Rapport d'information n° 856 (2021-2022) de M. Jean BACCI , Mme Anne-Catherine LOISIER , MM. Pascal MARTIN et Olivier RIETMANN , fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des affaires économiques, déposé le 3 août 2022

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N° 856

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 août 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) et de la commission des affaires économiques (2) par la mission conjointe de contrôle relative à la prévention et à la lutte contre l' intensification et l' extension du risque incendie ,

Par M. Jean BACCI, Mme Anne-Catherine LOISIER, MM. Pascal MARTIN
et Olivier RIETMANN,

Sénateurs et Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot , président ; M. Didier Mandelli, Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Joël Bigot, Rémy Pointereau, Frédéric Marchand, Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Pierre Corbisez, Pierre Médevielle, Ronan Dantec , vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Angèle Préville, MM. Pascal Martin, Bruno Belin , secrétaires ; MM. Jean-Claude Anglars, Jean Bacci, Étienne Blanc, François Calvet, Michel Dagbert, Mme Patricia Demas, MM. Stéphane Demilly, Michel Dennemont, Gilbert-Luc Devinaz, Mme Nassimah Dindar, MM. Gilbert Favreau, Jacques Fernique, Mme Martine Filleul, MM. Fabien Genet, Hervé Gillé, Éric Gold, Daniel Gueret, Mmes Nadège Havet, Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Olivier Jacquin, Gérard Lahellec, Mme Laurence Muller-Bronn, MM. Louis-Jean de Nicolaÿ, Philippe Pemezec, Mmes Évelyne Perrot, Marie-Laure Phinera-Horth, Kristina Pluchet, MM. Jean-Paul Prince, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, MM. Philippe Tabarot, Pierre-Jean Verzelen .

(2) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; M. Alain Chatillon, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Patrick Chaize, Mme Viviane Artigalas, M. Franck Montaugé, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Pierre Moga, Bernard Buis, Fabien Gay, Henri Cabanel, Franck Menonville, Joël Labbé , vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, MM. Rémi Cardon, Pierre Louault , secrétaires ; MM. Serge Babary, Jean-Pierre Bansard, Mmes Martine Berthet, Florence Blatrix Contat, MM. Michel Bonnus, Denis Bouad, Yves Bouloux, Jean-Marc Boyer, Alain Cadec, Mme Anne Chain-Larché, M. Patrick Chauvet, Mme Marie-Christine Chauvin, M. Pierre Cuypers, Mmes Françoise Férat, Amel Gacquerre, M. Daniel Gremillet, Mme Micheline Jacques, MM. Jean-Marie Janssens, Jean-Baptiste Lemoyne, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Claude Malhuret, Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Mme Guylène Pantel, MM. Sebastien Pla, Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Mme Patricia Schillinger, MM. Laurent Somon, Jean-Claude Tissot .

L'ESSENTIEL

I. EXTENSION ET INTENSIFICATION DU RISQUE INCENDIE MENACENT LA CAPACITÉ DE RÉSISTANCE DE LA SÉCURITÉ CIVILE

DEPUIS LES ANNÉES 1980, UNE STRATÉGIE FRANÇAISE D'ATTAQUE MASSIVE SUR FEUX NAISSANTS QUI A FAIT SES PREUVES

Cette réduction significative des surfaces brûlées est d'autant plus remarquable dans un contexte où l'indice de risque climatique et le combustible en forêt ont augmenté significativement. La France doit toutefois se préparer à une évolution défavorable du risque, structurellement causée par le réchauffement climatique et l'augmentation de la biomasse forestière.

Un risque encore plus menaçant : 4 manifestations

- Intensification : en région méditerranéenne française , les surfaces brûlées pourraient ainsi augmenter de 80 % d'ici 2050 . Avec une hausse de la fréquence des feux, les espaces boisés pourraient peu à peu laisser place à des maquis.

- Extension géographique : en 2050 , près de 50 % des landes et forêts métropolitaines pourraient être concernées par un risque incendie élevé, contre un tiers en 2010. En juillet 2022, 1 725 hectares de landes ont ainsi brûlé dans les Monts d'Arrée.

- Extension temporelle : la période à risque fort sera trois fois plus longue , les feux hivernaux devraient se multiplier. « Aujourd'hui, la `saison des feux', c'est toute l'année » (président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France).

- Développement d'incendies de végétation ou de terres agricoles (feux de friches, de récoltes et de chaumes, y compris dans les espaces péri-urbains).

LE DÉVELOPPEMENT DE FEUX HORS NORMES MET À MAL LA STRATÉGIE FRANÇAISE DE LUTTE CONTRE LES INCENDIES

Parmi les plus grands incendies ayant touché la France ces 40 dernières années, 3 se sont déclenchés en 2021 et 2022 . Il s'agit des premiers incendies de plus de 5 000 ha depuis 2003.

En cas de feux simultanés, comme en Gironde à l'été 2022, les coûts environnementaux et socio-économiques des incendies pourraient s'accroître de façon exponentielle.

L'efficacité de la stratégie de lutte qui a fait de la France un modèle partout en Europe et dans le monde ne suffira pas face à l'émergence de feux hors norme. C'est pourquoi les rapporteurs ont souhaité engager une réflexion transversale, articulant prévention et lutte, convaincus que la « guerre contre le feu » ne sera gagnée qu'en activant plusieurs leviers.

II. PRÉVENIR LE RISQUE INCENDIE DE FORÊT ET DE VÉGÉTATION EN MOBILISANT L'ENSEMBLE DES POLITIQUES PUBLIQUES

ANTICIPER : ÉLABORER UNE STRATÉGIE NATIONALE INTERMINISTÉRIELLE PRENANT EN COMPTE L'ÉVOLUTION DU RISQUE

Compte tenu de l'évolution rapide du risque, l'élaboration d'une telle stratégie semble aujourd'hui inévitable. Son succès repose sur une amélioration des connaissances et des données relatives aux feux de forêt et de végétation.

€ Une proposition phare : mieux évaluer la « valeur du sauvé » pour mieux calibrer les moyens de prévention et de lutte contre l'incendie, qui devraient en tout état de cause être significativement accrus. Prévoir en particulier un doublement des moyens alloués à la prévention .

Pour être pleinement acteur majeur de cette stratégie, l'ONF doit retrouver dès à présent des marges de manoeuvre et étendre son périmètre d'intervention.

Une proposition phare : revenir sur les 500 suppressions de postes de l'ONF prévues d'ici à 2025, pour rétablir des postes d'agents de la protection de la forêt méditerranéenne et redéployer plus de personnels sur la défense contre les feux de forêt (DFCI) hors de cette zone.

La mise en oeuvre de cette stratégie devra nécessairement être déclinée par territoires , même dans ceux aujourd'hui moins exposés au risque incendie.

Une proposition phare : encourager l'élaboration d'un plan de protection des forêts (PPFCI), pierre angulaire de la politique de prévention au niveau local, dans les territoires simplement classés à risque d'incendie.

AMÉNAGER LE TERRITOIRE : MIEUX RÉGULER L'INTERFACE FORÊT/ZONES URBAINES POUR RÉDUIRE LES DÉPARTS DE FEUX ET LA VULNÉRABILITÉ

Le débroussaillement constitue une mesure essentielle de prévention contre les incendies, permettant d'en diminuer l'intensité et d'en limiter la propagation. Les obligations légales de débroussaillement (OLD) renforcent également la défendabilité des habitations. Elles sont malheureusement trop peu appliquées (taux de réalisation souvent inférieur à 30%).

Une proposition phare : adapter les modalités de mise en oeuvre du débroussaillement selon la nature du risque et la réalité des territoires.

Convaincus qu'une solution unique ne suffira pas à résorber le déficit de réalisation des OLD, les rapporteurs estiment qu'une palette large de leviers allant de la sensibilisation à la sanction, en passant par l'incitation, devra être mobilisée.

Une proposition phare : rendre la franchise obligatoire dans les contrats d'assurance habitation en cas de non-respect des obligations légales de débroussaillement et accroître son montant au-delà de la limite maximale actuellement prévue.

GÉRER LA FORÊT DURABLEMENT, PREMIER DES PARE-FEUX

La biomasse forestière augmente régulièrement depuis les années 1980, moins de la moitié de la croissance annuelle étant prélevée. Représentant trois quarts de la forêt française, la forêt privée, insuffisamment gérée, ne peut être livrée à elle-même face au risque d'incendie.

Une proposition phare : abaisser le seuil d'obligation des documents de gestion durable pour la forêt privée à 20 hectares (contre 25 à ce jour), adapter les effectifs du Centre national de la propriété forestière (CNPF) en conséquence, créer des postes supplémentaires pour plus d'animation sur le terrain et une dynamisation de la gestion.

AMÉNAGER ET VALORISER LA FORÊT AU NIVEAU DU MASSIF

La valorisation économique des produits de la forêt permet de réinvestir les massifs peu gérés et d'optimiser les synergies entre desserte forestière et pistes de défense contre les incendies (DFCI).

Une proposition phare : intégrer aux objectifs des chartes forestières de territoire ou plans de massifs, la prévention du risque incendie, afin de faire de la structuration de filières en circuits courts un atout dans la connaissance et la gestion des massifs.

Les maires voudraient gérer davantage la forêt pour prévenir les feux, ce que la propriété morcelée et de multiples statuts (forêt usagère, biens de section) rendent plus difficile.

Une proposition phare : instaurer un droit de préemption des parcelles de forêt présentant un enjeu au regard de la défense des forêts contre l'incendie, au profit des communes s'engageant à intégrer la parcelle au régime forestier.

MOBILISER LE MONDE AGRICOLE DANS LA PRÉVENTION DES INCENDIES

Les activités pastorales et agricoles, créant des discontinuités de végétation, jouent le rôle de pare-feu protégeant la forêt. Cette « ligne Maginot » de la gestion doit pouvoir bénéficier des fonds européens et être exemptée d'indemnité de défrichement. Il faut veiller en parallèle sur l'interface forêt-terres agricoles, ces dernières étant aussi exposées au risque.

Une proposition phare : permettre au préfet de prescrire la réalisation des travaux agricoles (moissons...) la nuit en cas de fort risque incendie.

SENSIBILISER LES USAGERS VIA LA COMMUNICATION ET LA RÉPRESSION

Une proposition phare : lancer une campagne de communication sur la prévention au niveau des préfets et des élus à l'automne et à l'hiver, par exemple en matière de débroussaillement.

Les pics de fréquentation estivaux dans les massifs du Sud de la France apportent leur lot de comportements imprudents, l'ensemble des touristes n'étant pas « acculturés au feu ».

Une proposition phare : mobiliser le budget des collectivités territoriales pour recruter, former et équiper des jeunes du Service national universel (SNU), afin de prévenir et sensibiliser les usagers en forêt lors des périodes à risque.

LUTTER : FINANCER ET ÉQUIPER LA LUTTE INCENDIE À LA HAUTEUR DU RISQUE

La flotte française semble aujourd'hui insuffisante pour faire face à l'évolution de l'aléa.

Une proposition phare : augmenter le budget de la protection civile pour permettre l'acquisition de moyens aériens (avions et hélicoptères) à la hauteur du risque et s'appuyer, en tant que de besoin, sur la location d'appareils.

Au-delà des moyens nationaux, un soutien de l'État s'avère indispensable par un renforcement des moyens capacitaires des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS).

Une proposition phare : augmenter significativement, dans un cadre pluriannuel, la dotation de soutien de l'État à l'investissement des SDIS, pour permettre notamment l'acquisition de véhicules et leur renouvellement.

REBOISER : FINANCER LA RECONSTITUTION DE FORÊTS PLUS RÉSILIENTES APRÈS L'INCENDIE

Lorsque ni la prévention, ni la lutte n'ont permis d'éviter un sinistre, vient l'étape de la reconstitution, nécessitant une aide financière de l'État et une réflexion sur les essences à planter, qui doivent concilier adaptation à la station forestière et résistance aux incendies.

Une proposition phare : conditionner l'aide de l'État à des choix d'essences et de gestion adaptés au risque incendie (par exemple en maintenant des pare-feux, en expérimentant des corridors de feuillus ou une moindre densité de peuplement).

LISTE DES RECOMMANDATIONS

Axe 1 : Anticiper : élaborer une stratégie nationale et territoriale prenant en compte l'évolution du risque incendie et son extension sur le territoire national

Établir une stratégie nationale, articulant prévention et sécurité civile, et améliorer la coordination interministérielle

Recommandation n° 1 : Élaborer une stratégie nationale et interministérielle de défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies, articulant prévention et sécurité civile (ministère de l'agriculture et de la soutenabilité alimentaire, ministère de l'intérieur, ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires).

Recommandation n° 2 : Prévoir que chaque administration participant à la politique de prévention et de lutte contre les feux de forêt ait au moins un référent au sein de la Délégation à la protection de la forêt méditerranéenne (DPFM), afin d'en renforcer l'interministérialité. S'inspirer de cette structure interministérielle dans d'autres zones, en envisageant par exemple la création d'une Délégation à la protection de la forêt aquitaine (DPFA), placée auprès du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud-Ouest.

Recommandation n° 3 : Intégrer de façon plus cohérente le risque incendie à l'occasion de la prochaine révision du Programme national de la forêt et du bois (PNFB) en 2026, et décliner cette dimension de façon adaptée à chaque territoire dans les Programmes régionaux de la forêt et du bois (PRFB).

Recommandation n° 4 : Accroître significativement les moyens alloués à la prévention et à la lutte contre le risque incendie, en doublant en particulier les moyens consacrés à la prévention (aménagement des pistes de défense des forêts contre l'incendie, surveillance de la forêt, communication, contrôle des obligations légales de débroussaillement...).

Recommandation n° 5 : Assurer le suivi exhaustif des moyens de prévention et de lutte de l'État à travers un « document de politique transversale » (ou « orange budgétaire ») permettant de les mettre en regard.

Appuyer cette stratégie sur une amélioration des connaissances

Recommandation n° 6 : Améliorer la remontée des données dans la base de données sur les incendies de forêts en France.

Recommandation n° 7 : Mieux évaluer la « valeur du sauvé » pour contribuer à l'évaluation optimale des moyens alloués à la prévention et à la lutte contre l'incendie. S'appuyer sur une évaluation exhaustive des services rendus par la forêt (en matière environnementale, économique et sociale) et des coûts liés aux destructions des incendies. En particulier, mieux évaluer l'impact sanitaire des feux de forêt en matière de qualité de l'air.

Recommandation n° 8 : Au titre de la stratégie nationale bas carbone (SNBC), identifier au sein du secteur de l'Utilisation des terres, changement d'affectation des terres et foresterie (UTCATF) les émissions de gaz à effet de serre associées aux incendies de forêt et les pertes de capacités d'absorption associées. Intégrer ces émissions et pertes de capacités d'absorption dans les plans climat air énergie territoriaux (PCAET).

Recommandation n° 9 : Accroître l'effort de recherche sur les forêts publiques et privées. Renforcer tout particulièrement la recherche appliquée sur l'adaptation des essences au changement climatique, sur leur résilience face aux incendies et sur leur valorisation.

Étendre les politiques de défense contre les incendies, en les adaptant à la réalité de chaque territoire

Recommandation n° 10 : Afin de tenir compte de l'évolution géographique du risque, définir par voie réglementaire - plutôt que par voie législative - les territoires réputés particulièrement exposés aux risques d'incendies.

Recommandation n° 11 : Intégrer systématiquement le risque incendie dans les schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques (SDACR), en adaptant cette intégration en fonction de l'intensité et de l'exposition aux risques.

Recommandation n° 12 : Encourager l'élaboration de plans de protection des forêts contre les incendies, pierre angulaire de la politique de prévention au niveau local, dans les territoires simplement classés à risque d'incendie.

Recommandation n° 13 : Prévoir une évaluation récurrente des plans de protection des forêts contre les incendies pour favoriser leur adaptation à l'évolution de l'aléa.

Recommandation n° 14 : Étendre la politique de défense des forêts contre les incendies (DFCI) aux surfaces de végétation, y compris urbaines et périurbaines, et aux surfaces agricoles en les incluant dans le périmètre des plans de protection des forêts contre les incendies.

Recommandation n° 15 : Adapter les moyens d'assistance de Météo France en renforçant et en étendant progressivement son appui opérationnel sur le territoire national.

Recommandation n° 16 : Revenir sur les 500 suppressions de postes de l'ONF prévues dans le contrat État ONF 2021 2025, pour rétablir les postes d'agents de protection de la forêt méditerranéenne (APFM) supprimés ces dernières années et pour redéployer plus de postes sur l'expertise DFCI hors région méditerranéenne, en étendant le périmètre géographique de la mission d'intérêt général DFCI à l'ensemble du territoire national.

Axe 2 - Aménager le territoire : mieux réguler les interfaces forêt zones urbaines pour réduire les départs de feux et la vulnérabilité des personnes et des biens

Améliorer l'application des obligations légales de débroussaillement

Recommandation n° 17 : Développer une « pédagogie des obligations légales de débroussaillement (OLD) » auprès des personnes concernées, en les informant, en mettant à leur disposition des conseils personnalisés et en réalisant des contrôles plus réguliers. Pour mettre en oeuvre ces opérations d'information, de conseil et de contrôle, établir une stratégie collective concertée à l'échelle des massifs.

Recommandation n° 18 : Intégrer le périmètre des obligations légales de débroussaillement dans les documents d'urbanisme, pour rendre plus visibles et explicites les périmètres concernés et pour mieux informer les particuliers de l'existence de l'obligation au moment de la délivrance des permis de construire.

Recommandation n° 19 : Dans l'arrêté préfectoral de définition des obligations légales de débroussaillement, adapter les modalités de mise en oeuvre du débroussaillement selon la nature du risque et la réalité des territoires, comme le permet l'article L. 131-10 du code forestier.

Recommandation n° 20 : Conditionner la mutation d'une propriété à la réalisation des obligations légales de débroussaillement sur le terrain concerné.

Recommandation n° 21 : Instaurer un crédit d'impôt pour la réalisation des obligations légales de débroussaillement.

Recommandation n° 22 : Valoriser systématiquement les bois et la végétation issus des travaux de débroussaillement, grâce à l'impulsion des communes et des EPCI, qui peuvent coordonner l'action des propriétaires en organisant des travaux collectifs.

Recommandation n° 23 : Rendre la franchise obligatoire dans les contrats d'assurance habitation en cas de non-respect des obligations légales de débroussaillement et accroître son montant au-delà de la limite maximale actuellement prévue.

Recommandation n° 24 : Renforcer les sanctions pénales pour non-respect des obligations légales de débroussaillement, en passant d'une contravention de quatrième catégorie à une contravention de cinquième catégorie tout en permettant de recourir à une amende forfaitaire.

Intégrer le risque incendie dans les documents d'urbanisme

Recommandation n° 25 : Étendre plus largement la réalisation de plans de prévention des risques incendies de forêt (PPRIf) dans les territoires particulièrement exposés au risque incendie, par la simplification des modalités d'élaboration, de modification et de révision de ces plans.

Recommandation n° 26 : Systématiser l'envoi de « cartes d'aléas », adressées par le préfet aux collectivités territoriales, dans l'ensemble des territoires exposés au risque incendie et particulièrement exposés au risque incendie.

Recommandation n° 27 : Lorsque cela est pertinent, dans les territoires particulièrement exposés au risque incendie et dans ceux simplement exposés au risque incendie au titre du code forestier, intégrer dans les documents d'urbanisme des recommandations tendant à accroître la résistance des bâtiments aux incendies de forêt.

Recommandation n° 28 : Lutter plus fermement contre l'installation d'habitats légers dans les zones à risque en s'appuyant 1) sur les documents d'urbanisme existants, 2) sur une doctrine plus stricte des commissions de préservation des espaces naturels et forestiers (CDPENAF) et 3) sur une application stricte du refus d'autorisation de défrichement pour l'installation d'habitats dans les zones exposées à l'aléa.

Axe 3 : Gérer la forêt : promouvoir la sylviculture face au risque incendie, premier des pare feux pour la forêt privée

L'intégration plus cohérente du risque incendie dans les documents de gestion durable et dans la certification privée

Recommandation n° 29 : Confier aux commissions régionales des forêts et du bois le soin d'enrichir les schémas régionaux de gestion sylvicole (SRGS) par des orientations spécifiques au risque incendie (choix des essences, type de gestion...), prescriptrices pour les documents de gestion durable. Faire apparaître de façon plus cohérente ces orientations dans les documents de gestion durable.

Recommandation n° 30 : Dans le cadre de de la révision des certifications de gestion durable des forêts privées (PEFC / FSC), renforcer dans les meilleurs délais la dimension prévention face au risque incendie dans les référentiels afin d'en faire une composante à part entière de la gestion durable.

Augmenter le taux de documents de gestion durable, par un abaissement du seuil obligatoire de réalisation de ces documents et par une incitation à la gestion groupée des parcelles

Recommandation n° 31 : Abaisser le seuil d'obligation d'élaboration de documents de gestion durable pour la forêt privée à 20 hectares (contre 25 aujourd'hui) (500 000 hectares supplémentaires ainsi concernés) et donner la possibilité au préfet de région d'abaisser encore ce seuil, selon l'opportunité, après avis de la commission régionale de la forêt et du bois.

Recommandation n° 32 : Pérenniser le DEFI (dispositif de défiscalisation des investissements en forêt) et en élargir le périmètre (plafond, taux).

Adapter en conséquence les moyens du Centre national de la propriété forestière (CNPF) pour l'instruction des documents de gestion durable, l'animation territoriale et la prévention du risque incendie

Recommandation n° 33 : Adapter les effectifs du Centre national de la propriété forestière (CNPF), chargé de l'agrément des documents de gestion durable, hiérarchiser le contenu de ces derniers et généraliser la télédéclaration pour réduire les délais d'instruction.

Recommandation n° 34 : Augmenter les moyens du CNPF sur le terrain pour dynamiser et regrouper la gestion, notamment pour les parcelles en dessous des seuils obligatoires d'élaboration de documents gestion durable. Développer les « visites à mi-parcours » (8 à 12 ans) des documents de gestion durable afin de dynamiser la gestion forestière.

Recommandation n° 35 : Dans le but de constituer une culture commune du feu, créer des postes supplémentaires de référent risque incendie au sein de chaque Centre régional de la propriété forestière (CRPF).

Axe 4 : Aménager et valoriser la forêt : appréhender la défense des forêts contre l'incendie à l'échelle du massif

Planifier et financer l'aménagement de la forêt

Recommandation n° 36 : Pour mieux adapter la gestion du risque aux réalités territoriales et assurer une meilleure association des élus locaux à la politique de DFCI, promouvoir une approche préventive par massif, en déclinant les PPFCI départementaux ou interdépartementaux au niveau des massifs, en recherchant les synergies avec les stratégies locales de développement forestier (SLDF).

Recommandation n° 37 : Dans le cadre du PPFCI, identifier et mobiliser les sources de financement, publiques et privées, pour l'entretien et l'élaboration de pistes DFCI. Associer les régions à cette démarche, afin notamment de faciliter la mobilisation des fonds européens.

Recommandation n° 38 : Instaurer un droit de préemption des parcelles forestières sans document de gestion durable et présentant un enjeu au regard de la défense des forêts contre l'incendie, au profit des communes, en particulier dans les zones péri-urbaines, dès lors que ces parcelles ont été préalablement identifiées comme stratégiques, que la commune est en mesure de justifier son acquisition par un projet de gestion forestière et qu'elle s'engage à intégrer la parcelle au régime forestier.

Recommandation n° 39 : Intégrer aux objectifs des stratégies locales de développement forestier (SLDF) - chartes forestières de territoire ou plans de massifs -, la prévention du risque incendie, aujourd'hui absente, afin de faire de la structuration de filières en circuits courts un atout dans la connaissance et la gestion des massifs.

Recommandation n° 40 : Afin de favoriser les synergies entre voies d'accès à la forêt et pistes DFCI, prévoir un cahier des charges SDIS-CRPF. Prévoir un avis consultatif des SDIS dans l'élaboration des schémas de desserte forestière collectifs par les Commissions régionales de la forêt et du bois.

Recommandation n° 41 : Établir une cartographie des synergies actuelles et potentielles de la desserte forestière et des voies de défense des forêts contre l'incendie au niveau régional.

Concilier défense des forêts contre l'incendie et protection de la biodiversité

Recommandation n° 42 : Adresser une instruction générale aux parquets pour une meilleure conciliation entre DFCI et biodiversité dans le prononcé des sanctions en matière d'atteintes à la biodiversité. À l'occasion de la révision prévue de la Stratégie nationale de contrôle de l'OFB, intégrer davantage la prise en compte de la prévention du risque incendie.

Recommandation n° 43 : Clarifier le droit existant, par une instruction technique adressée aux préfets, pour qu'en cas de conflit entre la défense des forêts contre l'incendie (DFCI) et la protection de la biodiversité, la première soit priorisée dans les zones particulièrement exposées au risque incendie. Associer en amont l'ensemble des parties prenantes à l'élaboration de cette politique intégrée de gestion du risque, afin d'anticiper les oppositions et de trouver des solutions territoriales et pragmatiques.

Recommandation n° 44 : À l'occasion de l'élaboration ou de la révision des plans de gestion des aires protégées, intégrer les enjeux relatifs à la prévention du risque incendie.

Axe 5 : Mobiliser le monde agricole : renforcer les synergies entre pratiques agricoles et prévention du risque incendie

Restaurer le rôle de pare feu des activités agricoles et pastorales

Recommandation n° 45 : Favoriser la mobilisation des activités agricoles comme pare-feu naturel en finançant les agriculteurs pour les services environnementaux ainsi rendus :

- par une pérennisation des contrats d'entretien de « coupures de combustible », finançant des exploitations pastorales depuis plus de trente ans en région Sud et Occitanie ;

- en étendant ces contrats à d'autres productions agricoles (ex. viticulture), pour autant que ces productions soient peu conductrices de l'incendie.

Recommandation n° 46 : Orienter des moyens de prévention locaux, nationaux et européens. À ce titre, mobiliser des mesures agro environnementales et climatiques (MAEC) de la PAC pour cofinancer ce mode agricole ou pastoral de prévention.

Concilier fermeté et ouverture en matière de défrichement

Recommandation n° 47 : Sous certaines conditions, minorer par défaut le coefficient de superficie à compenser ou d'indemnité de défrichement (article L. 341-6 du code forestier), dans le cas de défrichement de ces surfaces à but agricole ou pastoral.

Recommandation n° 48 : Affecter intégralement l'indemnité de défrichement, aujourd'hui reversée au budget général au-dessus d'un plafond de 2 M€, au Fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB). Confier au FSFB la mission de rechercher des synergies entre la desserte forestière et la défense des forêts des incendies.

Appréhender de façon intégrée le risque feux agricoles et de forêt

Recommandation n° 49 : Renforcer la sensibilisation des acteurs agricoles pour limiter les départs de feux sur des surfaces non boisées.

Recommandation n° 50 : En concertation avec les organisations de producteurs, donner la possibilité pour le préfet de prescrire la réalisation des travaux agricoles (en particulier moissons) la nuit en cas de risque « très sévère » et compenser le cas échéant les agriculteurs pour les coûts induits (hausse de charges, récolte détériorée).

Recommandation n° 51 : Permettre au préfet de prescrire, selon les conditions locales, des coupures sur les terres agricoles aux interfaces avec la forêt.

Axe 6 : Sensibiliser : renforcer la prise de conscience, en mobilisant une large palette d'outils, allant de la communication à la répression

Renforcer la prise de conscience par une communication d'envergure, à la hauteur des moyens mobilisés pour d'autres causes nationales

Recommandation n° 52 : Renforcer très largement les moyens alloués à la communication, à la hauteur des moyens mobilisés pour d'autres causes nationales (ex. sécurité routière), et prévoir autour du préfet et des élus une communication à l'automne et à l'hiver sur les actes de prévention, notamment en matière de débroussaillement.

Recommandation n° 53 : Mieux coordonner les campagnes de communication à l'échelle nationale et à l'échelle des zones.

Recommandation n° 54 : Mobiliser le budget des collectivités territoriales pour recruter, former et équiper des jeunes du Service national universel (SNU), afin de prévenir et sensibiliser les usagers en forêt, ainsi que de surveiller les massifs lors des périodes à risque.

Recommandation n° 55 : S'appuyer sur la filière de responsabilité élargie du producteur (REP) mégots pour financer des actions de communication d'envergure, notamment sur les autoroutes.

Recommandation n° 56 : Sensibiliser les plus jeunes dans les établissements scolaires, en recourant à des intervenants extérieurs.

Renforcer et clarifier les sanctions relatives à la prévention du risque d'incendie

Recommandation n° 57 : Augmenter et uniformiser les sanctions relatives à la prévention du risque d'incendie (notamment celles relatives aux jets de mégots), pour les rendre plus lisibles et dissuasives.

Recommandation n° 58 : Consacrer au niveau législatif l'interdiction de fumer dans un bois ou une forêt classé à « risque d'incendie » ou particulièrement exposé à ce risque sur les périodes à risque.

Axe 7 : Lutter : financer et équiper la lutte incendie à la hauteur du risque

Recommandation n° 59 : Renforcer et développer les moyens aériens (avions et hélicoptères) de la sécurité civile à la hauteur du risque. Pour accroître la durée de vol des avions bombardiers, s'assurer que la flotte renouvelée soit équipée de dispositifs permettant une intervention de nuit. En attendant la livraison des nouveaux avions et hélicoptères, s'appuyer, en tant que de besoin, sur des locations d'équipements. Adapter et moderniser les infrastructures associées et garantir l'adéquation des moyens de maintenance.

Recommandation n° 60 : Étudier l'opportunité de créer une deuxième base aérienne de la sécurité civile pour plus de rapidité dans la mobilisation des moyens de lutte.

Recommandation n° 61 : Augmenter significativement, dans un cadre pluriannuel, la dotation de soutien de l'État à l'investissement des SDIS, notamment pour permettre l'acquisition de véhicules et leur renouvellement.

Recommandation n° 62 : Exonérer de TICPE les carburants utilisés par les véhicules d'intervention des SDIS, sous réserve de compatibilité avec le droit de l'Union européenne. Exonérer de malus écologique l'ensemble des véhicules de lutte contre l'incendie des SDIS, et pas seulement les véhicules porteurs d'eau.

Recommandation n° 63 : Accompagner les SDIS pour développer et acquérir des nouvelles technologies utiles à la surveillance et à la réponse opérationnelle (robots, drones, nouveaux capteurs...).

Recommandation n° 64 : Pour atteindre d'ici 2027 l'objectif de 250 000 sapeurs-pompiers volontaires, instaurer une réduction de cotisations patronales pour les entreprises et administrations en contrepartie de la disponibilité de leurs employés et agents exerçant en tant que sapeurs-pompiers volontaires.

Recommandation n° 65 : Permettre une application territoriale, et non centralisée, du dispositif de cell broadcast afin d'en renforcer la réactivité.

Axe 8 : Reboiser : financer la reconstitution de forêts plus résilientes après l'incendie

Une réhabilitation des terrains incendiés nécessitant en tout état de cause un financement public

Recommandation n° 66 : Consacrer de nouveaux crédits dans le cadre du plan France 2030 à la reconstitution post incendie.

Renforcer l'éco conditionnalité pour des forêts plus résilientes

Recommandation n° 67 : Conditionner plus strictement les crédits de l'État à un choix d'essences adaptées aux stations forestières et à leur évolution prévisible en raison du changement climatique, en expérimentant notamment des corridors d'essences feuillues et en maintenant des pare feux.

Mobiliser aussi des fonds privés et l'outil assurantiel face à la montée des risques

Recommandation n° 68 : Promouvoir l'intérêt de l'assurance contre les risques incendie et tempête en s'appuyant sur le Centre national de la propriété forestière (CNPF), en lien avec les syndicats de propriétaires forestiers.

Recommandation n° 69 : Créer un dispositif d'encouragement fiscal (DEFI) « assurance incendie » dont la seule condition serait de souscrire à une assurance incendie (seule l'assurance tempête ou tempête incendie y donnant aujourd'hui accès).

Recommandation n° 70 : Élargir le Compte d'investissement forestier et d'assurance (CIFA) en le complétant par un dispositif pouvant concerner davantage de propriétaires forestiers.

I. UNE INTENSIFICATION ET UNE EXTENSION DU RISQUE INCENDIE MENAÇANT LA CAPACITÉ DE RÉSISTANCE DES FORCES DE SÉCURITÉ CIVILE

A. LE RISQUE INCENDIE, GLOBALEMENT CONTENU DEPUIS LES ANNÉES 1990 PAR UNE POLITIQUE VOLONTARISTE DE DÉFENSE DES FORÊTS, DEVRAIT S'ACCROÎTRE SIGNIFICATIVEMENT

1. Depuis les années 1990, une maîtrise globale des surfaces de forêt brûlées sur le territoire national
a) Des feux essentiellement concentrés sur la moitié Sud du pays, avec un contraste historiquement marqué entre zones méditerranéenne et aquitaine

En 2020 , les surfaces boisées parcourues par des incendies en métropole s'élevaient à 10 700 hectares de surfaces boisées . Ce chiffre est légèrement supérieur à la moyenne observée les cinq années précédentes (7 570 hectares en moyenne entre 2015 et 2019) 1 ( * ) . Ces incendies se concentrent très majoritairement dans la moitié Sud du pays . Les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur, Occitanie, Nouvelle-Aquitaine et Corse concentrent à elles seules près de 90 % des surfaces boisées brûlées et des feux de forêt 2 ( * ) .

En moyenne, depuis 1980 , la région méditerranéenne , dans le périmètre des quinze départements couverts par le système Prométhée, concentre les trois quarts des surfaces boisées brûlées en France. Cette proportion varie selon les années, mais est généralement supérieure aux deux tiers.

Source : IGN

L'année 2020 ne déroge pas à cette répartition, avec 7 700 hectares brûlés en zone Prométhée, contre 3 000 en dehors de la zone méditerranéenne.

Hors zone méditerranéenne, le massif forestier des Landes de Gascogne, situé en région Nouvelle-Aquitaine, sur les départements des Landes, de Gironde et du Lot-et-Garonne, est le premier territoire touché par les incendies de forêt ( environ 10 % des surfaces brûlées et près de 20 % des feux ) ; la Gironde et les Landes occupent en outre la première place du classement des départements subissant le plus grand nombre de feux de forêt.

Jusqu'alors, les incendies y étaient toutefois moins dévastateurs : lors de la décennie 2010-2019, la surface moyenne par feu y était inférieure à un hectare, contre plus de quatre hectares dans le Sud-Est.

Ces chiffres reflètent les différences d'approche du risque incendie entre zone méditerranéenne et aquitaine .

Peu rentable économiquement, caractérisée par morcellement de la propriété et une absence de gestion, y compris pour de plus grandes surfaces, la forêt méditerranéenne est principalement protégée par les actions de prévision et de lutte portées par la puissance publique, avec un rôle prépondérant des pouvoirs publics - État et collectivités territoriales - en particulier des départements, sous la tutelle desquels opèrent les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), faute d'investissements et d'actions de prévention suffisantes de la part des propriétaires privés.

A contrario , le système aquitain repose sur la gestion économique du massif, par une participation financière « volontaire » des propriétaires forestiers aquitains via des associations syndicales autorisées (ASA) de défense des forêts contre les incendies : ces associations, regroupant les propriétaires, assurent la protection du massif avec des actions de prévention fondées sur la gestion forestière (par le débroussaillement ou la création d'espaces pare-feu) et l'aménagement de l'espace (par la mise en place de pistes d'intervention ou encore de points de peau), permettant l'intervention rapide et optimale des forces de lutte, et ainsi d'éviter que beaucoup de feux ne détruisent plus d'un hectare. Les départs de feux y ont certes été nombreux, mais la politique de prévention ainsi mise en place a jusque récemment limité le risque de propagation du feu : en moyenne, le nombre d'hectares brûlés par incendie y a donc été plus faible qu'en zone méditerranéenne.

b) Une baisse significative de surfaces forestières incendiées et du nombre de feux de forêts, plaçant la France en bonne position dans la gestion du risque incendie

Depuis le début des années 1990 et jusqu'à la fin des années 2010, la France a connu un recul tendanciel des surfaces boisées incendiées , marqué par deux périodes de baisse clairement identifiables : celle des années 1990, ayant succédée aux grands feux des années 1989-1990, et celle suivant le milieu des années 2000, après l'été 2003, particulièrement meurtrier et marqué par des conditions météorologiques particulières.

En 2020 , les surfaces boisées parcourues par des incendies en métropole s'élevaient à 10 700 hectares de surfaces boisées . Ce chiffre, supérieur à la moyenne observée les cinq années précédentes (7 570 hectares en moyenne entre 2015 et 2019), est aussi largement inférieur à ceux observés lors des décennies précédentes : cinq fois moindre que la période 1980-1989 (42 360 hectares), trois fois que les périodes 1990-1999 (22 720 hectares) et 2000-2009 (19 680 hectares).

La même tendance favorable est observée pour le nombre d'incendies de forêt recensés chaque année, en baisse notable depuis la fin des années 1990, de 5 252 feux de forêt en moyenne annuelle entre 1980 à 1999, à 2 671 entre 2015 et 2019.

Source : IGN

Ces chiffres placent la France en bonne position dans la gestion du risque incendie.

Source : European Forest Fire Information System (EFFIS)

Le recensement des feux de forêt en France

Trois systèmes de recensement des feux de forêt existent en France :

- le système local opérant dans la zone Sud-Est, fondé sur la base Prométhée (couvrant 15 départements) ;

- celui du Groupement d'intérêt public Aménagement du territoire et gestion des risques (GIP ATGeRi), pour la région Nouvelle-Aquitaine ;

- le système national, la Base de données relative aux incendies de forêts en France (BDIFF), géré par l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN). Les deux bases locales - Prométhée et GIP ATGeRi - font remonter leurs données dans la BDIFF pour leur zone de compétence.

Ces données sont saisies par les services départementaux d'incendies et de secours (SDIS), les directions départementales des territoires/et de la mer (DDT (M)) et/ou les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF), les services locaux de l'office national des forêts (ONF) et du centre national de propriété forestière (CNPF), les services locaux de police et/ou de gendarmerie.

La baisse importante de surfaces forestières incendiées et du nombre de feux de forêts n'a toutefois pas été uniforme sur l'ensemble du territoire. Des travaux récents de l'INRAE sur l'évolution des feux dans la zone Prométhée ont ainsi mis en évidence une situation contrastée, entre certains territoires ayant connu un recul particulièrement important des incendies, comme les Bouches du Rhône, le Var ou la Corse, et d'autres, comme l'Hérault ou certains points « chauds » de l'ex-région Languedoc Roussillon, ayant pu faire face, ponctuellement, à une augmentation de l'aléa.

c) Un recul largement imputable à l'efficacité de la stratégie française de défense des forêts contre les incendies, en particulier à sa doctrine d'attaque rapide des feux naissants

Le recul tendanciel du nombre de feux et des surfaces incendiées observé jusqu'à récemment, reflète les évolutions de la politique française de défense des forêts contre les incendies, ayant suivi les grands incendies de la fin des années 80 et de l'année 2003.

Cette période est notamment marquée par l'établissement d'une stratégie d'attaque rapide des feux naissants , inscrite dans le Guide de stratégie générale de protection de la forêt contre l'incendie publié en 1994 par la direction de la sécurité civile et consacrée par la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile.

Cette doctrine s'appuie sur un équilibre entre prévention , pour empêcher les départs de feu et maîtriser les éclosions au stade initial, et lutte immédiate, massive et dynamique, pour limiter le développement des feux, avec un objectif d'intervention dans les dix premières minutes sur des foyers encore maîtrisables.

La doctrine consiste à détecter précocement et traiter le plus rapidement possible tout départ d'incendie. Elle repose sur la mobilisation prévisionnelle des moyens de lutte, qu'il s'agisse des sapeurs-pompiers des SDIS, déployés alors dans les massifs sensibles aux côtés des forestiers, des comités communaux feux de forêts, ou des moyens nationaux, via la mobilisation des militaires de la sécurité civile et ou des avions bombardier d'eau, effectuant des missions de guet aérien armé (GAAr) qui garantissent une première intervention rapide et massive.

La doctrine française s'oppose à la « culture du feu libre » , ayant cours notamment aux États-Unis, au Canada, ou en Australie, pays dans lesquels s'alternent des zones de peuplement, très concentrées, et de vastes espaces naturels inhabités. Pour Christian Pinaudeau, ancien secrétaire général du Syndicat des sylviculteurs du Sud-Ouest, « autant il est possible de laisser brûler 900 000 hectares dans le nord du Québec, peu habité, autant la situation est différente dans les environs de Marseille, de Bordeaux, ou d'Arcachon, où la densité de population est très importante. Nous ne sommes plus dans des environnements naturels et il n'existe donc pas de solutions naturelles pour ces zones » 3 ( * ) .

Les personnes entendues par les rapporteurs s'accordent pour dire que cette stratégie a largement contribué à la baisse du nombre de feux et de surfaces incendiées , avec une capacité d'action renforcée sur les feux de petite taille; pour Jean-Luc Dupuy, directeur de recherche à l'INRAE, « les politiques de prévention et de lutte ont conduit à une baisse spectaculaire du nombre de feux de plus d'un hectare, c'est-à-dire les feux qui échappent à la première intervention des pompiers » .

Dans les régions les plus exposées au risque incendie - Aquitaine et zone méditerranéenne -, le taux d'extinction des feux naissants est supérieur à 80 %.

Cette doctrine française du traitement des feux naissants, appuyée par une coordination opérationnelle très forte et de moyens humains et matériels de grande qualité, a donc fait la preuve de son efficacité pour s'imposer comme « une des meilleures stratégies au monde » , pour Albert Maillet, directeur forêts et risques naturels de l'ONF, entendu par les rapporteurs.

d) Une amélioration d'autant plus remarquable compte tenu de l'augmentation facteurs de risque sur les années passées

La stratégie française de défense des forêts contre les incendies a permis un recul net des surfaces brûlées et des départs de feux, en particulier après 2003, en dépit d'une augmentation des facteurs de risque , exposant plus largement le territoire national aux incendies. Cette augmentation des facteurs de risque est due à :

- une dégradation des conditions météorologiques ;

- une augmentation du combustible en forêt ;

- un phénomène de déprise agricole .

(1) Une évolution défavorable des conditions météorologiques

Depuis les années 1980, le territoire national a connu une évolution défavorable des conditions météorologiques.

Les températures moyennes sur le territoire national se sont déjà élevées de 1,86 degré en moyenne par rapport à la période préindustrielle, avec une hausse actuellement observée de 0,4 degré par décennie.

En outre, la fréquence des vagues de chaleur a été multipliée par quatre depuis les années 1980 . Le paramètre ayant le plus évolué est la température maximale observée au cours des événements, plus que la durée, à l'instar des étés 2018, 2019 et 2020.

Source : Météo-France

Par ailleurs, la surface du territoire affectée en moyenne par la sécheresse est passée de 5 % jusque dans les années 1970 à près de 15 % aujourd'hui.

Source : Météo-France

On observe également une augmentation de l'assèchement estival dans la moitié Sud du pays , particulièrement dans la zone méditerranéenne.

Source : Météo-France

Par conséquent, compte tenu de ces évolutions défavorables au niveau des températures comme de la sécheresse, on constate une augmentation de la surface du territoire concernée par une sensibilité météorologique aux feux de forêt et donc une extension du risque d'incendies à l'ensemble du territoire hexagonal. La part du territoire métropolitain présentant des conditions météorologiques propices aux incendies - calculée sur le fondement de l'Indice forêt météo ( IFM ) de Météo-France (voir encadré ) - a ainsi doublé depuis les années 1980, en passant progressivement, en moyenne décennale glissante, de moins de 20 % du territoire à environ 40 % aujourd'hui.

Source : Météo-France

Dans chaque zone, on constate par ailleurs un phénomène d'augmentation du nombre de jours marqués par des conditions propices aux départs de feux de forêts.

Évolution du nombre moyen de jours marqués par des conditions propices aux départs de feux de forêt (IFM > 20)

Source : Météo-France

L'indice feux météo (IFM), outil de prévision des feux de forêt

L'Indice feux météo (IFM), fourni par Météo-France pour l'ensemble du territoire métropolitain, caractérise, pour une végétation standardisée, un niveau de danger d'éclosion et de propagation du feu, estimé à partir des données de pluviométrie, d'hygrométrie, de température et de vent.

L'indice rend compte de l'influence des conditions météorologiques journalières à saisonnières sur la teneur en eau des éléments combustibles de la végétation et de l'influence des conditions journalières de vent et d'humidité sur la propagation. Il est calculé à partir des données météorologiques suivantes : température, humidité de l'air, vitesse du vent et précipitations.

L'IFM peut être déduit des prévisions météorologiques pour le lendemain et les jours à venir. Dans l'assistance opérationnelle pour la direction générale de la Sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), Météo-France calcule ces indices au pas horaire, jusqu'à J+ 3. Ces calculs sont mis à jour deux fois par jour, en début de matinée et en milieu d'après-midi.

L'indice permet également d'appréhender la sensibilité météorologique aux feux de forêts d'une année en évaluant le nombre de jours de dépassement du seuil IFM>20. Le critère appliqué est le calcul en chaque point du territoire du nombre de jours de dépassement du seuil. L'année est considérée comme sensible si on observe en ce point plus de 30 jours cumulés de dépassement par la valeur quotidienne du seuil IFM>20.

Il peut aussi être simulé jusqu'à des horizons lointains, en s'appuyant sur les scénarios d'évolution climatique du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).

(2) Une augmentation du combustible en forêt, reflet d'un investissement insuffisant dans nos massifs forestiers

Deuxième facteur d'évolution défavorable au regard du risque incendie : la croissance du combustible en forêt . Depuis trente ans, la biomasse forestière augmente régulièrement, le volume sur pied ayant progressé de 50 % en passant de 1,8 à 2,8 milliards de mètres cube.

Cette évolution reflète tout d'abord la gestion active lacunaire des forêts dans des territoires où les massifs ne font pas l'objet d'une valorisation touristique ou d'une exploitation forestière, notamment dans le sud-est de la France.

Imaginés par le ministre de l'Agriculture Edgar Pisani en 1963, les plans simples de gestion (PSG) avaient pourtant pour but de favoriser la gestion durable des parcelles, dans un contexte où la forêt française était insuffisamment entretenue et donc faiblement valorisée et sujette aux risques. En plus de ces PSG, il existe des règlements types de gestion (pour les coopératives) et des codes des bonnes pratiques sylvicoles (document simplifié, facultatif, pour les petits propriétaires, donnant lieu à une « présomption de gestion durable »).

Obligatoires pour les propriétaires privés à partir de 25 hectares de forêt, les PSG font l'objet d'un agrément du Centre national de la propriété forestière (CNPF). Ils permettent en contrepartie d'être dispensé de formalités administratives pour la réalisation de coupes et travaux et donnent accès à des aides publiques et fiscales.

Malgré ces incitations, les deux tiers de la forêt privée française ne sont pas couverts par un plan simple de gestion . Ce faible taux de couverture s'explique notamment par le morcellement du foncier (3,5 millions de propriétaires) et la survivance de statuts juridiques hérités de l'histoire, complexifiant leur gestion (biens de section, forêt usagère, biens vacants et sans maître...).

Or, la fréquence de coupe est deux fois plus élevée dans les parcelles dotées d'un PSG. Le taux de prélèvement est pour les peuplements feuillus de 53 % avec PSG contre 30 % sans PSG, et pour les peuplements résineux de 84 % avec PSG contre 67 % sans PSG. On constate une hausse quel que soit le type de bois (petit bois, moyen bois, gros et très gros bois).

Source : IGN-IFN (2018)

Ces prélèvements contribuent à réduire la biomasse combustible en forêt , permettent une amélioration des peuplements par des éclaircies et réduisent la concurrence hydrique des végétaux. Ils encouragent la réalisation de schémas de desserte collectifs pour l'accès à la ressource. A fortiori lorsque le bois est destiné à des usages longs, ils participent à la réduction de nos émissions de CO 2 (effets de stockage et de substitution), ce qui atténue le changement climatique et, par des effets rétroactifs, améliore l'état de santé des forêts.

Or, on observe que c'est dans l'une des zones les plus à risque - dans le sud-est de la France - que les prélèvements sont les plus faibles.

Source : Agreste

(3) La déprise agricole, le déclin des activités agricoles, pastorales et des métiers de la ruralité

Troisième facteur d'évolution défavorable au regard du risque incendie : la déprise agricole .

La France a connu un accroissement de la quantité de combustible par la déprise agricole , traduisant l'abandon décidé ou subi des terres agricoles, au profit de friches ou d'accrues forestières. Outre l'effet de la déprise sur la quantité de combustible, il faut ajouter son effet de la déprise sur la structure de la végétation, en continu. De nombreuses études ont montré une hausse du risque d'incendie dans l'Europe méditerranéenne rurale, liée à des accrues forestières sur des terres anciennement agricoles ou pastorales, comme le résume le tableau ci-dessous 4 ( * ) .

Source : Moreira et al. , 2011

Les chercheurs de l'Inrae 5 ( * ) ne sont pas parvenus à retrouver ce lien en utilisant les données de la base Corine Land Cover sur l'occupation des sols, qui semble manquer de précision pour caractériser la déprise agricole. Entendu lors de la table ronde des deux commissions réunies, le chercheur François Pimont a indiqué que leurs travaux se poursuivront à l'automne 2022 à partir de données plus fines de la DDTM de l'Aude, département marqué par l'abandon d'activités viticoles dans la deuxième moitié du XX e siècle.

Comme le citait M. Jean-Louis Bianco dans son rapport de 1998, La Forêt : une chance pour la France 6 ( * ) , face au risque incendie, « le maintien d'une activité agricole, pastorale et forestière constitue la meilleure des préventions ». En zone méditerranéenne, « les quelques expériences menées montrent l'efficacité d'une « ligne Maginot agricole et pastorale » (...) constituées d'oliveraies, de vignes, d'amandiers, de figuiers ou de champs pâturés par des moutons ou des chèvres ».

Le pastoralisme , en particulier, a longtemps contribué, grâce au pâturage des ovins, bovins et équins sur des itinéraires de transhumance, de créer une discontinuité végétale et de réduire le combustible, permettant à tout le moins de ralentir la propagation des flammes, sinon même de la bloquer.

Par ailleurs, la hausse de la fréquentation touristique des massifs n'a pas compensé le déclin numérique des métiers ruraux et des activités qui impliquaient une connaissance fine des massifs. L'ancien député M. Alain Perea, co-auteur de la mission flash de l'Assemblée nationale sur la prévention des incendies de forêt et de végétation 7 ( * ) , a par exemple rappelé lors de son audition par les rapporteurs le rôle des chasseurs dans la connaissance des forêts et dans la détection des incendies.

De façon plus large, ce sont d'innombrables métiers liés à la forêt et à la connaissance des massifs forestiers et des territoires ruraux qui se sont perdus avec le temps. À titre d'exemple, le rapport du CGAAER et du CGEDD sur la forêt usagère de La Teste-de-Buch 8 ( * ) souligne que « l'arrêt du gemmage [récolte de la sève] a fait disparaître le contrôle de la végétation au sol, notamment les fougères, qu'assuraient les résiniers . »

La dévitalisation rurale , en diminuant la présence humaine et le maillage de la forêt, pourrait ainsi avoir augmenté le risque d'incendie.

2. Une intensification et une extension du risque, structurellement causées par le réchauffement climatique, combiné à l'évolution du combustible en forêt
a) Vers une intensification et une extension géographique et temporelle du risque incendie

Dans la continuité des évolutions météorologiques antérieures, les projections effectuées pour les années et décennies à venir attestent d'une intensification et d'une extension géographique et temporelle du risque incendie.

