EXAMEN EN DÉLÉGATION

À l'issue de sa réunion plénière, mercredi 23 février 2022, la délégation a autorisé la publication du présent rapport.

COMPTE RENDU DU 13 JANVIER 2022

Table ronde : Les élus locaux face aux décharges sauvages, avec Fabien KEES, maire de Dannemois (Essonne), Général Sylvain NOYAU, chef de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et la santé publique (OCLAESP) et M. Philippe VIGNON, vice-président de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin (Aisne).

Mme Françoise Gatel, présidente . - Bonjour à tous. Certains de nos collègues sont ici présents au Sénat, d'autres à distance, puisque nous avons repris ce double dispositif. Je salue nos invités, qui ont eu la gentillesse de porter intérêt à nos travaux, sur un sujet du quotidien. On considère parfois que les sujets du quotidien sont très banals mais nous savons qu'ils relèvent parfois d'enjeux très forts. Souvenons-nous qu'en 2019, alors que nous nous apprêtions à travailler sur la loi « Engagement et proximité », nos pensées étaient tournées vers le maire de Signes, victime d'un accident mortel lié à cette problématique.

Même si, en certains lieux, des progrès sont réalisés, nous savons que les décharges sauvages font partie du quotidien des élus. Elles suscitent aussi l'incompréhension d'un grand nombre de nos concitoyens, qui considèrent que les élus ne font pas leur travail, alors que ceux-ci ont une responsabilité à la fois morale et juridique au titre de leur devoir de police. Ils sont néanmoins assez démunis quant aux moyens pouvant être mis en oeuvre, car des dépôts de déchets sauvages dans des bois peuvent être effectués à tout instant hors de tout regard, même celui d'une caméra.

Le maire a un pouvoir de police général, lié à une responsabilité en matière de salubrité publique et un pouvoir de police spécial au titre du code de l'environnement. Rappelons que l'abstention d'un maire, au regard d'un constat de dépôt sauvage, peut constituer une faute lourde de nature à engager la responsabilité de la commune. Le sujet est donc d'une grande gravité. Il faut se demander comment constater les dépôts, identifier leurs auteurs et les sanctionner. Nous devons aussi nous interroger sur l'efficacité de la sanction. Nous avons travaillé, dans le cadre de la loi « Sécurité globale », sur le continuum de la sanction. Nos collègues Rémy Pointereau et Corinne Féret ont particulièrement travaillé sur ces sujets, qui nécessitent une coopération étroite avec la gendarmerie (ou la police, dans les zones qui relèvent de sa compétence). Nous nous demanderons aussi quel est l'échelon pertinent pour agir : est-ce l'échelon communal, intercommunal, voire syndical (au sens des syndicats de collecte de déchets et ordures ménagères) ?

Monsieur Kees, vous êtes le maire de Dannemois, commune célèbre pour abriter le moulin où vivait Claude François. Je vous remercie de votre présence, particulièrement importante dans la mesure où vous avez été concerné au premier chef par un incident lié aux sujets qui nous réunissent : vous avez été renversé par un gérant d'entreprise, qui tentait de se débarrasser illégalement de gravats.

Monsieur Vignon, vous êtes vice-président de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin. En 2017, vous avez créé dans ce cadre une brigade intercommunale de l'environnement, qui agit en étroite liaison avec le parquet. Or, notre délégation a aussi pour vocation de faire connaître de bonnes pratiques afin que d'autres collectivités s'en inspirent.

Enfin, général Noyau, vous êtes chef de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et la santé publique et êtes entouré par deux de vos collaborateurs pour cette table ronde, que je salue également. Le champ de l'OCLAESP englobe des atteintes de toutes natures mais celles dont nous parlons empoisonnent le quotidien et, parfois, l'ambiance dans nos communes. Cette table ronde s'inscrit dans la continuité du travail auquel vous avez déjà participé, à travers plusieurs commissions.

Pour ce qui est de la mission de notre délégation sénatoriale, il s'agit du suivi de dispositions que nous avons prises, qui semblaient importantes, conformément à l'exigence du Sénat de vérifier la façon dont les décisions qu'il prend sont mises en oeuvre et la mesure dans laquelle elles produisent leurs effets.

Je donne la parole, pour commencer, à monsieur le maire de Dannemois.

M. Fabien Kees, maire de Dannemois (Essonne). - Madame la Présidente, mesdames et messieurs, merci pour votre invitation. Je suis effectivement le maire de la commune de Dannemois, dans le sud de l'Essonne, au sein de la communauté de communes des Deux Vallées. J'ai préparé quelques images qui vont illustrer mon propos. Vous voyez par exemple à l'écran un exemple de dépôt sauvage, qui est en cours d'instruction. Ces pratiques constituent un fléau pour notre village, qui compte 900 habitants et a des moyens bien plus faibles que ceux d'autres communes ou communautés de communes. Cela nous rend la tâche particulièrement difficile. Comme vous le voyez, le territoire de notre commune est rural, avec de nombreux milieux boisés et de multiples chemins qui se trouvent à l'abri de tout regard. C'est souvent dans ces endroits que nous découvrons des dépôts sauvages.

Nous constatons essentiellement des dépôts de déchets de travaux venant de professionnels du bâtiment ou de vide-maisons et vide-greniers, lorsque des personnes héritent de biens.

