E. ACCROÎTRE LES INCITATIONS À EXERCER DANS LES ZONES SOUS-DENSES ET CONFORTER LA BONNE DESSERTE PHARMACEUTIQUE DU TERRITOIRE

Des solutions alternatives à l'installation permettent d'accroître le temps médical disponible sur un territoire donné, par exemple l' exercice multisite des médecins , c'est-à-dire l'exercice sur un ou plusieurs sites distincts de leur résidence professionnelle habituelle. Le recours à cette modalité a été simplifié par un décret de mai 2019 33 ( * ) : l'ouverture d'un lieu d'exercice secondaire n'est plus soumise à autorisation, mais à une simple déclaration préalable. Une fois cette déclaration reçue, le conseil départemental de l'ordre dispose de deux mois pour s'assurer que l'activité sur tous les sites réponde aux obligations de qualité, sécurité et continuité des soins et que l'installation ne soit pas être contraire à des dispositions législatives ou réglementaires.

L'exercice multisite peut constituer une opportunité de projection de temps médical dans les zones sous-denses, dans l'hypothèse d'un cabinet médical secondaire situé dans un territoire où l'offre de soins est insuffisante. Les collectivités territoriales ont la possibilité de jouer un rôle de facilitatrices de l'accès aux soins en favorisant la mise à disposition de lieux d'exercice adaptés à la pratique ponctuelle de la médecine, qui peut contribuer à l'accroissement de l'attractivité médicale de leur territoire.

Il pourrait être envisagé que les médecins exerçant en dehors de leur cabinet principal perçoivent une rétribution financière des collectivités pour assurer des permanences de soins, dans une démarche concertée entre professionnels de santé et élus locaux afin d'assurer la linéarité des parcours de soins des habitants. Pour les y aider, une dotation de lutte contre la désertification médicale pourrait être créée et versée aux collectivités situées en zone d'intervention prioritaire, désireuses de promouvoir des permanences de soins sur leur territoire.

Proposition 21 : Créer une dotation de lutte contre la désertification médicale afin de permettre notamment aux collectivités territoriales d'accueillir des permanences médicales de professionnels de santé exerçant hors de leur cabinet principal.

La crise sanitaire a en outre contribué au regain de visibilité des formules d'offres de soins itinérantes , avec notamment le succès des « vaccinobus », qui ont permis d'informer et de vacciner les Français les plus éloignés des soins dans plusieurs territoires (Allier, Nord, La Réunion, Côte-d'Or, Seine-Saint-Denis, Sarthe, etc . ). De la même façon, des « bus santé » pourraient proposer des consultations médicales et du temps dédié à l'offre de soins pour les populations résidant dans les zones sous-denses. Ces solutions ont déjà été expérimentées dans certains territoires, à l'instar de l'Ardèche ou de la Drôme, pour certaines pathologies particulières. Dans le cadre d'une réflexion impliquant les collectivités territoriales, les agences régionales de santé et les professionnels de santé, des tournées pourraient être organisées dans les territoires fortement carencés afin de proposer des lieux de consultation mobiles et ainsi contribuer au déplacement de l'offre de soins au plus près des patients.

La démographie médicale actuelle nous conduit à faire preuve d'imagination : il est plus opportun de privilégier un maillage territorial robuste et agile plutôt qu'entretenir l'illusion ou le dogme d'un médecin par commune, qui n'est pas réaliste au regard des évolutions des modalités d'exercice des jeunes médecins, qui privilégient l'exercice groupé. C'est pourquoi les formules de soins itinérantes, concertées avec les territoires bénéficiaires, constituent des solutions à coût maîtrisé et au potentiel de desserte territoriale à explorer pour améliorer l'accès aux soins dans les zones sous-denses.

Proposition 22 : Développer une offre de soins itinérante dans les territoires ruraux, avec des bus équipés et financés par les agences régionales de santé et mis à disposition des professionnels.