Cet accroissement de l'aléa sur le territoire national se manifeste en outre par le développement d'incendies de végétation ou de terres agricoles .

(1) Une intensification du risque : des feux plus nombreux et plus étendus dans les zones déjà exposées

Une intensification du risque incendie pourrait tout d'abord se traduire par une augmentation du nombre d'épisodes et une hausse des surfaces brûlées dans les zones déjà affectées par les feux .

En région méditerranéenne française, les surfaces brûlées pourraient ainsi augmenter de 80 % d'ici 2050 et se maintenir à ce niveau dans la deuxième partie du siècle dans le scénario intermédiaire de réduction des émissions de gaz à effet de serre 9 ( * ) . Ces surfaces incendiées pourraient tripler à l'horizon 2100 dans le cas du scénario climatique le plus sévère 10 ( * ) . Les deux tiers de ces nouvelles activités de feu auraient lieu dans la zone à risque historique, par intensification .

Le même phénomène d'intensification est anticipé dans le reste de l'Europe : dans le scénario le plus pessimiste du GIEC 11 ( * ) , le danger d'incendie moyen pourrait y augmenter de 2 % à 4 % par décennie et ainsi induire une hausse des surfaces brûlées de 15 à 25 % 12 ( * ) .

(2) Une extension géographique du risque : un phénomène de « tâche d'huile » à partir de la moitié Sud, n'empêchant pas la survenue d'incendies dans la moitié Nord

Les études conduites au niveau national attestent en outre d'une extension future des zones à risque .

En 2050, près de 50 % des landes et forêts métropolitaines pourraient être concernées par un niveau élevé de l'aléa feux de forêts, contre seulement un tiers en 2010 13 ( * ) .

Selon François Pimont (INRAE) 14 ( * ) , cette extension devrait prendre la forme d'une « tâche d'huile » : elle devrait progresser de manière régulière, à la marge de la zone sud aujourd'hui exposée. Dans le sud-est, un tiers des nouvelles activités de feu découlerait de ce phénomène d'expansion du risque.

La proportion du territoire exposée à des conditions météorologiques favorables aux incendies présente néanmoins de fortes variations interannuelles.

Ainsi, si la moitié nord du pays devrait ne pas connaître un degré de risque similaire à celui observé aujourd'hui dans le sud-ouest ou le sud-est, la survenue ponctuelle d'épisodes de sécheresses intenses pourrait créer occasionnellement des conditions propices aux incendies . Les départs de feu et leur propagation pourraient y être facilités par un état de santé dégradé des forêts (voir infra ). Dans les zones septentrionales aujourd'hui peu ou pas affectées par les incendies, les feux de surfaces non boisées, notamment de surfaces agricoles, susceptibles de se propager à la forêt située à proximité, constituent en outre un nouveau facteur de risque (voir infra ).

(3) Une extension temporelle : un triplement de la période à risque fort, le développement de feux hivernaux

Les projections prévoient par ailleurs une extension temporelle du risque incendie.

Concentrée aujourd'hui de la moitié du mois de juillet à la fin du mois d'août dans les zones exposées, la période à risque fort devrait s'étaler plus précocement au mois de juin à la faveur d'une sécheresse chronique ou d'épisodes caniculaires précoces et parfois jusqu'au début du mois d'octobre lorsque les premières précipitations automnales tardent à toucher la moitié sud, particulièrement l'aire méditerranéenne. On observerait donc dans ces territoires un triplement de la période à risque fort.

Cette extension temporelle du risque constitue une réalité déjà prégnante les années marquées par une sécheresse prononcée et des vagues de chaleur précoce . Les rapporteurs constatent à cet égard que les grands feux portugais de 2017 se sont déroulés en juin et en octobre.

Une plus grande fréquence et une plus grande ampleur des feux hivernaux ou printaniers , déjà connus - les hâles de mars -, est à prévoir. Pour Grégory Allione, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) et directeur départemental du Service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Bouches du Rhône, « nous devons arrêter de parler de « saison des feux » [car] je peux vous dire que nous intervenons sur des départs de feux depuis le mois de janvier. Autrement dit, malgré une intensité particulière sur certains créneaux, la saison des feux, c'est du 1 er janvier au 31 décembre, car la sécheresse est chronique ! ».

(4) Le développement d'incendies de végétation ou de terres agricoles : une manifestation de l'accroissement de l'aléa

L'augmentation de l'aléa se manifeste en particulier par l'émergence d'incendies affectant des surfaces autres que boisées : feux sur des terres agricoles (cultures de céréales, végétations sèches en fin d'hiver...), feux de végétation, notamment de friches issues de la déprise agricole...

Dans certains départements, le nombre de départs de feux est déjà plus important pour cette catégorie de surfaces que pour les forêts au sens du code forestier.

Comme l'illustre le graphique et la carte ci-après, ces incendies de surfaces non boisées se développent largement hors zone méditerranéenne ; la partie nord de la France, du nord-est au Limousin, a par exemple été particulièrement touchée lors de l'été 2019, marquée par une situation de sécheresse estivale prononcée. Ces incendies de surfaces non boisées augmentent ainsi l'aléa dans des zones et à des moments de l'année où il n'est pas toujours pleinement possible de l'anticiper, avec des moyens de lutte concentrés sur d'autres missions (secours d'urgence aux personnes) ou potentiellement sous-dimensionnés au risque (dans les départements du nord-ouest et du nord-est).

Les rapporteurs constatent toutefois l'absence de remontée des incendies de surfaces non boisées dans la BDIFF pour les régions Sud et en Corse ; moins documenté, ce phénomène n'est donc pas pour autant absent de la zone méditerranéenne, comme pourrait le laisser penser ce graphique.

Source : bilan des feux ONF (fin juillet 2022).

Source : IGN

b) Le réchauffement climatique, facteur structurel de cette évolution, aggravée par une augmentation du combustible en forêt

L'extension géographique et temporelle, ainsi que l'intensification du risque incendie, s'expliquent structurellement par l'évolution attendue des conditions météorologiques face au réchauffement climatique.

Autre évolution aggravante, l'augmentation de la quantité de combustible en forêt, se combine à une détérioration de l'état de santé des forêts. Deux tendances antagonistes , éloignant les forêts françaises de la gestion durable et multifonctionnelle, celle d'une sylviculture trop intensive et d'une « libre évolution » des forêts , pourraient accroître encore le risque en jouant tant sur la quantité que sur la structure de la végétation en forêt.

(1) Le rôle structurant du réchauffement climatique dans l'extension et l'intensification du risque incendie

Selon le GIEC, le réchauffement climatique d'origine anthropique accroît le risque incendie par une augmentation moyenne du niveau des températures, contribuant à une sécheresse croissante de la biomasse , facilitant les départs de feux et leur propagation 15 ( * ) .

Comme l'illustre le graphique ci-après, issu du résumé pour décideurs du rapport du groupe II du GIEC, l'augmentation des températures actuellement observée au niveau mondial (1,1 °C par rapport à l'ère préindustrielle) se traduit d'ores et déjà par des impacts et des risques « modérés » en matière d'exposition aux incendies.

Cette évolution s'observe déjà en France - dont les températures se sont en moyennes élevées de 1,86 °C par rapport à l'ère préindustrielle - par une augmentation du nombre de jours marqués par des conditions propices aux départs de feux de forêts et de la part du territoire métropolitain présentant des conditions météorologiques propices aux incendies. Pour l'instant, la stratégie française de défense des forêts contre les incendies a permis un recul net des surfaces brûlées et des départs de feux, en dépit de cette dégradation des conditions météorologiques (voir supra ).

Avec une élévation des températures mondiales supérieure à 2° C ou plus, les impacts et les risques associés aux incendies sont considérés comme « élevés ». Selon le GIEC, les options disponibles pour réduire les risques perdent en efficacité avec l'augmentation du réchauffement ; en matière d'incendies, la politique de lutte et de prévention sera donc d'autant moins performante que la hausse des températures sera élevée .

Source : GIEC

Ces constats se retrouvent dans les projections d'évolution faites à l'échelle nationale : l'augmentation moyenne des températures, de la fréquence et de la sévérité des vagues de chaleur que la France connaîtra au XXI e siècle se traduira par une extension géographique et temporelle, ainsi que par une intensification du risque incendie.

Compte tenu du caractère déterminant du facteur météorologique dans l'évolution du risque incendie, l'extension et l'intensification de ce risque dépendront largement du scénario climatique et donc de l'évolution des émissions de gaz à effet de serre observées à l'échelle mondiale.

(2) La dégradation de l'état sanitaire des forêts : un facteur supplémentaire de risque de feu

L'état de santé des forêts est aujourd'hui dégradé , en raison de la pullulation de pathogènes et de ravageurs, favorisée par la récurrence des sécheresses pour des essences qui ne sont plus adaptées à leur station forestière.

La mortalité a largement augmenté passant en vingt ans de trois à neuf millions de mètres cubes par an, atteignant dans certaines régions les volumes de bois « sain » qui devaient être prélevés, fragilisant notamment la forêt communale du Grand Est, de Bourgogne-Franche-Comté et d'Auvergne-Rhône-Alpes. Entre 2018 et 2020, plus de 300 000 hectares de forêts publiques ont été affectées par des dépérissements forestiers.

À ce stade, en France, les massifs les plus affectés par les scolytes ne sont pas les mêmes que ceux affectés par les incendies , notamment parce que les forêts scolytées se situent plutôt dans la moitié nord de la France. Mais l'éclosion et la propagation de feux dans ces régions est précisément ce qui rendrait la situation particulièrement critique pour les SDIS peu habitués à de tels embrasements.

Les crises sanitaires génèrent une biomasse combustible sèche propice au départ et à la propagation des incendies . La teneur en eau 16 ( * ) des éléments morts peut descendre jusqu'à 5 % en conditions sèches et chaudes, contre au moins 50 % pour les peuplements en bonne santé. Les dépérissements augmentent donc la proportion de matériel mort, diminuent la teneur en eau du couvert, et augmentent ainsi le risque incendie.

Il faut distinguer trois phases dans l'exposition au risque des arbres dépérissants, plaidant pour une intervention d'extraction de ces bois rapide :

- initialement, les arbres en bonne santé sont moins exposés au risque d'incendie ;

- les arbres « rouges », qui viennent de dépérir sont les plus fragiles, en raison des branches et feuilles ou aiguilles sèches présentes sur l'arbre ;

- dans un dernier temps, l'arbre devenant « gris » et les feuilles et aiguilles tombant, réduisant le combustible, le risque diminue à nouveau.

Le Département de la santé des forêts (DSF), rattaché à la Direction générale de l'Alimentation du ministère de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire, a ainsi présenté des boucles rétroactives entre dépérissements liés aux parasites et incendies, notamment dans les Montagnes Rocheuses aux États-Unis et au Canada. Des études montrent que les scolytes ont pu y faire doubler le niveau de danger.

Par ailleurs, la France a connu depuis quelques années une invasion fulgurante de pyrale du buis, qui a impacté de très grandes étendues de buxaies (forêts peuplées des buis). Il est considéré par les chercheurs qui travaillent sur ce sujet que les dommages de la pyrale renforcent le risque d'incendie dans les buxaies au stade où les feuilles sont partiellement décapées par la chenille 17 ( * ) .

Si les études ne sont pas parvenues à isoler précisément l'effet des dépérissements indépendamment de la sécheresse, le phénomène n'en reste pas moins un fort sujet de préoccupation pour les sénateurs et pour les chercheurs 18 ( * ) .

Mais les attaques massives de scolytes, très amplifiées par la sécheresse, pourraient à l'avenir favoriser d'importantes activités de feux. Si le risque incendie s'étend en « tache d'huile », les dépérissements , en particulier dans le nord-est de la France, créent selon l'Inrae une discontinuité géographique de cette extension du risque.

Dans le sens inverse, les parcelles brûlées sont aussi plus sujettes aux crises sanitaires. Des scolytes ont ainsi proliféré à la suite de l'incendie de la forêt du Pignada, à Anglet, en 2020. Le nématode du pin, insecte pyrophile dont l'aire de répartition s'est fortement étendue en Europe, notamment au Portugal, risque de proliférer en France si les mesures sanitaires ne sont pas strictement appliquées.

(3) Le risque lié aux approches « monofonctionnelles » de la forêt

En complément du succès exceptionnel de la stratégie d'attaque massive des feux naissants, il faut rappeler l' effet protecteur , sans doute moins visible et plus difficilement mesurable, du modèle français de gestion durable et multifonctionnelle de la forêt . L'équilibre entre fonctions sociales, écologiques et de production a été une garantie pour la préservation du patrimoine forestier de la nation. Il pourrait toutefois être fragilisé par deux tendances antagonistes, l'une uniquement économique et l'autre seulement environnementale.

(a) L'impact potentiel d'une sylviculture trop intensive

La France se distingue en Europe par la multifonctionnalité de ses forêts. Seulement 50 % de la progression annuelle de bois y est récoltée.

Dans ce contexte, le Programme national de la forêt et du bois (PNFB) prévoit une augmentation importante des volumes de bois prélevés dans les forêts françaises à horizon 2026, à des fins de production et de décarbonation (effet de stockage et effet de substitution).

Dans les grandes forêts domaniales ou dans les régions déjà les plus productives, les associations environnementales critiquent la futaie régulière et la pratique associée des coupes à blanc, qui affaibliraient les écosystèmes forestiers dans le contexte du changement climatique. Certes, la sylviculture en couvert continu peut faciliter la propagation du feu, comme on l'a vu, notamment en cas de forte densité des peuplements. Toutefois, il faut aussi rappeler que les sylviculteurs actuels héritent des forêts plantées avec le fonds forestier national au lendemain de la guerre.

Source : indicateurs de gestion durable

S'agissant des essences, le pin maritime est, certes, une essence dotée d'une inflammabilité et d'une combustibilité importantes - mais les caractéristiques des essences sont difficiles à isoler des stations forestières dans lesquelles elles sont plantées. Il convient toutefois de relativiser les craintes d'une monoculture généralisée ou d'un « enrésinement » de la forêt française, qui reste l'une des plus diverses en Europe.

L'UCFF (coopératives forestières) rappelle en outre que « le rapport surface parcourue par le feu/nombre d'incendies est très favorable dans les départements où la forêt est cultivée/gérée », et affirme que « la forêt de plantation reste la meilleure solution, à condition qu'elle se fasse dans un contexte où la prévention y est réfléchie » pour limiter les risques.

Une forêt gérée est en effet synonyme d'amélioration des peuplements via la réduction de la concurrence hydrique des végétaux et la photosynthèse. La rotation des récoltes, en moyenne plus fréquente que par le passé, est aussi un facteur d'adaptation de la forêt.

Il faut du reste souligner que par l'aménagement de l'espace forestier qu'elle implique, la sylviculture est au contraire un atout dans la prévention du risque incendie, avec en particulier des dessertes, qui permettent une synergie avec les pistes DFCI empruntées par le SDIS, pour réduire le risque incendie.

L'impact limité des travaux sylvicoles sur le risque incendie

Même s'il s'agit d'une cause non négligeable de départs de feux (engins, outils), les chantiers forestiers sont très loin d'être à l'origine des surfaces brûlées les plus importantes, d'une part parce que la plupart des travaux sont réalisés hors des périodes de forte sensibilité au feu, et d'autre part parce qu'en cas de sinistre, la présence de professionnels sur place permet une détection et une action immédiates.

En pratique, aujourd'hui, les entrepreneurs de travaux forestiers et exploitants forestiers organisent leur travail pour éviter d'aller en forêt les jours classés à risque, non seulement pour que leur activité n'accroisse pas ce risque, mais aussi tout simplement pour leurs conditions de travail. Ainsi, ils peuvent se consacrer à des travaux en dehors des forêts, voire à de la maintenance ou à des tâches administratives.

Les jours de forte chaleur, ils peuvent aussi se rendre en forêt en horaires décalés, très tôt le matin. Enfin, il faut rappeler que les entrepreneurs de travaux forestiers et exploitants forestiers ont un périmètre d'activité généralement large (dans un rayon dépassant parfois les 100 km), qui leur permet de se détourner facilement des massifs à risque.

(b) L'impact potentiel de la « libre évolution »

Lors de leur audition par les rapporteurs, les auteurs de la mission sur la réserve naturelle de la plaine des Maures (incendie de Gonfaron) ont souligné que la culture anglo-saxonne de la libre évolution ou de la « mise sous cloche » n'était pas transposable à la France métropolitaine, où il n'existe pas de forêt primaire .

Ils ont ainsi indiqué, dans le cadre de leurs travaux sur l'articulation de la politique de défense des forêts contre l'incendie avec d'autres politiques publiques, avoir demandé à l'ONF des éléments sur les moyens d'assurer la protection des réserves biologiques intégrales face au risque incendie.

Les rapporteurs sont en effet attachés à ce que la stratégie nationale des aires protégées, qui prévoit le classement de 30 % du territoire national en aires protégées, dont 10 % sous protection forte à horizon 2030, n'aille pas dans le sens de la libre évolution, mais qu'elle permette au contraire le maintien d'une véritable gestion.

Des conflits se sont fait jour, non seulement entre protection de la biodiversité et opportunité de réaliser des travaux d'aménagement de DFCI , mais plus largement entre protection de la biodiversité et travaux sylvicoles et d'entretien , qui peuvent contribuer à améliorer les peuplements et donc la résilience des forêts face aux risques.

En effet, la conjonction de deux phénomènes a pu augmenter le nombre de contentieux (cf. infra ) :

- le développement de la prise de conscience environnementale, évidemment positive pour la forêt, a engendré une augmentation des signalements et donc des contrôles ;

- l'amélioration de nos connaissances en matière de faune et de flore a conduit à une augmentation du nombre de sites à enjeu.

c) Une hausse de la vulnérabilité liée à une forte pression foncière et à un mitage des espaces forestiers

Le risque ne s'apprécie par seulement à l'aune de l'évolution de l'aléa : l'évolution des enjeux exposés doit également être prise en compte pour évaluer la vulnérabilité des personnes et des biens.

Une étude de l'ONF montrait que plusieurs centaines de milliers d'habitations étaient soumises à l'aléa feu de forêt , en raison de la poursuite de l'étalement urbain et du mitage de nos forêts. Une source de risque supplémentaire, provient de l'installation d'habitats légers (« résidences démontables constituant l'habitat permanent de leurs utilisateurs » (yourtes, tipis), « résidences mobiles de loisirs » (roulottes, mobil-home), caravanes, habitats légers de loisirs (cabanes dans les arbres)), dans un contexte de forte pression foncière.

En conséquence, le feu pénètre désormais dans les zones péri-urbaines , avec une attention particulière à porter aux interfaces et à la végétation des jardins qui, avec par exemple des haies de cyprès ou de thuyas, peut former un couloir de feu.

Ce phénomène doit rappeler l'importance capitale du débroussaillement pour protéger les habitations . Les études scientifiques montrent que le respect des obligations légales de débroussaillement garantit la sécurité des personnes confinées dans une habitation, même encerclée par les flammes.

Source : Sdis du Var

En plus d'augmenter l'enjeu, l'étalement urbain augmente les interfaces avec la forêt et donc l'aléa , 80 % des départs de feux ayant lieu dans les 50 mètres d'une habitation , d'après la direction générale de la prévention des risques (DGPR).

En effet 90 % des départs de feux sont le fait de l'homme - que ce soit du fait d'une activité économique (chantiers de BTP, activités agricoles, dilatation des câbles électriques...) ou bien d'une activité du quotidien (mégots de cigarettes, barbecues ou feux de camps, incendie de véhicules ou de poubelle...) - et la moitié de ces feux d'origine anthropique est due à des imprudences ou des comportements dangereux.

À l'origine, les obligations légales de débroussaillement étaient d'ailleurs essentiellement destinées à éviter que des départs de feux liés aux activités anthropiques ne se propagent aux forêts.

En définitive, l'aléa autant que l'enjeu lié aux feux de forêt augmentent, formant un cocktail explosif avec la conjonction de « trois conditions nouvelles particulièrement alarmantes », selon les spécialistes de la défense des forêts contre l'incendie Charles Dereix et Éric Rigolot, dans une synthèse parue dans la revue Forêt méditerranéenne :

- avec le changement climatique, une plus grande sécheresse sur des surfaces plus étendues ;

- une augmentation constante de la biomasse et des accrues forestières ;

- une urbanisation grandissante dans un milieu arboré.

B. L'ACCROISSEMENT DU RISQUE INCENDIE PROVOQUERA UNE HAUSSE EXPONENTIELLE DES COÛTS ET MENACERA LA CAPACITÉ DE RÉSISTANCE DES FORCES DE SÉCURITÉ CIVILE

1. Un accroissement du risque incendie préoccupant, compte tenu des dégâts économiques et environnementaux provoqués par les feux de forêt et de végétation
a) Des coûts socio-économiques amenés à s'accroître fortement
(1) Un ordre national d'opérations donnant la priorité aux enjeux les plus forts

Les dégâts socio-économiques des incendies de forêt sont à ce jour relativement contenus en France , grâce à l'efficacité de sa politique de défense des forêts contre l'incendie et en particulier de sa doctrine d'attaque rapide sur feu naissant. Il faut souligner toutefois que c'est aux prix d'un véritable investissement dans des moyens aériens et dans la tactique du guet aérien armé (GAAR), qui consiste à envoyer préventivement des avions bombardiers d'eau Tracker survoler les massifs forestiers à risque et à prépositionner des forces au sol, ce qui a un coût.

L'ordre d'opérations « feux de forêt » des services d'incendie et de secours établit une hiérarchie des enjeux à protéger, en donnant d'abord la priorité aux personnes, puis aux biens et enfin à l'environnement . En particulier, les destructions d'habitation restent rares, également grâce au débroussaillement, qui a montré son efficacité pour protéger les habitations. Un bon indicateur de l'enjeu relativement limité est la facilité avec laquelle les assurances remboursent les particuliers en cas de sinistre, même lorsque les obligations légales de débroussaillement n'ont pas été respectées.

Il faut souligner que cette hiérarchisation au profit des zones urbaines a pour effet de concentrer les pertes économiques dans les espaces ruraux . S'agissant des activités agricoles, les rapporteurs ont pu constater de leurs propres yeux, à Gonfaron, des parcelles viticoles mal désherbées n'ayant pu jouer leur rôle de pare-feu et ayant de ce fait malheureusement brûlé. Concernant les activités pastorales, le pâturage est en outre interdit sur les parcelles forestières parcourues par l'incendie pendant au moins dix ans (cf. infra ).

(2) Un enjeu relativement limité pour la filière bois jusqu'alors

Les premières victimes des incendies de forêt sur le plan économique sont les propriétaires forestiers - particuliers, collectivités territoriales, État -, car pour eux se conjuguent à la fois une perte de capital économique et une dépense contrainte, le reboisement étant obligatoire pour les forêts gérées durablement. En l'absence de solidarité publique, les forestiers non assurés subissent ainsi une « double peine ».

Cependant, pour l'aval de la filière bois, les incendies ont des i ncidences moins significatives que ce qui pourrait être présumé au premier abord, même s'il y a bien sûr des impacts localement :

- la première raison est que les surfaces incendiées, en forte baisse sur les quarante dernières années (15 000 hectares sur la décennie passée en France), sont très inférieures aux dégâts consécutifs aux passages de tempêtes, comme par exemple Lothar et Martin en 1999 (968 000 hectares touchés, soit 6 % de la superficie forestière métropolitaine), et mieux lissées dans le temps. Dans le cas des incendies spectaculaires de Gironde en juillet 2022 (20 000 hectares), bien sûr douloureux pour les propriétaires et la filière, c'est moins de 1,5 % des surfaces du massif des Landes de Gascogne qui a brûlé. Avec l'augmentation potentielle des surfaces brûlées, ce paramètre est cependant amené à évoluer ;

- la seconde raison est que les massifs touchés par les incendies ont été jusqu'à maintenant des forêts non productives ou faiblement productives . L'extension vers le nord (région Centre, Bourgogne-Franche-Comté, Grand Est) et l'ouest (Nouvelle-Aquitaine) des zones à risque constitue la menace la plus sérieuse pour la filière bois. À cet égard, lors de la table ronde des deux commissions réunies, M. Pinaudeau a évalué le chiffre d'affaires de l'emblématique filière bois du sud-ouest à 5 milliards d'euros par an, soit autant que la filière viticole dans la région. Les 2 millions de mètres cubes de bois brûlés en juillet 2022 dans le massif des Landes de Gascogne représenteraient plus du quart des prélèvements annuels dans le massif ;

- enfin, des parcelles brûlées peuvent pour une part continuer de jouer leur rôle d'approvisionnement de la filière en aval a fortiori dans un contexte de tensions sur la ressource disponible, d'abord en broyage , mais aussi en bois-énergie (bien que le déchiquetage des bois pose des difficultés techniques), voire parfois en bois de papeterie ou en bois d'oeuvre . Selon les essences, la combustion peut en effet n'avoir dégradé que la couche externe, ce qui n'altère pas la résistance de la partie centrale du tronc ; la question s'est ainsi posée, à la suite du feu de Gonfaron, de récolter certains arbres « léchés » par les flammes en lisière de l'incendie. Pour ce qui concerne les feux de Gironde, des plans de continuité des approvisionnements ont cependant dû être mis en oeuvre, et les pare-feux constitués en urgence par les sylviculteurs les alimenteront à n'en pas douter. Un effort supplémentaire pourrait être mené dans le sens de l'amélioration de l'extraction, de la valorisation et des mises en marché des produits accidentels.

(3) La crainte d'un accroissement des destructions directes par des feux de plus en plus intenses

Hormis ces cas particuliers, à ce stade, les pertes économiques se traduisent par des activités économiques empêchées, des externalités négatives et des pertes de bien-être plutôt que par des destructions à proprement parler : la circulation de certains axes routiers est coupée préventivement, des riverains et des touristes sont évacués ou dissuadés de se rendre dans certaines zones (au total, 36 750 personnes en Gironde, dont plus de 6 000 campeurs et l'intégralité de certaines communes, pendant plus de 10 jours), la valeur paysagère ou la biodiversité de certains espaces se détériore, diminuant les aménités et l'attractivité touristique de certains territoires.

Toutefois, dans d'autres pays, où des incendies plus extrêmes ont eu lieu, les dommages socio-économiques peuvent devenir bien plus significatifs . Ainsi, au Portugal , le dommage économique associé aux incendies de 2003 a été chiffré à plus d'un milliard d'euros . Les incendies extrêmes, en produisant le dépassement des forces de lutte, peuvent en effet provoquer une rupture capacitaire des moyens de lutte (cf. infra ). À Gonfaron en 2021, plus d'une centaine de bâtiments ont été détruits, le SDIS ayant dû concentrer ses efforts sur la coupure du feu à l'avant. L'incendie de La Teste-de-Buch a détruit des infrastructures touristiques , dont en quasi-totalité cinq campings emblématiques, avec leurs équipements de loisir (piscine, minigolf...), ou encore un zoo , plusieurs animaux n'ayant pas survécu à l'évacuation. L'incendie de Rougnac, en pénétrant dans des espaces péri-urbains, avait fait craindre des dommages importants s'il n'avait pas été maîtrisé rapidement.

(4) Des coûts humains relativement limités en France, bien que toujours trop nombreux

Plus grave encore, des sapeurs-pompiers sont souvent blessés au cours des opérations de lutte. Dans le cas limite, les incendies peuvent coûter des vies humaines . De ce point de vue, la France reste fort heureusement relativement épargnée depuis 1949 en comparaison internationale. Deux personnes ont toutefois été retrouvées mortes dans une ferme, vraisemblablement d'asphyxie liée aux flammes, lors de l'incendie de la plaine des Maures en 2021. Lors de la saison des feux 2022 , en France, un sapeur-pompier volontaire est décédé des suites d'un malaise survenu lors de son intervention dans le massif de la Montagnette. Ailleurs en Europe, des victimes plus nombreuses sont à déplorer.

Quelques feux parmi les plus meurtriers de ces des dernières années

- En France, en 1949, 82 personnes sont mortes. L'électrochoc provoqué par cet incendie est à l'origine de la constitution d'associations syndicales de DFCI dans le massif des Landes de Gascogne.

- En Australie, en 2009, 173 personnes sont mortes dans des incendies de végétation qui ont conduit à la mise en place d'une commission d'enquête sur le sujet.

- Au Portugal, en juin 2017, 64 personnes sont mortes sur une route nationale dans le centre du pays à proximité de Coimbra. En octobre de la même année, 45 personnes trouvent la mort dans un autre incendie.

- En Grèce, en juillet 2018, 96 personnes sont mortes en une heure dans une station balnéaire de l'Attique.

- Aux États-Unis, en novembre 2018, le Camp Fire a causé la mort de 85 personnes .

- En Australie, les feux de brousse de 2019-2020 ont conduit à la mort de 34 personnes .

Au-delà de ces pertes humaines, les incendies extrêmes posent des problèmes plus larges de santé publique . Les « mégafeux » australiens ont ainsi donné lieu à une augmentation des syndromes de stress post-traumatique et de dépression 19 ( * ) , attribuables en majeure partie aux décès liés à ces incendies, mais aussi à une forme d'« éco-anxiété ». De façon plus inattendue, les incendies de forêt pourraient avoir contribué à l'augmentation des contaminations au Covid-19 dans l'ouest des États-Unis en 2020, en raison de certaines particules émises par la combustion fragilisant le système respiratoire de la population 20 ( * ) .

b) Une multitude de coûts environnementaux induits

À côté de ces dégâts socio-économiques, visibles, les feux provoquent des dommages écologiques, mal identifiés et peu quantifiés . Dans les territoires où la forêt n'est pas ou peu valorisée économiquement et où son principal atout demeure écologique - comme en zone méditerranéenne - le coût total des incendies peut donc y être largement sous-estimé.

(1) Une atteinte majeure aux paysages et une pression supplémentaire sur les écosystèmes

En premier lieu, les incendies - particulièrement les feux se déployant sur de grandes surfaces - peuvent constituer une atteinte majeure aux paysages.

Ce préjudice , irrémédiable, est celui qui frappe l'observateur d'un territoire après le passage du feu : le spectacle laissé est celui d'une désolation.

Cette atteinte portée au « patrimoine visuel » peut se doubler d'une pression exercée sur les écosystèmes : 45 % des surfaces brûlées en Europe et en Afrique du Nord en 2021 étaient en effet situées sur des sites Natura 2000 21 ( * ) .

Le feu de Gonfaron de l'été 2021 a, par exemple, ravagé la réserve naturelle nationale de la plaine des Maures , abritant près de 240 espèces protégées, dont 70 espèces végétales. Il a, en particulier, mis en danger la tortue d'Hermann , espèce relictuelle présente dans le département du Var et en Corse. Une partie importante des tortues ont réchappé à l'incendie, en se protégeant sous les roches, en s'enfouissant ou en se déplaçant, mais un grand nombre de ces tortues sont mortes par la suite.

Si les feux de forêt ne sont pas la principale pression pesant sur les écosystèmes, les incendies contribuant même à la diversification des milieux, la nouveauté et la menace résident dans l'accélération de la fréquence des événements dans le contexte du réchauffement climatique .

Cela vaut dans les zones actuellement à risque, comme en Méditerranée , où les essences pourraient se trouver dans une situation de vulnérabilité en cas de réparation des feux , qui limiterait la capacité de ces essences à se régénérer naturellement après un incendie. Ainsi, comme le résument Éric Rigolot, Jean-Luc Dupuy, François Pimont et Julien Ruffault (Inrae), « lorsque des seuils sont franchis, comme une fréquence de feu trop élevée pour permettre aux arbres d'atteindre la maturité sexuelle et se régénérer après un feu, le stade forestier peut basculer durablement vers des formations ligneuses basses » (ex. landes ou bruyères) 22 ( * ) .

Autre sujet d'inquiétude : la régénération post-feux peut être altérée par l'augmentation des températures et la sécheresse . Le changement des conditions climatiques peut ainsi modifier durablement la composition végétale, en transformant par exemple des zones boisées en maquis 23 ( * ) .

(2) Qualité de l'air et de l'eau : des pics d'émissions nocifs, encore imparfaitement cartographiés

Les fumées et les cendres dégagées par l'incendie dégradent en outre la qualité de l'eau et de l'air .

Les incendies de forêt produisent, en effet, des pics d'émissions de particules fines (PM 2,5 , PM 10 , ou TSP), de composés organiques volatils non méthaniques (COVNM), d'oxyde d'azote (NOx), de carbone noir (BC) de dioxyde de souffre (SO 2 ), ou encore de monoxyde de carbone (CO) : si ces émissions peuvent paraître faibles en comparaison aux émissions annuelles cumulées au niveau national, leur concentration locale peut être très importante .

2020

Principaux polluants

Particules fines

Autres

NOx

COVNM

NOx

NH 3

PM 2.5

PM 10

TSP

BC

CO

(as NO 2 )

(as SO 2 )

Total national (hors feux de forêt) (en kilotonnes)

659.81

939.18

90.87

572.98

113.11

187.47

721.66

18.79

2162.41

Feux de forêt (en kilotonnes)

0.70

1.93

0.16

0.16

2.09

2.56

3.95

0.59

24.88

Source : Citepa

Les incendies conduisent également à des émissions d'hydrocarbure aromatique polycyclique (HAP).

2020

Hydrocarbure aromatique polycyclique

benzo(a) pyrene

benzo(b) fluoranthene

benzo(k) fluoranthene

Indeno (1,2,3-cd) pyrene

Total national (hors feux de forêt) (en tonnes)

9.50

10.93

6.77

6.00

Feux de forêt (en tonnes)

1.67

1.00

0.50

0.65

Source : Citepa

Les émissions de métaux (plomb, cadmium, mercure, arsenic, chrome, cuivre, nickel, sélénium, zinc) et de dioxine, qui pourraient également être importantes, ne sont actuellement pas estimées.

Comme le rappelle le récent rapport du groupe II du GIEC consacré à l'adaptation au changement climatique, la connaissance des impacts sanitaires des feux de forêt en Europe est encore limitée , bien que certaines études soient déjà disponibles : la mauvaise qualité de l'air due aux incendies de 2017 au Portugal aurait ainsi provoqué plus de 100 décès prématurés 24 ( * ) .

(3) Un relargage ponctuel d'émissions de gaz à effet de serre

Les incendies de forêt conduisent par ailleurs à un relargage dans l'atmosphère de gaz à effet de serre (GES) - dioxyde de carbone (CO 2 ), méthane (CH 4 ) et protoxyde d'azote (N2O) - stockés dans la biomasse.

Le tableau ci-dessous présente une estimation des GES ainsi émis sur le territoire national, en comparaison du total des émissions nationales.

2020

Kt CO 2 équivalent

CO 2

CH 4

N2O

Total

Feux de forêt (métropole)

405

27

18

450

Total national (métropole + outre-mer)

289 390

4 642

6 297

392 963

Source : Citepa

Les émissions des incendies sont calculées à partir de surfaces incendiées et d'estimation des quantités de biomasse brûlées sur ces terres (on considère, par convention, qu'entre 20 % et 25 % de la biomasse est détruite par le feu sur les parcelles brûlées).

Ces émissions et, symétriquement , les pertes de capacité de stockage , sont incluses dans le total national des inventaires au sein du secteur Utilisation des terres, changements d'affectation des terres et de la forêt ( UTCATF ). Ce secteur réalise des émissions négatives grâce aux puits de carbone naturels, que sont la biomasse - forêts, haies, agroforesterie - et les sols.

Si les incendies provoquent un relargage ponctuel très important de gaz à effet de serre - lors de l'audition d'Atmo Sud, il a ainsi été avancé aux rapporteurs qu'un hectare brûlé en région méditerranéenne équivalait à environ 250 000 kilomètres parcourus par un véhicule thermique - les émissions provoquées par les feux, ramenées à l'ensemble des émissions nationales , s'avèrent à ce jour modestes (de l'ordre d'un millième du total ), sans commune mesure avec les émissions produites par les feux extrêmes de forêt observés sur les autres continents 25 ( * ) .

En France, l'impact carbone direct des incendies de forêt ne doit donc pas être surestimé.

Toutefois, comme précédemment indiqué, l'intensification des incendies pourrait entraîner un passage plus fréquent sur de courtes périodes - tous les 10 à 20 ans ; la régénération post-feux pourrait par ailleurs être altérée par l'augmentation des températures et la sécheresse. On pourrait ainsi observer une régression des peuplements forestiers dans les régions les plus exposées, limitant plus durablement les capacités d'absorption du carbone par la biomasse.

En tout état de cause, et pour l'heure, le potentiel de stockage du carbone par les forêts françaises semble plus largement affecté par la dégradation particulièrement inquiétante de l'état de santé des forêts , mis en avant par de nombreuses personnes auditionnées, dans un contexte marqué par la récurrence des sécheresses, ainsi que la pullulation et l'expansion géographique de pathogènes et de ravageurs consécutives au contexte climatique ou à des introductions à la faveur des échanges internationaux.

Outre les facteurs sanitaires, la hausse des prélèvements et la diminution de la production biologique sont par ailleurs mis en avant par le récent rapport annuel 2022 du Haut conseil pour le climat 26 ( * ) pour expliquer le recul significatif de la capacité des puits de carbone sur pied observé depuis le début des années 2010. Il en résulte un écart important entre les trajectoires d'émission du secteur UTCATF et le budget carbone alloué à ce secteur par la deuxième Stratégie nationale bas carbone (SNBC2) (voir graphique ci-après).

Source : Haut conseil pour le climat

(4) Un effet négatif sur d'autres risques naturels

La survenue d'incendies peut enfin avoir des effets négatifs sur d'autres risques naturels :

- en montagne : aggravation du risque de chutes de pierres, de glissements de terrain, de l'érosion, de crues torrentielles, des avalanches en montagne ;

- en zone littorale : moindre fixation du sable dans les dunes littorales boisées.

2. Vers un développement de feux extrêmes et une rupture capacitaire des moyens de lutte ?
a) Mégafeux : un concept dont la définition est fluctuante

Il n'existe pas de définition scientifique ou administrative harmonisée de ce qu'est un « mégafeu » et la quasi-totalité des personnes entendues par la mission a indiqué ne pas retenir ce terme. Cela tient notamment à la grande hétérogénéité du phénomène d'une région à l'autre.

À titre d'exemple, un feu de 500 hectares dans une région traditionnellement peu exposée comme les Vosges peut être considéré comme extrême, tandis que le curseur serait plutôt de 5 000 hectares dans les régions Sud et Occitanie. A contrario , un tel feu ne serait pas considéré comme extrême aux États-Unis où l'on retient plutôt le seuil de 40 000 hectares, selon le commissaire européen à la gestion des crises. Dans l'Ouest, le Camp Fire de 2018 a parcouru 60 000 hectares, le LNU Lightning Complex (près de San Francisco) et le SCU Lightning Complex (près de San Jose) de 2020 respectivement 127 000 et 116 000 hectares, et le Dixie Fire , en 2021, 275 000 hectares.

L'érosion de la « culture du feu »

Quel que soit le seuil retenu, la notion de mégafeux traduit l'émotion, bien réelle, suscitée par des phénomènes de plus en plus extrêmes et rendus de surcroît plus visibles par leur représentation médiatique. Il n'est pas à exclure qu'avec les progrès importants de la prévention et de la lutte ces dernières années, les populations aient perdu l'habitude du feu.

En effet, en France, la doctrine d'attaque rapide et massive sur feux naissants a, avec succès, permis de diviser par cinq les surfaces brûlées annuellement par rapport aux années 1980.

Un effet pervers paradoxal de l'efficacité de cette doctrine est qu'elle a contribué à l'accumulation de combustible et à la fermeture du couvert végétal. À l'occasion du déplacement de la mission sur le lieu du départ de feu d'août 2021 à Gonfaron, le SDIS du Var a ainsi alerté les rapporteurs au sujet d'un couloir qui n'avait pas brûlé depuis 2001 et de ce fait particulièrement exposé au risque d'incendie.

C'est un paradoxe que s'attache à étudier la philosophe Joëlle Zask dans son ouvrage Quand la forêt brûle (p. 100) : le risque de « mégafeux » augmente à mesure qu'il est contenu par la politique de lutte.

La philosophe souligne le recul à l'époque moderne de l'usage du feu, pourtant consubstantiel à la nature. À titre d'exemple, elle constate l'affaiblissement du recours au « brûlage dirigé », technique de réduction préventive du combustible au moyen de feux (par opposition au « feu tactique » qui intervient dans le cadre de la lutte), allumés dans des conditions maîtrisées et en dehors de la période à risque. Elle lie le déclin de ces pratiques et la fragilisation de cultures aborigènes en Australie ou traditionnelles en Afrique du Nord, qui faisaient une place à part entière au feu pour contenir le risque d'incendie. L'une des conclusions de la commission australienne sur les feux de 2009 a été de réhabiliter les brûlages dirigés comme un outil face à la montée des risques.

S'agissant du développement de mégafeux, la philosophe renverse le paradoxe, au point de prédire, de façon pessimiste, que les « mégafeux », en se multipliant, vont devenir la cause de leur propre extinction, le combustible déjà brûlé ne pouvant par définition pas rebrûler dans l'immédiat.

À ce stade, la notion de « mégafeu » n'est pas utilisée par les principaux acteurs de la défense des forêts contre l'incendie et les surfaces brûlées restent relativement contenues en France en comparaison internationale. Pour autant, des incendies extrêmes ont suscité l'émotion de nos concitoyens ainsi que l'attention médiatique et doivent alerter les décideurs publics. Si les rapporteurs ont fait le choix de ne pas retenir ce terme, ils souhaitent souligner la diversité et la complémentarité des approches pour les définir :

- La philosophe Joëlle Zask utilise ce terme dans son ouvrage Quand la forêt brûle , mais le définit comme tout feu de plus de 1 000 hectares, ce qui paraît relativement bas par rapport aux standards. Les chercheurs tendent à lui préférer le terme de « feu extrême » ou « feu hors norme », qui traduit une approche statistique du phénomène (par exemple : « les 5 % des feux les plus virulents », ayant brûlé le plus de surfaces ou ayant causé le plus destructions...).

- Une tentative de définition stimulante, croisant les expériences de chercheurs et de gestionnaires de la forêt, appréhende le phénomène au prisme de ses conséquences : « [les mégafeux] se définissent surtout par le fait qu'ils conduisent à l'effondrement du système de lutte et qu' ils produisent des impacts profonds et durables sur la société, l'économie et l'environnement 27 ( * ) . »

- Enfin, certaines définitions s'essaient à la description de caractéristiques intrinsèques (cf. encadré ci-dessous).

Quelques feux atypiques des dernières années

Il est possible de relever certains feux atypiques par certaines de leurs caractéristiques, ces dernières années en France ; les spécialistes ont ainsi noté plusieurs paramètres nouveaux :

- Au-delà des 2 655 ha de surfaces brûlées, les spécialistes mettent en avant la vitesse exceptionnelle de propagation (en mètres/minute) de l'incendie de Rognac (Bouches-du-Rhône) en août 2016. En 2021, à Gonfaron, d'après le SDIS du Var, le feu a progressé en une nuit autant qu'il aurait progressé habituellement en trois jours. Avec la vitesse, les sautes de feux s'allongent et peuvent désormais dépasser 1 km, rendant très difficile la lutte.

- Une autre nouveauté tient à l'entrée du feu dans des environnements inhabituels , concentrant de nombreux enjeux (habitations, routes, zones agricoles). Cela a été le cas à Rognac (2016) et Gonfaron (2021), mais aussi à Generac (2019, x2) et à Martigues (2020). Le corollaire de cette caractéristique nouvelle est l'incidence socio-économique potentiellement importante.

- Enfin, il faut craindre un phénomène d' auto-alimentation des feux , par exemple dans le cas des feux « convectifs », générant leurs propres vents et progressant dans tous les sens. La conséquence est que ces incendies durent potentiellement plus longtemps : seuls des éléments naturels ou physiques (fleuve, mer, pluie) peuvent l'arrêter .

b) Vers une rupture capacitaire des moyens de lutte ?

Si les rapporteurs voulaient que leurs lecteurs ne retiennent qu'une idée de leurs travaux, ce serait vraisemblablement que la lutte seule ne suffira pas à faire face aux « feux extrêmes » . Le colonel Allione a appelé dans plusieurs médias à un « quoi qu'il en coûte de la sécurité civile » et les rapporteurs soutiennent évidemment l'adaptation de la réponse aux enjeux (cf. infra , lutter).

La difficulté est que ces coûts sont potentiellement exponentiels : avec l'émergence de feux à la fois plus extrêmes et plus fréquents, les moyens de lutte peuvent être dépassés, en particulier dans le cas où des départs simultanés mettent en péril la stratégie d'attaque rapide sur feux naissants . Lors de la table ronde des deux commissions réunies 28 ( * ) , le colonel Allione a ainsi rappelé que les sapeurs-pompiers étaient de plus en plus proches de la rupture capacitaire et donc de la rupture du contrat opérationnel qui les lie à la Nation.

À titre d'exemple, les deux feux de Gironde, dans la forêt usagère de La-Teste-de-Buch et dans la forêt privée de Landiras, se sont déclarés le 12 juillet 2022 à 1 heure et 24 minutes d'intervalle . Les élus locaux pointent le temps d'arrivée des premiers moyens aériens, lié à la distance entre la base aérienne de sécurité civile de Nîmes et la Gironde, et il faut bien mesurer qu' avec l'extension du risque incendie, les périmètres d'intervention sont amenés à s'accroître . Par la suite, malgré des colonnes de renfort et la mise en oeuvre d'un plan général de rappel, levant les repos de nombreux sapeurs-pompiers pour assurer le flux habituel du secours d'urgence aux personnes , il a fallu répartir les moyens entre les deux feux, en respectant l'ordre départemental d'opérations (davantage d'enjeux semblaient se concentrer à La Teste-de-Buch).

Il faut ajouter que des moyens aériens en action en Gironde ont été détournés pendant le sinistre pour maîtriser un départ de feu dans les Landes , conformément à la stratégie d'attaque rapide sur feux naissants. Dans ces conditions, le feu a pu progresser jusqu'à 2 000 hectares par jour et n'a pu être définitivement fixé à Landiras que le 23 juillet dernier, soit onze jours après le départ de feu.

Les rapporteurs craignent particulièrement la multiplication de situations dans lesquelles un arbitrage sera nécessaire, avec pour conséquence inéluctable une augmentation des dommages.

c) En 2021 et 2022, une recrudescence déjà perceptible des surfaces brûlées

Rien que pour les deux feux en Gironde, qui se sont déclarés mardi 12 juillet, le dernier point presse de la préfecture de ce département fait état de 20 800 hectares de forêt brûlés (13 800 à Landiras, d'origine criminelle, et 7 000 à La Teste-de-Buch, d'origine accidentelle). Ces deux feux ont fait leur entrée dans le classement des incendies ayant parcouru les surfaces les plus importantes , ce qui avec le feu de Gonfaron porte à trois le nombre de feux de plus de 5 000 hectares dans la période récente, le dernier cas remontant à 2003.

Les plus grands incendies ayant touché la France ces 40 dernières années

Rang

Surface incendiée (arrondi à la centaine)

Commune d'éclosion (département)

Année

1

22 800 ha (dont 2 200 en France)

Le Perthuis (66)

1986

2

13 800 ha

Landiras 29 ( * ) (33)

2022

3

13 800 ha

Plusieurs communes de Haute-Corse (2B)

1989

4

11 800 ha

Vidauban (83)

1990

5

9 300 ha

Collobrières (83)

1990

6

7 600 ha (dont 1 900 en France)

Port-Vendres (66)

1978

7

7 200 ha

Ville-di-Paraso (2B)

1985

8

7 000 ha

La Teste-de-Buch 30 ( * ) (33)

2022

9

6 900 ha

Corbère-les-Cabanes (66)

1976

10

6 800 ha

Gonfaron (83)

2021

11

6 800 ha

Vidauban I (83)

2003

12

6 500 ha

Palasca (2B)

1992

13

6 000 ha

Le Luc (83)

1979

14

5 600 ha

Vidauban II (83)

2003

15

5 600 ha

Serra-di-Ferro (2A)

1983

16

5 600 ha

Ghisoni (2B)

1985

17

5 600 ha

Santo-Pietro-di-Tenda (2B)

2003

18

5 300 ha

Saint-Marc-Baume-Garde (13)

1989

Source : données DGPE et points presse de la préfecture de Gironde

Au-delà de ces trois feux extrêmes, on peut se demander si, après la phase de diminution des surfaces brûlées liée à la stratégie d'attaque rapide sur feu naissant depuis la fin du XX e siècle, les prochaines années ne donneront pas lieu à une nouvelle norme, plus proche des tendances précédentes. Il sera riche d'enseignements à cet égard de comparer les surfaces brûlées à la fin de la saison des feux de 2022 avec les surfaces brûlées en 2003.

Pour ne citer que les principaux feux déclarés à la mi-saison des feux 2022, on note :

- 1 800 hectares dans le camp militaire de Canjuers dans le Var (origine exercice militaire) ;

- plus de 1 500 hectares dans le massif de La Montagnette, au sud d'Avignon (multiples départs de feu provoqués par le système de freinage d'un train de marchandises, avec des reprises de feu par la suite, dix-sept ans après un incendie ayant eu les mêmes causes) ;

- plus de 1 725 hectares en Bretagne, dans des landes des Monts d'Arrée ;

- plus de 800 hectares sur un plateau de l'Hérault, à proximité de Gignac ;

- 650 hectares dans les Cévennes, dans le nord du Gard ;

- ...

Les données établies par le système satellitaire Copernicus, font bien apparaître pour la France une rupture des surfaces de forêt et de végétation brûlées par rapport aux années précédentes (chiffres à mi-juillet 2022) :

Année

Ha brûlés

Nombre de feux

2008

1 694

8

2009

7 974

16

2010

4 653

9

2011

4 831

23

2012

3 298

19

2013

891

9

2014

4 667

26

2015

2046

15

2016

10 767

27

2017

20 626

91

2018

2581

21

2019

43 602

304

2020

14 547

133

2021

30 652

214

2022 (au 19/07)

39 904

224

Source : EFFIS

Plus généralement en Europe, la sécheresse précoce et la canicule ont conduit à des incendies de grande ampleur en 2022, après une année 2021 déjà bien au-dessus des moyennes , ce que reflète de façon édifiante le graphique ci-après :

- en Grèce, plusieurs villages ont dû être évacués au nord d'Athènes, et de nombreux de feux ont été constatés simultanément ;

- des milliers de personnes ont dû être évacuées au nord-ouest de l'Espagne ;

- deux personnes sont mortes au nord du Portugal ;

- fait inhabituel, dans un contexte où les températures ont dépassé pour la première fois 40 °C au Royaume-Uni, des incendies ont détruit plusieurs habitations dans le village de Wennington, à l'est de Londres.

Source : Financial Times

Comme on le voit, l'efficacité de la stratégie de lutte qui a fait de la France un modèle pour l'Europe et dans le monde risque d'être compromise par l'émergence de feux hors norme. Pour reprendre une image parlante, si le « bouclier » de la lutte a permis le succès de la France face aux incendies, il faut désormais dans le même temps s'assurer que le « glaive » de l'aléa feu de forêt ne s'abattra pas plus durement sur ce bouclier.

Dans ces conditions, la prévention par un ensemble de politiques publiques transversales et articulées entre elles, en particulier par les leviers de l'urbanisme, l'aménagement du territoire et la gestion forestière et des espaces naturels, est indispensable pour alléger la pression exercée sur ce bouclier.