Vous avez rappelé les pouvoirs de police administrative du maire, au titre du code de l'environnement, et de l'article relatif à la tranquillité publique, qui nous donne quelques pouvoirs bien difficiles à appliquer, même si la réforme de 2020 nous confère davantage de pouvoirs d'action.

Les services de l'État ont mis en place des fiches réflexes, qui ont beaucoup aidé certains de mes collègues. Nous avons contribué à ce travail à travers des groupes de pilotage mis en place par la préfecture, sous l'impulsion de la préfète Josiane Chevalier en 2019. Nous continuons d'y travailler mais il s'avère difficile d'en faire un produit efficient pour que les maires et élus locaux puissent lutter efficacement contre ce fléau.

Une de vos collègues avait posé la question des compétences intercommunales. Celles-ci ne peuvent malheureusement être transférées aux EPCI, alors que cela permettrait d'assurer une cohérence territoriale dans la lutte contre les dépôts sauvages.

Nous nous sommes tout de même armés. Dans un premier temps, nous avons acquis des matériels, en particulier des véhicules, comme vous le voyez à l'écran, afin de ramasser au plus vite les premiers dépôts constatés, étant entendu que les dépôts appellent les dépôts : laisser un dépôt là où il se trouve va rapidement induire une augmentation rapide de son volume. Vous voyez sur la diapositive le coût de ces véhicules, qui est élevé. La région Ile-de-France nous a considérablement aidés en subventionnant l'achat de ces véhicules à hauteur de 60 % de leur coût.

Nous avons également acheté et installé des pièges photos, qui sont efficaces dans la lutte contre les dépôts. Vous voyez par exemple à l'image un constat établi par l'un de ces appareils, le 9 avril 2020 à 13 heures 56. Nous voyons une dame qui vient de déposer une télé, un fer à repasser, un aspirateur. Nous avons pu l'identifier grâce à ce piège photo. Il se pose un problème de réglementation mais peut-être la loi pourra-t-elle évoluer. Nous y reviendrons sans doute au cours de notre échange.

Nous organisons des journées de ramassage avec le département de l'Essonne. Nous ramassons chaque année dix tonnes de dépôts sauvages en deux sessions de ramassage. Les bénévoles des communes, les écoles et les associations environnementales sont mis à contribution, car ces actions comportent bien sûr une dimension pédagogique.

Nous proposons aussi des stages réservés aux élus, suite à l'agression que j'ai subie en septembre 2019. J'ai été contacté par l'Association des Maires Ruraux de France. Cela nous a permis d'apprendre à mieux appréhender ces situations et d'avoir les bons comportements afin d'éviter que la situation ne dégénère sur les lieux de l'infraction. Lors des faits me concernant, j'ai employé les mots (amende, services de gendarmerie) qui ont énervé l'auteur des faits, qui m'a renversé par la suite. Cette formation ne regroupe que des élus de notre territoire, durant une journée, afin d'apprendre à appréhender ces situations.

Une signalétique dissuasive est aussi mise en place. Nous avertissons ainsi nos administrés, même si les dépôts sont, en réalité, souvent le fait de personnes habitant hors de notre commune. Nous indiquons néanmoins à chacun que nous ne laisserons rien passer.

Le SIRTOM (Syndicat mixte Intercommunal de Ramassage et de Traitement des Ordures Ménagères) met en place des collectes d'encombrants dans notre commune. Nous sommes limités à un mètre cube par foyer mais c'est mieux que rien. Les déchets verts nous posent aussi de sérieux problèmes, raison pour laquelle nous organisons des ramassages de déchets verts. Cette activité sortant des compétences communales, nous recourons à un prestataire, ce qui évite un certain nombre de dépôts sauvages sur notre territoire.

Nous avons recensé tous les lieux de dépôts sauvages de notre territoire. Ils sont au nombre de sept. C'est à ces endroits que nous installons des pièges photos, de façon tournante, car nous avons quatre installations de ce type. « Souriez, vous êtes filmé » est-il indiqué à Dannemois à l'intention des personnes qui fréquentent ces lieux.

Enfin, nous avons mis en place des procédures simplifiées avec la gendarmerie et le parquet, après avoir constaté que les actions traitées par le parquet mettaient énormément de temps à aboutir. Nous avons voulu, pour davantage d'efficacité, toucher le portefeuille des auteurs. Nous fournissons la photo du piège photo et déposons plainte. L'auteur est immédiatement convoqué. Une amende de classe 4 lui est adressée (135 euros). Chaque commune de la communauté de communes a pris un arrêté nous permettant de facturer, par mandat administratif, la remise en état du lieu souillé à hauteur de 1 500 euros. Lorsque ce montant est dépassé, nous facturons les frais réels d'enlèvement du dépôt. Cela s'avère assez dissuasif vis-à-vis des auteurs, au moins pour notre territoire. Peut-être vont-ils dans une autre commune s'ils souhaitent récidiver ?

Mme Françoise Gatel, présidente . - Merci beaucoup, monsieur le maire. Nous voyons, à travers cette présentation, que vous avez mis en place un dispositif d'une grande rigueur et d'une grande constance, en vous appuyant à la fois sur l'éducation et sur la systématisation de la réaction. Les supports que vous avez projetés sont particulièrement intéressants.

Monsieur le vice-président de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin, vous avez la parole.

