EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 20 juillet 2022, la commission a examiné le rapport de MM. Daniel Gremillet, Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau sur l'énergie et l'hydrogène nucléaires.

Mme Dominique Estrosi Sassone , présidente . - Comme vous le savez, notre commission a confié à nos collègues Daniel Gremillet, Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau une mission d'information sur l'énergie et l'hydrogène nucléaires, le 9 février 2022.

Ils ont présenté, le 24 février dernier, un bilan d'étape sur la sécurité d'approvisionnement électrique, c'est-à-dire sur l'équilibre entre l'offre et la demande d'électricité, pour l'hiver prochain mais aussi les suivants. Ils avaient alerté, à l'époque, sur le risque de coupures d'électricité, notre système électrique étant devenu sans marge, en raison de la faible disponibilité du parc nucléaire mais aussi des énergies renouvelables (EnR). Je me félicite que notre commission ait ainsi été la première à soulever le problème de l'impact du phénomène de « corrosion sous contrainte », sur le parc national, et de la guerre russe en Ukraine, sur le marché européen.

Depuis lors, la situation n'a cessé de se dégrader, compte tenu de la persistance de cette guerre. Ce qui n'était qu'un risque est devenu une menace, au point que nous nous apprêtons à légiférer, à l'échelon national, avec le projet de loi visant à soutenir le pouvoir d'achat des ménages, et à l'échelon européen, avec le paquet REPowerEU . Notre commission s'est, là encore, illustrée, puisque nous avons fait adopter des conclusions plaidant pour sortir de notre dépendance aux importations d'hydrocarbures et de métaux russes, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne (PFUE), le 15 mars dernier.

Notre conviction, c'est que nous sommes entrés, compte tenu de ce contexte totalement inédit, dans une économie de guerre en Europe, dont les Français doivent être pleinement conscients. L'arrêt des livraisons de gaz, de pétrole et de charbon russes implique des changements radicaux ; elle aura des conséquences durables sur les consommateurs comme les fournisseurs. Pour y faire face, il faut appeler au civisme énergétique, dès l'hiver prochain. Mais il faut aussi évaluer lucidement la politique énergétique du Gouvernement : faute d'anticipation et de constance, la production d'énergie nucléaire s'est érodée en dix ans, tandis que les objectifs de production d'EnR et d'efficacité énergétique n'ont pas été atteints.

Les annonces faites par le Président de la République à Belfort, le 10 février dernier, ne sont ni suffisamment ambitieuses ni suffisamment suivies d'effet. On a vraiment perdu trop de temps et il est aujourd'hui urgent d'agir, comme le suggère le titre de votre rapport.

En effet, une politique énergétique, a fortiori nucléaire, ne s'improvise pas, tant les implications, les investissements et les procédures sont lourds, ce d'autant moins que nous sommes confrontés à une conjonction de crises inédite : énergétique, économique mais aussi climatique. Je forme le voeu que le travail de nos rapporteurs contribue puissamment à corriger le tir !

M. Jean-Jacques Michau , rapporteur . - Depuis la constitution de notre mission d'information, nous avons auditionné 60 personnes issues de 30 organisations : les représentants des filières du nucléaire et de l'hydrogène, les organismes chargés de la régulation, de la sûreté et de la sécurité, de la recherche ou de la gestion des déchets, les associations environnementales ou encore les services de l'État. Nous avons échangé avec les élus concernés par la centrale de Fessenheim, sur son arrêt et son démantèlement, et le directeur de la centrale de Golfech, sur sa résilience climatique. Le déplacement de notre commission sur le chantier de l'EPR ( European Pressurized Reactor , réacteur pressurisé européen) de Flamanville a aussi constitué un temps fort pour prendre conscience des réalités de terrain. Un chantier nucléaire, c'est une logistique impressionnante ! Nous avons échangé avec les ambassades d'Allemagne et de Belgique, les premiers sortant du nucléaire et les seconds s'y réengageant. Enfin, l'audition de l'Agence pour l'énergie nucléaire (AEN) nous a permis de connaître les meilleures pratiques internationales.

Si l'énergie nucléaire a été très dynamique, dans les années 1970-1980, elle a connu un net ralentissement, dans les années 2000-2010. Faute d'une politique ambitieuse et d'investissements suffisants, cette énergie est en déclin relatif. Jusqu'au début de l'année 2022, le Gouvernement a entendu fermer 14 réacteurs. En stoppant la centrale de Fessenheim en 2020, il a privé la France d'une puissance de 1,8 gigawatt (GW) et d'une production de 11 térawattheures (TWh). Au moins 640 salariés et 284 prestataires ont été affectés. De plus, le Gouvernement n'a pas lancé de nouveaux réacteurs. Les dernières autorisations remontent à 2007, pour l'EPR de Flamanville. Enfin, il a raboté la recherche et développement (R&D). Entre 2017 et 2021, le budget alloué par le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) a baissé de 70 millions d'euros. Pire, le projet Astrid a été arrêté en 2019, alors que d'autres pays continuent d'investir, la Chine, la Russie ou l'Inde notamment.