Cette stratégie aurait pour double effet bénéfique de protéger « passivement » la forêt en ralentissant la propagation du feu et de rendre plus efficace l'action des forces de sécurité civile, sinon confrontées à la dispersion des enjeux à protéger. Dans l'idéal, la prévention est même de nature à empêcher les feux de se déclarer.

II. PRÉVENIR LE RISQUE INCENDIE DE FORÊT ET DE VÉGÉTATION EN MOBILISANT L'ENSEMBLE DES POLITIQUES PUBLIQUES

Il convient tout d'abord de rappeler que l'atteinte de nos objectifs climatiques et le respect de l'Accord de Paris est le levier de prévention le plus transversal et structurant à disposition des pouvoirs publics. En effet, la r éduction significative des émissions mondiales de gaz à effet de serre contribuera de manière évidente à maîtriser la dégradation des conditions météorologiques, facteur structurant dans l'intensification et l'extension du risque incendie en France.

Toutefois, cet aspect, exogène, ne fera l'objet d'aucune recommandation spécifique. En effet, comme l'a indiqué le Commissaire européen à la gestion des risques lors de son audition devant les rapporteurs, sur les quatre principaux facteurs de risque incendie - sécheresse, chaleur, vent et présence de combustible -, les trois premiers sont exogènes à la forêt, le seul des facteurs sur lequel il est possible d'agir directement dans le cadre de la politique de prévention étant la présence de combustible en forêt.

À cette fin, les rapporteurs ont souhaité engager une réflexion transversale , convaincus que le succès que la « guerre contre le feu » ne sera gagnée qu'en activant conjointement de nombreux leviers : urbanisme, aménagement du territoire, gestion forestière et des espaces naturels, aménagement de la forêt, mobilisation du monde agricole, sensibilisation, lutte, reboisement intégrant le risque incendie...

A. ANTICIPER : ÉLABORER UNE STRATÉGIE NATIONALE ET TERRITORIALE PRENANT EN COMPTE L'ÉVOLUTION DU RISQUE INCENDIE ET SON EXTENSION SUR LE TERRITOIRE NATIONAL

1. Établir une stratégie nationale, articulant prévention et sécurité civile, et améliorer la coordination interministérielle

Les politiques publiques de prévention et de lutte contre les incendies de forêt et de végétation se caractérisent par un portage politique et administratif complexe, que les rapporteurs ont pu pleinement éprouver lors des auditions des nombreuses entités publiques en charge de sa conduite.

Au sein de l'État , plusieurs ministères sont en effet compétents : agriculture et souveraineté alimentaire, transition écologique et cohésion des territoires, et intérieur.

Ces politiques publiques mobilisent par ailleurs les établissements publics de l'État compétents , en particulier l'Office national des forêts (ONF), le Centre national de la propriété forestière (CNPF), Météo-France, et l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN).

À l'échelle territoriale , la cohérence globale des actions menées est en principe assurée par une mise en oeuvre déconcentrée sous l'autorité des préfets , en lien avec les collectivités territoriales compétentes - en particulier les départements en charge des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS).

De nombreux progrès attestant de progrès dans le renforcement de la coordination de la politique publique ont été portés à la connaissance des rapporteurs. Toutefois, compte tenu de l'évolution rapide du risque , l'élaboration d'une stratégie nationale et interministérielle de défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies semble aujourd'hui inévitable .

L'établissement d'une telle approche permettrait d' acter la dimension nationale du risque, auparavant circonscrit à quelques territoires bien identifiés. Elle constituerait ainsi un des vecteurs d'une indispensable prise de conscience nationale.

Cette stratégie faciliterait en outre la prise en compte appropriée et progressive de l'augmentation du risque dans les territoires aujourd'hui moins exposés, ainsi qu'une meilleure articulation entre lutte et prévention , que la mission de contrôle appelle de ses voeux.

Compte tenu de l'évolution de l'aléa, plusieurs priorités transversales devraient être données à cette pratique interministérielle : consolidation de nos connaissances et de nos prévisions , adaptation de notre doctrine de prévention et de lutte en fonction de l'accroissement du risque, identification et réponse à de potentiels conflits entre les différents volets de la politique publique (par exemple entre les objectifs de préservation de la biodiversité et ceux de prévention du risque incendie), établissement d'une communication nationale harmonisée...

Cette stratégie nationale donnera bien entendu lieu à une application adaptée aux territoires , s'appuyant sur les services déconcentrés de l'État ainsi que les élus locaux .

Pour en assurer l'adaptation et l'évaluation, cette stratégie devrait être dotée de jalons temporels et d'indicateurs de progression .

Enfin, si une telle stratégie était élaborée, elle trouverait une résonance forte avec les objectifs du plan national d'adaptation au changement climatique ( PNACC ) et devrait donc être articulée avec ce dernier.

Axe n° 1 - Recommandation n° 1 : Élaborer une stratégie nationale et interministérielle de défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies, articulant prévention et sécurité civile (ministère de l'agriculture et de la soutenabilité alimentaire, ministère de l'intérieur, ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires).

Les rapporteurs considèrent que le renforcement de l'effort de coordination interministérielle ne doit pas se limiter à l'administration centrale . L'interministérialité doit se concrétiser, dans chaque territoire, par une mise en cohérence des politiques publiques participant de façon transversale à la prévention du risque incendie , sous l'autorité du préfet de département , qui représente chacun des membres du Gouvernement.

Aussi convient-il tout d'abord de s'assurer que les différentes administrations déconcentrées (DDT, unités territoriales des DREAL, direction de la sécurité civile) et acteurs (unité territoriale de l'ONF, CRPF, SDIS) n'agissent pas en silo. Elles devraient au contraire se concerter davantage et faire remonter, dès qu'une difficulté d'articulation se présente, l'information au niveau du préfet, garant de la cohérence de l'action de l'État dans les territoires.

C'est dans cet esprit de dialogue et de constitution d'une culture commune du risque incendie que la Délégation à la protection de la forêt méditerranéenne (DPFM), a été créée en 1987 (art. 1311-29-1 du code de la défense), et placée auprès du préfet de zone de défense et de sécurité Sud. Cette structure permet de sensibiliser chaque administration aux contraintes des autres politiques publiques . L'échelon zonal permet en outre d' adapter plus facilement la stratégie nationale de prévention à la réalité de chaque territoire , en harmonisant autant que cela se justifie les pratiques d'un département à l'autre, grâce à des retours d'expérience consolidés sur quinze départements de la région méditerranéenne (Corse, région Sud, ex-Languedoc-Roussillon, ainsi que départements de l'Ardèche et de la Drôme).

Dotée de près de 10 millions d'euros sur la mission d'intérêt général DFCI, elle est notamment en charge de la gestion de la base de données Prométhée qui recense les feux de forêt de la région méditerranéenne ; elle coordonne aussi les actions de prévention (équipements DFCI, surveillance, prévision...). Dotée de 4 ETP (2 relevant du ministère de l'agriculture et 2 du ministère de l'intérieur), cette structure souple gagnerait à se voir affecter des agents relevant du ministère de la transition écologique , afin notamment d'appréhender la prévention du risque incendie par le prisme de l'urbanisme.

Sans nécessairement calquer la structure de mission qu'est la DPFM dans d'autres régions, et en préservant la souplesse nécessaire à l'action, il serait intéressant tout au moins de s'inspirer de l'effort d'interministérialité qu'elle incarne dans d'autres zones, par exemple dans la zone Sud-Ouest en synergie avec les organisations existantes (GIP ATGeRi, associations de DFCI) ou, à plus long terme, sur l'ensemble du territoire national.

Axe n° 1 - Recommandation n° 2 : Prévoir que chaque administration participant à la politique de prévention et de lutte contre les feux de forêt ait au moins un référent au sein de la Délégation à la protection de la forêt méditerranéenne (DPFM), afin d'en renforcer l'interministérialité. S'inspirer de cette structure interministérielle dans d'autres zones, en envisageant par exemple la création d'une Délégation à la protection de la forêt aquitaine (DPFA), placée auprès du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud-Ouest.

La stratégie nationale et interministérielle que les rapporteurs appellent de leurs voeux devrait également être cohérente et complémentaire du programme national de la forêt et du bois ( PNFB ).

Le risque incendie devrait également être mieux intégré au PNFB à l'occasion de sa prochaine révision en 2026. Cette dimension devrait alors être déclinée de façon adaptée dans chaque Programme régional de la forêt et du bois ( PRFB ) en fonction des enjeux.

Axe n° 1 - Recommandation n° 3 : Intégrer de façon plus cohérente le risque incendie à l'occasion de la prochaine révision du Programme national de la forêt et du bois (PNFB) en 2026, et décliner cette dimension de façon adaptée à chaque territoire dans les Programmes régionaux de la forêt et du bois (PRFB).

Le succès de cette stratégie dépendra grandement des moyens alloués à la prévention et à la lutte contre le risque incendie.

Au regard de l'intensification et de l'extension du risque, de l'ampleur des coûts évités par les politiques de prévention et de lutte (« valeur du sauvé ») et de la multiplication du nombre d'événements en cet été 2022, l'augmentation significative des moyens semble non seulement inévitable, mais urgente : il en va, en définitive, de la capacité de notre pays à éviter l'embrasement.

Un effort transversal, activant conjointement de nombreux leviers, sera indispensable : lutte et prévention devront ainsi être soutenues parallèlement, à la hauteur du risque .

Les rapporteurs sont néanmoins convaincus de la nécessité d'un accroissement tout particulier des moyens consacrés à la prévention : aménagement du territoire et de la forêt, valorisation de cette dernière, gestion durable par le développement d'une sylviculture adaptée au risque, mobilisation du monde agricole, sensibilisation... C'est bien sur ce volet préventif, « parent pauvre » de notre politique de guerre contre le feu, que notre pays dispose aujourd'hui des plus grandes de marges d'amélioration .

Les montants consacrés à la prévention et à la lutte contre les feux de forêt ne sont à ce jour pas identifiés clairement : le rapport « Chatry » de 2010 31 ( * ) estimait en 2008 à environ 540 millions d'euros ces dépenses, essentiellement publiques (UE, État, collectivités territoriales) mais aussi privées (propriétaires), dont environ 170 millions d'euros pour la prévention (soit environ un tiers), tout en précisant les difficultés méthodologiques que ce calcul pose - de nombreux personnels réalisant au quotidien autant des tâches de prévention que de lutte.

Les services déconcentrés et l'ensemble des autres acteurs intervenant localement au titre de la DFCI devront en particulier être dotés de moyens humains largement accrus pour engager de manière efficace ces actions préventives, absolument essentielles à la maîtrise du risque incendie.

L'État, au nom de la solidarité nationale, devra assumer une large part de cet effort accru .

Axe n° 1 - Recommandation n° 4 : Accroître significativement les moyens alloués à la prévention et à la lutte contre le risque incendie, en doublant en particulier les moyens consacrés à la prévention (aménagement des pistes de défense des forêts contre l'incendie, surveillance de la forêt, communication, contrôle des obligations légales de débroussaillement...).

Pour assurer le suivi exhaustif des moyens de lutte et de prévention mobilisés par le budget général - dispersés entre différents missions et programmes - un « document de politique transversale » (ou « orange budgétaire ») devrait être élaboré. En permettant de compiler l'ensemble de ces dépenses et de les mettre en regard , ce document pourrait constituer un élément clef de la stratégie nationale et interministérielle de prévention et de lutte contre les incendies de forêt et de végétation proposée par ce rapport.

Axe n° 1 - Recommandation n° 5 : Assurer le suivi exhaustif des moyens de prévention et de lutte de l'État à travers un « document de politique transversale » (ou « orange budgétaire ») permettant de les mettre en regard.

2. Appuyer cette stratégie sur une amélioration des connaissances

Le succès de cette stratégie nationale et interministérielle repose sur une amélioration des connaissances et des données afférentes aux feux de forêt et de végétation.

En premier lieu, une meilleure remontée des données dans la base de données sur les incendies de forêts en France (BDIFF) devrait être assurée, par une harmonisation des méthodologies et des règles d'enrichissement de la base sur l'ensemble du territoire. En particulier, les remontées d'information par le groupement d'intérêt public ATGeRi en Aquitaine ne sont pas aussi fréquentes que les remontées effectuées dans le cadre de la base Prométhée en région méditerranéenne.

En particulier, les feux hors saison et les feux de végétation ne sont pas systématiquement renseignés dans la BDIFF : cette situation ne peut pas perdurer, compte tenu du poids croissant des incendies de surfaces non boisées et en dehors des périodes estivales.

Axe n° 1 - Recommandation n° 6 : Améliorer la remontée des données dans la base de données sur les incendies de forêts en France.

Les nombreux coûts associés aux incendies , de diverses natures (cf. supra) , mériteraient d'être quantifiés et agrégés pour identifier de manière exhaustive les dégâts environnementaux et économiques des feux . Évaluer l'ensemble des dégâts causés par les feux, c'est en réalité estimer le coût de ce qui peut être sauvé par les politiques de lutte et de prévention : plusieurs acteurs auditionnés se réfèrent à ce titre à la notion de « coût du sauvé ».

Cet effort de synthèse demeure pourtant incomplet.

Dans son rapport flash consacré à la prévention des incendies de forêt et de végétation, la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale regrettait ainsi « l'absence de tentative officielle de chiffrage complet du coût des incendies 32 ( * ) », alors que leurs conséquences, environnementales et économiques, sont théoriquement connues.

Cette observation n'est pourtant pas nouvelle : en 2009 déjà, dans son rapport public annuel, la Cour des comptes 33 ( * ) estimait que « le recensement, l'identification et l'estimation des coûts induits par les incendies de forêt présentent d'importantes lacunes. L'évaluation des coûts écologiques des feux de forêt reste inexistante ».

Les rapporteurs notent toutefois que des initiatives ponctuelles ont depuis été engagées pour mieux estimer ce coût.

En mars 2021 , une étude évaluait par exemple à 7,3 millions d'euros la valeur moyenne sauvée par incendie de forêt par l'intervention des pompiers dans les Bouches-du-Rhône 34 ( * ) , soit 1,4 milliard d'euros pour 202 feux.

De plus, une évaluation nationale et exhaustive du « coût du sauvé » - compilant l'ensemble des valeurs de la forêt, économiques et environnementales - mériterait d'être engagée, en dépit des complexités inhérentes à l'établissement d'une telle méthodologie. Cette évaluation permettrait une comparaison avec les montants déployés en matière de lutte et de prévention et inciterait au développement d'une politique de défense contre les incendies plus ambitieuse, particulièrement dans les territoires où la forêt n'est pas ou peu valorisée économiquement.

Dans ce cadre, l'impact sanitaire des feux de forêt en matière de qualité de l'air devrait tout particulièrement être mieux étudié, la connaissance de ces impacts étant encore trop limitée, comme l'a notamment rappelé le récent rapport du groupe II du GIEC.

Axe n° 1 - Recommandation n° 7 : Mieux évaluer la « valeur du sauvé » pour contribuer à l'évaluation optimale des moyens alloués à la prévention et à la lutte contre l'incendie. S'appuyer sur une évaluation exhaustive des services rendus par la forêt (en matière environnementale, économique et sociale) et des coûts liés aux destructions des incendies. En particulier, mieux évaluer l'impact sanitaire des feux de forêt en matière de qualité de l'air.

Le suivi de la stratégie nationale devrait également s'articuler avec la Stratégie nationale bas carbone ( SNBC ), feuille de route française de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

À ce jour, les émissions provoquées par les feux, ramenées à l'ensemble des émissions nationales s'avèrent modestes (environ un millième du total).

Toutefois, la répétition des incendies sur de courtes périodes pourrait entraîner une régression des peuplements forestiers dans les régions les plus exposées, limitant plus durablement les capacités d'absorption du carbone par la biomasse.

Par ailleurs, les incendies provoquent d'ores et déjà des relargages massifs de gaz à effet de serre dans les pays sévèrement touchés : c'est par exemple le cas de l'Australie, où les feux extrêmes de 2019-2020 ont émis en quatre mois et demi la quantité moyenne annuelle de gaz à effet de serre du pays.

Si la situation de pays tels que l'Australie n'est en rien comparable à celle de la France, elle invite, par anticipation, à mieux identifier les émissions associées aux incendies de forêt ainsi que les pertes de capacité d'absorption des forêts au sein du secteur dédié dans la SNBC, celui de l'Utilisation des terres, changement d'affectation des terres et foresterie ( UTCATF ).

À cette fin, les méthodologies de calcul des émissions de gaz à effet de serre et des pertes capacités d'absorption devront être clarifiées et harmonisées sur l'ensemble du territoire et rendues transparentes.

De surcroît, les émissions de gaz à effet de serre associées aux incendies et les pertes de capacités d'absorption des forêts devraient être intégrées dans les plans climat air énergie territoriaux (PCAET), documents intercommunaux de planification climatique et énergétique.

Axe n° 1 - Recommandation n° 8 : Au titre de la stratégie nationale bas carbone (SNBC), identifier au sein du secteur de l'Utilisation des terres, changement d'affectation des terres et foresterie (UTCATF) les émissions de gaz à effet de serre associées aux incendies de forêt et les pertes de capacités d'absorption associées. Intégrer ces émissions et pertes de capacités d'absorption dans les plans climat air énergie territoriaux (PCAET).

Comme l'a souligné le chercheur de l'INRAE François Pimont lors de la table ronde des deux commissions réunies, « les connaissances ne sont pas si nombreuses » en ce qui concerne le choix des essences et les modes de sylviculture conciliant adaptation au changement climatique, résistance aux risques biotiques et abiotiques (dont les incendies) et valorisation de bois pour approvisionner la filière et décarboner nos usages.

Une forme de fatalisme selon lequel, quoi qu'il en soit, le bois brûle, et l'enjeu économique relativement limité pour la filière bois jusqu'à présent (cf. supra ), n'ont vraisemblablement pas aidé à mener des investigations sur le sujet comme il l'aurait mérité pour améliorer les connaissances en la matière. Or, les paramètres à prendre en compte sont nombreux et parfois contradictoires, les forêts étant des écosystèmes particulièrement complexes .

Avec la temporalité longue de la forêt, les décisions d'aujourd'hui devraient déjà tenir compte de l'évolution prévisible des stations forestières à horizon 2050 et au-delà. Dans ce contexte, la recherche appliquée et le transfert de connaissances vers les gestionnaires forestiers se jouent dès maintenant. Les propriétaires et gestionnaires ont besoin d'être guidés dans leurs décisions, dans une optique de sage gestion économique.

En complément de l'INRAE, davantage chargé de la recherche fondamentale, les deux établissements publics compétents en matière de forêt privée (CNPF) et publique (ONF) disposent chacun de leur propre cellule de recherche et développement), avec :

• le département Recherche, développement et innovation (RDI) de l'ONF ;

• l'Institut pour le développement forestier (IDF) du CNPF.

Ces deux organismes de recherche appliquée collaborent de longue date ensemble, par exemple via le réseau du département santé des forêts (DSF, rattachée au MASA) , ses correspondants-observateurs étant souvent des forestiers d'unités territoriales de l'ONF ou des CRPF. Cette collaboration pourrait être renforcée dans d'autres cadres, par exemple pour appréhender la montée du risque incendie de façon globale pour la forêt française (forêt publique et privée, amont et aval) et, en lien avec les instituts techniques, ses conséquences pour la filière bois.

Des outils de diagnostic et d'aide à la décision pourraient être diffusés plus largement grâce au réseau mixte technologique AFORCE (adaptation des forêts au changement climatique), chargé d'étudier l'adaptation des forêts au changement climatique. Les administrations centrales financent insuffisamment cette initiative, pourtant peu onéreuse et permettant des retombées rapides sur les parcelles. La participation financière de l'État aux appels à projets de ce réseau donc être pérennisée .

Axe n° 1 - Recommandation n° 9 : Accroître l'effort de recherche sur les forêts publiques et privées. Renforcer tout particulièrement la recherche appliquée sur l'adaptation des essences au changement climatique, sur leur résilience face aux incendies et sur leur valorisation.

3. Étendre les politiques de défense contre les incendies, en les adaptant à la réalité de chaque territoire

Face à l'extension géographique du risque incendie, la mise en oeuvre territoriale de la stratégie nationale de défense contre les incendies devra nécessairement être adaptée .

Cette adaptation devra être mesurée et progressive : les dispositifs aujourd'hui appliqués dans les zones exposées de longue date ne pourront pas être reproduits à l'identique dans les zones plus septentrionales, moins ou pas exposées.

Une telle différenciation territoriale est déjà possible, le code forestier opérant ainsi une distinction entre les mesures applicables sur l'ensemble du territoire national (L. 131-1 à L. 131-18), les mesures applicables aux bois et forêts classés à « risque d'incendie » (L. 132-1 à L. 132-3) et les mesures applicables aux territoires réputés particulièrement exposés aux risques d'incendie (L. 133-1 à L. 133-11). Cette gradation législative , qui permettra de définir des règles territorialement différenciées pour faire face au risque, conserve toute sa pertinence dans un contexte d'extension géographique de l'aléa, le risque devant augmenter également dans les zones déjà exposées.

Des ajustements législatifs et réglementaires semblent néanmoins indispensables à une meilleure anticipation de l'évolution territoriale du risque.

En premier lieu, le périmètre des territoires réputés particulièrement exposés aux risques d'incendie, qui procédait d'une mise en conformité au règlement (CEE) n° 2158 du Conseil du 23 juillet 1992 relatif à la protection des forêts dans la communauté face aux incendies, semble aujourd'hui trop strictement encadré par l'article L. 133-1 du code forestier : des régions du sud-ouest et du sud-est de la France 35 ( * ) ainsi que deux départements 36 ( * ) y sont en principe inclus, bien qu'il soit reconnu au préfet la possibilité d'exclure de ce périmètre une liste de massifs forestiers à moindre risque 37 ( * ) .

Une réécriture de l'article L. 133-1 du code forestier , afin que la liste des territoires réputés particulièrement exposés aux risques d'incendie soit fixée par voie réglementaire , faciliterait l'actualisation du zonage afin de tenir compte de l'évolution géographique du risque. À cette même fin, il pourrait être envisagé de cibler non plus des régions, mais des départements . Cette liste pourrait être révisée périodiquement afin de tenir compte de l'évolution de l'aléa.

Axe n° 1 - Recommandation n° 10 : Afin de tenir compte de l'évolution géographique du risque, définir par voie réglementaire - plutôt que par voie législative - les territoires réputés particulièrement exposés aux risques d'incendies .

Les rapporteurs préconisent en outre d'intégrer systématiquement le risque incendie dans les schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques ( SDACR ), en adaptant cette intégration en fonction de l'intensité et de l'exposition aux risques.

Le schéma départemental d'analyse et de couverture des risques, prescrit par l'article L. 1424-7 du code général des collectivités territoriales, dresse l'inventaire des risques de toute nature pour la sécurité des personnes et des biens auxquels doivent faire face les services d'incendie et de secours dans le département, et détermine les objectifs de couverture de ces risques par ceux-ci. Il est élaboré, sous l'autorité du préfet, par le service départemental ou territorial d'incendie et de secours. Les rapporteurs souhaitent mobiliser cet instrument parce qu'il existe déjà et permet une prise en compte souple de l'augmentation du risque.

Axe n° 1 - Recommandation n° 11 : Intégrer systématiquement le risque incendie dans les schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques (SDACR), en adaptant cette intégration en fonction de l'intensité et de l'exposition aux risques .

Par ailleurs, les bois et forêts simplement classés « à risque d'incendies » par le préfet après avis des conseils municipaux concernés et du conseil départemental (L. 132-1 du code forestier), ne sont à ce jour pas obligatoirement couverts par un plan départemental ou interdépartemental de prévention des forêts contre les incendies ( PPFCI ), dont l'élaboration n'est aujourd'hui obligatoire que pour les territoires réputés particulièrement exposés aux risques d'incendie par l'article L. 133-2.

Dans les territoires qui se sont pleinement approprié cet outil, le PPFCI constitue le socle de l'action collective en matière de défense des forêts contre les incendies : il caractérise le risque incendie pour un territoire donné, élabore la stratégie générale de protection de la forêt, constitue un guide pluriannuel pour la programmation et la coordination des équipements et des actions, et fixe le cadre de la gouvernance.

Les thématiques abordées sont larges : moyens de surveillance, établissement et cartographie des voies d'accès et des points d'eau, mise en oeuvre des obligations légales de débroussaillement, mobilisation des activités agricoles comme pare-feu naturel, conciliation avec les objectifs de protection de la biodiversité...

Sa mise en oeuvre est certes variable en fonction des départements et des services préfectoraux et dépendante de la volonté politique des élus. Le plan de protection des forêts contre les incendies n'en demeure pas moins la pierre angulaire de la politique territoriale de prévention du risque incendie.

À ce titre, et compte tenu de l'extension géographique du risque incendie, la rédaction du plan de protection des forêts contre les incendies pourrait être envisagée dans les territoires aujourd'hui classés à risque au titre de l'article L. 132-1 du code forestier, sans pour autant le rendre obligatoire. Plusieurs territoires se sont déjà engagés dans cette démarche de manière volontaire (Loire, Isère, Bretagne, Centre, Réunion, ...), afin notamment de pouvoir bénéficier du FEADER.

Cette démarche ne serait en rien contradictoire avec le principe précédemment posé - celui d'une adaptation mesurée et progressive de la politique de défense contre les incendies sur le territoire. Le plan de protection des forêts contre les incendies a, au contraire, vocation à être le vecteur d'une politique territorialisée, dimensionnée à la réalité de chaque territoire.

Axe n° 1 - Recommandation n° 12 : Encourager l'élaboration de plans de protection des forêts contre les incendies, pierre angulaire de la politique de prévention au niveau local, dans les territoires simplement classés à risque d'incendie.

Pour mieux s'adapter à l'évolution du risque, une évaluation récurrente des plans de protection des forêts contre les incendies, dont la validité peut aller jusqu'à 10 ans (article R. 133-1 du code forestier) devrait par ailleurs être systématisée .

Cette évaluation semble également essentielle pour maintenir une mobilisation dans le temps de l'ensemble des acteurs engagés autour de l'État.

Axe n° 1 - Recommandation n° 13 : Prévoir une évaluation récurrente des plans de protection des forêts contre les incendies pour favoriser leur adaptation à l'évolution de l'aléa.

Anticiper l'évolution du risque incendie implique enfin de mieux appréhender l'émergence de feux affectant des surfaces autres que boisées (terres agricoles, surfaces de végétation, friches issues de la déprise agricole).

En effet, les feux de surfaces non boisées ont vocation à se développer dans des territoires aujourd'hui peu ou pas affectés par le risque incendie. Dans certains départements, le nombre de départs de feux est déjà plus important pour cette catégorie de surfaces que pour les forêts.

La nécessité d'une approche intégrée est d'autant plus pertinente que des incendies de surfaces non boisées, par exemple des friches en intervalle de massifs boisés, peuvent offrir des continuums de végétation propices aux incendies de grandes superficies . Des incendies de forêt peuvent également être causés par des départs de feux sur des surfaces non boisées situées à proximité.

Les rapporteurs proposent donc d' étendre la politique de défense des forêts contre les incendies (DFCI) aux surfaces de végétation et aux surfaces agricoles en les incluant au périmètre des plans de protection des forêts contre les incendies.

Lorsque cela est pertinent, les surfaces de végétation urbaines ou périurbaines doivent également être intégrées à cette réflexion. Comme l'a notamment soulevé la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, le développement de la végétalisation urbaine peut constituer une nouvelle source de vulnérabilité , qui doit mieux être prise en compte dans les plans de protection contre les incendies.

Axe n° 1 - Recommandation n° 14 : Étendre la politique de défense des forêts contre les incendies (DFCI) aux surfaces de végétation, y compris urbaines et périurbaines, et aux surfaces agricoles en les incluant dans le périmètre des plans de protection des forêts contre les incendies .

Enfin, l'intensification et l'évolution géographique et temporelle du risque imposeront d' adapter progressivement les moyens d'assistance de Météo-France sur le territoire national.

Météo-France apporte déjà un appui opérationnel aux services de sécurité civile différencié en fonction de l'intensité du risque. Ainsi, les zones de défense Sud-Est (ainsi que la Drôme et l'Ardèche) et Sud-Ouest bénéficient de longue date d'une assistance renforcée, par le biais d'une présence dédiée sur site pendant toute la saison en zone Sud-Est et pendant les épisodes les plus marquants en zone Sud-Ouest.

Si les autres zones de défense ne disposent pas d'une assistance sur site, elles bénéficient néanmoins de bulletins réguliers . À l'issue de l'été 2019, marqué par des incendies de milliers d'hectares de surfaces non-boisées brûlées, ces bulletins « Feux de Végétation et d'Espaces Naturels » ont ainsi été étendus à la moitié Nord du pays.

Les moyens de Météo-France ont donc déjà évolué pour répondre à l'extension et l'intensification des conditions météorologiques défavorables . Cet effort d'adaptation devra être prolongé , en élargissant progressivement les modalités d'assistance, différenciées territorialement en fonction de l'intensité du risque.

Axe n° 1 - Recommandation n° 15 : Adapter les moyens d'assistance de Météo-France en renforçant et en étendant progressivement son appui opérationnel sur le territoire national.

L'intensification et l'évolution géographique et temporelle du risque imposeront également de mobiliser les moyens de l'ONF, en adaptant cet appui à la réalité des territoires, même s'ils rappellent que la hausse des moyens devrait principalement bénéficier à la forêt privée (cf. infra , promouvoir la sylviculture).

Longtemps sanctuarisés malgré la rationalisation des effectifs, les moyens relatifs à la défense des forêts contre l'incendie de l'ONF , bien identifiés au sein de l'agence spécialisée d'Aix-en-Provence, ont pour la première fois été réduits à partir de 2020. Des suppressions de postes ont affecté des Agents de protection de la forêt méditerranéenne (APFM), des ouvriers forestiers chargés l'été de patrouilles de surveillance des massifs et, l'hiver, de réaliser des aménagements de prévention. Auparavant 200, ils ne sont plus que 190, évolution paradoxale dans un contexte d'augmentation du risque.

Plus préoccupant encore, le schéma d'emplois du contrat État-ONF 2021-2025 prévoit une nouvelle vague de suppression de 500 postes, y compris au sein de l'agence DFCI d'Aix-en-Provence.

Les rapporteurs proposent de geler cette suppression programmée de 500 postes , et d'utiliser ces marges de manoeuvre retrouvées pour redéployer en interne les moyens. L es postes d'APFM supprimés pourraient ainsi être rétablis ; de façon plus générale, le périmètre de la subvention « mission d'intérêt général DFCI » gagnerait à être étendu à l'ensemble du territoire national, pour financer des experts DFCI dans d'autres régions, en soutien des unités territoriales de l'ONF et des collectivités territoriales . Les rapporteurs souhaitent toutefois que la transparence soit faite sur les redéploiements, le service rendu par l'ONF dans d'autres régions ou pour d'autres missions ne devant pas pâtir de cette priorité donnée à la DFCI. Les rapporteurs n'appellent pas en outre à créer des postes au-delà des 500 dont la suppression était programmée, dans un souci de réalisme budgétaire.

Pour autant, l'augmentation récente des recettes liées aux ventes de bois, après plusieurs années à un niveau historiquement bas, permet d'envisager sereinement la remise en cause du schéma d'emplois et d'augmenter la subvention « mission d'intérêt général DFCI » de l'État (aujourd'hui 14 millions d'euros). Cette mobilisation de moyens supplémentaires se justifie par l'extension de l'aléa , d'autant qu'il s'agit de l'une des seules contributions directes de l'État aux ouvrages DFCI, sinon largement financés par les collectivités et l'Europe.

Du reste, les rapporteurs tiennent à rappeler que l'extension du risque s'entend aussi bien dans le temps que dans l'espace. Or, comme l'a rappelé le chercheur François Pimont lors de la table ronde devant les deux commissions réunies 38 ( * ) , la situation budgétaire du Réseau Hydrique de l'ONF, chargé du suivi de l'état hydrique des végétaux, l'oblige à commencer ses relevés de plus en plus tard, alors que la saison des feux tend au contraire à s'étendre . Aussi convient-il de donner à ce réseau les moyens de fonctionner.

Axe n° 1 - Recommandation n° 16 : Revenir sur les 500 suppressions de postes de l'ONF prévues dans le contrat État-ONF 2021-2025, pour rétablir les postes d'agents de protection de la forêt méditerranéenne (APFM) supprimés ces dernières années et pour redéployer plus de postes sur l'expertise DFCI hors région méditerranéenne, en étendant le périmètre géographique de la mission d'intérêt général DFCI à l'ensemble du territoire national.

B. AMÉNAGER LE TERRITOIRE : MIEUX RÉGULER LES INTERFACES FORÊT-ZONES URBAINES POUR RÉDUIRE LES DÉPARTS DE FEUX ET LA VULNÉRABILITÉ DES PERSONNES ET DES BIENS

1. Améliorer l'application des obligations légales de débroussaillement

Le débroussaillement est une opération de réduction des combustibles végétaux créant une rupture de la continuité du couvert végétal. Cette pratique est essentielle à la prévention contre les incendies , en permettant de diminuer l'intensité et de limiter la propagation des feux .

Dans les territoires qu'il identifie comme étant à risque ou particulièrement à risque, le code forestier prévoit donc des obligations légales de débroussaillement (OLD), s'imposant tant aux particuliers propriétaires de constructions, de chantiers ou d'installations qu'aux propriétaires ou gestionnaires d'infrastructures.

Le débroussaillement autour des maisons sur une profondeur de 50 mètres (avec la possibilité pour le maire d'étendre cette obligation à 100 mètres), prévu par l'article L. 134-6 du code forestier, est particulièrement structurant dans la politique de prévention incendie : il permet non seulement de limiter le départ des feux des maisons, mais également d'en renforcer la défendabilité . Un débroussaillement effectué conformément aux règles protège en effet l'habitation et permet donc le confinement des habitants, évitant ainsi la fuite des particuliers devant le feu , susceptible de causer des décès lors d'incendies d'envergure.

Le bon respect des OLD permet par ailleurs aux forces d'intervention de se concentrer sur la lutte contre le feu, et non à la protection des habitations. Des débroussaillements régulièrement effectués favorisent donc une réponse opérationnelle efficace aux incendies.

En dépit de son rôle crucial dans la politique de prévention et de lutte contre les incendies, cette obligation légale n'est que trop partiellement appliquée : le taux de réalisation des OLD, variable selon les territoires, est souvent inférieur à 30 %.

Les rapporteurs jugent donc indispensable de mieux faire respecter cette obligation. Convaincus qu'une solution unique ne suffira pas à résorber le déficit de réalisation des OLD, ils estiment qu'une palette large de leviers allant de la sensibilisation à la sanction, en passant par l'incitation, devra être mobilisée.

Une « pédagogie des OLD » auprès des personnes concernées doit tout d'abord être portée par l'ensemble des acteurs investis dans la prévention incendie (agents des collectivités territoriales et des services déconcentrés de l'État, personnels de l'ONF ou du CNPF...).

Les particuliers concernés doivent en premier lieu être informés de l'existence même de cette obligation et de sa finalité : l'OLD protège avant tout les intéressés et leur habitation. Cette « pédagogie des OLD » pourra également consister en des conseils personnalisés tenant compte de la spécificité de l'habitation, facilitant l'application pragmatique de l'obligation. Elle passera enfin par des contrôles plus réguliers des OLD, notamment par le biais d'opérations médiatisées permettant d'augmenter les répercussions de ces contrôles.

Pour mettre en oeuvre ces actions d'information, de conseil et de contrôle, l'ensemble des acteurs doivent être engagés autour d'une stratégie collective concertée. Cette stratégie doit notamment faciliter l'organisation d'actions pédagogiques ou dissuasives , tout en sensibilisant et formant des agents chargés de leur mise en oeuvre .

Elle pourrait être formalisée dans le cadre des PPFCI déclinés à l'échelle des massifs , dans les territoires couverts par ce document.

Axe n° 2 - Recommandation n° 17 : Développer une « pédagogie des obligations légales de débroussaillement (OLD) » auprès des personnes concernées, en les informant, en mettant à leur disposition des conseils personnalisés et en réalisant des contrôles plus réguliers. Pour mettre en oeuvre ces opérations d'information, de conseil et de contrôle, établir une stratégie collective concertée à l'échelle des massifs.

L'intégration du périmètre des obligations légales de débroussaillement dans les documents d'urbanisme faciliterait également leur mise en oeuvre.

Elle permettrait de rendre plus visibles et explicites les périmètres concernés, et de mieux informer les particuliers de l'existence de l'obligation au moment de la délivrance des permis de construire.

Axe n° 2 - Recommandation n° 18 : Intégrer le périmètre des obligations légales de débroussaillement dans les documents d'urbanisme, pour rendre plus visibles et explicites les périmètres concernés et pour mieux informer les particuliers de l'existence de l'obligation au moment de la délivrance des permis de construire.

Par ailleurs, au-delà des prescriptions légales du code forestier, s'appliquant dans l'ensemble des territoires particulièrement à risque ou simplement classés à risque, l'article L. 131-10 du code forestier prévoit que le préfet de département fixe par arrêté les modalités de mise en oeuvre des règles de débroussaillement sur le territoire .

Afin de faciliter l'application pragmatique des obligations légales de débroussaillement, sans pour autant en affaiblir la portée, les rapporteurs appellent donc à adapter, sur ce fondement, l'application des débroussaillements selon la nature du risque et la réalité des territoires.

Axe n° 2 - Recommandation n° 19 : Dans l'arrêté préfectoral de définition des obligations légales de débroussaillement, adapter les modalités de mise en oeuvre du débroussaillement selon la nature du risque et la réalité des territoires, comme le permet l'article L. 131-10 du code forestier.

L'article L. 134-16 du code forestier prévoit qu'en cas de mutation , le cédant informe le futur propriétaire de l'obligation de débroussailler ou de maintenir en état débroussaillé, notamment autour des constructions, chantiers ou installations sur une profondeur de 50 mètres au titre de l'article L. 134-6 du code forestier.

Cette disposition pourrait être utilement renforcée, en conditionnant la mutation d'une propriété à la réalisation effective des obligations légales de débroussaillement sur le terrain concerné. Les rapporteurs ne souhaitent toutefois pas conditionner la mutation d'une propriété à la réalisation de l'OLD sur fonds d'autrui, qui peut s'imposer dans les cas où tout ou partie d'une parcelle soumise à obligation de débroussaillement appartient à un propriétaire non tenu à ladite obligation, notamment puisqu'aucune construction, chantier ou installation ne s'y trouve (L. 131-13 du code forestier). Cette obligation serait, à leurs yeux, trop contraignante.

Axe n° 2 - Recommandation n° 20 : Conditionner la mutation d'une propriété à la réalisation des obligations légales de débroussaillement sur le terrain concerné.

Pour inciter à la réalisation des obligations légales de débroussaillement (OLD), un crédit d'impôt sur l'impôt sur le revenu des personnes physiques pourrait par ailleurs être mis en place sur les travaux de débroussaillement réalisés pour se conformer à une OLD.

Axe n° 2 - Recommandation n° 21 : Instaurer un crédit d'impôt pour la réalisation des obligations légales de débroussaillement.

La valorisation systématique des bois et de la végétation issus des travaux de débroussaillement - en bois-énergie lorsque la qualité est suffisante ou, pour le reste, en paillage - constituerait également une incitation à la bonne réalisation des OLD , en créant des revenus qui seraient ainsi déduits du coût du débroussaillement.

Cela supposerait, autant que possible, une réalisation coordonnée des OLD dans un même territoire, confortant plus encore l'intérêt de la stratégie collective concertée à l'échelle des massifs recommandée par les rapporteurs (voir infra ).

Axe n° 2 - Recommandation n° 22 : Valoriser systématiquement les bois et la végétation issus des travaux de débroussaillement, grâce à l'impulsion des communes et des EPCI, qui peuvent coordonner l'action des propriétaires en organisant des travaux collectifs.

En outre, l'article L. 122-8 du code des assurances prévoit que dans le cas où les dommages garantis par un contrat d'assurance procèdent d'un incendie de forêt, l'assureur peut , s'il est établi que l'assuré ne s'est pas conformé aux obligations légales de débroussaillement (OLD) , pratiquer , en sus des franchises prévues le cas échéant au contrat, une franchise supplémentaire d'un montant maximum de 5 000 euros.

Les auditions ont toutefois permis de constater que cette disposition, facultative, n'était pas appliquée aujourd'hui. Le levier assurantiel devrait pourtant être plus largement mobilisé pour inciter les personnes concernées à se conformer à leur obligation légale de débroussaillement.

L'article L. 122-8 du code des assurances devrait donc être ajusté, pour qu' une franchise en cas de non-respect des OLD puisse être imposée par les assureurs en cas de sinistre, cette franchise trop basse devant être accrue au-delà de la limite maximale actuellement prévue par l'article précité (5 000 euros).

À cette fin, les assurances pourraient solliciter auprès de leurs assurés une attestation de conformité délivrée par des entrepreneurs de travaux forestiers certifiés . Dans le cas où le particulier a réalisé lui-même l'OLD, il pourrait lui être demandé d' attester sur l'honneur de sa bonne réalisation, quitte à ce qu'une expertise postérieure à l'incendie vérifie, le cas échéant, la réalité de l'OLD.

Axe n° 2 - Recommandation n° 23 : Rendre la franchise obligatoire dans les contrats d'assurance habitation en cas de non-respect des obligations légales de débroussaillement et accroître son montant au-delà de la limite maximale actuellement prévue.

Enfin, une aggravation des sanctions pénales en cas de non-respect des obligations de débroussaillement serait bienvenue. L'effectivité des sanctions ainsi rehaussées dépendra au final de la capacité à mobiliser en parallèle une « pédagogie des obligations légales de débroussaillement (OLD) » auprès des personnes intéressées, par une information de l'existence de l'obligation, une mise à disposition de conseils personnalisés, ainsi que par la réalisation de contrôles plus réguliers.

La plupart des OLD sont aujourd'hui passibles d'une contravention de 4 e catégorie (jusqu'à 750 euros d'amende avec possibilité d'avoir recours à l'amende forfaitaire de 135 euros). Certaines OLD - afférentes par exemple aux campings, lotissements ou aux zones d'aménagement concerté (ZAC) - relèvent d'ores et déjà de la cinquième catégorie (jusqu'à 1 500 euros d'amende).

Les sanctions pénales relatives aux OLD pourraient donc être uniformisées vers la contravention de cinquième classe, tout en prévoyant, en parallèle, avec la possibilité de recours à une amende forfaitaire de 200 euros.

Axe n° 2 - Recommandation n° 24 : Renforcer les sanctions pénales pour non-respect des obligations légales de débroussaillement, en passant d'une contravention de quatrième catégorie à une contravention de cinquième catégorie tout en permettant de recourir à une amende forfaitaire.

2. Intégrer le risque incendie dans les documents d'urbanisme

La maîtrise de l'urbanisation constitue un second levier essentiel pour mieux réguler les interfaces habitat-forêt et limiter le mitage , afin de réduire la vulnérabilité des personnes et des biens et les départs de feux.

L'outil le plus approprié pour maîtriser l'urbanisation dans les zones particulièrement exposées est aujourd'hui le plan de prévention des risques incendies de forêt (PPRIf) (L. 562-1 du code de l'environnement et L. 131-17 du code forestier).

Élaborés « dans les zones où la protection contre les incendies les rend nécessaires » , les PPRIf visent, au niveau de la commune, à contrôler le développement de l'urbanisation et à prescrire des mesures de prévention , de protection, de réduction de la vulnérabilité et de sauvegarde. Ils comportent un zonage cartographique fin du risque encouru, ainsi qu'un règlement pour chaque zone identifiée. Annexés aux documents d'urbanisme, ils sont opposables aux collectivités et aux particuliers. Les PPFCI comportent souvent une liste les PPRIf déjà prescrits et ceux qu'il faudrait prescrire au vu du risque d'incendies de forêt des communes concernées.

De nombreuses zones particulièrement exposées ne sont malheureusement toujours pas couvertes par un PPRIf, une situation que les services de l'État interrogés par la mission d'information attribuent aux longueurs et difficultés associées à leur élaboration.

Une simplification des modalités d'élaboration des PPRIf paraît donc opportune pour assurer une meilleure couverture des territoires particulièrement exposés par ces plans, qui facilitent, dans les zones où ils sont déployés, la régulation des interfaces habitat-forêt et la lutte contre le mitage.

Les PPRIf existants semblent également trop peu mis à jour. Une simplification des procédures de modification et de révision serait donc également bienvenue , pour mieux adapter ces documents à l'évolution du risque.

Axe n° 2 - Recommandation n° 25 : Étendre plus largement la réalisation des plans deprévention des risques incendies de forêt (PPRIf) dans les territoires particulièrement exposés au risque incendie, par la simplification des modalités d'élaboration, de modification et de révision de ces plans.

Toutefois, la généralisation des PPRIf à l'ensemble des territoires particulièrement exposés au risque incendie (au titre de l'article L. 133-1 du code forestier) et, a fortiori , à ceux simplement exposés au risque incendie (au titre de l'article L. 132-1) ne semble pas proportionnée à l'objectif recherché . Elle n'est, en tout état de cause, pas réaliste , compte tenu des délais et difficultés actuelles associées à l'élaboration de ces plans.

Pour intégrer malgré tout le risque incendie dans les documents d'urbanisme des territoires aujourd'hui non couverts par un PPRIf, l' envoi de « cartes d'aléa », adressées par le préfet aux collectivités territoriales, pourrait être systématisé . Cette pratique, déjà à l'oeuvre dans de nombreux territoires, permet en effet l'information des élus locaux sur tout élément facilitant la caractérisation et la qualification du risque à l'échelle d'une commune. Ces informations peuvent alors être prises en compte dans les schémas de cohérence territoriale (SCOT) et dans les PLU.

Axe n° 2 - Recommandation n° 26 : Systématiser l'envoi de « cartes d'aléas », adressées par le préfet aux collectivités territoriales, dans l'ensemble des territoires exposés au risque incendie et particulièrement exposés au risque incendie.

Dans les zones exposées à l'aléa, une réflexion sur la résistance des bâtiments au feu doit également être menée.

À cet égard, les PPRIf peuvent déjà imposer, dans certaines zones, des mesures de construction, notamment en prescrivant l'utilisation de matériaux ignifuges ou en interdisant des matériaux sensibles aux feux.

Lorsque cela est pertinent, dans les territoires non couverts par un PPRIf mais particulièrement exposés au risque incendie ou simplement exposés au risque incendie au titre du code forestier, des recommandations en matière de mesures de construction pourraient utilement être intégrées dans les documents d'urbanisme.

Axe n° 2 - Recommandation n° 27 : Lorsque cela est pertinent, dans les territoires particulièrement exposés au risque incendie et dans ceux simplement exposés au risque incendie au titre du code forestier, intégrer dans les documents d'urbanisme des recommandations tendant à accroître la résistance des bâtiments aux incendies de forêt.

L' installation d'habitats légers - yourtes, tipis, roulottes, mobil-home, caravanes, cabanes dans les arbres... - au sein ou à proximité des massifs forestiers à risque peut enfin être une source supplémentaire de départs de feux , exposer leurs occupants en cas d'incendie et mobiliser les forces d'intervention à leur protection plutôt qu'à la lutte contre le feu.

Les PPRIf prévoient d'ores et déjà des interdictions d'installations ou de constructions dans les zones les plus exposées au risque.

Cette pratique pourrait être étendue dans les zones non couvertes par un PPRIf, en s'appuyant sur les documents d'urbanisme existants . En outre, les commissions de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers ( CDPENAF ) pourraient établir une doctrine plus stricte pour mieux lutter contre ces habitats légers.

À cette même fin, il convient d'être particulièrement vigilant en matière de défrichement, qui désigne « toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l'état boisé d'un terrain et de mettre fin à sa destination forestière » ou « entraînant indirectement et à terme les mêmes conséquences » (L. 341-1 du code forestier). La consigne devra être donnée aux préfets de se montrer particulièrement stricts dans les refus d'autorisations de défrichement ayant pour but une construction motivés par la prévention du risque incendie (9° de l'article 341-5 du code forestier), ce type de demande restant majoritaire dans un contexte de forte pression foncière. Le rapport interministériel de 2016 sur la DFCI 39 ( * ) recommandait en effet une grande sévérité en la matière.

Axe n° 2 - Recommandation n° 28 : Lutter plus fermement contre l'installation d'habitats légers dans les zones à risque en s'appuyant 1) sur les documents d'urbanisme existants, 2) sur une doctrine plus stricte des commissions de préservation des espaces naturels et forestiers (CDPENAF) et 3) sur une application stricte du refus d'autorisation de défrichement pour l'installation d'habitats dans les zones exposées à l'aléa.

C. GÉRER LA FORÊT : PROMOUVOIR LA SYLVICULTURE FACE AU RISQUE INCENDIE, PREMIER DES PARE-FEUX POUR LA FORÊT PRIVÉE

Lors de son déplacement en Gironde, le président de la République a entretenu une certaine confusion en insistant tout particulièrement sur le rôle de l'ONF alors que l'essentiel des parcelles brûlées étaient à 93 % privées (les 7 % de forêt publique correspondant à 1 100 hectares de forêt domaniale autour de La Teste-de-Buch, et 390 hectares de forêt départementale et 30 hectares de forêt communale autour de Landiras). Les rapporteurs souhaitent rappeler avec force que la forêt privée, représentant 75 % des surfaces boisées au total en France, doit faire l'objet d'une attention particulière, a fortiori si l'on compare le taux de gestion des forêts publiques et des forêts privées et les moyens financiers et humains consacrés respectivement à l'une et à l'autre (cf. infra ).

Une piste évoquée dans de nombreux rapports pour réduire cet écart consisterait à regrouper les deux organismes en un établissement public unique, compétent pour la forêt publique comme pour la forêt privée - ce qui reviendrait de fait à recréer l'administration des Eaux et Forêts qui existait avant 1963 et la création de l'ONF et du CNPF. La nécessité de prendre en compte de façon globale un risque croissant, s'appliquant indifféremment à la forêt publique ou à la forêt privée pourrait justifier une telle réforme, qui dépasse toutefois le cadre de cette mission.

Sans aller jusqu'à plaider pour cette réorganisation institutionnelle, les rapporteurs soulignent que notre pays ne pourra faire l'économie d'une gestion de la forêt privée qui intègre davantage le risque incendie , d'abord par l'identification plus cohérente d'une composante DFCI dans les documents de gestion durable et dans la certification privée, également par un abaissement du seuil obligatoire de réalisation de ces documents de gestion durable et par une incitation à la gestion groupée des parcelles, mais aussi par l'adaptation en conséquence des moyens du CNPF pour l'instruction de ces documents, l'animation territoriale et la prévention du risque incendie.

1. L'intégration plus cohérente du risque incendie dans les documents de gestion durable et dans la certification privée

La politique forestière est déclinée régionalement par les Centres régionaux de la propriété forestière (CRPF) qui, conformément au Programme régional de la forêt et du bois, établissent un schéma régional de gestion sylvicole (SRGS) des bois et forêts des particuliers, document-cadre des documents de la gestion durable au niveau régional. L'article L. 122-3 du code forestier indique que « les documents de gestion sont établis conformément aux directives et schémas régionaux ». Les rapporteurs préconisent donc d'utiliser le levier des SRGS pour orienter les documents de gestion durable vers une meilleure identification du risque incendie et des pratiques susceptibles de le faire diminuer.

Axe n° 3 - Recommandation n° 29 : Confier aux commissions régionales des forêts et du bois le soin d'enrichir les schémas régionaux de gestion sylvicole (SRGS) par des orientations spécifiques au risque incendie (choix des essences, type de gestion...), prescriptrices pour les documents de gestion durable. Faire apparaître de façon plus cohérente ces orientations dans les documents de gestion durable.

