Rapport d'information n° 188 (2022-2023) de MM. Jean-François HUSSON et Éric JEANSANNETAS , fait au nom de la commission des finances, déposé le 7 décembre 2022

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N° 188

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 décembre 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) par la mission d'information sur le champ et la mise en oeuvre effective des dispositifs de suspension des avantages fiscaux pour les dons aux associations ,

Par MM. Jean-François HUSSON et Éric JEANSANNETAS,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

L'ESSENTIEL

I. LES AVANTAGES FISCAUX POUR LES DONS AUX ASSOCIATIONS REPOSENT SUR UNE DOUBLE RELATION DE CONFIANCE

A. LES RÉDUCTIONS D'IMPÔT VISANT À ENCOURAGER LA GÉNÉROSITÉ PUBLIQUE REPRÉSENTENT LE PRINCIPAL SOUTIEN PUBLIC ENVERS LES ASSOCIATIONS

La réduction fiscale pour les dons aux associations d'intérêt général, codifiée à l'article 200 du code général des impôts (CGI), est une dépense fiscale ancienne, qui date des débuts de la IV e République. Elle a vocation à encourager les contribuables à s'impliquer dans le développement du tissu associatif, qui est l'une des pierres angulaires de la société civile .

À cet égard, la réduction d'impôt de l'article 200 du code général des impôts fait figure de symbole , et le monde associatif a souvent rappelé devant les rapporteurs son attachement au régime du mécénat. D'ailleurs, d'autres réductions fiscales existent sur ce modèle : l'article 238 bis du CGI qui porte le régime du mécénat applicable pour les entreprises, et l'article 978 du CGI relatif à la réduction d'impôt sur la fortune immobilière pour les dons.

Au-delà de la dimension symbolique, les dons représentent une source majeure du financement des associations en France .

Montant des dons déclarés

Nombre de foyers
fiscaux donateurs

Coût de la réduction d'impôt de l'article 200 du CGI

Source : Tome 1 des Voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2023 et Recherches & Solidarités, Panorama de novembre 2022, à partir des données de la direction générale des finances publiques

B. LES ASSOCIATIONS QUI COMMETTENT DES INFRACTIONS NE DOIVENT PAS BÉNÉFICIER DE LA RÉDUCTION FISCALE POUR LES DONS

Cette réduction fiscale repose sur une double relation de confiance . D'un côté, les associations n'ont pas à se prévaloir d'une autorisation préalable pour émettre des reçus fiscaux ouvrant droit pour les contribuables à la réduction d'impôt pour les dons. En retour, les contribuables doivent pouvoir donner aux causes qui leurs tiennent à coeur en ayant la garantie suffisante que les activités menées par ces associations respectent la loi.

Il n'est donc pas acceptable que des associations qui commettent des infractions bénéficient indirectement d'un soutien public via la réduction d'impôt pour les dons . Dès lors, les associations qui font appel à la générosité du public doivent pouvoir être contrôlées.

Les rapporteurs ont notamment reçu des témoignages des représentants des chasseurs et du monde agricole, qui ont subi des actes de violence et des dégradations , et qui s'interrogeaient sur la possibilité pour des associations qui mèneraient ou encourageraient ce type d'actions de bénéficier de la réduction fiscale pour les dons. Il s'agit précisément de l'objet de la pétition ayant conduit à la création de la présente mission.

Si la mission n'a bien entendu pas vocation à porter des accusations sur certaines associations en particulier, ni la compétence pour mener une enquête sur celles qui commettraient des infractions, elle s'est en revanche attachée à vérifier que les mécanismes de suspension du régime du mécénat répondent aux enjeux.

II. L'ADMINISTRATION FISCALE A BIEN LA CAPACITÉ, EN DROIT, DE SUSPENDRE LE BÉNÉFICE DE LA RÉDUCTION D'IMPÔT POUR LES ASSOCIATIONS AYANT COMMIS DES INFRACTIONS

A. DEPUIS LE 1 ER JANVIER 2022, UNE NOUVELLE PROCÉDURE PERMET À L'ADMINISTRATION FISCALE DE CONTRÔLER LA RÉGULARITÉ DE L'ÉMISSION DES REÇUS FISCAUX OUVRANT DROIT À LA RÉDUCTION D'IMPÔT

Depuis l'article 18 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, entré en vigueur le 1 er janvier 2022, l'administration peut contrôler sur place que l'organisme sans but lucratif qui émet des reçus fiscaux respecte les conditions prévues par la loi . Avant cette loi, la Cour des comptes pouvait déjà contrôler la conformité des dépenses à l'appel à la générosité.

Une ambiguïté subsistait néanmoins sur la portée du contrôle opéré en vertu de l'article 18 de la loi du 24 août 2021 : l'administration fiscale se borne-t-elle à effectuer un contrôle formel de l'objet de l'association avec l'une des catégories mentionnées à l'article 200 du CGI, comme la défense de l'environnement, ou mène-t-elle un contrôle approfondi des moyens utilisés pour que l'association accomplisse ses objectifs ?

La mission a interrogé la direction générale des finances publiques (DGFiP) à ce sujet, et celle-ci a retenu une interprétation large du dispositif, en considérant qu'une association qui utiliserait des moyens illégaux pour des objectifs relevant du régime du mécénat ne serait pas autorisée à émettre des reçus fiscaux : « par exemple, une association qui aurait pour objet d'occuper des immeubles sans droit ni titre ne pourrait pas bénéficier de ce régime quand bien même elle mettrait les immeubles occupés illégalement à disposition de personnes en difficulté sociale et se réclamerait ainsi de la finalité sociale contenue dans le champ du bénévolat . » 1 ( * )

Il apparaît ainsi que l'administration dispose déjà, en droit, des moyens pour suspendre la réduction fiscale des dons aux associations qui commettent des infractions. Toutefois, dans la mesure où cette nouvelle procédure est entrée en vigueur il y a moins d'un an, il n'est pas encore possible d'avoir un retour d'expérience, et certaines des conditions de sa mise en oeuvre doivent encore être précisées.

Les conditions concrètes de mise en oeuvre de la nouvelle procédure de contrôle de la régularité des dons aux associations issue de l'article 18 de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République doivent encore être précisées

Les services de la DGFiP disposent donc d'une marge d'appréciation quant à savoir quels actes illégaux seraient passibles ou non d'une suspension de l'avantage fiscal pour les dons , à l'exception des cas précisément listés au II de l'article 1378 octies du CGI et pour lesquels une suspension automatique est prévue depuis 2009.

B. DEPUIS 2009, LA SUSPENSION AUTOMATIQUE DE L'AVANTAGE FISCAL LIÉ AUX DONS EST PRÉVUE POUR CERTAINES INFRACTIONS

L'administration fiscale est tenue de suspendre les avantages fiscaux des associations, quelles que soient les circonstances dans lesquelles les infractions ont été commises, lorsqu'une décision pénale définitive a été rendue au titre de l'une des infractions listées au II de l'article 1378 octies du CGI : abus de confiance, escroquerie, actes de terrorisme, blanchiment d'argent, recel, usage de menace ou de violence à l'égard d'un agent public et atteinte à la vie d'autrui par la diffusion d'informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle.

Il est fréquemment évoqué, notamment lors de l'examen de la loi de finances, l'opportunité d'élargir une nouvelle fois ce mécanisme de suspension automatique à de nouvelles infractions. Toutefois, en menant la présente mission, les rapporteurs se sont aperçu qu'il convenait surtout de s'assurer de l'application effective des mesures déjà votées.

III. UNE ABSENCE D'ARTICULATION ENTRE AUTORITÉ JUDICIAIRE ET ADMINISTRATION FISCALE QUI CONDUIT NOTAMMENT À L'INAPPLICATION DU MÉCANISME DE SUSPENSION AUTOMATIQUE DE L'AVANTAGE FISCAL DEPUIS 2009

A. L'ADMINISTRATION FISCALE N'A PAS À CONSTATER ELLE-MÊME LES INFRACTIONS, CELLES-CI RELEVANT DE LA PROCÉDURE JUDICIAIRE

Il convient de souligner que même si l'administration fiscale exerce un contrôle de la régularité des dons aux associations, elle n'est pas juge au fond de la légalité des actions que mènent les associations .

Les rapporteurs de la mission ont conscience des difficultés que cela engendre chez les personnes victimes de ces infractions et pour les activités qui sont attaquées . D'un autre côté, les associations peuvent aussi compter parmi leurs membres des personnes qui commettent des actes illégaux, sans même le savoir ni a fortiori cautionner leurs agissements. La détermination des infractions, et notamment le fait de savoir si une infraction a été commise par une personne en son nom propre ou si elle a été soutenue par une association, relève avant tout de la procédure judiciaire, et non de l'action de l'administration fiscale .

L'articulation entre l'exercice de la justice pénale et le contrôle de l'administration fiscale est donc essentielle dans la mise en oeuvre des mécanismes de suspension de la réduction fiscale pour les dons aux associations .

B. UN MÉCANISME DE SUSPENSION AUTOMATIQUE DE L'AVANTAGE FISCAL QUI N'A JAMAIS ÉTÉ MIS EN oeUVRE DEPUIS SON INSTAURATION EN 2009, FAUTE DE CIRCUIT ÉTABLI ENTRE L'AUTORITÉ JUDICIAIRE ET L'ADMINISTRATION FISCALE

La décision pénale définitive de condamnation au titre de l'une des infractions mentionnées au II de l'article 1378 octies du code général des impôts est censée emporter la suspension automatique des avantages fiscaux pour les organismes concernés, mais cela requiert que l'administration fiscale en soit informée et qu'elle l'applique .

Or, les rapporteurs ont pu constater au cours de la mission que cette disposition n'a jamais été mise en oeuvre depuis 2009 , l'année où elle a été introduite dans le code général des impôts : « aucun circuit de mise en oeuvre de cette procédure n'a encore été défini depuis la création de cette dernière par la loi n°2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 et elle est par conséquent restée ineffective depuis cette date . » 2 ( * ) .