Cet affaiblissement de la filière se constate sur le terrain. D'une part, on observe une faible disponibilité du parc nucléaire national. Cela s'explique par la densité du programme du Grand Carénage, le retard du chantier de l'EPR de Flamanville, l'impact de la crise de la Covid-19 sur le programme d'« arrêts de tranches » et le phénomène de « corrosion sous contrainte ». À la mi-mai, 30 réacteurs ont été mis à l'arrêt, dont 12 pour ce phénomène, selon l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) : les 4 réacteurs de plus de 1 450 mégawatts, 5 des 20 réacteurs de plus de 1 300 MW et 3 des 32 réacteurs de 900 MW. Il ne s'agirait pas d'un phénomène lié au vieillissement, ce qui est rassurant.

Cependant, 35 soudures ont été expertisées et 105 doivent encore l'être, un procédé de contrôle par ultrasons, plus rapide, étant attendu. Dans ce contexte, le groupe EDF a révisé sa production pour la fixer entre 280 et 300 TWh en 2022, un minimum historique. C'est 15 % de moins que prévu, que nous devrons compenser par des importations d'électricité ou sa production par des centrales à charbon !

D'autre part, on assiste à une flambée des prix en Europe. Cette flambée des prix, née sur le marché gazier, se répercute sur celui de l'électricité, en raison du principe du coût marginal. D'abord tirée par la reprise de l'économie mondiale, au sortir de la crise de la Covid-19, elle est maintenant due à la guerre russe en Ukraine, où circulent deux gazoducs. Pour remédier à cette flambée, le 8 mars 2022, la Commission européenne a présenté le plan RePowerEU , qui prévoit une sortie de la totalité des importations russes de charbon d'ici à août et de 90 % de celles de pétrole d'ici à décembre. S'agissant du gaz, la Russie a déjà cessé certaines livraisons - notamment à l'Allemagne et la France - et pourrait les arrêter totalement cet hiver.

Cette situation met à l'épreuve notre système électrique. Tout d'abord, son efficacité est érodée, avec des indisponibilités, des importations et des prix élevés. En 2021, on a dénombré 78 jours d'importation, contre 25 en 2019. La situation pourrait être pire en 2022, les prix ayant atteint 3 000 euros le 4 avril dernier, en raison du regain de froid. En outre, l'équilibre du système électrique est mis à l'épreuve, avec des risques sur la sécurité d'approvisionnement. Réseau de transport d'électricité (RTE) a ainsi placé la France en situation de « vigilance particulière » jusqu'en 2024. S'il n'anticipe pas de black-out , il a identifié comme « probable » à « certain » le recours à des moyens post-marché, dont des coupures, en cas de vague de froid, de situation de très faible production éolienne ou de dégradation de la disponibilité du parc.

À plus long terme, l'énergie nucléaire fait face à des perspectives très complexes. Cette énergie est indispensable pour atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050 : le Groupement d'experts intergouvernemental sur le climat (GIEC) l'a fait figurer parmi ses options d'atténuation, tandis que l'Agence internationale de l'énergie (AIE) envisage son doublement. Rien que pour réaliser le paquet Ajustement à l'objectif 55 , la Commission européenne anticipe une multiplication par deux de la production d'électricité. Or, le parc nucléaire fait face à un double défi, selon RTE : d'une part, la consommation d'électricité pourrait croître jusqu'à 90 % en cas de réindustrialisation ; d'autre part, les réacteurs actuels devraient tous arriver en fin de vie, avec un « effet falaise » de 400 TWh, dès la décennie 2040. Par ailleurs, le renouvellement du parc nucléaire est limité par des délais incompressibles et par les capacités industrielles. Pour RTE, seule une décision politique pour la construction de nouveaux réacteurs au cours de l'année 2022 ou 2023 permettrait de disposer de nouvelles tranches à l'horizon 2035.

Enfin, la situation d'EDF est très tendue. Grevé d'une dette de 43 milliards d'euros, le groupe a perdu 18,1 milliards d'euros avec le phénomène de « corrosion sous contrainte » et 10,2 milliards d'euros avec le « bouclier tarifaire ». Or, il doit financer de lourds investissements : 65 milliards d'euros pour le Grand Carénage sur 2014-2028 et 88,7 milliards d'euros sur le chantier des EPR : Flamanville, Hinkley Point C et les 6 nouveaux !

M. Jean-Pierre Moga , rapporteur . - Le contexte dépeint par mon collègue est absolument critique.

Pour autant, l'énergie nucléaire et l'hydrogène bas-carbone sont indispensables pour atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050.

Cette atteinte est un enjeu d'intérêt national. L'énergie nucléaire et l'hydrogène bas-carbone, en étant issu, ne doivent donc pas être opposés aux énergies renouvelables, car l'enjeu est in fine de décarboner au maximum le système électrique. De plus, la sobriété énergétique doit être activement promue.