La certification gestion durable privée s'appuie en France sur deux organismes disposant chacun de leur référentiel, PEFC et FSC. Ces certifications établissent des obligations de résultat davantage qu'elles ne prescrivent des itinéraires sylvicoles, les propriétaires gardant le choix des moyens à mettre en oeuvre.

PEFC a indiqué à la mission être en phase de révision de son cahier des charges et travailler à l'identification des zones à risque, au travers des PPFCI, sur lesquelles débroussaillement, élagage et préposition de points d'eau devront être mis en oeuvre. Au regard de l'ampleur du risque, les rapporteurs suggèrent d'acter des avancées significatives sur ce point dans le cadre de la 4e révision du schéma français de certification PEFC, et de faire de même à l'occasion de la révision de la certification FSC.

Axe n° 3 - Recommandation n° 30 : Dans le cadre de de la révision des certifications de gestion durable des forêts privées (PEFC / FSC), renforcer dans les meilleurs délais la dimension prévention face au risque incendie dans les référentiels afin d'en faire une composante à part entière de la gestion durable.

2. Augmenter le taux de documents de gestion durable, par un abaissement du seuil obligatoire de réalisation de ces documents et par une incitation à la gestion groupée des parcelles

Avant même l'intégration du risque incendie dans les documents de gestion durable, comme le rappelle la DGPE, « l'étape prioritaire est d'augmenter le taux de documents de gestion durable , très proche de 100 % en forêt publique, mais plus faible en forêt privée. C'est là que l'effort doit porter, ce qui exige des moyens humains d'animation importants et des incitations de toute nature pour les propriétaires . »

Le rapport du CGAAER de 2018 sur la défense des forêts contre l'incendie 40 ( * ) mentionne comme l'un de ses axes prioritaires l'identification des « territoires forestiers où il s'agira d'accroître, en gestion directe ou à travers le regroupement de propriétés forestières, les surfaces bénéficiant d'une gestion forestière durable et d'y mettre en oeuvre une sylviculture conjuguant DFCI, renouvellement des peuplements et valorisation des produits forestiers . »

Les propriétaires de petites parcelles, comprises entre 4 et 25 ha, représentent 11 % des propriétaires forestiers mais près d'un tiers de la surface forestière privée , soit un potentiel de gestion significatif, même si leur exploitabilité est moindre que dans les forêts soumises à l'obligation de document de gestion durable, par nature plus grandes et plus accessibles.

Les plans simples de gestion sont aujourd'hui obligatoires seulement au-dessus de 25 ha, ce qui ne favorise pas la gestion durable de la petite forêt privée (cf. supra ). D'après les données du cadastre, compilées par le Centre national de la propriété forestière (CNPF), s'il devenait obligatoire de réaliser des PSG dès le seuil de 20 ha de parcelles d'un seul tenant , au lieu de 25 ha aujourd'hui, ce sont potentiellement plus de 20 000 propriétaires supplémentaires et près d'un demi-million d'hectares de bois et forêts qui entreraient dans une logique gestion durable et multifonctionnelle des forêts. Cette piste, essentielle, n'est évoquée que timidement dans le rapport de la mission flash de l'Assemblée nationale 41 ( * ) .

Taille des parcelles

Entre 4 à 10 ha

Entre 10 et 15 ha

Entre 15 et 20 ha

Entre 20 et 25 ha

Nombre de propriétaires forestiers

296 143

74 122

37 207

21 893

Surface forestière totale

1,8 million d'hectares

0,9 million d'hectares

0,6 million d'hectares

0,5 million d'hectares

Source : CNPF (2018), d'après les données du cadastre de 2016

Les rapporteurs souhaitent rappeler que l'intérêt des documents de gestion durable est loin de se résumer à l'extraction de bois. Il est plus globalement urgent de sensibiliser les propriétaires à l'intérêt économique et écologique d'entretenir leurs parcelles , mais aussi à la nécessité de prévenir les risques, y compris d'incendie (même si le référentiel des documents de gestion durable pourrait intégrer de façon plus cohérente le risque incendie, voir supra ). La réalisation des documents de gestion durable est une étape clef de la dynamisation de la gestion des espaces forestiers.

Dans un souci d'adaptation de la politique forestière aux réalités des territoires, les rapporteurs souhaitent en outre laisser la possibilité d'aller plus loin régionalement en abaissant le seuil en dessous des 20 hectares prévus nationalement . En fonction de plusieurs critères d'opportunité, parmi lesquels figureraient le potentiel d'exploitation et la prévention des risques, dont le risque incendie, cette décentralisation encadrée permettrait d'inciter davantage à la gestion dans les zones les plus exposées au risque.

Source : Agreste, enquête SFP 2012

Il faut toutefois bien mesurer qu'à mesure que le seuil serait abaissé, le bénéfice de la gestion de la forêt serait décroissant d'un point de vue économique du fait de la faible valeur marchande des petits bois, comme le rappelle l'UCFF. L'abaissement du seuil conserverait son intérêt du point de vue de l'entretien et de l'accessibilité des forêts, s'il est accompagné de moyens ad hoc (cf. infra ).

Axe n° 3 - Recommandation n° 31 : Abaisser le seuil d'obligation d'élaboration de documents de gestion durable pour la forêt privée à 20 hectares (contre 25 aujourd'hui) (500 000 hectares supplémentaires ainsi concernés) et donner la possibilité au préfet de région d'abaisser encore ce seuil, selon l'opportunité, après avis de la commission régionale de la forêt et du bois.

En complément de l'abaissement des seuils qu'elle juge nécessaire, la mission souhaite également augmenter les incitations des propriétaires à se tourner vers la gestion durable. C'est pourquoi elle préconise, dans l'esprit du rapport du CGAAER de 2020 sur ce dispositif, de reconduire le dispositif d'encouragement fiscal (DEFI) en forêt, en particulier sa composante « travaux » (pour le DEFI « assurance », cf. infra ), dont la disparition est programmée au 31 décembre 2022 (article 199 decies H du code général des impôts). Le cas échéant, il pourrait être pertinent d'élargir son périmètre (plafond, taux). Surtout, il paraît essentiel de le pérenniser pour apporter sécurité juridique à ses bénéficiaires, et de maintenir la gestion durable comme condition d'éligibilité, de même que des modalités d'accès plus favorables pour les démarches de gestion groupée.

Axe n° 3 - Recommandation n° 32 : Pérenniser le DEFI (dispositif de défiscalisation des investissements en forêt) et en élargir le périmètre (plafond, taux).

3. Adapter en conséquence les moyens du Centre national de la propriété forestière (CNPF) pour l'instruction des documents de gestion durable, l'animation territoriale et la prévention du risque incendie

Les rapporteurs souhaitent attirer l'attention sur la faiblesse des moyens du CNPF, qui constitue un réel danger pour l'adaptation de la forêt privée à l'extension et l'intensification du risque incendie.

CNPF (forêt privée)

ONF (forêt publique)

Surfaces

environ 12 millions d'ha (75 %)

4,6 millions d'ha (25 %)

Nombre de propriétaires

environ 3,4 millions

environ 15 600

ETPT (programme 149)

337

8 735

Crédits alloués par le programme 149

- crédits/ha

- crédits/propriétaire

environ 15 M€

- 1,25 € / ha

- 4,5 € / propriétaire

environ 200 M€

- 43,5 € / ha

- 960 € / propriétaire

La comparaison avec les moyens de l'ONF est à manier avec beaucoup de précautions, car le périmètre des missions du CNPF et de l'ONF diffèrent : l'ONF a aussi une mission d'exploitation de la forêt domaniale et des collectivités territoriales, en plus des missions de conseil et de développement de la gestion qu'elle exerce en commun avec le CNPF. Aussi convient-il de ne pas tirer de conclusions hâtives sur l'ONF, dont les rapporteurs appellent à stabiliser les effectifs (cf. supra ). La forte disproportion des moyens entre forêt publique et privée est toutefois un bon indicateur de la moindre gestion et du moindre entretien de la forêt privée , contribuant à y accroître le risque d'incendie .

Les rapporteurs ont acquis la conviction que l' agrément par le CNPF était un gage indispensable du sérieux et de la crédibilité des documents de gestion durable. En outre, pour que les PSG conservent leur rôle de dynamisation de la gestion, il n'est pas envisageable de passer d'un agrément a priori à des contrôles aléatoires ex post , sur le modèle de la certification privée.

Par conséquent, des moyens d'instruction supplémentaires seront nécessaires pour le CNPF . D'après les estimations fournies par l'établissement public, il faudrait 25 ETP de permanents dans le plafond d'emploi pour instruire l'agrément de ces nouveaux documents, soit une hausse qui dénote avec la diminution du nombre d'emplois des années passées.

En plus de ces moyens humains supplémentaires, le corollaire à la création d'une rubrique incendie cohérente dans les documents de gestion durable et à l'abaissement du seuil de PSG obligatoire est une réflexion plus globale sur le contenu de ces documents de gestion durable et sur la façon de hiérarchiser l'information, pour mieux faire ressortir l'essentiel de l'accessoire. L'ensemble des gestionnaires forestiers devraient être associés à cette démarche, qui pourrait permettre à la fois un gain de temps et une amélioration de la qualité des descriptions effectuées par les gestionnaires.

En particulier, la télétransmission , à la portée de la quasi-totalité des propriétaires forestiers, est à ce jour très minoritairement utilisée . En retenant des hypothèses très fortes de gains de productivité associés à cette obligation de la télétransmission, le CNPF indique que la hausse d'emplois nécessaire à l'instruction des documents de gestion durable pourrait être limitée à 10 ETP.

La télétransmission faciliterait notamment la révision des PSG via des avenants. Il pourrait ainsi être envisagé d'instaurer une procédure simplifiée de révision en cas de crise ou de sinistre (incendie, tempête, parasites...), qui devrait rester suffisamment rigoureux pour ne pas faire l'objet d'un contournement.

Axe n° 3 - Recommandation n° 33 : Adapter les effectifs du Centre national de la propriété forestière (CNPF), chargé de l'agrément des documents de gestion durable, hiérarchiser le contenu de ces derniers et généraliser la télédéclaration pour réduire les délais d'instruction.

Quelles que soient les incitations à s'inscrire dans la gestion durable, celle-ci ne sera néanmoins utile pour améliorer l'accès des parcelles et réduire le combustible, que si elle est prolongée sur le terrain par un accroissement des moyens d'animation du CNPF.

Un moyen intéressant et souple de dynamiser la gestion serait de généraliser les visites à mi-parcours , cette rencontre avec les propriétaires étant souvent un moment très apprécié et de prise de conscience, pour le propriétaire, de l'intérêt d'une gestion sylvicole de sa parcelle.

Axe n° 3 - Recommandation n° 34 : Augmenter les moyens du CNPF sur le terrain pour dynamiser et regrouper la gestion, notamment pour les parcelles en dessous des seuils obligatoires d'élaboration de documents gestion durable. Développer les « visites à mi-parcours » (8 à 12 ans) des documents de gestion durable afin de dynamiser la gestion forestière.

Sur le modèle des experts de l'agence DFCI de l'ONF, mais en gardant une structure institutionnelle souple et adaptative, un réseau d'experts DFCI pourrait être mis en place , avec le recrutement d'un correspondant au sein de chaque Centre régional de la propriété forestière (CRPF) . Selon le CNPF, la formalisation d'un tel réseau, pour être efficace, devrait être complétée « par une animation nationale, pour permettre les échanges et la capitalisation de l'expérience ». Ces experts seraient chargés de conseiller les propriétaires forestiers dans des choix de sylviculture et dans la réalisation d'aménagements permettant de défendre la forêt contre les incendies. Menant aussi des actions de communication sur l'utilité de la gestion forestière dans la prévention du risque incendie, ce réseau aurait l'avantage d' acclimater les propriétaires forestiers à l'extension du risque dans des territoires traditionnellement peu exposés . Enfin, ces référents pourraient être chargés du dialogue avec les SDIS, par exemple dans l'amélioration des synergies entre desserte forestière et pistes DFCI (cf. infra ).

Axe n° 3 - Recommandation n° 35 : Dans le but de constituer une culture commune du feu, créer des postes supplémentaires de référent risque incendie au sein de chaque Centre régional de la propriété forestière (CRPF).

D. AMÉNAGER ET VALORISER LA FORÊT : APPRÉHENDER LA DÉFENSE DES FORÊTS CONTRE L'INCENDIE À L'ÉCHELLE DU MASSIF

1. Planifier et financer l'aménagement de la forêt

Dans la continuité du rapport interministériel de 2016 sur la DFCI 42 ( * ) , les rapporteurs préconisent en outre de développer une approche préventive par massif forestier afin de décliner la politique de DFCI au sein d'une unité cohérente .

La prise en compte de la réalité des massifs n'est certes pas exclue dans l'élaboration et la mise en oeuvre des PPFCI départementaux ou interdépartementaux ; l'article L. 133-2 du code forestier prévoit ainsi que le préfet élabore le plan en « définissant des priorités par territoire constitué de massifs ou de parties de massif ».

En dépit de cette possibilité et de la pertinence de cette échelle, l'approche par massif reste pourtant l'exception . L'adaptation de la politique préventive à la réalité territoriale mériterait donc d'être renforcée, par la déclinaison des PPFCI au niveau des massifs, ce qui peut aussi bien être pertinent à un niveau intercommunal (en donnant de la force juridique à un PIDAF existant via le PPFFCI) ou à un niveau interdépartemental (par exemple dans le massif des Landes de Gascogne, sur trois départements).

Ces plans de massifs pourraient être intégrés dans le plan départemental ou élaborés ultérieurement . Chacun de ces plans de massif serait élaboré progressivement pendant la durée de validité du PPFCI en impliquant l'ensemble des acteurs concernés. Chaque plan de massif présenterait un diagnostic et un échéancier pour la réalisation des équipements et des actions de protection contre l'incendie spécifique à ce massif, en analysant les signaux faibles de l'émergence du risque incendie et en graduant la réponse en fonction des versants (nord ou sud).

Une telle démarche a déjà été engagée dans certains territoires , comme dans le Gard, où les plans de massifs font partie intégrante du PPFCI. Elle pourrait maintenant être étendue dans les territoires particulièrement exposés au risque d'incendie, pour lesquels un PPFCI est obligatoire, mais pourrait également avoir du sens dans les territoires simplement classés à risque.

Quelle que soit l'échelle retenue, il est essentiel d'associer effectivement les élus locaux à l'élaboration du PPFCI, sans quoi il ne sera pas un document vivant, que les territoires peuvent s'approprier dans la mise en oeuvre. La FNCOFOR indique en effet que l'« on assiste à des situations très hétérogènes dans les départements avec des concertations larges et effectives dans certains départements et l'absence de sollicitation des communes forestières dans d'autres ».

C'est pourquoi la cohérence avec les chartes forestières de territoire ou les plans de développement de massif devrait être recherchée dès que cela est possible. Il s'agit de démarches, portées par les élus locaux, de concertation et d'animation dans le but d'améliorer la valorisation de la forêt et l'approvisionnement de la filière, ce qui peut constituer une source de financement.

Axe n° 4 - Recommandation n° 36 : Pour mieux adapter la gestion du risque aux réalités territoriales et assurer une meilleure association des élus locaux à la politique de DFCI, promouvoir une approche préventive par massif, en déclinant les PPFCI départementaux ou interdépartementaux au niveau des massifs, en recherchant les synergies avec les stratégies locales de développement forestier (SLDF).

Les collectivités territoriales jouent d'ores et déjà un rôle important en matière de DFCI en cofinançant certaines actions et, en particulier pour les EPCI et les communes, en étant maître d'ouvrage.

Autorité de gestion du FEADER, la région mobilise des fonds européens pour la DFCI (mesure 8.3.1) avec des taux de co-financement importants. À titre d'exemple, la région sud a présenté aux rapporteurs des projets cofinancés à 80 % (travaux et équipements, tels que tours de guet, point d'eau ou pistes) ou à 40 % (études préalables aux travaux, établissement de servitudes sur les pistes) par le FEADER.

Source : service forêt-bois de la région Sud

Les actions préventives, en particulier celles concourant à l'entretien et l'élaboration de pistes DFCI, souffrent néanmoins de financements insuffisants dans de nombreux territoires.

Les PPFCI, en tant que document de planification locale de la prévention, devraient donc être davantage utilisés pour identifier et mobiliser des fonds publics comme privés, à l'instar de ce qui existe dans le massif des Landes de Gascogne avec la cotisation DFCI, de fait obligatoire.

Dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune, la compétence FEADER en matière de DFCI sera intégralement transférée à l'échelon régional au 1 er janvier 2023. Les régions devront donc être mieux associées à la démarche initiée par les PPFCI, afin notamment de faciliter la mobilisation des fonds européens existants pour la prévention du risque incendie en forêt.

L'échelon national, autour de l'agence spécialisée DFCI de l'ONF, située à Aix-en-Provence et des nouveaux référents incendie des CRPF, pourront utilement conseiller ces acteurs locaux.

Axe n° 4 - Recommandation n° 37 : Dans le cadre du PPFCI, identifier et mobiliser les sources de financement, publiques et privées, pour l'entretien et l'élaboration de pistes DFCI. Associer les régions à cette démarche, afin notamment de faciliter la mobilisation des fonds européens.

Toujours dans la même logique de donner des outils supplémentaires aux collectivités en matière de DFCI, en l'occurrence grâce à des acquisitions foncière et forestière, les communes pourraient se voir confier un droit de préemption sur des parcelles forestières en dessous d'un certain seuil, lorsque la non-gestion constatée est facteur de risque d'incendie.

Il faudrait, à l'instar de la préemption pour le bâti, que la commune soit en mesure de démontrer l'existence d'un projet antérieur de valorisation à but de DFCI (équipements ou autre valorisation) (soit dans un PPFCI, soit dans un PPRiF, un PIDAF, un SDACR ou un document d'urbanisme) et qu'elle s'engage à gérer plus activement cette parcelle, qui ne changerait pas de destination forestière.

La préemption donnerait lieu à l'intégration de ladite parcelle au régime forestier et serait classée en zone boisée - de ce fait, la parcelle serait inaliénable et sa destination forestière garantie, face à la pression urbaine, en particulier au développement de l'habitat illégal.

La FNCOFOR est en demande de longue date d'un tel droit de préemption, dans un contexte de fort morcellement du foncier forestier. Cette possibilité serait en l'occurrence cantonnée à son seul objet de défense des forêts contre l'incendie.

Axe n° 4 - Recommandation n° 38 : Instaurer un droit de préemption des parcelles forestières non dotées d'un document de gestion durable et présentant un enjeu au regard de la défense des forêts contre l'incendie au profit des communes, en particulier dans les zones péri-urbaines, dès lors que ces parcelles ont été préalablement identifiées comme telles, que la commune est en mesure de justifier son acquisition par un projet de gestion forestière et qu'elle s'engage à intégrer la parcelle au régime forestier.

2. Améliorer les synergies entre défense des forêts contre l'incendie et valorisation de la forêt

Le colonel Allione, président de la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) a exposé lors de la table ronde devant les deux commissions réunies que pour protéger la forêt contre l'incendie, « le vrai sujet est l'exploitation et la rentabilité des massifs . Il faut prendre en compte la parole de ceux qui vivent de ces massifs, et en particulier du monde agricole. L'exploitation touristique n'est pas suffisante pour que nos forêts soient rentables, et il faut une exploitation agricole. Il faut trouver des débouchés, mettre en place des filières, pour que la forêt soit valorisée et entretenue 43 ( * ) . »

Les rapporteurs insistent sur la nécessité d'une économie liée à la forêt et à la filière bois pour pérenniser la politique de DFCI, qui repose aujourd'hui essentiellement sur des subventions publiques. Cette économie forestière permettant d'inciter à l'entretien des forêts par un autre levier que celui des dépenses publiques peut par exemple passer par la constitution d'associations syndicales libres de gestion forestière (ASLGF) (article L. 332-3 du code forestier), comme cela a par exemple été décidé dans le Var, à la suite des incendies de 1989, au travers de la création de l'ASLGF Suberaie Varoise 44 ( * ) .

De façon plus structurante encore pour un territoire, l'outil Stratégies locales de développement forestier (SLDF) , qui peut prendre la forme de chartes forestières de territoire ou de plans de développement de massif, peut être mobilisé à cette fin de réduction du risque incendie. La volonté politique pouvant catalyser les énergies, il convient pour garantir le succès de cette démarche, de s'assurer que des élus locaux soient pilotes, quel que soit l'échelon. La mobilisation des SLDF aux fins d'amélioration de la connaissance du massif et des risques existants est particulièrement urgente dans le sud de la France, où la gestion de la forêt est minimale et le risque incendie maximal.

Axe n° 4 - Recommandation n° 39 : Intégrer aux objectifs des stratégies locales de développement forestier (SLDF) - chartes forestières de territoire ou plans de massifs -, la prévention du risque incendie, aujourd'hui absente, afin de faire de la structuration de filières en circuits courts un atout dans la connaissance et la gestion des massifs.

Les pistes DFCI ont à la fois un rôle de voie d'accès sécurisée pour les forces de lutte et de coupure de combustible. Ces pistes présentent des synergies importantes avec les schémas de desserte nécessaires à l'extraction du bois et à son entreposement, qui pourraient être développées en prévoyant une meilleure articulation entre les stratégies des CRPF et des SDIS, via un cahier des charges commun à respecter dans l'élaboration de ces voies d'accès (le cas échéant, élargissement du gabarit de la piste, conditions de son utilisation...)

Un avis consultatif des SDIS pourrait être prévu sur les schémas de desserte collectifs - mais pas sur la desserte individuelle, sans quoi les SDIS seraient rapidement submergés de demandes sans pour autant améliorer leur visibilité d'ensemble sur le massif.

Axe n° 4 - Recommandation n° 40 : Afin de favoriser les synergies entre voies d'accès à la forêt et pistes DFCI, prévoir un cahier des charges SDIS-CRPF. Prévoir un avis consultatif des SDIS dans l'élaboration des schémas de desserte forestière collectifs par les Commissions régionales de la forêt et du bois.

Dans le même esprit, il serait pertinent de cartographier avec réalisme et pragmatisme le réseau des pistes de défense des forêts contre l'incendie et de la desserte forestière, afin de cibler prioritairement les travaux d'entretien et de remise en état sur les zones les moins desservies et accessibles.

À titre d'exemple, le plan de protection des forêts contre les incendies du Var mentionne l'existence d'une base de données départementale DFCI mais souligne qu'elle « inclut de nombreuses voies qui ne sont pas réellement praticables par la plupart des véhicules de secours, faussant les ratios obtenus » et, en sens inverse, indique que « des pistes recensées comme n'apparaissant pas aux normes du fait de leur largeur » pourraient utilement être incluses. En outre, il ne semble pas que cette cartographie soit croisée de façon systématique avec celle de la desserte forestière.

Cette cartographie qualitative et croisée permettrait en outre de mettre en regard ces deux réseaux pour déterminer les doubles usages possibles. Au demeurant, elle inciterait à concentrer les efforts sur l'entretien des pistes existantes, trop souvent abandonnées faute de moyens, plutôt que d'ouvrir de nouvelles pistes n'étant pas nécessairement situées à des endroits stratégiques.

Axe n° 4 - Recommandation n° 41 : Établir une cartographie des synergies actuelles et potentielles de la desserte forestière et des voies de défense des forêts contre l'incendie au niveau régional.

3. Concilier défense des forêts contre l'incendie et protection de la biodiversité

D'après la mission d'appui à la réserve naturelle nationale (RNN) de la plaine des Maures 45 ( * ) , l'incendie de Gonfaron, qui a brûlé 52 % de la RNN, s'est déclenché en août 2021 dans un contexte où les collectivités territoriales avaient cessé l'entretien des ouvrages DFCI, à la suite d'une verbalisation de leurs maîtres d'oeuvre.

La police de l'environnement est généralement du ressort de l'OFB, mais est aussi mise en oeuvre par les autorités de gestion des aires protégées. Le rapport met en évidence « une place de l'activité de police de plus en plus prédominante » , représentant 70 % de l'activité des agents de la réserve, avec une importante progression des infractions à partir dans la période récente.

Donnant l'exemple d'exploitations viticoles lourdement sanctionnées, la mission juge dans l'ensemble cette action de police « justifiée et volontariste au regard d'atteintes majeures à l'environnement » .

Elle observe toutefois une « nette propension, ces cinq dernières années, à privilégier la sanction aux dépens de l'information ou de l'avertissement », le champ de ce dernier ayant été restreint, « laissant peu de place à l'interprétation, à la nuance et au discernement, en prévoyant des critères qui conditionnent mécaniquement les suites données aux infractions » . Dans le même temps, les efforts de pédagogie et de sensibilisation semblent avoir cessé peu à peu.

Afin de sécuriser les acteurs de la DFCI, il serait intéressant de s'assurer de l'harmonisation et de la gradation des sanctions sur un territoire et au-delà, par une instruction aux parquets. La révision des orientations de la police de l'environnement (stratégie nationale de contrôle de l'OFB) pourrait aller dans ce sens. Les missions interservices de l'eau et de la nature (MISEN) pourraient en outre renforcer leur rôle de coordination avec les juges et avec les gestionnaires d'aires protégées, en donnant la consigne de recourir davantage à la pédagogie, de graduer la sanction en fonction de l'importance des enjeux et de bien intégrer les feux dans leur appréciation globale des risques encourus par la biodiversité.

Axe n° 4 - Recommandation n° 42 : Adresser une instruction générale aux parquets pour une meilleure conciliation entre DFCI et biodiversité dans le prononcé des sanctions en matière d'atteintes à la biodiversité. À l'occasion de la révision prévue de la Stratégie nationale de contrôle de l'OFB, intégrer davantage la prise en compte de la prévention du risque incendie.

S'agissant plus particulièrement de la conciliation de cette politique avec la défense des forêts contre l'incendie, le SDIS du Var a indiqué à la mission CGEDD sur la réserve naturelle de la plaine des Maures : « la force et la dimension de l'incendie étaient si importantes que l'état des ouvrages de DFCI dans la RNN n'est pas responsable de l'ampleur de l'aléa » .

Davantage qu'ils n'auraient permis de stopper la propagation de l'incendie, ces ouvrages DFCI auraient sans doute limité le risque. Une polémique similaire à celle de la plaine des Maures s'est fait jour dans la forêt usagère de La Teste-de-Buch, où l'élargissement des pistes de DFCI pour laisser passer les camions de pompiers avait fait l'objet d'un recours devant le tribunal administratif de Bordeaux en janvier 2021. Il est trop tôt pour déterminer avec précision l'influence du non-élargissement des pistes de DFCI dans la dynamique du feu et dans la capacité d'intervention des sapeurs-pompiers. Cela n'empêche pas de regretter ces signaux contradictoires dans un contexte où les politiques de prévention sont insuffisantes.

La mission conjointe CGAAER/CGEDD sur l'articulation des politiques publiques avec la DFCI doit remettre ses travaux en décembre prochain, sous l'angle très ciblé de la conciliation, sur le terrain, au quotidien, entre différentes réglementations.

Dans l'attente de ces travaux, pour éviter les impasses et les blocages, les rapporteurs invitent à prévenir en amont les conflits de normes entre code forestier et code de l'environnement par un dialogue renforcé et une approche interministérielle, aussi bien au niveau national que local. Tous les dix ans lors de son élaboration, et lors de l'évaluation plus fréquente de ce document préconisée supra , l'outil PPFCI offre une enceinte privilégiée pour ce dialogue territorial, qui plus est dans sa déclinaison opérationnelle à l'échelle du massif. La programmation doit permettre d'éviter les situations de blocage en anticipant les éventuels conflits et en les réglant par le dialogue.

En tout état de cause, les rapporteurs appellent à clarifier le droit existant par la rédaction d'une instruction technique à destination des préfets. Cette instruction devrait préciser les conditions par lesquelles, en cas de conflit persistant entre DFCI et protection de la biodiversité, la protection contre l'incendie devrait être priorisée dans les zones particulièrement exposées, compte tenu de l'impact encore plus grand des feux sur la biodiversité.

Axe n° 4 - Recommandation n° 43 : Clarifier le droit existant, par une instruction technique adressée aux préfets, pour qu'en cas de conflit entre la défense des forêts contre l'incendie (DFCI) et la protection de la biodiversité, la première soit priorisée dans les zones particulièrement exposées au risque incendie. Associer en amont l'ensemble des parties prenantes à l'élaboration de cette politique intégrée de gestion du risque, afin d'anticiper les oppositions et de trouver des solutions territoriales et pragmatiques.

L'intégration de la politique de DFCI au sein même des plans de gestion des aires protégées doit enfin être systématisée, afin de faire en sorte que les gestionnaires prennent en compte cette contrainte dans leurs orientations. Sur recommandation de la mission d'inspection du CGEDD sur la plaine des Maures, le nouveau gestionnaire de la réserve naturelle nationale est ainsi choisi à travers un appel à projet qui fait de la DFCI un critère déterminant de sélection.

Ainsi, le délégué ministériel à la forêt et au bois a donné l'exemple du parc national de Port-Cros, qui a fait du risque incendie sa grande cause depuis 2022, autour de trois axes :

- sensibiliser les visiteurs aux risques et rappeler la réglementation ;

- limiter le risque en maîtrisant le couvert végétal ( via le recours au pastoralisme) ;

- faciliter l'intervention des secours en cas d'incendie.

Cet exemple démontre que la conciliation entre DFCI et protection de la biodiversité est non seulement indispensable, mais surtout possible.

Axe n° 4 - Recommandation n° 44 : À l'occasion de l'élaboration ou de la révision des plans de gestion des aires protégées, intégrer les enjeux relatifs à la prévention du risque incendie.

E. MOBILISER LE MONDE AGRICOLE : RENFORCER LES SYNERGIES ENTRE PRATIQUES AGRICOLES ET PRÉVENTION DU RISQUE INCENDIE

L'articulation des espaces et des pratiques agricoles avec le risque feux de forêt est double :

• d'une part, les terres agricoles et les activités associées jouent moins que par le passé leur rôle de coupure de végétation et de cloisonnement des espaces forestiers (cf. supra ) ;

• d'autre part, on observe de plus en plus une intégration du risque feux de forêt avec les feux de récolte et les feux de friche .

Dans cette double logique, la mobilisation du monde agricole constitue donc, aux yeux des rapporteurs, un axe essentiel de prévention du risque incendie.

1. Restaurer le rôle de pare-feu des activités agricoles et pastorales

Certaines activités agricoles et pastorales pourraient jouer un rôle accru face au risque incendie, dans l'esprit de la « ligne Maginot » de la gestion des espaces forestiers et naturels imaginée il y a plus de vingt ans dans le rapport Bianco (cf. supra ). Depuis lors, l'agrosylvopastoralisme a poursuivi au contraire sa tendance à la baisse des effectifs (par exemple, - 13 % de pasteurs dans les Pyrénées dans la décennie 2000).

Les dispositions de la loi d'orientation sur la forêt n° 2001-602 du 9 juillet 2001 permettant à l'autorité administrative de prescrire une valorisation agricole ou pastorale sur une parcelle d'intérêt stratégique pour la DFCI (article L. 133-9 et L. 133-10 du code forestier) n'ont pas fourni un cadre suffisamment attractif et sécurisant pour que les activités pastorales en bénéficient réellement.

D'après l'Association française de pastoralisme, la contrainte n'est pas une solution, tous les acteurs devant y trouver leur compte : les pasteurs ont besoin d'une taille critique et de limiter les conflits d'usage, et les propriétaires d'un débroussaillement suffisamment complet de leurs parcelles pour une protection contre le risque incendie sans pression excessive sur le milieu.

La conciliation de ces objectifs doit être formalisée au moyen d'une convention, de préférence pluriannuelle pour assurer une cohérence dans le temps et garantir un accès pendant une durée suffisamment longue sans crainte d'une remise en cause à tout moment.

Dans les régions Sud et Occitanie, de tels contrats de coupures de combustible sont nombreux, comme par exemple dans le camp militaire de Canjuers dans le Var ou dans le cadre du PIDAF du golfe de Saint-Tropez.

Ces contrats doivent être pérennisés dans les territoires où ils ont été développés et, en tant que de besoin, dans de nouvelles zones exposées au risque. Ils pourraient être étendus à d'autres productions agricoles (ex. viticulture), pour autant que ces productions soient peu conductrices de l'incendie.

Axe n° 5 - Recommandation n° 45 : Favoriser la mobilisation des activités agricoles comme pare-feux naturels en finançant les agriculteurs pour les services environnementaux ainsi rendus :

- par une pérennisation des contrats d'entretien de « coupures de combustible », finançant des exploitations pastorales depuis plus de trente ans en région Sud et Occitanie ;

- en étendant ces contrats à d'autres productions agricoles (ex. viticulture), pour autant que ces productions soient peu conductrices de l'incendie.

Reconnu pour son service rendu à la défense des forêts contre l'incendie, le sylvopastoralisme fait historiquement l'objet de financements du FEADER à ce titre. Chambres d'agriculture France déplore cependant dans sa contribution écrite aux rapporteurs l'« affaiblissement des mesures d'incitation au pastoralisme dans les dernières programmations PAC », constatant que les MAEC sont de moins en moins adaptées à cette activité et rémunératrices. Il est essentiel de sécuriser le co-financement européen des activités pastorales, qui ensuite par un effet de levier permet de mobiliser les subventions des collectivités territoriales. Ces aides publiques permettent de compenser des activités agricoles utiles, mais dont la pérennité serait sans cela menacée en raison d'un manque chronique de rentabilité .

Par ailleurs, les autres types de culture, et en particulier la viticulture, ne sont pas reconnus pour leur utilité DFCI dans le cadre des MAEC, alors que leur intérêt comme pare-feu, lorsque les inter-rangs ne sont pas enherbés, a été confirmé par plusieurs études .

Axe n° 5 - Recommandation n° 46 : Orienter des moyens de prévention locaux, nationaux et européens. À ce titre, mobiliser des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) de la PAC pour cofinancer ce mode agricole ou pastoral de prévention.

2. Concilier fermeté et ouverture en matière de défrichement

Le défrichement est soumis à un régime d'autorisation administrative préalable (art. L. 341-1 à L. 341-10 du code forestier), qui connaît plusieurs dérogations, notamment à but de DFCI.

Dans un contexte de progression des surfaces forestières, sans aller jusqu'à prôner une présomption d'utilité DFCI pour toute opération de valorisation agricole ou pastorale, il pourrait être envisagé de minorer par défaut le coefficient de surface à replanter (ou d'indemnité compensatrice, prévue à l'article L. 341-6 du code forestier), dès lors que les surfaces défrichées sont pré-identifiées dans un PPFCI , et donc reconnues à ce titre comme nécessaires à la DFCI.

Axe n° 5 - Recommandation n° 47 : Sous certaines conditions, minorer par défaut le coefficient de superficie à compenser ou d'indemnité de défrichement (article L. 341-6 du code forestier), dans le cas de défrichement de ces surfaces à but agricole ou pastoral.

Traditionnellement réticents à l'égard d'éventuelles dérogations à l'indemnité de défrichement, les forestiers (syndicats de propriétaires ou administration) craignent d'introduire une brèche dans ce dispositif de protection des espaces boisés. À ces préoccupations partagées par les rapporteurs, ces derniers répondent d'abord que la perte de surface forestière sera strictement proportionnée à l'objectif recherché, celui de protéger d'une destruction des espaces forestiers encore plus significative, causée par les incendies .

En outre, dans un souci d'équilibre, les rapporteurs souhaitent proposer deux mesures complémentaires à même d'en améliorer l'acceptabilité par le monde forestier tout en réduisant encore davantage le risque d'incendie :

- la première est de donner consigne au préfet de faire preuve de fermeté dans les refus , motivés par la prévention du risque incendie, d'autorisations de défrichements qui auraient pour but la construction d'habitations (cf. supra ) ;

- la seconde est de déplafonner l'affectation de l'indemnité de défrichement au Fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB), l'article 46 de la loi n° 2011-1977 de finances pour 2012 établissant un plafond à 2 M€/an, au-dessus duquel les sommes sont reversées au budget général de l'État, alors que le produit de cette indemnité dépasse en moyenne 4 M€. Le FSFB finance en particulier le développement de la desserte forestière privée ou des collectivités pour faciliter l'accès aux massifs, l'amélioration des peuplements à faible valeur économique, notamment dépérissants, l'appui aux stratégies locales de développement forestier, la gestion groupée des parcelles et la reconstitution des peuplements scolytés ; il contribue, de ce fait, à la prévention du risque d'incendie. Il pourrait être opportun de lui confier explicitement la mission de rechercher les synergies entre sa dimension d'abord économique et la défense des forêts contre l'incendie (DFCI).

Axe n° 5 - Recommandation n° 48 : Affecter intégralement l'indemnité de défrichement, aujourd'hui reversée au budget général au-dessus d'un plafond de 2 M€, au Fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB). Confier au FSFB la mission de rechercher des synergies entre la desserte forestière et la défense des forêts des incendies.

3. Appréhender de façon intégrée le risque feux agricoles et de forêt

De plus en plus, les feux de forêt sont intégrés à de plus grands espaces et à leurs interfaces, si bien que des interlocuteurs de la mission de contrôle ont plusieurs fois invité les rapporteurs à parler de feux de forêt, de végétation et de terres agricoles. S'appuyant sur ces observations, les rapporteurs ont donc proposé de développer une vision intégrée du risque, en étendant la politique de défense des forêts contre les incendies (DFCI) aux surfaces de végétation et aux surfaces agricoles par leur inclusion au périmètre des PPFCI (voir supra ) .

Dans le même état d'esprit, les rapporteurs préconisent de renforcer la sensibilisation des acteurs agricoles pour limiter les départs de feux sur des surfaces non boisées. Des bonnes pratiques, relayées notamment par le SDIS de Haute-Saône, ont été portées à la connaissance de la mission et pourraient être utilement répliquées dans d'autres territoires.

Il ne s'agit bien entendu pas de gêner le développement de l'activité agricole, mais de réduire les risques associés, en adaptant le matériel et l'organisation des activités agricoles, par des recommandations que pourraient endosser Chambres d'agriculture France et les SDIS, en début de campagne , telles que :

• réaliser des moissons en parcellisant le terrain par des bandes pare-feux au cours des opérations ;

• prévoir un équipement en eau à proximité ou à bord du véhicule pour éteindre tout départ d'incendie ;

• souffler les moissonneuses avec un compresseur pour éviter l'encrassement et le risque d'étincelle - cette démarche pouvant en outre donner droit à des baisses de tarif d'assurance.

Le SDIS 70 a ainsi insisté sur l'intérêt du dialogue et de la sensibilisation, qui devraient toujours être envisagées avant d'éventuelles mesures prescriptives.

Source : SDIS de Haute-Saône

Axe n° 5 - Recommandation n° 49 : Renforcer la sensibilisation des acteurs agricoles pour limiter les départs de feux sur des surfaces non boisées.

Des mesures prescriptives peuvent toutefois être envisagées ponctuellement.

Ainsi, une attention particulière devrait être portée à l'état du matériel agricole - et en particulier des moissonneuses-batteuses et des ramasseuses-presses, utilisées en pleine période estivale lorsque la sensibilité au feu est la plus forte, et de façon souvent prolongée au cours d'une même journée. Si l'évolution de l'aléa feux de forêt venait à le justifier, il pourrait être envisagé de rendre obligatoire, dans les départements les plus exposés, un contrôle technique avant la saison des feux, afin d'évaluer l'état du matériel et, potentiellement, de prescrire des réparations ou de la maintenance.

Il pourrait en outre être envisagé, en cas de forte chaleur et en période à risque, de prescrire les travaux de moisson la nuit.

Il convient au préalable de s'assurer de la possibilité d'effectuer des travaux agricoles la nuit. La presse quotidienne régionale s'est ainsi fait l'écho en juin 2022 de l'émoi suscité par un arrêté préfectoral en Vendée limitant les horaires des récoltes en raison des bruits de voisinage occasionnés.

Il faut ensuite rappeler que le préfet peut déjà prendre de telles mesures au nom de l'ordre public, mais l'identification explicite d'une telle possibilité dans le droit permettrait en outre de renforcer la visibilité de la mesure et de faire de la pédagogie.

Une compensation, dans un cadre interprofessionnel ou dans le cadre de la solidarité nationale, pourrait être envisagée dans les cas où les prescriptions du préfet entraîneraient une perte de revenus ou une augmentation de charges pour les exploitants agricoles. Cela pourrait être le cas par exemple lorsque l'hygrométrie trop élevée est source de moisissures - ce dont les rapporteurs doutent pour le blé ou l'orge en période de canicule ou de vent important - ou pour compenser une augmentation de charges sociales liée au travail de nuit.

Cette compensation ne saurait être automatique, au risque sinon de créer un effet d'aubaine, dans la mesure où ces travaux sont d'ores et déjà parfois réalisés la nuit pour des raisons de continuité du travail ou pour éviter la chaleur.

Axe n° 5 - Recommandation n° 50 : En concertation avec les organisations de producteurs, donner la possibilité pour le préfet de prescrire la réalisation des travaux agricoles (en particulier moissons) la nuit en période de forts risques d'incendies. Sous certaines conditions (perte de revenus ou augmentation de charges), envisager une compensation à destination des agriculteurs.

Dans les zones particulièrement exposées au risque incendie ou lorsqu'un PPFCI identifie des interfaces stratégiques dans la défense des forêts contre l'incendie, le préfet pourrait prescrire une bande pare-feu sur la parcelle agricole tant afin de protéger la parcelle agricole de la forêt, qu'afin de protéger la forêt de la parcelle agricole.

Axe n° 5 - Recommandation n° 51 : Permettre au préfet de prescrire, selon les conditions locales, des coupures sur les terres agricoles aux interfaces avec la forêt.

F. SENSIBILISER : RENFORCER LA PRISE DE CONSCIENCE, EN MOBILISANT UNE LARGE PALETTE D'OUTILS, ALLANT DE LA COMMUNICATION À LA RÉPRESSION

1. Renforcer la prise de conscience par une communication d'envergure, à la hauteur des moyens mobilisés pour d'autres causes nationales

À la différence de l'Amérique du Nord, où 4 feux sur 10 sont d'origine naturelle (impacts de foudre sur l'humus), le facteur anthropique est prépondérant en Europe dans le déclenchement des incendies : en France, 9 feux sur 10 sont d'origine humaine, et 7 sur 10 à l'imprudence humaine .

Dans ce contexte, une campagne nationale de sensibilisation et de prévention des risques de feux de forêt et de végétation, intitulée « Alerte Feux de forêt : adoptons les bons gestes » a été lancée sous l'égide des ministères compétents en la matière - MTECT, MASA, ministère de l'intérieur, avec l'appui de l'ONF et de Météo-France. Elle allie à une identité visuelle forte , des messages percutants et une tonalité publicitaire pour marquer les esprits, y compris ceux des plus jeunes, sur les bons réflexes à cultiver (barbecue, mégot, matériel pouvant provoquer des étincelles ou dégager de la chaleur).

Source : ONF

En outre, au-delà des messages de sensibilisation sur les pratiques et comportements à risque, il convient de sensibiliser à plus grande échelle sur l'intérêt des mesures de prévention, qui souffrent à ce jour d'un déficit de visibilité par rapport aux actions de lutte, souvent médiatiques . À cette fin, de la même manière que le préfet participe à l'ouverture de la saison des feux avant l'été, il pourrait être intéressant de procéder à une communication sur la « saison de la prévention », en montrant concrètement en quoi consiste un débroussaillement dans les normes. Cela devrait se faire en présence des élus, qui doivent être sensibilisés et formés , y compris dans les zones aujourd'hui peu exposées, et qui pourraient ensuite être le relais de ces bonnes pratiques .

Axe n° 6 - Recommandation n° 52 : Renforcer très largement les moyens alloués à la communication, à la hauteur des moyens mobilisés pour d'autres causes nationales (ex. sécurité routière), et prévoir autour du préfet et des élus une communication à l'automne et à l'hiver sur les actes de prévention, notamment en matière de débroussaillement.

L'accroissement des moyens alloués à la communication doit aller de pair avec une meilleure coordination des campagnes menées.

Portée par de nombreux acteurs, la sensibilisation des populations souffre encore d'une trop grande hétérogénéité dans les messages relayés auprès des populations, sur la forme comme sur le fond.

L'impact de la communication serait pourtant accru si le public identifiait des slogans et des signes visuels uniformisés sur l'ensemble du territoire national, ou à défaut, d'une zone de défense incendie (Sud-Est, Sud-Ouest...).

Les rapporteurs ne peuvent donc que souligner la pertinence de la recommandation du rapport DFCI de 2016, qui proposait aux trois ministères concernés par la politique de défense contre les incendies d'édicter, par une circulaire commune, les principes généraux de communication à respecter par tous, dans le but de renforcer l'impact des messages en direction des habitants et des touristes.

Cet effort d'uniformisation n'empêche pas le ciblage de la communication sur certains publics . Lors de leur déplacement en région Sud, les rapporteurs ont ainsi pu prendre connaissance du catalogue étendu de dépliants et de vidéos de communication de l'Entente Valabre , tant au niveau zonal qu'au niveau national. L'Entente a souligné la nécessité de cibler les publics , en donnant l'exemple d'un partenariat avec les buralistes pour la communication sur les mégots de cigarette, ou de messages sur les réseaux sociaux destinés spécialement aux jeunes. Les touristes , pas nécessairement acculturés au risque d'incendie, devraient faire l'objet d'un effort particulier de communication. Les rapporteurs émettent par exemple l'idée que des messages de prudence soient véhiculés dans les trains en provenance du nord du pays, pour acculturer les touristes aux bons réflexes dès leur arrivée.

L'important flux de touristes étrangers nécessite également de produire des documents dans plusieurs langues .

Axe n° 6 - Recommandation n° 53 : Mieux coordonner les campagnes de communication à l'échelle nationale et à l'échelle des zones.

A l'occasion du déplacement de la mission au siège de l'Entente Valabre, la région Sud a présenté, parmi d'autres mesures opérationnelles, son dispositif de « garde régionale forestière ». Créée en 2018, cette garde a pour mission de développer la « culture du risque » feux de forêt chez les riverains et autres usagers de la forêt, lors des périodes de sensibilité au feu et de forte augmentation de la fréquentation des massifs (2 ou 3 mois de l'été).

Pour ce faire, la région Sud co-finance à 80 % le recrutement, par des EPCI ou des autorités de gestion d'aires protégées (15 territoires au total), de jeunes, dûment formés, équipés et identifiables grâce à un uniforme unique, chargés de sensibiliser les usagers de la forêt au risque de feux de forêt et en rappelant le cas échéant les arrêtés en vigueur (accès aux massifs, interdiction d'usage du feu) .

Ces jeunes interviennent en appui de l'action des 190 Agents de protection de la forêt méditerranéenne (APFM) de l'ONF et des 7 400 bénévoles des Comités communaux feux de forêt (CCFF) dans la surveillance des massifs, en apportant de la présence humaine en forêt pour mieux quadriller le terrain .

Ce dispositif monte en puissance, 185 jeunes y prenant part en 2022, pour un budget total de plus d'un million d'euros. La région entend d'ailleurs étendre son application à de nouveaux territoires (métropole Aix-Marseille, Grand site Estérel...).

En outre, le contact humain avec ces jeunes semble davantage susceptible d'infléchir les comportements que les dépliants de sensibilisation, dont l'efficacité est tributaire de l'attention sélective de leurs lecteurs.

Ce dispositif semble particulièrement fructueux aux rapporteurs puisqu'il permet en outre de sensibiliser de la meilleure des façons, par la pratique, les jeunes engagés dans cette garde régionale . Ils pourront par la suite servir de relais aux campagnes nationales dans leur entourage . Aussi, la généralisation de ce dispositif au niveau national (en se concentrant sur les massifs à risque) en s'appuyant sur le SNU , semble particulièrement souhaitable.

Axe n° 6 - Recommandation n° 54 : Mobiliser le budget des collectivités territoriales pour recruter, former et équiper des jeunes du Service national universel (SNU), afin de prévenir et sensibiliser les usagers en forêt, ainsi que de surveiller les massifs lors des périodes à risque.

Parmi les 90 % d'incendies d'origine humaine, les jets de mégots de cigarette sont une cause avérée de départs de feu qui pourrait être facilement évitée par une meilleure sensibilisation des particuliers .

Pour prévenir la constitution de déchets et contribuer aux coûts de nettoiement, une filière de responsabilité élargie du producteur (REP) dédiée aux mégots a été créée par la loi AGEC 46 ( * ) . Un des objectifs assignés à l'éco-organisme agréé pour cette filière - Alcome - est de réduire l'abandon de mégots dans l'espace public de 40 % d'ici six ans.

Dans ce cadre et à cette fin, la filière pourrait être mobilisée pour financer des actions de communication d'envergure dans des endroits propices aux départs de feux, à l'instar des autoroutes, souffrant parfois d'un déficit d'information. François Pimont souligne ainsi que « sur les aires d'autoroutes traversant le Var, aucune information concernant les feux de forêt n'est disponible, et certaines personnes en transit peuvent facilement ne pas s'apercevoir qu'elles se trouvent dans un territoire à risque 47 ( * ) ».

Axe n° 6 - Recommandation n° 55 : S'appuyer sur la filière de responsabilité élargie du producteur (REP) mégots pour financer des actions de communication d'envergure, notamment sur les autoroutes.

Enfin, une sensibilisation des plus jeunes devrait également être engagée dans les établissements scolaires , en recourant à des intervenants extérieurs.

Cette sensibilisation pourrait au demeurant faire naître des vocations et contribuer à accroître les effectifs des sapeurs-pompiers volontaires.

Axe n° 6 - Recommandation n° 56 : Sensibiliser les plus jeunes dans les établissements scolaires, en recourant à des intervenants extérieurs.

2. Renforcer et clarifier les sanctions relatives à la prévention du risque d'incendie

La sensibilisation passera également par un renforcement et une clarification des sanctions relatives à la prévention du risque d'incendie .

À l'exception du non-respect de certaines obligations légales de débroussaillement (OLD) - afférentes par exemple aux campings, lotissements ou aux zones d'aménagement concerté (ZAC) - sanctionnées par une contravention de cinquième classe, la plupart des infractions relatives au risque d'incendie relèvent de la contravention de quatrième classe.

Interdiction d'emploi du feu au titre de l'article L. 131-1 du code forestier, mesures préfectorales spécifiques à la prévention incendie au titre des articles L. 131-6 à L. 131-8 (notamment les interdictions de circulation dans les massifs fermés et de travaux en cas de risque exceptionnel d'incendie), obligations légales de débroussaillement hors des cas spécifiques déjà évoqués... : la méconnaissance de ces règles est ainsi passible d'une amende pouvant aller jusqu'à 750 euros , avec possibilité de recours à une amende forfaitaire de 135 euros.

Ces sanctions pourraient être rendues plus lisibles et dissuasives en les transformant en contravention de cinquième classe (amende pouvant aller jusqu'à 1 500 euros), en prévoyant en parallèle, dans une logique d'efficacité, la possibilité d'un recours à l'amende forfaitaire (200 euros).

Axe n° 6 - Recommandation n° 57 : Augmenter et uniformiser les sanctions relatives à la prévention du risque d'incendie (notamment celles relatives aux jets de mégots), pour les rendre plus lisibles et dissuasives.

Enfin, de nombreux préfets interdissent déjà de fumer à l'intérieur des massifs forestiers durant la période estivale sur le fondement de l'article L. 131-6 du code forestier.