Il est pour le moins préoccupant que le mécanisme de suspension automatique du bénéfice de la réduction fiscale voté en 2009 n'ait toujours pas été appliqué.

Les rapporteurs recommandent donc de mettre très rapidement en place les outils permettant d'appliquer le mécanisme de suspension automatique de la réduction fiscale pour les dons aux associations en cas de condamnation pénale définitive pour certaines infractions.

Pour que le dispositif du II de l'article 1378 octies du code général des impôts puisse être appliqué, il convient premièrement de définir les modalités de transmission des informations utiles entre les juridictions pénales et les services de la direction générale des finances publiques . La direction générale des affaires criminelles et des grâces a évoqué la possibilité pour les juridictions pénales de transmettre à l'administration fiscale la liste des décisions définitives concernées par les dispositions du II de l'article 1378 octies du code général des impôts. En sens inverse, il est nécessaire que l'administration fiscale communique à la direction des affaires criminelles et des grâces la liste des organismes à but lucratif faisant appel à la générosité du public .

Il est indispensable que tout soit mis en oeuvre pour que ce contrôle soit rendu opérationnel le plus rapidement possible, afin que soit préservée la double relation de confiance au fondement du régime fiscal des dons .

Les recommandations des rapporteurs

à destination de la direction générale des finances publiques
et de la direction des affaires criminelles et des grâces

1. Définir dans les plus brefs délais un circuit d'information entre l'autorité pénale et l'administration fiscale permettant la mise en oeuvre effective de la procédure de suspension automatique de la réduction fiscale pour les dons aux associations ayant fait l'objet d'une condamnation pénale définitive au titre de l'une des infractions mentionnées au II de l'article 1378 octies du code général des impôts.

2. Produire des statistiques sur le nombre d'associations condamnées en vertu de l'une des infractions mentionnées au II de l'article 1378 octies du code général des impôts.

3. Finaliser les conditions de mise en oeuvre de la nouvelle procédure de contrôle de la régularité des dons aux associations issue de l'article 18 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, et mettre rapidement en place un suivi quantitatif des décisions qui ont été prises sur son fondement.

AVANT-PROPOS

Mesdames, messieurs,

Le 15 février 2022, Willy Schraen, Président de la Fédération nationale des chasseurs, a déposé sur la plate-forme dédiée du Sénat une pétition qui vise à « la fin de la réduction fiscale pour les dons aux associations qui utilisent des moyens illégaux contre des activités légales ».

À la fin du mois de juin 2022, la pétition a dépassé le seuil des 100 000 signatures. La Conférence des présidents a décidé d'y donner suite en la renvoyant à la commission des finances.

La commission des finances a fait le choix de mettre en place une mission d'information « flash » sur les mécanismes de suspension des avantages fiscaux pour les dons aux associations.

La mission est menée par les sénateurs Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances, et Éric Jeansannetas, rapporteur spécial de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », au sein de la commission des finances.

Les rapporteurs ont réalisé 11 auditions entre juillet et octobre, et le présent rapport fait un bilan des dispositifs existants, et formulent des recommandations qui découlent de leurs travaux.

I. LES AVANTAGES FISCAUX POUR LES DONS AUX ASSOCIATIONS REPOSENT SUR UNE DOUBLE RELATION DE CONFIANCE

A. LA RÉDUCTION D'IMPÔT VISANT À ENCOURAGER LA GÉNÉROSITÉ PUBLIQUE DES PARTICULIERS REPRÉSENTE PLUS DE 1,7 MILLIARD D'EUROS

1. Les contribuables peuvent en particulier bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu de 66 % du montant de leurs dons à des associations d'intérêt général

L'article 200 du code général des impôts prévoit que les contribuables domiciliés en France ont droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % du montant des dons et versements à des associations, sous plusieurs conditions .

Premièrement, l'association doit être d'intérêt général, ce qui signifie que son activité est non lucrative, que sa gestion est désintéressée, et qu'elle ne bénéficie pas à un cercle restreint de personnes 3 ( * ) . L'absence d'activité lucrative est appréciée au regard de l'article 206 du code général des impôts.

Ensuite, l'activité de l'association doit relever de l'un des champs mentionnés au 2 bis de l'article 200 du CGI : elle doit avoir un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises. Par ailleurs, l'orientation politique ne fait pas obstacle à ce qu'une association réponde aux conditions de l'article 200 du code général des impôts, comme l'a décidé la Cour administrative d'appel de Versailles, dans une décision du 21 juin 2016 (n° 14VE01966) 4 ( * ) . La liste des catégories d'activité qui permettent l'éligibilité à la réduction d'impôt a peu évolué depuis les dernières décennies.

La réduction d'impôt s'impute sur l'impôt sur le revenu calculé par application du barème dans les conditions fixées à l'article 197 du code général des impôts. Elle ne peut pas excéder la limite de 20 % du revenu imposable. Si le contribuable n'a pas déclaré ses dons aux associations l'année de leur versement, il dispose de cinq ans pour le faire. Lorsque les dons excèdent la limite de 20 % du revenu imposable, il peut également reporter l'excédent sur les années suivantes, dans la limite de cinq ans.

D'autres dispositifs fiscaux existent pour encourager les dons aux associations.

L'article 238 bis du code général des impôts dispose que les entreprises peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés pour leurs dons versés à des organismes d'intérêt général, qui répondent aux mêmes conditions que celles énoncées dans l'article 200 du même code.

L'article 978 du code général des impôts prévoit également que les contribuables peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur la fortune immobilière (IFI) pour leurs dons aux organismes d'intérêt général listés
au I. de l'article. La liste des organismes éligibles pour cette réduction d'impôt est plus restreinte que celle de l'article 200 du code général des impôts, et vise prioritairement les organismes en lien avec la recherche (Agence nationale de la recherche, fondations universitaires), ou en lien avec l'emploi (ateliers et chantiers d'insertion, entreprises adaptées).

2. La réduction fiscale pour les dons des particuliers aux associations est la première « politique publique » en faveur des associations d'intérêt général

La réduction fiscale pour les dons aux associations d'intérêt général, codifié à l'article 200 du code général des impôts, est une dépense fiscale ancienne, qui date des débuts de la IV ème République. Elle a vocation à encourager les contribuables à s'impliquer dans le développement du tissu associatif, qui est l'une des pierres angulaires de la société civile . À cet égard, la réduction d'impôt de l'article 200 du code général des impôts fait figure de symbole, et le monde associatif a souvent rappelé aux rapporteurs son attachement au régime du mécénat.

Il existe également un dispositif similaire de réduction d'impôt sur la fortune immobilière pour les dons, ainsi qu'une réduction d'impôt pour les entreprises faisant du mécénat.

Au-delà de la dimension symbolique, les dons représentent une source majeure du financement des associations en France. En 2021, le montant des dons déclarés est évalué à 2,84 milliards d'euros. Ce montant est en augmentation de 1,9 % par rapport à 2020 5 ( * ) .

La réduction d'impôt pour les dons aux associations est ainsi une politique importante de soutien public au monde associatif. En 2022, le montant de la réduction d'impôt est estimé à 1,745 milliard d'euros . Le coût de la dépense fiscale est en augmentation depuis plusieurs années : il était de 1,620 milliard en 2021, et de 1,536 milliard en 2019 6 ( * ) .

La réduction fiscale pour les dons représente ainsi le principal soutien public pour les associations .

À cet égard, les représentants des associations, le Mouvement associatif et France générosités, ont souligné devant les rapporteurs leur inquiétude quant à la progression du montant des dons pour les années à venir . En effet, même si les dons sont en progression depuis plusieurs années, en parallèle le nombre de donateurs se réduit : en 2021, le nombre de foyers donateurs est évalué à 4,8 millions, contre 5,5 millions en 2015, ce qui représente une diminution de 14,5 %. Il est donc possible que la courbe finisse par s'inverser, et que le montant des dons suive une trajectoire descendante.

En conséquence, il convient d'être prudent lorsque l'on modifie les conditions ou les paramètres de la réduction fiscale prévue à l'article 200 du code général des impôts. Les rapporteurs ont cherché, dans cette mission, à trouver un équilibre entre la nécessité de préserver cette politique indispensable aux associations , et dans le même temps à répondre à l'attente légitime que les associations qui commettent des actes illégaux ne puissent pas bénéficier de ce soutien public .

B. LES ASSOCIATIONS QUI COMMETTENT DES INFRACTIONS NE DOIVENT PAS BÉNÉFICIER DE LA RÉDUCTION FISCALE POUR LES DONS

Cette réduction fiscale repose sur une double relation de confiance . D'un côté, les associations n'ont pas à se prévaloir d'une autorisation préalable pour émettre des reçus fiscaux ouvrant droit pour les contribuables à la réduction d'impôt pour les dons. En retour, les contribuables doivent pouvoir donner aux causes qui leurs tiennent à coeur en ayant une garantie suffisante que les activités menées par ces associations sont bien d'intérêt général et respectent la loi.

Il n'est donc pas acceptable que des associations qui commettent des infractions bénéficient indirectement d'un soutien public via la réduction d'impôt pour les dons . Dès lors, il est légitime que les associations qui font appel à la générosité du public fassent l'objet d'un contrôle.

Les rapporteurs ont notamment reçu des témoignages des représentants des chasseurs et du monde agricole, qui ont subi des actes de violence et des dégradations , et qui s'interrogeaient sur la possibilité pour des associations qui soutiendraient ou encourageraient des actions de bénéficier de la réduction fiscale pour les dons. Il s'agit précisément de l'objet de la pétition du Président de la Fédération nationale des chasseurs, ayant conduit à la création de la présente mission.

La mission n'a bien entendu pas vocation à porter des accusations sur certaines associations en particulier, ni la compétence pour mener une enquête sur celles qui commettraient des infractions. Cependant, il est certain que la réduction fiscale pour les dons aux associations ne devrait pas bénéficier à des associations qui commettent des actes illégaux , et il est donc fondamental de vérifier si les mécanismes de suspension du régime du mécénat qui existent aujourd'hui sont suffisants.

