B. FACE À UNE CRIMINALITÉ TOUJOURS PLUS COMPLEXE ET SOPHISTIQUÉE, LA DCPJ S'APPUIE SUR DES MOYENS RELATIVEMENT SATISFAISANTS MAIS LOIN D'ÊTRE SURDIMENSIONNÉS

Les moyens humains et matériels de la DCPJ sont généralement considérés comme étant satisfaisants. Néanmoins, face à une criminalité, en particulier du « haut du spectre », de plus en plus complexe et sophistiquée, ces moyens sont en réalité loin d'être surdimensionnés. La DCPJ, qui s'appuie sur l'architecture budgétaire hétérodoxe de la police nationale, fait face à certains besoins en équipement et se trouve aujourd'hui exposée dans certains domaines à des difficultés de recrutement.

1. La criminalité, en particulier du « haut du spectre », est de plus en plus complexe et sophistiquée

Les services de police font aujourd'hui face à des défis toujours plus grands en termes de criminalité. Alors que, schématiquement, les effectifs de la DCSP font face, avec de plus en plus de difficultés, à une délinquance de masse et à judiciarisation croissante des faits infractionnels, les services de la DCPJ sont quant à eux confrontés à des faits criminels de plus en plus complexes et sophistiqués.

En effet, la criminalité organisée, en particulier, s'est « mondialisée, complexifiée et massifiée » , selon les termes de la DGPN dans ses réponses au questionnaire du rapporteur spécial. Dominée à 80 % par des organisations françaises, elle est aussi, et ce de manière croissante, le fait de groupes étrangers, particulièrement actifs dans le domaine de la délinquance sérielle. Ces groupes français et étrangers sont en recherche permanente d'innovation criminelle, mettent en oeuvre des contre-mesures face aux techniques policières et disposent des surfaces financières parfois très importantes. S'agissant de la menace terroriste, ses modalités et ses modes opératoires évoluent rapidement, ce qui complexifie le travail de la police.

En outre, le développement technologique (informatique, crypto-monnaies, téléphonique) offre de nouvelles opportunités pour les criminels. Il en va ainsi tant pour ce qui concerne les contre-mesures générales développées par ces derniers (utilisation de messageries cryptées par exemple rendant les écoutes téléphoniques policières inopérantes) que le développement de certains champs de criminalité directement liés à l'informatique. Ainsi, les menaces en matière de cybercriminalité et de délinquance économique et financières sont désormais beaucoup plus fortes et préjudiciables aux victimes et à la société.

Dans ce contexte, le travail des services de la DCPJ est de plus en plus ardu et nécessite toujours plus de temps et de moyens humains, y compris en termes de compétences, de matériels et de technologies.

2. Une architecture budgétaire hétérodoxe, des crédits budgétaires en légère hausse et un suivi de la performance étranger à la culture de la DCPJ
a) Une architecture budgétaire hétérodoxe du programme 176 « Police nationale », qui se reflète sur celle de la DCPJ

L'architecture budgétaire du programme 176 « Police nationale » présente des particularités qui se déclinent notamment pour la DCPJ. En effet, si les dépenses de personnel (dites du « titre 2 ») sont ventilées au sein des six actions du programme 176, l'ensemble des autres dépenses (de fonctionnement, d'investissement, d'intervention et les opérations financières) sont regroupées au sein de l'action n° 6 intitulée « Commandement, ressources humaines et logistique ». Il en résulte une lisibilité très réduite de la ventilation de ces dernières dépenses par type de missions, alors même que l'existence de six actions pourrait en principe le permettre.

L'action n° 5 du programme 176, intitulée « Missions de police judiciaire et concours à la justice », ne correspond pas au périmètre de la DCPJ (ceci n'est d'ailleurs pas anormal, l'esprit de la LOLF visant à regrouper les moyens budgétaires en fonction des politiques publiques et non des structures administratives). En effet, d'une part, elle recouvre uniquement les dépenses de personnel, sans inclure les autres dépenses. En outre, le périmètre des dépenses de personnel prises en compte est beaucoup plus large que la seule DCPJ puisque sont intégrés l'ensemble des effectifs affectés à des missions de police judiciaire, à savoir notamment l'ensemble des effectifs de la DCPJ, de la DRPJ-PP et du service national de police scientifique (SNPS) et la partie des effectifs de la DCSP (30 %), de la DSPAP et de la DOPC de la préfecture de police qui concourent aux missions de police judiciaire. Sont concernés au total, selon les documents budgétaires, 46 161 personnels 55 ( * ) , pour un montant total de 2,77 milliards d'euros de dépenses de personnel. Il convient de noter, enfin, qu'il s'agit d'une simple estimation, la méthode de calcul consistant à multiplier le montant total des crédits de personnel du programme 176 par l'estimation du pourcentage de personnels affectés à des missions de police judiciaire, en l'occurrence 46 161 personnels, sans en prendre en compte par exemple d'éventuelles différences de rémunération.

Au sein du programme 176, dont le responsable est le directeur général de la police nationale (DGPN), un budget opérationnel de programme (« BOP ») est dédié, en exécution budgétaire, à la DCPJ : le BOP 9 « police judiciaire et coopération internationale », dont le responsable est le directeur central de la police judiciaire (DCPJ). Le BOP 9 ne couvre pas les dépenses de personnel (qui relèvent directement du responsable du programme 176, le DGPN) ni les dépenses d'investissement, qui sont portées à la fois par le service de l'achat, de l'innovation et de la logistique du ministère de l'intérieur (SAILMI, programme 176), la direction de l'évaluation de la performance et des affaires financières et immobilières (DEPAFI, programmes 176 et 216) et la direction du numérique pour les systèmes d'information (programme 216). Ainsi, les dépenses d'investissement dans l'immobilier, l'acquisition de véhicules, les dépenses pour les réseaux radio et les infrastructures, réseaux et câblages ainsi que les dépenses relatives aux fichiers policiers ne figurent par exemple pas dans le périmètre du BOP 9, qui est centré essentiellement sur les dépenses de fonctionnement.