Par souci de clarification, une extension de cette interdiction de fumer dans l'ensemble des bois ou forêts classés à « risque d'incendie » ou particulièrement exposés à ce risque pourrait être inscrite de manière permanente au niveau législatif. Cette interdiction devra a priori être réservée aux périodes à risque .

Axe n° 6 - Recommandation n° 58 : Consacrer au niveau législatif l'interdiction de fumer dans un bois ou une forêt classé à « risque d'incendie » ou particulièrement exposé à ce risque sur les périodes à risque.

G. LUTTER : FINANCER ET ÉQUIPER LA LUTTE INCENDIE À LA HAUTEUR DU RISQUE

Le renforcement des moyens de lutte semble enfin inévitable dans un contexte d'intensification et d'extension du risque incendie en France.

Cette observation vaut tout d'abord pour les moyens aériens de la sécurité civile.

La flotte française compte aujourd'hui 19 avions bombardiers d'eau, dont 12 Canadair, amphibies, et 7 Dash, non amphibies devant se ravitailler au sol dans des « pélicandromes ». Cette flotte est complétée par 33 hélicoptères - en charge de la reconnaissance et du transport de personnel - ainsi que 3 avions Beechcraft - appareils servant uniquement à la reconnaissance. Doivent enfin être ajoutés à cette flotte deux hélicoptères bombardiers d'eau loués depuis 2020.

Cette flotte semble aujourd'hui insuffisante pour faire face à l'évolution de l'aléa.

Le vieillissement des Canadair - 8 des 12 avions disponibles ont plus de 25 ans - entraîne tout d'abord de plus longues immobilisations et d'importants surcoûts de maintenance. Afin de répondre à l'évolution de l'aléa, cette flotte devra donc nécessairement être renouvelée et renforcée . L'acquisition de nouveaux appareils pourra, d'une part, s'opérer via le programme européen RescEU 48 ( * ) : la France bénéficiera dans ce cadre de deux avions, qui devraient être disponibles en 2026. Les appareils du dispositif RescEU pourront être utilisés sans limite par les pays hôtes mais devront se déployer à la demande de l'Europe. La France devra donc, d'autre part, financer elle-même l'achat de nouveaux Canadair , pour un coût unitaire estimé à 55 millions d'euros 49 ( * ) . Pour accroître la durée de vol des avions bombardiers, la flotte renouvelée devra en outre être équipée de dispositifs permettant une intervention de nuit.

Par ailleurs, la France devra se doter d'un plus grand nombre d'hélicoptères, en particulier d' hélicoptères bombardiers d'eau (d'une capacité de 1 000 litres), plus adaptés que les Canadair amphibies pour intervenir sur des incendies à distance des zones côtières .

En attendant la livraison des nouveaux appareils , au plus tôt en 2026 dans le cas des Canadair, notre pays pourrait s'appuyer, en tant que de besoin, sur des locations d'équipements, comme cela est déjà le cas pour les hélicoptères bombardiers d'eau.

La France devra, en conséquence, adapter et moderniser ses infrastructures - remise à niveau des bases hélicoptères , dont certaines ont près de 50 ans, développement de nouveaux pélicandromes pour ravitailler les appareils non amphibies - et garantir l'adéquation des moyens de maintenance à cette flotte renouvelée.

Axe n° 7 - Recommandation n° 59 : Renforcer et développer les moyens aériens (avions et hélicoptères) de la sécurité civile à la hauteur du risque. Pour accroître la durée de vol des avions bombardiers, s'assurer que la flotte renouvelée soit équipée de dispositifs permettant une intervention de nuit. En attendant la livraison des nouveaux avions et hélicoptères, s'appuyer, en tant que de besoin, sur des locations d'équipements. Adapter et moderniser les infrastructures associées et garantir l'adéquation des moyens de maintenance.

Depuis 2017, les avions de la sécurité civile sont entreposés à la base aéronautique de la sécurité civile (BASC) de Nîmes-Garons.

Selon la DGSCGC, le BASC jouit d'un positionnement stratégique, permettant un vaste rayonnement sur le territoire national et autorisant des déploiements au bénéfice des pays européens, dans le cadre du dispositif RescEU. De surcroît, afin de faciliter les interventions sur l'ensemble des zones à risque, des avions prépositionnés peuvent également décoller de Bordeaux, Carcassonne, Ajaccio et Solenzara.

Toutefois, à l'aune du retour d'expérience des incendies de Gironde de juillet 2022 et en s'appuyant sur les projections d'évolution à moyen et long-terme du risque sur le territoire national, l' opportunité de créer une deuxième BASC pourrait être utilement étudiée.

Axe n° 7 - Recommandation n° 60 : Étudier l'opportunité de créer une deuxième base aérienne de la sécurité civile pour plus de rapidité dans la mobilisation des moyens de lutte.

Au-delà des moyens nationaux, un soutien de l'État s'avère nécessaire par un renforcement des moyens capacitaires des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) .

À ce titre, la dotation de soutien à l'investissement des SDIS (DSIS) doit être significativement augmentée dans un cadre pluriannuel, à l'occasion de la prochaine loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) : d'un montant initial de 25 millions d'euros lors de sa création en décembre 2016, la DSIS a en effet été ramenée à 7 millions d'euros dès la loi de finances pour 2020.

Cette tendance doit bien entendu être inversée , notamment pour permettre l'acquisition de véhicules de lutte contre les incendies par les SDIS et leur renouvellement.

Les moyens ainsi mobilisés devront être harmonieusement répartis sur le territoire national, dans les zones aujourd'hui particulièrement exposées comme dans celles qui le sont moins, compte tenu de la remontée géographique progressive de l'aléa.

Axe n° 7 - Recommandation n° 61 : Augmenter significativement, dans un cadre pluriannuel, la dotation de soutien de l'État à l'investissement des SDIS, notamment pour permettre l'acquisition de véhicules et leur renouvellement.

Dans le même ordre d'idée, les carburants utilisés par les véhicules d'intervention des SDIS pourraient être exonérés du paiement de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques ( TICPE ), sous réserve toutefois de la compatibilité de cette disposition avec le droit de l'Union européenne 50 ( * ) .

L'ensemble des véhicules de lutte contre l'incendie des SDIS devraient également être exonérés de malus écologique . Seuls les véhicules porteurs d'eau bénéficient aujourd'hui de cet avantage.

Axe n° 7 - Recommandation n° 62 : Exonérer de TICPE les carburants utilisés par les véhicules d'intervention des SDIS, sous réserve de compatibilité avec le droit de l'Union européenne. Exonérer de malus écologique l'ensemble des véhicules de lutte contre l'incendie des SDIS, et pas seulement les véhicules porteurs d'eau.

En outre, les rapporteurs appellent l'État à accompagner les SDIS dans le développement et l'acquisition de nouvelles technologies utiles à la surveillance et à la réponse opérationnelle (robots, drones, nouveaux capteurs...).

Axe n° 7 - Recommandation n° 63 : Accompagner les SDIS pour développer et acquérir des nouvelles technologies utiles à la surveillance et à la réponse opérationnelle (robots, drones, nouveaux capteurs...).

Renforcer nos capacités opérationnelles de lutte contre le feu n'aura de sens que si des moyens humains sont disponibles pour les piloter . Une augmentation des effectifs de sapeurs-pompiers volontaires apparaît donc indispensable pour répondre à l'évolution de l'aléa.

Pour atteindre d'ici cinq ans la cible de 250 000 sapeurs-pompiers volontaires, effectifs dont bénéficiait notre pays dans les années 1990, la France devra recruter plus de 50 000 nouveaux « soldats du feu » .

Il semble nécessaire, pour y parvenir, d'inciter les entreprises et administrations à assurer la disponibilité de leurs employés et agents exerçant en tant que sapeurs-pompiers volontaires. L'instauration d'une réduction de cotisations patronales pour les employeurs publics ou privés en contrepartie de cette disponibilité pourrait donc être instaurée, comme l'avait déjà proposé le Sénat dans le cadre des débats sur la loi « Matras 51 ( * ) » . Cette disposition malheureusement supprimée en commission mixte paritaire, ne figure plus à l'article 45 du texte promulgué.

Axe n° 7 - Recommandation n° 64 : Pour atteindre d'ici 2027 l'objectif de 250 000 sapeurs-pompiers volontaires, instaurer une réduction de cotisations patronales pour les entreprises et administrations en contrepartie de la disponibilité de leurs employés et agents exerçant en tant que sapeurs-pompiers volontaires.

Enfin, la mission a été alertée des difficultés potentielles d'application du tout nouveau dispositif FR-ALERT lancé en juin 2022 visant, en cas d'accident industriel ou de catastrophe naturelle, à alerter et informer les populations, en temps réel et dans la durée par téléphone mobile ( cell broadcast ). Il a été pointé aux rapporteurs qu'une application centralisée - avec une activation de FR-ALERT de Paris - pourrait amoindrir la réactivité du dispositif .

Une mise en oeuvre territoriale, à la main du préfet, serait à ce titre préférable : charge devrait être donnée à l'autorité départementale de programmer le dispositif et d'élaborer les messages d'alerte envoyés aux populations.

Une circulaire ministérielle pourrait alors être publiée pour garantir une utilisation harmonisée de l'outil sur le territoire national.

Axe n° 7 - Recommandation n° 65 : Permettre une application territoriale, et non centralisée, du dispositif de cell broadcast afin d'en renforcer la réactivité.

H. REBOISER : FINANCER LA RECONSTITUTION DE FORÊTS PLUS RÉSILIENTES APRÈS L'INCENDIE

Lorsque la politique de prévention et de lutte n'a pas permis d'éviter un sinistre, vient l'étape cruciale de la reconstitution post-incendie, particulièrement délicate dans la mesure où elle exige à la fois une forte volonté politique et beaucoup d'humilité face à un milieu endommagé.

1. Une réhabilitation des terrains incendiés nécessitant en tout état de cause un financement public

Une fois le feu définitivement fixé et tout risque de reprise de feu exclu, la priorité est de sécuriser les surfaces brûlées, ce qui nécessite en règle générale des travaux de génie civil : remblaiement du terrain, le cas échéant fascinage pour lutter contre l'érosion, et en tout état de cause nettoyage des parcelles et évacuation des bois.

Cette première étape de réhabilitation est tout autant un enjeu de bonne conservation du site , en vue de faciliter la restauration de l'écosystème et la régénération naturelle, qu'un enjeu de sécurité des personnes , des glissements de terrain pouvant succéder rapidement à un incendie, en particulier à l'occasion d'orages d'été (cf. supra , partie I, sur les coûts écologiques).

Dans la forêt méditerranéenne non productive, cette étape suffit bien souvent à remettre les parcelles brûlées en l'état, celles-ci ne faisant qu'exceptionnellement l'objet d'un reboisement par l'homme . En effet plusieurs espèces ont des stratégies de reproduction qui intègrent l'incendie. Tel est en particulier le cas de plusieurs conifères et de l'eucalyptus qui répandent plus aisément leurs graines sous l'effet de la chaleur.

L'ONF rappelle en outre dans sa contribution qu'« il est très difficile de réussir des plantations derrière un incendie ; en général les processus de cicatrisation naturelle sont plus rapides et efficaces ». Pour le chercheur Michel Vennetier (INRAE) entendu par les rapporteurs, « des feux dans les milieux méditerranéens ont théoriquement un rôle d'ouverture des milieux pour permettre aux espèces cicatricielles d'après feux de se maintenir dans les paysages, et donc de reconquérir rapidement les milieux en protégeant le sol et en permettant le retour ultérieur des espèces plus sensibles et demandant du couvert ».

L'homme peut cependant accompagner la régénération naturelle, par des mesures passives de protection du site endommagé , de façon obligatoire ou facultative. Ainsi, le pâturage après incendie est prescrit pendant une durée de dix ans, renouvelable une fois par le préfet (article 131-4 du code forestier), les animaux pouvant sinon manger les graines et plants à même le sol. Dans des sites d'un intérêt particulier, des arrêtés de réglementation de l'accès aux massifs peuvent être pris par le préfet, comme cela a par exemple été le cas dans la réserve naturelle nationale de la Plaine des Maures après l'incendie de 2021 52 ( * ) .

Dans la mesure où la répétition plus fréquente d'incendies dans un même couloir de feu pourrait d'après les chercheurs de l'Inrae se traduire par « une dégradation irréversible du milieu » en raison d'un « déficit de milieux anciens fermés » (cf. supra ), causant la disparition progressive de végétation ligneuse haute au profit d'une végétation arbustive en friche, l'Homme pourrait être amené à se montrer plus interventionniste, avec une palette d'actions pouvant aller jusqu'au reboisement.

L'ONF indique à ce sujet que l'« on peut avoir besoin de faire des plantations dans certains contextes, mais [qu']il faut alors les faire avec beaucoup de soins sans lésiner sur l'investissement initial ».

D'après la DGPE, le prix moyen de la reconstitution forestière serait de 2 à 4 000 euros l'hectare, en comptabilisant les plants et les nécessaires travaux d'entretien ultérieurs (débroussaillage régulier des interlignes). En multipliant par 20 800 hectares de forêt brûlés, et en prenant l'hypothèse d'un taux de financement de l'État compris entre 60 et 80 %, on obtient des dépenses publiques autour de 50 millions d'euros (fourchette base de 25 M€, fourchette haute de 70 M€), rien que pour le reboisement autour de Landiras et de La Teste-de-Buch . Pour la forêt domaniale, départementale et communale, l'effort financier de l'État devra être encore plus important. Au total, cela représente la moitié du premier plan de relance en faveur du renouvellement forestier, à destination notamment des forêts scolytées.

À cet égard, les rapporteurs souhaitent insister sur la nécessité de débloquer des fonds supplémentaires, ce qui exclut le « recyclage budgétaire » des fonds affectés au renouvellement forestier des parcelles touchées par les scolytes, afin de ne pas « déshabiller les forêts dépérissantes pour habiller les forêts incendiées ».

Axe n° 8 - Recommandation n° 66 : Consacrer de nouveaux crédits dans le cadre du plan France 2030 à la reconstitution post-incendie.

2. Renforcer l'éco-conditionnalité pour des forêts plus résilientes

Le plan de relance en faveur du renouvellement forestier, d'un montant initial de 100 millions d'euros, imposait dans ses appels à projet certaines conditions, dont la gestion durable. Il semble possible de rehausser significativement ces exigences, en s'inspirant notamment des réglementations relatives aux matériels forestiers de reproduction (MFR).

Certaines des actions de lutte, comme les bandes pare-feu constituées en urgence, pour couper la continuité du couvert forestier combustible et servir de point d'appui aux forces de lutte, ont en fait constitué la première des actions de prévention. Or, d'après certains élus de Gironde entendus par la mission de contrôle, le reboisement suivant les tempêtes de 1999 et 2009 ont pu donner lieu à un certain relâchement dans le respect de l'interdiction de planter sur des zones pare-feu. Dans le cadre du reboisement, celles-ci devraient a minima être respectées, si ce n'est agrandies. En outre, une réflexion sur la densité des peuplements devrait être engagée. Ces aménagements sont absolument indispensables si une sylviculture en couvert continu souhaite se maintenir dans la région, compte tenu de l'intensification du risque incendie.

Un autre enjeu important réside dans le choix des essences plantées ou replantées dans les suites d'un incendie . Il convient de se montrer prudent car la recherche n'est pas tranchée sur ce sujet (cf. supra ). Le seul consensus porte sur la gestion des sous-étages, qui doivent être autant que possible entretenus pour éviter qu'un feu se propage.

Il convient en particulier de distinguer l'adaptation à la station forestière et à son évolution sous l'effet du changement climatique d'une part, de la résilience à l'incendie d'autre part. Ces deux dimensions peuvent entrer en contradiction. Le pin maritime reste l'essence la plus appropriée pour les sols et le climat landais, mais il n'est pas nécessairement le plus approprié pour limiter la propagation de l'incendie.

À titre d'exemple, les associations environnementales entendues par la mission ont alerté sur l'eucalyptus, essence connue pour être pyrophile, dominante en Australie et au Portugal. Encore très faiblement implantée en France, elle a certes une capacité de survie au feu importante reposant sur la propagation de ses graines par le feu (voir les résultats de l'outil d'aide à la décision Climessences ci-dessous) et semble adaptée à certaines stations forestières dans le sud de la France, mais contribue à propager l'incendie en cas de sinistre.

Fiche Climessences de l'eucalyptus

Source : Climessences

En situation d'incertitude, la meilleure assurance reste la diversification , tenant compte des contraintes propres à la station forestière, avec l'expérimentation de la plantation de feuillus sur le pourtour des parcelles ou de corridors de feuillus ou d'autres essences afin de créer une discontinuité par des essences à la combustion moins rapide (chêne liège par exemple) ou moins hautes (chêne vert, pin d'Alep) . Il faut bien mesurer toutefois que l'adaptation de ces essences relève de l'expérimentation et que son succès n'est pas garanti. C'est pourquoi, avant de se précipiter pour reboiser, il conviendra de réfléchir avant d'agir, de concerter et de faire dialoguer.

Axe n° 8 - Recommandation n° 67 : Conditionner plus strictement les crédits de l'État à un choix d'essences adaptées aux stations forestières et à leur évolution prévisible en raison du changement climatique, en expérimentant notamment des corridors d'essences feuillues et en maintenant des pare-feux.

3. Mobiliser aussi des fonds privés et l'outil assurantiel face à la montée des risques

Les rapporteurs de la mission souhaitent préciser au préalable que les faibles revenus que la forêt rapporte à ses propriétaires devraient en priorité être mobilisés pour sa gestion qui, en amont , doit prévenir la survenue d'un sinistre ou à tout le moins permettre d'en limiter les dégâts. C'est tout l'esprit de la cotisation aux associations syndicales autorisées DFCI, établie à l'initiative des acteurs privés dans le Sud-Ouest à la suite de l'incendie dévastateur de 1949.

Il est toutefois impossible de se prémunir entièrement du risque de feu de forêt (cf. supra ), a fortiori dans un contexte où ce risque va augmenter structurellement avec le changement climatique. Ainsi, il est indispensable de réfléchir à des modalités de financement en aval des sinistres éventuels, pour la réhabilitation et la reconstitution des forêts.

À cet égard, le mécénat privé , via le label bas carbone ou d'autres outils de partenariat public-privé, peut constituer ponctuellement une source de financement complémentaire intéressante. On peut citer par exemple l'action du fonds de dotation « Plantons pour l'avenir » situé en Gironde, ou du fonds « RESPIR » piloté par la région Sud, financé par le secteur privé dans le but de reboiser certaines parcelles et d'améliorer les peuplements. Il convient toutefois de s'assurer que le reboisement réalisé dans ce cadre respecte les savoir-faire sylvicoles, et tienne compte en particulier de l'impératif d'adaptation des essences au milieu. Les recommandations en matière de diversification des essences devraient de même être suivies autant que possible, sans quoi la pérennité de ces peuplements ne pourra être garantie.

L'assurance contre le risque incendie offre aux propriétaires forestiers privés une solution de financement plus certaine car moins ponctuelle.

Malgré une augmentation des surfaces couvertes sur les vingt dernières années, l'assurance contre le risque incendie reste à ce jour insuffisamment diffusée en France. Trois acteurs se partagent le marché - XLB-Pacifica (Crédit agricole), Groupama et Sylvassur (acteur lancé par Fransylva pour concurrencer les deux précédents) - pour une couverture au total d'environ 800 000 hectares si l'on comprend tous les types d'assurance (tempête, incendie et même neige). Il est à noter qu'aucun groupe ne s'est pour l'heure risqué à proposer des produits assurantiels concernant les risques sanitaires (parasites) compte tenu de l'ampleur du coût des indemnisations.

L'assurance est peu développée car les arbres sont des « cultures » pérennes et non annuelles, en raison du faible revenu généré par la forêt et enfin à cause de la faible connaissance par un nombre important de petits propriétaires des enjeux de leurs parcelles (cf. supra ).

Un effort de sensibilisation devrait être mené, et les différents interlocuteurs ont indiqué à la mission que l'acteur naturellement indiqué pour cette mission serait le Centre national de la propriété forestière (CNPF) , en lien avec les syndicats de propriétaires forestiers qui jouent déjà ce rôle, en incitant à souscrire à une assurance lors de l'adhésion. Le CNPF accepterait volontiers cette nouvelle mission (article L. 321-1 du code forestier) mais précise - comme pour toutes les autres compétences que les rapporteurs entendent lui confier - que pour être effective, cette nouvelle mission devrait nécessairement être accompagnée des moyens afférents, tout redéploiement interne à l'établissement étant impossible à l'étiage actuel. Afin de ne pas créer de déséquilibre par rapport au risque lié aux tempêtes, il s'agirait de promouvoir à la fois l'assurance contre le risque incendie et contre le risque tempête.

Axe n° 8 - Recommandation n° 68 : Promouvoir l'intérêt de l'assurance contre les risques incendie et tempête en s'appuyant sur le Centre national de la propriété forestière (CNPF), en lien avec les syndicats de propriétaires forestiers.

Par son rôle d'animation, le CNPF pourrait en outre faciliter la mobilisation de cofinancements européens, très faible à ce jour dans l'assurance des forêts, alors que les fonds européens le permettraient, comme l'assurance-récolte en donne l'exemple dans le monde agricole.

Il n'est toutefois pas question de prévoir une incitation aussi forte à la souscription d'une assurance que dans le cadre de l'assurance agricole, et encore moins de prévoir une obligation. Deux outils incitatifs complémentaires pourraient néanmoins permettre de renforcer la diffusion d'une logique assurantielle dans la forêt privée :

- Le premier levier serait de faciliter l'accès au dispositif d'encouragement fiscal (DEFI) « assurance » (en complément de la pérennisation du DEFI « travaux » mentionnée supra ) pour les propriétaires qui auraient uniquement souscrit à une assurance incendie, mais qui n'auraient pas souscrit à une assurance tempête ou tempête-incendie. Le coût de l'assurance incendie est en moyenne au moins trois fois inférieur au coût de l'assurance tempête, et certains peuplements sont plus vulnérables aux incendies qu'aux tempêtes (et inversement). Les conditions actuelles d'accès au DEFI découragent donc la souscription de l'assurance incendie.

Axe n° 8 - Recommandation n° 69 : Créer un dispositif d'encouragement fiscal (DEFI) « assurance incendie » dont la seule condition serait de souscrire à une assurance incendie (seule l'assurance tempête ou tempête-incendie y donnant aujourd'hui accès).

- Le second levier consisterait à faciliter l'accès au compte d'investissement forestier et d'assurance (CIFA) , dispositif d'auto-assurance créé en deux temps, en 2010 puis en 2014 (articles L 352-1 à L 352-6 du code forestier). Alimenté par le produit des ventes de bois, le CIFA est destiné au financement des « travaux de reconstitution forestière à la suite de la survenance d'un sinistre naturel ». Seulement, d'après les données de la DGPE, seuls 280 comptes de ce type sont ouverts, pour un encours de 6 millions d'euros, en raison de règles trop complexes qui ont découragé les banques (un seul groupe continue d'offrir ce produit) et les forestiers. Plusieurs modifications législatives et réglementaires ont depuis 2016 permis d'alléger les procédures. Afin de donner un nouvel élan à ce produit et d'élargir ses clients potentiels, il pourrait être envisagé de déplafonner les sommes pouvant être déposées sur un CIFA, aujourd'hui de 2 500 €/ha, en passant à 5 000 €/ha après un nombre d'années minimal de détention du compte à définir.

Axe n° 8 - Recommandation n° 70 : Élargir le Compte d'investissement forestier et d'assurance (CIFA) en le complétant par un dispositif pouvant concerner davantage de propriétaires forestiers.

TRAVAUX EN COMMISSION

Examen en commission (mercredi 3 août 2022)

Réunie le mercredi 3 août 2022, la commission a examiné le rapport d'information sur la mission de contrôle relative à la prévention et à la lutte contre l'intensification et l'extension du risque d'incendie.

M. Didier Mandelli , vice-président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Madame la présidente, mes chers collègues, nous sommes réunis pour la présentation du rapport de la mission de contrôle relative à la prévention et à la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie. La mise en place de cette mission a été arrêtée par notre commission de l'aménagement du territoire et du développement durable le 16 février dernier. Nous avions alors acté la nécessité d'y associer la commission des affaires économiques, compétente au titre de la forêt.

Je salue d'emblée les quatre rapporteurs, M. Jean Bacci, Mme Anne-Catherine Loisier, M. Pascal Martin et M. Olivier Rietmann, pour le travail d'ampleur réalisé dans des délais resserrés. Depuis le début du mois de juin, vous avez en effet conduit près de 30 auditions ; vous vous êtes également déplacés le 11 juillet dernier dans la plaine des Maures, un an après l'incendie dévastateur qui avait touché le massif ; vous avez enfin mené des consultations à la suite des feux hors normes ayant ravagé le mois dernier la forêt girondine. Le résultat de ce travail est à la hauteur de cet investissement : un rapport riche de 70 recommandations, regroupées en 8 axes.

Voici quelques éléments de contexte qui ont alimenté votre réflexion.

Premier constat : depuis les années 1990 et jusqu'à la fin des années 2010, la France a globalement réussi à maîtriser le risque incendie sur son territoire. Le nombre de surfaces de forêt brûlées a ainsi été divisé par cinq en quarante ans. Ce recul est largement imputable à l'efficacité de notre stratégie de défense des forêts contre les incendies, en particulier à la doctrine d'attaque rapide des feux naissants. Cette doctrine s'appuie sur un équilibre entre prévention, pour empêcher les départs de feu, et lutte immédiate, massive et proactive, pour limiter la propagation des feux, avec un objectif d'intervention dans les dix premières minutes sur des foyers encore maîtrisables.

Ce recul significatif des surfaces brûlées est d'autant plus remarquable que notre pays a, dans le même temps, connu une hausse des facteurs de risque : à la dégradation des conditions météorologiques se sont ajoutés une augmentation du combustible en forêt et un phénomène de déprise agricole.

Malheureusement, la France doit se préparer à une évolution défavorable du risque dans les années et décennies à venir.

Quatre tendances se dessinent d'ores et déjà, comme nous pouvons, hélas, le voir en cet été 2022.

Première tendance : une intensification du risque. En région méditerranéenne française, les surfaces brûlées pourraient ainsi augmenter de 80 % d'ici à 2050. Avec une hausse de la fréquence des feux, les espaces boisés pourraient peu à peu laisser place à des maquis, en région méditerranéenne notamment.

Deuxième tendance : une extension géographique. En 2050, près de 50 % des landes et forêts métropolitaines pourraient être concernées par un niveau élevé de risque, contre un tiers en 2010. En juillet 2022, plus de 1 700 hectares de lande ont ainsi brûlé dans les monts d'Arrée, dans le Finistère.

Troisième tendance : une extension temporelle. La période à risque fort sera trois fois plus longue, les feux hivernaux devraient se multiplier. Rappelons-nous du message fort du président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), M. Grégory Allione, entendu par nos deux commissions en juin dernier : « aujourd'hui, la saison des feux, c'est toute l'année ».

Quatrième et dernière tendance : le développement d'incendies de végétation ou de terres agricoles.

L'extension géographique et temporelle, l'intensification du risque incendie, le développement d'incendies de végétation ou de terres agricoles s'expliquent structurellement par l'évolution attendue des conditions météorologiques dans le contexte du réchauffement climatique. L'augmentation moyenne du niveau des températures contribue, en effet, à une sécheresse croissante de la biomasse, qui facilite les départs de feux et leur propagation. À cet égard, il est évident que l'atteinte de nos objectifs climatiques et le respect de l'accord de Paris constitueront le levier de prévention incendie le plus transversal et structurant à la disposition des pouvoirs publics.

Des facteurs supplémentaires contribuent ou pourraient contribuer à cette évolution défavorable : la dégradation de l'état sanitaire des forêts, l'impact potentiel d'une sylviculture trop intensive ou, à l'inverse, la « libre évolution » des forêts, car l'adaptation des forêts au changement climatique nécessitera l'intervention active de l'homme.

Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . - Mes chers collègues, permettez-moi de féliciter à mon tour nos rapporteurs pour ce travail dense, en bonne intelligence entre les deux commissions, qui a été entrepris bien avant les épisodes spectaculaires du mois de juillet dernier, et qui démontre une nouvelle fois les facultés d'anticipation du Sénat. Ce rapport est très attendu, par les collectivités territoriales, les Français et les services d'incendie et de secours.

Après l'introduction de M. Mandelli et avant de céder la parole aux rapporteurs, il me revient de montrer quelles pourraient être les conséquences socio-économiques et environnementales de la multiplication de feux extrêmes, si rien n'est fait. Si nous n'améliorons pas notre résilience, les conséquences seront lourdes pour la biodiversité, pour la qualité de l'eau et de l'air et pour les émissions de gaz à effet de serre (GES).

Les coûts socio-économiques ont, eux, été relativement limités en France jusqu'à présent. L'« ordre d'opérations » des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) conduit, en effet, à s'assurer d'abord de la sécurité des personnes, puis de la sécurité des biens et, enfin, de l'environnement. C'est pourquoi les habitations, les zones urbaines et les infrastructures productives et de transport sont, en général, préservées.

Mais le dépassement de nos forces de lutte par des feux hors normes fait craindre des dommages socio-économiques grandissants. À La Teste-de-Buch, des infrastructures touristiques emblématiques ont été détruites. Pis, les feux font, d'ores et déjà, en France, des blessés et des morts, et je ne parle pas de ce qui se passe au Portugal, en Grèce, en Australie ou aux États-Unis ni de l'impact psychologique profond pour les populations...

C'est la raison pour laquelle il fallait que la commission des affaires économiques soit impliquée, à parts égales avec la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, sur cette question des feux extrêmes. Je remercie donc son président ainsi que M. Mandelli, vice-président.

Pour rappel, les rapporteurs ont renoncé à utiliser la notion de « mégafeux », qui ne fait pas l'objet d'un consensus scientifique et qui est très variable d'une région à l'autre. Ils lui ont préféré les notions de « feux extrêmes » ou « feux hors normes », qui renvoient à une approche statistique du phénomène. En effet, un feu de 500 hectares en Côte-d'Or ou en Haute-Saône peut être considéré comme extrême, mais le curseur serait plutôt de 5 000 hectares dans le Sud et en Occitanie, et plus élevé encore aux États-Unis.

Face à ces feux extrêmes, je ne crois pas trahir la pensée des rapporteurs en disant que leur principale crainte est la multiplication de situations qui nécessitent un tri des interventions. Les feux simultanés de La Teste-de-Buch et de Landiras se sont déclarés à 1 heure et 24 minutes d'intervalle, loin de la base aérienne de la sécurité civile de Nîmes. Il a fallu, en outre, traiter le flux habituel du secours d'urgence aux personnes et, pour couronner le tout, des moyens ont dû être détournés en cours d'opération pour une attaque massive sur un feu naissant plus au sud, dans les Landes.

Par conséquent, nous observons déjà une recrudescence des feux et des surfaces brûlées. Les feux de Gonfaron en 2021, de La Teste-de-Buch et de Landiras ont fait leur entrée dans le classement des feux les plus importants des quarante dernières années.

Le « bouclier » de la lutte a jusqu'alors permis le succès de la France face aux incendies. Il faut désormais, dans le même temps, s'assurer que le « glaive » de l'aléa feu de forêt ne s'abattra pas plus durement sur ce bouclier. La prévention par un ensemble de politiques publiques transversales est indispensable pour réduire le danger.

Une proposition de loi pourra être déposée à la rentrée et nos rapporteurs se déplaceront en septembre en Gironde, pour un retour d'expérience sur les incendies de juillet 2022.

M. Pascal Martin , rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Mes chers collègues, nos 70 recommandations sont regroupées en 8 axes suivant un ordre chronologique, allant de la stratégie d'anticipation au reboisement post-incendie, en passant par la sensibilisation et la lutte. Je remercie les autres rapporteurs pour notre excellente collaboration.

Notre objectif est de traduire dans une proposition de loi certaines de ces recommandations à caractère législatif, avant la fin de l'année 2022.

Commençons par le premier axe, consacré à l'anticipation.

Il nous a tout d'abord paru essentiel de renforcer l'effort de coordination interministérielle dans la conduite et la mise en oeuvre de la politique publique de « guerre contre le feu » : nous estimons que le travail actuellement mené est trop cloisonné entre les ministères concernés - intérieur, agriculture, transition écologique. Cette approche en silo freine les indispensables évolutions. Notre approche est, elle, globale et transversale. Nous préconisons l'élaboration d'une stratégie nationale et interministérielle de défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies. Cette transversalité doit primer tant au niveau central qu'au niveau territorial.

Le succès de cette stratégie, vecteur d'une indispensable prise de conscience nationale, dépendra grandement des moyens alloués, dont l'augmentation semble inévitable et urgente, compte tenu de l'intensification et de l'extension géographique et temporelle du risque, de l'ampleur des coûts évités par les politiques de prévention et de lutte et de la multiplication du nombre d'événements en cet été 2022.

Nous sommes néanmoins convaincus de la nécessité d'un accroissement tout particulier des moyens consacrés à la prévention, que nous devrons impérativement doubler. Je pense à l'aménagement du territoire et de la forêt, à la valorisation de cette dernière, à la gestion durable par le développement d'une sylviculture adaptée au risque, à la mobilisation du monde agricole, à la sensibilisation et à la mise en place d'une véritable culture de la prévention. C'est bien sur ce volet préventif, « parent pauvre » de notre politique publique, que notre pays dispose aujourd'hui des plus grandes marges d'amélioration.

Le succès de cette stratégie nationale et interministérielle reposera également sur une amélioration des connaissances et des données relatives aux feux de forêt et de végétation. Nous formulons plusieurs propositions à cet égard, notamment celle de mieux évaluer la « valeur du sauvé », soit la valeur de ce qui peut être sauvé en cas de sinistre, autrement dit les coûts évités par les politiques de lutte et de prévention.

Enfin, face à l'extension géographique du risque incendie, la mise en oeuvre territoriale de la stratégie nationale de défense contre les incendies devra nécessairement être adaptée, de manière mesurée et progressive : les dispositifs aujourd'hui appliqués dans les zones exposées de longue date, comme les zones méditerranéennes ou l'Aquitaine, ne pourront pas être reproduits à l'identique dans les zones plus septentrionales, moins ou pas exposées à ce jour. Nous proposons ainsi d'encourager l'élaboration d'un plan de protection des forêts contre les incendies (PPFCI), aujourd'hui obligatoire sur les seuls territoires réputés particulièrement exposés au risque d'incendie. Cette pierre angulaire de la politique de prévention au niveau local devrait être mise en place dans les territoires aujourd'hui non couverts par ces plans. Nous proposons également de revenir sur les 500 suppressions de postes de l'Office national des forêts (ONF) prévues d'ici à 2025, notamment afin de redéployer des personnels sur la défense des forêts contre les incendies (DFCI) hors de la zone méditerranéenne, aujourd'hui la plus à risque.

Je conclurai sur ce volet en évoquant les échanges que nous avons eus entre rapporteurs concernant l'opportunité de créer un ministère dédié à la sécurité civile, pour assurer un meilleur portage politique de cette politique, aujourd'hui diluée au sein du ministère de l'intérieur. La Grèce, par exemple, à la suite des dramatiques feux qu'elle a connus en 2021, a décidé de créer un ministère de la protection civile et de la gestion de crise. C'est une proposition à laquelle nous sommes favorables, mais il ne nous a toutefois pas semblé opportun d'en faire une recommandation de notre rapport, cette piste dépassant très largement le cadre de la mission qui nous était confiée.

M. Jean Bacci , rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - « Aménager le territoire », deuxième axe de recommandations, consiste à mieux réguler les interfaces entre la forêt et les zones urbaines pour réduire les départs de feux et la vulnérabilité des personnes et des biens. Le débroussaillement permet non seulement de diminuer l'intensité et de limiter la propagation du feu, mais aussi de renforcer la défendabilité des constructions. Un débroussaillement effectué conformément aux règles protège, en effet, l'habitation et permet donc le confinement des habitants, évitant ainsi la fuite des particuliers devant le feu. Ces OLD sont malheureusement trop peu appliquées, avec un taux de réalisation souvent inférieur à 30 %.

Nous sommes convaincus qu'une solution unique ne suffira pas à résorber ce déficit de réalisation des OLD : c'est pourquoi nous proposons une palette large de leviers, allant de la sensibilisation à la sanction, en passant par l'incitation.

Nos propositions ont l'ambition de conjuguer plusieurs registres d'intervention : premièrement, les mesures incitatives soutiennent l'idée de développer une pédagogie des OLD, grâce à une bonne information des personnes intéressées, une mise à disposition de conseils personnalisés et des contrôles plus réguliers. Nous devons ainsi établir une stratégie collective concertée à l'échelle des massifs. Nous pourrions également prévoir une exonération fiscale, sous forme de crédit d'impôts pour la réalisation des OLD, ou l'utilisation de chèques emploi service. Nous devons aussi valoriser systématiquement les bois issus des travaux de débroussaillement, en bois énergie ou en paillage, ce qui suppose une réalisation coordonnée des OLD dans un même territoire. Ces mesures doivent s'inscrire dans un cadre facilité de réalisation. L'arrêté préfectoral de définition des OLD doit permettre d'adapter les modalités de mise en oeuvre du débroussaillement en fonction de la nature du risque et de la réalité des territoires, comme le permet déjà l'article L. 131-10 du code forestier. Nous proposons également d'intégrer le périmètre des OLD dans les documents d'urbanisme, pour rendre plus visibles et explicites les périmètres concernés et pour mieux informer les particuliers de l'existence de l'OLD lors de la délivrance des permis de construire.

Nous formulons également quelques propositions plus contraignantes : conditionner la mutation d'une propriété à la réalisation des OLD, rendre la franchise obligatoire dans les contrats d'assurance habitation en cas de non-respect des OLD, solliciter auprès des assurés une attestation de conformité délivrée par les entrepreneurs de travaux forestiers certifiés, ou encore renforcer les sanctions pénales pour non-respect des OLD.

La maîtrise de l'urbanisation constitue un second levier essentiel pour mieux réguler les interfaces habitat-forêt et limiter le mitage. Nous formulons, là aussi, plusieurs recommandations : intégrer dans les documents d'urbanisme des recommandations en matière de mesures de construction, pour que les bâtiments résistent mieux aux incendies de forêt, dans les territoires particulièrement exposés ; étendre plus largement la réalisation des plans de prévention des risques incendie de forêt (Pprif) dans les territoires particulièrement exposés à ce risque, par la simplification des modalités d'élaboration, de modification et de révision de ces plans ; systématiser l'envoi de « cartes d'aléas », adressées par le préfet aux collectivités territoriales, dans les territoires à risque, afin de permettre aux élus locaux d'intégrer les informations relatives au risque incendie dans les documents d'urbanisme ; lutter plus résolument contre l'installation d'habitats légers dans les zones à risque, en s'appuyant sur les documents d'urbanisme existants, sur une doctrine plus stricte des commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) ou sur une application stricte du refus d'autorisation de défrichement pour l'installation d'habitats dans ces zones particulièrement exposées à l'aléa.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure de la commission des affaires économiques . - J'aborde maintenant notre troisième axe de recommandations. Lors de nos premières auditions, il est apparu très vite que la gestion des forêts et des espaces naturels était le moyen le plus efficace en matière de prévention des incendies et de protection des forêts. Or la forêt privée, majoritaire, qui représente 75 % des surfaces boisées françaises, est morcelée, insuffisamment gérée et plus vulnérable face au risque incendie. En Gironde, 93 % des forêts incendiées à Landiras et La Teste-de-Buch étaient privées.

Nous préconisons donc de nous pencher, région par région, sur les caractéristiques de ces massifs forestiers, d'analyser la pertinence des documents de gestion durable et des dispositifs de certification, au regard de la défense des forêts contre l'incendie (DFCI).

L'une de nos propositions phares consiste à abaisser le seuil d'obligation d'élaboration d'un plan simple de gestion à 20 hectares, contre 25 actuellement. Ce sont ainsi 500 000 hectares et plus de 20 000 propriétaires supplémentaires qui disposeront d'un document attestant de la gestion durable et multifonctionnelle, à long terme. L'intérêt est de disposer d'une cartographie précise de la forêt, des peuplements, de leur âge, des accès pouvant être utilisés comme pistes DFCI, des points d'eau, et de programmer l'adaptation des essences au changement climatique.

Au regard de l'abaissement du seuil des plans simples de gestion, les effectifs du Centre national de la propriété forestière (CNPF), qui accompagne les propriétaires privés et instruit ce document, devront être accrus d'au minimum 10 équivalents temps plein (ETP). Ce réajustement est absolument nécessaire pour permettre la prise en charge et le suivi des documents de gestion durable afférents à ces 500 000 hectares supplémentaires.

Cette montée en puissance des documents de gestion durable devra s'accompagner d'une mise à jour sur le contenu et les priorités du plan simple de gestion, désormais davantage orienté DFCI.

De même, la généralisation de la télédéclaration, déjà engagée, devra s'accélérer pour permettre un traitement et des mises à jour plus rapides.

L'adaptation des forêts au changement climatique passe aussi par la pérennisation du dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt (DEFI), dont la disparition est programmée au 31 décembre 2022. Son taux et son plafond pourraient être élargis en conditionnant toujours l'éligibilité à un document de gestion durable - soit un plan simple de gestion, soit, pour les plus petites parcelles, un code des bonnes pratiques sylvicoles.

Ces dispositifs ne porteront leurs fruits que s'ils s'appuient sur un accroissement des moyens humains d'animation du CNPF, avec notamment un développement des bilans à mi-parcours des documents de gestion durable - tous les huit à dix ans.

Sur le modèle des experts de l'agence DFCI de l'ONF, un réseau d'experts DFCI pourrait être mis en place, de façon souple et adaptative, pour conseiller les propriétaires forestiers en matière de prévention du risque incendie, avec le recrutement d'un correspondant au sein de chaque centre régional de la propriété forestière (CRPF) et une animation nationale pour consolider les retours d'expérience dans le but de constituer une « culture commune du feu » dans la forêt privée.

Enfin, nous proposons que les maires des communes disposant d'un plan de protection des forêts contre l'incendie (PPFCI), d'un plan intercommunal de débroussaillement et d'aménagement forestier (PIDAF) ou de tout document cartographié relatif à la protection des forêts contre l'incendie - puissent disposer d'un droit de préemption DFCI, les parcelles forestières ainsi acquises étant soumises de fait au régime forestier afin d'en assurer une gestion durable et pérenne. Mais je laisse M. Rietmann développer ce point.

M. Olivier Rietmann , rapporteur de la commission des affaires économiques . - J'évoquerai d'abord notre quatrième axe de recommandations, l'appréhension locale du problème, à l'échelle des massifs, par l'aménagement et la valorisation de la forêt, avec trois points principaux.

Le premier point est celui de l'aménagement des forêts via la nécessaire déclinaison à l'échelle des massifs des plans de protection des forêts contre l'incendie (PPFCI). Les massifs forestiers sont vraiment l'échelle pertinente pour favoriser l'appropriation par les élus locaux des PPFCI et pour rechercher des financements, en particulier via le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader).

Dans le cadre de ces PPFCI de massif, un droit de préemption pourrait être établi, au profit des communes, sur les parcelles non dotées d'un document de gestion durable et qui sont identifiées comme stratégiques dans la DFCI. Les maires rencontrés sont dynamiques et volontaires pour gérer lesdites parcelles en les soumettant au régime forestier, dans un souci de diminuer le risque d'incendie.

Le deuxième point est celui des synergies entre desserte forestière et pistes DFCI, qui devraient être recherchées plus systématiquement. Un cahier des charges SDIS-CRPF pourrait être établi et les SDIS pourraient rendre un avis sur les schémas de desserte forestière collectifs. De même, une cartographie des synergies actuelles et potentielles au niveau régional serait utile pour comparer ces deux réseaux.

Enfin, le dernier point, particulièrement sensible, est celui de la conciliation de la DFCI avec la protection de la biodiversité. Nous avons longuement échangé avec nos collègues de la commission du développement durable, pour aboutir à une solution que je crois équilibrée. Nous ne pouvions pas passer à côté de cette question ayant suscité de vives polémiques l'an dernier après le feu de Gonfaron, qui a parcouru la moitié de la réserve naturelle de la plaine des Maures, et, plus récemment, après le feu qui a détruit la forêt usagère de la Teste-de-Buch, un statut protecteur qui a été le prétexte à de la « non-gestion ». Dans un cas comme dans l'autre, on ne peut pas dire de façon certaine que des refus d'aménagements de DFCI aient été responsables de l'ampleur des dégâts. Cela n'empêche pas de regretter les signaux contradictoires envoyés par les sanctions et les recours judiciaires contre des actions de prévention destinées à protéger la forêt... et la biodiversité qu'elle renferme !

Nous proposons donc une plus grande gradation des sanctions, en ciblant les délits représentant le plus d'enjeux, via une instruction générale aux parquets pour une meilleure conciliation entre DFCI et biodiversité dans le prononcé des sanctions en matière d'atteintes à la biodiversité. Lors de sa révision, la stratégie nationale de contrôle de l'Office français de la biodiversité (OFB) pourrait aussi intégrer davantage la prise en compte de la prévention du risque incendie.

Il en va de même pour les plans de gestion des aires protégées, qui sont le meilleur outil pour éviter les conflits le plus en amont possible. La solution passera d'abord par une association de l'ensemble des parties prenantes, afin d'anticiper les oppositions et de trouver des solutions territoriales et pragmatiques.

Si toutefois aucune de ces démarches de conciliation n'avait pu aboutir, une instruction technique que nous préconisons d'adresser aux préfets doit rappeler clairement que, compte tenu de l'impact encore plus grand que des incendies pourraient avoir sur la biodiversité, la DFCI doit être priorisée dans les zones particulièrement exposées au risque incendie. Mieux vaut parfois déranger un peu la biodiversité pour protéger la forêt, car, soyons clairs, en cas de grand incendie, il n'y aura plus de biodiversité...

J'en viens à notre cinquième axe de recommandations, la mobilisation de l'agriculture dans la protection des forêts et des espaces naturels contre les incendies, levier qui me tient particulièrement à coeur.

Certaines activités agricoles et pastorales jouent un rôle reconnu dans la protection des forêts contre l'incendie. Un rapport d'il y a plus de vingt ans demandait une « ligne Maginot » de la gestion des espaces forestiers et naturels, mais force est de constater que depuis lors, le sylvopastoralisme n'a pas été suffisamment soutenu par les fonds européens. Des contrats d'entretien pluriannuel devraient systématiquement être recherchés pour favoriser la continuité dans le temps et la cohérence de ces opérations gagnant-gagnant de « pâturage préventif ».

C'est aussi le cas de la viticulture, en particulier en agriculture conventionnelle - car sinon, l'herbe laissée entre les rangs peut servir de « mèche » et propager l'incendie -, qui devrait pouvoir bénéficier plus facilement du second pilier de la politique agricole commune (PAC) quand elle joue le rôle de pare-feu naturel.

Plus globalement, l'indemnité de défrichement devrait pouvoir être minorée plus facilement quand elle a vocation à permettre la valorisation agricole ou pastorale d'une parcelle, dès lors que cela contribue à réduire le risque incendie.

Mais au-delà de ce rôle traditionnel de pare-feu, nous proposons de réfléchir à une approche intégrée de la DFCI, en l'étendant aux surfaces de végétation et aux surfaces agricoles. En effet, bien que nous manquions de données à ce sujet, environ un tiers des surfaces brûlées correspondent à des espaces non boisés : friches, landes ou terres agricoles. Des coupures de végétation pourraient ainsi utilement être réalisées dans les zones à risque, à l'interface entre terres agricoles et forêts, afin de protéger autant les forêts que les parcelles.

Cette approche intégrée des incendies de forêt et de végétation passe d'abord par le renforcement de la sensibilisation des acteurs agricoles pour limiter les feux de chaume ou de récolte, dont ils sont les premières victimes, à l'image de ce qu'a développé de façon proactive le SDIS de la Haute-Saône, avec des bonnes pratiques telles que : veiller au bon entretien des machines utilisées, moissonneuses, presses ou autres débroussailleuses, mais aussi s'équiper d'extincteurs ou compartimenter les parcelles lors des moissons.

En cas de niveau de risque « très sévère », nous proposons enfin, en concertation bien sûr avec les organisations de producteurs, de donner la possibilité au préfet de prescrire la réalisation des travaux agricoles la nuit - je pense en particulier aux moissons. Dans bien des cas, c'est déjà fait ; mais, quand le risque est très sévère, il faudrait pouvoir le généraliser. En cas de pertes de revenus liées à une détérioration de la récolte ou à une augmentation de charges, une compensation devra évidemment être prévue à destination des agriculteurs.

M. Jean Bacci , rapporteur . - À la différence de l'Amérique du Nord, où quatre feux sur dix sont d'origine naturelle, le facteur anthropique est prépondérant en France dans le déclenchement des incendies : neuf feux sur dix sont d'origine humaine, et sept sur dix sont attribuables à l'imprudence humaine. À la lecture de ces chiffres, on comprend bien l'importance de la sensibilisation, qui constitue notre sixième axe de recommandations.

Nous appelons ainsi à renforcer très largement les moyens alloués à la communication, à la hauteur des moyens mobilisés pour d'autres causes nationales, par exemple la sécurité routière. Au-delà des messages de sensibilisation sur les pratiques et les comportements à risque, il convient de sensibiliser à plus grande échelle sur l'intérêt des mesures de prévention, qui souffrent à ce jour d'un déficit de visibilité par rapport aux actions de lutte, souvent plus médiatisées. À cette fin, de la même manière que le préfet participe à l'ouverture de la saison des feux avant l'été, il pourrait être intéressant de procéder à une communication sur la « saison de la prévention », en montrant concrètement en quoi consiste un débroussaillement dans les normes.

L'accroissement des moyens alloués à la communication doit aller de pair avec une meilleure coordination des campagnes menées. Portée par de nombreux acteurs, la sensibilisation des populations souffre encore d'une trop grande hétérogénéité dans les messages relayés auprès des populations, sur la forme comme sur le fond.

De plus, les pics de fréquentation estivaux dans les massifs du sud de la France apportent leur lot de comportements imprudents, l'ensemble des touristes n'étant pas « acculturés au feu ». Nous recommandons de mobiliser le budget des collectivités territoriales pour recruter, former et équiper des jeunes du service national universel (SNU), afin de prévenir et sensibiliser les usagers en forêt lors des périodes à risque.

La sensibilisation passera, enfin, par un renforcement et une clarification des sanctions relatives à la prévention du risque d'incendie. Nous proposons de consacrer au niveau législatif l'interdiction de fumer dans un bois ou une forêt classée à « risque d'incendie » ou particulièrement exposée à ce risque durant certaines périodes.

M. Pascal Martin , rapporteur . - J'en viens aux réponses opérationnelles. Quand les politiques de prévention ont échoué, c'est aux moyens de lutte contre l'incendie d'intervenir. La lutte constitue donc logiquement le septième axe de recommandations de notre rapport.

En premier lieu, nous préconisons d'accroître sensiblement ces moyens de lutte pour faire face à l'intensification et à l'extension du risque incendie. Cette observation vaut tout d'abord pour les moyens aériens de la sécurité civile, actuellement insuffisants pour faire face à l'évolution de l'aléa. Le vieillissement de nos Canadair entraîne de plus longues immobilisations et d'importants surcoûts de maintenance. Cette flotte devra donc nécessairement être renouvelée et renforcée, principalement par un financement direct de l'État et, plus à la marge, dans le cadre du dispositif européen « RescEU ». En 2026, la France devrait récupérer deux Canadair par ce biais. Ces nouveaux Canadair devraient pouvoir être utilisés de nuit - comme les avions militaires. La France devra, en outre, se doter d'un plus grand nombre d'hélicoptères, en particulier d'hélicoptères bombardiers d'eau, plus adaptés que les Canadair pour intervenir sur des incendies à distance des zones côtières.