Plusieurs mécanismes existent aujourd'hui pour mettre en oeuvre ce contrôle et s'assurer que le soutien financier apporté par le crédit d'impôt s'applique à des associations qui respectent le droit :

- le ministre chargé des comptes publics peut décider de suspendre les avantages fiscaux d'une association à la suite d'un signalement par la Cour des comptes d'une non-conformité des dépenses financées par les dons ouvrant droit à un avantage fiscal (I de l'article 1378 octies du code général des impôts) ;

- l'administration fiscale est habilitée à contrôler la régularité des reçus fiscaux délivrés par les associations ouvrant droit à la réduction fiscale pour les dons (article L. 14 A du livre des procédures fiscales, modifié par l'article 18 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République) ;

- la suspension du régime du mécénat est automatique pour les associations qui ont été définitivement condamnées au pénal pour l'une des infractions listées au II de l'article 1378 octies du code général des impôts .

Ce sont ces différents dispositifs qui ont été examinés plus précisément par vos rapporteurs, et qui font l'objet de constats et de recommandations dans la suite du présent rapport.

Il n'existe pas de statistiques concernant le nombre d'organismes à but non lucratif qui auraient été condamnés au pénal . Ce manque de données empêche de dresser un panorama global de la situation, comme cela sera évoqué plus en détail infra .

En tout état de cause, l'objet de la mission n'est pas de dresser un état de lieu des associations qui commettraient des actions illégales, mais d'examiner l'efficacité des mécanismes de contrôle de l'éligibilité à la réduction fiscale pour les dons, et donc des conséquences d'une condamnation sur le bénéfice de dons défiscalisés .

C. FAIRE CONFIANCE EN AMONT AUX ASSOCIATIONS QUI FONT APPEL À LA GÉNÉROSITÉ DU PUBLIC, TOUT EN EXERÇANT UN CONTRÔLE EN AVAL SUR LA COMPATIBILITÉ DE LEURS ACTIONS AVEC LE RÉGIME DES DONS

1. Les associations peuvent demander un rescrit à l'administration fiscale sur leur éligibilité au régime du mécénat

Pour que le contribuable puisse bénéficier de la réduction d'impôt, l'association doit délivrer un reçu fiscal, qui détaille le montant du don ou la valeur du legs .

Si une association délivre des reçus fiscaux, alors qu'elle ne répond pas aux conditions de l'article 200 du code général des impôts, elle s'expose à l'amende prévue à l'article 1740 A du même code : « Le fait de délivrer sciemment des documents, tels que certificats, reçus, états, factures ou attestations, permettant à un contribuable d'obtenir indûment une déduction du revenu ou du bénéfice imposables, un crédit d'impôt ou une réduction d'impôt entraîne l'application d'une amende. Le taux de l'amende est égal à celui de la réduction d'impôt ou du crédit d'impôt en cause et son assiette est constituée par les sommes indûment mentionnées sur les documents délivrés au contribuable . »

Il n'existe pas de contrôle a priori des associations pour la délivrance des reçus fiscaux .

En revanche, les associations ont la possibilité d'interroger la direction générale des finances publiques pour savoir si elles ont le droit d'émettre des reçus fiscaux .

L'article L80 C du livre des procédures fiscales prévoit qu'une association peut demander à l'administration fiscale si elle est éligible à délivrer des reçus fiscaux au titre de l'article 200 du code général des impôts. La procédure est décrite aux articles R*80 C-1 à R*80 C-4 du livre des procédures fiscales.

L'association doit alors fournir à l'administration une présentation « précise et complète » de l'activité qu'elle exerce, ainsi que toutes les informations nécessaires pour permettre d'apprécier si elle relève de l'une des catégories mentionnées à l'article 200 du code général des impôts . Dans le cas où ces éléments ne seraient pas suffisants, l'administration est tenue de demander à l'association de fournir des pièces complémentaires. Sur le modèle de la procédure décrite à l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales pour les rescrits fiscaux, l'interprétation retenue par l'administration fiscale lui est opposable .

2. Un régime d'autorisation a priori pour la délivrance des reçus fiscaux ou la mention de l'association dans la déclaration de revenu des contribuables ne permettraient pas de renforcer les contrôles et pourraient porter atteinte à l'activité du mouvement associatif

La mise en place d'un régime d'autorisation préalable pour les associations de délivrer des reçus fiscaux ouvrant droit à la réduction fiscale pour les dons, qui est une mesure parfois évoquée dans le débat public, n'est pas une solution viable pour renforcer le contrôle .

Elle poserait premièrement un problème technique. Actuellement, les associations peuvent se constituer librement, sous la seule réserve du dépôt d'une déclaration préalable. Il s'agit de l'expression du principe de la liberté d'association. 7 ( * )

Ainsi, rien n'empêche matériellement des associations de se constituer et d'émettre des reçus fiscaux ouvrant droit à la réduction fiscale pour les dons aux associations . L'administration n'a que peu de moyens de contrôler l'éligibilité d'une association au régime du mécénat au moment de sa création .

Ensuite, même dans l'hypothèse où un contrôle préalable était instauré, il ne pourrait que conduire à contrôler la compatibilité des statuts de l'association avec l'article 200 du code général des impôts . Or, des associations peuvent avoir des objectifs qui répondent tout à fait aux critères de l'article 200, par exemple une vocation scientifique, sociale ou de défense de l'environnement, mais utiliser des moyens illégaux pour arriver à ses fins.

Une telle mesure pourrait donc conduire à freiner le développement du tissu associatif, sans réduire significativement le risque que des associations bénéficiant de la réduction d'impôt pour les dons commettent le cas échéant des infractions.

La déclaration du contribuable ne peut pas non plus être l'occasion de contrôler la légalité de la délivrance des rescrits fiscaux par les associations . Obliger le contribuable à mentionner le nom de l'association à laquelle il donne dans sa déclaration d'impôt pourrait révéler des informations sur sa situation personnelle, ce qui pourrait porter atteinte au droit au respect de sa vie privée , qui est protégé par le juge constitutionnel 8 ( * ) .

D'une manière générale, les rapporteurs estiment préférable de faire confiance a priori aux associations, ce qui n'exclut pas que puissent être exercés des contrôles a posteriori sur les actions .

En effet, les associations qui font appel à la générosité du public peuvent faire l'objet d'un contrôle de la Cour des comptes ou de l'administration fiscale, au même titre que les organismes qui emploient directement de l'argent public .

Plutôt que d'envisager la mise en place d'un régime d'autorisation préalable, dont l'efficacité n'est pas établie, les rapporteurs ont donc préféré examiner la portée et l'efficacité de ces mécanismes de contrôles pour déterminer s'ils sont suffisants, et, le cas échéant, s'ils sont suffisamment appliqués.

II. L'ADMINISTRATION FISCALE A DÉJÀ LA CAPACITÉ, EN DROIT, DE SUSPENDRE LE BÉNÉFICE DE LA RÉDUCTION D'IMPÔT POUR LES ASSOCIATIONS AYANT COMMIS DES INFRACTIONS

Le contrôle de l'éligibilité des associations à la réduction fiscale pour les dons aux associations peut être effectué par la Cour des comptes, ainsi que par l'administration fiscale selon la procédure décrite à l'article 18 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, qui est entrée en vigueur depuis le 1 er janvier 2022.

A. LE CONTRÔLE EXERCÉ PAR LA COUR DES COMPTES EST CONCENTRÉ SUR LES MANQUEMENTS DE GESTION DES ASSOCIATIONS QUI FONT L'OBJET DE FINANCEMENTS IMPORTANTS

Aux termes de l'article L. 111-9 du code des juridictions financières, la Cour des comptes peut émettre une déclaration de non-conformité des dépenses engagées par rapport aux objectifs poursuivis par l'appel à la générosité du public, ou de non-conformité des dépenses financées par les dons ouvrant droit à un avantage fiscal. Dans le même temps, la Cour des comptes transmet un relevé d'observations provisoires à l'administration fiscale, qui doit lui permettre de formuler un avis sur les irrégularités relevées par la Cour.

Au titre du I de l'article 1378 octies du code général des impôts, lorsque le ministre chargé du budget reçoit de la Cour des comptes cette déclaration, il peut décider de suspendre les avantages fiscaux des dons aux associations concernées . À ce jour, la Cour des comptes a prononcé une déclaration de non-conformité dans quatre cas, et aucune n'a été suivie d'une décision du ministre du budget de suspendre la réduction fiscale pour les dons.

Selon la direction générale des finances publiques, il a été choisi de ne pas suspendre les avantages fiscaux pour les dons à ces associations car cette suspension aurait pour conséquence leur liquidation. En effet, le contrôle de la Cour des comptes porte en général sur des associations qui connaissent des difficultés financières, et la disparition de l'association n'est pas l'objectif visé par l'article I de l'article 1378 octies du code général des impôts, qui vise d'abord à assurer une meilleure information sur leurs dons.

Pour cette raison, dans plusieurs cas le ministre a motivé sa décision de ne pas suspendre les avantages fiscaux pour ces associations à la mise en oeuvre immédiate de réformes et au renforcement de la transparence de leur gestion : « cette décision est subordonnée à la stricte condition que celle-ci tire immédiatement toutes les conséquences des préconisations émises par la Cour des comptes dans son rapport ».

D'une manière générale, le contrôle exercé par la Cour des comptes concerne les associations qui disposent de fonds importants, et se focalise surtout sur les cas de « mauvaise gestion », plutôt que sur l'emploi de « moyens illégaux » contre des activités légales. En outre, le nombre d'associations ayant fait l'objet d'une déclaration de non-conformité par la Cour des comptes est trop faible pour qu'il soit possible à ce stade d'en tirer des recommandations .

B. L'ADMINISTRATION FISCALE DISPOSE AUSSI D'UNE MARGE D'APPRÉCIATION CONCERNANT LA SUSPENSION DU RÉGIME DU MÉCÉNAT POUR LES ASSOCIATIONS AYANT COMMIS DES INFRACTIONS...