Le BOP 9 se décline, selon de nouvelles modalités mises en place en 2022 à la suite de la réforme zonale de la police judiciaire, en 9 unités opérationnelles (UO) :

- 7 UO correspondant aux directions zonales et régionales ;

- 2 UO à vocation nationale : d'une part, l'UO « Dép@rtement des technologies appliquées à l'investigation » (D@TA-i), qui gère les commandes spécifiques liées au renouvellement du parc informatique de tous les services de la direction et, d'autre part, l'UO « dépenses centralisées ».

L'UO « dépenses centralisées » correspond au budget des sous-directions et services centraux implantés en région parisienne. Elle assure également le financement des équipements ou projets centralisés. Elle est organisée en 9 centres de coûts, correspondant à chaque sous-direction ou service central. Les prévisions budgétaires et le suivi de l'exécution sont effectués par sous-direction et non par l'office central, les dépenses de fonctionnement étant mutualisées sur le périmètre des sous-directions. Enfin, l'UO « dépenses centralisées » prend également en charge certaines dépenses à vocation transversale, notamment concernant le service interministériel d'assistance technique (SIAT), qui en plus d'être en charge des opérations d'infiltration, met à disposition des services déconcentrés des équipements de pointe.

Outre sa dotation budgétaire annuelle via le BOP 9 du programme 176, la DCPJ bénéficie également de financements de projets par la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) relevant du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » et de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) relevant du programme 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice ».

Enfin, la DCPJ sollicite des acquisitions d'équipements et matériels divers via les plans d'équipement (PEQ) organisés par le SAILMI et par le service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure (STSISI). Ces PEQ donnent notamment lieu à des dotations en équipements techniques (armes, munitions, kits FTA, moyens radio, etc .). En outre, la DCPJ bénéficie d'un budget pour le plan de renouvellement de son parc automobile (PRA), également géré par le SAILMI, qui lui permet d'effectuer des commandes de moyens mobiles dans les limites de la dotation allouée. Elle bénéficie enfin de certains fonds européens.

Au total, il apparaît que tant l'architecture budgétaire du programme 176 que les différentes sources de crédits budgétaires pour la DCPJ sont difficilement lisibles. En outre, cet état de fait réduit les marges de manoeuvre et la responsabilisation des responsables d'UO et de BOP.

b) Des moyens budgétaires en hausse apparente

En 2021 , selon la DGPN, les crédits du BOP 9 notifiés étaient de 28,5 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 28,9 millions d'euros en crédits de paiement (CP). En comparaison, les crédits de paiement disponibles étaient de 20,5 millions d'euros en AE et de 26,2 millions d'euros en CP en 2019.

Évolution de 2015 à 2021 des crédits de paiement notifiés et exécutés du budget opérationnel de programme n° 9 « police judiciaire et coopération internationale »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, sur la base des réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Cette hausse apparente doit toutefois être relativisée à plusieurs égards. En premier lieu, des variations importantes apparaissent en fonction des années, tant s'agissant des crédits notifiés que des crédits exécutés. En outre, le BOP 9 ne retrace qu'une partie des dépenses de la DCPJ, à l'exclusion notamment des dépenses de personnel et d'une partie significative des dépenses d'investissement, tandis que des transferts en gestion sont effectués depuis le BOP 9 vers d'autres BOP. Enfin, d'autres crédits viennent compléter les financements, relativisant les écarts de financement du BOP 9 en fonction des années.

Ainsi, en 2021, la DCPJ a notamment bénéficié de 1,1 million d'euros de l'AGRASC en 2022, contre 700 000 euros en 2021. S'agissant de la MILDECA, l'abondement est de 6,7 millions d'euros en 2022, contre 1,9 million d'euros en 2021. En outre, en 2021, la DCPJ a bénéficié de financement du SAILMI lui permettant de renouveler 533 véhicules et d'un plan d'équipement de 1,77 million d'euros concernant notamment les armements et munitions.

Au total, les moyens budgétaires de la DCPJ sont en hausse apparente ces dernières années, même si la complexité et le manque de lisibilité de la gestion du programme 176 s'agissant de la DCPJ en rendent l'analyse difficile.

c) Un suivi de la « performance » qui ne fait pas partie de la culture de la DCPJ

Si la performance de la DCPJ fait bien l'objet d'indicateurs via notamment les taux d'élucidation, les dossiers en stocks et le nombre d'affaires traitées, le suivi de la performance en termes de dépenses budgétaires, matérielles et de temps dans le cadre des différentes enquêtes apparaît lacunaire, voire inexistant, comme l'a constaté le rapporteur spécial lors des auditions et déplacements qu'il a menés.

Entendu en 2019 par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité, le directeur central de la police judiciaire, M. Jérôme Bonet, déclarait au sujet du coût des enquêtes de la DCPJ qu'il s'agissait « d'une question qui va à l'inverse de nos habitudes et de nos traditions. Nos priorités, si nous les cumulons, correspondent à l'ensemble du champ infractionnel. Il est de tradition française de ne pas renoncer à poursuivre telle infraction au bénéfice de telle autre. De sorte que nous n'avons jamais mené de travaux sur le coût des enquêtes » .

Le rapporteur spécial considère que les enjeux financiers ne doivent bien évidemment pas constituer un facteur central dans le choix des enquêtes à mener ou dans leurs modalités. Un suivi plus fin des moyens et du temps mobilisés pour les enquêtes pourrait toutefois présenter un caractère informatif intéressant.