Par ailleurs, il faudra étudier l'opportunité de créer une seconde base aérienne de la sécurité civile - en plus de celle de Nîmes - pour plus de rapidité dans la mobilisation des moyens de lutte, à l'aune du retour d'expérience des incendies de Gironde, et en s'appuyant sur les projections d'évolution à moyen et long terme du risque.

Au-delà des moyens nationaux, un soutien de l'État s'avère nécessaire par un renforcement des moyens capacitaires des SDIS. Nous attendons de l'État une augmentation significative dans un cadre pluriannuel de la dotation de soutien à l'investissement des SDIS. L'État doit favoriser la mutualisation des secours, dans une démarche de solidarité nationale.

En outre, renforcer nos capacités opérationnelles de lutte contre le feu n'aura de sens que si des moyens humains sont disponibles pour les piloter. Pour armer des véhicules, il faut des femmes et des hommes. Une augmentation des effectifs de sapeurs-pompiers volontaires - qui sont actuellement 197 000 - apparaît donc indispensable pour répondre à l'évolution de l'aléa. Pour atteindre d'ici cinq ans la cible de 250 000 sapeurs-pompiers volontaires, effectifs dont bénéficiait notre pays dans les années 1990, la France devra recruter plus de 50 000 nouveaux « soldats du feu », soit 10 000 par an. Avec plus de 6 000 centres sur le territoire, cela revient à recruter deux sapeurs-pompiers par an et par centre de secours.

Comme l'avait déjà proposé le Sénat dans le cadre des débats sur la « loi Matras », nous proposons donc d'instaurer une réduction de cotisations patronales pour les entreprises et administrations en contrepartie de la disponibilité de leurs employés et agents exerçant en tant que sapeurs-pompiers volontaires. Cette proposition a malheureusement été supprimée en commission mixte paritaire et ne figure plus à l'article 45 de la loi.

La mise en place du cell broadcast , pour alerter et informer les populations par téléphone mobile, doit enfin être gérée à l'échelle non pas centrale, mais territoriale, notamment par le préfet, directeur des opérations de secours, pour plus de réactivité et d'efficacité sur le terrain.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Dernier axe de notre rapport, particulièrement attendu : le reboisement des parcelles brûlées, quand malheureusement ni la prévention ni la lutte n'ont permis d'éviter un sinistre, est une étape cruciale. Il s'agit de reconstituer une parcelle boisée, un patrimoine forestier, une biodiversité, en les rendant plus résilients à l'avenir. Pour ce faire, il faut une aide de l'État, fondée sur l'écoconditionnalité, et une réflexion sur le choix des essences à planter, en conciliant l'adaptation de la station forestière et la résistance aux incendies.

En complément du levier assurantiel, que nous appelons à renforcer par des mesures ciblées, un financement de l'État est indispensable même dans les cas où, comme dans le Sud, on laisse faire la régénération naturelle : pour autant, celle-ci doit être complétée par des plantations permettant de diversifier les essences et de rendre la parcelle plus résiliente aux incendies. Le site devra être sécurisé, et il faudra réaliser des travaux de nettoyage des parcelles et, parfois, une évacuation des bois, ce qui est coûteux pour les collectivités et les particuliers.

En Gironde, sur environ 20 000 hectares de forêts en partie productives, nous estimons le besoin de financement à environ 50 millions d'euros, à raison de 2 000 à 4 000 euros par hectare et un cofinancement public de 60 à 80 %, soit la moitié du premier volet renouvellement forestier du plan de relance, pour la seule forêt privée autour de Landiras et La Teste-de-Buch. C'est dire l'importance des besoins ! Cette aide de l'État, incluse dans le plan France 2030, devra s'accompagner d'engagements sur de nouvelles pratiques plus adaptées aux risques émergents, notamment en matière de pare-feux, qui devront a minima être respectés, si ce n'est agrandis lorsque l'évolution du risque le justifie.

Un autre enjeu important réside dans le choix des essences plantées ou replantées à la suite d'un incendie. Nous devrons être vigilants sur l'adaptation de ces parcelles et sur leur capacité de résistance en cas d'incendie. Le pin maritime reste l'essence la plus appropriée pour les sols et le climat landais, mais face au risque incendie il ne peut plus être implanté en monoculture sur d'importantes surfaces. La résistance de la forêt aux incendies passe par le mélange des essences, qui crée de la discontinuité, et par de la desserte, des pare-feux... Mais l'adaptation de ces nouvelles essences n'est pas une solution garantie. Il faut en permanence que les forestiers observent et adaptent en conséquence leurs pratiques, accompagnés et conseillés par les SDIS et par les élus locaux.

M. Joël Labbé . - Merci pour ce travail complet mené à huit mains.

Le pastoralisme a été mis en avant par Olivier Rietmann, indiquant qu'un rapport d'il y a vingt ans alertait déjà sur le risque de déprise. La situation s'est aggravée depuis pour le pastoralisme et le pâturage extensif, faute d'exploitants et d'éleveurs, et de moyens pour conserver ces activités ayant un intérêt collectif. Il faut conserver l'existant et regagner sur la friche. Les moyens pourraient être des paiements pour services environnementaux. Évitons d'avoir à redire, dans vingt ans, que cela avait déjà été décrit dans un rapport...

Mme Patricia Demas . - Félicitations pour ce travail intéressant.

La grande majorité des feux est d'origine humaine. Les maires des communes rurales, pour lutter contre les feux, exercent leurs pouvoirs de police pour limiter les activités et les comportements inappropriés. Encore faut-il qu'elles aient les moyens de mettre en oeuvre ce pouvoir de police municipale, qui se limite au territoire communal ; et l'arrêté doit être suffisamment identifiable et ne pas changer d'une commune limitrophe à une autre. Il en va de même pour les arrêtés préfectoraux, qui peuvent différer selon les départements, alors que leurs caractéristiques et les comportementaux à risque sont les mêmes.

Quelles mesures ou quelles incitations proposez-vous pour améliorer la lisibilité des arrêtés municipaux et préfectoraux qui luttent pour prévenir les comportements à risque sur leurs territoires ? Comment assurer une meilleure lisibilité et une meilleure coordination des pouvoirs publics ?

M. Patrick Chaize . - Quelles nouvelles techniques de gestion de l'eau pourraient-elles être développées ? Comment mieux anticiper ? Car, pour éteindre un incendie, après une seconde, il faut un verre d'eau ; après une minute, un seau d'eau ; après dix minutes, une tonne d'eau.

Comment surveiller par caméra numérique pour anticiper et pouvoir mener des actions rapides sur le terrain afin d'éviter la propagation du feu ?

M. Hervé Gillé . - Sénateur de la Gironde, j'ai suivi avec beaucoup d'attention les préconisations de ce rapport. Nous avons organisé une table ronde avec les deux maires de Landiras et de La Teste-de-Buch, le représentant des maires de Gironde et le responsable du SDIS du département pour dresser un premier bilan des événements actuels.

Je voudrais approfondir plusieurs sujets.

Nous avons connu un cocktail explosif, conjonction d'une sécheresse particulièrement intense et de températures élevées ayant accéléré la propagation des incendies. La prédiction météorologique n'a pas été très performante, affectant par là même les préconisations préfectorales d'urgence, qui étaient décalées. Le système de référence est à revoir.

Vous envisagiez l'inscription dans certains documents d'urbanisme des préconisations d'habitat : il faut aller plus loin et les intégrer dans les schémas de cohérence territoriale (SCoT). Les SCoT doivent prévoir les conditions nécessaires pour accueillir les populations correctement. Ils doivent être prescriptifs au niveau des plans locaux d'urbanisme (PLU) et des PLU intercommunaux (PLUi).

Par ailleurs, la gestion de crise est fondamentale. Lors de cet événement, elle a globalement répondu aux attentes, mais il reste des interrogations sur une meilleure articulation entre les services préfectoraux, et les collectivités territoriales, notamment les départements. La gestion logistique est importante : 3 000 hommes et femmes ont été mobilisés en Gironde. Il n'y a pas de cellule de crise mutualisant suffisamment en amont. Il faut revoir les procédures.

Il faut aussi revoir le schéma de réserves d'eau, en matière de sécurité et d'aménagement : après ces feux de quinze jours, nous sommes arrivés à une situation limite sur les réserves d'eau mobilisées.

Enfin, à Landiras, le premier Canadair n'est intervenu que douze heures après le départ du feu. Ce n'était pas le cas à la Teste-de-Buch. Les Canadair ont été mobilisés pour éviter que le massif landais ne soit directement attaqué, ce qui a permis que les feux landais naissants soient rapidement maîtrisés ; mais le retard a été un problème majeur à Landiras. Il faut renforcer aussi les moyens.

M. Daniel Gremillet . - Pour favoriser la gestion forestière, remettons au goût du jour la fiscalisation des petites propriétés forestières - notre commission avait réalisé une étude sur le sujet -, moyen efficace de rappeler aux propriétaires qu'ils possèdent des petites parcelles. Nous sommes capables de le faire pour le foncier agricole, pourquoi pas pour le foncier forestier ? Cela dit, Bercy bloque pour le moment...

Responsable du dossier forêt pour la région Grand Est, j'ai été stupéfait de découvrir que, malgré les aides publiques qui servent à la réalisation des dessertes forestières, les SDIS n'ont pas connaissance de ces dessertes. Personne ne connaît les nouveaux chemins, alors que, souvent, ils sont capables de supporter des véhicules avec un poids considérable ! Allons plus vite pour partager ces connaissances et cette accessibilité.

Oui, il faut rééquilibrer droits de préemption et de préférence. Actuellement, il existe un droit de préférence pour les propriétaires forestiers, il faut un droit de préemption pour les communes.

Sur le rôle que vous envisagez de confier à l'OFB en matière de DFCI, je m'interroge. Est-il le mieux placé pour cela ?

Vous avez proposé de créer une seconde base de canadairs. Voyons-le aussi sous l'angle communautaire. Avec les risques actuels sur l'ensemble de la France, deux bases ne suffiront pas. Dans l'Est, nous pourrions par exemple avoir une approche commune avec la Forêt-Noire....

Enfin, comme vous l'avez bien dit, le moins cher, pour gérer les broussailles, reste de faire pâturer des animaux. Avec un débroussailleur, le risque persiste, puisque les herbes broyées sèchent et fonctionnent comme des allumettes qui risquent de craquer à tout moment. Je suis très inquiet de la fragilité de notre élevage sur l'ensemble du territoire, et on voit les risques complémentaires que cette fragilité peut entraîner.

M. Bruno Belin . - Merci et bravo. Le sujet de votre rapport est de plus en plus souvent d'actualité, y compris hors saison.

Oui, il faut des moyens. Vous évoquez le recrutement de deux bénévoles par centre de secours. Avez-vous des pistes pour en trouver, dans un contexte de crise de recrutement du secteur ?

Demain, tous les SDIS ayant un certain pourcentage de massifs forestiers devront-ils s'équiper ? Je pense notamment aux Vosges, à la Bretagne... Quel cahier des charges auront-ils ? Ne faut-il pas une liste de matériels précis ? Le cas échéant, pour quel coût et avec quelles sources de financement ?

M. Bernard Buis . - Les conditions météorologiques sont le principal facteur à l'origine des feux de forêt. Cette année de sécheresse exceptionnelle, qui s'accentue depuis juin, est dramatique : 45 000 hectares sont partis en fumée depuis le début de l'année. En 1976, année record des plus grands incendies, 88 000 hectares ont brûlé. Espérons que ce record ne sera pas battu cette année. En Gironde, déjà en 1949, un mégafeu avait détruit à lui seul 50 000 hectares. À court terme, pour lutter contre ces incendies, certains préconisent un retour du brûlage ou du feu dirigé pour prévenir en amont les incendies, et brûler, en hiver, feuilles, branches et résidus susceptibles, en été, d'alimenter les feux. Prônez-vous cette technique ?

M. Pascal Martin , rapporteur . - Monsieur Chaize, l'Entente Valabre, établissement public qui regroupe une grande partie des départements de l'arc méditerranéen - région Sud, ex-Languedoc-Roussillon, Drôme et Ardèche, collectivité unique de Corse - mais aussi La Réunion, possède un centre scientifique spécialisé notamment dans la gestion de l'eau.

Le président de la FNSPF, Grégory Allione, également directeur du SDIS des Bouches-du-Rhône, a demandé à ses équipes de réfléchir aux moyens d'éteindre les incendies avec beaucoup moins d'eau, mais aussi en utilisant plutôt de l'eau brute que de l'eau potable.

Sur l'anticipation, mieux vaut parler de « prévention » - faire en sorte qu'un sinistre ne se déclare pas - que de « prévision » - qui, lorsque la prévention a échoué, vaut à préparer l'intervention.

Pour éviter l'engagement de moyens humains dans des circonstances compliquées, on peut substituer des drones, des capteurs de chaleur, des robots. Ces moyens existent déjà et sont utilisés par certains SDIS.

Monsieur Gillé, le directeur des opérations de secours est le maire lorsque le feu est limité au territoire de la commune et le préfet lorsqu'il le dépasse. L'articulation entre les deux est difficile. En Gironde, comme cela a été rappelé, la simultanéité de deux feux a posé problème. Le préfet, le département et les maires ont été confrontés à des difficultés hors normes.

Les communes soumises à un plan de prévention des risques naturels (PPRN) et à un plan particulier d'intervention (PPI) sont obligées de mettre en place un plan communal de sauvegarde (PCS) ; celui-ci est recommandé pour les autres communes. Il peut être intercommunal, et concerne les risques sanitaires, naturels, technologiques... La loi Matras a prévu de désigner un référent pour porter, dans chaque commune ou intercommunalité, l'élaboration et le suivi du PCS. Elle a aussi prévu de tester le PCS tous les cinq ans avec la population. Avant, cela restait théorique ; désormais, il faut tester l'alerte, l'évacuation, l'hébergement provisoire... Mais cela ne règle pas les problèmes logistiques : lorsque plusieurs centaines ou milliers de pompiers arrivent sur un territoire, il faut qu'ils puissent se reposer, manger et boire. Toutes ces questions échappent au maire : c'est au préfet, voire aux conseils départementaux, de s'en charger.

Des feux dits « tactiques » sont déjà utilisés par des sapeurs-pompiers qui en ont la maîtrise : cela permet, à terme, d'économiser de l'eau.

Bruno Belin évoquait les pompiers volontaires. Le maillage territorial des 6 100 centres d'incendie et de secours est assuré par des gardes de pompiers volontaires. Or, on connaît une crise du volontariat. Il y avait 250 000 sapeurs pompiers volontaires dans les années 1990 ; nous en avons perdu plus de 50 000. Il faut les fidéliser. L'engagement de ces pompiers volontaires est avant tout citoyen, et non financier : la vacation horaire est rémunérée 7 euros... Lors de la future réflexion sur les régimes de retraites, on pourrait envisager des bonifications de trimestres.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Il est difficile, pour les maires, de faire respecter les arrêtés préfectoraux de limitation de l'emploi du feu : nos concitoyens, accoutumés à ces arrêtés, les respectent de moins en moins. Les maires veulent être davantage associés au pilotage avec les services préfectoraux et les SDIS. C'est indispensable. Laissons les acteurs de terrain déterminer certaines modalités réglementaires. Mais ils doivent pour cela disposer de la cartographie des aléas, des zonages, afin d'être mieux informés et mis en capacité d'assumer leurs responsabilités.

Nous proposons de cartographier les massifs et d'identifier les dessertes, les points d'eau, et d'en aménager éventuellement les accès, afin qu'ils soient mobilisables en cas d'incendie, et pas seulement dans les régions où il y a des PPFCI, En Côte-d'Or, le SDIS travaille à une adaptation du schéma départemental d'analyse et de couverture des risques (Sdacr) qui intègre les massifs vulnérables aux incendies et commence à répertorier les dessertes et à travailler davantage avec les forestiers pour connaître les massifs, les points d'eau et les centres de première intervention (CPI).

Pascal Martin proposait de revenir sur une disposition de la loi Matras proposée par le Sénat mais remise en cause par la commission mixte paritaire. Les sapeurs-pompiers font remarquer que de nombreux volontaires seraient potentiellement mobilisables pendant leurs heures de travail, souvent l'après-midi, quand les casernes de pompiers sont plus vides. Il faut accompagner les employeurs privés pour qu'ils puissent participer à cet effort : il y a là une grosse réserve de sapeurs-pompiers volontaires.

M. Olivier Rietmann , rapporteur . - Messieurs Labbé et Gremillet, concernant l'élevage, ce n'est pas pour rien que nous avons évoqué ce rapport de 1999 évoquant une « ligne Maginot » de la gestion des espaces forestiers et naturels. Le commissaire européen à la gestion des crises nous a fait part de la volonté communautaire de participer, y compris financièrement, à la réimplantation forte du pastoralisme et de l'élevage dans la lutte contre les incendies, là où c'est possible et souhaitable. Certes, le pastoralisme peut aussi avoir quelques inconvénients sur la biodiversité, en raison du piétinement ou de la volonté de conserver certaines espèces. Mais il faut pousser ce dossier et l'accompagner financièrement avec les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) et les fonds européens.

Évidemment, il est urgent de transmettre aux SDIS les cartes de desserte forestière. Ils doivent participer aux débats relatifs à l'implantation et aux caractéristiques de cette desserte.

J'ai été clair sur le droit de préemption DFCI des communes, qui fait partie des pistes intéressantes à développer.

Nous avons proposé non pas de renforcer le rôle de contrôle de l'OFB par la lutte contre les incendies, mais que celui-ci prenne en compte le sujet dans sa stratégie : nous proposons que la stratégie de l'OFB ne se limite plus, dans les secteurs sensibles aux incendies de forêt, à du contrôle et à la préservation de la biodiversité, mais qu'elle intègre, dans ses contrôles sur le terrain, la lutte contre les incendies.

J'appuie les propos de Pascal Martin, fondés sur les auditions des sapeurs-pompiers et des visites de terrain : si actuellement la politique de lutte contre les incendies en France est reconnue très largement pour son efficacité, c'est grâce à la prévention et à cette lutte, fondées sur les sapeurs-pompiers volontaires, professionnels et sur les colonnes de renfort. Les départements du nord de la France ont pu envoyer ces colonnes car, jusqu'à présent, ils étaient peu concernés par les incendies. Or, désormais, les zones concernées et les saisons s'étendent : ces départements pourront de moins en moins mettre à disposition ces colonnes de renfort. L'État doit donc engager des moyens financiers aux côtés des départements et des communes.

M. Jean Bacci , rapporteur . - Le département des Bouches-du-Rhône réfléchit à l'utilisation de moins d'eau pour la lutte contre les incendies. L'anticipation et la surveillance sont particulièrement importantes. Dans le Var, nous expérimentons, avec Orange, la possibilité de surveiller les massifs avec les réseaux satellites.

Oui, il faut joindre tous les documents d'urbanisme dans les SCoT. Mais ceux-ci sont pilotés par les élus : il convient de les sensibiliser à la nécessité de travailler sur le risque incendie. Nous réalisons des formations avec l'association départementale des communes forestières du Var pour les sensibiliser aux risques et à leurs obligations, ainsi que pour les aider à mettre en place leur propre plan communal de sauvegarde.

La France aurait la flotte aérienne de lutte contre les incendies la plus importante, mais encore faut-il qu'elle soit opérationnelle. Un tiers des avions sont cloués au sol pour maintenance. L'État a commandé quatre Canadair, et nous devrions en recevoir deux de plus de l'Union européenne. C'est très bien, mais quand les recevra-t-on ? Les lignes de fabrication sont fermées et doivent être rouvertes. Ces avions ne seront pas livrés avant 2027 ou 2028. Airbus, cette année, a expérimenté en Espagne un avion porteur d'eau comme les Dash. En attendant, des avions militaires sont utilisés...

Mme Anne Chain-Larché . - J'adhère aux propos qui ont été tenus. Comme cela avait déjà été dit il y a plusieurs années : notre forêt brûle et nous regardons ailleurs. Réveillons-nous !

Je constate trois aberrations.

Sur les parcelles brûlées de chêne-liège dans le Var, replanter avec des cèdres du Liban ou des pins maritimes n'est pas approprié face au risque d'incendie.

L'ONF n'entretient plus ses chemins, lesquels permettaient aux pompiers d'entrer dans les massifs. Désormais, non seulement les avions sont en nombre insuffisant, mais les chemins au sol sont inutilisables. L'ONF devrait faire preuve de plus d'ambition dans les forêts domaniales.

Enfin, je ferai remarquer qu'il n'y a plus de cendriers dans les voitures : les fumeurs au volant jettent donc leurs cigarettes par la fenêtre... Or les incendies sont, pour la plupart, dus à des négligences humaines.

M. Pierre Cuypers . - Très bien !

Mme Anne Chain-Larché . - C'est du bon sens...

Mme Angèle Préville . - Merci pour le travail exhaustif réalisé.

En tant que professeur, je salue la recommandation n° 56 pour sensibiliser les plus jeunes dans les établissements scolaires, en faisant témoigner des intervenants extérieurs. Moi qui ai eu des élèves jeunes sapeurs-pompiers, je propose qu'un jour par an soit consacré à la prévention des incendies. Cela permettrait que les élèves connaissent le métier, afin de leur donner envie de s'engager. Cela pourrait être couplé avec l'enseignement de plusieurs matières.

Une filière de responsabilité élargie du producteur (REP) mégots est une très bonne idée, car ces derniers sont à l'origine de nombreux incendies. Cette REP, que vous proposez de flécher vers des actions de communication d'envergure, pourrait aussi être affectée à des moyens de surveillance.

M. Serge Mérillou . - Merci pour ce travail.

Que va-t-il se passer après les incendies ? C'est à ce moment que commence la prévention au niveau des infrastructures forestières, et que l'on peut créer des pistes forestières, des points d'eau, puisqu'aucun obstacle physique ne s'y oppose plus.

Pour la restructuration foncière, au-delà des droits de préemption, il existe aussi des échanges amiables entre propriétaires pour regrouper des parcelles, afin qu'ils s'y intéressent et les entretiennent. Des outils existent pour des opérations groupées d'aménagement foncier (OGAF), comme la prise en charge des frais de notaires.

L'aide aux propriétaires forestiers permet de reconstituer des boisements les plus adaptés possible à leur station forestière et d'éviter des plantations entières de résineux, même si l'on ne peut pas les remplacer partout, notamment en forêt landaise. Nous aurons besoin de l'ONF, des CRPF et des services forestiers des chambres d'agriculture.

Mme Nadège Havet . - Je remercie les rapporteurs pour leurs travaux.

Le Finistère n'a pas été épargné par les incendies cet été. Comme partout en France, le risque incendie reste élevé.

Lors des incendies des monts d'Arrée, comme sur d'autres territoires, nous avons pu constater que le monde agricole représentait une force de frappe importante et réactive pour soutenir les services d'incendie et de secours, pour véhiculer des tonnes à eau, pour procéder à des arrosages préventifs.

Mais, dans la pratique, il y a parfois des incompréhensions entre agriculteurs et SDIS sur les théâtres d'intervention, leurs objectifs étant un peu différents : les premiers veulent intervenir vite pour éteindre l'incendie, les seconds sont présents avant tout pour protéger les personnes. Ne faudrait-il pas élaborer des conventions et des protocoles permettant de faciliter leur coopération et leur coordination ?

M. Daniel Salmon . - Merci pour cet excellent travail.

Les feux extrêmes suscitent énormément d'angoisse dans la population, car ils visibilisent le changement climatique. Il faut que nous apportions un maximum de réponses.

Vos axes de travail sont essentiels, mais il en est un que nous n'avons pas abordé, parce qu'il porte sur le moyen et le long termes : la lutte contre le réchauffement climatique. Elle doit être immédiate et massive. De fait, les feux de forêt sont provoqués par le stress hydrique. Des arbres se transforment en véritables torches en cas de températures extrêmes.

Je me réjouis que l'on n'ait pas succombé à la facilité en accusant les écologistes de provoquer un certain nombre de feux du fait des embroussaillements - ces polémiques ont pu exister ailleurs.

Concernant les boisements monospécifiques, les boisements de résineux, la réflexion est difficile, puisqu'il faut prévoir le climat à cinquante ans. Je pense qu'il ne faut pas mettre tous les oeufs dans le même panier. Les recherches qui sont menées actuellement concluent plutôt à la nécessité d'une diversification maximale de nos boisements pour avoir toutes les chances d'avoir, demain, une forêt résiliente.

M. Guillaume Chevrollier . - Merci aux rapporteurs pour leur travail sur cette question essentielle.

Vous avez cité un certain nombre d'opérateurs : les SDIS, l'ONF, l'OFB... Vous avez parlé des propriétaires forestiers privés, mais je ne crois pas avoir entendu citer Fransylva, qui est la Fédération des syndicats de forestiers privés de France. C'est pourtant un organisme essentiel, dont le maillage est fin et qui fait beaucoup dans les territoires pour sensibiliser et accompagner les propriétaires. Je pense qu'il doit avoir une place primordiale dans la prévention des feux.

Quel est votre avis sur son rôle dans la diffusion d'une culture du risque et dans la gestion durable et résiliente de nos forêts ?

M. Franck Montaugé . - Merci aux rapporteurs.

Ce sujet relève de la défense de notre patrimoine environnemental national. Avez-vous réfléchi à la possibilité d'utiliser, dans un cadre adapté, l'observation satellitaire militaire, dont les outils offrent une précision extraordinaire ? Cela permettrait de mettre en évidence des départs de feux très rapidement et d'être sur place avant que la situation dégénère.

Mme Sylviane Noël . - Merci aux rapporteurs pour leurs propositions pertinentes.

Aux propositions formulées pour le soutien à l'agropastoralisme, auxquelles je souscris pleinement, je veux ajouter la lutte contre la prédation, notamment celle du loup, qui, dans certains départements de montagne, constitue une pression telle que de nombreux secteurs ne sont désormais plus pâturés. Je crains que nous n'allions, dans les années à venir, au-devant de grandes difficultés si nous ne parvenons pas à trouver une gestion plus équilibrée, dans nos alpages, de certaines espèces qui mettent à mal notre agriculture de montagne.

C'est bien de prévenir les risques d'incendie. C'est bien aussi de s'assurer que, dans les prochaines années, nous aurons suffisamment de « soldats du feu » pour assurer notre protection. Aujourd'hui, dans notre pays, plus de 5 000 pompiers volontaires et 200 professionnels sont suspendus depuis plusieurs mois. Leur réintégration rapide me semble une impérieuse nécessité pour répondre à nos besoins futurs.

Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . - Mes chers collègues, je dois participer au dépouillement du scrutin sur la proposition de nomination de Mme Emmanuelle Wargon à la présidence du collègue de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), son audition étant terminée à l'Assemblée nationale.

Je vous souhaite une bonne fin de réunion et remercie une nouvelle fois les rapporteurs du travail qu'ils ont réalisé.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian . - Merci pour la richesse de votre rapport et des pistes que vous dessinez.

Je souscris à la création d'un ministère pour la prévention et la lutte contre les incendies.

Ne pensez-vous pas qu'il serait pertinent de légiférer pour permettre à nos communes de réquisitionner des voies d'accès privées définies comme présentant un risque incendie par le PPRif dans le cadre d'une procédure plus adaptée, plus rapide et plus simple que les procédures d'expropriation ?

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Pour ce qui concerne la présence en forêt, nous proposons de redéployer, dans l'ensemble des forêts publiques, un certain nombre d'agents de surveillance au sein de l'ONF, dont les effectifs ont été limités ces dernières années, et de créer un dispositif identique, piloté par le CNPF, pour les forêts privées.

Nous avons auditionné tous les acteurs de la forêt : Fransylva, mais aussi les coopératives, les exploitants, les gestionnaires. Je pense que tous ces acteurs vont être mobilisés au quotidien pour sensibiliser et diffuser de bonnes pratiques.

Nos propositions concernent essentiellement l'organisme public de gestion, le CNPF, qui contrôle, instruit, ainsi que les services préfectoraux, dans le cadre des schémas régionaux de gestion sylvicole. Derrière ces structures tutélaires fourmillent tous les acteurs de terrain, petites mains qui vont mettre en oeuvre ces dispositifs.

S'agissant de la nécessité de l'aménagement des massifs, notre rapport souligne combien le soutien à toutes les stratégies locales de développement forestier - les chartes forestières de territoire, les plans de développement de massif - mais aussi par exemple les OGAF, permettront de diffuser la culture du risque. Nous préconisons, pour les aides publiques, la mise en place d'une écoconditionnalité : peuplements adaptés non seulement à la station forestière, mais aussi à la résilience aux incendies, bonnes pratiques en matière de desserte, de cartographie... Tout cela doit s'articuler pour une meilleure résilience de l'ensemble de nos massifs.

M. Olivier Rietmann , rapporteur . - Notre collègue a évoqué des désaccords entre agriculteurs et pompiers. Il y en a peut-être eu dans un secteur particulier du Finistère à un moment donné, mais c'est probablement un cas isolé. Dans toutes les auditions que nous avons pu organiser, nous n'avons pas eu de remontées en ce sens. Au contraire, on nous a plutôt fait état d'une bonne entente et d'un appui très important des agriculteurs, notamment dans le transport de l'eau, auprès des pompiers des SDIS, par exemple en Gironde.

Personnellement, je plaide également pour la création d'un ministère de la sécurité civile. C'est absolument nécessaire pour une bonne gestion de crise et la lutte contre les feux extrêmes.

M. Jean Bacci , rapporteur . - Je suis tout à fait d'accord : il faut faire le maximum de sensibilisation. Il faut sensibiliser nos jeunes et les populations au risque incendie.

Il est nécessaire de communiquer pour faire comprendre à tout le monde qu'aujourd'hui, comme les représentants du Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (Citepa) nous l'ont dit clairement, la forêt a besoin de l'intervention humaine : pour la défendre, il faut enlever de la biomasse. Ainsi, elle brûlera moins facilement, et les sujets qui resteront en place souffriront moins de stress hydrique.

Les représentants du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) nous ont dit que rouler 300 mètres en voiture, c'est faire fondre un kilo de glace des glaciers. De son côté, AtmoSud nous explique qu'un hectare de forêt méditerranéenne qui brûle correspond, en termes d'émissions de gaz à effet de serre, à un véhicule fortement émetteur qui ferait 6,5 fois le tour de la Terre... Je vous laisse faire la conjonction entre ces deux informations !

Il peut être compliqué de travailler avec les satellites des armées. En revanche, nous sommes en train d'essayer de travailler avec Orange, comme je vous l'indiquais tout à l'heure.

Pour terminer, nous avons besoin de nous acculturer au feu et de prendre conscience que, dès lors qu'il a rempli correctement ses obligations légales de débroussaillement, un habitant qui vit à proximité de la forêt ne risque rien dans sa maison. Toutefois, il faut être actif pour protéger sa maison : ne pas laisser le tuyau d'arrosage dehors quand le feu approche, doter sa piscine d'une pompe thermique, etc.

Satisfaire aux OLD permet aussi de libérer un camion de pompiers pour contenir le feu ailleurs, dès lors que l'habitation n'a plus besoin d'être protégée.

M. Pascal Martin , rapporteur . - Les OLD ont été au coeur de nos échanges tout au long de ces trois mois. Elles sont, aujourd'hui, mal expliquées aux personnes concernées. La culture du risque et la pédagogie manquent.

J'insiste sur ce que vient de dire Jean Bacci. Les OLD, c'est tout bénéfice pour les propriétaires : cela leur permet de se sauver en restant chez eux et de sauver leur bien, et cela évite que des sapeurs-pompiers ne soient bloqués près de maisons, alors qu'ils pourraient être utiles ailleurs.

Il existe des conventions entre SDIS et agriculteurs, mais elles ne peuvent s'organiser qu'à l'échelle de chaque SDIS. De même, je connais des communes qui passent des conventions avec des agriculteurs pour le déneigement. Très souvent, les relations entre agriculteurs et services départementaux sont bonnes. On ne peut pas définir une politique générale ; il faut vraiment faire du cas par cas.

Légiférer sur les questions de réquisition est toujours extrêmement sensible. Nous ne l'avons pas prévu explicitement, mais nous notons la proposition. Nous regarderons, dans nos travaux à venir, notamment lors de l'élaboration de la proposition de loi, ce qui pourrait être fait dans ce domaine.

M. Olivier Rietmann , rapporteur . - Le « coût du sauvé » est très important. Les Bouches-du-Rhône ont investi, ces dernières années, 200 millions d'euros dans la lutte contre les incendies, mais cela a permis de sauver l'équivalent de 5 milliards d'euros d'équipements, de forêts et d'espaces naturels. La proportion est très importante.

M. Didier Mandelli , vice-président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - La remarque est judicieuse, et l'exemple édifiant.

Je vous propose, mes chers collègues, de passer au vote sur les recommandations des rapporteurs et d'autoriser la publication du rapport d'information.

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et la commission des affaires économiques adoptent, à l'unanimité, le rapport d'information et en autorisent la publication.

M. Didier Mandelli , vice-président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Encore bravo et merci pour ce travail. Bonnes vacances à tous !

Audition de représentants des sylviculteurs, des sapeurs-pompiers de France et de l'Inrae (mercredi 15 juin 2022)

M. Jean-François Longeot , président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Nous voici réunis pour une table ronde sur la prévention des mégafeux et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque d'incendie. La mise en place de cette mission a été décidée par le bureau de notre commission le 16 février dernier ; nous avions alors décidé d'y associer la commission des affaires économiques, compétente en matière de forêt. Le 10 mai dernier, nos deux commissions ont désigné MM. Jean Bacci et Pascal Martin, Mme Anne-Catherine Loisier et M. Olivier Rietmann rapporteurs de cette mission d'information. Je remercie Mme la présidente Sophie Primas pour cette collaboration, qui nous permettra d'enrichir notre travail.

Nous ne partons pas de zéro : un rapport flash sur la prévention des incendies de forêt et de végétation a été publié en début d'année par nos collègues de l'Assemblée nationale. Deux rapports sénatoriaux, adoptés en 2019 et en 2021, ont également traité de la lutte contre les incendies.

Mais l'originalité de notre mission de contrôle tient dans l'angle choisi : analyser nos politiques publiques à l'aune du risque grandissant induit par le changement climatique. Le changement climatique, combiné à la déprise agricole et à l'urbanisation croissante, expose en effet le territoire national à une augmentation du risque d'incendie, notamment de forêts. Les feux, historiquement contenus en France et concentrés dans le sud du pays, pourraient se diffuser au nord ; leur ampleur et leur intensité pourraient s'accroître, au point de faire craindre l'arrivée en France de mégafeux, incendies extrêmes particulièrement difficiles à maîtriser comme l'ont récemment expérimenté l'Australie ou les États-Unis. Cette menace nous a notamment été rappelée par les rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), dont des représentants seront à nouveau entendus par notre commission à la fin du mois.

L'objectif de notre mission est clair : formuler des propositions pour adapter notre stratégie de prévention du risque d'incendie au contexte du changement climatique, et faire évoluer le comportement des usagers et les pratiques des professionnels face à cette menace grandissante.

Pour mener à bien cette mission, les rapporteurs mènent un large cycle d'auditions et se rendront, le 11 juillet prochain, dans la plaine des Maures, un an après l'incendie particulièrement dévastateur ayant touché le massif.

Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . - J'ajouterai seulement à ce que vient de dire Jean-François Longeot que l'objectif de nos quatre rapporteurs est d'aboutir, le cas échéant, à une proposition de loi, qui pourrait être déposée dès la rentrée. C'est la raison pour laquelle nous serons très attentifs aux propositions d'améliorations concrètes de notre stratégie de prévention du risque d'incendies de forêt.

Les causes des feux sont multiples, et les forêts sont des écosystèmes complexes, imbriqués dans des espaces naturels, agricoles et urbains ; ainsi, trois personnes ne nous ont pas paru de trop pour nous éclairer ce matin. Nous avons souhaité convier des profils complémentaires, car sur un tel sujet il est essentiel de croiser les approches - c'est d'ailleurs pour cette raison que nos deux commissions unissent leurs capacités d'analyse.

Monsieur François Pimont, vous êtes chercheur spécialisé en écologie des forêts méditerranéennes à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae). Vos travaux portent sur la modélisation de la propagation des feux de forêt en fonction des flux d'énergie et de l'hétérogénéité de la végétation. Vous nous aiderez à répondre à la question, non encore tranchée, de savoir si des mégafeux pourraient advenir en France à moyen ou long terme.

Monsieur Christian Pinaudeau, vous êtes sylviculteur, représentant d'une vision productive de la forêt - ce n'est pas un gros mot dans ma bouche ! Vous avez été pendant quarante ans secrétaire général du syndicat des sylviculteurs du Sud-Ouest, implanté dans le massif des Landes de Gascogne, caractérisé par la monoculture du pin maritime. Aussi avez-vous développé une expertise de terrain, dont vous avez tiré un livre, Échec aux feux de forêt , dans lequel vous soulignez le rôle de la gestion sylvicole dans la politique de défense des forêts contre l'incendie (DFCI).

Monsieur Grégory Allione, vous présidez la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) et représentez, à ce titre, le dernier maillon de la chaîne, vital, celui de la lutte contre l'incendie. La prise en charge précoce des départs de feux par les pompiers explique en partie que l'on compte deux fois moins de surfaces brûlées en France qu'il y a cinquante ans, et quatre fois moins qu'au Portugal, en Espagne ou en Italie. Il faut toutefois veiller à la bonne articulation de la lutte contre l'incendie avec la prévention du risque qui nous préoccupe dans le cadre de ces travaux.

L'état de nos forêts se dégrade, vous le savez. À cet égard, je vous poserai une unique question, très ouverte : comment, face à la montée et à la mutation des risques d'incendie, améliorer notre stratégie de prévention ?

M. François Pimont, ingénieur de recherche en écologie des forêts méditerranéennes à l'Inrae . - Je travaille depuis une vingtaine d'années sur les incendies de forêt. J'ai commencé ma carrière en étudiant le comportement du feu, c'est-à-dire sa vitesse de propagation et sa puissance en fonction de différents facteurs : météo, topographie, caractéristiques du combustible forestier. Mes travaux ont porté en particulier sur l'impact des traitements réalisés sur la végétation pour réduire les activités de feux ; les obligations légales de débroussaillement (OLD), notamment, sont un facteur clé pour réduire les sollicitations thermiques - flux radiatifs et convectifs - dans le voisinage des bâtiments à défendre.

Nos travaux montrent que la distance légale de 50 mètres n'est pas de trop pour permettre aux personnels de lutte d'intervenir en toute sécurité, compte tenu des puissances de feu enregistrées en fonction de la quantité de combustible. Nous avons testé plusieurs distances et modélisé leurs effets respectifs sur la réduction des flux : 10 mètres, 30 mètres et 50 mètres. Ce n'est qu'à partir de 50 mètres que l'on obtient, dans des conditions de propagation sévères, la diminution nécessaire des flux radiatifs et convectifs. La mise en oeuvre des OLD, aujourd'hui insuffisante, constitue donc une priorité.

Plus récemment, nous avons orienté nos recherches vers les activités de feu, c'est-à-dire le rapport entre nombre d'incendies et surfaces brûlées, d'une part, et facteurs météorologiques, d'autre part. Nous intégrons à nos modèles des indices de danger météorologiques régionaux et des facteurs locaux - empreinte agricole, densité routière - afin de déterminer leur influence sur la probabilité que des feux « échappent », c'est-à-dire dépassent le seuil critique d'un hectare, puis des seuils successifs, 10 hectares, 100 hectares, 1000 hectares.

Ce type d'approche nous permet d'analyser rétrospectivement l'évolution des activités de feux au cours des dernières décennies. Dans un contexte où les indices de danger climatique ont augmenté de 20 % environ, dont au moins la moitié est scientifiquement imputable au changement climatique, une diminution très importante des activités de feux a pourtant été constatée ces trente dernières années. Elle a eu lieu en deux temps : d'abord dans les années 1990, puis immédiatement après la crise de 2003. Nous démontrons qu'elle est exclusivement liée à la division par deux du nombre de feux d'un hectare permise par les efforts de prévention et de suppression, la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile ayant mis au coeur du dispositif la stratégie d'attaque rapide des feux naissants. En revanche, nous n'avons pas constaté d'amélioration quant à notre capacité à éviter que des feux déjà partis deviennent très grands.

Cette transition, autour de la crise de 2003, a conduit à une baisse considérable du nombre de feux, mais peu de progrès ont été réalisés par la suite à niveau de danger équivalent, même concernant les feux naissants. Cela signifie qu'il ne sera pas aisé de continuer à améliorer ces résultats, qui sont d'ailleurs très contrastés entre l'est de la vallée du Rhône, où l'amélioration a été très importante, et l'ouest, où la situation s'est plutôt dégradée à niveau de danger équivalent. Notre interprétation du phénomène, qui ne vaut pas démonstration, est que la DFCI a pu rencontrer des difficultés à encaisser cette augmentation du danger climatique dans la partie ouest du bassin, qui, historiquement, avait connu moins de grands feux que la partie est.

Ni la déprise agricole ni l'augmentation de la surface forestière sur l'ensemble de la zone, dont nous avons testé l'influence, n'apparaissent pour le moment parmi les facteurs explicatifs de ces changements, même s'ils ont pu augmenter la probabilité de petits feux dans l'ouest du bassin.

Je résume : d'un côté, le changement climatique explique l'augmentation du nombre de feux, et, de l'autre, la prévention et la lutte ont permis des gains globaux, en particulier après 2003 sur les petits feux.

L'autre volet de nos travaux consiste à réaliser des projections climatiques.

Nous avons reçu une commande en ce sens, de la part des trois ministères concernés, dans le cadre de l'actualisation du rapport « Chatry » de 2010. Quelques mots, tout d'abord, sur l'augmentation générale attendue : en 2050, on attend une augmentation des surfaces brûlées au sein de la zone sud-est d'environ 80 %. Le chiffre attendu à la fin du siècle, quant à lui, dépend énormément de ce qui se passera à l'échelle globale en matière d'émissions de gaz à effet de serre. Dans le scénario pessimiste, les activités de feux seraient triplées, quand le scénario intermédiaire de réduction des émissions, dit RCP 4.5, permettrait, s'il se réalisait, de les maintenir à 80 % après 2050.

En conséquence, la zone à risque, qui couvre environ 30 % de la zone sud-est aujourd'hui, s'étendrait à 50 % en 2050, puis jusqu'aux deux tiers à la fin du siècle. Cette expansion spatiale, considérable, peut sembler spectaculaire, mais deux tiers des nouvelles activités de feu auraient lieu dans la zone à risque historique, par intensification. Si des adaptations de la prévention et de la lutte seront bel et bien nécessaires dans des territoires actuellement peu exposés à ce risque, l'expansion, contenue par des franges de montagne, devrait se faire à la marge et non sur des centaines de kilomètres.

Se profile surtout un allongement considérable de la haute saison dans les zones où le risque existe déjà : concentrée aujourd'hui du 15 juillet au 24 août, elle irait désormais du 15 juin au 15 septembre, soit un quasi triplement. Là encore, le gros des activités sera attendu dans le coeur de la saison historique, ce qui exigera des interventions simultanées beaucoup plus nombreuses et plus intenses, entraînant usure et fatigue chez les professionnels.

M. Grégory Allione, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France . - Au-delà de mon rôle au sein de la FNSPF, qui m'a valu d'être invité aujourd'hui, je tiens à préciser que j'ai connu les feux de 1990, 2003 et 2016, que j'ai réalisé plusieurs missions en renfort sur le territoire national, notamment à La Réunion, ainsi qu'en Australie en janvier 2020.

Les perspectives tracées par François Pimont sont éloquentes. L'expansion du risque sur le territoire national aura des conséquences sur la sollicitation des personnels. Depuis que s'applique le principe de solidarité introduit par la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004, il est devenu habituel que les pompiers du nord de la France viennent aider ceux du Sud pour lutter contre les feux.

Je plaide pour que l'on arrête de parler de « saison des feux » : en tant que directeur du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Bouches-du-Rhône, je peux vous dire que nous intervenons sur des départs de feux depuis le mois de janvier. Autrement dit, malgré une intensité particulière sur certains créneaux, la saison des feux, c'est du 1 er janvier au 31 décembre, car la sécheresse est chronique !

Depuis 2019-2020, le dérèglement climatique, nous le vivons au quotidien. Avant-hier, je me trouvais dans le Gard pour des feux qui dépassent l'entendement - 10, 20, puis très rapidement 100 hectares -, malgré un faible vent. Ces feux ne sont pas « à taille humaine », leur intensité est telle qu'en l'absence de végétation entre la forêt et les éléments de lutte il est tout simplement impossible d'aller au contact. La puissance dont nous parlons se mesure en mégawatts : ce sont des centrales nucléaires qui se déplacent.

Au-delà du constat, je vous proposerai quatre axes de réflexion en vue de nourrir un éventuel texte législatif.

Premier axe : il faut un renforcement du soutien de l'État à l'investissement des SDIS, aujourd'hui assumé en très grande partie par les collectivités, hormis quelques subventions de l'État et le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). La loi de 2004, qui a instauré le principe de solidarité « Nord-Sud », l'avait assorti du Fonds d'aide à l'investissement des SDIS, permettant aux départements de former le personnel concerné. Ce fonds, doté de plus de 300 millions d'euros entre 2004 et 2012, a fondu à 32 millions en 2016, puis à 7 millions aujourd'hui, orientés sur le seul projet NexSIS, logiciel d'alerte commun à tous les SDIS.

L'État doit faire bien davantage pour accompagner les collectivités, notamment en finançant les aménagements de défense extérieure contre l'incendie (DECI) pour l'accès à l'eau, ainsi que les aménagements de DFCI.

Je vous livre au passage deux observations. Lorsqu'un SDIS achète un véhicule pour commander la lutte contre les feux de forêt, mais ne contenant pas d'eau, il doit payer un malus qui augmente le prix de presque 50 %. De même, lorsque nos camions partent en opération, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) s'applique aux carburants utilisés, quand d'autres, parce qu'ils partent à la guerre, en sont exemptés. Voilà des pistes pour substituer des baisses de charges aux subventions, en déclin, dont dépendent les collectivités.

Deuxième axe : l'accroissement des moyens aériens de la sécurité civile. Il est prévu que le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) intègre un volet consacré à la sécurité civile ; c'est une première dans l'histoire de notre pays. On y trouve des éléments très intéressants, qu'il s'agira probablement de renforcer par voie d'amendement. Je veux croire à une prise de conscience.

Notre flotte - hélicoptères, avions bombardiers d'eau - est actuellement dotée pour couvrir une zone de risque déterminée. Or l'intensification des feux et leur déplacement sur le territoire national, voire au-delà, vont rompre le contrat opérationnel. Nous devons augmenter nos capacités, notamment en acquérant des hélicoptères bombardiers lourds, car un Canadair, utile sur la frange côtière, ne l'est pas en Bourgogne-Franche-Comté... Il serait par ailleurs intéressant de travailler au niveau européen afin de mutualiser les moyens. Les sapeurs-pompiers français sont par exemple partis en renfort en Suède. Le Groenland brûle, la Norvège brûle ; tout le continent est désormais touché.

Il est par ailleurs indispensable de moderniser nos infrastructures, à commencer par les logiciels -- je pense en particulier à NexSIS et au Réseau radio du futur. Je vais vous donner un exemple pour bien comprendre l'utilité de ces outils : si un camion de pompiers arrive du Vaucluse pour intervenir en curatif dans les Bouches-du-Rhône, il n'est pas géoréférencé dans le logiciel opérationnel du département ; il est alors impossible de le secourir s'il est piégé par le feu. Ces nouveaux outils le permettront et éviteront des drames.

Je pense également au dispositif FR-Alert, car la population a un rôle à jouer. En Australie, il existe des applications pour informer la population sur la situation des feux et des voies de communication en temps réel en cas d'incendies.

Troisième élément sur lequel je souhaite insister : en France, lorsqu'il faut réunir des financements, le réflexe est de solliciter les fonds publics, ceux des collectivités notamment. Nous avons modélisé, avec l'École d'économie de Toulouse et AgroParisTech, la valeur économique du « sauvé ». L'action des sapeurs-pompiers préserve en effet des vies, mais aussi le patrimoine forestier et l'activité économique. Dans le seul département des Bouches-du-Rhône, en 2019, la lutte contre 202 feux de forêt a permis de préserver une valeur de 1,4 milliard d'euros ; dans l'Hérault, la valeur « sauvée » était de 367 millions d'euros en 2021. De ce point de vue, le monde assurantiel a certainement un rôle à jouer, ce qui n'est pas sans lien avec le sujet des OLD.

Quatrième axe : le positionnement des sapeurs-pompiers dans la gestion de la sécurité civile. Nous sommes en pleine canicule : précisément, on ne parle des sapeurs-pompiers qu'en cas de catastrophe. C'est une politique en dessous des radars au quotidien. Dorénavant, toutes nos politiques publiques font une place à l'écologie, y compris lorsqu'une collectivité passe un marché, et il existe un ministère de l'écologie de plein exercice. Il s'agirait probablement de faire de même pour la sécurité civile. La Grèce, qui a subi des drames ces dernières années, l'a fait en créant un ministère de la protection civile et de la gestion des situations d'urgence.

Cette politique doit aussi impliquer la population dans la lutte contre les feux. Quant à doter la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises d'une véritable « direction métiers », je laisserai le sénateur Pascal Martin, en tant qu'ancien officier de sapeurs-pompiers, vous en dire plus. Nous gagnerions, en outre, à ce que l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers devienne un véritable institut national de sécurité civile : il faut former nos décideurs, préfets, maires, etc., à la gestion du risque et à la gestion opérationnelle.

Il faut une véritable politique des ressources humaines. J'ai évoqué une rupture du contrat opérationnel sur le matériel, mais il faut aussi évoquer, à la suite de notre collègue chercheur, la fatigue des personnels. Lorsque vous luttez contre les feux de forêt, une force civile intervient : les 196 000 sapeurs-pompiers volontaires. Leur nombre est constant depuis au moins vingt ans, alors que les sollicitations augmentent. Actuellement, la crise des urgences conduit à oublier totalement cette force essentielle au quotidien ; la mission flash actuellement menée sur ce sujet se concentre sur les personnels médicaux, alors que les sapeurs-pompiers contribuent également à répondre aux urgences médicales. Or ces mêmes pompiers répondent dans le même temps aux sollicitations qui sont au coeur de leur métier, à savoir canicule et feux de forêt.

Il est nécessaire aussi de renforcer les sapeurs-pompiers volontaires. C'est l'épine dorsale de la sécurité civile. D'ici à 2027, fixons-nous l'objectif de 250 000 volontaires. En Autriche, sur 9 millions d'habitants, on compte 242 000 sapeurs-pompiers volontaires ; en Pologne, pour 38 millions d'habitants, ils sont 260 000 - même s'ils n'ont pas tous les mêmes missions que les nôtres.

Il faut préserver cette force essentielle, faire en sorte que l'Europe considère l'engagement citoyen comme une véritable force. Nous attendons toujours la directive européenne sur ce sujet, même si, récemment, une motion du Conseil européen appelle à protéger l'engagement citoyen.

Ceux que l'on appelait les soldats du feu sont, par le biais des secours apportés en urgence aux personnes, les soldats de la vie : ce sont les mêmes qui, en ce moment, sont les soldats du climat.