Par ailleurs, des solutions ont été mises en oeuvre à l'échelle nationale afin d'inciter les médecins à exercer dans les territoires où la démographie médicale est la plus fragile, notamment dans le cadre du contrat de transition pour les médecins (Cotram). Les médecins bénéficiaires 34 ( * ) perçoivent une aide annuelle de 10 % des honoraires de leur activité conventionnée clinique et technique réalisée en zones « sous-denses » (hors dépassements d'honoraires et rémunérations forfaitaires), dans la limite de 20 000 € par année civile. Pour les zones particulièrement déficitaires en médecins, cette aide peut être majorée par l'ARS et s'élever à 12 % maximum, dans la limite de 24 000 € par an.

Les conditions d'accès à ces aides sont toutefois restrictives et insuffisamment incitatives, puisqu'elles ne concernent que les médecins de plus de 60 ans accueillant au sein de leur cabinet un médecin de moins de 50 ans. La mission d'information préconise a minima d'assouplir les critères d'âge et d'accueil d'un autre médecin et juge opportun de rehausser à 20 % le montant de l'aide et de rehausser le plafond à 30 000 €.

Proposition 23 : Afin d'accroître l'incitation à exercer dans les territoires à la démographie médicale en tension, majorer l'aide au bénéfice des médecins exerçant en zone sous-dense à 20 % des honoraires de leur activité conventionnée, assouplir les conditions pour en bénéficier, défiscaliser les permanences de soins dans les zones sous-dotées et majorer les droits à retraite au terme de 3 ou 5 ans d'exercice dans une zone d'intervention prioritaire.

Enfin, il convient de veiller à la qualité de la desserte pharmaceutique des territoires, qui constitue un facteur de l'accès aux soins dans ces derniers. Elle est reconnue par les professionnels de santé comme étant satisfaisante : au 1 er janvier 2021, la France comptait 31 officines de pharmacie pour 100 000 habitants, soit une officine pour 3 000 habitants en moyenne. Ce maillage officinal est soutenu par 530 établissements de distribution en gros. En moyenne, la distance par rapport à la pharmacie la plus proche pour l'ensemble des communes, y compris celles possédant une pharmacie, est de 3,8 kilomètres. Si l'on exclut les communes disposant déjà d'une pharmacie sur leur ressort territorial, la distance moyenne par rapport à la pharmacie la plus proche est d'environ 5 kilomètres à vol d'oiseau. 75 % des communes (en dehors de celles ayant une pharmacie dans leur enceinte) sont situées à moins d'environ 6 kilomètres à vol d'oiseau d'une pharmacie en 2019 35 ( * ) . En outre, la crise sanitaire a mis en avant la qualité du maillage territorial des pharmacies d'officine, l'efficacité et la robustesse de la chaîne pharmaceutique et de l'offre des laboratoires de biologie médicale .

Ce maillage pourrait néanmoins se trouver fragilisé si les officines situées dans les zones sous-dotées venaient à fermer. En 2019, 488 communes disposaient d'une pharmacie, mais pas d'un médecin, constituant ainsi les seuls points d'accès aux soins de proximité du territoire. Ces officines sont aujourd'hui en situation de fragilité, du fait de l'accélération de la réorganisation du réseau officinal : on dénombre 196 officines ayant fermé en 2020 (dont 45 % pour cause de regroupement ou de cession), après 219 fermetures constatées en 2019. La mission d'information appelle à faire preuve de vigilance pour éviter la dégradation de la desserte officinale qui accentuerait les inégalités territoriales d'accès aux soins.

Proposition 24 : Mettre en place un moratoire sur les fermetures de pharmacies quand elles ne sont pas reprises immédiatement et permettre la prolongation des gérances après décès pour éviter l'apparition de « déserts pharmaceutiques ».


* 33 Décret n° 2019-511 du 23 mai 2019 modifiant le code de déontologie des médecins et la réglementation des sociétés d'exercice libéral et des sociétés civiles professionnelles.

* 34 Les conditions d'attribution de cette aide sont les suivantes : médecin installé dans une zone identifiée par l'ARS comme « sous-dense » ; exercice d'une activité libérale conventionnée en secteur 1 ou en secteur 2 dans la zone ; être âgé de 60 ans ou plus ; accueillir au sein du cabinet un médecin âgé de moins de 50 ans exerçant en libéral conventionné qui s'installe dans la zone ou est installé dans la zone depuis moins d'un an.

* 35 Source : Ordre national des pharmaciens en réponse au questionnaire du rapporteur.

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