1. Depuis le 1er janvier 2022 une nouvelle procédure permettant à l'administration fiscale de contrôler la régularité de l'émission des reçus fiscaux ouvrant droit à la réduction d'impôt

Depuis le 1 er janvier 2018, l'article L. 14 A du livre des procédures fiscales permet à l'administration fiscale de contrôler, sur place et sur une période couvrant les quatre années précédentes, les montants portés sur les reçus fiscaux. Ce contrôle est toutefois limité à la comptabilité, et permet uniquement de contrôler la concordance entre les reçus délivrés et les dons qui ont été effectivement versés.

L'article 18 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a modifié l'article L. 14 A pour étendre le champ de ce contrôle. Depuis le 1 er janvier 2022, l'administration peut désormais contrôler sur place que l'organisme sans but lucratif qui émet des reçus fiscaux ouvrant droit à avantage fiscal pour ses donateurs respecte les conditions prévues par la loi .

Cette procédure est engagée par un avis de contrôle et se déroule dans les locaux de l'organisme sur une période ne pouvant excéder six mois à compter de la présentation par l'organisme de l'ensemble des documents visés à l'article L. 102 E du livre des procédures fiscales. Elle se conclut par l'envoi par le service vérificateur de la lettre informant l'organisme des résultats du contrôle.

Les garanties du mécanisme de contrôle de la régularité
de l'émission des reçus fiscaux prévu par la loi du 24 août 2021

Les garanties procédurales qui entourent ce contrôle sont fixées à
l'article L. 14 B du livre des procédures fiscales. Elles consistent en :

- l'envoi d'un avis de contrôle sur place précisant les années soumises au contrôle et mentionnant expressément, sous peine de nullité de la procédure, que l'organisme a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix ;

- la limitation à six mois de la durée du contrôle, à peine de nullité de la procédure, à compter de la présentation de l'ensemble des documents et pièces de toute nature mentionnés à l'article L. 102 E du livre des procédures fiscales ;

- l'information sur les résultats de ce contrôle, ouvrant à l'organisme un délai de 30 jours pour formuler ses observations si l'application de l'amende prévue à l'article 1740 A du code général des impôts est envisagée et le droit à un débat contradictoire avec le vérificateur ;

- la possibilité de présenter un recours hiérarchique dans un délai de trente jours ;

- l'interdiction de renouveler un même contrôle au titre d'une même période.

Ces garanties sont proches de celles qui figurent de manière générale dans la « charte des droits et obligations du contribuable vérifié », qui est entrée en vigueur au 1 er juillet 2020.

Source : direction générale des finances publiques

Avant la réforme opérée par la loi du 24 août 2021, l'administration fiscale ne disposait pas d'un moyen dédié pour vérifier que les bénéficiaires du régime des dons pour les associations respectent les conditions légales . Dans la pratique, elle exerçait souvent cette vérification de manière incidente, lors d'un autre contrôle. En conséquence, l'amende prévue à l'article 1740 A du code général des impôts n'était que faiblement appliquée : l'administration fiscale ne recensait que six à dix applications par an, pour un montant de 786 000 euros en 2017 et de 253 000 euros en 2018.

Dans la mesure où cette nouvelle procédure est entrée en vigueur il y a moins d'un an, il n'est pas encore possible d'avoir un retour d'expérience sur le dispositif, et certaines des conditions de sa mise en oeuvre doivent encore être précisées .

La direction générale des finances publiques a néanmoins signalé au rapporteur général et au rapporteur spécial qu' « il a été demandé aux services de contrôle, par circulaire du directeur général des finances publiques diffusée fin 2021, de mettre en oeuvre cette procédure prioritairement pour des organismes présentant des enjeux financiers significatifs, d'une part et, d'autre part, lorsque l'administration dispose déjà d'indices qu'un organisme émet irrégulièrement des reçus fiscaux au regard de la loi fiscale . »

Le suivi quantitatif du nombre de vérifications menées sur la base de cet article reste encore à être mis en place.

2. L'administration fiscale a alors la faculté de suspendre l'application de la réduction d'impôt en cas de constat d'infraction

Lors de l'examen du projet de loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, le Sénat avait adopté, à l'initiative de la commission des finances, un amendement, conservé dans le texte final, qui a repoussé au 1 er janvier 2022 l'entrée en vigueur de l'article 18. L'objectif était de laisser du temps à la direction générale des finances publiques d'affiner sa doctrine.

En effet, une ambiguïté subsistait sur la portée du contrôle opéré dans le cadre de l'article 18 de la loi du 24 août 2021 : est-ce que l'administration fiscale se borne à effectuer un contrôle formel de l'objet de l'association avec l'une des catégories mentionnées à l'article 200 du code général des impôts, ou est-ce qu'elle mène un contrôle approfondi des moyens utilisés pour que l'association accomplisse ses objectifs ? Dit autrement, est-ce qu'une association qui utilise des moyens illégaux pour accomplir un objectif qui rentre dans le cadre du régime de l'article 200 du code général des impôts peut se voir retirer le bénéfice de l'avantage fiscal pour les dons ?

Par exemple, une association de défense de l'environnement, qui est l'une des catégories éligibles à l'avantage fiscal au titre de l'article 200 du code général des impôts, qui participerait à des actions de dégradation envers des locaux appartenant à des agriculteurs, pourrait-elle encore bénéficier du régime du mécénat ?

La direction générale des finances publiques a retenu une interprétation large du dispositif de l'article 18 de la loi du 24 août 2021, en considérant qu'une association qui utiliserait des moyens illégaux pour des objectifs relevant du régime du mécénat ne serait pas autorisée à émettre des reçus fiscaux : « Sur le plan fiscal, le respect de la loi par l'organisme entre en ligne de compte pour apprécier si le régime de faveur du mécénat s'applique : par exemple, une association qui aurait pour objet d'occuper des immeubles sans droit ni titre ne pourrait pas bénéficier de ce régime quand bien même elle mettrait les immeubles occupés illégalement à disposition de personnes en difficulté sociale et se réclamerait ainsi de la finalité sociale contenue dans le champ du bénévolat . »

La direction générale des finances publiques rattache cette interprétation à l'article 3 de la loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association, qui dispose que « toute association fondée sur une cause ou en vue d'un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes moeurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national et à la forme républicaine du gouvernement, est nulle et de nul effet ». L'article 3 de la loi de 1901 est ici interprété de manière souple, pour autoriser l'administration à retirer les avantages fiscaux pour les associations qui mènent des actions contraires à la loi, sans nécessairement que ces associations soient dissoutes.

Il apparaît ainsi que l'administration dispose déjà des moyens pour suspendre la réduction fiscale des dons aux associations qui commettent des infractions.

Cette suspension ne s'applique toutefois pas mécaniquement dès que l'administration fiscale a eu connaissance d'une action illégale commise par une association. En effet, dans le cas général, les services de la direction générale des finances publiques disposent d'une marge d'appréciation quant à savoir quels actes illégaux seraient passibles d'une suspension de l'avantage fiscal pour les dons .

Dans leurs réponses aux questions des rapporteurs, les services de la direction générale des finances publiques n'ont pas cité d'infractions en particulier, à l'exception de l'occupation d'immeubles sans droit ni titre, mais ils ont mis en avant que, dès lors qu'une association commet des « infractions de manière structurelle et récurrente comme moyens pour atteindre ses objectifs », il est fait obstacle à « l'application de l'aide fiscale, laquelle n'a pas pour objet de financer des actions illégales ».

Il apparaît à travers les réponses données par la direction générale des finances publiques que l'administration fiscale cherche à faire la distinction entre une infraction isolée, commise par un membre d'une association sans que cette dernière ne soit impliquée, et des actions illégales qui seraient réellement commises et soutenues par l'association.

C. ... SAUF POUR LES INFRACTIONS PORTANT PARTICULIÈREMENT ATTEINTE À L'APPEL À LA GÉNÉROSITÉ, SPÉCIFIQUEMENT LISTÉES ET POUR LESQUELLES ELLE A L'OBLIGATION DE LES SUSPENDRE

1. Une suspension automatique des avantages fiscaux liés aux dons au II de l'article 1378 octies du code général des impôts, au champ récemment étendu par la loi précitée du 24 août 2021

La marge d'appréciation précédemment évoquée pour la mise en oeuvre de la procédure prévue pour l'article 18 de la loi du 24 août précitée ne s'applique pas pour les infractions listées au II de l'article 1378 octies du code général des impôts (CGI). Pour celles-ci, l'administration fiscale est tenue de suspendre les avantages fiscaux des associations, quelles que soient les circonstances dans lesquelles les infractions ont été commises .

Plus précisément, le II de l'article 1378 octies du code général des impôts dispose que les organismes sans but lucratif perdent le bénéfice de l'avantage fiscal pour les dons aux associations dès lors qu'ils ont été définitivement condamnés au pénal pour les infractions suivantes :

- l'abus de confiance ;

- l'escroquerie ;

- les actes de terrorisme ;

- le blanchiment d'argent ;

- le recel ;

- l'usage de menace ou de violence à l'égard d'un agent public ;

- l'atteinte à la vie d'autrui par la diffusion d'informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle.

Le mécanisme du II de l'article 1378 octies du code général des impôts a été introduit par la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009. À l'origine, il ne concernait que l'abus de confiance et l'escroquerie, et la loi du 24 août 2021 l'a étendu aux autres infractions précitées.

Contrairement à une interprétation courante, la liste donnée au II de l'article 1378 octies du CGI ne comprend pas l'ensemble des infractions pour lesquelles les associations sont susceptibles de voir leurs avantages fiscaux suspendus . Comme cela vient d'être vu, l'administration fiscale peut potentiellement suspendre la réduction fiscale pour les dons pour tout type d'infraction.

En réalité, l'apport du II de l'article 1378 octies du CGI par rapport à la procédure de contrôle décrite à l'article L. 14 A du livre des procédures fiscales est de deux ordres .

