II. UN CONTEXTE QUI ACCÉLÈRE LA PRISE DE CONSCIENCE D'UN ENJEU DE SANTÉ PUBLIQUE MAJEUR

Comme le relevait en avril 2017 la mission d'information du Sénat sur la situation de la psychiatrie des mineurs en France, « peu de sujets ont fait l'objet d'autant de rapports publics au fil des dernières décennies que la psychiatrie » 15 ( * ) . En effet, de nombreux travaux 16 ( * ) , sur la période récente, ont établi un diagnostic souvent convergent et alarmant sur un secteur en crise : des équipes soignantes en souffrance, des moyens insuffisants et des financements inadaptés, des inégalités territoriales dans l'accès aux soins, une organisation peu lisible et peu efficiente, des patients confrontés à un « parcours du combattant » pour accéder à une prise en charge adaptée.

La prise en charge en santé mentale, qui recouvre des enjeux encore plus large que la psychiatrie stricto sensu , souffre des mêmes carences. Or, si une personne sur cinq sera un jour atteinte d'une maladie psychique, la grande majorité a connu, connaît ou connaîtra à un moment de sa vie, ou dans son entourage, un trouble anxieux voire des symptômes dépressifs.

La crise sanitaire n'a pas « révélé » les difficultés d'un système qui étaient déjà, de longue date, bien identifiées. Elle renforce néanmoins la prise de conscience sur la nécessité voire l'urgence d'y consacrer un investissement sociétal plus important. Par ailleurs, en servant de moteur à des évolutions de pratiques et innovations, elle pourrait jouer un rôle d'accélérateur à la transformation de l'offre spécialisée en santé mentale .

Pour nombre d'acteurs auditionnés, cette crise doit ainsi être saisie comme l'opportunité d'engager des changements attendus.

Sur un champ potentiellement très vaste que ce rapport n'a pas vocation à aborder dans son ensemble, les recommandations des rapporteurs ciblent les enjeux de prévention, de repérage et de prise en charge de premier niveau qui revêtent, en particulier dans le contexte psycho-social qui résulte de la crise sanitaire, un caractère crucial pour éviter la chronicisation de symptômes passagers, notamment chez les plus jeunes.

A. PRÉVENIR ET DÉDRAMATISER LES PROBLÈMES DE SANTÉ MENTALE : CAPITALISER SUR LES INNOVATIONS AYANT ÉMERGÉ PENDANT LA CRISE SANITAIRE

1. Faciliter l'appropriation d'une culture de la prévention en matière de santé mentale

Dans son rapport « charges et produits » publié en juillet 2021, qui consacre un volet à la santé mentale, la caisse nationale d'assurance maladie observe que « la santé mentale est un champ privilégié pour les actions de prévention et de promotion de la santé . L'immense majorité des troubles de santé mentale relève de ce champ » qu'elle reconnaît ne pas avoir, cependant, encore pleinement investi. La capacité à aller vers les personnes concernées par ces troubles le plus tôt possible est selon cette étude « source d'une amélioration potentiellement très importante en termes de santé publique » : d'abord, parce que ces troubles sont susceptibles de dégrader la qualité de vie des personnes concernées, pouvant les conduire à une consommation de médicaments psychotropes non pertinente, ensuite parce qu'ils sont dans certains cas annonciateurs de troubles psychiatriques débutants, qui peuvent mettre du temps à être exprimés, diagnostiqués et pris en charge. Or, « ces délais sont autant de perte de chance pour les personnes concernées » 17 ( * ) .

En effet, si de nombreuses actions sont portées par différentes catégories d'acteurs, le travail de prévention et plus largement de sensibilisation du grand public sur ces questions de santé mentale reste encore à accomplir. Lors de son audition, le Pr Antoine Pelissolo, chef de service au pôle psychiatrie du CHU Henri Mondor à Créteil, a estimé le niveau d'information dans notre pays « catastrophique », montrant des représentations sur les maladies mentales (culpabilité, honte, incapacité à comprendre...) comparables à celles observées il y a 40 ans en Ecosse.