M. Philippe Vignon, Vice-président de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin. - Madame la Présidente, mesdames et messieurs, la communauté d'agglomération de Saint-Quentin regroupe 39 communes et 85 000 habitants répartis sur 300 kilomètres carrés. Elle compte quatre déchetteries.

En tant que vice-président chargé de la politique de la ville et de la prévention de la délinquance, j'anime le conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD). C'est dans ce cadre que nous avons abordé la question des décharges sauvages. La gouvernance du CISPD a été redéfinie fin 2020. Une assemblée plénière se réunit chaque année, fixe les priorités stratégiques et évalue les résultats. Une assemblée restreinte, qui se réunit tous les trimestres, valide et pilote la stratégie locale. À l'échelon le plus proche des populations, se réunissent aussi des comités territoriaux. J'anime tous les mois des comités territoriaux avec tous les maires de la communauté d'agglomération. Je réunis ainsi tous les maires de la communauté d'agglomération une fois par mois, en présence de madame la sous-préfète ou du secrétaire général de la préfecture et du commandant de la compagnie de gendarmerie et en présence du parquet (en la personne du Procureur de la République ou d'un substitut de celui-ci). Nous recensons, commune par commune, les difficultés rencontrées par les différents maires.

Nous traitons, bien sûr, des dépôts sauvages mais aussi de nombreuses autres questions, telles que celle des animaux errants ou celle des sucreries (puisque nous sommes une région productrice de betterave), dont j'ai dû réunir les responsables afin de mieux articuler la collecte. Le problème des dépôts sauvages est devenu extrêmement récurrent et les maires le citent souvent comme la première de leurs préoccupations, avec les excès de vitesse. Nous avions 46 dépôts sauvages en 2019 et leur nombre est passé à 153 en 2020. Certes, l'année 2020 était particulière du fait du confinement et de la fermeture des déchetteries. La hausse est tout de même exponentielle. Après examen, il apparaît que 35 % de ces déchets sont des ordures ménagères, 20 % du mobilier, 11 % des gravats, 11 % des résidus de chantiers, 9 % des végétaux, 6 % de l'amiante, 6 % des résidus mécaniques et 2 % des cadavres d'animaux.

La fermeture des déchetteries a certes eu un impact en 2020 mais nous savons que ces dépôts sont aussi étroitement liés au travail au noir. Le problème peut aussi être lié aux pratiques des intercommunalités en matière de traitement des déchets. J'ai eu une réunion avec le président de l'intercommunalité du Vermandois, voisine de la nôtre, qui paie à la levée, tandis que nous payons au forfait. Nous voyons des habitants de la communauté d'agglomération voisine déposer des ordures sur notre territoire en raison d'un moindre coût. Il faut aussi tenir compte de ce type de phénomène.

Une intercommunalité doit, bien sûr, apporter des réponses aux maires et vous avez souligné que, depuis mai 2017, la communauté d'agglomération de Saint-Quentin s'était dotée d'une brigade d'intervention en matière d'environnement (BIE). C'est très important et je crois que nous devrions tous nous réapproprier les garde-champêtres. Cette fonction a décliné. Je crois qu'il en reste 1 200 dans toute la France. On peut aussi parler de police rurale. Ce terme va certainement remplacer, en ce qui concerne notre territoire, celui de BIE et sera mieux identifiable par les citoyens.

Le garde-champêtre a des pouvoirs importants en matière de police de l'environnement, notamment au titre de l'article 24 du code de procédure pénale, qui lui permet de rechercher et constater les délits portant atteinte aux propriétés privées et publiques situées sur les communes pour lesquelles ils sont assermentés. L'article L. 172-4 du code de l'environnement leur permet également de conduire des enquêtes d'un bout à l'autre, ce qui libère de cette charge la police et la gendarmerie. Contrairement à la police municipale, qui ne peut qu'interpeller l'auteur d'une infraction et le conduire devant l'officier de police judiciaire, le garde-champêtre peut conduire son enquête en totalité, c'est-à-dire constater l'infraction, procéder à des auditions libres de personnes mises en cause, procéder le cas échéant à des visites domiciliaires et terminer la procédure jusqu'à ce que celle-ci arrive au parquet. C'est donc un dispositif précieux.

Notre brigade est constituée de trois garde-champêtres dotés de véhicules sérigraphiés, de pièges photographiques, de cinémomètres et d'éthylotests. Ils sont aussi, depuis peu, armés : notre police municipale est armée et nous avons considéré qu'il n'y avait pas de raison que les garde-champêtres, parfois confrontés à des situations dangereuses face à des concitoyens, ne soient pas également protégés.

Nous avons décidé de travailler selon trois axes. Le premier a consisté à rechercher davantage de fluidité dans la relation entre les élus de l'agglomération et le parquet, souvent jugé lointain de l'élu local. Le maire ne sait pas quelles suites sont données aux affaires. Les classements sans suite ne sont pas notifiés aux élus. Nous avons donc rétabli ce lien. Outre la participation du Procureur de la République ou d'un substitut aux comités territoriaux, nous avons fait en sorte que chaque élu ait accès à une adresse mail dédiée du parquet. C'est un dispositif qui nous est apparu essentiel. Le parquet a également créé une permanence dédiée à l'environnement, certains jours, de sorte que nous ayons un accès direct au parquet, sans intermédiaire. Nous avons mis en place une formation sur les pouvoirs de police du maire. Les élus se sont renouvelés de façon importante et il était nécessaire d'expliquer aux maires l'étendue de leurs pouvoirs de police, afin qu'ils les exercent pleinement sur leur territoire, sans pour autant se mettre en danger. Cette formation est donc importante. Nous avons également instauré un dispositif qui va prendre la forme d'une convention en matière de pratiques de lutte contre les dépôts sauvages.