Premièrement, pour l'ensemble des infractions listées, l'administration fiscale est tenue de suspendre les avantages fiscaux pour les dons aux associations, sans que son interprétation n'entre en compte . Contrairement au cas général, l'administration fiscale a compétence liée pour les infractions listées au II de l'article 1378 octies .

Ensuite, la suspension de la réduction fiscale est censée suivre la condamnation pénale, sans attendre qu'un contrôle soit mené par l'administration fiscale . La décision pénale définitive de condamnation emporte décision de suspension des avantages fiscaux, sans nécessiter de décision administrative supplémentaire.

Le II de l'article 1378 octies du CGI vise donc à garantir et à accélérer la procédure de suspension du régime du mécénat pour un certain nombre d'infractions précisément identifiées . Cette disposition ne se substitue pas au contrôle prévu par l'article 18 de la loi du 24 août 2021, mais la complète.

2. Des demandes d'extension du champ des infractions conduisant à une suspension automatique qui seraient prématurées sans examen concret de l'exécution du dispositif actuel

Des propositions ont émergé pour ajouter des infractions supplémentaires à la liste du II l'article 1378 octies , parmi lesquelles la « destruction, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui », « l'installation en réunion sur le terrain d'autrui », ou la diffamation, telle qu'elle est définie dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Il convient toutefois de rester vigilant quant aux infractions qui seraient incluses dans le champ du mécanisme de suspension automatique des dons pour les associations .

En effet, les infractions listées dans la version initiale de l'article 1378 octies , l'abus de confiance et l'escroquerie, ont été retenues car elles étaient manifestement incompatibles avec l'appel à la générosité du public . La loi du 24 août 2021 a ensuite ajouté des infractions de nature économique, comme le blanchiment d'argent, et des infractions particulièrement graves, comme l'atteinte à la vie d'autrui ou les actes de terrorisme. Dans l'ensemble de ces cas, il a été estimé qu'aucune circonstance ne peut justifier que la réduction d'impôt pour les dons ne soit pas suspendue .

D'une manière générale, les infractions listées au II de
l'article 1378 octies du CGI doivent impliquer la suspension du régime du mécénat de manière si évidente que l'appréciation de l'administration fiscale ne serait plus requise . Elles doivent également pouvoir être rattachées avec certitude à l'association en tant que personne morale, et ne pas être le fait de personnes isolées. Dans les cas où les circonstances entourant l'infraction peuvent justifier que le régime du mécénat soit maintenu, il est pertinent de laisser une marge d'interprétation à l'administration fiscale.

Avant de poser la question de l'opportunité d'élargir une nouvelle fois le champ du II de l'article 1378 octies du CGI, il convient d'examiner l'application de cette disposition. Toutefois, pour y répondre, il est nécessaire d'étudier l'articulation entre l'administration judiciaire et l'administration fiscale dans l'application des mécanismes de suspension des dons aux associations .

III. UNE ABSENCE D'ARTICULATION ENTRE AUTORITÉ JUDICIAIRE ET ADMINISTRATION FISCALE QUI CONDUIT NOTAMMENT À L'INAPPLICATION DU MÉCANISME DE SUSPENSION AUTOMATIQUE DE L'AVANTAGE FISCAL DEPUIS 2009

A. L'ADMINISTRATION FISCALE N'A PAS À DÉTERMINER
ELLE-MÊME LES INFRACTIONS, CELLES-CI RELEVANT DE LA PROCÉDURE JUDICIAIRE

En préambule, il convient de souligner que ni le II de l'article 1378 octies du code général des impôts (CGI), ni l'article L. 14 A du livre des procédures fiscale tel qu'issu de l'article 18 loi du 24 août 2021, ne signifient que l'administration fiscale devient juge au fond de la légalité des actions que mènent les associations .

C'est indiqué explicitement dans le texte de l'article 1378 octies du CGI , où il est écrit qu'une « condamnation pénale définitive » est requise avant l'activation du mécanisme de suspension, mais c'est tout aussi valable pour la procédure plus générale de contrôle fiscal décrite à l'article L. 14 A du livre des procédures fiscales.

Il appartient bien à l'autorité judiciaire de juger des infractions, sans compter que l'administration fiscale n'est pas outillée pour mener des enquêtes pour des infractions de droit commun . En l'espèce, il est souvent difficile de savoir si une personne ayant commis une infraction a reçu le soutien ou non d'une l'association.

Les rapporteurs de la mission ont conscience des difficultés que cela engendre chez les personnes victimes de ces infractions . Des associations peuvent en effet soutenir de manière indirecte des personnes qui commettent des actes illégaux, qui parfois ne font même pas partie de l'association.

Toutefois, la détermination des infractions, et notamment le fait de savoir si une infraction a été commise par une personne en son nom propre ou si elle a été soutenue par une association, relève avant tout de la procédure judiciaire, et non de l'action de l'administration fiscale .

Les infractions visées doivent avoir été établies par une condamnation pénale . Dans le cas des infractions mentionnées à l'article 1378 octies du CGI, la suspension des avantages fiscaux est censée suivre immédiatement la condamnation pénale. Dans les autres cas, l'administration fiscale peut dans la pratique constater la condamnation lors d'un contrôle, et ensuite déterminer au regard des circonstances d'espèce si elle justifie la suspension du régime du mécénat. Dans les deux cas, l'administration fiscale ne peut pas prononcer elle-même les condamnations .

L'articulation entre l'exercice de la justice pénale et le contrôle de l'administration est donc essentielle dans la mise en oeuvre du mécanisme de suspension de la réduction fiscale pour les dons aux associations. Il convient donc de savoir comment cette articulation entre l'autorité judiciaire et l'administration fiscale était mise en oeuvre concrètement .

Il est trop tôt encore pour étudier cette articulation pour la procédure issue de l'article 18 de la loi du 24 août 2021, qui est entrée en vigueur le 1 er janvier 2022, même si, comme indiqué supra , il est indispensable que le dispositif soit mis en oeuvre rapidement et fasse l'objet d'un suivi efficace.

En revanche, il est possible d'examiner le mécanisme de suspension automatique du II de l'article 1378 octies du code général des impôts, qui date de 2009.

B. UN MÉCANISME DE SUSPENSION AUTOMATIQUE QUI N'A EN RÉALITÉ JAMAIS ÉTÉ MIS EN oeUVRE DEPUIS SON INSTAURATION EN 2009, FAUTE DE CIRCUIT ENTRE L'AUTORITÉ JUDICIAIRE ET L'ADMINISTRATION FISCALE

Si la décision pénale définitive de condamnation au titre de l'une des infractions mentionnées au II de l'article 1378 octies du code général des impôts est censée emporter la suspension des avantages fiscaux pour les organismes concernés, cette suspension requiert malgré tout d'être appliquée par les services du ministre délégué auprès du ministère de l'Économie, des finances et des Comptes publics .

Or, les rapporteurs ont pu constater au cours de la mission que cette disposition n'a jamais été mise en oeuvre depuis 2009, l'année où elle a été introduite dans le code général des impôts .

La direction des affaires criminelles et des grâces a ainsi signalé aux rapporteurs qu' « aucun circuit de mise en oeuvre de cette procédure n'a encore été défini depuis la création de cette dernière par la loi n°2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 et elle est par conséquent restée ineffective depuis cette date . » 9 ( * )

La direction générale des finances publiques a ajouté que des réflexions sont en cours avec la direction générale des affaires criminelles et des grâces pour appliquer cette mesure : « S'agissant des condamnations pénales, des liaisons entre la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère de la Justice sont en cours de mise en place afin que la DGFiP puisse avoir connaissance de la liste des organismes définitivement condamnés au titre des infractions mentionnées au II de l'article 1378 octies du CGI et vérifier qu'ils respectent la loi en la matière, c'est-à-dire n'émettent plus de reçus » 10 ( * ) .

Il est pour le moins préoccupant que, treize ans plus tard, une disposition qui a été votée en 2009 ne soit toujours pas appliquée . Par ailleurs, il est possible que les questions de la présente mission d'information aient conduit à de nouveaux échanges entre les administrations concernées et que, sans cela, il eût fallu encore attendre longtemps avant que la mise en oeuvre du II de l'article 1378 octies du CGI soit véritablement envisagée.

Les rapporteurs recommandent donc de mettre très rapidement en place les outils permettant d'appliquer le mécanisme de suspension automatique de la réduction fiscale pour les dons aux associations en cas de condamnation pénale définitive pour certaines infractions .

Recommandation n°1 : définir dans les plus brefs délais un circuit d'information entre l'autorité pénale et l'administration fiscale permettant la mise en oeuvre effective de la procédure de suspension automatique de la réduction fiscale pour les dons aux associations ayant fait l'objet d'une condamnation pénale définitive au titre de l'une des infractions mentionnées au II de l'article 1378 octies du code général des impôts.

Pour que le dispositif du II de l'article 1378 octies du code général des impôts puisse être appliqué, il convient premièrement de définir les modalités de transmission des informations utiles entre les juridictions pénales et les services de la direction générale des finances publiques .

La direction générale des affaires criminelles et des grâces a évoqué la possibilité pour les juridictions pénales de transmettre à l'administration fiscale la liste des décisions définitives concernées par les dispositions du II de l'article 1378 octies du code général des impôts. L'article R. 166 du code de procédure pénale autorise en effet la transmission aux tiers, sans autorisation préalable, des décisions rendues par les juridictions dès lors qu'elles sont définitives et qu'elles ont été rendues à la suite d'un débat public.

En sens inverse, il est nécessaire que l'administration fiscale communique à la direction des affaires criminelles et des grâces la liste des organismes à but lucratif faisant appel à la générosité du public . En effet, faute de croisement des données, il est possible de déterminer l'ensemble des personnes morales qui ont été condamnées pour les infractions listées à l'article 1378 octies du code général des impôts, mais pas de savoir quelle est la part des associations qui ont été condamnées pour ces faits .