Pour nombre d'interlocuteurs entendus, la méconnaissance et par voie de conséquence les préjugés qui entourent la santé mentale, notamment chez les jeunes, retardent l'accès à une prise en charge voire entraînent un non recours aux soins (ce que l'Organisation mondiale de la santé désigne de « mental health gap »). Les chercheuses Coralie Gandré et Magali Coldefy ont ainsi souligné que « le non-recours aux soins est important dans le champ de la santé mentale du fait du manque d'informations de la population sur les troubles psychiques, les prises en charge et soutiens existants, les lieux où demander de l'aide, mais également du fait de la forte stigmatisation associée aux troubles psychiques et aux professionnels et structures de prise en charge. Cette stigmatisation va constituer un frein majeur dans le recours aux soins . » 18 ( * )

Or, comme l'a indiqué Maria Melchior, directrice de recherche à l'Inserm, la prévention primaire est très sous-développée en France , à défaut notamment de statut dédié pour les métiers qui s'y consacrent ou de structure adaptée.

Certaines initiatives sont néanmoins à relever et mériteraient d'être plus largement soutenues et déployées, à l'instar du projet « Premiers secours en santé mentale » inspiré du programme « Mental Health First Aid » né en Australie en 2000 et déployé dans plusieurs pays européens parmi lesquels le Royaume-Uni ou les Pays-Bas. Ciblé en France sur les jeunes, dans un premier temps, il a vocation, suivant le modèle australien, à concerner potentiellement la population générale.

« Premier secours en santé mentale » : un projet pour contribuer
à améliorer la connaissance et favoriser le repérage précoce

Inscrit en 2018 au titre des actions de la Feuille de route santé mentale et psychiatrie (action n° 4) et du plan national de santé publique, le projet « Premiers secours en santé mentale », ciblé en priorité en France sur le public des jeunes, a pour objectif de repérer les troubles psychiques ou signes précurseurs de crise afin d'intervenir précocement, sur le modèle des « gestes qui sauvent », de lutter contre la stigmatisation liée aux troubles psychiques à travers des actions de formation et d'information et de favoriser l'accès aux soins et l'accompagnement.

Plus de 5 250 « secouristes » ont été formés depuis 2018. Ils oeuvrent auprès des jeunes à l'échelle locale, afin qu'ils puissent eux-mêmes former des jeunes qui pourront intervenir auprès de leurs pairs.

Le projet est piloté par l'association PSSM France qui a acquis la franchise du modèle australien. Seule habilitée à former les instructeurs, elle est chargée d'adapter les modules de formation et de délivrer les attestations d'instructeurs et de formateurs. L'association a passé une convention avec la direction générale de la santé et la direction générale pour l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle et, début 2021, avec la Cnam pour que des caisses primaires d'assurance maladie puissent participer au déploiement du projet. Cette action pourrait être étendue au milieu professionnel.

Dans la même perspective, à savoir pour briser les tabous autour des questions de santé mentale et lutter contre la stigmatisation, les rapporteurs notent l'intérêt des actions de formation et de sensibilisation engagées par l'organisme national Psycom, constitué sous la forme d'un groupement de coopération sanitaire (GCS) et cofinancé par Santé publique France et le ministère de la santé 19 ( * ) : le site « psycom.org » délivre une information qui s'adresse à différents publics (jeunes, actifs, personnes âgées, etc .) et aide à s'orienter dans le système de prise en charge. À cet égard, il propose un annuaire des structures en Île-de-France dont le principe a été salué par plusieurs acteurs et qui gagnerait à être dupliqué à d'autres territoires.

En 2019, 537 793 internautes ont visité le site au moins une fois. D'après les données communiquées par Santé publique France, le nombre moyen de visites quotidiennes sur le site du Psycom a connu une hausse significative (144 %) pendant la période de la campagne publique organisée en direction des publics adultes (du 6 avril au 13 mai 2021) en comparaison à la période avant campagne (du 1 er mars au 5 avril 2021), ce qui montre l'intérêt de mieux faire connaître cet outil d'information.