Le deuxième axe a pris la forme d'un protocole d'identification des auteurs de dépôts sauvages. La principale difficulté, en la matière, réside bien dans l'identification des auteurs. La BIE a des instructions précises. Il faut d'abord prendre en photo les dépôts sauvages et les abords de ceux-ci, sans y toucher dans un premier temps. Puis vient la fouille des déchets : l'auteur sera identifié lorsqu'on va trouver une enveloppe à son adresse ou à celle des producteurs des déchets. D'autres indices peuvent être trouvés, par exemple des moyens de paiement anciens. Nous allons rechercher des traces de pneumatiques et la BIE peut établir des réquisitions de façon à accéder à la vidéo-protection des villages voisins, afin de voir si un véhicule suspect n'a pas circulé à cet endroit. Nous allons interroger les voisins, notamment à la faveur de l'opération « voisins vigilants », qui peut favoriser le recueil d'informations sur un véhicule automobile par exemple. Nous allons utiliser les caméras de chasse, même si elles ne sont pas considérées comme des appareils de vidéo-protection et ne relèvent pas du Code de la sécurité intérieure. Au regard des dispositions de l'article 427 de procédure pénale, les données obtenues par ce moyen peuvent avoir valeur de preuves, puisque la preuve est libre devant les juridictions pénales et le tribunal correctionnel. Ces éléments sont donc parfaitement reçus par les juridictions pénales. Il serait néanmoins utile de tenter de clarifier les choses, peut-être en légiférant sur cette question.

Quant à la réponse aux dépôts sauvages (troisième axe de notre action en la matière), nous avons beaucoup travaillé, là aussi, avec le parquet. Une réponse est possible en amont des poursuites, de façon alternative à celles-ci et il y a les réponses judiciaires de poursuites.

Des choses intéressantes peuvent être mises en place en amont des poursuites. Je pense au rappel à la loi par le maire et aux transactions municipales homologuées par le Procureur de la République. Ces deux actions relèvent du pouvoir de police du maire et replacent celui-ci dans ses fonctions au sein de sa commune. Dès lors qu'il n'y a pas d'enquête de procédure en cours, ce dont il faut s'assurer au niveau du parquet, le maire peut procéder à un rappel à la loi, de façon solennelle, en mairie. Il peut décider d'une transaction municipale qui sera homologuée par le parquet. Indépendamment des maires, un classement sans suite peut aussi être prononcé, sous condition d'indemnisation. Un rappel à la loi peut aussi être effectué par le délégué du Procureur de la République, avec indemnisation.

Les mesures administratives prennent souvent la forme de la composition pénale, dans le cadre de laquelle le travail non rémunéré (TNR), qui n'a rien à voir avec le travail d'intérêt général, me semble présenter un intérêt particulier. Il permet de contraindre le contrevenant, par exemple, à venir ramasser le dépôt sauvage dont il est l'auteur. Initialement limité à 60 heures, le TNR est désormais assorti d'un plafond de 100 heures. Le Procureur de la République de Saint-Quentin est très favorable à cette disposition, à laquelle il recourt régulièrement.

Enfin, lorsqu'il n'y a pas d'autre possibilité, il faut envisager les poursuites devant les tribunaux. L'ordonnancement de la répression est un peu compliqué en matière de dépôts sauvages, puisqu'il diffère selon que l'auteur est un professionnel (auquel cas l'infraction relève du tribunal correctionnel) ou un particulier (auquel cas elle relève du tribunal de police). S'il s'agit d'un particulier, on distingue aussi selon qu'il est venu avec une voiture (auquel cas il s'expose à une contravention de 5 ème classe, avec audience au tribunal en présence du parquet) ou à pied (auquel cas il s'expose à une contravention de 4 ème classe). Dès lors qu'un véhicule automobile est en cause, il s'avère très efficace de l'immobiliser ou de le confisquer. Une amende peut être rapidement payée et libérer son auteur de toute autre sanction. Or il est possible d'immobiliser le véhicule dès le début de l'enquête, dans le cadre d'une immobilisation judiciaire (ce qui est différent de l'immobilisation administrative) jusqu'au jour de l'audience, où le véhicule peut être confisqué par le tribunal. Cette décision est rarement prise par le tribunal, mais le fait d'avoir immobilisé le véhicule durant six mois, pour une personne travaillant au noir, s'avère extrêmement dissuasif.

Je sais qu'un amendement avait été rejeté dans le cadre du débat sur la loi de sécurité globale, mais je crois qu'il serait utile de clarifier l'utilisation des pièges photographiques ou caméras de chasse. Peut-être faudra-t-il également envisager l'instauration, dans le cadre de l'arsenal répressif, d'une amende forfaitaire délictuelle, afin d'éviter la lourdeur des procédures arrivant devant le tribunal et permettre une sanction plus rapide. Nous avons la chance, à Saint-Quentin, d'avoir un parquet très coopératif et très agissant, ce qui nous facilite évidemment la tâche.