Nombre de personnes morales condamnées entre 2015 et 2021
pour les infractions listées à l'article 1378 octies
du code général des impôts

Condamnations (infraction principale)

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Abus de confiance

12

6

7

11

14

11

14

Escroquerie

21

41

38

19

31

40

71

Délits constituant des actes de terrorisme

0

0

1

1

0

0

0

Blanchiment de capitaux

15

15

32

22

34

13

32

Recel

29

28

33

28

24

28

37

Atteinte à la vie d'autrui par la diffusion d'informations (nouvel article  223-1-1 du code pénal)

-

-

-

-

-

-

0

Usage de menace ou de violence à l'égard d'un agent public (nouvel article 433-3-1 du code pénal).

-

-

-

-

-

-

0

Note : Ces données sont extraites du « Système d'information décisionnelle (SID) », source statistique produite par la sous-direction des statistiques et des études (SDSE, service statistique ministériel) du secrétariat général (SG) du ministère de la justice, à partir des données enregistrées par les utilisateurs de l'applicatif Cassiopée dans les juridictions de première instance.

Source : Secrétariat général du ministère de la justice. Traitement par la Direction des affaires criminelles et des grâces

La mise en place d'un circuit entre la direction générale des affaires criminelles et des grâces et la direction générale des finances publiques pour appliquer le II de l'article 1378 octies du code général des impôts doit donc désormais constituer une priorité .

Il devra s'accompagner d'un recensement précis des organismes à but non lucratif émettant des reçus fiscaux ouvrant droit à la réduction d'impôt pour les dons et qui ont été condamnés au pénal.

Recommandation n°2 : Produire des statistiques sur le nombre d'associations condamnées en vertu de l'une des infractions mentionnées au II de l'article 1378 octies du code général des impôts.

L'extension, souhaitée par certains, du champ d'application du mécanisme de suspension automatique des avantages fiscaux pour les associations condamnées pénalement requiert au préalable que le dispositif ait été réellement mis en oeuvre, et qu'il y ait un premier retour d'expérience.

Par ailleurs, ce circuit d'information entre l'autorité judiciaire et l'administration fiscale devrait également permettre à l'administration judiciaire de transmettre à l'administration fiscale des informations sur les associations qui ont été condamnées au pénal pour des infractions différentes de celles listées à l'article 1378 octies du CGI.

Pour ces infractions-ci, l'administration fiscale ne sera pas dans l'obligation de suspendre immédiatement les avantages fiscaux pour les associations concernées, mais elle pourra lancer un contrôle de la régularité des dons, sur le fondement de l'article L. 14 A du livre des procédures procédurales, tel qu'il a été modifié par l'article 18 de la loi du 24 août 2021, et au terme de ce contrôle, elle pourra suspendre le régime du mécénat si elle l'estime nécessaire .

Recommandation n°3 : finaliser les conditions de mise en oeuvre de la nouvelle procédure de contrôle de la régularité des dons aux associations issue de l'article 18 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, et mettre rapidement en place un suivi quantitatif des décisions qui ont été prises sur son fondement.

*

Dans l'ensemble, la mission déplore l'absence à l'heure actuelle d'un véritable contrôle de l'éligibilité à la réduction fiscale pour les dons aux associations , faute principalement de la mise en place d'un circuit entre l'autorité judiciaire et l'administration fiscale. La raison de cette absence ne résulte pas d'une insuffisance des textes législatifs, qui couvrent aujourd'hui déjà un grand nombre de cas, mais d'un défaut d'application de ces textes .

Il est indispensable que tout soit mis en oeuvre pour que ce contrôle soit rendu opérationnel le plus rapidement possible, afin que soit préservée la double relation de confiance au fondement du régime fiscal des dons.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 7 décembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de MM. Jean-François Husson, rapporteur général, et Éric Jeansannetas, rapporteur spécial de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » sur la mission d'information « flash » sur le champ et la mise en oeuvre effective des dispositifs de suspension des avantages fiscaux pour les dons aux associations.

M. Claude Raynal , président . - Nous entendons ce matin M. le rapporteur général Jean-François Husson et M. le rapporteur spécial Éric Jeansannetas, co-rapporteurs de la mission d'information « flash » créée par notre commission sur le champ et la mise en oeuvre effective des dispositifs de suspension des avantages fiscaux pour les dons aux associations.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Cette mission nous a été confiée après que la pétition de la Fédération nationale des chasseurs (FNC) mettant en cause les avantages fiscaux pour les dons aux associations lorsque celles-ci commettent des actes délictueux a recueilli 100 000 signatures. Nous avons découvert, avec Éric Jeansannetas, que, comme souvent, des dispositifs législatifs existaient déjà, mais qu'ils n'étaient pas utilisés.

M. Éric Jeansannetas , rapporteur spécial de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » . - Le 15 février 2022, Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs, a en effet déposé sur la plateforme dédiée du Sénat une pétition qui vise à « la fin de la réduction fiscale pour les dons aux associations qui utilisent des moyens illégaux contre des activités légales ».

À la fin du mois de juin 2022, la pétition a dépassé le seuil des 100 000 signatures. La Conférence des présidents a décidé d'y donner suite en la renvoyant à la commission des finances. Par la suite, notre commission a fait le choix de mettre en place une mission d'information « flash » sur le champ et la mise en oeuvre effective des mécanismes de suspension des avantages fiscaux pour les dons aux associations.

Le rapporteur général et moi-même, en ma qualité de rapporteur spécial de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », avons mené onze auditions entre les mois de juillet et octobre. Nous avons entendu des représentants des chasseurs, du monde agricole, ainsi que des représentants des associations et les administrations concernées.

Nous avons souhaité, dans le cadre de ces travaux, faire le bilan des dispositifs existants et formuler des recommandations sur la mise en oeuvre des mécanismes de suspension des avantages fiscaux pour les associations.

La réduction d'impôt sur le revenu pour les dons aux associations d'intérêt général, codifiée à l'article 200 du code général des impôts (CGI), est une dépense fiscale ancienne ; elle date, pour être précis, des débuts de la IV e République. Elle a vocation à encourager les contribuables à s'impliquer dans le développement du tissu associatif, qui est l'une des pierres angulaires de la société civile. À cet égard, cette réduction d'impôt fait figure de symbole, et le monde associatif a souvent rappelé lors des auditions son attachement au régime du mécénat.

D'ailleurs, d'autres réductions fiscales ont été mises en place sur ce modèle ; je pense au régime du mécénat applicable pour les entreprises, et à la réduction d'impôt sur la fortune immobilière pour les dons.

Aujourd'hui, la réduction fiscale pour les dons constitue le principal soutien public en faveur des associations. En 2021, on estime à 4,8 millions le nombre de foyers fiscaux donateurs, pour un montant de 2,8 milliards d'euros. Le montant total de la réduction fiscale prévue à l'article 200 du CGI est de 1,6 milliard d'euros.

Cette réduction fiscale repose sur une double relation de confiance. D'un côté, les associations n'ont pas à se prévaloir d'une autorisation préalable pour émettre des reçus fiscaux ouvrant droit à la réduction d'impôt pour les dons. De l'autre, les contribuables doivent pouvoir donner aux causes qui leur tiennent à coeur en ayant la garantie suffisante que les activités menées par les associations respectent la loi.

C'est pour cette raison qu'il n'est pas acceptable que des associations qui commettent des infractions puissent bénéficier indirectement d'un soutien public grâce à cette réduction d'impôt. Nous avons notamment reçu des témoignages de violences et de dégradations commises envers des chasseurs et des agriculteurs. Leurs représentants ont exprimé leur inquiétude légitime face à de tels actes et craignent que des associations qui commettent ou soutiennent ces actes puissent parallèlement bénéficier de la réduction d'impôt pour les dons. Tel est d'ailleurs l'objet de la pétition qui a mené à la création de cette mission d'information.

Bien entendu, la mission n'a pas vocation à porter des accusations sur certaines associations en particulier ni la compétence de mener une enquête sur celles qui commettraient des infractions. En revanche, nous nous sommes attachés à vérifier que les mécanismes de suspension du régime du mécénat qui existent aujourd'hui répondent aux enjeux que je vais présenter brièvement.

Tout d'abord, la Cour des comptes a la possibilité de contrôler la conformité des dépenses à l'appel à la générosité publique, et le ministre chargé des comptes publics peut, à la suite d'une déclaration de non-conformité de la Cour, décider de suspendre les avantages fiscaux de l'association.

Ce contrôle porte sur des associations qui présentent des enjeux financiers importants et qui montrent des signes de difficultés de gestion. Ce sont des cas qui ne correspondent pas exactement à ceux de l'objet de la pétition, qui visent les associations qui pourraient mener ou soutenir la réalisation d'infractions de droit commun. Nous nous sommes donc davantage concentrés sur les autres mécanismes de contrôle.

Depuis l'entrée en vigueur le 1 er janvier 2022 de l'article 18 de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, l'administration fiscale peut contrôler sur place que les associations qui émettent des reçus fiscaux respectent les conditions prévues par la loi. Ce dispositif étant entré en vigueur il y a moins d'un an, le retour d'expérience de son application n'est pas encore possible. Toutefois, nous en avons étudié la portée.

Enfin, depuis 2009, le paragraphe II de l'article 1378 octies du CGI prévoit un mécanisme de suspension automatique de la réduction d'impôt pour les dons aux associations pour celles qui ont été définitivement condamnées au pénal pour certaines infractions - l'abus de confiance, l'escroquerie, les actes de terrorisme, le blanchiment d'argent, le recel, l'usage de menace ou de violence à l'égard d'un agent public et l'atteinte à la vie d'autrui par la diffusion d'informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle.

Le rapporteur général va maintenant détailler la mise en application concrète de ces mécanismes et présenter nos recommandations qui découlent de nos constats.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - S'agissant, tout d'abord, du contrôle opéré en vertu de l'article 18 de la loi précitée, nous avons constaté qu'il subsistait une ambiguïté : l'administration fiscale se borne-t-elle à effectuer un contrôle formel de l'objet de l'association avec l'une des catégories mentionnées à l'article 200 du CGI, ou mène-t-elle un contrôle approfondi des moyens utilisés pour que l'association remplisse ses objectifs ?