Proposition n° 5 : Soutenir et développer les démarches visant à favoriser la prévention et le repérage précoce

Proposition n° 6 : Faciliter l'accès à des inventaires des structures compétentes et contacts pertinents au niveau local

En outre, ainsi que l'ont relevé les représentants de Santé publique France dans une contribution adressée aux rapporteurs, parmi les actions les plus efficaces pour la prévention des troubles psychologiques, par un investissement très en amont de la prise en charge, figurent en particulier les interventions de soutien à la parentalité .

Dans une tribune publiée dans le journal Le Monde le 2 août 2021, le Pr Richard Delorme, pédopsychiatre appelle, face à la hausse des troubles psychiatriques chez les enfants, à développer une politique de prévention et souligne les actions mises en place dans certains pays ayant « choisi d'intensifier le déploiement de programmes d'accompagnement à la parentalité validés scientifiquement, comme le Positive Parenting Program (Triple P). Ces programmes pour les parents favorisent la gestion émotionnelle, préviennent les violences intrafamiliales et les troubles du comportement des enfants. »

Il relève également que le succès du site d'information « CléPsy » à destination des familles , créé au début de la crise sanitaire et qui a rencontré plus de 800 000 visites en un an, confirme « la volonté des parents de devenir des acteurs du bien-être mental de leur enfant » grâce à des outils leur permettant de « renforcer leur autonomie et faire face aux difficultés psychologiques de leurs enfants » . Ce site, issu d'une initiative du Centre d'excellence des troubles du spectre de l'autisme et neurodéveloppementaux d'Île-de-France et du service de psychiatrie de l'enfant et l'adolescent de l'hôpital Robert Debré de Paris, met à disposition des fiches pratiques, aidant notamment à repérer des signes de détresse chez l'enfant ou l'adolescent.

Les rapporteurs notent l'intérêt de ces outils qui permettent de rompre l'isolement des familles et de partager des connaissances. Ils sont toutefois destinés à un public souvent déjà bien informé et ne peuvent être ainsi que complémentaires à des démarches de soutien plus ciblées en direction des familles les plus fragiles, pour les repérer et les aider, que les rapporteurs évoquent plus loin.

Proposition n° 7 : Développer des programmes d'accompagnement et de soutien à la parentalité pour favoriser le repérage précoce des signes de détresse chez l'enfant et l'adolescent et prévenir les troubles psychologiques

2. Diversifier les réponses et renouveler les pratiques en intégrant pertinemment l'outil numérique

La crise sanitaire a contribué à un foisonnement d'initiatives dans le champ de la santé mentale, s'appuyant sur une diversité de supports : lignes d'écoute, plateformes de téléconsultations, sites internet proposant une auto-évaluation de son état mental voire des conseils personnalisés en matière de gestion du stress et plus largement de bien-être, s'adressant à des publics variés, ont émergé ou rencontré un développement au cours de l'année 2020.

Aux côtés des initiatives portées de longue date par des acteurs associatifs (à l'instar de la ligne d'écoute anonyme de SOS Amitiés), ou de celles déployées par des acteurs hospitaliers en alternative à la fermeture des services ambulatoires (téléconsultation, suivi par téléphone) ou institutionnels (par exemple la plateforme nationale d'écoute et de soutien psychologique lancée le 10 mars 2021 par le ministère en charge de l'enseignement supérieur, en partenariat avec la fédération française des psychologues et de psychologie, en direction du public étudiant), d'autres relèvent de démarches commerciales.

Le rapport de « retours d'expériences de la crise covid-19 dans le secteur de la santé mentale » publié en octobre 2020 par le ministère des solidarités et de la santé, à partir d'une enquête menée par la délégation ministérielle à la santé mentale et à la psychiatrie, note que 150 dispositifs innovants ont été identifiés , 63 % à l'initiative de structures publiques, 18 % de structures privées d'intérêt collectif, 9% de structures privées et 6 % d'autres structures (centres communaux d'action sociale, groupements de coopération sociale et médicosociale...) ; 22 % concernent les enfants, 21 % les adultes et 57 % ces 2 publics. En particulier, les lignes d'écoute ont connu une « explosion » au niveau national, régional, local : en Île-de-France, l'ARS en recense 18. Ce rapport note que ces lignes « se sont multipliées en fonction des publics ciblés : grand public, patients, aidants, familles endeuillées, professionnels » et qu'elles « se sont fixées des objectifs différenciés : information générale, évaluation, orientation, mise en place d'une 2 e ligne de consultations immédiates ou en moins de 24 heures par des psychologues selon l'urgence de la situation, déclenchement de départ d'équipes mobiles » . Il estime que leur succès est « mitigé » , avec parfois un faible recours, des fermetures de lignes et un bénéfice difficile à évaluer.