Mme Françoise Gatel, présidente . - Merci pour votre témoignage. On se rend compte, en effet, de la diversité d'intensité de la relation entre le parquet et les élus, au regard de nombreux pouvoirs de police des maires. Nous avons beaucoup travaillé, récemment, sur les agressions dont les élus sont victimes. C'est cet écosystème collaboratif qui est nécessaire afin que personne ne s'use dans la mise en oeuvre de solutions et que celles-ci soient efficaces.

Général Noyau, votre poste a du sens pour nous tous et nous sommes ravis de vous entendre.

Général Sylvain Noyau, chef de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et la santé publique. - Madame la Présidente, mesdames et messieurs les sénatrices et sénateurs, je vous remercie pour votre invitation. L'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et la santé publique (OCLAESP), office central interministériel de police judiciaire, a une compétence nationale. Parmi les nombreux contentieux que nous traitons, la lutte contre les trafics de déchets figure parmi nos premières priorités, plus particulièrement sous l'angle de la délinquance ou de la criminalité organisée. Nous ne délaissons pas pour autant le sujet des dépôts sauvages, ne serait-ce que pour appuyer les services de police et de gendarmerie dans leurs propres enquêtes. Il s'agit de sujets techniques, sur lesquels notre expertise est régulièrement requise. Je suis accompagné ici par le lieutenant-colonel Maud Cerclé-Fraval, de la Direction générale de la gendarmerie nationale, chargée notamment de tous les sujets liés aux élus, ainsi que par Jean-Luc Pujol, détaché par le ministère de l'Environnement auprès de l'OCLAESP, à mes côtés, en qualité de conseiller technique. Il maîtrise parfaitement les aspects liés aux pollutions pouvant résulter des décharges sauvages et le droit de l'environnement.

Pour la gendarmerie et pour l'OCLAESP, la question des dépôts sauvages de déchets est importante, pour au moins quatre raisons. En premier lieu, la gendarmerie a la responsabilité de la sécurité publique pour 96 % du territoire. Elle est donc directement impactée par ce fléau, en métropole comme en outremer. Ce sont des infractions face auxquelles les élus sont en première ligne. Le décès de monsieur Jean-Mathieu Michel, en août 2019, est malheureusement là pour nous le rappeler. Six élus ont dû déposer plainte en 2021, dans des unités de gendarmerie, après avoir été victimes de violences dans un contexte de dépôt de déchets sauvages. La gendarmerie s'est engagée à vos côtés, face à ce défi comme face à d'autres incivilités. C'est un des thèmes de l'opération #PrésentsPourLesÉlus que le DGGN a annoncée lors du Salon des maires de novembre 2021, avec pour objectifs la proximité, l'accompagnement et la redevabilité.

En troisième lieu, ces dépôts sauvages ont des conséquences évidentes sur l'état de la planète. Le DGGN a fait de la lutte contre ces atteintes à l'environnement l'un des champs prioritaires de son action en demandant un effort particulier à tous les gendarmes sur ce sujet, notamment dans la lutte contre les déchets illégaux, qui peuvent aussi avoir des impacts sur la santé humaine. Tout à l'heure était par exemple évoquée la question du dépôt de déchets d'amiante.

Enfin, derrière ces déchets sauvages peuvent se cacher des faits de délinquance organisée, sur le modèle du réseau qui a été surnommé « la mafia des déchets », jugée en décembre dernier à Draguignan pour avoir déversé des centaines de milliers de tonnes de gravats en pleine nature, dans le Var et dans les Alpes-Maritimes.

Il est difficile d'estimer, au niveau national, ce que représentent exactement ces dépôts de déchets sauvages. L'association Gestes Propres annonce un million de tonnes de déchets abandonnés chaque année en France, ce qui représente l'équivalent de cent tours Eiffel.

Près d'un maire sur deux considère aujourd'hui que ce phénomène est en aggravation. D'après le questionnaire qui a été transmis aux élus pour identifier leurs besoins, il s'agit de leur deuxième sujet prioritaire. Le nombre d'infractions liées aux dépôts de déchets sauvages constatés par la gendarmerie a augmenté de 85 % entre 2017 et 2021. C'est une préoccupation pour 90 % des collectivités territoriales si l'on en croit l'étude réalisée par l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (ADEME), qui a dénombré près de 36 000 décharges à ciel ouvert sur le territoire.

Comme vous le savez, le sujet a été pris à bras-le-corps par les pouvoirs publics, notamment au travers des différentes dispositions de la loi anti-gaspillage et pour une économie circulaire (AGEC) de février 2020.

Les principales causes de ces dépôts sauvages sont connues et ont été évoquées : elles résident dans l'incivisme des particuliers et des artisans et entreprises, notamment pour éviter le coût de prise en charge de ces déchets en déchetterie. Une autre raison est liée à la production de déchets, qui augmente depuis plusieurs années. Ceux-ci sont moins compostables pour les ménages et demeurent plus visibles. Je pense notamment aux déchets en plastique. Il faut enfin citer, parfois, l'absence de sanctions : si celles-ci sont prévues par la loi et semblent suffisamment sévères, après avoir été renforcées par la loi AGEC, leur application reste rare dans les faits, en raison de l'identification difficile des auteurs. La rédaction des procès-verbaux est, en outre, souvent difficile pour les policiers municipaux du fait de la complexité de la réglementation.

