C. LA PERSISTANCE DE FORTES DISPARITÉS ENTRE MAISONS FRANCE SERVICES, POSANT LA QUESTION DE L'AMBITION GLOBALE DU DISPOSITIF

1. Une offre de services mieux structurée et plus étoffée dans les maisons les plus anciennes

Dans la mesure où France services s'est appuyé sur le réseau existant des MSAP, on observe que les écarts d'offre de services préexistants n'ont pas toujours été résorbés par la mise en place du cahier des charges national. On constate par exemple d'importantes variations au niveau départemental, tant dans le nombre de France services implantées par département que dans la fréquentation de ces maisons.

Variation de la fréquentation du réseau France services et du nombre de maisons par département au printemps 2022

(en nombre de visites et de maisons)

Source : commission des finances

Les France services, au-delà du bouquet national des neuf opérateurs, ont développé des partenariats locaux en fonction de leurs activités préexistantes ou des besoins des usagers . Les maisons France services les plus anciennes sont parfois implantées depuis plus de 20 ans au cours desquels elles ont noué de nombreuses conventions avec des acteurs locaux. Leur offre de services est par conséquent beaucoup plus étendue que dans les maisons les plus récentes. Le rapporteur spécial a pu ainsi observer des maisons France services dans lesquelles le nombre de partenaires locaux était supérieur à 30 , dont un grand nombre exercent des permanences dans les maisons.

Les principaux partenaires locaux sont : les missions locales, les assistantes sociales, les conciliateurs de justice, les centres d'information sur les droits des femmes et des familles, mais également des maisons départementales des personnes handicapées ou des associations d'aide à certains publics (personnes âgées, jeunes, etc.). Certaines maisons ont indiqué associer d'autres acteurs privés, notamment des mutuelles ou des assurances.

L'ANCT a indiqué au rapporteur spécial ne pas être en possession des données permettant de calculer le nombre moyen de partenaires par maison. Afin d'améliorer la connaissance du réseau, il serait pourtant utile de disposer de ces éléments.

2. Une qualité de services variable en raison de la diversité des structures porteuses

Les maisons France services sont en majorité portées par des collectivités territoriales (EPCI ou communes essentiellement, mais également départements), qui représentent 64 % des structures porteuses . La Poste porte quant à elle 18 % des maisons et le réseau associatif 15 % . Le reste est partagé entre l'État (même si seules 1 % des France services sont localisées dans des sous-préfectures) et la MSA.

Répartition des maisons France services par types de porteurs de projets

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire transmis par le rapporteur spécial

Les facteurs qui jouent le plus sur la qualité et l'offre de services dans les maisons sont l'ancienneté de leur implantation ainsi que l'investissement local des porteurs de projets.

Le rapporteur spécial reprend cependant les constats qui ont été formulés dès les MSAP s'agissant des maisons France services portées par la Poste . La Cour des comptes l'indiquait en 2019 dans le rapport précédemment mentionné : « En dépit du maillage territorial de l'opérateur et de sa relation de proximité avec les usagers, la qualité du service rendu n'est pas à la hauteur des attentes. La conciliation de l'activité commerciale des agents de La Poste avec l'offre de prestations au titre des MSAP apparaît difficile ».

Malgré un certain nombre de travaux engagés par La Poste et le fait que 40 % des MSAP postales n'aient pas été labellisées France services, le constat effectué par la Cour reste toujours d'actualité.

Entendue par le rapporteur spécial, la direction de La Poste a reconnu trois critiques justifiées : une formation encore insuffisante des postiers, des aménagements des bureaux de poste insuffisants pour accueillir des France services dans des conditions optimales et une absence de système de reporting efficace par rapport aux autres opérateurs.

Les France services portées par La Poste sont majoritairement situées en zone très rurale : selon les réponses transmises par La Poste, 80 % des France services portées par la Poste sont dans des communes de moins de 2 000 habitants. Trop souvent, les maisons France services postales restent en réalité des bureaux de poste légèrement aménagés . Le signalement France services y est insuffisant pour que les usagers identifient clairement la maison France services. En outre, la dimension d'accompagnement numérique individuel n'est pas toujours compatible avec la fréquentation d'un bureau de poste .