3. Les moyens humains et en matériels de la DCPJ, bien que relativement satisfaisants, n'en restent pas moins limités
a) Un niveau de moyens en matériels généralement présenté comme satisfaisant, mais ne répondant pas entièrement à la sophistication croissante de la criminalité

Concernant les équipements, entendu en 2019 par la même commission d'enquête précitée de l'Assemblée nationale sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité, le directeur central de la police judiciaire, M. Jérôme Bonet déclarait que « l'augmentation du nombre des agents s'est effectivement accompagnée d'un accroissement de nos budgets d'équipement - sans doute moins rapide que celui de nos personnels. Néanmoins, nous sommes une direction très correctement équipée. »

Lors de son audition par le rapporteur spécial, ce dernier a réitéré ces propos, tout en soulignant que la sophistication croissante de la criminalité crée forcément des besoins importants. Ainsi qu'il le déclarait en 2019, « par définition, la police judiciaire a été et est toujours en retard sur les délinquants. [...] Cette course technologique nous oblige à plus d'agilité en termes budgétaire. Notamment du fait des contraintes que peuvent parfois nous imposer des règles des marchés publics pour des matériels très spécialisés. Chaque fois que nous déjouons un nouveau stratagème, il est écrit dans nos procès-verbaux, tout comme la technique que nous avons employée. [...] Le délinquant en attendant son procès a le temps de comprendre les actions qui ont été menées pour parvenir à son arrestation et, en quelques mois, les techniques que nous avons mises en place peuvent être déjouées - en tout cas, elles le seront par lui. La course technologique est donc fondamentale. »

De ce point de vue, le rapporteur spécial a constaté à l'occasion des auditions et déplacements que si les équipements étaient effectivement satisfaisants comparés notamment à ceux de la DCSP, il est important que des efforts supplémentaires soient fournis .

À titre d'exemple, la DCPJ dispose de 5 IMSI-catchers à l'échelle nationale, appareils de surveillance utilisés pour intercepter le trafic des communications mobiles, récupérer des informations à distance ou pister les mouvements des utilisateurs des terminaux 56 ( * ) . Ce dispositif, particulièrement utile aux services de la DCPJ et parfois indisponible en raison de son utilisation par un autre service, devrait être accessible en plus grand nombre. En outre, les investissements nécessaires devront être fournis pour les adapter à la technologie 5G.

De même, le rapporteur spécial a constaté lors des auditions et déplacements que les personnels de la DCPJ, pourtant amenés pour une part significative à intervenir sur le terrain dans des conditions dangereuses, peuvent voir la fréquence de leur entraînement au tir être freinée par la disponibilité des stands de tirs (que ces structures dépendent de la police nationale ou du secteur privé), qui sont en nombre trop peu nombreux pour répondre au besoin. Le rapporteur spécial considère qu'il est indispensable de mettre fin à cette situation, au besoin en construisant des stands de tirs et en fournissant la formation continue et le matériel associé (munitions, armes, etc .).

Concernant le parc automobile , la DCPJ dispose de 3 125 véhicules. Les véhicules légers ont un âge moyen d'environ 5,7 ans, au même niveau que pour l'ensemble de la police nationale. Dans le cadre du plan de renouvellement de son parc automobile (PRA), la cible de commande de la DCPJ était de 200 véhicules en 2022. Le rapporteur spécial estime, comme l'ont révélé les auditions et déplacements qu'il a menés, qu'il convient d'assurer tant un rajeunissement du parc que la diversification des véhicules disponibles - y compris via l'affectation de voitures saisies -, pour des raisons opérationnelles et de maintenance. En outre, il convient de prendre en compte dans la dotation de la DCPJ et de ses services déconcentrés l'augmentation du coût des véhicules à l'achat, ainsi que du prix des carburants. Par ailleurs, les retours d'expérience sur l'utilisation des véhicules verts, font apparaître l'inadaptation à ce jour des motorisations électriques aux missions judiciaires (filatures, surveillance, etc .), notamment face au risque constaté de pannes de batterie en cours d'opération.

Le parc automobile de la DCPJ

Source : réponses au questionnaire du rapporteur spécial

S'agissant des enjeux immobiliers , la politique du ministère de l'Intérieur et donc de la DCPJ relève de la DEPAFI (direction de l'évaluation de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier) du ministère de l'Intérieur, qui met en oeuvre la programmation budgétaire pluriannuelle en liaison avec les responsables de programmes et les services constructeurs territoriaux (en particuliers les secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur, les SGAMI).

Les services de la DCPJ sont installés soit dans des locaux loués dont la gestion du bail est assurée par la DEPAFI sur un budget dédié, soit dans des locaux de la propriété de l'État (principalement les hôtels de police). La DCPJ n'est propriétaire d'aucun bien immobilier et ne gère pas de dépenses afférentes aux baux, qui relèvent des SGAMI ou du budget centralisé DEPAFI. Seules les dépenses relatives aux travaux d'entretien léger ou d'aménagement relèvent du BOP 9 de la DCPJ. Les auditions et déplacements effectués ont permis de constater l'état correct des locaux visités, bien que le l'extension et le déménagement de plusieurs services dans les locaux de Nanterre (OFAST et services centraux de la DCPJ) interrogent sur leur soutenabilité s'agissant de la place disponible.