Des solutions ont été identifiées pour lutter contre le phénomène. Un certain nombre d'entre elles ont été évoqués et je n'y reviendrai pas. La loi AGEC en a prévu certaines. Je pense notamment à la sensibilisation de nos concitoyens et des producteurs de déchets. La loi visait initialement pour janvier 2022, objectif qui serait reporté en janvier 2023, la multiplication des points de collecte, avec une reprise gratuite des déchets qui seraient triés. De nouvelles prérogatives ont été données aux maires afin de faciliter l'identification des auteurs. Les sanctions, administratives et pénales, ont aussi été alourdies comme je l'ai indiqué.

Une autre solution réside dans la création de brigades de l'environnement, qui doivent contribuer à la lutte contre les décharges sauvages à travers leur travail de proximité et de pédagogie, de même qu'à travers la recherche des auteurs et leur présentation devant les magistrats, afin d'éviter l'effet « boule de neige » souligné à juste titre.

D'autres solutions résident certainement dans l'amélioration de la traçabilité des déchets (pour retrouver les auteurs) et dans la simplification du corpus législatif. Celui-ci ne compte pas moins de 200 infractions en matière de déchets, ce qui a parfois pour effet de rebuter les enquêteurs, voire les magistrats et de générer des erreurs de procédure.

La gendarmerie se mobilise à trois niveaux. L'effort qui a été demandé par le directeur général à tous les gendarmes dans la lutte contre les atteintes à l'environnement s'est concrétisé par la création, dès 2020, de l'OCLAESP, qui doit jouer un rôle moteur dans la lutte contre toutes les infractions environnementales, notamment celles liées aux déchets. Sept détachements de l'Office ont été créés au sein des territoires en 2020, ce qui nous permet d'agir au plus près du terrain et des acteurs. Deux autres détachements doivent être créés cette année.

Cet engagement renforcé va aussi se traduire par un plan « environnement » dont je vais présenter le projet dans quelques jours au directeur général. Il devrait s'articuler autour d'une trentaine de mesures qui s'imposeront à toutes les unités de gendarmerie. Ce plan rappellera que la lutte contre les infractions liées aux déchets doit partout s'imposer comme la première des priorités en matière environnementale. Il doit aussi, en interne, contribuer à structurer notre dispositif, en systématisant notre approche globale dans la lutte contre ce contentieux, pour gagner en efficacité. Il visera aussi le développement d'outils innovants pour être plus efficace. Je pense notamment à la plateforme de signalement des atteintes à l'environnement, qui vient d'être mise en ligne sur le portail internet de la gendarmerie, sur le modèle de celle déjà proposée par France Nature Environnement ou de l'application « Stop Décharges Sauvages ».

Le deuxième axe d'effort est la mobilisation de la gendarmerie aux côtés des élus, afin que nous apportions ensemble une réponse coordonnée. C'est par exemple le sens du memento de l'environnement, diffusé le mois dernier aux élus, qui doit permettre d'aboutir à des réponses rapides et adaptées, par une connaissance plus précise de la réglementation, des prérogatives des différents acteurs impliqués et des actes à réaliser dans le cadre des investigations. Pour aller plus loin, nous serons à la disposition des élus afin de former et conseiller ceux qui sont en première ligne, c'est-à-dire qui mettent en oeuvre les procédures ou dressent les procès-verbaux. Je pense aux maires et aux élus municipaux. Nous pouvons les former au relevé des infractions et au recueil d'éléments de preuves qui permettront d'impliquer les auteurs. Des formations existent déjà. Le département du Var a par exemple formé l'an dernier 46 policiers municipaux et a prévu d'en former plus de 130 cette année.

Il s'agit aussi d'accompagner les élus dans la gestion des incivilités et de les protéger contre les violences. C'est tout le sens de la formation à la gestion des incivilités, dispensée aux élus qui en expriment le souhait. Plus de 16 000 d'entre eux ont été formés en 2021 par la gendarmerie.

Enfin, la gendarmerie intervient au travers des Opérations Territoire Propre (OTP), dont les premières ont vu le jour en 2020, avant d'être ralenties durant plusieurs mois du fait de la pandémie. Elles ont été réactivées début 2021. Ce sont des manoeuvres coordonnées, généralement au niveau des régions ou des groupements. Elles visent à multiplier, généralement durant une période d'une à deux semaines, avec tous les partenaires concernés sur les territoires, des actions de contrôle renforcé sur les sites de production, de transit et de stockage de déchets, y compris sur les sites illégaux. Nous travaillons également sur les flux, principalement les flux routiers. Leur but est de détecter et sanctionner les entreprises et particuliers qui seraient en infraction, notamment en matière de dépôt de déchets de tous types, et de conduire parallèlement des actions de formation, d'information et de prévention. Les autorités judiciaires administratives, les services partenaires et les élus y sont en principe étroitement associés. Les deux dernières opérations conduites l'ont été fin novembre 2021, en zone de défense ouest et en région PACA. Dans le premier cas, 121 sites ont été contrôlés et 92 infractions à l'environnement ont été relevées. En PACA, 300 contrôles ont été réalisés, ce qui a donné lieu au constat de près de 120 infractions.

