C. RENDRE PLUS AVANTAGEUX LE CUMUL EMPLOI-RETRAITE POUR CONFORTER LE TEMPS MÉDICAL DANS UN CONTEXTE MARQUÉ PAR UNE DÉMOGRAPHIE DÉFAVORABLE

En 2021, la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF) recense 12 422 médecins en cumul emploi-retraite . Un médecin retraité peut exercer une activité libérale professionnelle sans limitation de revenus, à deux conditions : bénéficier d'une retraite de base à taux plein ou avoir atteint de l'âge de la retraite à taux plein et avoir liquidé l'ensemble de ses retraites auprès des régimes de retraite obligatoire.

Par construction, ce dispositif de continuation d'activité ne peut être une solution pérenne, mais il présente l'avantage d'augmenter temporairement cette ressource précieuse qu'est le temps médical, notamment dans les zones sous-denses en cas de difficulté à trouver un remplaçant.

Cependant, aux termes de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraite, les médecins en cumul emploi-retraite continuent à cotiser à leurs régimes de retraite sans acquérir de droits dans quelque régime légal de retraite que ce soit, de base ou complémentaire. Pour amener plus de médecins retraités à poursuivre une activité libérale, même à temps partiel, et ainsi accroître le temps médical disponible, le législateur pourrait accroître l'incitation à maintenir cette activité, avec une formule équitable qui ne solliciterait pas les finances publiques : l'exonération de tout ou partie des cotisations retraite.

Proposition 6 : Rendre plus avantageuse la poursuite de l'activité médicale par les médecins retraités dans les zones sous-denses, en les exonérant du paiement des cotisations retraite, afin de lisser les baisses de temps médical occasionnées par les départs à la retraite.

D. GARANTIR L'ATTRACTIVITÉ DES PROFESSIONS MÉDICALES ET SOUTENIR LES PROFESSIONNELS EN EXERCICE

Au cours des différentes auditions du rapporteur, beaucoup d'acteurs - aussi bien les syndicats de médecins, les doyens de faculté que le Conseil national de l'ordre - s'accordent sur la pénibilité de l'exercice de la médecine , la forte charge de travail et l'investissement de tous les instants qui n'est pas toujours reconnu.

Les études de médecine sont longues et difficiles et se caractérisent par un taux d'abandon élevé : 18,4 % d'après les projections de la Drees, soit près d'un étudiant formé sur cinq qui ne deviendra pas médecin. Le rapporteur plaide pour qu'une étude spécifique puisse être conduite pour mieux comprendre les raisons de ces abandons qui obèrent la progression du nombre de médecins formés (qualité de la formation, conditions de travail lors des stages, charge de travail des internes, santé mentale des étudiants, déshumanisation des soins pointée par certaines associations d'étudiants en médecine, etc.). À la lumière des constats, des mesures correctives pertinentes pourraient être prises en concertation avec les facultés et les syndicats d'étudiants pour diminuer ce taux d'abandon, qui contribue au retard de l'amélioration de la démographie médicale.

Plusieurs syndicats d'étudiants ont également pointé une forme de « peur à l'installation », à l'issue d'une formation initiale qui prépare surtout à l'exercice hospitalier et non à l'exercice libéral, qui suppose des compétences managériales et comptables. Cette inquiétude des jeunes docteurs peut notamment conduire à un report de l'installation et au prolongement des périodes de remplacement. L'ordonnance du 12 mai 2021 18 ( * ) , en ouvrant la possibilité pour les professionnels de santé d'être salariés d'une maison de santé, peut contribuer à libérer certains jeunes praticiens de l'inquiétude concernant le risque économique à l'installation.

Proposition 7 : Intégrer la formation à l'entreprise médicale libérale et au management d'une équipe pendant les études de deuxième et troisième cycles et renforcer l'accompagnement à la gestion administrative du contrat de début d'exercice.

L'entrée dans la carrière médicale en libéral se caractérise également par un temps de travail important et de fortes attentes sociales. Ce contexte explique en partie la baisse d'attractivité des professions médicales pour les jeunes générations , dont l'arbitrage entre travail et loisirs n'est plus le même que celui de leurs aînés. De manière symptomatique, dans son enquête précitée « Soigner demain », le CNOM utilise la formule lapidaire « le métier de médecin, une vocation de plus en plus lourde à porter » , en l'illustrant par quelques données qui doivent nous interroger : seulement 70 % des répondants choisiraient à nouveau d'embrasser cette profession et seuls 54 % encourageraient un jeune à devenir médecin aujourd'hui. Le CNOM parle d'un « sentiment de perte d'attractivité du métier de médecin », avec pendant la crise une forte proportion de médecins ressentant de l' anxiété (50 %), de la lassitude (56 %) et de la colère (45 %). Un interne sur quatre a même ressenti de la peur .

En outre, la valeur de l'acte médical d'un médecin généraliste est l'une des plus basses d'Europe. Depuis le 1 er mai 2017, le tarif d'une consultation de médecin généraliste de secteur 1 sans dépassement d'honoraires est de 25 €. Près de 94 % des médecins généralistes appliquent ce tarif, insuffisant pour leur permettre d'investir afin de répondre aux besoins de santé des territoires sous-denses, de l'avis des syndicats de médecins entendus par le rapporteur. Il est aujourd'hui temps de valoriser l'expertise de la consultation médicale , d'autant plus dans un contexte propice aux délégations de tâches, avec des consultations potentiellement plus longues et moins nombreuses. Le nombre de consultations et visites par médecin généraliste libéral en activité à part entière s'établit à environ 5 000 actes par an, un chiffre en légère baisse depuis 20 ans (- 2 % entre 2000 et 2019). Le nombre d'actes réalisés aujourd'hui est probablement un peu inférieur, dans la mesure où les syndicats de médecins entendus en audition ont souligné que la crise sanitaire a contribué à l'allongement de la durée des consultations.

Plusieurs pistes sont envisageables, à l'instar d'une valorisation en lien avec le nombre de patients pris en charge ou des expérimentations de rémunération à la capitation, qui nécessiteront néanmoins des réflexions plus approfondies avant leur mise en oeuvre. D'application plus immédiate serait la valorisation du tarif d'une consultation de médecin généraliste de secteur 1, qui ne doit cependant pas être supportée par les patients en raison des renoncements aux soins et de l'aggravation de l'accès aux soins que cela ne manquerait pas de générer.

Proposition 8 : Afin d'accompagner les responsabilités nouvelles du médecin dans la prise en charge des patients, relever les honoraires de consultation d'un médecin généraliste de secteur 1 à 30 €, sans augmentation du reste à charge pour les patients.


* 18 Ordonnance n° 2021-584 du 12 mai 2021 relative aux communautés professionnelles territoriales de santé et aux maisons de santé.

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