Au total, si les moyens en matériels et équipements de la DCPJ apparaissent relativement satisfaisants, en particulier au regard de la situation de la DCSP, il n'en demeure pas moins qu'un effort budgétaire doit être fait pour répondre aux besoins . De ce point de vue, les moyens annoncés par la très récente loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur ( LOPMI ) 57 ( * ) , à savoir une hausse cumulée du budget du ministère de l'Intérieur de 15 milliards d'euros sur les cinq années 2023 à 2027, devront être en partie orientés vers la hausse des moyens matériels et technologiques consacrés à la lutte contre le haut du spectre de la criminalité, y compris dans le domaine numérique. Pour ce faire, ils ne devront pas faire l'objet d'un effet d'éviction par une hausse des dépenses de personnel , notamment du fait de mesures catégorielles, comme c'est trop souvent le cas.

b) Des effectifs limités mais globalement satisfaisants

Pour accomplir ses diverses missions, la DCPJ dispose d'effectifs relativement limités au regard de l'ensemble de la police nationale. À fin juillet 2022, les effectifs de la DCPJ étaient de 5 673 personnels (dont 3 800 enquêteurs), dont environ 70 % sont affectés dans les services déconcentrés. Parmi ces 5 673 personnels, environ 400 personnels sont mis à disposition par d'autres administrations, parmi lesquels entre 180 et 200 viennent de la gendarmerie nationale ; d'autres proviennent de la DGFIP, de la DGDDI et du ministère des Armées, notamment.

Si la DCPJ connaît une légère baisse de ses effectifs depuis 2020 (5 794 personnels cette année-là), elle avait bénéficié d'importantes hausses entre 2016 et 2019. L'effectif de référence pour 2022 a été fixé pour la DCPJ à 5 538, ce qui implique une baisse progressive des effectifs dans les prochaines années. Néanmoins, l'effectif de référence est supérieur de plus de 350 personnels à celui de 2019 (5 177 effectifs), selon les informations fournies par la DGPN.

La répartition des effectifs au niveau central témoigne tant des caractéristiques de la criminalité que des priorités fixées à l'action policière.

Répartition en pourcentage des effectifs dans les services centraux de la DCPJ

Source : commission des finances, sur la base des réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Cette répartition varie d'ailleurs dans le temps. À titre d'illustration, comme cela est développé supra , alors que les effectifs de l'ancien Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS) n'ont jamais dépassé 105 personnels, ceux de l'OFAST devraient prochainement atteindre 235 personnels, soit plus du double, témoignant ainsi de la priorité accordée à la lutte contre le trafic de stupéfiants. En sens inverse, les effectifs de la sous-direction anti-terroriste (SDAT) de la DCPJ, qui étaient de 114 personnels en 2014, ont fortement cru à compter de 2015 dans un contexte des attentats perpétrés en France, pour atteindre 226 personnels en 2018, avant de redescendre progressivement depuis (168 en 2022), alors que le nombre et l'intensité des attentats ont réduit. Une telle agilité dans la répartition des effectifs d'une administration centrale doit être soulignée.

La répartition des effectifs au niveau déconcentré par zone géographique est, en toute logique, plus stable et relève d'une adaptation aux bassins de population et de criminalité.

Répartition en pourcentage des effectifs déconcentrés entre les directions zonales de police judiciaire (DZPJ)

Source : commission des finances, sur la base des réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Au final, il apparaît globalement, comme les auditions ont été l'occasion de le constater, que la DCPJ est globalement correctement dotée en effectifs.

c) Des enjeux de ressources humaines pour la DCPJ, en particulier s'agissant de l'attractivité de la filière investigation, de la qualité du recrutement et de la formation, et de la capacité à recruter et conserver les personnels contractuels hautement qualifiés
(1) Une DCPJ qui n'est pas à l'abri de la crise d'attractivité de l'ensemble de la filière d'investigation policière

L'ensemble des services d'investigation de la police nationale connaissent aujourd'hui une certaine désaffection des personnels , davantage d'ailleurs qu'au sein de la gendarmerie nationale. Ce constat, unanime, est rappelé par le rapport annexé à la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur ( LOPMI ) 58 ( * ) , alors que le nombre d'officiers de police judiciaire (OPJ) est jugé globalement insuffisant au sein de la DCSP.

Cette désaffection pour les services d'investigation a plusieurs causes , comme l'a constaté le rapporteur spécial au cours des auditions et déplacements qu'il a menés :

- une forte complexité de la procédure pénale , présentée comme s'accroissant, chronophage et réduisant l'efficacité des procédures ;

- des conditions de travail peu favorables à un certain équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée , en ce que les fonctions supposent une disponibilité quasiment totale, y compris la nuit et le week-end en cas de besoin, à la différence des personnels affectés aux patrouilles par exemple, qui ont en principe des horaires fixés à l'avance ;

- une judiciarisation croissante des faits infractionnels par les citoyens, aboutissant à un alourdissement de la charge de travail, y compris sur des faits sur lesquels les chances d'élucidation sont faibles ;

- la crainte d'une mise en cause personnelle en cas de défaillance , notamment à l'occasion d'une procédure médiatisée ;

- une réponse pénale de la Justice et une exécution des peines prononcées apparaissant parfois comme décevantes aux yeux des services d'investigation ;

- une incitation financière réduite à occuper les postes d'investigation.

Ce sont les services d'investigation de la DCSP qui sont les premiers touchés par les difficultés susmentionnées et par la désaffection qui en découle. En effet, la DCPJ apparaît moins affectée par ce phénomène en raison, sans doute, de la nature de la criminalité traitée, d'une faible exposition aux infractions de masse, d'une possibilité de travailler sur le « temps long », de moyens matériels plus importants et, enfin, de son statut officieux de police d'investigation d'élite.

Néanmoins, la DCPJ n'est pas à l'abri de cette désaffection croissante, qui l'affecte d'ailleurs en partie déjà aujourd'hui dans certains domaines, ainsi que l'a rappelé le directeur central de la police judiciaire, M. Jérôme Bonet, lors de son audition. Des postes peinent ainsi à trouver preneur. Il en va de même à la DRPJ-PP ; lors de son audition, son directeur, M. Christian Sainte, a ainsi indiqué que la DRPJ-PP peinait parfois à recruter dans certaines sous-directions.

Or, cette désaffection pourrait continuer à croître si des mesures fortes ne sont pas prises pour la contrecarrer.