D'une manière générale cependant, ce « RETEX » conclut au fait que les réorganisations mises en oeuvre ont ouvert « de nouvelles perspectives de transformation des offres en santé mentale dans les territoires » : « un double virage a été constaté, numérique et ambulatoire, privilégiant l'aller vers et la réponse adaptée et personnalisée aux besoins des publics concernés » .

De nouveaux supports comme les lignes d'écoute « Psy Île-de-France », portée par le GHU Paris psychiatrie & neurosciences dont les rapporteurs ont rencontré les équipes, ou « Écoute Étudiants Île-de-France », porté par la Fondation FondaMental, ont rencontré dans le contexte de la crise sanitaire un public en demande d'information, de conseil voire de soutien.

À ce dispositif d'information s'est ajoutée le 1 er octobre dernier, dans un champ plus ciblé, l'entrée en fonctionnement du numéro national de prévention du suicide (le 31.14), accessible gratuitement, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, sur l'ensemble du territoire pour apporter, suivant ce qu'a indiqué Olivier Véran lors des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, « une réponse immédiate aux personnes en détresse psychique et à risque suicidaire » . Annoncé en juillet 2020 dans le cadre du Ségur de la santé, ce numéro vert doit compléter le système VigilanS 20 ( * ) de rappel et de suivi des personnes ayant fait une tentative de suicide, créé en 2015 dans les Hauts-de-France.

L'émergence des lignes d'écoute et d'orientation pendant la crise sanitaire : l'exemple de « Psy-IDF » et « Écoute Étudiants Île-de-France »

• « Psy-IDF » : un numéro vert tout public fondée sur l'expertise du centre psychiatrique d'orientation et d'accueil (CPOA) du GHU de Paris

Lors de leur déplacement sur le site de l'hôpital Sainte-Anne, les rapporteurs se sont vu présenter, par le Dr Raphael Gourevitch et ses équipes, le dispositif « Psy-IDF » adossé au CPOA, centre qui reçoit des urgences psychiatriques 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 et assure environ 10 000 consultations non programmées par an.

Mise en place le 6 avril 2020 en partenariat avec l'ARS et l'AP-HP, la ligne « Psy-IDF » (numéro vert 01.48.00.48.00, accessible 7 jours sur 7 de 13 heures à 21 heures puis de 11 heures à 19 heures) a été développée à destination des familles touchées par des troubles psychiques, à partir du travail téléphonique effectué par les équipes du CPOA avec ses patients et leur entourage. Elle propose :

- une première ligne de réponse par des infirmiers, qui procèdent à une évaluation et une orientation sous supervision médicale,

- un recours possible à une seconde ligne d'écoute et soutien psychologique.

En un an, cette ligne a reçu 14 028 appels, ayant donné lieu au renseignement de 3 496 fiches (42 % des appels étant abandonnés ou d'autres ne justifiant pas un suivi) ; 726 appels ont été transférés à la seconde ligne.

Plus de 82 % des personnes appellent pour elles-mêmes. L'âge moyen des appelants est de 47 ans et 62 % sont des femmes. Les 2/3 environ déclarent des antécédents de troubles psychiatriques et dans 26 % des cas, un lien évident est établi avec la crise sanitaire covid-19, comme facteur aggravant.

Ce dispositif a bénéficié du soutien financier de l'ARS à hauteur de 0,5 million d'euros. Il fonctionne grâce à deux répondants par jour et deux psychologues à mi-temps par jour. Son principe a été pérennisé.

• « Écoute Étudiants Île-de-France » : un soutien aux étudiants franciliens face à la crise sanitaire

Ce site gratuit et anonyme, dédié au soutien psychologique et à l'écoute, a été mis en place par la Fondation FondaMental avec le soutien de la Région Île-de-France. Il propose des informations, des conseils, des exercices pratiques et la possibilité de bénéficier de téléconsultations (jusqu'à 3 gratuites) avec des psychologues.