Mme Françoise Gatel, présidente . - Merci beaucoup, Général, pour cette présentation. Je suis frappée par l'augmentation du nombre de délits, alors que parallèlement se développe l'action des collectivités en matière de collecte des déchets. La situation s'est beaucoup dégradée mais, dans le même temps, s'affirme une sensibilisation de nos concitoyens à des comportements plus écologiques ou plus durables, et une tendance à la diminution des emballages. Peut-être pouvons-nous imaginer que cette prise de conscience et l'appropriation de ces nouveaux comportements induiront une diminution de ce type de délinquance.

M. Laurent Burgoa . - J'ai été particulièrement intéressé par la présentation qu'a faite le vice-président de l'Aisne. Nous voyons bien le dynamisme qui anime les élus et le parquet. Nos élus sont cependant confrontés à une difficulté : le dispositif présenté concerne avant tout des terrains communaux. Or, des décharges sauvages se trouvent aussi sur des terrains privés. Comment pouvez-vous inciter les propriétaires privés à agir contre les dépôts sauvages ? À proximité des autoroutes, notamment, se trouvent parfois des terrains qui appartiennent à des délégataires et de nombreux dépôts de déchets sont effectués dans ces zones. C'est le cas notamment dans le département du Gard. Nos maires sont alors, trop souvent, démunis. Comment l'État peut-il agir de ce point de vue ?

Les garde-champêtres ont été cités. Je crois aussi que les chasseurs, à travers leur présence, peuvent éviter divers dépôts sauvages. Un bon partenariat entre eux et les communes peut à mon avis éviter divers dépôts sauvages.

M. Antoine Lefèvre. - Merci à nos intervenants. De nombreux exemples ont été cités et de nombreuses propositions, aussi concrètes que pertinentes, ont été évoquées. Je pense par exemple à la proposition de mise en place d'une amende délictuelle forfaitaire, qui me semble directement applicable. Je voudrais plutôt livrer une réflexion en vue de conforter notre arsenal juridique : il s'agirait de créer une infraction caractérisée en cas de dépôt et de violence contre un élu. Elle pourrait s'insérer dans le code pénal, le code de l'environnement ou le code des collectivités territoriales. Le phénomène a pris de l'ampleur et le justifierait, à mon avis, afin de protéger les élus. Parmi les exemples cités, plusieurs solutions techniques ont été mentionnées. La vidéo-verbalisation et l'utilisation de drones peuvent entrer dans ce cadre. J'en profite pour signaler la présentation du rapport que je présenterai jeudi prochain, avec mes collègues Anne-Catherine Loisier et Jean-Yves Roux sur la question des solutions technologiques au service de la protection des populations.

M. Fabien Kees, maire de Dannemois (Essonne). - Il n'y a pas de difficulté particulière en ce qui concerne les terrains privés : le constat du dépôt sauvage et l'enquête seront faits de la même manière, que le terrain soit privé ou public. Souvent, une réticence s'exprime au moment de déposer plainte. Des élus ou des particuliers craignent d'être, par la suite, ciblés ou victimes de représailles. Néanmoins, la constatation d'une infraction se fait d'elle-même et le parquet peut engager des poursuites sans qu'il y ait une plainte. Les matières, telles que le droit de la presse, où un dépôt de plainte préalable est indispensable, sont très rares. Il faut, en revanche, chiffrer le préjudice, de manière à le réclamer pour dimensionner les mesures alternatives, de même que dans le cadre d'une constitution de partie civile ou encore pour l'émission d'un titre de recettes (même si cette procédure est complexe). Le plus simple est de se porter partie civile, auquel cas le chiffrage du préjudice est indispensable.

La protection des élus existe déjà dans l'arsenal législatif. C'est une circonstance qui aggrave la sanction. Doit-on l'articuler avec la question des dépôts sauvages ? Je pense que les deux poursuites peuvent avoir lieu parallèlement. Les parquets se montrent actuellement très sensibles à ce qu'une réponse soit apportée aux agressions, physiques ou verbales, à l'encontre des élus. Nous constatons une réponse systématique des parquets.

Mme Françoise Gatel, présidente . - Vous avez raison de le souligner. Suite à la loi « Engagement et proximité », deux circulaires ont été adressées par le Garde des Sceaux aux parquets afin que ceux-ci portent une attention particulière aux agressions à l'encontre des élus et aux plaintes qu'ils déposent. Nous voyons donc que les choses changent.

M. Fabien Kees, maire de Dannemois (Essonne). - Les associations de chasse sont parties prenantes, sur notre territoire, dans la lutte contre les dépôts sauvages. Il est essentiel de les associer à notre dispositif, au même titre que les associations de randonnée, qui nous permettent une localisation rapide de dépôts dans des lieux où nous ne sommes pas amenés à nous rendre fréquemment. Les chasseurs ont déjà évité des dépôts sauvages sur notre territoire.

Nous avions l'intention de mettre en place des garde-champêtres sur notre territoire mais cela présente un coût très élevé pour nos petites collectivités. Le fonds dédié à la petite délinquance pourrait peut-être débloquer des fonds pour ce type de dispositif, de même que pour la mise en place de moyens de vidéo-protection ou de police intercommunale. Nous avions déposé un dossier en ce sens, qui a été rejeté par la région.