Des premières réponses ont d'ailleurs été apportées pour rendre la filière plus attractive. Il a ainsi été annoncé que les OPJ bénéficieront désormais d'une accélération de carrière et la prime qui leur est versée a été revalorisée de 20 % (de 1 080 euros à 1 296 euros par an) ; elle serait réservée à compter de décembre 2022 à ceux qui sont effectivement sur un poste d'OPJ, pour en renforcer le caractère incitatif, ce qui est cohérent avec l'objectif de la prime, qui ne doit pas se transformer en mesure catégorielle déconnectée du poste occupé. Le rapporteur spécial n'a pas connaissance à ce jour du nombre exact de bénéficiaires. En outre, il est prévu une accélération de carrière des personnels exerçant des missions d'investigation.

Il convient, outre ce volet incitatif, de répondre aux différentes causes de la désaffection. Ainsi, la simplification de la procédure pénale reste un enjeu majeur. De même, il est nécessaire de libérer du temps aux personnels d'investigation pour effectuer leur coeur de métier, en leur permettant de déléguer les tâches non stratégiques et administratives à d'autres personnels. En ce sens, la création d'assistants d'enquêtes prévue par la très récente loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur ( LOPMI ) 59 ( * ) y contribuera. Par ailleurs, il est indispensable d'assurer la montée en charge des effectifs d'investigation, même si cela concerne surtout la DCSP.

Le rapporteur spécial considère que le sujet de la désaffection pour la filière d'investigation constitue un enjeu sérieux pour la police nationale, y compris pour la DCPJ. Il est indispensable d'y répondre par des mesures fortes en termes de carrières, de conditions de travail, de simplification de la procédure pénale et de rationalisation de l'utilisation du temps des personnels.

(2) Le recrutement, y compris de personnels externes à fortes compétences, et la formation constituent des enjeux centraux pour la DCPJ
(a) Les enjeux de recrutement au sein des personnels de la police nationale et le sujet de la formation initiale

La DCPJ est concernée par plusieurs enjeux de recrutement et de formation. En tant que service d'investigation, elle doit parvenir à attirer des candidats en dépit d'une certaine désaffection policière actuelle pour la matière. En tant que service spécialisé sur les dossiers graves, complexes et spécialisés, elle doit parvenir à recruter des personnels qualifiés ou les former à cet effet. Enfin, dans un environnement criminel de plus en plus complexe et sophistiqué, notamment dans un contexte de développement technologique, le rapporteur spécial considère que la DCPJ doit pouvoir recruter des personnels externes hautement qualifiés et parvenir à les fidéliser sur le moyen terme.

Le recrutement des personnels de la DCPJ ne présente pas de particularité forte au sein de la police nationale . Ainsi, les policiers qui y sont affectés ont suivi, comme les autres policiers, leur formation initiale dans les écoles de police ou à l'École nationale supérieure de police (ENSP). Néanmoins, les services de la DCPJ ne constituent pas, sauf exceptions, des postes de sortie de ces écoles. Ce n'est qu'à compter du second poste d'affectation qu'une mutation dans un service de la DCPJ peut avoir lieu, à la demande du fonctionnaire concerné et sur la base des postes ouverts par la DCPJ. Un entretien a alors lieu avec les responsables du service concerné. Selon les réponses de la DGPN au questionnaire du rapporteur spécial, « le profil recherché est le goût pour le travail en investigation et pour la procédure pénale, l'appétence pour le travail en équipe et la disponibilité ». De façon logique, le fait d'avoir la qualité d'OPJ constitue un atout supplémentaire pour intégrer un service de police judiciaire. Au 1 er septembre 2022, 84 % des effectifs du corps d'encadrement et d'application 60 ( * ) par exemple affectés en DCPJ disposaient de la qualification OPJ. À défaut, la formation à la qualification d'OPJ est proposée par la DCPJ, le taux de réussite des candidats provenant de cette direction étant de 87,50 % en 2022.

Si la DCPJ parvient globalement à pourvoir l'essentiel des postes ouverts aux mouvements de mutation, il n'en demeure pas moins qu'une part notable ne trouve pas preneur . Cette proportion tend en outre à augmenter, tandis que la mise en place d'une « cartographie OPJ » en 2021 constitue une difficulté supplémentaire en ce qu'elle limite le nombre d'OPJ au sein des services de la DCPJ, ce dont s'étonne le rapporteur spécial.

En ce qui concerne le corps d'encadrement et d'application, alors que 99 % des 200 postes ouverts ont été pourvus en 2021, ce taux est descendu à 90 % en 2022, avec 216 agents retenus pour 240 postes ouverts. La mise en place de la « cartographie OPJ » a en effet limité les ouvertures de postes à 50 postes OPJ pour 190 APJ, ce qui a diminué le nombre de candidatures potentielles. Le rapporteur spécial considère qu'il s'agit d'un problème pour la DCPJ.

Pour ce qui est du corps de commandement, le taux de postes pourvus apparaît faible aujourd'hui. Alors que 79 % des postes étaient pourvus dans le cadre du mouvement de mutation 2018, ce taux est descendu à 37,5 % en 2021. Ce taux devrait être à peine supérieur en 2022 ; un mouvement ponctuel initié durant l'été a d'ailleurs permis de pourvoir seulement 39 % des postes publiés, correspondant pourtant à des vacances de postes prioritaires de la DCPJ.

Enfin, les diffusions des postes vacants du corps de conception et de direction permettent de pourvoir la très grande majorité des postes vacants, avec un taux supérieur à 95 %.

Il convient de noter que ces taux moyens cachent des différences entre spécialités ; ainsi, les postes ouverts dans le domaine de la délinquance économique et financière prennent parfois plus difficilement preneurs par exemple.

Dans ce contexte, le rapporteur spécial considère qu'outre la nécessité de répondre globalement aux causes de la désaffection pour la filière d'investigation policière évoquées supra , il est nécessaire d'apporter des solutions spécifiques à la DCPJ pour y répondre, ainsi que le propose d'ailleurs la DGPN dans ses réponses au questionnaire. Elles doivent également viser à assurer la complétude et la qualité du recrutement de cette direction aux exigences fortes.