L'énergie nucléaire est une source d'énergie décarbonée à soutenir, un atout dont nous disposons. C'est un levier de souveraineté, avec 61,4 GW de capacités. C'est aussi un levier de transition énergétique, ses émissions ne dépassant pas 6 grammes de CO 2 par kilowattheure (kWh). C'est un levier de compétitivité économique, avec 3 200 entreprises et 220 000 emplois. C'est enfin un levier de rayonnement européen, la France étant le premier exportateur d'électricité, avec un solde de 43,1 TWh.

L'hydrogène bas-carbone est également un vecteur énergétique d'avenir à promouvoir, complémentaire de l'énergie nucléaire. Il est indispensable pour remplacer les énergies fossiles, dans l'industrie ou la mobilité notamment, et pour stocker l'électricité. Dans ce contexte, la stratégie française prévoit 6,5 GW de capacités d'électrolyseurs d'ici à 2030, et la stratégie européenne 40 GW. De plus, un projet important d'intérêt européen commun (PIIEC) soutient quinze entreprises françaises dans ce domaine.

Lors du discours de Belfort, le 10 février dernier, l'exécutif a annoncé la prolongation des réacteurs actuels au-delà de 50 ans, la construction de 6 EPR et l'étude de 8 autres. De plus, il a confirmé le soutien budgétaire au nucléaire, dont un SMR ( Small Modular Reactor, petit réacteur modulaire), et à l'hydrogène, prévu par les plans de relance et d'investissement. Ces annonces sont tardives et insuffisantes : il faut construire plus d'EPR et de SMR qu'annoncés, les construire plus vite et surtout les assortir de moyens budgétaires et humains.

Pour relancer l'énergie nucléaire et promouvoir l'hydrogène bas-carbone, nous formulons donc dix propositions réunies en trois volets.

Le premier volet vise à rétablir un nucléaire attractif, au centre de la décarbonation.

Pour concrétiser la relance du nucléaire, nous souhaitons le replacer au coeur de la planification énergétique nationale. Tout d'abord, nous proposons de remplacer l'objectif de réduction à 50 % de la part de l'énergie nucléaire dans notre production d'électricité d'ici à 2035 par un objectif de maintien à plus de 50 % d'ici à 2050. De plus, nous suggérons d'introduire des objectifs de décarbonation de l'électricité, d'utilisation de matières recyclées et de déploiement des électrolyseurs d'ici à 2030. Nous souhaitons aussi sanctuariser, dans cette planification, les projets de R&D. Enfin, nous appelons à la révision immédiate de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui prévoit la fermeture des réacteurs nucléaires, ce qui est incohérent avec la relance du nucléaire, et qui se focalise sur l'hydrogène industriel, ce qui est moins ambitieux que la loi « Énergie-Climat » !

De plus, nous appelons à faire aboutir la relance du nucléaire. Parmi les scenarii de RTE, le scenario « N03 », qui prévoit un mix majoritairement nucléaire à l'horizon 2050, est pour nous un minimum à atteindre. La construction de 14 EPR et de 4 GW de SMR, proposée dans ce scénario, doit être consacrée dans la loi quinquennale !

Pour autant, nous sommes conscients des limites du scenario « N03 » : d'une part, la prolongation des réacteurs au-delà de 60 ans n'est pas acquise sur le plan de la sûreté ; d'autre part, la consommation d'électricité pourrait croître davantage, dans le scénario de réindustrialisation (+107 TWh) ou la variante hydrogène (+ 109 TWh). Selon RTE, jusqu'à 3 EPR pourrait être nécessaires si cette prolongation n'était pas possible et 9 en cas de réindustrialisation. Compte tenu de ces incertitudes, nous demandons au Gouvernement de remettre une étude sur la construction éventuelle de ces autres EPR, d'ici à la loi quinquennale. Quel que soit le scénario retenu, nous appelons à ce que les enjeux de sûreté et de sécurité nucléaires soient intégrés en amont, pour rétablir la « marge » attendue par l'ASN. De plus, nous plaidons pour que les meilleurs standards environnementaux soient appliqués aux nouveaux réacteurs, par le biais d'un plan d'actions.

En outre, nous appelons à un plan financement robuste de la relance du nucléaire. Sur les financements privés, la « taxonomie verte européenne » assimile l'énergie nucléaire à une énergie de transition et non durable, présente des délais contraignants, et n'intègre pas les activités du cycle ou de maintenance : ces verrous doivent être levés. Sur les financements publics, le groupe EDF ne peut financer seul la construction de nouveaux réacteurs. Le Gouvernement doit présenter un modèle de financement robuste, prévoyant son appui substantiel, dès la loi quinquennale. Dans l'immédiat, les crédits consacrés à l'énergie nucléaire doivent être relevés, car ils ne représentent que 0,45 % du plan de relance et 3,30 % de celui d'investissement. Il en est de même pour le budget des opérateurs de recherche. Enfin, l'énergie nucléaire et l'hydrogène bas carbone peuvent être mieux intégrés à certains dispositifs de soutien : je pense au « bac à sable » réglementaire, au contrat d'expérimentation et aux certificats d'économies d'énergie (C2E).