Pour prendre un exemple, une association qui utilise des moyens illégaux dans un objectif d'intérêt général, comme la défense de l'environnement, peut-elle bénéficier de la réduction d'impôt pour les dons ? La direction générale des finances publiques (DGFiP) nous a répondu qu'une association qui utiliserait des moyens illégaux pour des objectifs relevant du régime du mécénat ne serait pas autorisée à émettre des reçus fiscaux. Cela confirme que notre arsenal juridique comprend déjà un dispositif permettant de suspendre le bénéfice de la réduction d'impôt sur les dons pour les associations qui commettent des infractions, même si leurs objectifs entrent dans le cadre de l'article 200 du CGI.

Néanmoins, relevons que la suspension des avantages fiscaux n'est pas automatique dans le cadre de cette procédure. Les services de la DGFiP disposent d'une marge d'appréciation pour savoir quels actes illégaux seraient passibles ou non d'une suspension de l'avantage fiscal pour les dons.

En revanche, comme Éric Jeansannetas vient de l'indiquer, dans certains cas, la DGFiP est obligée de suspendre le régime du mécénat, comme prévu au paragraphe II de l'article 1378 octies du CGI.

Dans la disposition originelle, qui date de 2009, la liste des infractions était limitée à l'abus de confiance et à l'escroquerie. La loi du 24 août 2021 en a étendu le champ, en y intégrant d'autres infractions, que nous vous avons citées. Il a fréquemment été évoqué, notamment lors de l'examen du projet de loi de finances, l'opportunité d'élargir une nouvelle fois ce mécanisme de suspension automatique. Toutefois, nous nous sommes aperçus qu'il convenait avant tout de s'assurer de l'application effective des mesures déjà adoptées.

Si l'administration fiscale exerce désormais un contrôle de la régularité des dons aux associations, elle n'est pas pour autant juge au fond de la légalité des actions que mènent ces structures.

Nous avons bien sûr conscience des difficultés que cela engendre chez les personnes victimes de ces infractions. Mais les associations peuvent aussi compter parmi leurs membres des personnes qui commettent des actes illégaux, sans même le savoir ni cautionner leurs agissements coupables. La détermination des infractions relève avant tout de l'enquête et de la procédure judiciaires, et non de l'action de l'administration fiscale.

L'articulation entre l'exercice de la justice pénale et le contrôle de l'administration fiscale est donc essentielle dans la mise en oeuvre des mécanismes de suspension de la réduction fiscale pour les dons aux associations. Or, nous nous sommes rendu compte au cours de cette mission que cette articulation est tout simplement absente en ce qui concerne le mécanisme de suspension automatique des avantages fiscaux pour les dons aux associations. Il n'existe en effet aujourd'hui aucun circuit qui permet à l'administration fiscale de prendre connaissance des associations ayant été condamnées pour ces infractions, et donc de suspendre leurs avantages fiscaux.

Ainsi, depuis son entrée en vigueur en 2009, le mécanisme de suspension automatique du régime du mécénat n'a jamais été appliqué. Il est pour le moins préoccupant, et même navrant, que cette disposition n'ait jamais été mise en oeuvre depuis treize ans...

Notre première recommandation est donc très simple : il faut mettre très rapidement en place les outils permettant d'appliquer le mécanisme de suspension automatique de la réduction fiscale pour les dons aux associations en cas de condamnation pénale définitive pour certaines infractions. Les juridictions pénales doivent pouvoir transmettre à l'administration fiscale la liste des décisions définitives concernées par les dispositions du paragraphe II de l'article 1378 octies du CGI. En sens inverse, il est nécessaire que l'administration fiscale communique à la direction des affaires criminelles et des grâces la liste des organismes à but lucratif faisant appel à la générosité du public.

Ces échanges de données permettront - c'est notre deuxième recommandation - de produire des statistiques sur le nombre d'associations condamnées en vertu de l'une des infractions susmentionnées.

Les remontées de données provenant de l'autorité judiciaire pourraient également permettre à l'administration de lancer un contrôle de la régularité des dons, sur le fondement de l'article L. 14 A du livre des procédures fiscales, tel qu'il a été modifié par l'article 18 de la loi précitée. C'est ainsi que la suspension du régime du mécénat pourrait être décidée dans l'un ou l'autre de ces cas.

Nous recommandons donc de finaliser les conditions de mise en oeuvre de la nouvelle procédure de contrôle de la régularité des dons aux associations issue de l'article 18 de la loi précitée, et de mettre en place un suivi quantitatif des décisions qui sont prises sur son fondement.

Pour conclure, la mission déplore l'absence, à l'heure actuelle, d'un véritable contrôle de l'éligibilité à la réduction fiscale pour les dons aux associations, faute de la mise en place d'un circuit entre l'autorité judiciaire et l'administration fiscale. La raison de cette carence ne provient pas d'une lacune des textes législatifs, qui couvrent aujourd'hui déjà un grand nombre de cas, mais simplement d'un défaut d'application de ces textes. Il est indispensable que tout soit mis en oeuvre pour que ce contrôle soit rendu opérationnel le plus rapidement possible, afin que soit préservée la double relation de confiance au fondement du régime fiscal des dons.

C'est seulement une fois que nous aurons un réel retour d'expérience sur ces dispositifs que nous pourrions envisager de les ajuster, si nécessaire.

M. Claude Raynal , président . - Depuis la promulgation de la loi, combien de décisions de justice ont pu donner lieu à des sanctions automatiques ?

M. Didier Rambaud . - Ma question est technique. Une adhésion à une association peut-elle être considérée comme un don ? Si oui, chaque adhérent peut réclamer une déduction fiscale. Il y a quelques années, dans ma commune, le président d'un club de basket a refusé à un membre qui en faisait la demande la déduction fiscale, arguant que son association n'était pas reconnue d'utilité publique.

M. Patrice Joly . - J'aimerais que l'on prenne la mesure de ce que représente la dépense fiscale, 1,6 milliard d'euros pour des dons à hauteur de 2,8 milliards d'euros - c'est beaucoup. Le contribuable décide ainsi de la destination de ses impôts ; or il ne lui revient pas de savoir ce qui est bon pour l'intérêt général. J'entends l'intérêt des associations, et leur travail à la cohésion sociale est une évidence. Oui à l'incitation à participer, mais elle va très loin. Je rappelle mon traumatisme quant au financement de la fondation LVMH ; le Président de la République a été invité à inaugurer cette structure financée essentiellement par des dépenses fiscales à hauteur de 500 ou de 700 millions d'euros. Aussi, il conviendrait de revoir les modalités de déductions fiscales.

Par ailleurs, peut-on établir un parallèle avec le mécénat d'entreprise ? Les problématiques sont-elles équivalentes ?

M. Roger Karoutchi . - Il est exact que la déduction fiscale peut apparaître lourde dans certains cas. Toutefois, depuis des années, l'État finance de moins en moins la vie associative ; si l'on supprime les déductions fiscales, la plupart des associations n'auront plus qu'à mettre la clef sous la porte.

Dans le cas où l'on décide de suspendre une déduction pour raison de fraude ou autre, le fisc pourrait-il demander le remboursement des déductions fiscales des années antérieures ?

M. Claude Raynal , président . - Si ce remboursement vise les contribuables, j'espère que non.

Mme Sylvie Vermeillet . - La question est très intéressante, et vos recommandations sont plus que légitimes. Il est en effet édifiant d'entendre que, depuis 2009, la loi n'est pas appliquée. Lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, j'ai déposé un amendement prévoyant une déduction maximale de 50 % et non de 66 % ou de 75 %. Dans un contexte d'économies à réaliser, il me semblait judicieux que l'État participe à hauteur de 50 % - c'est une piste à étudier. Il faudrait probablement aussi davantage cibler le champ des associations concernées.

Il convient en effet de permettre à l'administration de recueillir les décisions de justice, et qu'elle ait les moyens de contrôler les reversements fiscaux. Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d'argent, ne pourrait-on pas travailler sur l'origine des dons ? Il faudrait établir une traçabilité de ces fonds. Vous proposez que la déduction soit supprimée en cas de condamnation, mais si les fonds sont illicites, peut-on agir en amont ?

M. Jean-Michel Arnaud . - Quel est le nombre d'associations reconnues d'intérêt général ? Dans mon département, je m'interroge sur certaines associations reconnues d'utilité publique. Dans l'affirmative, peut-on envisager un agrément renouvelé pour que les associations démontrent qu'elles n'ont pas été l'objet d'une condamnation pénale ?

Par ailleurs, la question du financement public à des structures souvent associatives qui ne respectent pas parfois la loi est un vrai sujet. Je pense, par exemple, aux cirques, qui bénéficient de financements publics au titre de la diffusion culturelle ou de l'art du cirque, qui ne respectent pas les règles dans les territoires et font parfois l'objet de condamnations pénales. Au-delà des associations, nous devons examiner ce sujet d'intérêt supérieur.

M. Claude Raynal , président . - Vous élargissez là le périmètre de la mission.

M. Jérôme Bascher . - Lors de l'examen du PLF, aux amendements présentés sur ce sujet, le ministre nous a répondu : « Circulez, il n'y a rien à voir. ». Si l'association fait de l'escroquerie, de la fraude fiscale, les recommandations répondent à cette problématique. Mais si les associations se sentent menacées de rescrit fiscal, elles se constituent en collectif. Je pense à l'association L214. Que peut-on faire contre un collectif ?

M. Claude Raynal , président . - La question posée ici est celle du financement des associations par l'État au travers des avantages fiscaux portant sur les dons, les collectifs n'en bénéficient pas.

M. Christian Bilhac . - Comme nombre d'entre nous, je fais des dons aux associations depuis des années. Jamais l'administration fiscale ne m'a demandé de fournir les reçus que m'adressent les associations. A priori , il n'y a pas de suivi par l'administration fiscale de tous ces dons aux associations.