Dès les épreuves des concours d'entrée en école de police, il serait envisageable de prévoir la possibilité pour les candidats de choisir des options orientées sur l'investigation, ce qui permettrait de recruter et d'identifier des profils potentiels pour la DCPJ.

À l'occasion de la scolarité en école de police, pourraient être proposés des tests de présélection et la possibilité de suivre des modules de formation portant sur certaines spécialités liées à l'investigation. De ce point de vue, l'évolution intervenue à compter de 2022 consistant à assurer la formation à la qualification d'OPJ au sein des écoles de police constitue une avancée importante. Si une partie des élèves ne réussira pas, à l'issue de la formation, l'examen d'OPJ 61 ( * ) , le taux de policiers disposant de la qualification va augmenter et, en tout état de cause, une initiation plus précise à la filière d'investigation sera offerte à tous les policiers. Il pourrait également être envisagé de donner la possibilité aux élèves de faire des périodes de stage plus longues (que cela soit en investigation, en renseignement, ou en ordre public notamment), ce qui permettrait une meilleure orientation en sortie d'école.

Enfin, il importe de faire davantage connaître le rôle de la DCPJ, et plus largement de la filière investigation, au grand public, et notamment aux jeunes. Les distinctions entre les différents métiers de la police nationale sont en effet encore trop méconnues. Une communication plus active de la DCPJ de ce point de vue apparaît nécessaire, y compris dans les salons d'orientation pour élèves et étudiants. Il en irait de même en cas de mise en place d'une « filière investigation », comme le prévoit la réforme actuellement envisagée 62 ( * ) .

(b) Les enjeux de recrutement et de fidélisation de personnels externes à la police nationale

Comme cela est développé supra , la criminalité d'aujourd'hui, en particulier celle traitée par la DCPJ, est toujours plus complexe, plus sophistiquée, plus spécialisée, plus internationale et plus technologique. Face à ce constat, le rapporteur spécial considère qu'il serait profondément dommageable de se dispenser de compléter la compétence des policiers par celle de personnels extérieurs hautement qualifiés dans certains domaines techniques.

Dans ses réponses au questionnaire du rapporteur spécial, la DGPN précise que la DCPJ recourt à des contractuels pour répondre à des missions ponctuelles ou spécifiques, et qui ne peuvent être assurées par des policiers en raison de la technicité et du haut niveau d'expertise exigés. Entre 2020 et 2022, le nombre de contractuels a d'ailleurs augmenté de 55 personnels, soit une hausse de 80 % en 2 ans. Néanmoins, le taux de contractuels reste particulièrement faible au sein de la DCPJ, représentant entre 1 % et 2 % du total des effectifs . Pourtant, sauf exception, le nombre de candidatures aux postes ouverts aux contractuels est considérablement plus élevé que celui observé pour les postes ouverts aux mouvements de policiers, parfois plus de 15 fois supérieur.

À titre d'illustration, alors que les crypto-monnaies sont devenues un vecteur majeur pour la criminalité, la DCPJ dans son ensemble dispose seulement de 16 spécialistes ou personnels qualifiés ou en formation dans ce domaine 63 ( * ) , selon les informations recueillies par le rapporteur spécial. Seuls trois d'entre eux disposent du niveau supérieur « tracing-demixing » 64 ( * ) . La sous-direction de la lutte contre la criminalité financière ne dispose ainsi, selon la DGPN, que d'un seul personnel impliqué dans une formation en crypto-monnaies, ce qui apparaît inquiétant. Sur ces 16 personnels, 13 sont des policiers, qui sont donc épaulés par seulement trois contractuels.

Si l'exemple des crypto-monnaies est révélateur, le recrutement de contractuels spécialisés apparait nécessaire dans de nombreux autres domaines techniques : téléphonie, analyse de la donnée ( data scientists ), informatique, etc .

Le recrutement de contractuels spécialisés doit ainsi faire l'objet d'une stratégie globale consistant à reconnaître sa nécessité, en dépit de la qualité et des compétences certaines des policiers, et à mettre en place les conditions de sa réussite. Celle-ci doit passer notamment par un niveau de rémunération suffisant. En effet, la DCPJ se trouve dans ces domaines en concurrence avec le secteur privé et l'attractivité de la fonction policière au sein de la DCPJ ne peut pas suffire à compenser un différentiel de rémunération trop important.

En outre, la stratégie mise en place doit viser à fidéliser ces personnels qui, trop souvent, ne restent qu'un temps trop limité pour rejoindre ensuite d'autres perspectives professionnelles : outre le sujet des rémunérations, des perspectives de carrière de moyen terme doivent donc pouvoir être offertes à ces contractuels.

(c) L'enjeu de la formation continue

Outre leur formation initiale en école de police ou à l'ENSP, les personnels de la DCPJ suivent des formations continues.

La direction des ressources et des compétences de la Police nationale (DRCPN), responsable de l'UO « Formation », intégrée dans le BOP n° 1 « commandement et soutien », au sein du programme 176 de la police nationale, octroie aux directions des services actifs de la police nationale des droits de tirage sur l'enveloppe annuelle qui lui est notifiée. Ces crédits permettent à ces directions d'organiser des formations, ouvertes aux fonctionnaires affectés sur l'ensemble du territoire national.