Autre prérequis, nous souhaitons mobiliser les pouvoirs publics sur la question de la formation, de la simplification et de la territorialisation. D'une part, un chantier de simplification des procédures est attendu : il faut accélérer la construction des réacteurs, et notamment les phases préalables, en laissant inchangés les règles de sûreté et de sécurité nucléaires, le droit de l'environnement et les compétences locales. D'autre part, un plan d'attractivité des métiers et des compétences est crucial. Pour ce faire, il faut replacer la science et la technologie au coeur de la politique éducative et favoriser la mixité et la diversité. Un objectif d'au moins 30 000 emplois, nécessaires à la construction des six EPR, mérite d'être consacré. Au-delà, le Gouvernement doit remettre une étude sur les besoins en formation induits par la relance complète du nucléaire, dès la loi quinquennale.

Enfin, un dialogue territorial est attendu : les consultations préalables sur ces six EPR et la stratégie énergétique doivent être achevées sans délai ; un appel national à manifestation d'intérêt, à l'attention des collectivités volontaires, doit être lancé sur les autres projets ; enfin, le site de Fessenheim doit être soutenu, en résolvant les difficultés liées au Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR), en réalisant les projets de reconversion, dont le technocentre, et en répondant aux demandes locales formulées dans le cadre de la relance du nucléaire.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Le deuxième volet de nos propositions tend à développer un nucléaire plus disponible, plus accessible et plus sûr.

Dans un contexte critique, nous estimons nécessaire de garantir la sécurité d'approvisionnement et de réduire la dépendance extérieure. Le Gouvernement doit soutenir le groupe EDF dans la résolution des difficultés actuelles du parc nucléaire. Il doit aussi présenter un plan d'actions pour assurer la sécurité d'approvisionnement cet hiver et les suivants. À cette fin, l'énergie nucléaire et l'hydrogène bas-carbone doivent être valorisés, dans le cadre des plans national et européen visant à sortir des hydrocarbures russes. Parce que ces énergie et vecteurs nécessitent des matières ou des métaux critiques importés, y compris en provenance de Russie, une stratégie formelle de sécurisation doit être adoptée pour diversifier les sources, instituer des réserves, promouvoir une extraction ou une production nationale ou européenne ou encore développer des substituts. Le cas échéant, les contrôles de l'État peuvent être étendus sur ce point.

De plus, nous jugeons crucial de maintenir une énergie compétitive et accessible pour les consommateurs, tout en veillant à la soutenabilité des fournisseurs. À l'échelle nationale, l'impact du « bouclier tarifaire » » sur les consommateurs et les fournisseurs doit être évalué. Il faut se pencher, d'une part, sur les particuliers, les entreprises et les collectivités non éligibles aux tarifs réglementés et, d'autre part, sur le groupe EDF. De plus, la répercussion du bénéfice du relèvement du dispositif de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) sur les consommateurs doit être contrôlée. À l'échelle européenne, le marché européen de l'électricité appelle à être réformé, avec notamment une révision du principe du coût marginal. En outre une neutralité technologique doit être garantie pour l'énergie nucléaire et pour l'hydrogène bas-carbone, sur le plan de la fiscalité.

Enfin, nous appelons à dimensionner la sûreté et la sécurité nucléaires. De nouveaux risques peuvent être mieux intégrés : la résilience au changement climatique, composante de la sûreté, et la cyber-résilience, composante de la sécurité. Une sélection en amont des sites des nouveaux réacteurs et l'institution de plans d'adaptation pour ceux existants peuvent permettre de répondre au premier défi. Les moyens des opérateurs de la sûreté doivent être consolidés, tandis qu'une culture de la sûreté et de la sécurité doit être promue. De plus, l'effort de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) pour superviser les installations ukrainiennes et, au-delà, protéger par des conventions internationales les installations nucléaires doit être appuyé.

Le dernier volet vise à développer un nucléaire plus divers, plus innovant et plus propre.

Nous estimons indispensable de saisir l'occasion de la relance du nucléaire pour promouvoir l'hydrogène bas-carbone, aux côtés de celui renouvelable. À cette fin, il faut, à court terme, faire fonctionner les électrolyseurs à basse température à partir du réseau et, à long terme, développer des électrolyseurs à haute température, pour coupler la production nucléaire avec celle d'hydrogène. Pour y parvenir, à l'échelon européen, une neutralité technologique doit être garantie à l'hydrogène bas-carbone, sur le plan des objectifs et des infrastructures. Des contrats de long terme peuvent être institués dans le cadre de la réforme du marché de l'électricité. À l'échelon national, il faut compléter les dispositifs de soutien. Nous devons boucler le financement des PIIEC, à hauteur de 1,6 milliard d'euros, et pérenniser les appels à projets de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Les collectivités territoriales volontaires doivent être autorisées à soutenir l'hydrogène au-delà du seuil actuel de 5 % des recettes appliqué. Enfin, il faut donner un rôle actif à la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et un rôle facultatif aux autorités organisatrices de la distribution d'électricité (AODE). La mutualisation des projets autour de bassins de vie doit également être autorisée.

