés par le blocage des tarifs réglementés : pour GrDF « le gel tarifaire, s'il est justifié, ne doit pas menacer la situation financière des fournisseurs. »

Lors de son audition, le MNE a fait état de changements sur le marché de la fourniture d'énergie. Certains fournisseurs limitent leurs offres ou revoient leurs prix. Les offres inférieures aux tarifs réglementés sont devenues rares, la plupart étant indexées sur les prix de gros. Certains fournisseurs pourraient, en outre, réviser les offres à prix bloqués contractées en-dessous de ces tarifs. D'autres pourraient faire défaut, à l'image de E. Leclerc Énergies et ses 140 000 abonnés.

Or, plusieurs dispositifs protecteurs des consommateurs, issus de l'article 63 de la loi « Énergie-Climat » de 2019, connaissent des retards d'application . Selon le MNE, il en va ainsi des fournisseurs de secours en électricité ou en gaz, qui garantissent une fourniture d'énergie en cas de défaillance : « le MNE doit faire part de son inquiétude concernant le dispositif de fourniture de secours. Si les textes ont été publiés, le dispositif n'est pas opérationnel. » Pour GrDF, il en est de même des fournisseurs de dernier recours en gaz, créés dans la perspective de l'extinction des TRVG le 1 er juillet 2023 : « ne pouvant plus contracter de contrat au tarif réglementé, certains clients vont se retrouver sans contrat car refusant de souscrire de nouveaux contrats au tarif en vigueur. Des coupures sont à prévoir en l'absence de fournisseurs de dernier recours. »

Autre difficulté, la FNCCR a critiqué l'absence de désignation des correspondants solidarité-précarité, prévus par un décret n° 2018-780 de 2008, pour faire le lien entre les fournisseurs et les collectivités territoriales : « un signalement récurrent de la FNCCR est l'absence de désignation de ces derniers la plupart du temps, alors qu'il s'agit d'une obligation. »

Le rapporteur note que la CRE a publié un cahier des charges pour les fournisseurs de secours, le 14 octobre, et qu'EDF a été désigné comme tel pour l'électricité, le 3 novembre : ces retards étant regrettables, il appelle à désigner les fournisseurs et correspondants manquants .

F. AU TOTAL, LE « BOUCLIER TARIFAIRE » EST TARDIF ET INCOMPLET

En premier lieu, les blocages ou compensations des TRVG et TRVE sont incomplets. Les premiers concernent 3 M de sites résidentiels, soit 7,5 % de la consommation de gaz, et les seconds 22,2 M de sites résidentiels et 1,5 M de sites professionnels, soit 28 % de celle d'électricité, selon la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Si la baisse de TICFE liée aux TRVE englobe les entreprises comme les particuliers, celle de TICGN liée aux TRVG ne vise que les particuliers. Les fournisseurs de gaz ne bénéficieront d'une compensation qu'en l'absence de modifications contractuelles. Enfin, le rapporteur retient de l'audition du MNE que les précédents gels tarifaires ont été contestés : « le MNE souhaite rappeler que les précédentes mesures avaient donné lieu à des contentieux ayant abouti à des annulations suivies de rattrapages. »

En second lieu, l'attribution de 100 euros via le chèque énergie ou l'indemnité inflation est limitée. Le MNE plaide pour l'allocation d'un second chèque énergie : « il est possible que cet effort ne soit pas suffisant et doive être complété par un second chèque énergie ». De son côté, la FNCCR souhaite une réévaluation pérenne du chèque énergie : « la FNCCR est favorable à une revalorisation du chèque énergie en 2022 [et] suggère une indexation [sur] l'évolution des tarifs réglementés [et un] accompagnement des ménages par les fonds de solidarité pour le logement. »

En dernier lieu, les mesures annoncées par le Gouvernement sont l'objet de critiques :

• La CRE souhaite « d'une part, la baisse de TICGN, dès le 1 er janvier 2022 et, d'autre part, un dispositif d'aide aux fournisseurs qui se trouveraient en difficulté financière du fait du gel tarifaire » , ne jugeant pas aisé « de revoir le principe du coût marginal ».

• Le MNE propose la mise en oeuvre d'un service minimum de l'électricité , car les tarifs réglementés ou les fournisseurs de secours ne suffisent pas à aider « les consommateurs qui ne parviennent plus à payer leurs factures ou à souscrire un contrat avec un fournisseur ».

• L'Association française de producteurs indépendants d'électricité et de gaz (AFIEG) et l'Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE) veulent relever le plafond de l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique (Arenh), la secrétaire d'État à la biodiversité l'ayant exclu car « une telle décision unilatérale comporte des risques juridiques ».

• Beaucoup de personnes auditionnées attendent une baisse de la fiscalité énergétique. Or, avec 47,03 Md€ en 2018, la France est le premier pays européen pour cette fiscalité, selon la Cour des comptes. Pour autant, elle n'a pas fait le choix d'une baisse massive de TVA (comme l'Espagne) ou de fiscalité sur l'électricité (comme l'Allemagne). Les baisses de TICGN et de TICFE prévues sont facultatives, activables par décret et transitoires, limitées à un an.

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