La DCPJ disposait ainsi en 2022 d'une dotation de 400 000 euros au titre de la formation continue. Compte tenu des nombreuses spécialités de la DCPJ, l'objectif est, selon les informations recueillies par le rapporteur de « permettre à chaque fonctionnaire de police, dès son arrivée, de recevoir une formation spécialisée lui permettant d'évoluer avec efficacité dans son domaine d'activité en fonction de son affectation : constatations dans une enquête criminelle, enquête suite à un attentat, lutte contre la délinquance économique et financière, saisie des avoirs criminels, cybercriminalité, renseignement criminel, maîtrise des techniques d'intervention en opération ou réglementation dans le domaine des courses et des jeux par exemple ». En 2021, la DCPJ a ainsi organisé des sessions de formations au profit de 8 854 présents 65 ( * ) , dont une partie relève d'autres directions d'emploi que la DCPJ. En outre, 12 349 personnes présentes 66 ( * ) de la DCPJ ont été formées par d'autres directions.

Le rapporteur spécial considère que la formation constitue également un enjeu central pour la DCPJ, tant ses personnels sont amenés à traiter d'une criminalité qui évolue et se complexifie sans cesse. Il constate que le montant alloué à la DCPJ pour la formation est modeste au regard de son importance stratégique. Il souscrit en revanche à deux priorités fixées pour la formation pour ces prochaines années : le trafic de stupéfiants et la cybercriminalité.

En outre, le projet de la création d'un centre national de formation à l'investigation, pour l'ensemble de la filière investigation, est particulièrement intéressant. Il concernerait à la fois la mise en place d'une filière investigation dès l'école et d'un cursus de formation continue avec l'acquisition de compétences spécifiques.

4. Le cas de la SDLCF : une sous-direction au coeur de la criminalité du XXIe siècle mais qui souffre d'une visibilité et de moyens limités
a) Des infractions économiques et financières toujours plus nombreuses et préjudiciables et une préoccupation forte des citoyens

Depuis une vingtaine d'années et a fortiori ces dernières années, ont été observées plusieurs tendances dans le domaine de la criminalité économique et financière :

- la professionnalisation et l'internationalisation des réseaux de blanchiment utilisant de nouvelles technologies ;

- la hausse du nombre d'infractions économiques et financières et la baisse du taux d'élucidation global (police et gendarmerie nationales) ;

Évolution de 2012 à 2021 des faits constatés, des faits élucidés et des taux d'élucidation en matière d'infractions économiques et financières par les forces de sécurité

Source : sous-direction de la lutte contre la criminalité financière (SDLCF)

- la sophistication croissante de la délinquance dite astucieuse (escroqueries, abus de confiances, détournement de fonds, abus de faiblesse, etc .) ;

- une attente forte des citoyens concernant les atteintes à la probité (corruption, trafics d'influence, prise illégale d'intérêts, détournement de fonds publics, favoritisme etc.), et les infractions financières (faux, falsifications de cartes de crédit, infractions au droit des sociétés, etc .) et la fraude fiscale ;

- des réformes législatives et institutionnelles récentes durcissant le cadre juridique applicable : création de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, de l'Agence française anticorruption, du Parquet national financier, du Service d'enquêtes judiciaires des finances, etc .

b) La sous-direction de la lutte contre la criminalité financière (SDLCF) regroupe depuis 2019 les services de la DCPJ compétents dans le domaine

Dans ce contexte, à la suite de la scission, en 2019, de l'ancienne sous-direction de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière (SDLCODF), ont été mises en place, outre la sous-direction de la lutte contre la criminalité organisée (SDLCO), une sous-direction de la lutte contre la criminalité financière (SDLCF). Cette réforme visait à renforcer tant le positionnement et l'efficacité du dispositif déployé par la DCPJ en matière de prévention et de répression de la grande délinquance financière que les capacités de coordination des services centraux de la DCPJ chargés de la lutte contre les différentes formes de criminalité organisée hors champ financier.

Logo de la sous-direction de la lutte contre la criminalité financière (SDLCF)

Source : ministère de l'Intérieur

La SDLCF a pour mission la prévention et la répression des formes complexes, organisées et transnationales de la criminalité financière . La SDLCF comprend en son sein deux offices centraux :

- l'office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF), chargé d'affaires complexes et sensibles notamment en matière de lutte contre les atteintes à la probité, au financement de la vie politique et la fraude fiscale ;

- l'office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) chargé notamment de la lutte contre le blanchiment de fonds, le financement du terrorisme, les escroqueries transnationales et l'identification des avoirs criminels via la plate-forme d'identification des avoirs criminels (PIAC).

La SDLCF participe également à la lutte contre le trafic de drogue par son action ciblée contre le blanchiment de trafic de stupéfiants, la DCPJ ayant mis en place une stratégie nationale et pluridisciplinaire pour neutraliser les groupes criminels manipulant les profits très élevés du trafic international de stupéfiants en s'attaquant spécifiquement aux réseaux de collecteurs chargés d'écouler l'argent généré par le trafic.

La SDLCF s'appuie en outre sur la brigade nationale d'enquêtes économiques (BNEE) et la coordination nationale des groupes interministériels de recherche (CNGIR). De plus, la SDLCF est également composée d'une division d'appui opérationnel comprenant notamment :

- le service interministériel de renseignement et d'analyse stratégique de la criminalité financière (SIRASCO-F), notamment chargé de l'évaluation de la menace et des échanges avec Europol et Interpol ;

- la section de la preuve numérique assistant les enquêteurs dans leurs investigations informatiques et digitales ;

- la section de la formation chargée de la mise en oeuvre des stages thématiques ;

- le bureau des officiers de liaison, deux officiers de police de la SDLCF étant détachés auprès de Tracfin 67 ( * ) , au profit de l'ensemble des services de la police nationale et de la DRPJ-PP.