M. Christian Pinaudeau, ancien secrétaire général du Syndicat des sylviculteurs du Sud-Ouest . - L'expression de « mégafeux » est issue de la presse. Elle ne correspond à aucune définition scientifique. Les mégafeux seraient compris entre 1 000 et 10 000 hectares, ce qui voudrait dire, comme le disait le président de la FNSPF, que ces « mégafeux », en France, ont toujours existé. Quand on entend ce terme, on pense d'abord aux grands feux de Sibérie, du Québec ou des États-Unis parce qu'ils sont devenus totalement incontrôlables. Aucun moyen humain ne peut les arrêter : il n'y a plus qu'à prier. Seuls une pluie très forte, un fleuve, une montagne ou l'océan peuvent les arrêter.

Les mégafeux ne sont pas le vrai sujet. L'enjeu est de savoir comment éviter les risques, ou, en tout cas, les réduire, dans une approche préventive.

La politique de sécurité civile est fondée depuis longtemps sur un triptyque, quels que soient les secteurs : dans l'ordre hiérarchique, la prévention est première, puis vient la prévision et, enfin, la lutte. Le rapport flash de l'Assemblée nationale indique : « il est évident que le bon fonctionnement de la lutte contre les incendies dépend fortement de leur prévention. » La multiplication des moyens de lutte n'est pas la solution
- nous le saurions, sinon, depuis longtemps. Il s'agit d'une solution très coûteuse ; les moyens ne sont pas infinis. La prévention et la prévision sont faiblement développées en milieu forestier, voire ne le sont pas du tout ; étant à la retraite, mes affirmations ne coûteront rien à ma carrière.

Certains constats sont partagés par tous les acteurs de la lutte contre les incendies. Seule la foudre est une cause naturelle : l'homme, directement ou non, est derrière tous les autres départs de feux. Le grand incendie en Sibérie, toujours pas éteint, provient d'une rupture de câble électrique. Près de 95 % des feux sont d'origine anthropique. Le réchauffement climatique, indiscutable, conduit à une augmentation des risques ; une autre cause est la densification démographique. Pour le dire simplement, le feu suit l'homme. Cette extension des risques est cartographiée, depuis le rapport « Chatry » de 2010 : à échéance 2030 et 2060, on sait, globalement, quelles zones seront menacées. Nous ne pourrons pas dire que nous n'étions pas au courant.

Les solutions techniques, également, sont connues. Elles reposent sur une politique de prévention systématique à l'échelle de chaque massif forestier. À l'exception de la forêt de Gascogne, il n'y a pas de politique de prévention systématique dans les autres régions, seulement quelques expériences. Pourquoi ? La forêt, comme les pompiers, est invisible : on la voit seulement quand elle tombe ou qu'elle brûle. Entretemps, il ne se passe rien.

Le coeur du sujet est d'ordre politique, et non technique, car les solutions opérationnelles existent déjà. Le danger de l'expression « mégafeux » se trouve précisément dans cette espèce de connotation qui conduit à penser que le phénomène est inévitable, naturel, et donc que nous ne pouvons rien, si ce n'est fuir. Cela fournit un dangereux alibi supplémentaire pour ne rien décider politiquement. Étant donné le contexte actuel, la protection de la forêt devrait être une priorité nationale : cela n'est pas encore le cas.

Ce contexte est connu : réchauffement climatique, augmentation des populations, en particulier dans certaines zones en période estivale... De fait, l'intensification du risque suit les migrations de populations. Dans le Sud-Ouest, nous avons développé une technologie de géolocalisation des départs de feux : la corrélation est absolument parfaite avec la carte des infrastructures, que ce soient les routes, les autoroutes, les lignes de chemin de fer ou les lotissements.

Il faudrait engager la responsabilité de ceux qui veulent laisser faire la nature en forêt.

Une politique de prévention systématique est tout à fait possible : les modèles existent et sont opérationnels ; une décision politique suffit à les engager.

Toutes les conditions pour leur mise en oeuvre sont connues.

La première est l'application des textes. Nous avons un arsenal juridique complet. J'ai cru entendre que vous vouliez préparer une proposition de loi...

Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . - ...si nécessaire !

M. Christian Pinaudeau . - Tous les pays envient notre arsenal juridique en matière de lutte contre les incendies de forêt... sauf qu'il n'est pas appliqué. La loi spécifie qu'une fois une forêt classée, les préfets doivent mettre en place des associations syndicales autorisées (ASA). Les forêts sont classées depuis cinquante ans : dans le Sud-Ouest, les ASA ont été mises en place avant même cette loi ; dans le Sud-Est, ce n'est toujours pas le cas : aucun préfet ni aucun directeur de l'agriculture et de la forêt ou des territoires n'a'engagé ce processus. Il ne faut donc pas s'étonner des conséquences.

Une deuxième priorité est de définir ce qu'est la prévention en milieu forestier. Tout le monde en parle, mais personne ne parle de la même chose. La prévention consisterait à distribuer des dépliants aux rencontres avec les élèves... Pour nous, forestiers, la véritable prévention se passe sur le terrain : développement de points d'eau, de pistes d'accès pour les sapeurs-pompiers... À partir du moment où cette définition de la prévention est resserrée, nous pouvons organiser un quadrillage en conséquence, suivant la géolocalisation des départs de feu.

Troisièmement, il faut constituer un interlocuteur responsable. Dans le Sud-Ouest, dans chaque commune, il y a une ASA de DFCI, dirigée et présidée par les propriétaires forestiers. Ils sont responsables de ce qu'ils font et ils la financent. Voilà ce que j'entends par constituer localement un interlocuteur responsable. Certes, d'autres personnes s'occupent localement du risque d'incendie. Le maire, en particulier, responsable dans sa commune de la sécurité des biens et personnes, est confronté à tous les événements locaux, ce qui n'est pas une sinécure. Des bénévoles peuvent s'occuper de ce risque, mais sans interlocuteur responsable en forêt, il ne se passera rien. Selon un rapport de la Cour des comptes de 2000, dans le Sud-Est, environ 30 % environ des pistes financées par des fonds publics avaient disparu, chiffre en deçà de la réalité.

Enfin, je vous transmettrai un dossier formulant des propositions de financement.

M. Jean-François Longeot , président de la commission de l'aménagement du territoire . - Je vous remercie pour ces interventions enrichissantes.

M. Jean Bacci , rapporteur pour la commission de l'aménagement du territoire . - La prévention des feux non contrôlés, qu'on a qualifiés peut-être injustement de « mégafeux », et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie, dans le contexte du réchauffement climatique, sont un sujet majeur qui dépasse largement la période estivale.

Ce que nous avons entendu depuis le début des auditions que nous menons est particulièrement inquiétant. Comme l'ont notamment rappelé les rapports du GIEC avec le réchauffement climatique, les conditions deviennent davantage propices aux feux de forêt et de végétation sur l'ensemble du territoire national métropolitain, ainsi qu'à une intensification et une augmentation de l'ampleur de ces feux, lesquels ont un impact sur la qualité de l'air et la capacité de la forêt à stocker le carbone. Cela affaiblit nos plans de réduction et d'absorption des gaz à effet de serre, au moment où notre stratégie nationale bas-carbone (SNBC) nous engage dans des efforts budgétaires considérables.

Pour faire face à cette terrible menace, nous disposons d'un bouclier exceptionnel, celui des forces de sécurité civile, dont le travail remarquable sert d'exemple à nos voisins européens et à nos partenaires internationaux. Ce bouclier très puissant nous permet d'agir selon la doctrine française, fondée sur une attaque systématique, rapide et massive des feux naissants. Le réchauffement climatique va malheureusement accroître considérablement la pression exercée sur ce bouclier : nous n'avons pas d'autre choix que de renforcer drastiquement nos politiques de prévention, conjointement à un soutien continu à nos forces de lutte contre les incendies. Sans quoi le bouclier cédera, et les feux deviendront incontrôlables.

Heureusement, améliorer les actions de prévention nous semble envisageable : aménagement du territoire par un maillage de points d'eau, de pistes et de fossés, réduction des interfaces habitat-forêt, politique de sylviculture durable, mobilisation des activités agricoles pour couper la biomasse combustible, adaptation et extension des plans de prévention des risques d'incendie de forêt (PPRif) et des plans communaux de sauvegarde, application effective et simplification des obligations légales de débroussaillement autour des habitations, renforcement de la sensibilisation...

Sur quels leviers pouvons-nous agir de manière prioritaire et quels sont ceux sur lesquels nous sommes le plus en retard, et qui mériteraient une attention particulière ? Les premières auditions me laissent penser que c'est en matière de prévention au sens de l'aménagement du territoire, mais aussi de communication et de sensibilisation que nous disposons des plus grandes marges d'amélioration. Partagez-vous ce point de vue ? Les moyens alloués à cette politique de prévention sont-ils suffisants ? Pourraient-ils être évalués à l'aune des dommages sociaux et écologiques évités et de la « valeur du sauvé » ?

Par ailleurs, l'extension progressive du risque d'incendie à l'ensemble du territoire national et l'intensification des feux nécessitent de consolider les moyens de prévention, de surveillance et de lutte contre les incendies. Faut-il envisager d'autres niveaux de financement de ces politiques ? Avez-vous des recommandations en matière de gestion de la forêt, de planification territoriale et de responsabilisation des citoyens ?

Enfin, le feu de Gonfaron dans le Var, l'an passé, nous apprend qu'une meilleure coordination entre les règles issues du droit de l'environnement et du code forestier pourrait rendre plus efficace la prévention des incendies. Une application plus pragmatique du code de l'environnement aurait par exemple facilité la réalisation de débroussaillements, indispensables à la limitation de la propagation du feu. Qu'en pensez-vous ?

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour la commission des affaires économiques, présidente du groupe d'études « Forêt et filière bois » . - Il existe une approche en amont, la prévention, et une en aval, une fois le feu déclaré. Sur l'amont, vous avez mis en exergue l'enjeu de la bonne gestion des espaces naturels et l'impact que peut avoir l'urbanisme, ce qui renvoie au « zéro artificialisation nette », sujet d'actualité pour nos territoires. Cela nous incite aussi à avoir une gestion forestière plus territorialisée, par massif.

Monsieur Allione, nous comprenons à quel point il faut renforcer les moyens humains et matériels de lutte contre les incendies, selon une stratégie nationale et européenne, et mesurons au quotidien le déficit humain dans les centres de secours sur nos territoires. La stratégie d'attaque rapide sur feux naissants a fait ses preuves. Mais comment s'adapter localement pour réagir rapidement aux feux ? Que pensez-vous des schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques (SDACR) ? Sont-ils en cours d'adaptation sur l'ensemble du territoire ? Que pensez-vous des plans communaux de sauvegarde ? Peut-on adapter leur volet incendie ?

Monsieur Pinaudeau, les aires protégées et la libre évolution des forêts font débat. Moins les forêts sont gérées, plus elles sont vulnérables aux incendies. Quel est votre avis sur les documents de gestion durable pour les forêts privées - plan simple de gestion (PSG) à partir de 25 hectares, code de bonnes pratiques sylvicoles (CBPS) en dessous ? Faut-il revoir ces documents pour que moins de petites parcelles échappent à la non-gestion et soient sources de départs d'incendie ?

M. Pascal Martin , rapporteur pour la commission de l'aménagement du territoire . - Cette audition complète le travail engagé depuis quinze jours. Je me centrerai sur le coeur de notre mission, la politique de prévention, à travers la problématique de la nouvelle cartographie du risque.

Les PPRif, un des fondements de cette politique, ne sont prévus que dans les « zones où la protection contre les incendies les rend nécessaires », c'est-à-dire principalement dans le Sud de la France, et particulièrement dans l'arc méditerranéen. Or, avec le réchauffement climatique, les conditions deviennent davantage favorables aux feux de forêt et de végétation sur l'ensemble du territoire national métropolitain. La réalisation d'un plan de prévention devrait-elle être projetée dans les zones réputées actuellement comme non exposées, voire sur l'ensemble du territoire national ? Cela permettrait de préparer le pays entier au risque et de trouver les réponses appropriées à chaque territoire - il est évident que les mesures prescrites dans le Sud-Est de la France n'ont pas vocation à être reprises à l'identique dans le reste du pays.

Plus largement, devrions-nous renforcer la prise en compte du risque d'incendie dans les documents d'urbanisme - schéma de cohérence territoriale (SCoT), plan local d'urbanisme (PLU), cartes communales ? Le cadre posé par la loi Climat et résilience en matière de recul du trait de côte pourrait nous servir d'exemple : nous avons prévu que les PLU définissent dans les zones particulièrement exposées les actions et les opérations nécessaires pour réorganiser le territoire au regard du risque d'inondation, ainsi que leur échéancier prévisionnel. Quel regard portez-vous sur cette piste, adaptée cette fois au risque d'incendie de forêt ?

Les OLD sont un sujet récurrent de nos auditions. Cette mesure de prévention est particulièrement efficace, puisqu'elle protège les habitations des feux et limite en même temps les risques de départ d'incendies à proximité des habitations. Malheureusement, ces obligations ne sont respectées que dans 30 % des cas environ. Face à l'accroissement du risque dans le contexte du réchauffement climatique, cette situation ne peut pas perdurer. Il semble y avoir deux solutions : soit nous maintenons une responsabilité individuelle de débroussaillement, reposant sur les propriétaires, en mettant en place des incitations ou en renforçant les sanctions pour s'assurer de la bonne application de l'obligation, soit nous instaurons - même si je sais le sujet particulièrement sensible - une maîtrise d'ouvrage collective des opérations de débroussaillement, sous l'autorité par exemple des collectivités territoriales. Quelle option vous semble la plus souhaitable ?

M. Olivier Rietmann , rapporteur pour la commission des affaires économiques . - Je salue particulièrement M. Pimont, originaire de ma commune en Haute-Saône.

J'aimerais vous interroger sur l'aspect interministériel de notre politique de prévention du risque d'incendie, sujet déjà évoqué. Lors de nos précédentes auditions, j'ai été surpris de voir un grand nombre d'acteurs, ayant parfois des logiques différentes, voire antagonistes, mais pas d'autorité chargée d'intégrer ces logiques pour assurer la cohérence de cette politique. Jusqu'à quatre ministères sont concernés par le sujet ! Vous me direz que l'interministérialité, localement, c'est le rôle du préfet, mais ne manque-t-on pas d'un délégué interministériel au niveau de l'administration centrale et d'un document de planification national conciliant plus clairement ces logiques ?

Je suis élu d'un territoire rural, la Haute-Saône, qui a été durement affecté par la crise des scolytes. Quand je lis dans un article de presse, écrit l'été dernier, que « les Vosges flamberont comme une torche australienne », cela m'inquiète énormément. En quoi les dépérissements créent-ils un risque d'incendie spécifique ? Dans quelle mesure la prévention et la lutte doivent-elles être appréhendées d'une façon différente, dans un massif touché par des dépérissements ? L'Office national des forêts (ONF) nous fait remarquer qu'à terme, 30 % des arbres seront en inconfort dans leur station forestière...

Un autre sujet qui me tient à coeur est l'imbrication croissante entre feux de forêt, feux de récolte et feux de végétation. Dans mon département, il est de plus en plus difficile d'en faire des risques à part. Comment aménager les interfaces entre ces milieux ? Des aménagements à l'obligation de replanter en cas de défrichement seraient-ils souhaitables pour créer des coupures de végétation ?

Notre politique de prévention du risque d'incendie doit être articulée à nos moyens de lutte contre l'incendie. Il est nécessaire de repenser la répartition de nos forces de sécurité civile à l'aune de l'extension des zones à risque d'incendie dans la moitié nord de la France. Jusqu'à maintenant, si nous sommes les « champions du monde » de la lutte contre l'incendie, c'est parce que nous avons un système de prévention et d'intervention des plus rapides et efficaces, qui repose sur un équilibre fragile, notamment au niveau des forces en présence. Les pompiers du nord de la France venaient pendant la saison des feux pour aider leurs collègues du sud, à travers les fameuses « colonnes de renfort ». Demain, cela sera-t-il encore possible ? Ne serait-ce qu'en Haute-Saône, nous avions régulièrement une équipe de renfort qui partait dans le Sud ; avec les feux toujours plus importants de végétation et de culture, lors des récoltes, avec l'extension de la période et de la zone à risque, avec l'obligation croissante pour les pompiers de porter secours aux personnes, tout amène à penser que demain, ces renforts ne seront plus disponibles.

Hier, en audition, l'Office national des forêts (ONF) nous présentait trois scénarios possibles pour les SDIS : leur accorder davantage de moyens, libérer des effectifs pour lutter contre les incendies en confiant les missions de secours d'urgence aux personnes par d'autres ou enfin mieux identifier les causes de départ de feu pour lutter plus efficacement. De ces scénarios, lesquels vous paraissent les plus susceptibles d'être mis en oeuvre ?

M. Christian Pinaudeau . - On dénombre 2 500 départs de feux dans la forêt de Gascogne, soit un territoire d'environ deux départements et demi, pour 2 000 hectares brûlés en moyenne chaque année. Dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, on compte un peu plus de 500 départs de feu en moyenne par an pour près de 4 000 hectares brûlés.

Les pompiers girondins et landais ne sont pas plus efficaces que ceux du Sud-Est. La différence réside dans l'aménagement de ces territoires et dans la prévention. Je suis certain qu'une prévention systématique à l'échelle des massifs réalisée dans le sud-est de la France permettrait de réduire les risques de départ de feu et d'améliorer la lutte contre les incendies. Pour cela, la logique doit être poussée à son terme.

Un autre exemple : un incendie est en cours au bord d'une autoroute dans l'Aude. Si l'absence d'entretien des lignes de chemin de fer par la SNCF ou des aires d'autoroutes par les concessionnaires - sources connues de départ de feu - donnait lieu à un procès en vue d'une indemnisation comme nous le faisons systématiquement dans le Sud-Ouest, je vous assure que l'entretien de ces zones à risque serait fait régulièrement.

La prévention doit être bien définie et mise en place. En effet, il est dangereux de communiquer ou de donner des informations sur un système de prévention et de lutte contre les incendies qui ne serait pas verrouillé. Cela peut susciter dans le cerveau de certaines personnes l'envie de mettre le feu. L'immense majorité de la population française respecte les consignes de sécurité ; nous travaillons tous à la mise en place de la meilleure sécurité possible pour les 0,5 % de personnes qui déclenchent des feux.

Ainsi, en 1975, année de forts incendies lors de laquelle la Direction de la sécurité civile avait rédigé un rapport sur les risques liés à l'urbanisation, des enfants avaient tenté de mettre le feu pour regarder les Canadairs en action. De même, l'expression « mégafeux » renforce les sentiments d'anxiété, de peur, mais aussi l'attirance pour le spectacle du feu.

Dans les années 1940 et 1950, dans le Sud-Ouest, nous avions mené des actions de communication sans, pour autant, que cela empêche les départs de feux. Nous avons alors abandonné la publicité et commencé un travail de fourmi sur le terrain. Aujourd'hui, nous maîtrisons les départs de feux.

Vous évoquiez l'action des ministères qui souhaiteraient s'occuper de tout. Les administrations centrales s'affrontent en permanence pour délimiter leurs domaines de compétences. En 2007, une circulaire du responsable de la sous-direction de la forêt détaillait la liste des compétences du ministère de l'agriculture en matière de prévention - soit à peu près toutes les compétences possibles. Six mois plus tard, le ministère de l'environnement publiait une circulaire pour rétablir son champ de compétences, tout comme la direction de la sécurité civile, qui ne voulait pas être en reste. Mais, pendant ce temps, il ne se passe rien sur le terrain !

À l'échelle nationale, nos interlocuteurs sont si brillants et compétents qu'il est inutile de leur poser la moindre question. Nous devons travailler localement.

Déjà, Haroun Tazieff, dans un rapport de 1983, déclarait que le ministère de l'environnement faisait de la « prévention réglementaire ».

Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . - Vous parlez de décentralisation, ce qui nous fait plaisir.

M. Christian Pinaudeau . - Je suis un adepte de la décentralisation : il faut réfléchir et agir localement. Cela aide à développer une réflexion à l'échelle nationale. Il faut bien évidemment procéder à un nettoyage du code forestier et du code de l'environnement.

La meilleure façon de protéger les espaces consiste à bien gérer les risques. Il n'est pas possible de craindre le réchauffement climatique, l'augmentation des risques qu'il induit et ne rien faire pour lutter contre les feux, c'est-à-dire laisser faire la nature.

Autant il est possible de laisser brûler 900 000 hectares dans le nord du Québec, peu habité, autant la situation est différente dans les environs de Marseille, de Bordeaux, d'Arcachon ou de Los Angeles, où la densité de population est très importante. Nous ne sommes plus dans des environnements naturels et il n'existe donc pas de solutions naturelles pour ces zones. À Lacanau, dont la population passe de 7 000 habitants à 70 000 habitants pendant trois mois, des structures adéquates de gestion des risques sont mises en place. Si nous voulons limiter les risques, nous devons les gérer.

M. Grégory Allione . - Sur cette question des risques et des dangers, il nous semble nécessaire de mettre en place une stratégie nationale et une application et une tactique locales, ce qui permet de répondre à cette volonté à la fois de déconcentration et de décentralisation.

Monsieur Bacci, nous avons du retard sur les actions prioritaires. Le contrat opérationnel est aujourd'hui en rupture. Il est essentiel de renforcer nos ressources humaines et nos capacités matérielles. Comme le sénateur Rietmann le soulignait, l'urgence est là. Face au réchauffement climatique et aux épisodes de canicule que nous subissons actuellement, se contenter de dire qu'il faut penser à se rafraîchir et éviter tout risque de départ de feu ne sert pas à grand-chose.

Notre politique globale de protection civile marque le pas. Aujourd'hui, en dehors des maires et des personnes en charge de cette politique, personne n'est impliqué. Or les premiers concernés sont nos concitoyens. J'ai déjà souligné l'importance du portage politique : aucune politique globale n'est aujourd'hui mise en oeuvre en termes de prévention des risques. J'ai entendu parler d'un délégué ministériel ; parlons peut-être d'un ministère !

En cas de feu de forêt, vous devez rester confinés dans votre habitation si le terrain est débroussaillé. Or tout le monde s'en va ! C'est bien le signe d'un échec en matière de prévention et d'information. De même, en cas d'inondation, il faut partir, mais tout le monde reste ! Est-il normal qu'un incendie, rue Erlanger, dans le XVI e arrondissement de Paris, provoque la mort de dix personnes, en 2019, dans un bâtiment des années 1970 ? La politique globale de protection civile est en péril, parce qu'elle n'a tout simplement pas débuté. Vous me demandiez, M. Bacci, où nous avons du retard. Il s'agit d'un bel axe de travail pour le législateur.

Madame Loisier, il est évident que pour anticiper les SDACR doivent intégrer le risque incendie. La question du feu dans les espaces naturels doit être prise en compte dans l'ensemble de nos documents structurants dans nos territoires. Elle a des incidences aussi bien sur les personnels et les matériels amenés à lutter contre les incendies que sur les plans communaux ou intercommunaux de sauvegarde et sur les réserves communales de sécurité civile. Le sénateur Bacci pourrait, par exemple, évoquer les comités communaux « feux de forêt », composés de connaisseurs de l'environnement qui nous guident dans notre action. Il existe une vraie synergie entre les SDIS et les maires, chargés de développer une véritable politique au service de nos concitoyens.

Le modèle français de protection civile est particulier, sinon exceptionnel. Il n'a pas d'équivalent à l'échelle européenne ou dans le monde anglo-saxon. Les sapeurs-pompiers assurent à la fois le secours d'urgence aux personnes et la réponse au feu. Sans eux, les déserts médicaux seraient encore plus nombreux. Il ne s'agit pas de recruter à tort et à travers, mais nous avons besoin et de sapeurs-pompiers professionnels, qui constituent la colonne vertébrale de la protection civile, et de sapeurs-pompiers volontaires, citoyens engagés.

À l'heure du service national universel ou du service civique, il faut demander aux jeunes de s'engager dans cette démarche. Pour reprendre les mots d'un Président de la République, « notre maison brûle ». Nous avons besoin de citoyens engagés dans les forces de sécurité civile, aux côtés des pompiers professionnels et des militaires, pour prendre en charge les actions sanitaires quotidiennes et répondre aux événements exceptionnels. Les feux sont le sujet de l'été, mais je vous donne déjà rendez-vous à l'automne pour parler des épisodes méditerranéens.

Il existe un vrai sujet assurantiel à propos des OLD. De manière générale, les gens n'agissent qu'à partir du moment où l'on touche à leur porte-monnaie !

Les maires ne doivent pas être laissés seuls. À une certaine époque, les forces de l'ONF accompagnaient les élus dans la mise en oeuvre d'une politique non seulement d'aménagement du territoire et de gestion de l'espace forestier, mais aussi de prévention, voire de répression. Réduit comme peau de chagrin, l'ONF ne peut plus accompagner les élus sur le terrain.

Quand la prévention et la sensibilisation ont échoué vient le temps de la répression, qui doit être graduée. Dans ce dernier cas, les maires doivent être accompagnés par le pouvoir régalien afin de sanctionner les individus qui refusent de s'intégrer dans le dispositif collectif et qui nous mettent tous en péril.

Quant à l'interministérialité, Monsieur Rietmann, la politique s'étiole aujourd'hui entre les différents ministères. Je n'incrimine pas les personnes, mais notre organisation, qui ne permet pas la transmission des informations.

M. François Pimont . - Les études les plus récentes conduites au niveau européen et français nous montrent que cette extension de la zone à risque est une sorte de tache d'huile. À deux exceptions près que je mentionnerai après, les territoires ne vont pas changer profondément d'un seul coup. Il s'agit de zones faiblement à risque qui vont devenir davantage à risque. À l'échéance de 2050, l'essentiel des efforts est à porter sur les zones en marge des actuelles zones à risque élevé.

Pour déterminer les zones d'intérêt, il est possible de s'appuyer sur les bases de données recensant les feux, même s'il faut mener un effort de systématisation des déclarations, afin de détecter les endroits où les risques de feux de forêt émergent. Il y a maintenant une base de données gérée par l'IGN, ayant permis de réaliser d'importants progrès en la matière, mais il faut poursuivre en ce sens.

La première des deux exceptions que j'évoquais concerne les scolytes. Ce problème est récent en France, mais bien connu aux États-Unis depuis des années. À court terme, les scolytes font roussir sur pied les peuplements, ce qui non seulement disperse la végétation, et donc le combustible, mais l'assèche aussi. Or un peuplement complètement asséché équivaut à un doublement de la vitesse du vent. Ainsi, des zones qui n'étaient pas ou peu sensibles au risque incendie, le deviennent fortement. Ce sont autant de points de vigilance particuliers.

La seconde exception est liée à l'agriculture : les feux de chaume, qui partent des zones agricoles, se propagent à la forêt située à proximité. Ces phénomènes se sont accentués ces dernières années. Il s'agit aussi d'un point de vigilance.

Des outils existent pour cartographier ces zones. Le ministère de l'écologie nous a commandé une carte d'occurrence à l'échelle du Sud-Est. S'appuyer sur ce type d'outils permet de mieux déterminer les zones d'émergence des risques pour y concentrer l'essentiel des mesures.

La prévention joue un rôle essentiel. Des aménagements forestiers, comme des pistes, par exemple, permettent d'éviter que beaucoup de feux ne détruisent plus d'un hectare. Il faut être conscient que la zone Sud-Est connaît déjà des indices de danger sans commune mesure avec ceux observés en en Grèce, au Portugal ou en Californie. Or ces indices vont continuer d'augmenter sous l'effet du changement climatique. Une politique de lutte et de prévention très efficace nous a permis de réduire le nombre de feux qui nous échappent à environ 200 par an dans la zone Sud-Est. Mais nous ne réalisons que peu de progrès en matière de lutte contre les feux qui nous ont échappé. On dénombre aujourd'hui six à sept feux de plus de 100 hectares par an, treize lors de grosses saisons. À la fin du siècle, on anticipe qu'il y en aura quarante par an. Il faut donc dès aujourd'hui diviser par quatre le nombre de petits feux pour en rester au même niveau de grands feux. On pourra sans doute réduire leur nombre, mais jamais les prévenir totalement. Il est donc très important de développer des mesures pour défendre les habitations, car des feux extrêmes - je préfère cette expression à celle de « mégafeux » - se déclencheront partout, quelles que soient les mesures de prévention. Un feu extrême est statistiquement exceptionnel, que ce soit en termes de taille ou de danger. Mais comme le disait un statisticien célèbre : « Il est impossible que l'improbable n'arrive jamais. » Le feu de Gonfaron, en août 2021, en est un bon exemple : même si les services n'ont pas été désorganisés, dès lors qu'il faut traiter 80 kilomètres de lisière, on ne peut plus protéger toutes les habitations.

Les OLD, la culture du risque, l'information des populations sont des sujets importants. Je suis effaré de voir que les médias ne nous sollicitent qu'en été, au coeur de la saison des feux. Je leur demande souvent de me contacter en amont, pour inciter les gens à mettre en oeuvre leurs OLD en hiver ou au printemps - bien évidemment, aucun journaliste ne m'a jamais rappelé.

M. Grégory Allione . - Je n'emploie pas non plus le terme de « mégafeux », qui relève du sensationnel. On a tendance à parler lorsque le feu monte en intensité de « virulent ». Je préfère parler de « feux agressifs », qui se propagent par l'avant, avec des sautes d'un kilomètre, et qui deviennent explosifs en se propageant également de manière latérale quand bien même le vent le dirige vers l'avant.

Un feu agressif, qui peut nous piéger, représente une réelle contrainte pour les services de secours et pour tout ce qui concerne l'interface de la lutte contre l'incendie. Il est plus facile de s'organiser pour combattre un feu dans un espace forestier sans habitation, plutôt que de devoir protéger des maisons. L'urbanisation est venue compliquer notre tâche. Nos concitoyens doivent savoir que nous ne disposerons jamais d'un camion pour chaque habitation.

M. Bruno Belin . - Ancien président de conseil départemental, et accessoirement toujours membre de services de santé et de secours médical (3SM), j'estime que le secours à la personne doit être maintenu. Quelles solutions pouvons-nous mettre en place pour assurer la présence de moyens humains sur l'ensemble du territoire ?

Pensez-vous qu'une forme de récompense - déduction fiscale ou bonus sur la dotation globale de fonctionnement pour les collectivités territoriales, déduction fiscale pour les entreprises... - contribuerait à dégager ces moyens humains ?

M. Jean-Marc Boyer . - Les SDIS sont financés à 95 % par les conseils départementaux, par les communes et par les intercommunalités. La défense incendie d'une commune relève, quant à elle, de la responsabilité du maire. Quels moyens financiers de l'État envisagez-vous pour soutenir cette politique et bâtir une prévention efficace ? Nous avons en effet pris la mauvaise habitude, dans notre pays, d'imposer des obligations aux conseils départementaux et aux communes sans leur transférer les crédits correspondants.

Mme Angèle Préville . - Lorsque les températures sont très élevées et que les matières deviennent très inflammables, des alertes spécifiques sont-elles données ? Un dispositif particulier pourrait être envisagé. Ces derniers jours, alors qu'il n'y avait pas de vent, le feu s'est propagé très rapidement.

Par ailleurs, il faut renforcer la sensibilisation, dont j'ai cru comprendre qu'elle avait été mise un peu entre parenthèses, alors qu'elle fait partie de la prévention. Pourriez-vous nous donner des chiffres concrets concernant l'origine des feux ? Si 95 % des feux sont d'origine humaine, quelles sont les parts des actes accidentels et des actes volontaires ?

M. Daniel Gremillet . - Je suis assez surpris que le représentant de l'Inrae nous dise que la déprise agricole n'a pas fait évoluer le risque d'incendies. Lorsque j'étais un jeune agriculteur, dans les années 1980, le CNJA (Centre national des jeunes agriculteurs) avait mené un travail approfondi en réponse à une demande forte des pompiers, du ministère de l'agriculture et des forestiers, pour que les agriculteurs débroussaillent. Une politique de reconquête de la production bovine et ovine avait été lancée, car on considérait, à cette époque, que la déprise agricole était un facteur de risque aggravant.

Je suis également surpris par ce qui a été dit des scolytes. Venant des Vosges, où des attaques de scolytes ont lieu depuis longtemps, je peux vous assurer que le problème ne concerne pas que les Américains. Seulement, la réponse a changé : il y a cinquante ans, le propriétaire d'un arbre devait couper l'arbre non quand il était mort, mais alors qu'il était encore habité par les scolytes, avant de l'éplucher et de le brûler, afin de lutter contre la propagation de ces insectes.

Aujourd'hui, on compte les morts sans soigner les blessés. Il y a quatre ans, j'avais interpellé le ministère de l'agriculture : les scolytes sont particulièrement implantés dans l'est de la France, en Bourgogne-Franche-Comté. À l'époque, nous avions estimé que des centaines de milliers d'hectares étaient touchés, mais le ministre avait considéré que nous exagérions, car de telles surfaces n'apparaissaient pas à l'observation satellitaire. Or cette dernière fausse la réalité : le satellite ne voit que les arbres morts, mais ne permet pas de percevoir les attaques en cours. Seule l'observation humaine dans la forêt permet d'intervenir.

D'autres problèmes sont posés par les réserves d'eau et la cartographie, mais je n'ai pas le temps de les aborder. En tant que vice-président Forêt de la commission Agriculture de Régions de France, et vice-président du groupe d'études Forêt et filière bois, nous aurons peut-être l'occasion de discuter plus longtemps.

M. Grégory Allione . - Je vais peut-être vous choquer, mais il y a trois mois, j'ai demandé aux officiers du corps départemental que je dirige de réfléchir aux manières d'éteindre les feux sans eau. Cette contrainte est réelle : l'eau est un élément rare, et les sapeurs-pompiers utilisent de l'eau potable, ce qui me choque en tant que citoyen. Il faut trouver des techniques opérationnelles permettant d'utiliser de l'eau brute. Lorsque j'ai commencé ma carrière de sapeur-pompier, nous apprenions à éteindre les feux avec beaucoup moins d'eau, en particulier parce que les camions pouvaient moins en porter. Nous devons utiliser des techniques ancestrales, comme le contrôle de contre-feux, c'est-à-dire de feux tactiques et dirigés. Il s'agit d'un sujet de préoccupation tant pour les soldats du feu que pour les maires.

Un autre élément important est le volontariat. Les 3SM ont été notre force de frappe durant la crise du Covid, pendant laquelle nous avons vacciné 25 % de la population. Le volontariat est une force du quotidien, qui nous permet de réagir aux situations exceptionnelles. Il faut le favoriser et le défendre.

Je suis en discussion avec l'Assemblée des départements de France (ADF) au sujet d'une nouvelle prestation de fidélité et de reconnaissance. Aujourd'hui, un sapeur-pompier volontaire s'étant engagé pendant 30 ans verra sa retraite augmentée de 70 euros par mois. Il s'agit d'un vrai sujet : une véritable politique publique doit reconnaître l'engagement tant des volontaires que des entreprises et des collectivités leur permettant de se libérer.

Les précédents présidents de la fédération se désolaient que ce message ne soit porté que par la FNSPF. Il s'agit pourtant d'un véritable sujet de politique publique, qui permet que nos territoires soient résilients au quotidien, que cela soit au niveau du Secours d'urgence aux personnes (SUAP) ou lors de catastrophes naturelles.

Au sujet du soutien de l'État, il faut évidemment davantage accompagner les collectivités. L'accompagnement des territoires dans la mise en oeuvre de la Défense extérieure contre l'incendie (DECI) ne relève pas de mes compétences. Les maires sont contraints par la limitation de leurs capacités fiscales, et je comprends le débat à ce sujet. Cependant, en tant que citoyen, je pense que des manoeuvres fiscales peuvent permettre d'agir dans les territoires.

Pour autant, au sujet des crédits qui abondent les SDIS, la solidarité nationale doit s'exprimer. La crise que nous traversons et les situations d'urgence vécues par la protection civile doivent relever du « quoi qu'il en coûte ». Ce terme fait certes réagir, au sortir de la crise du Covid, alors que la question de l'endettement de notre pays se pose à nouveau. Aujourd'hui, face au dérèglement et à l'urgence climatique, il est nécessaire de maintenir un « bouclier » d'intervention rapide - je reprends à mon compte l'expression de M. Bacci -, qui nous permet d'éviter que les feux ne deviennent de gros feux : il faut davantage de moyens, humains et financiers.

Les feux d'aujourd'hui sont particuliers, car ils n'ont plus besoin de vent pour se propager. Nous devons davantage travailler pour que nos concitoyens ne mettent pas le feu. Une grande majorité des feux, à hauteur de 70 %, est liée à de l'imprudence : ils sont dus en particulier à des mégots de cigarettes jetés dans les aires d'autoroutes, ou à des travaux réalisés à proximité de zones à risque, des disqueuses ou des soudeuses projetant des étincelles. Le plus gros feu de 2016 dans les Bouches-du-Rhône, qui a menacé Vitrolles et Marseille, aurait ainsi été provoqué par quelqu'un qui coupait du carrelage.

Nous travaillons donc pour informer le public du comportement à observer dans leur environnement. À hauteur de 30 %, les feux sont dus à de la malveillance, pour diverses raisons - par exemple, les gens mettent sciemment le feu lors de conflits de voisinage, pour chasser ou encore pour détruire les preuves d'un délit. Seules la police et la répression judiciaire peuvent empêcher ces gens-là de mettre le feu.

M. François Pimont . - Pour répondre à la question de Mme Préville sur les températures, Météo-France prévoit le niveau de danger quotidien à partir de différents indicateurs.

Nos recherches tentent de mieux comprendre les effets de la sécheresse et de la température sur l'état hydrique des végétaux, qui est un facteur déterminant : la quantité d'eau dans les végétaux va influer sur la virulence des feux. Une meilleure connaissance de l'hydraulique des plantes et les données satellitaires de surveillance permettent de cartographier plus précisément les risques.

Actuellement, le pilier du suivi de l'état de la végétation est le Réseau hydrique. Organisé par l'ONF, il mesure toutes les semaines l'état hydrique des végétaux dans une trentaine de sites en France. Sa situation budgétaire est extrêmement tendue, alors que les sommes en jeu pour financer ce réseau sont presque négligeables par rapport au coût des incendies de forêt. Ainsi, le nombre de points de mesure a dû être réduit, et les mesures commencent de plus en plus tard, le budget n'étant pas suffisant pour couvrir l'ensemble de la saison - aujourd'hui, les relevés n'ont toujours pas commencé, alors que des feux se déclarent déjà dans les Bouches-du-Rhône ou dans le Gard. Un meilleur suivi de la végétation est nécessaire.

Ces mesures sont croisées avec les observations satellitaires, afin d'étendre spatialement les informations. Des choses doivent encore être développées avant que cela ne puisse devenir opérationnel.

Je voudrais revenir sur la question des mégots, qui représentent entre 2 % et 3 % des causes d'incendies, pour 6 % des surfaces brûlées. Certains endroits souffrent clairement d'un déficit d'information : sur les aires d'autoroutes traversant le Var, aucune information concernant les feux de forêt n'est disponible, et certaines personnes en transit peuvent facilement ne pas s'apercevoir qu'elles se trouvent dans un territoire à risque. Aux États-Unis, dans tous les territoires à risque, un panneau avec un camembert indique le niveau de danger dans chaque commune. En France, il y a un déficit d'information : il faut sensibiliser le public au fait que nous nous trouvons dans une période à risque, même si la saison des feux peut désormais s'étendre tout au long de l'année.

Concernant la déprise agricole, il faut prendre en compte le contexte des observations. Notre étude - qui reste une étude préliminaire - montre qu'à l'échelle de l'ensemble du Sud-Est, la déprise agricole ne peut pas être considérée comme un facteur décisif de la variation des activités de feu. Cela ne veut pas dire que, plus localement, elle n'a aucun effet. Par exemple, dans l'Aude ou les Pyrénées-Orientales, nous suspectons que la déprise agricole liée à la vigne a des effets sur les incendies. Nous creusons actuellement la question avec la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de l'Aude.

Si j'ai parlé des États-Unis au sujet des scolytes, c'est que l'interaction entre les scolytes et les feux existe déjà là-bas. En France, il y a des scolytes depuis de nombreuses années dans l'Est de la France, mais ils étaient relativement peu présents dans les zones à risque de feux de forêt. Pour cette raison, j'ai indiqué que cette interaction scolytes-feux avait été relativement peu considérée jusqu'à maintenant.

Mais il faut reconsidérer la question. Les attaques massives de scolytes, très amplifiées par la sécheresse, pourraient favoriser d'importantes activités de feux dans de nouvelles zones à risque. Aux États-Unis, les études montrent que les scolytes font doubler le niveau de danger. On peut rapidement basculer d'un côté à l'autre du seuil : des centaines d'hectares connexes roussis par les scolytes peuvent être le lieu d'un incendie important. Il s'agit donc d'un point de vigilance, à ajouter aux feux agricoles dans les facteurs de « sauts » en discontinuité de la tache d'huile.

M. Chistian Pinaudeau . - Sans m'étendre sur la question, je voudrais simplement souligner qu'en matière forestière, s'il y a deux contre-exemples qui nous montrent ce qu'il ne faut pas faire, ce sont les États-Unis et le Portugal.

Je ne vais pas insister sur l'efficacité de la prévention et de la lutte contre les incendies dans le Sud-Ouest, mais il pourrait y avoir davantage d'échanges d'expériences. M. Pimont nous dit que la stratégie de la station de recherche d'Avignon est désormais ciblée sur les zones à risque à partir de la géolocalisation des départs de feu, alors qu'une telle stratégie a été mise en place dans le Sud-Ouest à partir des années 1980.

Des marges de manoeuvre importantes existent en matière de prévention, mais il ne faut pas pour autant baisser la garde en matière de lutte. Le sujet est politiquement complexe : il faut a minima conserver les mêmes moyens concernant la lutte, et peut-être espérer une légère augmentation, notamment par l'appui des volontaires. Mais il ne faut surtout pas baisser la garde.

En matière de prévention locale, nous avons un modèle avec les associations syndicales autorisées (ASA). Ces structures présentent l'avantage d'être obligatoires, quelle que soit la taille de la propriété. Elles y ont été développées après que la moitié des terres forestières avait brûlé, entre 1940 et 1950. Au départ, il y a certes eu des hurlements des propriétaires, car les associés devaient payer pour s'organiser collectivement. Mais il est désormais hors de question d'empêcher les propriétaires forestiers et agricoles de diriger leurs ASA de DFCI. L'astuce a été de confier ces associations aux propriétaires eux-mêmes, et non aux représentants d'une autorité. Dans le Sud-Est, il me semble qu'une marge de manoeuvre énorme existe pour permettre de limiter les risques de cette manière.

Concernant le financement des mesures, une modification de la taxe de séjour me semble possible. Comme le risque est socialisé, il ne serait pas aberrant que les personnes traversant ou séjournant dans des territoires à risque payent pour la préservation de ces territoires. Une augmentation de la taxe de séjour d'un euro par jour permettrait de réaliser de nombreuses actions, si les revenus de cette augmentation étaient dédiés à la prévention, selon la définition que j'ai donnée plus tôt, c'est-à-dire à l'aménagement du terrain, et non à des campagnes de communication et de promotion. Pour le Sud-Ouest, cela représenterait une augmentation des recettes de 5 millions d'euros par an. Si l'on ajoute la taxe additionnelle du conseil départemental sur la taxe de séjour, cela représente un joli budget, qui permettrait par exemple de réaliser des kilomètres de pistes ou des points d'eau naturels.

Au niveau national, je propose la mise en place d'un fonds de garantie sur les risques incendie et phytosanitaires, alimenté tant par les ministères compétents que par les régions. Ce fonds viendrait cofinancer les initiatives locales, et permettrait également de faciliter les demandes de cofinancements européens, aujourd'hui quasiment inaccessibles pour les acteurs de terrain.

La valeur des forêts n'est pas comptabilisée. La forêt est invisible : on ne la voit que quand elle tombe ou brûle. Or de nombreux travaux ont été menés, en particulier par M. Chevassus-au-Louis, qui évalue les fonctions environnementales de la forêt à environ 1 000 euros par hectare. Donner une valeur à l'espace forestier lui donne une signification pour les assureurs et pour les financeurs. Il faut comptabiliser cette valeur, car l'État considère aujourd'hui que seules les maisons doivent être remboursées lors d'un incendie de forêt. Il y a un travail à mener sur cette question.

Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . - Nous vous remercions de ces précisions. Je laisse la parole à nos collègues pour une dernière série de questions.

M. Guillaume Chevrollier . - D'ici à 2050, compte tenu du dérèglement climatique, 50 % des forêts françaises seront soumises à un risque important d'incendie. Il y a urgence à agir, en particulier en raison des impacts des feux sur la qualité de l'air ou l'état des ressources en eau.

Vous avez dit qu'il fallait commencer par appliquer les lois - cela tombe bien, car le Sénat veille justement à l'application des lois.

Peut-on estimer le nombre d'hectares de forêts dégradées en France, afin de prévenir les feux ? Quel serait l'investissement nécessaire pour la restauration de ces hectares ?

Par ailleurs, connaît-on l'efficacité de la technique du brûlage dirigé, c'est-à-dire d'un débroussaillage fait par de petits incendies volontaires, permettant d'assainir les forêts et de prévenir la survenue de grands feux ? Cette technique est-elle suffisamment employée en France ?

Mme Évelyne Renaud-Garabedian . - Dans un rapport de février dernier sur l'évolution des feux dans le monde commandé par le programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), les chercheurs ont recommandé d'utiliser les connaissances des populations locales sur les reliefs de leurs territoires et la végétation pour prévenir et lutter contre les feux de forêt. En France, dans les régions les plus concernées, ce type de consultation a-t-elle eu lieu ?

Ma deuxième question concerne la faune. Les incendies en Australie en 2019 et en 2020 ont entraîné la mort de plusieurs milliards d'animaux, ainsi qu'une destruction de 13 millions d'hectares. Est-il possible de mesurer les conséquences des feux sur la biodiversité en France ? Des espèces animales sont-elles menacées par l'augmentation de la fréquence des incendies ?

M. Ronan Dantec . - À la fin de 2023 ou au début de 2024, nous verrons arriver une nouvelle occasion d'aborder ces sujets dans un texte législatif - avec le nouveau projet de loi de programmation Énergie-climat. Pour la première fois, nous pourrons remonter le Plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC) dans la loi, au même niveau que la programmation pluriannuelle de l'énergie et la stratégie bas-carbone.

Il s'agira d'un moment important si l'on veut faire évoluer la législation, en particulier en ce qui concerne les assurances. Le Sénat doit se mettre en ordre de bataille pour faire converger les propositions législatives des différents groupes de travail, car il ne faudra pas rater cette échéance.

Nous avons parlé des Canadair et de la flotte des bombardiers d'eau, mais nous avons du mal à avancer sur ce sujet. Une mutualisation européenne semblerait logique, compte tenu des enjeux d'investissement et du mauvais état de la flotte, mais pourquoi les choses continuent-elles de bloquer ?

Par ailleurs, nous devons faire le lien entre le débroussaillement, la gestion de la biomasse et les filières de production d'énergie concernées. Y a-t-il des croisements entre ces enjeux ? Je suppose que cela n'est pas le cas, mais cela souligne qu'il faut une approche cohérente de la totalité de ces questions relatives à la forêt.

M. Denis Bouad . - Dans mon département, un record de température pour un mois de juin vient d'être battu : il a fait 37,2 degrés à Nîmes. J'habite dans une petite commune où plus de 20 hectares ont brûlé lundi après-midi - si l'on considère l'ensemble des quatre incendies ayant sévi aux alentours, en quelques heures, plus de 200 hectares sont partis en fumée.

Madame la préfète a pris depuis maintenant plus d'une semaine un arrêté sécheresse sur l'ensemble du département du Gard, et la situation est très compliquée.

J'ai présidé pendant près de six ans le conseil départemental, j'ai participé pendant vingt ans à ses travaux, et je peux dire que le financement des SDIS est problématique. Je suis étonné d'entendre M. Allione dire que les SDIS payent la TICPE : la charge est considérable, d'autant plus que ces structures sont également chargées du secours à la personne.

Nous avons besoin de prévention. Le fonctionnement des Syndicats intercommunaux à vocation unique (SIVU) de défense de la forêt contre l'incendie (DFCI) n'est peut-être pas assez coordonné avec les SDIS. Beaucoup d'argent public est dédié à la réalisation de pistes permettant aux pompiers de lutter contre les incendies, mais encore faudrait-il avoir les moyens de les entretenir.

Il y a deux ans, un incident dramatique a eu lieu, et les Trackers de la flotte de défense aérienne ont été mis en arrêt, car ils n'étaient plus adaptés aux normes de sécurité actuelles. Aujourd'hui, Nîmes a été retenue pour constituer une base aérienne de défense contre les incendies. Dans les départements du Sud, il est difficile d'entretenir la forêt, et la flotte aérienne est particulièrement importante. Le moment n'est-il pas venu de la renforcer, ce qui relève bien des compétences de l'État ?

Mme Marta de Cidrac . - Je voudrais revenir sur le facteur humain. Comme M. Allione l'a mentionné, alors que les besoins sont estimés à 250 000 bénévoles, il n'y aurait que 196 000 sapeurs-pompiers. Pascal Martin a relevé notre manque de culture du risque. Nos trois invités ont également parlé de l'encouragement au volontariat.

Aujourd'hui, sous l'égide de l'éducation nationale, il existe le Service national universel (SNU), d'une durée d'un mois. Pourrait-il inspirer un service de la protection civile citoyenne ? Que signifie s'engager comme volontaire aujourd'hui ? Une formation spécifique est nécessaire, pour informer et sensibiliser à ces sujets sur le terrain.

M. Patrick Chaize . - Concernant l'utilisation des moyens numériques de surveillance et d'anticipation des feux, des réflexions et des expérimentations ont-elles lieu ? Quels seraient les moyens à mettre en oeuvre ?

M. Daniel Salmon . - Dans le renouvellement de nos forêts, y a-t-il des réflexions sur les espèces et les essences à favoriser ? Y a-t-il une corrélation entre la présence de résineux et les risques d'incendie ? Les mono-cultures connaissent-elles des risques plus importants, ou ces risques sont-ils au contraire réduits ?

Mme Sylviane Noël . - Parmi les causes de la déprise agricole, l'abandon des vignes a été mentionné. Je voudrais rajouter la prédation du loup : la pression sur les élevages est parfois telle que des secteurs non pâturés tombent dangereusement en friche. Il me semble qu'il s'agit d'une raison supplémentaire pour reconsidérer rapidement le statut du loup, et envisager une meilleure régulation de ce prédateur.

M. Franck Montaugé . - Ma circonscription est touchée par la diminution des zones de polyculture et d'élevage. Dans une perspective de prévention des risques, pensez-vous qu'il serait pertinent de considérer ces espaces regagnés par la nature comme des biens communs ? Ces espaces auront du mal à être exploités, pour des raisons de rendements agricoles et d'évolution de la société. La notion de bien commun pourrait justifier, auprès des collectivités et de la population, une intervention publique et des financements adaptés.

M. François Pimont . - Plusieurs questions tournent autour de l'entretien du paysage. De manière générale, l'entretien du paysage vise à empêcher le développement d'une strate arbustive continue favorisant la propagation des feux, et il est évidemment favorable.

Le brûlage dirigé est une bonne solution. Il est utilisé pour une gestion extensive de la problématique des incendies de forêt : on fait partir des feux dans des conditions peu sévères, ils brûlent une partie du territoire sans trop d'impacts. Il est utilisé en France, mais il ne peut pas être utilisé partout. Des parcs naturels ou des zones de montagne s'y prêtent bien. À l'inverse, les zones plus densément peuplées, ou celles où les conditions météo propices à la propagation sans trop d'impacts de feux dirigés en hiver sont rares, cette technique ne peut pas être une solution unique. Elle n'en demeure pas moins intéressante.