Autre impératif, nous estimons nécessaire de poursuivre les travaux sur la fermeture du cycle du combustible usé. Le Gouvernement doit soutenir le groupe Orano, dans la résolution des difficultés actuelles des installations. Il doit aussi proposer une solution au devenir des usines de retraitement-recyclage, qui arriveront à leur cinquième décennie de fonctionnement en 2040, dès la loi quinquennale. D'ici cette loi, il doit examiner l'impact de la relance complète du nucléaire sur le cycle du combustible. La relance du nucléaire doit être accompagnée d'une stratégie de retraitement-recyclage, en utilisant les combustibles usés - le MOX et l'URE -, à court terme, en passant au multi-recyclage, à moyen terme et en développant des réacteurs de quatrième génération, comme le projet Astrid, à long terme. Un crédit d'impôt sur les technologies de multi-recyclage peut y contribuer.

Sur le stockage des déchets, il faut consolider les moyens de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), pour favoriser la filière, dont le projet de stockage géologique profond Cigéo. L'appel d'offres en cours sur les déchets doit mettre l'accent sur la complémentarité, et non l'opposition, entre les différentes technologies. Même sans arrêt de réacteurs, il faut maintenir des compétences démantèlement-assainissement, pour les besoins domestiques futurs ou étrangers immédiats.

Enfin, au-delà de la production, nous estimons crucial de favoriser la recherche et l'innovation nucléaires. Tout d'abord, une gouvernance commune peut être instituée entre industriels et chercheurs. Plus encore, la recherche sur le vieillissement du parc existant, notamment sur l'évolution et l'adaptation des composants, est nécessaire. Au total, la recherche sur la diversification de l'énergie nucléaire doit être encouragée, sur le plan des usages, qui vont au-delà de l'électricité avec la chaleur et l'hydrogène, et des puissances, qui sont plus petites. Trois projets du CEA doivent être menés à bien : le SMR Nuward, l'électrolyseur haute température Genvia et le multi-recyclage. Au-delà de la fission, la fusion doit elle aussi être favorisée, le projet ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) ne devant pas être affecté par la guerre russe en Ukraine. Toutes les technologies innovantes doivent donc être soutenues dans le cadre de l'appel d'offres sur les réacteurs en cours.

M. Franck Menonville . - Merci à nos rapporteurs d'avoir rappelé la nécessité absolue d'inscrire le nucléaire dans le long terme, afin de maintenir les deux objectifs de performance et de sûreté. Son corollaire est la gestion des déchets. La déclaration d'utilité publique de Cigéo, dans la Meuse et la Haute-Marne, a été signée fin juin, mais ce projet a pâti, ces dernières années, des mêmes hésitations, des mêmes pas en avant suivis de pas en arrière que le nucléaire. Il est mieux assuré depuis quelque temps, heureusement. Comment voyez-vous les choses ? Il faut sécuriser l'ensemble du cycle du nucléaire.

M. Laurent Duplomb . - « Quatorze réacteurs de 900 MW seront arrêtés d'ici à 2035. Ce mouvement commencera avant l'été 2020, avec l'arrêt définitif des deux réacteurs de Fessenheim. Restera alors à organiser la fermeture de douze réacteurs entre 2025 et 2035. » Ainsi parlait M. Emmanuel Macron en novembre 2018. Tout cela pour lancer en novembre 2021 : « Nous allons relancer la construction de réacteurs nucléaires »

C'est un exemple typique de ce qui s'est passé pendant cinq ans. M. Emmanuel Macron est coupable d'avoir fermé Fessenheim, alors qu'en janvier 2022, il pouvait arrêter le massacre. Il est coupable d'avoir perdu un temps précieux pendant cinq ans alors que tous les indicateurs étaient au rouge. En 2019, nous achetions en dehors de nos frontières pour 25 jours d'électricité, contre 43 jours en 2020 et 78 jours en 2021 !

M. Emmanuel Macron est coupable d'avoir laissé le dogme environnementaliste conduire Mme Barbara Pompili à fermer les centrales thermiques, avant de devoir les rouvrir, car elles sont le seul moyen d'affronter des pointes électriques.

Pendant trois jours autour de Noël 2021, la France a été jusqu'à la limite de ses capacités d'importation, car les lignes qui nous relient à nos voisins ne permettaient pas d'acheter plus d'électricité.

M. Henri Cabanel . - Merci aux rapporteurs. Moi aussi, je pense qu'un mix énergétique avec du nucléaire et des énergies renouvelables est nécessaire pour avoir de l'électricité bas-carbone. Mais comme notre collègue Laurent Duplomb, je suis stupéfait par l'incapacité de la France à gérer des situations de crise. Alors que l'hiver promet d'être difficile, comment se fait-il que l'État n'ait pas déjà trouvé des moyens de faire des économies d'énergie ?

La France était un pays leader dans le nucléaire ; nous avons clairement été déclassés, les gouvernements successifs n'ayant pas suffisamment anticipé. Je suis stupéfait que la fermeture de 24 réacteurs pour maintenance n'ait pas été prévue. Serions-nous dans la même situation s'ils fonctionnaient ?

À l'heure où je vous parle, nous importons de l'électricité d'Espagne, de Suisse, d'Allemagne, du Royaume-Uni. Le manque de volonté politique nous a mis dans une situation difficile. On aurait dû anticiper le vieillissement du parc nucléaire.