M. Emmanuel Capus . - Dans quel véhicule législatif pourrons-nous mettre en oeuvre ces trois recommandations ?

M. Claude Raynal , président . - Les recommandations consistent à dire qu'il faut appliquer les textes existants.

M. Éric Jeansannetas , rapporteur spécial . - Non, l'administration fiscale ne transmet pas la liste des organismes non lucratifs à l'autorité judiciaire.

Oui, monsieur Rambaud, l'adhésion est un don. En revanche, toutes les associations n'ouvrent pas pour autant droit à la déduction fiscale, telles les associations sportives.

Monsieur Joly, le financement de la fondation LVMH dépasse largement le périmètre de notre mission « flash ». Quant au parallèle avec le mécénat d'entreprise, savoir si des entreprises condamnées peuvent conduire à la suspension de la réduction fiscale, c'est un autre sujet. La réduction fiscale pour les dons aux associations est plafonnée à 20 % du revenu imposable, ce qui permet de limiter les avantages pour le contribuable.

Monsieur Karoutchi, le remboursement des avantages fiscaux au titre des années antérieures n'est pas demandé au contribuable. En revanche, l'article 1740 A du code général des impôts prévoit une amende pour les associations qui ont émis de manière irrégulière des reçus fiscaux. Le montant de l'amende peut inclure les années précédentes.

Madame Vermeillet, certes, la loi a peu d'effets, mais je rappelle que la liste des infractions conduisant à la suspension automatique de la réduction d'impôt pour les dons aux associations a été élargie : abus de confiance, escroquerie, actes de terrorisme, blanchiment d'argent, recel, usage de menace ou de violence à l'égard d'un agent public. Il n'en demeure pas moins qu'aucune suspension d'avantage fiscal lié aux dons aux associations n'a été prononcée à ce jour à la suite d'une condamnation pénale définitive d'après les informations que nous avons recueillies.

Le système de l'agrément renouvelable pose plusieurs difficultés. Actuellement, les associations se constituent librement, c'est un principe constitutionnel. Les Français y sont très attachés. Le contrôle administratif sur la liberté de s'associer et l'objet des associations paraît donc extrêmement difficile à mettre en place.

Monsieur Bascher, en vertu de la jurisprudence, une association peut être constituée de fait, même si elle s'appelle collectif.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je souhaite insister sur trois sujets.

Je rappelle le contexte de tension à l'endroit de quelques mouvements associatifs, dont certains membres se livrent à des comportements pour le moins répréhensibles. Dans le cadre d'une association, qui est responsable ? La responsabilité de l'association est-elle engagée, ou seulement celle d'une poignée d'individus ?

Il s'est posé le cas de L214 face à certains mouvements de défense du monde rural et agricole et au monde de la chasse. La pétition pointe le fait qu'il est inacceptable que des associations financées par l'impôt se livrent à des exactions ou à des actes répréhensibles ou condamnables.

La loi est claire, et d'ailleurs, la loi de 2009 a été renforcée par celle de 2021, comme nous l'avons dit. La carence vient avant tout de l'absence de connexion entre l'autorité judiciaire et l'administration fiscale. C'est pourquoi il faut faire en sorte qu'elles échangent des informations sur les associations condamnées au pénal.

Je l'ai dit, les dispositifs existent. Encore faut-il les appliquer et les mettre en oeuvre ! En cas de problème, la procédure doit pouvoir être enclenchée. Il peut s'agir d'une initiative individuelle, en marge de l'engagement associatif, ou l'association peut être mise en cause pour complicité. À l'issue de la procédure pénale, il est possible, j'y insiste, et c'est le plus important, de suspendre les avantages fiscaux pour les dons et donc de stopper les financements publics, même si l'on pourrait allonger encore la liste des infractions conduisant à la suspension automatique de la réduction d'impôt.

Concernant l'objet de la mission, le monde associatif a redouté qu'il s'agisse d'une manière insidieuse de remettre en cause le financement par les particuliers via la déduction fiscale. Le Haut Conseil à la vie associative, France générosités nous ont alertés sur ce sujet. Nous les avons rassurés, en précisant qu'il ne s'agissait que de répondre à la pétition. D'ailleurs, c'est à la dernière audition que nous avons vraiment compris que le mécanisme de 2009 n'était pas appliqué. Les missions « flash » permettent d'identifier rapidement un problème et d'apporter des réponses. En l'espèce, la réponse est simple : mettre en oeuvre les dispositifs qui existent.

M. Éric Jeansannetas , rapporteur spécial . - J'aimerais apporter une précision à l'attention de Mme Vermeillet et de M. Bilhac sur la traçabilité. Obliger le donateur à indiquer l'association à laquelle il donne risquerait d'être anticonstitutionnel, car contraire au respect de la vie privée du contribuable. Dans le cas du financement du terrorisme, c'est l'enquête qui permettra de retracer les financements.

S'il n'y a pas encore eu de suspension de la déduction fiscale d'une association à la suite d'une condamnation pénale définitive, le contrôle de la Cour des comptes est effectif, bien qu'il ne concerne que les grandes associations. La Cour peut émettre des recommandations pour demander, par exemple, aux présidents des associations une mise en conformité, et le ministre chargé des comptes publics est libre de suspendre ou non le régime fiscal des dons.

M. Claude Raynal , président . - Je ne pense pas que le blanchiment et le financement du terrorisme passent par ces dons aux associations.

Les recommandations des rapporteurs sont adoptées.

La commission autorise la publication du rapport d'information de MM. Jean-François Husson et Éric Jeansannetas, rapporteurs, sur le champ et la mise en oeuvre effective des dispositifs de suspension des avantages fiscaux pour les dons aux associations .

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale des finances publiques - Service de la sécurité juridique et du contrôle fiscal

- Mme Florence LERAT, sous-directrice chargée de la sécurité juridique des professionnels ;

- Mme Florencia CHIMARD, chef de la section dédiée à la fiscalité des organismes sans but lucratif ;

- Mme Sandrine OLIVIER-McANDREW, inspectrice divisionnaire experte.

Direction de la législation fiscale

- Mme Marie-Astrid NICOLAZO de BARMON, sous-directrice chargée de la fiscalité des personnes ;

- M. Lucas PASZKOWIAK, chef du bureau C1 (principes généraux de l'impôt sur le revenu).

Direction des affaires criminelles et des grâces

- Mme Élise BARBÉ, sous-directrice de la négociation et de la législation pénales ;

- M. Étienne PERRIN, chef du bureau du droit économique, financier et social, de l'environnement et de la santé publique ;

- Mme Claire HARISMENDY, rédactrice au sein du bureau de la législation pénale spécialisée.

Direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative

- Mme Amandine HUBERT, adjointe du chef de bureau du développement de la vie associative ;

- Mme Frédérique MOROT, consultante juridique fiscalité associative, mécénat et comptabilité au sein du bureau du développement de la vie associative.

Fédération nationale des chasseurs (FNC)

- M. Willy SCHRAEN, président ;

- M. Jean-Michel DAPVRIL, directeur délégué aux affaires juridiques ;

- M. Thierry COSTE, conseiller politique.

Haut Conseil à la vie associative

- M. Kaïs MARZOUKI, secrétaire général ;

- Mme Ann Sophie de JOTEMPS, présidente de la commission juridique et fiscale ;

- M. Christian ALIBAY, membre du bureau ;

- M. Jean-Pierre DUPORT, membre du bureau.

France Générosités

- Mme Laurence LEPETIT, déléguée générale ;

- Mme Sarah BERTAIL, responsable juridique et fiscale.

Le Mouvement associatif

- M. Baptiste MÉNARD, responsable plaidoyer ;

- Mme Frédérique PFRUNDER, déléguée générale.

Coalition pour les libertés associatives

- M. Benjamin SOURICE, responsable plaidoyer au sein de l'association VoxPublic ;

- M. Jean-Baptiste JOBARD, coordinateur du Collectif des associations citoyennes.

Alliance des opposants à la chasse (AOC)

- M. Jean-Louis CHUILON, président ;

- Mme Julie LASNE, conseillère « stratégie et communication ».

Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA)

- M. Étienne GANGNERON, vice-président ;

- M. Jean-Édouard LEROY, juriste spécialisé en droit de l'agriculture ;

- M. Xavier JAMET, responsable des affaires publiques.

Contribution écrite

- Union française des semenciers ;

- Le collectif « Les Z'homnivores » ;

- L'institut IDEAS ;

- Le Don en Confiance.


* 1 Direction générale des finances publiques, réponses aux questions des rapporteurs.

* 2 Direction des affaires criminelles et des grâces, réponses aux questions des rapporteurs

* 3 Bulletin officiel des finances publiques : BOI-IR-RICI-250-10-10

* 4 Cour administrative d'appel de Versailles, 6 ème chambre, 21 juin 2016, 14VE01966 : « qu'à l'appui de son recours, le Ministre des finances et des comptes publics se borne à relever le caractère « militant » et politiquement engagé des actions en question ; que, toutefois, un tel défaut de neutralité politique, à le supposer établi, ne fait pas en lui-même obstacle à ce que l'intéressée puisse se prévaloir, en tant notamment qu'organisme à caractère culturel, des dispositions précitées des articles 200 et 238 bis du code général des impôts ».

* 5 Recherches & Solidarités, Panorama de novembre 2022, à partir des données de la direction générale des finances publiques. Ces montants incluent à la fois la réduction sur l'impôt sur le revenu et la réduction sur l'impôt sur la fortune immobilière.

* 6 Tome 1 des Voies et Moyens annexés au projet de loi de finances pour 2023.

* 7 Conseil constitutionnel, 16 juillet 1971, n° 71-44 DC : « les associations se constituent librement et peuvent être rendues publiques sous la seule réserve du dépôt d'une déclaration préalable »

* 8 Conseil constitutionnel, 2016, 29 décembre 2016, n° 2016-744 DC : « la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d'intérêt général et mis en oeuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif. »

* 9 Direction des affaires criminelles et des grâces, réponses aux questions du Rapporteur général et du Rapporteur spécial.

* 10 Direction générale des finances publiques, réponses aux questions du Rapporteur général et du Rapporteur spécial

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