Le développement de mesures agropastorales, en oeuvre à une époque avant d'être abandonnées, serait utile pour réduire l'embroussaillement, les troupeaux pâturant des zones de coupure. Il serait intéressant de relancer ce type de mesures, mais cela ne relève pas de mon domaine d'expertise.

Concernant les impacts environnementaux des feux, dans le Sud-Est, entre 2 % et 3 % du territoire brûle tous les ans. De grands feux ont touché des réserves naturelles, comme le feu de Gonfaron qui a mis en danger la tortue d'Hermann, mais le taux de survie semble avoir été important. Je n'ai pas l'impression que les feux de forêt sont la principale pression qui pèse sur les écosystèmes, même s'ils pourraient le devenir avec un triplement de leur fréquence.

Je ne suis pas expert concernant la question du choix des essences de bois. Les connaissances ne sont pas si nombreuses : le réseau mixte technologique Adaptation des forêts au changement climatique (Aforce) fournit des informations aux propriétaires et aux gestionnaires forestiers, afin d'améliorer la connaissance de la vulnérabilité des essences face au risque d'incendie. Un appel à projets a été lancé, afin de permettre l'élaboration d'informations supplémentaires.

De nombreuses observations sont réalisées, notamment par l'ONF. La littérature scientifique se penche sur ces questions, notamment en Espagne. Il est certain que les incendies sont plus fréquents dans les zones de conifères, mais en même temps ces arbres sont davantage présents dans des terrains secs. Il n'est pas évident de dissocier l'effet relatif à la sécheresse du milieu de celui relatif aux conifères. Selon les territoires, les éléments sont différents. Nous manquons de connaissances dans ces domaines, et nous essayons de synthétiser les informations disponibles, mais il n'y a pas actuellement de réponse à cette question.

M. Grégory Allione . - Pour revenir sur les conséquences des feux sur la faune et la flore, il faut prendre en compte la répétition des feux de forêt sur un même territoire, qui change par nature la flore et la faune.

La ressource en eau représente une réelle difficulté pour nous. Il est nécessaire de se réapproprier les techniques dites « ancestrales », du brûlage tactique et dirigé, qui m'ont été apprises dès mon plus jeune âge lorsque mon père nettoyait ses châtaigniers. Il me livrait cette phrase : « Dans une châtaigneraie, il faut que tu voies une souris courir. » Aujourd'hui, dans le massif des Maures, je pense qu'il faut chercher la souris.

Le vrai sujet est l'exploitation et la rentabilité des massifs. Il faut prendre en compte la parole de ceux qui vivent de ces massifs, et en particulier du monde agricole. L'exploitation touristique n'est pas suffisante pour que nos forêts soient rentables, et il faut une exploitation agricole. Il faut trouver des débouchés, mettre en place des filières, pour que la forêt soit valorisée et entretenue.

C'est autour de ces questions de rentabilité et d'entretien de nos forêts qu'est faite la consultation des populations locales.

Au sujet des vecteurs législatifs, la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) me semble constituer un levier sur lequel vous pourrez intervenir, notamment au sujet des ressources humaines et matérielles, en particulier concernant la flotte des avions bombardiers d'eau.

La mutualisation européenne est une évidence. La base de Nîmes a été reconnue comme un pôle d'excellence par l'Union européenne, mais le renouvellement de la flotte ne progresse pas assez vite par rapport au dérèglement climatique. Pour autant, l'ensemble de la flotte a été remplacé. De gros efforts ont été faits par l'État, et nous disposons de six Dash . Un Canadair coûte de l'ordre de 25 millions d'euros, et le remplacement de la flotte de Trackers a coûté 80 millions d'euros.

Lorsque vous voyez passer un groupe d'intervention spécialisé dans les feux de forêt composé de quatre camions, cela représente un million d'euros pour les collectivités. Les gros camions des Bouches-du-Rhône coûtent chacun 480 000 euros.

Pour le service que je dirige, les 200 millions d'euros injectés dans le budget du SDIS des Bouches-du-Rhône représentent 4,8 milliards d'euros de « sauvé ». Avec les sapeurs-pompiers, c'est comme avec l'assurance de votre voiture ou de votre habitation ; on peut faire ce qu'on veut, mais il faut en assumer les conséquences.

Au sujet des ressources humaines, le volontariat est un élément important pour cultiver la culture du risque. Vous avez parlé du SNU, mais il faudrait le rendre obligatoire et rallonger sa durée. J'ai évoqué la question avec un collaborateur du président de la République lors de sa venue à Marseille. La jeunesse d'aujourd'hui est ouverte et agile, mais il lui manque un élément important : un cap, la faculté de savoir se fixer un objectif et des limites. À notre époque, nous sommes passés par des systèmes qui nous ont donné un cap et des limites : l'éducation parentale, l'instruction nationale et le service national.

Les moyens numériques permettent de développer la prévention et la détection. L'intelligence artificielle nous permet de travailler sur les prises d'appels, de cartographier numériquement les parcours de feu, d'anticiper davantage à l'aide de simulateurs qui participent à la formation des professionnels. Les SDIS investissent dans l'innovation, et il y aura toujours à faire dans ce domaine. En revanche, je pousse un cri d'alerte : il ne faut pas que l'innovation soit un prétexte pour systématiquement mettre aux normes des équipements, qui induit des coûts importants et une augmentation des charges.

Je n'ai pas les compétences pour répondre au sujet des pâturages, mais je sais que lorsque l'on abandonne un territoire, il tombe en friche, et que les friches sont dangereuses pour les incendies.

M. Chistian Pinaudeau . - L'usage des technologies numériques est largement développé, tant en matière de prévention que chez les sapeurs-pompiers : nous disposons de systèmes de prévision des risques tout à fait stupéfiants, et nous avons la capacité technique d'organiser localement des préventions plus efficaces.

Les résineux se situent sur les terrains les moins riches, les plus secs, et brûlent donc plus que les feuillus, qui se trouvent dans des stations géographiques et climatiques différentes. Il est possible d'imaginer changer les espèces pour réduire le risque d'incendies de forêt, mais réaliser un tel changement prendrait une centaine d'années. D'ici là, la forêt aura brûlé plusieurs fois. Si la perspective est peut-être intéressante pour des chercheurs, cela n'est pas le cas pour les forestiers et les pompiers, qui aujourd'hui sont dans une situation d'urgence.

Le calcul de M. Allione sur la valeur du « sauvé » est très juste : dans le Sud-Ouest, la filière bois a le même chiffre d'affaires que le secteur des vins de Bordeaux - 5 milliards d'euros par an -, et cela sans même comptabiliser les revenus de secteurs afférents, comme le tourisme, ou la valeur environnementale de la forêt.

Il faut donner de la valeur aux choses : la rentabilité est là, le rendement de la surveillance et de la prévention est incontestable.

La monoculture ne peut pas se faire dans n'importe quelles conditions, mais il s'agit peut-être du lieu où les risques sont les plus faibles et les mieux gérés, contrairement à des discours que l'on peut entendre loin du terrain, mais qui ne répondent absolument pas à la réalité.

Enfin, concernant la question des biens communs, je n'ai pas le temps de développer, mais je pense qu'il s'agit de la pire solution possible pour nos forêts.

Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . - Je vous remercie pour ces interventions très riches.

Nous avons de quoi préciser des recommandations opérationnelles qui, si elles ne sont peut-être pas directement transférables dans une proposition de loi, seront transposables dans une loi de programmation pluriannuelle des moyens. Les besoins financiers supplémentaires de la protection civile pourront être concrétisés au moyen d'amendements lors de l'examen des prochains projets de loi de finances.

DÉPLACEMENT

Lundi 11 juillet 2022

Table-ronde au SDIS du Var (Le Muy, département Var) :

- M. Évence RICHARD , préfet du Var ;

- M. Éric GROHIN , directeur départemental du SDIS 83 ;

- M. Thomas DOMBRY , maire de la Garde-Freinet ;

- M. Frédéric MARCHETTI , directeur général adjoint de la Réserve naturelle nationale de la Plaine des Maures ;

- M. Vincent MORISSE , président de la Communauté de communes « Golfe de Saint-Tropez » ;

- M. Yannick SIMON , président de la Communauté de communes « Coeur du Var », maire de Cabasse ;

- M. Bernard CHILINI , vice-président de la Communauté d'agglomération « Dracénie Provence Verdon agglomération » ;

- Mme Sophie PERCHAT , directrice de l'Association des Communes Forestières du Var (COFOR83) ;

- M. Thierry BONGIORNO , maire de Gonfaron ;

- M. Jérôme BOLEA , élu de Gonfaron délégué à la forêt, et président du CCFF de Gonfaron ;

- Mme Viviane MAURIN , responsable Service Espaces Naturels et Forêt de DPVa.

Table-ronde à l'Entente Valabre (Gardanne, Bouches-du-Rhône) :

- M. Jacky GÉRARD , président de l'Entente Valabre ;

- M. Jean-Marc BEDOGNI , contrôleur général de l'Entente Valabre ;

- M. François de CANSON , vice-président du Conseil régional PACA, en charge du développement économique, de l'attractivité, du tourisme et de la prévention des risques majeurs et Mme Elsa Bardi Assante, Chef du service forêt et développement agricole chez Région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 31 mai 2022

- Ministère de l'intérieur - Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises : MM. Yves HOCDÉ , sous-directeur de la préparation, de l'anticipation et de la gestion des crises, Fabrice CHASSAGNE , chargé de mission feux de forêts du bureau d'analyse et de gestion des risques.

- Ministère de l'agriculture et de l'alimentation - Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises : Mmes Isabelle MELLIER , adjointe au sous-directeur des filières forêt-bois, cheval et bioéconomie, Élisabeth VAN DE MAELE , cheffe du bureau de la gestion durable de la forêt et du bois, M. Lionel RICHOILLEY , chargé de mission « risques naturels en forêt » au sein du Bureau de la gestion durable de la forêt et du bois.

- Ministère de la transition écologique et solidaire - Direction générale de la prévention des risques : M. Yoann LA CORTE , conseiller en charge de l'aérien, du Budget et du Transport Maritime, Mme Catherine CALMET , adjointe au chef du bureau des risques naturels terrestres au sein du service des risques naturels et hydrauliques.

- France Bois Forêt : MM. Bruno LAFON , président de la section spécialisée pin maritime, Bertrand SERVOIS , président de l'Union de la Coopération Forestière Française - Les Coopératives forestières, Pierre MACÉ , directeur du groupement d'intérêt public aménagement du territoire et gestion des risques (GIP ATGeRi).

- Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) : Mmes Véronique PEREIRA , cheffe du service des projets et prestations, Magali JOVER , chargée des relations partenariales et institutionnelles forêt.

Mercredi 1 juin 2022

- Assemblée nationale : MM. François-Michel LAMBERT , député honoraire, Alain PEREA , député honoraire.

- Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) : M. Philippe VERGNES , président de la chambre d'agriculture de l'Aude, Louise VERRIER , chargée des affaires publiques.

- Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (CITEPA) : M. Étienne MATHIAS , chef du département agriculture/forêt.

- Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) : M. Grégory ALLIONE , président, M. Guillaume BELLANGER , directeur de cabinet.

- Météo France : Mme Virginie SCHWARZ , présidente-directrice générale, M. Christophe MOREL , directeur de la stratégie et M. Matthieu REGIMBEAU , expert Feux de végétation à la Direction des services météorologiques.

Mardi 14 juin 2022

- Table ronde propriétaires (Centre national de la propriété forestière - CNPFF, Fransylva, Fédération nationale des communes forestières - FNCOFOR) : MM. Bruno GIAMINARDI , président du CRPF PACA (CNPF), Christophe BARBE , directeur des CRPF PACA et Corse (CNPF), Antoine D'AMÉCOURT , président (Fransylva), Alain LESTURGEZ , directeur (FNCOFOR), Mme Françoise ALRIQ , directrice adjointe (FNCOFOR), M. Cédric CLEMENTE , maire de Lirac, président de l'association départementale des communes forestières du Gard (FNCOFOR).

- Groupement d'Intérêt public - Aménagement du territoire et gestion des risques (GIP ATGeRi) : MM. Pierre MACÉ , directeur, Patrick LACOMBE , service forêt et bois de la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) Nouvelle-Aquitaine, François COLOMÈS , contrôleur général du service départemental d'incendie et de secours de la Dordogne.

- Office national des forêts (ONF) : MM. Albert MAILLET , directeur forêt et risques naturels, Jean-Louis PESTOUR , responsable national incendies de forêts et directeur de l'agence DFCI de l'ONF.

- Ministère de la transition écologique - Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) : M. François BONNET , délégué ministériel forêt-bois.

Mercredi 15 juin 2022

- Atmo Sud : M. Damien PIGA , directeur des relations extérieures et de l'innovation.

- Ministère de l'agriculture et de l'alimentation - Direction générale de l'alimentation : M. Frédéric DELPORT , chef du département de la santé des forêts.

- Personnalités qualifiées : MM. Alexandre GOHIER DEL RÉ , inspecteur général de l'administration, Charles DEREIX , membre honoraire du conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux, président de l'Association Forêt méditerranéenne, co-auteurs d'un rapport de 2016 sur la défense des forêts contre les incendies.

- Sénat : Mme Françoise DUMONT , sénateur du Var, auteur d'un rapport d'information de 2021 sur la sécurité civile , M. Franck MONTAUGÉ , sénateur du Gers, auteur d'un rapport d'information de 2021 sur la défense extérieure contre l'incendie.

Mardi 5 juillet 2022

- Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) : MM. Michel VENNETIER , ingénieur chercheur retraité, coordinateur d'un projet européen traitant de l'impact des incendies répétés et de l'interaction feux-sécheresse, sur la forêt méditerranéenne, Jean-Luc DUPUY , directeur de recherche, spécialiste de la modélisation des feux de forêts.

- Commission européenne : M. Humberto DELGADO ROSA , directeur du patrimoine naturel à la direction générale de l'environnement.

- Personnalité qualifiée : Mme Joëlle ZASK , philosophe, auteure de Quand la forêt brûle. Penser la nouvelle catastrophe écologique .

- EarthLIVE : M. Frédéric MARTINENT , co-fondateur, Mme Véronique SOULE-REVEL , co-fondatrice, M. Lionel LE CLEÏ , conseiller sécurité civile du PDG de Thalès.

Mercredi 6 juillet 2022

- Table ronde associations (Canopée - Forêts vivantes, SOS Forêt, France nature environnement - FNE) : M. Christophe CHAUVIN , membre du réseau forêt (FNE), M. Sylvain ANGERAND , coordinateur des campagnes (Canopée), Mme Émilie DEPORTES (Canopée), Xavier RAVAUX , technicien forestier à l'ONF (SOS Forêt), Maxime NOGARET , conseiller technique juridique auprès du Bureau national du Snupfen-Solidaires (SOS Forêt),

Mardi 12 juillet 2022

- Service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Haute-Saône : MM. Stéphane HELLEU , colonel hors-classe, directeur départemental, Denis LAPREVOTE-TARNAUD , lieutenant-colonel, conseiller technique départemental feux de forêts et espaces naturels.

Mardi 19 juillet 2022

- Commission européenne : MM. Janez LENARCIC , commissaire européen chargé de la gestion des crises, Lukas HOLUB , membre du cabinet du commissaire européen à la gestion des crises, Mmes Claire KOWALEWSKI , rescEU team, DG HOME, Valérie DREZET-HUMEZ , cheffe de la représentation en France de la Commission européenne.

Vendredi 22 juillet 2022

- Table ronde d'élus locaux et du SDIS de la Gironde : MM. Marc VERMEULEN , contrôleur général du service départemental d'incendie et de secours de la Gironde (SDIS 33), Jean-Marc PELLETANT , maire de la commune de Landiras, Bernard LAURET , maire de Saint-Émilion, président de la communauté de communes du Grand Saint-Émilionnais, Patrick DAVET , maire de La Teste-de-Buch, Mme Patricia ARNAUD , déléguée au développement régional de la commune d'Avensan.

- Table ronde d'élus locaux du Var : MM. Grégory CORNILLAC , directeur adjoint chargé de mission filière bois et politiques territoriales de l'Association des communes forestières du Var (COFOR 83), Bernard CHILINI , maire de Figanières, vice-président de la communauté d'agglomération « Dracénie Provence Verdon agglomération », Mme Viviane MAURIN , responsable du service espaces naturels et forêt de la communauté d'agglomération « Dracénie Provence Verdon agglomération », M. Jérôme BOLEA , conseiller municipal de Gonfaron, délégué à la forêt, et président du comité communal Feux de forêts, Thomas DOMBRY , maire de la commune de la Garde-Freinet, vice-président de la communauté de communes du Golfe de Saint-Tropez en charge des forêts et de leur protection incendie.

Mardi 26 juillet 2022

- Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) : MM. Frédéric MORTIER , ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts au CGEDD et Jean-Maurice DURAND , Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts au CGAAER, membres de deux missions interministérielles sur l'extension et l'intensification du risque incendie et sur l'articulation de la politique DFCI avec les autres politiques publiques.

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

- Assemblée des départements de France (ADF)

- Association française de pastoralisme (AFP)

- Association des sociétés françaises d'autoroutes (ASFA)

- European forest fire information system (EFFIS)

- Fédération française de l'assurance (FFA)

- Fédération française des métiers de l'incendie (FFMI)

- Fédération française de la randonnée pédestre (FFR)

- PEFC / FSC

- Régions de France

- Service Copernicus de surveillance de l'atmosphère

TABLEAU DE MISE EN OEUVRE ET DE SUIVI

N° de la proposition

Proposition

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support

Axe 1 : Anticiper : élaborer une stratégie nationale et territoriale prenant en compte l'évolution du risque incendie et son extension sur le territoire national

Établir une stratégie nationale, articulant prévention et sécurité civile, et améliorer la coordination interministérielle

1

Élaborer une stratégie nationale et interministérielle de défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies, articulant prévention et sécurité civile (ministère de l'agriculture et de la soutenabilité alimentaire, ministère de l'intérieur, ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires)

État

Dès 2022

Document interministériel

2

Prévoir que chaque administration participant à la politique de prévention et de lutte contre les feux de forêt ait au moins un référent au sein de la Délégation à la protection de la forêt méditerranéenne (DPFM), afin d'en renforcer l'interministérialité. S'inspirer de cette structure interministérielle dans d'autres zones, en envisageant par exemple la création d'une Délégation à la protection de la forêt aquitaine (DPFA), placée auprès du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud-Ouest

État

Dès 2022

Loi de finances, loi

3

Intégrer de façon plus cohérente le risque incendie à l'occasion de la prochaine révision du Programme national de la forêt et du bois (PNFB) en 2026, et décliner cette dimension de façon adaptée à chaque territoire dans les Programmes régionaux de la forêt et du bois (PRFB)

État, collectivités territoriales, ONF, CNPF, filière forêt-bois, société civile

D'ici 2026

Programme national de la forêt et du bois (PNFB) et programmes régionaux de la forêt et du bois (PRFB)

4

Accroître significativement les moyens alloués à la prévention et à la lutte contre le risque incendie, en doublant en particulier les moyens consacrés à la prévention (aménagement des pistes de défense des forêts contre l'incendie, surveillance de la forêt, communication, contrôle des obligations légales de débroussaillement...)

État

Dès 2022

Loi de finances,
loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI)

5

Assurer le suivi exhaustif des moyens de prévention et de lutte de l'État à travers un « document de politique transversale » (ou « orange budgétaire ») permettant de les mettre en regard

État

Dès 2022

Orange budgétaire

Appuyer cette stratégie sur une amélioration des connaissances

6

Améliorer la remontée des données dans la base de données sur les incendies de forêts en France

État, délégation à la protection de la forêt méditerranéenne (DPFM), GIP ATGeRi

Dès 2022

Circulaire

7

Mieux évaluer la « valeur du sauvé » pour contribuer à l'évaluation optimale des moyens alloués à la prévention et à la lutte contre l'incendie. S'appuyer sur une évaluation exhaustive des services rendus par la forêt (en matière environnementale, économique et sociale) et des coûts liés aux destructions des incendies. En particulier, mieux évaluer l'impact sanitaire des feux de forêt en matière de qualité de l'air

État

Dès 2022

-

8

Au titre de la stratégie nationale bas carbone (SNBC), identifier au sein du secteur de l'Utilisation des terres, changement d'affectation des terres et foresterie (UTCATF) les émissions de gaz à effet de serre associées aux incendies de forêt et les pertes de capacités d'absorption associées. Intégrer ces émissions et pertes de capacités d'absorption dans les plans climat air énergie territoriaux (PCAET)

État, EPCI

Dès 2022

Stratégie nationale bas carbone (SNBC), plans climat air énergie territoriaux (PCAET)

9

Accroître l'effort de recherche sur les forêts publiques et privées. Renforcer tout particulièrement la recherche appliquée sur l'adaptation des essences au changement climatique, sur leur résilience face aux incendies et sur leur valorisation

État, ONF, CNPF, INRAE, RMT AFORCE, filière forêt-bois

Dès 2022

Loi, loi de finances

Étendre les politiques de défense contre les incendies, en les adaptant à la réalité de chaque territoire

10

Afin de tenir compte de l'évolution géographique du risque, définir par voie réglementaire - plutôt que par voie législative - les territoires réputés particulièrement exposés aux risques d'incendies

État

Dès 2022

Loi, décret

11

Intégrer systématiquement le risque incendie dans les schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques (SDACR), en adaptant cette intégration en fonction de l'intensité et de l'exposition aux risques

État

Dès 2022

Loi, schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques (SDACR)

12

Encourager l'élaboration de plans de protection des forêts contre les incendies, pierre angulaire de la politique de prévention au niveau local, dans les territoires simplement classés à risque d'incendie

État

Dès 2022

Loi, plans de protection des forêts contre les incendies (PPFCI)

13

Prévoir une évaluation récurrente des plans de protection des forêts contre les incendies pour favoriser leur adaptation à l'évolution de l'aléa

État

Dès 2022

Loi, plans de protection des forêts contre les incendies (PPFCI)

14

Étendre la politique de défense des forêts contre les incendies (DFCI) aux surfaces de végétation, y compris urbaines et périurbaines, et aux surfaces agricoles en les incluant dans le périmètre des plans de protection des forêts contre les incendies

État

Dès 2022

Loi, plans de protection des forêts contre les incendies (PPFCI)

15

Adapter les moyens d'assistance de Météo France en renforçant et en étendant progressivement son appui opérationnel sur le territoire national

État, Météo-France

Dès 2022

Loi, loi de finances

16

Revenir sur les 500 suppressions de postes de l'ONF prévues dans le contrat État-ONF 2021-2025, pour rétablir les postes d'agents de protection de la forêt méditerranéenne (APFM) supprimés ces dernières années et pour redéployer plus de postes sur l'expertise DFCI hors région méditerranéenne, en étendant le périmètre géographique de la mission d'intérêt général DFCI à l'ensemble du territoire national

État, ONF

Dès 2022

Loi, loi de finances, contrat d'objectifs et de performance de l'ONF

Axe 2 - Aménager le territoire : mieux réguler les interfaces forêt zones urbaines pour réduire les départs de feux et la vulnérabilité des personnes et des biens

Améliorer l'application des obligations légales de débroussaillement

17

Développer une « pédagogie des obligations légales de débroussaillement (OLD) » auprès des personnes concernées, en les informant, en mettant à leur disposition des conseils personnalisés et en réalisant des contrôles plus réguliers. Pour mettre en oeuvre ces opérations d'information, de conseil et de contrôle, établir une stratégie collective concertée à l'échelle des massifs

État, collectivités territoriales, ONF, CNPF, filière forêt-bois, société civile

Dès 2022

Loi, plans de protection des forêts contre les incendies (PPFCI)

18

Intégrer le périmètre des obligations légales de débroussaillement dans les documents d'urbanisme, pour rendre plus visibles et explicites les périmètres concernés et pour mieux informer les particuliers de l'existence de l'obligation au moment de la délivrance des permis de construire

Collectivités territoriales

Dès 2022

Loi, documents d'urbanisme

19

Dans l'arrêté préfectoral de définition des obligations légales de débroussaillement, adapter les modalités de mise en oeuvre du débroussaillement selon la nature du risque et la réalité des territoires, comme le permet l'article L. 131-10 du code forestier

État

Dès 2022

Arrêté

20

Conditionner la mutation d'une propriété à la réalisation des obligations légales de débroussaillement sur le terrain concerné

État

Dès 2022

Loi

21

Instaurer un crédit d'impôt pour la réalisation des obligations légales de débroussaillement

État

Dès 2022

Loi/loi de finances

22

Valoriser systématiquement les bois et la végétation issus des travaux de débroussaillement, grâce à l'impulsion des communes et des EPCI, qui peuvent coordonner l'action des propriétaires en organisant des travaux collectifs

État, collectivités territoriales, filière forêt-bois

Dès 2022

-

23

Rendre la franchise obligatoire dans les contrats d'assurance habitation en cas de non-respect des obligations légales de débroussaillement et accroître son montant au-delà de la limite maximale actuellement prévue

État, assureurs

Dès 2022

Loi

24

Renforcer les sanctions pénales pour non-respect des obligations légales de débroussaillement, en passant d'une contravention de quatrième catégorie à une contravention de cinquième catégorie tout en permettant de recourir à une amende forfaitaire

État

Dès 2022

Décret

Intégrer le risque incendie dans les documents d'urbanisme

25

Étendre plus largement la réalisation de plans de prévention des risques incendies de forêt (PPRIf) dans les territoires particulièrement exposés au risque incendie, par la simplification des modalités d'élaboration, de modification et de révision de ces plans

État

Dès 2022

Loi, décret

26

Systématiser l'envoi de « cartes d'aléas », adressées par le préfet aux collectivités territoriales, dans l'ensemble des territoires exposés au risque incendie et particulièrement exposés au risque incendie

État

Dès 2022

Loi, décret, arrêté

27

Lorsque cela est pertinent, dans les territoires particulièrement exposés au risque incendie et dans ceux simplement exposés au risque incendie au titre du code forestier, intégrer dans les documents d'urbanisme des recommandations tendant à accroître la résistance des bâtiments aux incendies de forêt

État, collectivités territoriales

Dès 2022

Loi, décret, documents d'urbanisme

28

Lutter plus fermement contre l'installation d'habitats légers dans les zones à risque en s'appuyant 1) sur les documents d'urbanisme existants, 2) sur une doctrine plus stricte des commissions de préservation des espaces naturels et forestiers (CDPENAF) et 3) sur une application stricte du refus d'autorisation de défrichement pour l'installation d'habitats dans les zones exposées à l'aléa

État, CDPENAF, collectivités territoriales

Dès 2022

Loi, arrêté, documents d'urbanisme

Axe 3 : Gérer la forêt : promouvoir la sylviculture face au risque incendie, premier des pare feux pour la forêt privée

L'intégration plus cohérente du risque incendie dans les documents de gestion durable et dans la certification privée

29

Confier aux commissions régionales des forêts et du bois le soin d'enrichir les schémas régionaux de gestion sylvicole (SRGS) par des orientations spécifiques au risque incendie (choix des essences, type de gestion...), prescriptrices pour les documents de gestion durable. Faire apparaître de façon plus cohérente ces orientations dans les documents de gestion durable

État, centres régionaux de la propriété forestière (CRPF)

Dès 2022

Loi, programme régional de la forêt et du bois, schémas régionaux de gestion sylvicole

30

Dans le cadre de de la révision des certifications de gestion durable des forêts privées (PEFC/FSC), renforcer dans les meilleurs délais la dimension prévention face au risque incendie dans les référentiels afin d'en faire une composante à part entière de la gestion durable

Certificateurs privés

Dès 2022

Référentiels de certification

Augmenter le taux de documents de gestion durable, par un abaissement du seuil obligatoire de réalisation de ces documents et par une incitation à la gestion groupée des parcelles

31

Abaisser le seuil d'obligation d'élaboration de documents de gestion durable pour la forêt privée à 20 hectares (contre 25 aujourd'hui) (500 000 hectares supplémentaires ainsi concernés) et donner la possibilité au préfet de région d'abaisser encore ce seuil, selon l'opportunité, après avis de la commission régionale de la forêt et du bois

État, commission régionale de la forêt et du bois

Dès 2022

Loi, arrêté

32

Pérenniser le DEFI (dispositif de défiscalisation des investissements en forêt) et en élargir le périmètre (plafond, taux)

État

Au plus tard fin 2022

Loi/loi de finances

Adapter en conséquence les moyens du Centre national de la propriété forestière (CNPF) pour l'instruction des documents de gestion durable, l'animation territoriale et la prévention du risque incendie

33

Adapter les effectifs du Centre national de la propriété forestière (CNPF), chargé de l'agrément des documents de gestion durable, hiérarchiser le contenu de ces derniers et généraliser la télédéclaration pour réduire les délais d'instruction

État, Centre national de la propriété forestière (CNPF)

Dès 2022

En 2026

Loi de finances

Contrat d'objectifs et de performance du CNPF

34

Augmenter les moyens du CNPF sur le terrain pour dynamiser et regrouper la gestion, notamment pour les parcelles en dessous des seuils obligatoires d'élaboration de documents gestion durable. Développer les « visites à mi-parcours » (8 à 12 ans) des documents de gestion durable afin de dynamiser la gestion forestière

État, Centre national de la propriété forestière (CNPF)

Dès 2022

En 2026

Loi de finances

Contrat d'objectifs et de performance du CNPF

35

Dans le but de constituer une culture commune du feu, créer des postes supplémentaires de référent risque incendie au sein de chaque Centre régional de la propriété forestière (CRPF)

État, Centre national de la propriété forestière (CNPF)

Dès 2022

En 2026

Loi de finances, loi

Contrat d'objectifs et de performance du CNPF

Axe 4 : Aménager et valoriser la forêt : appréhender la défense des forêts contre l'incendie à l'échelle du massif

Planifier et financer l'aménagement de la forêt

36

Pour mieux adapter la gestion du risque aux réalités territoriales et assurer une meilleure association des élus locaux à la politique de DFCI, promouvoir une approche préventive par massif, en déclinant les PPFCI départementaux ou interdépartementaux au niveau des massifs, en recherchant les synergies avec les stratégies locales de développement forestier (SLDF).

État, collectivités territoriales, associations DFCI, filière forêt-bois, SDIS

Dès 2022, au fur et à mesure du renouvellement des PPFCI

Loi,

arrêté, plan intercommunal de débroussaillement et d'aménagement forestier

37

Dans le cadre du PPFCI, identifier et mobiliser les sources de financement, publiques et privées, pour l'entretien et l'élaboration de pistes DFCI. Associer les régions à cette démarche, afin notamment de faciliter la mobilisation des fonds européens

État, collectivités territoriales, associations DFCI, filière forêt-bois, SDIS

Dès 2022, au fur et à mesure du renouvellement des PPFCI

Plans de protection des forêts contre les incendies (PPFCI), stratégies locales de développement forestier

38

Instaurer un droit de préemption des parcelles forestières sans document de gestion durable et présentant un enjeu au regard de la défense des forêts contre l'incendie, au profit des communes, en particulier dans les zones péri-urbaines, dès lors que ces parcelles ont été préalablement identifiées comme stratégiques, que la commune est en mesure de justifier son acquisition par un projet de gestion forestière et qu'elle s'engage à intégrer la parcelle au régime forestier

État

Dès 2022

Loi

39

Intégrer aux objectifs des stratégies locales de développement forestier (SLDF) - chartes forestières de territoire ou plans de massifs -, la prévention du risque incendie, aujourd'hui absente, afin de faire de la structuration de filières en circuits courts un atout dans la connaissance et la gestion des massifs

État, collectivités territoriales

Dès 2022

Loi

40

Afin de favoriser les synergies entre voies d'accès à la forêt et pistes DFCI, prévoir un cahier des charges SDIS-CRPF. Prévoir un avis consultatif des SDIS dans l'élaboration des schémas de desserte forestière collectifs par les Commissions régionales de la forêt et du bois

État, services départementaux d'incendie et de secours, Centres régionaux de la propriété forestière (CRPF)

Dès 2022

Loi

41

Établir une cartographie des synergies actuelles et potentielles de la desserte forestière et des voies de défense des forêts contre l'incendie au niveau régional

État, régions, SDIS, Centres régionaux de la propriété forestière (CRPF)

Dès 2022

-

Concilier défense des forêts contre l'incendie et protection de la biodiversité

42

Adresser une instruction générale aux parquets pour une meilleure conciliation entre DFCI et biodiversité dans le prononcé des sanctions en matière d'atteintes à la biodiversité. À l'occasion de la révision prévue de la Stratégie nationale de contrôle de l'OFB, intégrer davantage la prise en compte de la prévention du risque incendie

État (ministère de la justice en concertation avec les ministères intéressés), OFB

Dès 2022 et en 2023

Instruction générale, stratégie nationale de contrôle de l'OFB

43

Clarifier le droit existant, par une instruction technique adressée aux préfets, pour qu'en cas de conflit entre la défense des forêts contre l'incendie (DFCI) et la protection de la biodiversité, la première soit priorisée dans les zones particulièrement exposées au risque incendie. Associer en amont l'ensemble des parties prenantes à l'élaboration de cette politique intégrée de gestion du risque, afin d'anticiper les oppositions et de trouver des solutions territoriales et pragmatiques

État

Dès 2022

Instruction technique des ministères concernés

44

À l'occasion de l'élaboration ou de la révision des plans de gestion des aires protégées, intégrer les enjeux relatifs à la prévention du risque incendie

État, gestionnaires des aires protégées

Dès 2022

Loi, plans de gestion des aires protégées

Axe 5 : Mobiliser le monde agricole : renforcer les synergies entre pratiques agricoles et prévention du risque incendie

Restaurer le rôle de pare feu des activités agricoles et pastorales

45

Favoriser la mobilisation des activités agricoles comme pare-feux naturels en finançant les agriculteurs pour les services environnementaux ainsi rendus :

- par une pérennisation des contrats d'entretien de « coupures de combustible », finançant des exploitations pastorales depuis plus de trente ans en région Sud et Occitanie ;

- en étendant ces contrats à d'autres productions agricoles (ex. viticulture), pour autant que ces productions soient peu conductrices de l'incendie

État, collectivités territoriales, chambres d'agriculture, CNPF, ONF, association française de pastoralisme, forestiers privés

Dès 2022

Loi, plan stratégique national

46

Orienter des moyens de prévention locaux, nationaux et européens. À ce titre, mobiliser des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) de la PAC pour cofinancer ce mode agricole ou pastoral de prévention

Commission européenne, État, collectivités territoriales (régions)

Dès 2022 et après 2027

Cadre financier pluriannuel de l'UE, plan stratégique national

Concilier fermeté et ouverture en matière de défrichement

47

Sous certaines conditions, minorer par défaut le coefficient de superficie à compenser ou d'indemnité de défrichement (article L. 341-6 du code forestier), dans le cas de défrichement de ces surfaces à but agricole ou pastoral

État

Dès 2022

Loi

48

Affecter intégralement l'indemnité de défrichement, aujourd'hui reversée au budget général au-dessus d'un plafond de 2 M€, au Fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB). Confier au FSFB la mission de rechercher des synergies entre la desserte forestière et la défense des forêts des incendies

État

Dès 2022

Loi de finances, loi

Appréhender de façon intégrée le risque feux agricoles et de forêt

49

Renforcer la sensibilisation des acteurs agricoles pour limiter les départs de feux sur des surfaces non boisées

État, collectivités territoriales, SDIS, chambres d'agriculture

Dès 2022

-

50

En concertation avec les organisations de producteurs, donner la possibilité pour le préfet de prescrire la réalisation des travaux agricoles (en particulier moissons) la nuit en cas de risque « très sévère » et compenser le cas échéant les agriculteurs pour les coûts induits (hausse de charges, récolte détériorée)

État, organisations de producteurs

Dès 2022

Loi, arrêté

51

Permettre au préfet de prescrire, selon les conditions locales, des coupures sur les terres agricoles aux interfaces avec la forêt

État

Dès 2022

Loi, arrêté

Axe 6 : Sensibiliser : renforcer la prise de conscience, en mobilisant une large palette d'outils, allant de la communication à la répression

Renforcer la prise de conscience par une communication d'envergure, à la hauteur des moyens mobilisés pour d'autres causes nationales

52

Renforcer très largement les moyens alloués à la communication, à la hauteur des moyens mobilisés pour d'autres causes nationales (ex. sécurité routière), et prévoir autour du préfet et des élus une communication à l'automne et à l'hiver sur les actes de prévention, notamment en matière de débroussaillement

État, collectivités territoriales, ONF, CNPF, filière forêt-bois, société civile

Dès 2022

Loi de finances, circulaire

53

Mieux coordonner les campagnes de communication à l'échelle nationale et à l'échelle des zones

État, collectivités territoriales, ONF, CNPF, filière forêt-bois, société civile

Dès 2022

Circulaire

54

Mobiliser le budget des collectivités territoriales pour recruter, former et équiper des jeunes du Service national universel (SNU), afin de prévenir et sensibiliser les usagers en forêt, ainsi que de surveiller les massifs lors des périodes à risque

Collectivités territoriales

Dès 2022

Délibération

55

S'appuyer sur la filière de responsabilité élargie du producteur (REP) mégots pour financer des actions de communication d'envergure, notamment sur les autoroutes

État, REP mégots

Dès 2022

Loi

56

Sensibiliser les plus jeunes dans les établissements scolaires, en recourant à des intervenants extérieurs

État, collectivités territoriales

Dès 2022

Circulaire

Renforcer et clarifier les sanctions relatives à la prévention du risque d'incendie

57

Augmenter et uniformiser les sanctions relatives à la prévention du risque d'incendie (notamment celles relatives aux jets de mégots), pour les rendre plus lisibles et dissuasives

État

Dès 2022

Décret

58

Consacrer au niveau législatif l'interdiction de fumer dans un bois ou une forêt classé à « risque d'incendie » ou particulièrement exposé à ce risque sur les périodes à risque

État

Dès 2022

Loi, décret

Axe 7 : Lutter : financer et équiper la lutte incendie à la hauteur du risque

59

Renforcer et développer les moyens aériens (avions et hélicoptères) de la sécurité civile à la hauteur du risque. Pour accroître la durée de vol des avions bombardiers, s'assurer que la flotte renouvelée soit équipée de dispositifs permettant une intervention de nuit. En attendant la livraison des nouveaux avions et hélicoptères, s'appuyer, en tant que de besoin, sur des locations d'équipements. Adapter et moderniser les infrastructures associées et garantir l'adéquation des moyens de maintenance

État

Dès 2022

Loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI)

60

Étudier l'opportunité de créer une deuxième base aérienne de la sécurité civile pour plus de rapidité dans la mobilisation des moyens de lutte

État

Dès 2022

-

61

Augmenter significativement, dans un cadre pluriannuel, la dotation de soutien de l'État à l'investissement des SDIS, notamment pour permettre l'acquisition de véhicules et leur renouvellement

État

Dès 2022

Loi de finances

62

Exonérer de TICPE les carburants utilisés par les véhicules d'intervention des SDIS, sous réserve de compatibilité avec le droit de l'Union européenne. Exonérer de malus écologique l'ensemble des véhicules de lutte contre l'incendie des SDIS, et pas seulement les véhicules porteurs d'eau

État

Dès 2022

Loi/loi de finances

63

Accompagner les SDIS pour développer et acquérir des nouvelles technologies utiles à la surveillance et à la réponse opérationnelle (robots, drones, nouveaux capteurs...)

État

Dès 2022

Loi de finances

64

Pour atteindre d'ici 2027 l'objectif de 250 000 sapeurs-pompiers volontaires, instaurer une réduction de cotisations patronales pour les entreprises et administrations en contrepartie de la disponibilité de leurs employés et agents exerçant en tant que sapeurs-pompiers volontaires

État

Dès 2022

Loi/loi de finances

65

Permettre une application territoriale, et non centralisée, du dispositif de cell broadcast afin d'en renforcer la réactivité

État

Dès 2022

Circulaire

Axe 8 : Reboiser : financer la reconstitution de forêts plus résilientes après l'incendie

Une réhabilitation des terrains incendiés nécessitant en tout état de cause un financement public

66

Consacrer de nouveaux crédits dans le cadre du plan France 2030 à la reconstitution post-incendie

État

Dès 2022

Loi de finances

Renforcer l'éco conditionnalité pour des forêts plus résilientes

67

Conditionner plus strictement les crédits de l'État à un choix d'essences adaptées aux stations forestières et à leur évolution prévisible en raison du changement climatique, en expérimentant notamment des corridors d'essences feuillues et en maintenant des pare feux

État

Dès 2022

Loi de finances, appels à projet du plan France 2030

Mobiliser aussi des fonds privés et l'outil assurantiel face à la montée des risques

68

Promouvoir l'intérêt de l'assurance contre les risques incendie et tempête en s'appuyant sur le Centre national de la propriété forestière (CNPF), en lien avec les syndicats de propriétaires forestiers

État, Centre national de la propriété forestière, syndicats de forestiers privés

Dès 2022 et en 2026

Loi, contrat d'objectifs et de performance du CNPF

69

Créer un dispositif d'encouragement fiscal (DEFI) « assurance incendie » dont la seule condition serait de souscrire à une assurance incendie (seule l'assurance tempête ou tempête incendie y donnant aujourd'hui accès)

État

Au plus tard avant fin 2022

Loi/loi de finances

70

Élargir le Compte d'investissement forestier et d'assurance (CIFA) en le complétant par un dispositif pouvant concerner davantage de propriétaires forestiers

État

Dès 2022

Loi/loi de finances


* 1 La hausse observée en 2020 s'explique principalement par une meilleure remontée des informations selon le ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Les chiffres consolidés pour la saison 2021 ne sont pas encore disponibles à la date de publication du présent rapport.

* 2 Depuis 2006, date d'établissement de la base de données relative aux incendies de forêts en France (BDIFF).

* 3 Compte rendu en ligne : https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20220613/ecos.html

* 4 Pour une synthèse, voir Moreira, Curt et al ., `Landscape-wildfire interactions in southern Europe: Implications for landscape management', Octobre 2011, Journal of Environmental Management 92(10).

* 5 Compte rendu en ligne : https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20220613/ecos.html

* 6 Jean-Louis Bianco, La Forêt : une chance pour la France , 1998, rapport au Premier ministre. En ligne : https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/994000095.pdf

* 7 Mission « flash » sur la prévention des incendies de forêt et de végétation, communication de MM. Alain Perea et François-Michel Lambert, 5 janvier 2022. En ligne : https://www2.assemblee-nationale.fr/content/download/455076/4428909/version/2/file/COMMUNICATION_MI_flash_prevention_incendies.pdf

* 8 Rapport du CGAAER n° 21092 et CGEDD n° 014045-01 - La forêt usagère de la Teste-de-Buch - Un fragile équilibre entre propriété et usage , 11 mai 2022. En ligne : https://agriculture.gouv.fr/rapport-du-cgaaer-ndeg-21092-et-cgedd-ndeg-014045-01-la-foret-usagere-de-la-teste-de-buch-un

* 9 Le scénario RCP4.5 du GIEC est le scénario climatique « intermédiaire » dans lequel les émissions de gaz à effet de serre sont stabilisées avant la fin du XXIème siècle à un niveau faible. Il conduirait à un réchauffement de +2,7 °C. Ce scénario est proche de la trajectoire actuelle, dans lequel le réchauffement en fin de siècle pourrait atteindre 2,4 ou 2,3 °C dans l'hypothèse d'un respect des engagements à horizon 2030 (selon les estimations faites à la suite de la COP 26 de Glasgow).

* 10 Hélène Fargeon et al, « Projection of fire danger under climate change over France: where do the greatest uncertainties lie? », Climatic Change volume 160, 2020.

* 11 Le scénario RCP8.5 du GIEC est le scénario le plus pessimiste dans lequel les émissions de CO 2 continuent d'augmenter fortement jusqu'à être deux fois supérieures aux niveaux actuels en 2050 et plus de trois fois supérieures en 2100. Il conduirait à un réchauffement de +4,4 °C.

* 12 Jean-Luc Dupuy et al, « Climate change impact on future wildfire danger and activity in southern Europe: a review », Annals of Forest Science 77(2):35, 2020.

* 13 Changement climatique et extension des zones sensibles aux feux de forêt , Rapport de la mission interministérielle CGEDD, CGAAER, IGF, juillet 2010. En ligne : https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/104000494.pdf

* 14 Compte rendu en ligne : https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20220613/ecos.html

* 15 Point 2.4.4.2 du rapport du groupe II du GIEC.

* 16 Rapport entre le poids d'eau et le poids de matière sèche.

* 17 Mais les dommages de la pyrale diminuent le risque d'incendie lorsque les buis sont totalement défoliés.

* 18 https://academic.oup.com/bioscience/article/68/2/77/4797261?login=false

* 19 https://public-health.uq.edu.au/article/2020/02/health-impacts-australian-mega-fires

* 20 https://www.hsph.harvard.edu/news/press-releases/wildfire-smoke-may-have-contributed-to-thousands-of-extra-covid-19-cases-and-deaths-in-western-u-s-in-2020/

* 21 San-Miguel-Ayanz, J., Durrant, T., Boca, R., Maianti, P., Liberta`, G., Artes Vivancos, T., Jacome Felix Oom, D., Branco, A., De Rigo, D., Ferrari, D., Pfeiffer, H., Grecchi, R. and Nuijten, D., “Advance report on wildfires in Europe, Middle East and North Africa 2021”, EUR 31028 EN, Publications Office of the European Union, Luxembourg, 2022, ISBN 978-92-76-49633-5, doi:10.2760/039729, JRC128678.

* 22 Éric RIGOLOT, Jean-Luc DUPUY, François PIMONT et Julien RUFFAULT (INRAE), « Les incendies de forêt catastrophiques », RESPONSABILITÉ & ENVIRONNEMENT - avril 2020, n°98, Annales des Mines.

* 23 Voir rapport du groupe II du GIEC consacré à l'adaptation (point 2.4.4.2.5).

* 24 Voir rapport du groupe II du GIEC consacré à l'adaptation (point 13.7.1.2).

* 25 Les feux extrêmes australiens de 2019-2020 ont émis en 4 mois et demi 400 mégatonnes de CO 2 , soit la quantité moyenne annuelle émise par ce pays, toutes sources confondues.

* 26 Haut conseil pour le climat, rapport annuel 2022, « Dépasser les constats, mettre en oeuvre les solutions ».

* 27 Charles Dereix, Louis-Michel Duhem, Eric Rigolot, « Changer notre regard sur les incendies de forêt... et agir sans délais », Forêt méditerranéenne, 2019. En ligne : https://hal.inrae.fr/hal-02623345/document

* 28 Compte rendu en ligne : https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20220613/ecos.html

* 29 S'agissant des feux de Landiras et de La Teste-de-Buch, la mesure du périmètre brûlé pourrait connaître des évolutions à la marge, d'abord parce que de nouveaux départs de feux ne sont pas exclure (chiffres au 26 juillet 2022), et ensuite en fonction des contours de feux.

* 30 Idem .

* 31 Changement climatique et extension des zones sensibles aux feux de forêt , Rapport de la mission interministérielle CGEDD, CGAAER, IGF, juillet 2010, p. 44 . En ligne : https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/104000494.pdf

* 32 Mission « flash » sur la prévention des incendies de forêt et de végétation, communication de MM. Alain Perea et François-Michel Lambert, 5 janvier 2022. En ligne : https://www2.assemblee-nationale.fr/content/download/455076/4428909/version/2/file/COMMUNICATION_MI_flash_prevention_incendies.pdf

* 33 Cour des comptes, rapport public annuel, « L'État face à la gestion des risques naturels : feux de forêt et inondations », 2009.

* 34 Virginie Pastor, « Approche d'une technique standardisée d'évaluation de la surface et des valeurs sauvées au cours de la lutte contre un feu de forêt », Forêt méditerranéenne, t. XLII-001, mars 2021.

* 35 Aquitaine, Corse, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Poitou-Charentes, Provence-Alpes-Côte-d'Azur.

* 36 Ardèche et Drôme.

* 37 Dans certains départements visés par l'article L. 133-1 du code forestier (ex. Gers, Tarn-et-Garonne...), la totalité des bois et forêts est aujourd'hui exclue, par décision préfectorale, de l'application des mesures en principe applicables aux territoires réputés particulièrement exposés aux risques d'incendie. L'exclusion peut aussi être partielle, comme dans les Alpes-Maritimes, où seuls les massifs en-deçà de 1500 mètres d'altitude, sont régis par les articles L. 133-1 et suivants du code forestier.

* 38 Compte rendu en ligne : https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20220613/ecos.html

* 39 CGAAER, CGEDD, IGA, Mission d'évaluation relative à la défense de la forêt contre l'incendie, 2016. En ligne : https://agriculture.gouv.fr/sites/default/files/cgaaer_15102_2016_rapport_0.pdf

* 40 Charles Dereix et Yves Granger (CGAAER), « Le plan de protection des forêts contre les incendies, guide partagé de l'action collective en défense des forêts contre l'incendie », mai 2018. En ligne : https://agriculture.gouv.fr/analyse-des-plans-de-protection-des-forets-contre-les-incendies

* 41 Mission « flash » sur la prévention des incendies de forêt et de végétation, communication de MM. Alain Perea et François-Michel Lambert, 5 janvier 2022. En ligne : https://www2.assemblee-nationale.fr/content/download/455076/4428909/version/2/file/COMMUNICATION_MI_flash_prevention_incendies.pdf

* 42 CGEDD, IGA et CGAAER, Mission d'évaluation relative à la défense de la forêt contre l'incendie , avril 2016. En ligne : https://agriculture.gouv.fr/sites/default/files/cgaaer_15102_2016_rapport_0.pdf

* 43 Compte rendu en ligne : https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20220613/ecos.html

* 44 Cette association de propriétaires forestiers est notamment centrée autour du développement de la subériculture (liège) mais mène aussi des actions pour valoriser le bois en plaquettes de bois énergie, en paillage, avec l'objectif explicite d'entretenir les forêts pour prévenir le risque incendie. En complément du bois, des produits forestiers de niche, tels que l'arbouse (fruit de l'arbousier) sont valorisés, avec par exemple la fabrication d'une bière à l'arbouse commercialisée en circuit court, ce qui donne l'occasion de réaliser des travaux d'entretien de cette essence, usuellement négligée .

* 45 CGEDD, Mission d'appui à la réserve naturelle nationale de la plaine des Maures , mars 2022. En ligne : https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/284930.pdf

* 46 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

* 47 Compte rendu en ligne : https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20220613/ecos.html

* 48 Mis en place en 2019, le programme de l'Union européenne RescEU permet la mise en place d'une nouvelle réserve européenne de ressources qui comprend notamment une flotte d'avions et d'hélicoptères bombardiers d'eau. Dans sa phase transitoire, jusqu'en 2026, cette flotte mutualisée est composée de moyens mis à disposition par les États-membres volontaires. Dès 2026, des avions amphibies et des hélicoptères seront entièrement financés par l'Union européenne et répartis harmonieusement sur le territoire européen.

* 49 Chiffres de la DGSCGC.

* 50 La révision de la directive sur la taxation de l'énergie prévue dans le cadre du paquet climat européen devrait remettre en cause les exonérations et réductions fiscales applicables à l'utilisation d'énergie fossile accordées par les États membres.

* 51 Loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels.

* 52 https://www.suberaievaroise.com/documents/AP%20mesures%20post%20incendie%20RNN%2020210910.pdf

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