Combien de temps faudra-t-il pour installer les nouveaux EPR si nous respectons les obligations en matière d'études environnementales ou autres ?

Le projet de loi relatif au pouvoir d'achat prévoit des dérogations pour installer plus rapidement des terminaux méthaniers flottants. Ne pourrait-on pas en prévoir aussi pour les EPR ?

Mme Martine Berthet . - Merci pour ce travail très important sur les problématiques de la disponibilité et du coût de l'énergie. Des collectivités, notamment en Tarentaise, ont des projets visant à construire des conduites de gaz vers des industries qui en ont besoin, entre autres pour répondre à l'appel d'offres européen sur la construction de batteries électriques. Mais elles n'ont pas de réponse, ni la CRE, ni de l'Ademe. Elles ont pourtant besoin d'un accompagnement.

Les entreprises nous interpellent aussi sur le coût de l'énergie, particulièrement dans l'agroalimentaire. Certaines prévoient d'être en dépôt de bilan dès la fin de l'année. Il y a vraiment urgence !

M. Franck Montaugé . - Vous n'avez pas abordé un aspect - il est vrai très politique - du problème : sa dimension européenne. Elle est pourtant prépondérante dans l'évolution du marché de l'électricité et l'affaiblissement du groupe EDF.

On ne peut pas traiter la question de la souveraineté industrielle et énergétique de notre pays sans poser celle de l'organisation du marché européen de l'électricité.

Vous avez évoqué l'absolue nécessité de réviser les tarifs en les basant sur des coûts complets marginaux à long terme ; cela suppose une remise en question du marché européen de l'électricité, afin de donner au groupe EDF les moyens de reconquérir la place qu'il n'aurait jamais dû perdre.

M. Daniel Salmon . - Je vais essayer d'éviter les caricatures en restant dans la rationalité. Je ne reviendrai pas sur la sûreté, la sécurité, le traitement des déchets, sur les problèmes rencontrés dans le refroidissement des centrales avec les aléas climatiques. Les problèmes rencontrés par le parc nucléaire français ne sont pas dus aux environnementalistes, mais aux fissures apparues dans les réacteurs, au Grand Carénage et à la Covid-19. Ces problèmes sont d'ordre structurel.

Nous avons un objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) d'ici 2030. Nous le savons tous : le nouveau nucléaire ne sera pas prêt avant 2035, voire 2040, dans le meilleur des cas. Comment fait-on pour atteindre notre objectif ?

Les chiffres du groupe EDF sont on ne peut plus fantaisistes. Le coût d'un EPR, annoncé à 3,5 milliards d'euros, est plutôt de 12,5 milliards, voire 19 ou 20 milliards si l'on compte les frais financiers. Même chose pour les délais : la construction devait durer 5 ou 6 ans ; en Finlande, elle a duré 16 ans et, en France, elle est en retard de 5 à 6 ans. Sur quels chiffres vous fondez-vous ?

Il faut développer les EnR. Le groupe EDF a prévu de passer sa production d'énergie solaire de 0,4 à 10 GW en 2030 et à 30 GW en 2035. Cela demande de sérieux investissements. Même chose pour l'éolien, en particulier en mer. Pensez-vous qu'il lui soit possible de combiner des investissements colossaux, à la fois dans le nucléaire et dans les EnR ?

M. Fabien Gay . - On vient d'apprendre que la renationalisation du groupe EDF se fera par une offre publique d'achat (OPA), et non par une loi, ce qui nous prive de débat. Or nous avons besoin d'un vrai débat sur l'avenir du groupe EDF et la question énergétique. Pourquoi étatiser EDF ? Pour pouvoir mieux démanteler le groupe ?

Sortirons-nous de l'Arenh ? Le groupe EDF a été obligé d'acheter des térawattheures à 365 euros pour les revendre à 42 euros à ses concurrents directs. C'est complètement délirant !

Je suis opposé à l'Arenh, chacun le sait. Pendant la crise de la Covid-19, lorsque le prix du marché libre est tombé à 20 euros, tous les concurrents du groupe EDF sont allés en justice pour sortir de l'Arenh ; 18 mois après, ils en voulaient davantage ! Si nous continuons comme cela, nous tuerons EDF à petit feu !

Vous me direz que la concurrence libre et non faussée permet de stimuler la production ? Mais, en fait, les concurrents ont investi zéro euro dans celle-ci !

Tout le monde - même Bruno Le Maire, tant mieux - s'accorde à dire que le marché européen de l'électricité dysfonctionne. Les Espagnols et les Portugais ont obtenu une dérogation, car ils sont considérés comme insulaires. Même si nous ne sommes pas dans la même situation, ne peut-on pas nous appuyer sur cet exemple pour demander nous aussi une exception pour éviter la flambée des prix ?

Il va falloir planifier, comme le dit M. Patrick Pouyanné. Pour cela, il faudrait sortir du marché et faire de l'électricité un bien commun fourni par un service public ; je sais que je suis ultra-minoritaire sur la question, mais nous devrions en débattre.