Les France services postales sont insuffisamment intégrées dans l'animation des réseaux France services départementaux . Les échanges entre agents France services et les agents France services de La Poste sont, selon les informations transmises au rapporteur spécial, pratiquement inexistants dans la plupart des départements. La transformation d'un bureau de poste en maison France services ne doit en aucun cas avoir pour seule motivation le maintien d'un bureau ouvert dans une commune . Le rapporteur spécial insiste sur le fait que les maisons postales doivent offrir une qualité de services équivalente aux autres maisons.

Le rapporteur spécial considère que la présence de La Poste parmi les opérateurs France services est justifiée. Pour autant, il lui semble davantage pertinent de mutualiser les bureaux de poste avec les maisons France services (comme c'est le cas dans 151 communes) que de transformer un bureau de poste en maison France services.

3. Un investissement inégal des opérateurs

La charte France services indique que théoriquement, « en « back office », les organismes signataires d'une convention avec la structure France Services désignent un correspondant référent, accessible directement par téléphone et par mail ». La circulaire de 2019 indique que « Tous les partenaires seront impérativement présents dans chaque structure en désignant des référents locaux facilement joignables , pour assurer la résolution des cas les plus complexes sans que l'usager ait à se déplacer dans un autre guichet ou en faisant réaliser par leurs agents des permanences physiques au sein des structures France Services ou en faisant réaliser par leurs agents des rendez-vous en visio-conférence ».

En dépit de cet engagement, le rapporteur spécial a pu constater lors de ses déplacements des situations locales extrêmement contrastées. Les liens avec les opérateurs sont très inégaux d'un territoire et d'un partenaire à l'autre.

La montée en puissance du dispositif, impliquant une multiplication des interlocuteurs pour les opérateurs et une croissance des demandes a pu se traduire dans certains cas par un engagement moindre de certains partenaires. Paradoxalement, dans le cas des MSAP historiques, le lien direct entre agents et opérateurs préexistait dans un cadre bilatéral direct et le passage à France services a pu être perçu comme moins fiable et plus complexe.

Les associations d'élus ont également fait part d'un certain nombre de difficultés locales : « L'une des principales inquiétudes remontant du terrain reste que l'engagement des opérateurs est tout de même plutôt faible » 8 ( * ) .

La principale conséquence est celle d'une prise en charge plus longue et moins complète des usagers France services . Dans les départements dans lesquels s'est rendu le rapporteur spécial, les agents France services ont indiqué que la ligne directe avec certains opérateurs pour joindre les agents en back-office avait progressivement disparu . De même, les contacts par mail sont parfois épisodiques, faute d'agents dédiés au lien avec les maisons France services chez les opérateurs concernés.

En effet, si les opérateurs entendus au niveau national par le rapporteur spécial ont pour la plupart indiqué avoir sanctuarisé un ETP dédié, cela ne semble pas toujours être le cas en réalité . En conséquence, les agents des opérateurs, parfois eux-mêmes débordés, ne font pas toujours passer les demandes France services en priorité. Il a été signalé à de nombreuses reprises des délais de réponses supérieurs à 3 ou 4 jours, ce qui implique pour l'usager des allers-retours infructueux avec la France services. La messagerie A+, essentiellement dédiée aux situations les plus urgentes ou les plus bloquées, fonctionne, mais les réponses arrivent le plus souvent davantage en 72 heures qu'en 48 heures comme l'indique le cahier des charges.

4. Revoir à la hausse l'ambition du réseau France services

Le rapporteur spécial considère que le réseau France services doit tendre vers un modèle plus ambitieux , dans lequel la maison France services ne représente pas seulement une interface avec les administrations, mais un véritable pôle d'attraction pour les usagers et plus largement les habitants .

Il ne faut en aucun cas réduire l'ambition des maisons France services à constituer des guichets uniques administratifs ou des points d'accès numérique. Le rapporteur spécial considère au contraire que tout ce qui concourt à rapprocher les services publics des citoyens et à renforcer la cohésion sociale a sa place dans des France services : mise à disposition de la presse, association avec un tiers lieu ou un espace de coworking , lieu de participation citoyenne, etc .

Cela implique des investissements et une réflexion sur la scénographie des maisons . Cette dimension devra être intégrée lors de la révision du cahier des charges.

Recommandation n° 27 : Encourager au travers du cahier des charges l'aménagement d'espaces de vie, d'information et d'échanges au sein des maisons France services. (ANCT)


* 8 Réponses de l'AMF au questionnaire transmis par le rapporteur spécial.

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