Mme Françoise Gatel, présidente . - Il existe un fonds dédié à l'équipement des communes en matière de vidéo-protection. Il faut effectivement s'interroger quant à la capacité des communes à disposer d'un garde-champêtre et une police municipale. C'est à la fois une question de couverture géographique et de couverture en termes d'amplitude horaire. Un garde-champêtre a un certain temps de travail. Par ailleurs, lorsque des dépôts sauvages sont effectués dans des bois ou des lieux de cette nature, nous avions constaté, dans le cadre de l'élaboration de la loi « Engagement et proximité », que le garde-champêtre avait, jusqu'à l'adoption de ce texte, un territoire d'intervention limité au territoire communal, ce qui pouvait l'empêcher d'intervenir à quelques mètres près. La loi a permis qu'à la demande de tout ou partie des communes d'une intercommunalité, celle-ci puisse créer des postes de garde-champêtres mutualisés, sous l'autorité du maire. Le pouvoir de police reste celui du maire. J'invite les communes à réfléchir, au sein de leur intercommunalité, à des solutions de cette nature, qui s'avèrent efficaces en termes de couverture du temps de travail des agents concernés de même qu'en termes de capacité de financement.

Général Sylvain Noyau, chef de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et la santé publique. - Nous constatons en effet l'augmentation des dépôts sauvages. M. Vignon soulignait qu'au sein de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin, leur nombre était passé en un an de 46 à 153. Comme je l'ai indiqué, la gendarmerie s'engage de manière très forte sur tous ces sujets environnementaux et cette priorité est portée au plus haut niveau, par le directeur général de la gendarmerie nationale. L'évènement dramatique de Signe, en août 2019, a été un révélateur et nous a certainement conduits à nous engager davantage que par le passé aux côtés des élus, ce qui contribue aussi à cette forte augmentation des infractions constatées. Il faut par ailleurs souligner l'augmentation de la gravité des infractions constatées. Jusqu'en 2017, 70 % de celles-ci étaient des infractions de 1 ère , 2 ème ou 3 ème classe. Ces catégories d'infractions ne représentent plus, aujourd'hui, que 5 % des infractions constatées.

Je ne peux que souscrire au principe d'association des chasseurs à la détection et à la lutte contre les dépôts sauvages. Une des solutions réside dans l'approche globale, en associant le plus grand nombre de partenaires. De plus en plus, dans certains départements, des patrouilles sont menées conjointement par la gendarmerie, l'ONF et la police municipale afin de traquer les dépôts sauvages et lutter contre ceux-ci. Si nous pouvons associer tous les usagers des espaces naturels à la lutte contre ce fléau, nous ne pourrons qu'y gagner. Une convention a par exemple été passée par le groupement de gendarmerie de la Meuse avec l'association des communautés de communes et des communautés d'agglomération de la Meuse. Baptisée « Veille Nature », elle vise à resserrer le contact entre les chasseurs, les élus et les usagers des espaces naturels, favoriser le partage d'informations, développer les actions de prévention et diffuser une somme d'actes réflexes.

L'action sur les dépôts sauvages se trouvant sur des terrains privés constitue l'un des objectifs des « Opérations Territoire Propre » que j'évoquais. Celles-ci sont planifiées. En phase préparatoire, la gendarmerie identifie les points durs des zones concernées et travaille en amont. Durant la semaine de l'opération, nous allons contrôler les sites avec tous les services (gendarmeries, élus, services des préfectures) de façon à additionner leurs prérogatives et se montrer plus efficace.

Je suis favorable à la proposition d'amende forfaitaire délictuelle dès lors que ce serait un vecteur de simplification des procédures.

M. Charles Guéné. - Je voudrais évoquer, pour y avoir été confronté sur le terrain en tant qu'élu, le rôle que peuvent jouer les déchetteries. Quel lien établissez-vous entre leur présence, et la qualité de leur accueil, et la lutte contre les dépôts sauvages ?

M. Fabien Kees, maire de Dannemois (Essonne). - C'est une très bonne question. Nous avons plusieurs déchetteries sur notre territoire et elles constituent des alliés précieux pour la lutte contre les dépôts sauvages. Souvent, toutefois, les professionnels du bâtiment facturent l'élimination des déchets à l'ordonnateur des travaux. Il faudrait qu'avant facturation aux particuliers, les professionnels puissent donner la preuve du dépôt des déchets en déchetterie. Les déchetteries auraient, à cet égard, un rôle majeur à jouer. Nous travaillions auparavant au tonnage et travaillons désormais au forfait, ce qui a sensiblement amélioré la situation. Obliger le professionnel à présenter au commanditaire des travaux une preuve de dépôt permettrait d'aller plus loin de façon assez efficace.

Mme Françoise Gatel, présidente . - Je constate un acquiescement à cette suggestion. La situation est tout de même assez scandaleuse lorsqu'un client paie pour une prestation d'enlèvement des gravats et que le professionnel évite, pour un petit profit, de se rendre à la déchetterie. Votre suggestion mérite sans doute d'être travaillée afin de s'assurer que celui qui a commandé un service n'a pas payé pour rien.

Je vous remercie très sincèrement pour votre participation à cette table ronde. Nous avons vu une illustration du continuum de sécurité qui est cher à notre collègue Rémy Pointereau. Une sorte de filet de sécurité et de coopération se tend autour des élus. Général, je vous remercie pour votre présence. Nous sommes toujours attachés à cette coopération efficace entre la gendarmerie et les collectivités. Nous ferons savoir votre existence à tous nos collègues, afin qu'ils n'hésitent pas à vous interpeller au plan territorial. Monsieur le vice-président, monsieur le maire, Général, ce fut un temps extrêmement riche.

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