Merci aux rapporteurs pour leur travail. Nous pouvons nous rejoindre sur beaucoup de choses. Si nous voulons atteindre les objectifs de l'Accord de Paris, il faut du nucléaire, mon cher collègue Daniel Salmon.

Toute activité humaine a prise sur la nature, y compris la production d'EnR. Pourquoi sommes-nous contraints de rouvrir les centrales à charbon ? C'est que nous n'avons pas d'autre solution !

M. Laurent Duplomb . - Et oui !

M. Fabien Gay . - Je l'avais pourtant dit lorsqu'elles avaient été fermées. J'y étais favorable, mais j'avais voulu savoir ce qui les remplacerait et quel serait l'avenir du personnel. Tout cela pour que, deux hivers après, on les rouvre en réembauchant le personnel à Saint-Avold !

Mme Amel Gacquerre . - Je vais faire fi de tout dogmatisme. Nous sommes tous d'accord pour dire que nous avons besoin du nucléaire au sein de notre mix énergétique.

Le Président de la République a annoncé la réalisation de six réacteurs : est-ce suffisant ? Nous savons que non, mais avez-vous des estimations à disposition ?

De plus, aurons-nous à l'avenir les compétences nécessaires pour faire fonctionner ces réacteurs ? La réflexion est-elle engagée ? La question est urgente, pour rassurer nos industriels.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - M. Franck Menonville, concernant le projet Cigéo, il est absolument nécessaire que l'État consolide les moyens financiers du projet alors que le site monte en puissance.

M. Laurent Duplomb, les conséquences de l'absence de décision et d'investissement se font sentir. Nous avons vécu sur le passé. Les gouvernements ont accordé des moyens très importants au domaine de l'énergie, mais sans réellement réinvestir pour notre parc. Aujourd'hui, nous sommes face au mur.

M. Fabien Gay, pour ce qui est des centrales à charbon, nous n'avons pas le choix. En 2021, pendant quelques jours, nous avons atteint la capacité maximale de transport d'électricité ; il en ira peut-être de même en 2022 et 2023. La réouverture est indispensable.

M. Henri Cabanel, il est nécessaire de réaliser des investissements plus rapidement. Les premières ouvertures des nouveaux réacteurs sont envisagées pour 2035 seulement. Pour gagner un peu de temps, il serait intéressant, sans pour autant fragiliser les études et la sécurité, de bousculer le calendrier administratif.

Mme Martine Berthet, concernant le bouclier, il est indispensable de pérenniser les aides au niveau national comme la stratégie européenne ; la demande est très claire, de la part des collectivités et des entreprises. C'est un sujet de vie ou de mort pour nombre d'entreprises ; certaines ne bénéficient pas de l'Arenh et sont en situation de grand déséquilibre financier.

M. Franck Montaugé, certes, nous aurions pu développer plus la dimension européenne dans notre rapport. La formation du prix de l'électricité doit effectivement être revue ; c'est absolument nécessaire. Une décision européenne a été prise pour l'examiner : nous avons déjà obtenu que la question du couplage des prix entre gaz et l'électricité soit posée. C'est déjà un progrès.

M. Daniel Salmon, nous n'opposons pas les EnR au nucléaire, au contraire, mais nous avons besoin d'une colonne vertébrale et d'énergies pilotables. Oui, il faut investir de manière considérable aussi bien dans le nouveau nucléaire que dans les EnR. En France, nous avons affiché la volonté, tout d'abord, du tout électrique, puis d'atteindre la décarbonation, à l'horizon 2050 : cela ne fera pas en claquant des doigts, d'autant plus que, au regard de nos ambitions de réindustrialisation, nos besoins énergétiques seront très importants.

Il en va de l'énergie comme du domaine alimentaire : pour avoir assez, il faut avoir plus. Si le mix ne fait que correspondre exactement aux besoins, en cas de problème, tout s'écroule. Il nous faut donc investir pour le renouvellement permanent de notre parc. Nous le disons depuis longtemps, et les faits donnent aujourd'hui raison au travail du Sénat.

M. Fabien Gay, en 2021, notre commission avait interrogé la ministre pour savoir si nous aurions une loi sur le groupe EDF - elle s'y était alors engagée. EDF, ce ne sont pas que des moyens financiers, la question est bien plus large.

L'Arenh pose vraiment problème, notamment au regard de la situation économique de nos concitoyens, de l'exclusion de certains de ce dispositif et du prix imposé au groupe EDF.

Enfin, Mme Amel Gacquerre, les six réacteurs ne sont pas suffisants. Quant à la formation et aux compétences, nous ne pourrons pas recruter de nouveaux ingénieurs sans rendre le nucléaire plus attractif et retrouver une dynamique enthousiaste. Le défi est énorme, il sera difficile d'avoir ces compétences disponibles en temps et en heure.