Organigramme de la sous-direction de la lutte contre la criminalité financière (SDLCF)

Source : ministère de l'Intérieur

Selon une logique identique aux autres domaines de compétences de la DCPJ, la DCSP prend à sa charge au sein de la police nationale les dossiers de délinquance économique et financière qui ne relèvent pas de la DCPJ et donc de la SDLCF , soit la grande masse des affaires, à savoir toutes celles qui ne sont pas d'une envergure excédant le cadre local, ne génèrent pas un préjudice très important, ne demandent pas des investigations longues ou complexes ou ne requièrent pas l'intervention d'enquêteurs spécialisés.

c) Les moyens de la SDLCF apparaissent limités

De même que s'agissant des moyens - notamment humains - de la DCSP en matière de délinquance économique et financière, dont le constat unanime est le caractère largement insuffisant face à la masse des affaires, les moyens de la SDLCF au sein de la DCPJ apparaissent limités.

En 2021, les faits traités par les services centraux et territoriaux de la SDLCF ont représenté 32 % de l'ensemble des faits traités (soit environ 4 000 faits traités) et 30 % des faits solutionnés. Or les effectifs de la SDLCF sont réduits au regard de la quantité d'affaires traitées. Selon les informations recueillies au cours de l'audition de la SDLCF à Nanterre, le nombre d'enquêteurs 68 ( * ) est de 136 au niveau central et de 415 au niveau déconcentré, soit 551 enquêteurs au total, dont un nombre significatif d'agents de la DGFIP. Au niveau central, le nombre total de personnels, dont les enquêteurs, a d'ailleurs été réduit de 199 en 2020 à 189 en 2022.

Au total, un tiers des affaires relevant de la DCPJ sont donc gérées par moins de 10 % des effectifs . En outre, la SDLCF se plaint d'une difficulté à pourvoir certains postes ouverts aux mouvements de policiers, puisque ces dernières années, il y a parfois moins de candidats que de postes ouverts. Cette situation, que l'on retrouve dans les services correspondants de la DRPJ-PP, s'explique notamment par la nécessité d'investir un domaine qui peut apparaître technique au premier abord . En outre, il n'est pas rare que les personnels partent peu de temps après être devenus pleinement opérationnels, ce qui prend en effet plusieurs années. Il est donc important de rénover la gestion des ressources humaines dans cette filière, y compris en s'appuyant sur des contractuels sur les postes ou les dossiers les plus techniques.

S'agissant des moyens matériels, s'ils sont globalement satisfaisants, des logiciels informatiques plus performants, notamment concernant l'analyse des crypto-monnaies et de la comptabilité des grandes entreprises, seraient utiles.

Le rapporteur spécial constate certes que, pour ce qui concerne les enjeux opérationnels, le taux d'élucidation moyen des affaires par la SDLCF est élevé, à 87,3% en 2021 (contre 26,7 % pour l'ensemble de police nationale, 19,8 % pour la préfecture de police et 34,6 % pour la gendarmerie nationale). Néanmoins, en premier lieu, ce taux n'est pas homogène puisque le taux d'élucidation de l'OCRGDF est plus faible, à 70 % ; il convient d'ailleurs de noter que ses effectifs sont passés de 90 en 2020 à 68 en 2022. En outre, le nombre d'affaires en stock dans l'ensemble des services de la SDLCF augmente : de 5 083 en 2019, elles sont de 6 161 à fin juin 2022.

Par ailleurs, les deux offices centraux de la SDLCF semblent peiner, avec leurs moyens limités et une charge de travail importante, à mettre en oeuvre les rôles stratégiques d'un office central : la coordination stratégique de l'ensemble de la filière d'investigation dans leurs domaines de compétences, un soutien aux services de la DCSP et de la gendarmerie nationale, un rôle d'impulsion, etc . En outre, son caractère interministériel semble être remis en cause par ce que la DGPN qualifie, dans ses réponses au questionnaire du rapporteur spécial, de « désengagement certain de la gendarmerie » au sein de la SDLCF.

Les exemples contrastés de l'OFAST et des deux offices de la SDLCF témoignent finalement du fait que la mise en place d'un office ne garantit pas le succès de ses missions, en particulier s'agissant de son rôle de coordination et d'impulsion de l'action de l'ensemble des services d'investigation dans leurs domaines. Le rapporteur spécial remarque d'ailleurs que si l'OFAST peut être posé en exemple, c'est sans doute surtout avant tout parce qu'il dispose d'un statut, d'une légitimité de chef de file et de moyens dont tous les offices ne disposent pas. Or, si la lutte contre le trafic de stupéfiants doit indéniablement constituer une priorité centrale de la DCPJ, il convient également, à partir du moment où il a été jugé nécessaire de créer un office, de lui donner les moyens d'accomplir ses missions essentielles.


* 55 Projet annuel de performance, Projet de loi de finances pour 2023, Mission « Sécurités ».

* 56 Pour ce faire, l'IMSI-catcher simule le fonctionnement d'une antenne-relais en s'intercalant entre le réseau de l'opérateur de téléphonie et le matériel surveillé.

* 57 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

* 58 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

* 59 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

* 60 Les personnels actifs de la police nationale sont répartis en 3 corps : le corps de conception et de direction (commissaires de police), le corps de commandement (officiers de police) et le corps d'encadrement et d'application (gardiens de la paix).

* 61 Soit en raison d'une note insuffisante à l'issue du premier module de formation de 4 semaines, soit en raison d'un échec à l'examen à l'issue du second module.

* 62 Voir infra .

* 63 13 relèvent de la sous-direction de la lutte contre la cybercriminalité (SDLC), 1 de la sous-direction de la lutte contre la criminalité financière (SDLCF) et 2 du service central des courses et des jeux (SCCJ).

* 64 La typologie policière distingue 3 niveaux croissants : « tracing initié », « tracing » et « tracing demixing ».

* 65 Un personnel peut être présent à plusieurs formations.

* 66 Idem .

* 67 Service de renseignement français chargé de la lutte contre le blanchiment d'argent, le financement du terrorisme mais aussi contre la fraude fiscale, sociale et douanière.

* 68 Une part des personnels de la SDLCF ne relève pas de la fonction d'enquêteur : personnels administratifs, techniques, etc .

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