D'après le bilan communiqué aux rapporteurs par les Prs Marion Leboyer et Antoine Pelissolo, après trois mois de fonctionnement :

- 37 000 connexions ont été enregistrées (25 400 visiteurs uniques) ;

- 127 000 pages ont été vues, le module informatif le plus consulté étant lié aux difficultés à travailler ;

- plus de 9 700 jeunes ont réalisé une auto-évaluation ;

- plus de 850 consultations ont été assurées (1 étudiant sur 4 a consulté au moins deux fois).

Cette plateforme est prolongée jusqu'à fin 2021.

La plupart de ces outils, développés avec une grande réactivité dans le contexte du premier confinement, semblent venir combler un certain manque dans le dispositif d'accès aux soins de santé mentale, dont l'utilité dépasse les seuls besoins de la crise sanitaire : en effet, ils proposent une porte d'accès aux soins de santé mentale pour aider des personnes, sous couvert d'anonymat, à « franchir le pas » pour évoquer avec un professionnel leurs problèmes de santé mentale ou ceux de personnes de leur entourage.

La décision de pérenniser « Psy-IDF » traduit ce besoin, qui complète le travail effectué par les équipes du CPOA.

Plus généralement s'agissant des outils numériques déployés ou développés dans le contexte de la crise sanitaire, Santé publique France a estimé de même que leur plus-value principale est l'accessibilité. Le délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie a souligné leur intérêt pour capter une demande, l'orienter et la filtrer , dans la mesure où tout problème ne nécessitera pas une prise en charge en psychothérapie, comme le montrent d'ailleurs les bilans des appels traités par des lignes d'écoute. Comme l'a également indiqué, s'agissant en particulier des publics étudiants, le Dr Viviane Kovess, psychiatre, il n'y a pas lieu de « psychologiser » une réaction normale à une situation difficile : une approche graduée, pair à pair ou par soi-même est à privilégier avant de diriger vers des soins ceux qui en ont vraiment besoin.

Les rapporteurs se rallient à ces analyses tout en partageant le constat porté par Santé publique France selon lequel « ces dispositifs constituent une offre de service complémentaire et non substitutive aux praticiens » 21 ( * ) .

Plusieurs professionnels auditionnés, comme Christian Colombo, psychologue clinicien en Guadeloupe, ont considéré que l'outil numérique était un plus sans constituer pour autant la panacée, les relations humaines restant au coeur de la relation entre un patient et son thérapeute . Plus encore s'agissant de la prise en charge des jeunes, le pédopsychiatre Serge Hefez a estimé que ces outils, parfois « un peu gadget », ne répondaient qu'à une partie des besoins : les enfants ont besoin d'être en contact avec un professionnel qui va créer du lien avec eux et créer des dynamiques relationnelles avec d'autres enfants ou adolescents.

Ces outils peuvent se révéler en outre excluant pour certains publics, les plus fragiles, comme l'a fait remarquer le Dr Delphine Glachant, présidente de l'union syndicale de la psychiatrie.

Il sera certes utile d'évaluer l'intérêt de ces différents dispositifs pour la santé mentale, leur capacité à assurer des parcours personnalisés de prise en charge et une continuité du suivi pour ceux qui proposent une mise en relation avec des professionnels par le biais de téléconsultations. De même, si le temps conduira probablement à faire de lui-même le tri entre des initiatives déployées en ordre dispersé, une plus grande cohérence devra être recherchée pour assurer la lisibilité entre les nombreux projets, plus ou moins pérennes, mais aussi pour capitaliser sur les expertises acquises. C'est notamment le cas pour les lignes d'appel qui pourraient être unifiées à l'échelon régional à l'instar du dispositif présenté en Île-de-France en étant adossées à un réseau de prise en charge au niveau du territoire.

En outre, les problèmes potentiels de certification des intervenants (vérification des compétences et des diplômes), en particulier sur des plateformes commerciales non adossées à un organisme reconnu dans le champ de la santé mentale, pourraient justifier un processus souple de labellisation, par exemple par Santé publique France, pour aider le grand public à se repérer dans l'offre.