M. Jean-Pierre Moga , rapporteur . - À aucun moment nous n'avons opposé les EnR et le nucléaire. Je tiens cependant à rappeler ce que nous a dit l'ambassadeur d'Allemagne, aujourd'hui ministre de l'industrie : la production éolienne en Allemagne est inférieure de 50 % en 2021 par rapport à 2020. Pourquoi ? Simplement car il n'y a pas eu de vent en 2021. Voilà qui m'a profondément marqué. Nous avons donc besoin de toutes les énergies, ainsi que d'une sobriété raisonnée. Le nucléaire est bien indispensable.

Quant aux formations, voilà 20 ans que nous parlons de la fin du nucléaire. Comment motiver ainsi de jeunes ingénieurs ? Les formations semblent être remises en route, pour pouvoir construire des réacteurs comme dans les années 1980, car il nous faudra des soudeurs et des ingénieurs.

M. Franck Montaugé, nous devons aussi reconnaître qu'entre la Covid-19, le phénomène de « corrosion sous contrainte » et les aléas climatiques, l'alignement des planètes a été mauvais.

M. Daniel Salmon, nous avons interrogé le directeur de la centrale de Golfech. L'eau de la Garonne en amont de la centrale est à 27 voire 28 °C. Le premier réacteur est en maintenance, et il risque de devoir fermer son second réacteur. Des nouvelles technologies permettraient de refroidir l'eau en la renvoyant en amont : des solutions existent donc, mais voilà les problèmes que nous rencontrons.

M. Jean-Jacques Michau , rapporteur . - Le monde entier a été traumatisé par l'accident de Fukushima. La filière nucléaire est très dangereuse. Pour être sûre, elle doit être entretenue. Je ne suis pas un fanatique du nucléaire, mais il est un mal nécessaire. À ce titre, la filière doit être bien organisée et disposer de moyens. Ainsi, le groupe EDF doit impérativement rester l'opérateur public intégré de référence dans notre pays.

Sobriété, EnR et nucléaire, tous sont indispensables.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mme Amel Gacquerre, nous considérons que, dès 2023, le Gouvernement devra officiellement lancer, non pas six, mais quatorze nouveaux réacteurs nucléaires.

Mais nous allons plus loin. L'enjeu, c'est évidemment la sécurité. Nous avons interrogé l'ASN : pourra-t-on prolonger nos centrales au-delà de soixante ans ? En fonction de cette réponse, qu'elle ne peut pas nous apporter précisément aujourd'hui, et selon le degré de réindustrialisation de la France, nous devrons nous doter de nouvelles capacités de production au-delà des quatorze réacteurs déjà mentionnés. Bref, le défi est immense.

Notre rapport esquisse ainsi une planification d'investissement énergétique, travail qui exigera bien sûr une loi dédiée.

M. Henri Cabanel . - Qu'en est-il des vingt-quatre réacteurs à l'arrêt ? Pourquoi n'a-t-on pas anticipé ces enjeux de maintenance ?

M. Jean-Pierre Moga , rapporteur . - Nous sommes face à un mauvais alignement des planètes. Tout d'abord, la Covid-19 a affecté la disponibilité des équipes de maintenance, si bien qu'un certain nombre d'interventions prévues ont dû être différées. Ensuite, on a découvert le phénomène de « corrosion sous contrainte », qui a lui aussi entraîné des arrêts. C'est notamment le cas à la centrale de Golfech.

Nos réacteurs ont pour ainsi dire tous été construits à la même époque. C'est une force, du fait de la standardisation ; mais c'est aussi une faiblesse, car lorsqu'un problème survient sur un réacteur il affecte rapidement tous les autres. Le phénomène de « corrosion sous contrainte » ne met pas en péril la longévité des réacteurs, mais ils imposent divers travaux.

Enfin, pour préserver la faune et la flore, tel ou tel réacteur pourrait être arrêté du fait de la hausse de la température de l'eau constatée dans certains fleuves.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - À l'évidence, c'était une erreur de reporter des opérations de maintenance programmées.

Désormais, nous devrions gagner du temps au titre de l'inspection : les nouvelles techniques développées par le groupe EDF doivent permettre de détecter les fissures liées au phénomène de « corrosion sous contrainte » sans avoir à découper les tuyauteries. Toutefois, pour garantir la sécurité, il est indispensable de conserver les équipes nécessaires au sein des centrales.

Mme Dominique Estrosi Sassone , présidente . - Je tiens à remercier une nouvelle fois nos rapporteurs. Mené sur l'initiative de notre commission et notamment de sa présidente, leur travail transpartisan pourra très certainement nous servir de boussole, dans la perspective de la révision de la loi quinquennale sur l'énergie et de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).

En effet, je retiens de notre déplacement à l'EPR de Flamanville le besoin de tirer les conséquences du retour d'expérience pour réussir la relance du nucléaire, tout en maîtrisant les coûts et les délais.

En tant que législateur, nous avons une responsabilité historique à jouer car seul un nouveau nucléaire, relancé l'an prochain par cette loi, sera prêt pour la France de 2050. Après, il sera trop tard, tant pour notre transition que notre souveraineté énergétiques.

M. Daniel Salmon . - Je vote contre les recommandations de ce rapport.

Les recommandations sont adoptées.

La commission adopte le rapport d'information et en autorise la publication.

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