Proposition n° 8 : Pérenniser des lignes d'écoute et d'orientation en veillant à la cohérence et à la lisibilité des dispositifs proposés au niveau régional
Établir une labellisation des sites ou plateformes de téléconsultation pour s'assurer de la compétence des intervenants

Par ailleurs, ainsi que l'ont relevé les professionnels rencontrés lors de leur déplacement au GHU de Paris, la crise sanitaire a accéléré l'évolution de leurs pratiques dans le cadre des prises en charge habituelles : des assouplissements auxquels des équipes pouvaient être réticentes initialement, comme le recours à la téléconsultation, au soutien téléphonique voire à des messageries instantanées, ont constitué des alternatives au rencontres en présentiel et ont permis de maintenir du lien avec les patients ou leurs familles et de ne pas les perdre de vue.

Avec les limitations entourant ces dispositifs évoqués plus haut, ces professionnels notent l'opportunité de ne pas tirer un trait définitif sur ces solutions complémentaires, qui favorisent l'accès aux soins. Le « RETEX » précité établi en octobre 2020 par la délégation ministérielle à la santé mentale et à la psychiatrie, relevait en effet, tout en attirant l'attention sur les exigences de sécurité numérique, que « la télémédecine, si lente à se mettre en place en santé mentale, est devenue un outil permettant d'établir une réponse spécialisée en proximité », notamment dans les établissements de santé qui ont eu recours à cet outil pour des consultations, expertises ou réunions de concertation entre professionnels.

Proposition n°9 : Favoriser le recours à la téléconsultation ou au soutien par téléphone ou messagerie comme compléments aux prises en charge habituelles


* 15 Situation de la psychiatrie des mineurs en France , rapport d'information de Michel Amiel, au nom de la mission d'information sur la situation de la psychiatrie des mineurs en France, Sénat, n° 494 (2016-2017), 4 avril 2017.

* 16 Citons parmi les principaux et plus récents : Améliorer le parcours de soins en psychiatrie , Conseil économique, social et environnemental, mars 2021, Les parcours dans l'organisation des soins de psychiatrie , Cour des comptes, février 2021, Santé mentale : faire face à la crise , Institut Montaigne, décembre 2020, « Mission flash » sur le financement de la psychiatrie , Assemblée nationale, février 2019, Rapport d'information sur l'organisation territoriale de la santé mentale, Caroline Fiat et Martine Wonner, Assemblée nationale, septembre 2019, Évaluation de l'organisation et du fonctionnement du dispositif de soins psychiatriques , IGAS, 2017, Rapport relatif à la santé mentale, Michel Laforcade, octobre 2016. Parmi les travaux du Sénat, outre ceux de la mission d'information sur la situation de la psychiatrie des mineurs, d'autres travaux avaient été conduits par Alain Milon, au nom de la commission des affaires sociales en 2012 sur la prise en charge psychiatrique des personnes atteintes de troubles mentaux, ou en 2009, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, sur la prise en charge psychiatrique en France.

* 17 Rapport au ministre chargé de la Sécurité sociale et au Parlement sur l'évolution des charges et des produits de l'Assurance Maladie au titre de 2022, juillet 2021.

* 18 Contribution écrite adressée aux rapporteurs.

* 19 D'après son rapport d'activité 2019, Psycom a reçu par ailleurs des financements de trois agences régionale de santé (les ARS d'Île-de-France, d'Auvergne-Rhône-Alpes et de Nouvelle-Aquitaine) ainsi que de la Fondation de France.

* 20 Le dispositif VigilanS, créé en 2015, est déployé en janvier 2021 dans 11 régions métropolitaines et deux régions d'outre-mer. Le numéro de téléphone remis aux personnes à leur sortie d'hospitalisation après une tentative de suicide leur permet de contacter des soignants formés en cas de mal-être ou de problème. Si la personne a déjà fait plus d'une tentative de suicide, elle est contactée par téléphone entre dix et vingt jour après sa sortie de l'hôpital. Toutes les personnes sont recontactées six mois après leur sortie pour une évaluation téléphonique détaillée de leur état de santé mentale.

* 21 Contribution écrite adressée aux rapporteurs.

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